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M@ CHAPITRE 10 Adopter un postulat de cohérence ANS nos recherches sur la violence, nous avons pu observer tout Lintérét de postuler que l'autre, les autres sont cohérents plutot qu'absurdes, et de le leur faire savoir. Ce postulat véhicule en effet une acceptation inconditionnelle de la personne qui permet 4 celui qui l’entend de se sentir accepté et sécurisé dans son étre profond. Nous l’avons énoncé ainsi: « Chacun a des “bonnes” raisons, des raisons réelles, legitimes et valables de ressentir ce qu’il ressent, de penser ce qu’il pense, de dire ce qu’il dit et de faire ce qu'il fait. » Cette position de principe n’est pas démontrable mais elle refléte la cohérence dans le temps: la complexification de l'univers depuis ses debuts, il y a plus de 13 milliards d’années, les équilibres au sein de Ja biosphére et les millions de régulations biochimiques nerveuses et hormonales qui, 4 V'intérieur de chacun de nous, produisent et entretiennent la vie. Pourquoi alors postuler que |’étre humain dans son fonctionnement serait moins cohérent que l'univers qui l’a produit ? Ceux qui le font ont sans doute eux aussi de bonnes raisons, les livres qui consignent histoire des humains font réguli¢rement état des événements tragiques, guerres, exterminations, esclavagismes..., qui balisent les poques passées. Et les actualités d’aujourd’hui ne semblent 106 VERS UN NOUVEAU PARADIGME EDUCATIF pas montrer que cela s’est arrété méme si, aprés les guerres, on s’est dit collectivement qu’on avait compris et qu’on ne recommencerait plus. Le postulat de cohérence concerne également notre cerveau. Les éléves en difficulté soupgonnent souvent le leur d’étre 4 l’origine de leurs deboires 4 l’école, négligeant ou ignorant les prouesses dont leur cerveau est capable. Il peut se réparer, se modifier rapidement apres les apprentissages, permettre d’apprendre une langue maternelle en deux ou trois ans... Mes années de recherche en neurosciences sur la plasticité ont renforcé bien stir cette conviction. En méme temps, elles m’ont présenté le cerveau comme un < serviteur fidéle » qui exécute les tiches qu’on lui donne, telles que réaliser des gestes précis, effectuer des calculs tout en assurant la regulation automatique de la digestion, de la respiration et de l'excrétion des déchets. Mais, en tant que serviteur fideéle, il ne fait qu’exécuter les instructions que chacun lui donne consciemment ou non comme pilote. Par exemple, si nous voyons "homme politique que nous détestons A la télévision, notre cerveau va stimuler toutes les fonctions nous permettant de l’o. muscles). Inversement, ‘il s’agit de Petre aimé, sérotonine, ocytocine, dopamine et autres neuromédiateurs associés 4 ?amour et au plaisir vont etre sécrétés. Il en est de méme lorsque devant le miroir nous dirigeons notre attention vers ce que nous avons interprété comme des défauts ou, au contraire, vers ce que nous jugeons étre des qualités. Quelques minutes ire (libération de l’adrénaline et du sucre vers les de ce traitement nous amenent 4 ressentir les affres de la dépression ou, au contraire, la joie d’étre vivant avec le sentiment de gratitude qui laccompagne. Si le cerveau est innocenté, alors il faut plutot aller chercher du coté du donneur d’ordre. Qui est ce « pilote » et comment se débrouille-t-il pour nous faire percevoir certains étres humains comme des ennemis et d’autres comme Adopter un postulat de cohérence des amis ? Et le faire ¢galement envers nous-mémes si, comme moi, vous avez remarqué que l'on s’aime bien certains jours et pas d’autres ! Si nous avons de « bonnes » raisons d’aimer ou de détester, je propose sans plus tarder d’examiner comment nous percevons, pensons et ressentons. Se pourrait-il que notre activité de percevoir, de penser et de ressentir dépende de notre mode de traitement de l'information dogmatique ou non dogmatique ? Si oui alors comment nos différentes motivations (sécurisation, innovation, addiction, comme on le verra plus loin) s’emparent-elles de ces modes de fonctionnement ? La proposition d’adopter le postulat de cohérence nous améne donc A penser que nous sommes « bien foutus » au niveau du cerveau ou du au niveau du software, de notre langage, de nos mots, de «nos heuristiques embarquées' », de Péducation au sens large, Porigine de ces comportements absurdes qui nous améne réguligrement, nous les humains, 4 nous entre-tuer pour des idées hardware mais 4 chercher ailleu devenues des certitudes. 1. Formulation du formateur Sylvain Delarue pour désigner les automatismes intellec- tuels de perception du monde et done de la reconstruction de la réalité

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