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programme SpectaANNEXE
APPROCHE HOLISTIQUE
LA MUSIQUE ET LA SOCIETE FORMENT UN TOUT
L’anthropologie culturelle se base sur un systéme global
interprétation. Dans cet essai, les différents facteurs sociaux
sont directement mis en relation avec la pratique musicale. Par
exemple, l'ostracisme social des Noirs, étant étroitement lié a la
pression économique qui leur est imposée, entraine un réseau
particulier de significations qui laisse des marques jusque dans
les perceptions socioaffectives contemporaines. Cette situation
répressive a fait que la musique afro-américaine renvoie sans
cesse a la marginalité, de sorte que les Américains éprouvent un
sentiment particulier 4 'égard de la musique qui nous intéresse.
Pour ces derniers, la musique afro-américaine s'inscrit dans le
social comme un signe d’anticonformisme, d'une idéologie
progressiste ou de la contestation.
Le jazz est une véritable métaphore de intégration raciale
et il est au cocur des préoccupations idéologiques des Africains-
Américains. Lintégration raciale alimente non seulement le pro-
cessus de construction des identités de cette communauté, mais
aussi le processus de création menant aux différentes révolu-
tions stylistiques de la scéne musicale afro-américaine. Or, dans
cet essai, on abordera le théme de la ségrégation en portant une
attention particuligre a la relation entre la musique issue des
périodes de créativité et son contexte social lors de situations de
crise. Dans cette perspective, les styles musicaux créés lors d'une
219LE JAZZ. VU DE LINTERIEUR
méme période de tension sociale ne peuvent étre isolés les uns
des autres, ils doivent plut6t étre mis en relation. Dans l’usage
le plus répandu, lauditeur appréhende les styles musicaux en
les catégorisant. Son oreille est entrainée socialement a faire des
opérations détiquetage, ce qui rend ardue la compréhension
globale du phénoméne. Par exemple, lorsqu’on examine le stride
piano! et le style jungle de Duke Ellington sans se rapporter a
esprit de la Harlem Renaissance, qui leur est sous-jacent, on
s’éloigne des véritables motivations créatrices?. Or, trop souvent,
la fragmentation artificielle entre les styles dits populaires et le
jazz voile la cohérence des grands mouvements sociaux liés a la
musique. De la méme facon, on doit voir que vers la fin des
années 1950, le soul, le funk et le hard bop sont étroitement liés
sur les plans esthétique et idéologique parce qu’ils sont animés
d'une méme conscience sociale au moment des marches pour
les droits civiques. Ainsi, 'approche adoptée ici tend a rétablir
les relations entre les phénomenes sociaux et les styles musicaux
tant sur le plan de leurs conceptions que de leurs perceptions
sociales.
IDEOLOGIQUES ET ESTHETIQUES
Les événements qui révolutionnent la musique sont déclen-
chés par des périodes d'instabilité idéologique. Les changements
sociaux d’importance sont ponctués par des moments de crise
dans le domaine scientifique, comme le montre le philosophe
Thomas Kuhn dans son essai La structure des révolutions scienti-
fiques (1962). Mais qu’en est-il du domaine esthétique? Trop
1. Sur les premiers pas du jazz, voir le chapitre 5.
2. Face aux pressions de la ségrégation, les Africains-Américains de
cette période s'affirment tant socialement que musicalement. Ainsi, les
deux styles ici nommés contiennent de nombreuses références a l’Afri-
que et aux premiers styles considérés comme afro-américains dans les
deux cas; la créativité des artistes est motivée par des facteurs idéolo-
giques et sociaux,
220ANNEXE,
souvent, on considére l’esthétique comme une pure évasion
abstraite de l’esprit humain manifestant sa parfaite indépen-
dance envers le contexte social. Le point de vue de lethno-
musicologue sur cette question s’inscrit plutét dans la démarche
holistique : l’esthétique est soudée a l'idéologie, la musique étant
la mise en scéne sonore d'une vision du monde indissociable du
théatre social. En adaptant le modéle évolutif de Kuhn! au
domaine musical, nous obtenons cet outil d’analyse :
cal):
iens ont atteint une période de stabilité et de
maturité stylistique; leurs compositions reflétent la so-
ciété et les idéaux d’une période particuliére de Phistoire.
1) Moment d'acceptation dun paradigme? (style mu:
les musi
2) Période de crise ot le paradigme ne refléte plus la réalité
sociale: les musiciens sont en crise ; ils expérimentent de
nouveaux paradigmes qui possédent un pouvoir symbo-
lique lié @ la nouvelle réalité sociale idéalisée.
3) Période d'institutionnalisation du nouveau paradigme :
les musiciens enregistrent leurs oeuvres ; ils sont diffusés,
puis reconnus et soutenus par la chaine des médiateurs ;
le nouveau paradigme est en voie d’étre accepté et il
constitue la nouvelle norme reflétant Pidéologie et les
valeurs esthétiques qui ont cours.
1. Kuhn a émis lidée que les paradigmes scientifiques sont rem-
placés dés quiils ne peuvent plus expliquer le monde. Durant cette
période de crise, on élabore done un nouveau paradigme, qui finira par
étre accepté par la communauté scientifique pendant un certain temps.
Puis le cycle se poursuit, les découvertes finissent par remettre en cause
le paradigme en cours et on vit de nouveau une crise au cours de
laquelle la créativité est réorientée en fonction du nouveau paradigme.
2. Chez Kuhn, le paradigme est cette entité compléte que constitue
une théorie, une vision scientifique du monde. En musique, cette vision
s‘exprime esthétiquement, Cest-A-dire par un style qui refléte les valeurs
sociales,
221LE JAZZ VU DE LINTERIEUR
De méme que les crises scientifiques conduisent a ’élabora-
tion de nouvelles théories, comme l’observe Kuhn, les crises
sociales et identitaires imposent le rythme et le ton aux renou-
vellements des styles musicaux.
LA QUESTION DES IDENTITES COLLECTIVES
Lidentité désigne ce dans quoi je me reconnais et dans
quoi les autres me reconnaissent. L'identité est toujours
attachée 4 des signes par lesquels elle saffiche, de sorte
qu'elle est a la fois affirmation d'une ressemblance entre les
membres du groupe identitaire et d'une différence avec «les
autres» (Dictionnaire de la sociologie).
La quéte identitaire est étroitement liée aux diverses «révo-
lutions » qu’ont connues les musiques afro-américaines aux Etats-
Unis, Dans histoire du jazz, sous limpulsion de l'esclavagisme
et de la ségrégation, l'identité musicale des Africains-Américains
se réinvente de décennie en décennic. Or, le probléme des
rapports interraciaux est préoccupant pour l'ensemble cde l'Amé-
rique, qui doit résoudre les tensions entre les différents groupes
ethniques qui la composent. Au XvII* siécle, la déclaration d’In-
dépendance évitait le probleme :
De sorte que les textes fondateurs ont passé sous silence les
raisons de Texclusion des Indiens (leurs
et du maintien des Noirs dans Tesclavage (leur race, jugée
inférieure). Cette contradiction initiale entre l'idéologie et la
pratique s'est théoriquement effacée lorsque les Noirs ont été
émancipés et que les Indiens ont recu la citoyenneté améri-
caine (Marienstras, 1976: 113).
tures étrangéres),
Le débat sur 'esclavagisme va prendre de la vigueur durant la
premiére moitié du XIX¢ siécle et le conflit entre les politiques du
Nord et celles du Sud va mener les Américains 4 la guerre
civile. A la suite de ce conflit va émerger, au XX siécle, la déter-
222ANNEXE
minante politique du melting pot!. Cependant, malgré la fin de
Pesclavagisme en 1865, c’est dans l'ardente fournaise de la ségré-
gation raciale que les Africains-Américains auront 4 se forger
une vision de l'Amérique. Cette affligeante réalité aura un effet
considérable sur les idéaux et le sens de la solidarité des Noirs,
en fait sur leur identité collective. L'identité collective constitue
ailleurs un phénoméne d’unification qui se construit sur des
systémes de croyances définissant le groupe dans une dyna-
mique d’affirmation :
En fait, les croyances de groupe sont a la base de la formation
des groupes et, plus tard, permettent leur existence. «Nous
sommes exploités», «Le communisme est le meilleur systeme
pour létre humain-, «Jésus est le fils de Dieu»,