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croire ce que vous voyez, je vais vous donner un signa
auquel vous reconnaitrez la vérité : Aujourd’hui meme
est passé a la vie bienheureuse le grand serviteur do
Dieu Jean de Nivelle, chanoine de Liége, lequel, ayant
été toute sa vie le bienfaiteur dévoud des pauvees, qu'il
secourait par d’abondantes aumdnes et par les consola+
tions du cour, a encore, aprés sa mort, obtenu de Dieu
la grace de faire du bien aux Ames du purgatoire, dont
il a délivré un grand nombre. Car, tandis que les anges
le portaient dans la ccleste Jérusalem, il a apergu les
malhcureuses ames souffrantes, au milieu des flammes
expiatoires, et parmi elles beaucoup de ceux qu'il avait
convertis & la pénitence; alors il s'est adressé 4 la divine
miséricorde, au nom des mériles de Jésus-Cinist 5 ila
élé exaucé lout aussitdt, ct une multitude de ces captifs, '
délivrés & instant, se sont joints au corlége de leur
bienfaiteur. J'ai été de cette troupe privilégiée. Mais,
avant de monter od mon Dieu m'appelle pour me cou-
ronner, il m’a été accordé de venir 4 vous, de vous
témoigner ma gratitude, puisque ce sont vos paroles
bénies qui m’ont éelairée, et que vous avez eu souvenir:
de moi dans vos oraisons. » ‘
Dés que la vision cut disparu, le pére s’empressa
décrire a Liége, et il regut des chanoines assurance
que ce jour-la méme, & Pheure od il avait vu ct en-
tendu, le vénérable Jean avait quitté ce monde.
Voyez donc, conclut ici 'historien qui rapporle ce
trait, voyez de quelle gloire sont jugés dignes ceux qui
emploicnt Je temps de leur existence 4 travailler au salut
du prochain! ,
(V. ‘Thomas de Catimpré, dpum, tiv. Hy chap.
31, 5.)
M.D.(Pos
WS y oXV® MERVEILLE.
a eae ceemeeteeeeereeme eee
.
XVe MERVEILLE,
» EA PEINE TRANSFEREE D’UN DEFUNT A UN VIVANT.
Condemnat justus mortuns vivos Smpios s
‘ Le juste condanmne du fond de sor stputere
lus Imples qui vivent encore, (Sap, tv, 16,)
On raconte qu'un chasseur laissa & son fils, en mou-
tant, trois excellents faucons, lui recommandant d’en
conserver deux pour lui et de vendre Io troisiéme, afin
en donner fe prix aux pauvres pour l'ame de son parc.
Le.fils.voulut choisir les deux meilleurs et réserver l'au-
tre pour l'aymone. Mais pendant qu'il les éprouve,
loiseau réservé s’échappe de ses mains ct vole de tonte
sa force. Il le rappelle, le siffle de toutes les manidres,
mais inulilement; ce que voyant, il dit tranquillement :
« Va pour l’'ame de mon pére I»
Vrai ou non, ce qui n'est quo trop exact c'est la con-
duite de. bien des enfants & V'égard de leurs parents
morts. Thomas de Catimpré nous offre encore ici une
lecon que je lui emprunte.
Pendant les guerres de Charlemagne, un valeareux
soldat avait servi, de longues années dans des charges
importantes et honorables. Sa vie avait été celle d'un
chretien;.content de sa paie, il s'interdisait tout acte
de violence et de rapine, et le tumulte des camps ne
l'éloigoait d’aucun de ses devoirs essentiels. Toutefois,
il lait tombé fréquemment dans quantité de petites> a
fautes ordinaires aux gens de ss profession. Tl avail
vicilli sous le drapeau, et était arrive ainsi 4 un age
trés-avancé. La maladie mortelle le vint visiter. Alors
il appela auprés de son Jit un neveu orphelin, dont il
stétait fait le pore, et il lui dit : «Je n'ai aucun bien &
te K¢guer, mon fils ; le testament que je pourrais faire
n'aurait pour objct que mes armes cb mon cheval. Je
te recommande, je te prie instamment, lorsque j'aurai
rendu mon ame & Dinu, de vendre cet aniwal, et lary
gent. qui en reviendra tu lo distribueras 4 des prdttes
ct aux pauvres, alin que les premiers offrent pour mot
Je divin sacrifice ct que les aulres ie secourent dv leurs
prigres. » .
Le neveu, touche de lascéne qu'il avail sous les yeux,
promit avec serment d'accomplir aussitot cette dernigro
volonté. Dés qu'il vit-son onele expiré, il prit le cheval
avec tous ses harnaiset‘émmena. Celle béte était bonne
et belle; elle lui plut dés labord. Il commenga par
s'ep servir pour quelyues petits voyuges, ct, en etanl
encore plus salisfait, il ne pensait pas 4 s'en priver de"
si Lot; soit qu'il ne se crat point obligé Wexéculer aussi’
promplement sa prom suit parce qu'il estinait
qu'il lui élait loisible Wintervertir Vordre et de consa-
crer @ faumdne te prix des armes a la place de celui |
do cheval, quoiga’l {Qt tres-inférienr 5 soit lout autre
motif qu'il est inutile de rechercher. En tardant ainsi!
de jour en jour, de semaine en semaine, de mois en
mois, il finit par éloulfer les ré amations de sa con-—
science et les remords qui oe manquaieul pas de Tagi- |
ter; en sorte qu'il oublia entiérement sun parent et sun
hienfaiteur, et se conduisit comme s'il ue Pavait point
connu, eb comme s'il ne lui restail ricn de lu.
XV° MERVEILLE.SLY
56 XV° MERVEILLE.
il y avait six mois que cela durait, lorsqu’un matin
Je défunt lui apparait et lui adresse les plus amer:
Yeproches. « Malheureux! lui dit-il, ta n’as eu aucun
soin de faire pour l'dme de ton oncle ce a quoi tu tétais
' engagé a son lit de mort! ct 4 cause de ton infiddlité,
de ton coeur plus dur que la pierre, i m’a fallu endurer
des supplices inexprimables dans le purgatoire. Que te
+ dirai-je pour te punir? Maintenant Drev a eu pilié de
moi, il a pris en considération mes souffrances; mon
Ame sort de sa prison et monte au glorieux s¢jour.
Mais toi, par un juste jugement, tu ne tarderas pas 4
mourir, et ton ame ira au méme licu pour souffrir 4
ma place autant do temps qu'il m'en restait & faire sila
divine mistricorde n'avait usé envers moi d'indulgence;
et cela outre le temps réservé a tes propres fautes. » A
ces mots, il disparut.
Les choses se passérent comine il I'avait prédit. Bien
peu de temps aprés, ce jeune homme tombe gravement
malade : il appelle promptement un prétre, se confesse
avec larmes et raconte sa vision. [1 lavait & peine finic,
qu'il expire, allant sans doute accomplir la seconde
partie de ce qui lui avait été annoncé, ct souffrir dans
le purgatoire les tourments dont il n'avait pas délivré
son oncle.
Apprenez de 1a, ajoute Vhistorien que nous copions,
combien une telle ingralitnde déplait au Seigucur, ct a
quel point il se montre sévére & légard des enfants ov
des parents qui manquent au saint devoir de la recon-
naissance. Comment perdre le souvenir de ceux qui
nous ont fait du bien, qui nous ont aids et que nous
pouvons si fucilement soulager?
(V. Thomas de Catimpré, Apum, liv. n, ch. 53,
bh. 25,‘ XNVIS MERVEFLLE.
wee eee
XVIe MERVEILLE.
CEST SE DELIVRER SU-MEMB QUS DE SECOURIR
LES AMES DU PURGATOIRE,
Reatus qui intelligit super eqenun et pau-
perem! indie maid liberabit enm Dominus ¢
Bienheureux celui quia Vintelligence des
hesoins du pauvre ! au jour mauvais Diea
Te detivrera, (Ps. xty 2+)
Co ne sont pas sculement les saints docteurs, c'est
l'Eglise clle-méme qui, dans son oflice des morts, ap-
plique a Ja miséricorde envers les défunts le passage des
psaumes que nous venons de citer. Ces pauvres Ames
sont en effet les plus indigentes, les plus dignes de com-
passion, pnisqu’elles no peuvent rien pour clles-inémes.
Elles réclament avec inslance nos sulfrages, nous pro-
mettant d'ailleurs qu’elles s'acquilteront envers nous *
avec usure dés qu’elles pourront le faire. Nous avons
rapporté plusicurs trails de cette reconnaissance : en
voici un nouveau. ,
Guillaume Freyssen, fameux libraire de Cologne,
apras avoir obtenu du Ciel deux graces signaltes, en
Tan 1649, écrivit au R. P. Jacques Montfort, de la
Compagnie de Jésus, grand promotour de celle dévotion
par son précieux livre De imisericordia fidelibus defunc-
tis ehibendd, une Iellre que veus donnons dans son
entier :ion 53 XV" MENVEILLE.
« Je vous éeris, mon Pere, poor vous faire part de
[a double ct miracnteuse gucrison de mon fils et de
moa femme. Pendant les jours de féle of ma maison
6tait fermée, je me suis mis a liro Io livre dont vous
maviez confié l'iimpression, touchant lo zale envers les
Ames du purgatoiro. J’étais encore occupé d celle lec-
ture, ‘lorsqu’on vint m‘avertir que mon petit enfant,
do quatre ans, éprouvait les premicres alteintes d'une
maladie singulidre, laquelle s'aggrava rapidement et
le mit en danger de la vie. Les médccins en désespé-
raient, et déja on faisait par avance Jes préparatifs des
funérailles. La pensée me vint que je pourrais peut-
élre le sauver en faisant un voou en faveur des dmes du
purgatoire. De bon matin donc je me rends a l’église,
et je supplie avee une grande ferveur le Bon-Dieu de
mexaucer, m’engageant par vou a distribuer gratui-
tement cent exemplaires du livre qui apprend a s‘inté-
resser aux membres de I'Eglise souffrante, et de les
donner & des ecclésiastiyues et a des religieux, afin
qu'ils s'acquittassent avec plus de fruit des pratiques
qui y sont enseignées.
» J’étais plein d’espérance. Quand je rentraia la mai-
son, je trouvai mon fils en meilleur état; il demandait
d¢ja de la nourriture, quoique depuis plusicurs jours il
he pat avaler méine une goutte de liquide. Le lende-
main il était parfaitement guéri; il s¢ leva, sortit pour
Ja promenade et mangea comme s'il n’avait jamais souf-
fert. Pénétré de gratitude, je n’eus rien de plus pressé
que d'accomplir ma promesso. J’allai au college de la
Compagnie, je priai les Pares d'accepter de louvrage
antant d’exemplaires qu’ils voudraient, et de bien von-
loir distribues eux-mémes les autres aux ordres reli-