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Filigrane Ecoutes psychothérapiques filigrane La disparition du pére : de ’affaissement du symbolique a Vangoisse du réel Pascale Roger (Qurest a psychanalyse devenue ? Volume 23, numéro 1, printemps 2014 URI: hups:id.erudit orgiderudiyt026078ar DOT: https:/dok.org/10.7202/1026078ar aller au sommaire du numéro Eaiteurts) Revue Santé mentale au Québec Issn 192.1412 dmprimo) 1911-4656 (numérique) Découvrir la revue iter cet article Roger, . 2014. La dspaition da pre deatfassement du symbolique& angoisse du rél Filgrane, 250), 67-82 hpsdolorgit0 12021026078 “Tous droit réservis © Santé mentale au Québee, 2014 Résumé de Vartile La symbolisslon esta conséquence d'un fai anthropologique:lapaternité ‘est pas une certinde spontanée le est produte pa la penste, fontralrement la materita qui sneer dans Pexperience sensible. Le «pare fe Oedipe » west done aie «hon édueateu » new chet mae elu qu ‘rend sons comme pére pourTenfant tle fait enter danse regisire dela ‘gnlicaton et du langage enyincorporant edi tan. Le decline a onaion paternell ou son absence engendre a producon achaique de = pére dmaginaire» mais cuss ia dtresse dun psyehisie orpheli i,q ne pouvant pis compter que sur lu-méme, se trouve meurt du deans para pulson comme du dehors parle rel Ce tat, associe absence de irs el Joulssance sans lite entetenes pale socal conditionnel formes perverses de toutespuissance et devslenc,vénitables defenses contee a ayehose ‘ce document est protégé pr lao sure dro auteur. Lussaion des Services rudy compris la reproduction est sree sa pllique ‘utisaton que vous pouvez consuter en ligne epsfapropos erudit orgirfsagerspolitique-dutisation érudit ‘cet ate et itso préservé par Eruat 8 pour mission Isp por rua ong La disparition du pére: de l'affaissement du symbolique a V'angoisse du réel Pascale Roger La symbolisation est la conséquence d'un fait anthropologique: la pa nité n’est pas une certitude spontanée, elle est produite par la pensée, contrairement & la maternité qui s‘inscrit dans lexpérience sensible. Le pare de 'Edipe» n’est done nile «bon éducatour® ni le «chet», mais celui qui prend sens comme pére pour enfant, etle fait entrer dans le ragistre de la signification et du langage en y incorporant le désir et la loi. Le déctin de la fonction paternelle ou son absence engendre la pro- duction archaique de « pére imaginaire » mais aussi la détresse d' chisme orpholin a vif, qui, ne pouvant plus compter que sur lu se trouve meurtri du dedans par la pulsion comme du dehors parle réel. Cot état, associé a 'absence de tiers et la jouissance sans limite entre- ‘tenues par le social, conditionne les formes perverses de toute-puis- sance et de violence, véritables défenses contre la psychose, Lalune es-ellehabitée,Pastronomele sit avec Apeu présautant de sblité qui sit qui était son pere, mais pas aussi assurément quil sit quia été ra mire. Ce fut un grand progres dela culture lorequeles hommes se résoluzent&pla- cer Tinteférence cite du temoignage des sens 114 patter da droit maternel au droit paternel, Fazun, 19094, 201 Si, pour avoir un pare, i faut Ia parole d'une femme et le consentement dsm homme, nous avanceronsquil faut aus la reconnaissance de Ja fonction du pére par le soca Luau, 2002, 50 La symbolisation : un fait anthropologique Pour la théorie psychanalytique,la loi instaure un ordre symbolique, qui préexiste au sujet infantile, et selon lequel il va lui falloir se structurer. Le fon- dement de cette loi, son socle, est constitué par les interdits de 'inceste et du 68 Firane, printemps 2016 meurtre. Flle est transmise par ce que Jacques Lacan a nommé, en référence aux trois registres’ (le symbolique, limaginaire, le réel), le « pere symbo- lique» qui doit donc étre distingué du «pére réel» (le géniteur) et du «pére imaginaire». Le pére symbolique posséde une fonction structurante en tant quil nomme linterdiction cedipienne et demande a enfant de renoncer ala mére, Mélanie Klein souligne limportance capitale du complexe d'CEdipe dont dépendent les problémes caractériels de «la déformation légerement névrotique jusqu'a la déformation criminelle» (Klein, 1989, 212). Jean Bergeret explique que notre époque «avec son atmosphére cedipienne deve- nue quelque peu raréfiée» appelle plus que jamais la consideration des «fon- dements violents non intégrés sous le primat du génital» et produits «avant la mise en action de la triangulation cedipienne » ou lorsque «la triangulation, cedipienne se trouve entravée » (Bergeret, 1984, 13). Le pére transmet ordre symbolique & son enfant grace au processus de pensée fondé sur le langage. Mais ce processus ne peut avoir lieu sans une dlaboration psychique fondamentale, qui est lige l'incertitude méme de la paternité. En effet, ce doute va provoquer un questionnement inaugural débouchant sur la construction intellectuelle du pére dans la psyché de 'en- fant. Cette symbolisation® portée par le pére, nommée « fonction paternelle » par la psychanalyse, ne provient d’aucune position politique ou religicuse (défense du patriarcat) ou d'aucune autorité supérieure par principe ou par choix. Elle doit étre entendue comme la conséquence d’une donnée anthro- pologique: la paternité n’est pas une certitude charnelle et spontanée, elle demande a étre appréhendée par la pensée et le langage alors que la mater- nité 'inserit d’abord dans Pexpérience sensible. C’est pourquoi, il ne faut pas confondre Pordre anthropologique (la fonction’ du pére ou la « fonction paternelle») avec ordre éducatif (le «réle du pére» dans la famille et la société) et Vordte social ou politique (la «fonction patriarcale»). Le «pre symbolique le «pére de 'Edipe », n’est donc ni le «bon éducateur» ni le «chef, maisil est celui qui prend sens comme pére pour enfant, et de ce fait Vintroduit dans le registre de la signification et du langage en y incorporant le désir tla loi, A notre époque ot il est infiniment plus facile, grace aux tests génétiques, d’acquérir une certitude sur sa paternité, celle-ci reste évidem- ‘ment le produit d'une démarche volontariste et intellectuelle. Sila paternité moderne est sortie définitivement de la sphéze de Phypothétique pour entrer, instar de la maternité, dans celle de Virrécusable, elle n’en devient pas pour autant une connaissance charnelle lige & une perception immeédiate. Elle reste de toute fagon a produire, C'est précisément cette non-immeédiateté, cette Ls anpatiion du pire: de Fafelasement du symboliquedFengoisse durée! 69) absence de « savoir» naturel et fusionnel chez enfant qui, pour Freud, fonde importance de Pordre intellectuel et spirituel [...] ce tournant effectué de la mére vers le pére désigne en outre une vie Coie de la spiritualité sur la sensorialité, done un progrés culture, carla amaternité est attestée par Ie témoignage des sens, alors que la paternité est tune hypothése édifige sur une déduction et un présupposé. Le parti pris Alever le processus de pensée au-dessus dele perception sensorielle 'avére etre un pas lourd de conséquences. (Freud, 1939a, 192) Ltablissement du registre symbolique, comprenant la pensée le langage et la loi (de nature anthropologique et non politique) transmis par le pere, étant capital pour la culture — sans étre infallible comme en témoigne I'exis- tence des névroses et des psychoses — la question est alors de savoir ce que devient «Tefficacité symbolique » (Lévi-Strauss, 1958, 223) si la fonction paternelle s affaiblit ou disparait, ou si lle tend a ne plus se distinguer de la fonction maternelle. Notre propos n'est pas de faire V'historique ou de discu- ter dans le détail de la transformation de l'imago paternelle et du déclin du patriarcat, provogués la fois par les moeurs et la juridiction, et deja mis en évidence par Freud, Lacan et plusieurs contemporains, mais d’en montrer les conséquences sur le plan symbolique. Que devient inscription dea fone- tion paternelle dans Vinconscient lorsque le géniteur est absent ou défaillant? Quelles sont les conséquences psychiques et sociales d'un affaiblissement, voire une disparition de la fonction paternelle? Est-ce qu'une autre entité que le péze peut amener A une symbolisation aussi prégnante que celle produite par celui-ci? Si existence et la présence du pére ne garantissent siixement pas le travail de symbolisation, comme le montre en général la psychanalyse, ets cifiquement le cas de Thomme aux loups, il est en revanche pas possible d'en déduire ipso facto la totale autonomie du «pére symbolique » par rapport au «pire réel» et doncla remise en question du « pére réel » comme agent le plus évident de la castration symbolique. Concernant le pére, la disjonction entre xéel, imaginaire et symbolique, bien quiutile sur un plan théorique, s'avere problématique dans la réalité du sujet parce que non dénuée d’effets cliniques. Labsence de pare: « pare imaginaire » et angoisse du réel Dans l'article «Le déclin du pire », Markos Zafiropoulos défend V'idée selon laquelle la these de Vaffaiblissement des structures familiales et de imago paternelle qui « soutient aujourd’hui encore nombre de démarches 70. Firane, pintemps 2016 psychanalytiques comme bon nombre d’élaborations sur le post modernisme [...]» (Zafiropoulos, 2002, 12-13), est le signe d’une nostalgie du pére (Vatersensucht), un appel au pére, entrainant une « orthopédie du pére » et «relangant la face la plus morbide du divin ». I critique alors ce qu'il nomme «appel au pére» [...] Le danger socio-clinique de appel au pére réside trés exactement dans leretour forcené dea bonasse paternelle assurant la paix pour les fidéles de la méme église, mais aussi et da méme mouvement les massacres de masse des fides de toutes les autres religions. (Zafiropoulos, 2003, 163) Alors que la these de 'affaiblissement des structures familiales peut étre analysée a opposé comme une justification d'une société sans pire devenu tun nouvel idéal puissant, i faut interroger la pertinence de cette analyse. Car de quel pére et de quel appel s'agit-il ici? V'aticle de Matkos Zafiropoulos produit précisément une confusion. Tout en insistant sur inscription sub- jective de la fonction paternelle V'article fait paradoxalement un amalgame ficheux. Il faut distinguer plusieurs appels: celui qui est inconscient et qui concerne notamment le « pére imaginaire », et un autre d’ordre intellectuel qui émerge face & une transformation sociale et en questionne les consé- quences psychiques et sociales. Le premier peut déboucher sur une organi- sation religieuse ou politique possiblement tyrannique, alors que le deuxiéme, se nourrissant dune observation lucide, en constitue précisément le meil- eur rempart, Ainsi, la reconnaissance psychanalytique et sociale de Pimpor- tance du pare cedipien, qui plus est dans un contexte qui tend a évacuer celui-ci, ne devrait pas étre assimilée a une demande de pére inconsciente alimentant le «pére imaginaire ». Cette assimilation ressemble ailleurs moins & une réflexion scientifique qu’ une psychanalyse sauvage du social cherchant peut-étre a masquer des positions politiques La théorie du videge du pére comme de la fonction symbolique dans nos sociétés reléve plus de la nostalgie du pire et done du symptéme névro. Lique que d'une découverte scientifique. (Zafiropoulos, 2007, 1-2) Par ailleurs, cee affirmation qui attribue au corps social, parle iais de théories qu'il produit, un sympt6me, et sous-entend donc un « inconscient collectif», ne peut entrer en correspondance avec la théorie freudienne. En effet, si celle-ci s'intéresse & la dimension collective ou sociale de l'incons- Ls anpation du pre: deFafelasemant du symbolique dFangoisse du réet 71 cient ainsi qu’aux prédispositions inconscientes du lien social ou de Pinsti- tution, elle ne le fait pas en utilisant cette entité autonome quest le concept jungien d’«inconscient collectif. Quoi qu'il en soit, !émergence au plan de la conscience n'est-il pas le meilleur chemin pour stopper une trajectoire sou- terraine et possiblement pathogéne ? Liexpression « appel au pére », que 'au- teur de Particle sort de son contexte, ne semble donc pas la plus appropriée pour décrire une réflexion lucide et rationnelle ou des théories sociales en rapport avec des transformations profondes de la société qui montre une dis- parition du pére cedipien. En revanche, au niveau inconscient, il n’est plus démontrer que le déclin de la fonction paternelle laisse le champ libre a la production inconsciente massive de «pére imaginaire' >. Plus le pére est absent ou défaillant, plus la demande d’un substitut paternel est forte, lige & des images fantasmatiques et attachée & lautoritarisme ou a une position de domination. La disparition du pare réel peut donc entrainer non seulement ‘une perte ou une absence de symbolique mais surtout lenvahissement d'un pre fantasmé qui dans la réalité posséde le visage du maitre (ou d’un dieu), du chef dont l'autorité, voire la tyrannie, peut étre recherchée comme pal- liatif, ou méme projetée dans une dynamique paranoiaque. Cette recherche d'un pére imaginaire, véritable contenu d'un roman familial, survient égale- ‘ment au moment méme oi Penfant découvre que son pére n’est pas aussi parfait qulle pensait, par exemple en le comparant a d'autres hommes de la société. Crest donc la que réside précisément le véritable «appel au pére » (Vatersehnsucht) névrotique, tel quill a été formulé par Freud: appel au pére ‘qui nait précisément d'un manque ou d'une frustration et se nourrit de toutes les formes de « pére imaginaire», du meilleur au plus cruel, mais qui a pew a voir avec le pire symbolique ou cedipien. Dans cette configuration, toutes les dérives sont possibles tant au niveau psychique qu’au niveau politique, Car le déclin du pére ne produit pas seu- Iement un affaissement (ou une disparition) du symbolique mais bien, face a Panarchie pulsionnelle, activation réactionnelle d'un surmoi exigeant, voire particuligrement cruel et tyrannique, quand un pére imaginaire féroce prend la place du pére réel et du pére symbolique. Quand le symbolique défaille, le manque et le trop convergent, 3 limage du pire féroce et du pere humilié qui se font miroir, ceci illustrant Papport de Freud concernant la symétrie du surmoi et du ga dans leur cruauté*, C’est pourquoi, Ie déni oula non-reconnaissance de la disparition de la fonction paternelle, et donc V'ab- sence de symbolisation et de verbalisation de cette réalité, entraine un « appel au pére» archaique fondé sur une nostalgie trompeuse et angoissée. Cet appel 72. Firane, pintemps 2016 souvent inconscient, accompagne Panarchie pulsionnelle et produit une xésurgence surmoique démesurée sur le plan psychique, qui trouve une pro- ongation dans le caractére autoritare, fasciste ou totalitaire dans la sphere collective et politique. Dans son roman autobiographigque Ramon, Dominique Fernandez (2010, 64-54, 89, 90, 109) montre comment son propre pére Ramon, un intellectuel de gauche, est devenu communiste puis fasciste et collaborateur adhérant aux theses nazies, par un transfert dans sa vie politique des manques provenant de son éducation familiale qu'il quali- fie de « despotisme maternel ». Tout au long du roman, il ne cesse de mettre en évidence cette quéte du pére inassouvie, conséquence directe du régime matriarcal dans lequel Ramon a été élevé, de la défaillance de son propre pete a assumer sa fonction paternelle, puis de la perte de celui-ci qui le laissa orphelin, Malgré 'autorité maternelle, aucun ordre symbolique ne semble pouvoir s laborer dans la psyché de Ramon qui passe sa vie & rechercher le chef et le guide dans ce qu'ils possddent de plus autoritaire. ‘Ainsi, i ny a aucun danger a une réflexion consciente sur la disparition de la fonction paternelle et «le retour forcené de Ia bonasse paternelle » ne peut pas en étre la consequence, bien au contraire. Par ailleurs en transmet- tant le symbolique, le «pére réel » permet aussi un contournement puissant dePangoisse du réel et une régulation psychique. En jouant ala fois lerdle de Campon et de dérivatif il dispense au sujet d'etre meurtri par le réel, comme Cest le cas dans la psychose, et il évite au psychisme l'envahissement pul- sionnel névrotique. U'angoisse de castration a donc paradoxalement une fonction de protection contre l'angoisse de mort, Dans sa mise en rapport des étapes de développement de lhumanité et des régressions névrotiques, Freud explique que le réel est premier et précéde a relation au pere qui vien- dra finalement dans un deuxitme temps « divertir» Thomme de 'horreur du réel, Cest-a-dire détourner de Vangoisse du réel en transformant celle-ci en angoisse de castration est possible que la nature égoistement jalouse et sans égards que nous attribuons, daprés des considérations de la peychologie des peuples, au pére originaire de la horde humaine, n at pas été présente des le début, mais soit fasonnée au cours des pénibles temps glaciaires, comme résultat de Padap- tation Ala rigueur, (Freud, 1915, 295) Ajoutons que pour Freud’, l'angoisse de mort et 'angoisse de castration procédent d'un mécanisme analogique qui est le sentiment d'abandon dela part d’une instance protectrice (Dieu, le pére, le surmoi). Le surmoi assure donc la protection de l'appareil psychique des dangers externes comme internes, comme en témoignent les deux étapes de sa construction :le dépas- sement de langoisse du rée! lors de Videntification au pére par idéalisation, puis la métabolisation de la cruauté originaire (amoralisme de la poussée pulsionnelle, ambivalence et désir de meurtre). La encore, une réflexion sur Te déclin du pére permet de reconnaitre, & Vorigine de cet « appel au pére» archaique, certes le manque de pire réel (ou le déclin de sa fonction), mais surtout la souffrance insupportable (accentuée dailleurs par 'athéisme), la detresse (Hilflosigkeit) d'un psychisme orphelin qui ne peut plus compter que sur lui-méme, qui tel des chairs vif wit son enveloppe déchirée ou man- quante et se trouve a la fois douloureusement meurtri du dedans par la pul- sion comme du dehors par le récl. Ainsi, quand l'angoisse de castration, liée au pére réel (voir Lacan, Séminaire VIL, 355) ne trouve plus matiére a sali- menter, cest la détresse initiale et Pangoisse du réel Iui-méme (ou angoisse de morcellement dans la psychose) qui prennent le relais:le tiers étant absent, Ie sujet, abandonné autant par son pére («pére réel») que par le surmoi («pére symbolique »), se trouve désormais seul et écartelé entre le monde et la profondeur abyssale de sa psyché. Ce qui est en jeu avec le «pire réel», ce rest donc pas les limites véhiculées par la loi (interdictions) ou Pimaginaire (restrictions, frustrations) mais tout simplement celles posées par le réel qui touchent a existence méme et donc la non-existence, cest-a-dire ala mort, Pinatteignable, le non-sens et lreprésentable, dont la pulsion de mort est le représentant métapsychologique et pulsionnel. La présence d'un pére ou un pére en chair et en os Bien que les lois de ordre symbolique soient plus larges que les lois de la famille le pare en chair et en os (leiblichen Vater), malgré toutes ses imper- fections, malgré la névrose, mais surtout grace a incertitude méme de sa nature, semble donc le support le plus opérant du Nom-du-pére et du pro- cessus de symbolisation. Car quand le pére est absent, le questionnement sur la paternité change absolument de nature. 'incertitude fondatrice, de part et autre entre le pére et enfant, qui agit symboliquement est remplacée par le questionnement identitaire et narcissique fondamental de enfant concer- nant Ia filiation : «Dot je viens? Qui je suis? Pourquoi je suis 8?» Le che- min vers la symbolisation se trouve alors entravé, voire gravement perturbé, par cette interrogation incessante de nature angoissée parce que fondée sur tune absence et une négation, La question: « Ou est mon pére?» empéche la 23 TA: Fivrane, pintemps 2016 question fondatrice du symbolique — « Cet homme, qui s'occupe de moi ou qui prétend étre mon pére, est-il bien mon pére? » — d’émerger avec toutes ses implications intellectuelles et cedipiennes. Le passage de ordre sensoriel a ordre intellectuel qui donne acces ala loi et au champ culture, est mis & ‘mal par lenvahissement de Pimaginaire et de 'angoisse. Comment l'ins- cription de la fonction paternelle dans la psyché pourrait-elle se produire sans sujet, dans a plus grande abstraction, ou par un transfert sur une entité qui n’est pas de sexe masculin? II faut bien qu'il y ait un homme devant soi, pour metire en doute, confirmer ou infirmer, la paternité, processus biolo- sgique, et donc produire la médiation indispensable entre le sujet et ordre symbolique. Quant ala mare, illui est tout fait possible d’endosser le «role du pére », Cest-a-dire par exemple d’exercer une autorité éducative efficiente ou de pratiquer avec son enfant des activités ordinairement masculines. Cependant, de par sa nature biologique, elle est incapable de porter cette «fonction paternelle », cette symbolisation. Le réel de la méze ne sera jamais le réel du pire (et vice versa), et la mére ne peut incarner du tiers dans P'un quelle forme avec enfant, et ceci quelles que soient les décisions culturelles ou politiques qui déterminent le contexte dans lequel ele vit. Ce n'est done pas parce que la fonction du pére est une fonction qui n’est pas immeédiate, qui est toujours a produire, méme pour le pére biologique, bref que le pére rest pas une essence, quil faut en déduire que le processus de symbolisation peut étre initié de facon identique par n'importe quel substitut. Pour que ce principe de tensions ait leu, il lui faut ses deux ples: l'enfant et son pére. Le pére absent, la fonction paternelle ne pourra se produire qu'a aide de prothéses symboliques, la prothése la plus efficiente étant amenée par une personne de sexe masculin, qui, sans étre le pere biologique, endosse volon- tairement le role de pére et reconnait l'enfant comme le sien. Ainsi le pére adoptif peut instaurer pendant un certain temps une symbolisation parce queen toute logique, ce pére de substitution aurait pu tout aussi bien étre le pére biologique; il en a en tout cas a capacité naturelle. Cependant quand le questionnement de l'enfant sur ses origines surgit ou interfere, il est aussi important de verbaliser la carence paternelle pour ne pas mettre en échec ce travail. La découverte que son pére adoptif n'est pas son pére biologique est aussi productrice de sens pour enfant. Cependant, quand il agit d’une institution dans laquelle enfant est placé ou qui sert de référent, on doit reconnaitre quil n'est pas transmis un ordre symbolique, tel quil est défini par la psychanalyse, mais plutot un ordre édu- catif, gal, juridique et réglementaire, ce qui est infiniment plus restrictif, voire Ls anpatiion du pire: de Fafelssement du symboliquedFengoisse durée! 75, contradictoire, en tout cas problématique. Car se confronter & la régle de (ow se mettre en régle avec) telle ou telle institution n'est pas synonyme d'accés & un ordre symbolique, mais plutot l'évitement de la dialectique de I'Gdipe, Cesta-dire du désir et de la loi Le réglement prolifére dans le interstices lassés vacants parla oi [.] En contraste de Ia loi qui édicte ce que doit le sujet, le réglement ainsi congu éaicte ce quel suet doit vouloir pour étre conforme Asa propre puizance. {.] Avecla oi, on aen a jamais fini, vu quill relance la question dece que Te sujet méme désite, Uaubaine du réglement, c'est quavec lui «on est «quite», pourvu qu'on sy conform [...] Chaque réglement eré ainsi une sone propre de ouissance, dontles «usagers» sont assurés... condition de suivre les léches! [...] 1 od alo laissait un espace entre le mangue eta satisfaction d'une dialectique powvait s embrayer,leréglement ne laisse qu'un tout ourrien, balancement binaire que anche la etre du réglement, Aa fois feagile et apodictique. (..] de cet Autte il aly a absolument rien & espérer,pusqull nenous parle nine nous connait comme sues. En conse quence, i se réduitlitéralement& om mode d'emploi (Assoun, 1985, 237, 258-239, 240,241) Les dimensions inconscientes du réglement ont tout a voir avec la per- versité et Vdéalisation de la toute-puissance. Cette modernité qui évacue le pére cedipien posséde de nombreux exemples dans a société, maisilen existe un assez emblématique, Comme on l'apprend dans un documentaire’, des violeurs peuvent se faire rembourser les dédommagements dus & leur vie~ time grice a la protection civile de assurance multirisques habitation de leurs propres parents. Cette absence de veritable réparation par la prise de conscience de Pacte et dela faute par le sujet lui-méme, cette disparition de la peine endurée permise par un réglement et de argent témoignent parfai- tement de Ia banalisation, voire de la disparition de la notion de culpablité. La symbolisation n'a pas lieu, le sujet n'a pas accés @ le Joi. La disparition du symbolique se fait au profit de la conformité au pouvoir et & ce qui est consi- déré comme la puissance, et laisse toute la place a la jouissance. Dans la société post-moderne et post-judéo-chrétienne, il est possible d’étre en regle ou conforme aux prescriptions d’une administration ou d'une institution, et, dans le méme temps, de montrer un comportement moralement inac- ceptable ou cruel. On persoit de quoi salimentent les totalitarismes ainsi que le «despotisme démocratique », tel qu'il a été conceptualisé par Tocqueville, 76. Firane, pintemps 2016 comme s'appuyant sur la rationalité. Le terme de « transgression » a désor- ais moins de sens que ceux de « contravention » ou de « redressement fis cal» compris immédiatement par tout un chacun! Le pere semble donc incontournable au développement psychique, son inscription dans ordre symbolique, a sa structuration identitaire comme aux sentiments de sécurité et de confiance en soi et dans la vie. Crest pour- quoi encouragement a ce que le pere symbolique soit porté par le pere réel (ou par un pre de substitution), et dans tous les cas par un homme, un pére en chair et en os, nest ni une incitation dogmatique a retourner a un modéle patriarcal ou conservateus, ni un appel ala restauration ou au renforcement de Vautorité, mais bien la reconnaissance de lois anthropologiques fonda- ‘mentales dont le psychisme et la société semblent ne pas pouvoir se passer sans dégat. Pour entreprendre ce travail de symbolisation l'enfant n'a pas besoin d'une autorité mais d'une présence paternelle: cest bien Ta toute la différence... La solution n'est pas d’inscrire ou de privilégier cette fonction paternelle dans la loi, mais de faire en sorte que la loi et les meeurs, portées parles grandes directions politiques et sociales, ne se retrouvent pas en porte a-faux avec cette donnée anthropologique fondamentale, voire qu’elles ne la contredisent pas carrément. La société sans pére: norme, jouissance et toute-puissance Laffaissement du symbolique encouragé par ordre social posséde de nombreuses implications au niveau individuel comme au plan collectif Léchec de I'école, a la fois par la présence de la violence et de Pagitation extrémes (les enseignants passent 90 % de leur temps & faire de la discipline ou de la négociation avec les éléves) ainsi que par le recul des savoirs et de Péducation en général, en est une des manifestations les plus prégnantes: cet échec trahit les profondes modifications qui affectent la condition subjective dans la société contemporaine et limpossibilité d’agir au nom d'un acquis symbolique implicite et commun. 'appauvrissement du langage, wire sa des- truction”, et Pinsécurité linguistique qui en ressort, sont significatifs de 'af- faissement du symbolique autant que de la difficulté de plus en plus grande de vivre, d’agir et de penser ensemble. L’évincement du pére a pour effet un contournement du désir, de la culpabilité t de la dette, qui saccompagne de Ia dialectique de la toute-puissance et du face-a-face avec le réel dont Ie déni (du réel, de la filiation, de Videntité sexuelle...) et le clivage sont les moteurs. Le tiers, Pautre autant que le langage " — celui qui par son existence pose Ala fois Pidentité du sujet et ses limites, celui par lequel sétablit le lien a Vori- gine de tout projet collectf, celui qui peut sortr le sujet de la problématique perverse caractérisée par le conflit Idéal du moi/réalité — étant en voie de disparition, les configurations de type pervers (ou limite entre névrose et psy- chose) dans lesquelles a violence, légocentrisme et 'exhibition, Pabsence ou Pexcés d’émotions dominent, rencontrent de moins en moins d’obstacles. Si on saccorde dire que «la solution perverse tend 4 escamoter l’évolution {...]lelent et douloureux processus d'identification au pére» (Chasseguet- Smirgel, 1999, 6), alors on doit admettre que la disparition du pére (réel et symbolique) favorise la condition perverse et ’émergence d’'un « monde sans autrui», La société sans pére promet au sujet un surcroit de puissance, et donc de jouissance et d/accomplissement narcissique, a condition que celui-ci accepte de faire une impasse sur son désir et sur ce qui relie celui-ci fondamentale- ment A la loi, Mais la sensation de puissance et Ia jouissance, devenus les contreparties de 'aveuglement du sujet sur Iui-méme, signent finalement et paradoxalement l'aliénation du sujet au collectif: soumission 4 limaginaire ct ideal (prédominance dela norme et dela judiciarisation, remplacement de la culpabilité par la honte), dépendance a Fobjet assurant la jouissance, constructions identitaires pathologiques (faux-self, personnalité as if, états- limites) et emprisonnement dans leurs avatars es plus toxiques et mortiferes que sont d'une part le harcélement moral ®, Pemprise et la manipulation ‘mentale comme modes de relation perverse a autte, et dautre part la dépres- sion comme mise a nu par l'effondrement des défenses perverses elles- mémes. N'y a-til pas en effet plus fragile qu’un moi, dénué de référence stable et intrapsychique, incapable de sublimer, et en perpétuelle quéte de recon- naissance sociale, de confirmation narcissique et de jouissance? Le sujet en dépression se trouve alors & un carrefour décisif ott son effondrement psy- chique semble Pnciter a « choisi » entre la névrose ou la perversion (la pre- mire étant en théorie le «négatif» de la seconde), alors que par ailleurs, la société rend la névrose de moins en moins possible précisément par Vaffais- sement des interdits ou leur changement de nature. Tout le tragique de la dépression moderne est peut-étre I, dans ce goutfre de la psychose qui hante le sujet et contre lequel il se bat inconsciemment. Si au premier abord, on est tenté de penser que le cout de V'appartenance col- lective pour le sujet, au regard de la satisfaction pulsionnelle, semble avoir diminué, il faut bien reconnaitre que le «compromis» amené par le clivage cst en réalité extrémement fragile et absolument trompeur car il ne laisse pas le sujet indemne de soutfirances et d’angoisses en recouvrant a peine 'abime 7 7B. Fiirane, pintemps 2016 de la psychose, Ainsi la conclusion n'est pas satisfaisante non seulement le coiit individuel n'a pas diminué— ila seulement changé de nature —, mais Ie coat pourla société, quant a lui, a nettement augmenté. On est passé d'une (prétendue) alignation au pére, catalyseur de névroses, & une alignation sociale bien réelle. Pour tuer le pére, encore faut-il en avoir un! Ftre vrai- ‘ment indépendant, se débarrasser du pére, ne passe pas par un simple pas de c6té, par Vévincement social de celui-c. Les malaises de la société contemporaine peuvent étre reliés 4 cet affais- sement du symbolique, ace déni della castration comme a'échec de la subli- mation qui en est corrélative, Is témoignent aussi de la prédominance de imaginaire et de lajouissance sans médiation + Lecommunautarisme (religieux, ethnique, sexuel, juridique, adminis- tratif...) se présente comme un palliatif la déréliction & T'ceuvre et & Tisolement des sujts en recherche de référents dans un monde massi- fi€ et globalisé. Cependantil ne fait que mettre en commun un objet de puissante satisfaction, Les sectes se construisant sur 'échec de la rationalisation, grace al'em- prise et la pensée magique, apportent Illusion de la protection et du Les pratiques addictives et risquées (aux drogues, & la nourriture, ala consommation, aux jeux, a autrui, au sexe...) dénient le manque et Ie Aésir qui se sont transformés en besoins avides inlassablement assou- vvis par une jouissance sans limite portée parla pulsion de mort. La violence morale et physique, trajectoire externe de la pulsion de mort, donne illusion du pouvoir et de la maftrise du réel, Mais cette idéalisation proprement délirante et mortifére, décrivant autant une « désymbolisation des interdits “> qu’une « passion de la norme», se nourrissant de dénis autant que de défis souvent inhibiteurs voire absolu- ment écrasants pour le moi (Ehrenberg, 1998, 246, 247, 249), est-elle abso- Iument nouvelle? Si les formes d’organisation sociale contemporaines en rapport avec Iaffaiblissement ou la disparition du référent paternel cedipien permettent son plein épanouissement, la métapsychologie freudienne n'a pas oublié d’en poser les fondements par la dissociation des deux fonctions sur- -moiques «idéal du moi» et « urmoi interdicteur», portant ainsi en germe ce que nous avons théorisé® comme le confit qui peut caractériser ces deux instances formant un couple, et dont est corrélatif I’échec de la sublimation. De cette dissociation entretenue et exacerbée parle social, que l'on pourrait, ‘nommer également disjonction entre le «surmoi induit parle collectif ete «surmoi cedipien », nait chez le sujet un conflit interne, un double bind, qui Pécartéle aux confins de la schizophrénie et caractérise les pathologies les plus contemporaines: d'un cdté la loi (le symbolique et les interdits) le plus souvent sous la forme de traces, et de l'autre la norme sociale (forcement relative) ¢actualisant dans un idéal collectif qui incite a la jouissance per- ‘manente chevillée & la soumission a des régles. Ainsile role de la psychanalyse n'a jamais été aussi décisif: nommer cette distorsion qui aligne le sujet pour lui réapprendre (ou apprendre) & recon- naitre la singularité de son désir, de son histoire et de sa parole, en réarticu- ant ceux-ci a ordre symbolique et au complexe d’Edipe dont l'universalité pourtant réelle, est paradoxalement remise en cause par la culture et les ima- ginaires sociaux contemporains. Ainsi, en désignant impasse narcissique et Ia jouissance sociale qui dépersonnalisent le sujet dont la perversité, la para- noia ou la phobie sont les modes dominants de relation & Pautte, au regard de toutes les tentatives de normalisation et de massification contemporaines, la psychanalyse reste absolument subversive autant que porteuse d'une dimension éthique. Elle propose un retour vers lhumain et ce qui le consti- tue en propre, la pulsion et le langage lui-méme fondé sur la nécessité vitale de faire le lien entre I'individuel et le collectif, alors que la société au coeur _méme de son progres, de son organisation politique comme de ses mecurs les plus contemporaines, en appelle a la sorte... espérons non definitive. C'est pourquoi face a ces « nouvelles maladies de ime» (Kristeva, 1993, 15-19) qui vident ou mettent mort espace psychique, face aussi cette «virtuali- sation du Nom-du-pére» devenu inopérant (Lebrun, 2002, 103), la psycha- nalyse offre un retour & soi qui tient moins de la confirmation narcissique que d'une invitation la subjectivation et aI'mergence d'une parole libre, et donc & la reconstitution d'une vie intéricure mise & mal par ’affaissement du symbolique encouragé par le champ social Pascale Roger japascale.roger@gmail.com Notes 1. Le tegstre symbolique concezne le langage qui ouvre sur a signification, I laboration conceptuelle ctl lois eli de limaginaie lit ference aux representations fondées sur les images, aux fantasmes ct a8 narciesisme. Le tél, a distinguer de I ralit, et ce qui cexiste mais qui rest pas accerible dans ea totalt€ pa le poychisme: son équivalent psy chique est Vinconscient et Ia pulsion. La référence & ces trois rgisres n'est pas incon tournable pour comprendre le processus de symboliraton et les enjeux du complexe 79 80 Fitrane, printemps 2016 i @CEdipe amenés pat la théorie feudienne, Nésnmoins, elle apporte une certaine clasté ddans ne rélesion concernant la fonction paternlle Jacques Lacan rend compte de la psychose partir d'un échec dea symbolisation quid 4 nomimé «forclusion ds Nom-du-pése. Cette expression st synonyme de déni ot de rejet primordial de «pére symbolique» qui tranemet la loi tle langage. {1 La fonction, Elle ext de Vordre da langage et de la parole, elle introduit du eens pour tun sujet en tant qui est structuré par ce que les psychanalystesappellent le complexe &GEdipe le est ce qu fut sene dans la paternité ou encore, pour reprendze expression {de C. Lévi-Stause (1958) a propos de a cure chamanique: ele ext de ordre dune “lle cactésymbolique™» (ITurstel, 1989, 244) ‘En tou ses aspects a fonction du pére suit de vértablee mutation. Avec ee ois de 1935 (abolition du droit de correction paternel) et surtout de 1970 ("autoité parentale” remplace “Tautorté paternlle”) le statu juridique de toute-puissance du pie (le"pater- familias” issu du droit romain) a été abroge. Avec celles de 1972 (égalté des fliations legiimes et naturelles) la mére a hors mariage 'autorité parental exclusive.» (Hurste, 949, 259) Le cas de «homme sux loupe » est représentatif: le pare de Serguet Pankejeff nest pas ‘un «pire castrateur», ce sont es femmes de son entourage qui joven cerée, il se monte méme exttémement vendre avec con fis et devient objet de son desir Pour des racons lies ala sédluction quil a sube, Serguei Pankejff recherche le péresymboligue castra- teu, un pére qui contrairement & son vrai per, aurait avec lui des rapports punitif enfant nourrit done une production massive de « ere imaginaire» qui alimente son attitude provocatrice ela recherche de a satisfaction d’@xe pun parle pee, «Du point de vue de a restriction pulsionnelle, de la moralté, on peut dre: Ie ga est totalement amoral, e mot #effrced éte moral, le sur-mos peut devenir bypermoral et alors ausi cruel que seul peut etree a.» (Freud, 1923, 297. ‘Lond jeamen tens fermement ala supposition que Iangoiste de mort doit ze congue ‘comme analogon de langoisse de castration, et que la situation & laquelle le moi reagit ttle fae dete delaeeé pat le sur-moi protecteut — les puisence du destin— pat quot prend fin assurance contre tous les dangers.» (Freud, 1926¢, 246) ‘Mats précisément, est pour cela que le pee” ext tout eauf une essence... este prine cipe de tensions gull sertnon 8 xésoudre, mais désigne.» (Assoun, 1989, 48) (Claire Bareacg, Nos enfants en danger, Zane interdite, Mé, mare 2008, ‘Ta peur queleseléves ont des mots reste la traduction d'une démisson, expression en ‘creax dels fause identi quils vont tenter d'imposer aux autres et & eux-mémes, tout fen sachant qui agit d'un leure[.] Ceci est grave, carla pose le non-langage, le vide dleviennent rapidement une ontologie. Le costume ale pouvoir dese métamonphoser en chair dune vitesse vertigineuse[...]» (Ladjai, 2007, 23) «(1 i faut, pour te suet, consent & us Non! qui semble inscrit dans la spécificté de etre parlant, puisque du fat de a paroled ¢agit de renoncer étre dans ls choses, etre dans limmédiat.» (Lebeun, 2002, 97) Lehatcelement moral, cette cruauté morale net autre que la forme perverse deagres- sive naturelle, contenu pat I cultue et es interdits, dni par Feeud comme «le pet~ chant constiutionnel des hommes &¢agreser mutuellements (Freud, 19303, 330) 1 ‘est pas étonnant que ce harctlements épanouisse particultrement dans la société ans pire! [| de nombreux observateurs et nous-mémes dans nos consultations pour vie~ {imes de harctlement moral avons relevé que ce phénomtne apparassit pretzentele- ‘ment dans les entreprises et les institutions oi Tautorité se trouvait absent, neutralise, suite (pat le harceleur), dvisée, morcelé par des conflis de lgitité ou de eivalité de Paeiesoment du symboique &anglace a da! (Quand le chat est par... Quand Ie responsable n'est pa les “petite chef’ les “cad lespervers de consitation oud occasion leuristent Un des res deVautorité est dex. plicter les confit, de les organiser et dees arbitzer.» (Prigent, 2002, 508) 13, «Dans le despotisme moderne, 'Brat-despote est devenu (mortellement) sérieux, ou neue comme un administrateur,tandis quil r'gne sur une masse de sujets adonnés 8 leurs phisis.[..] Cest parce que les individus sont réduits a 'éat @atomes sensi, sdonnés la recherche de leur propre intrdt, que Ett peut régnertranquillement st dessus deux Car cet tat “aime que es citoyens se réoussent, pourvu quis ne songent {qe réjouir”couligné par nous), Axtrement dt: tavalle volontcrelewr bonheur raisil veut en ele unique agent ete soul arbitee™ [Tocqueville ...] Leadémonisme sytématisé a4 point que individu ast plus a assumer ce que son penser comporte de "rouble" et savie de "peine’” wild ce que serait en effet I programme totalitaire pleine- sent réuss.» (Assoun, 1985, 247-248) 14, «Ce besoin patent de lescalade dee dfs et de mise &Téprewve des limites deplace axe Aelecture ds malaise du cdté dela perversion Tout se passe en elet comme sie jet dt ‘nouveau malaise” sensocialsait”rageusement, selon le mode alterné de lajouissance du malaise, de Tidéaiation et du deni, Ce que montze le malaise actu! cext donc le ‘elivage” — si patent dansla perversion — avec ses modes de"fécitsation’ jeux rans- resis” quitemoignent dune “désymbolcation de interdit’,quise"dédommage’ para- Adoxalement par une quéte de formes inédites de transgression ct une sorte de pasion dela norme’ » (Asoun, 1993, 158); «Sila dépressivte et la toxicomanie sont devenucs les funébres emblémes dela (post) modernité, c'est qu'elles désignent ce destin dela pul- sion de mort que a endigue plus un rapport consistant au eymbolique.» (Aseoun, 1991, 20), 15, Voir «Ldl du moi et surmoi:confitintrasytémique ct échec dela sublimation » (Roger, 2011, 255-278) Références bibliographiques ‘Assoun, P-L, 1983, Le désir de réglement,désirdeIegitimation et éthique administrative, in R. 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