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Branches Sur La Diversite Culturelle. en
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TABLE DE MATIERES
INTRODUCTION 3
PREMIERE PARTIE
Evolution d’une idéologie dans l’histoire moderne 9
Identité, altérité et valorisation 25
Exotisme et stéréotypes 41
DEUXIEME PARTIE
Analyse des représentations 96
La traduction et l’interculturel 99
TROISIEME PARTIE
L’analyse des médias 134
La presse 135
Internet 147
BIBLIOGRAPHIE 183
2
3
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
tibétaine qui a été reprise comme la plus valable, celle qui intéresse
les Occidentaux, comme c’était déjà le cas pour les missionnaires.
Un autre élément qui marqua les imaginaires sur les cultures
orientales, c’était la recherche des « racines » de la civilisation
occidentale en Orient, projet alimenté par l’évolutionnisme qui se
développa dès la fin du XVIIIe siècle jusqu’au début du XXe et qui
imprégna non seulement la littérature et la philosophie, mais aussi les
sciences sociales. Ces idées des « racines » trouvaient un appui
dans le fait que les linguistes avaient en effet trouvé la « parenté »
entre les langues européennes, celles de l’Asie mineure, et celles de
l’Inde. On voulait donc reconstruire une histoire des religions suivant
le modèle de l’histoire de ces langues. Par la suite, on commença à
rechercher des liens entre la culture et la pensée européenne et
l’indienne (et entre les « races », postulant une origine « Arya » ou
« indo-européenne »). L’Inde est devenue le « berceau » de la
civilisation occidentale. Désormais, les parangons et les
interprétations des traits culturels orientaux en des termes
occidentaux étaient une chose commune et avaient un appui
« historique », puisqu’il s’agirait d’une même « tradition ».
Nous pouvons trouver dès la fin du XVIIIe siècle une idéalisation
des sagesses orientales, qui consistait en de nombreux ouvrages, en
allant de l'exotisme et le mysticisme sur la vie des maîtres tibétains,
jusqu'aux raisonnements de philosophes reconnus « Ainsi peut-on
parler pour tout le XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle
d'une influence intellectuelle des religions orientales en Occident.
Durant ces cent cinquante ans, d'innombrables écrivains - de Goethe
à Borges en passant par Emerson, Hesse ou Tolstoï - furent
profondément marqués par les spiritualités orientales. Celles-ci
influencèrent également les travaux de nombreux philosophes
13
cette idéologie peut exister chez quelqu’un d’une façon qui n’est pas
toujours manifeste dans sa vie publique. Elle est avant tout une
attitude et un discours qui « spiritualise » ou donne un certain sens
mystique ou transcendantal à ce que la personne fait, sans forcément
changer ses activités quotidiennes.
Dans les années 90, suite à une sur-abondance de courants du
New Age qui avait commencé dan les années 80, les bouddhistes,
notamment les Tibétains, font un effort pour se détacher de ce
supermarché de croyances de toutes sortes, et ressortir comme une
tradition « authentique » (ce qui n’a pas empêché tout de même que
les syncrétismes continuent à se faire jusqu’à nos jours). Le
traditionnel et l’ethnique deviennent alors des éléments
fondamentaux de valorisation dans cette idéologie, et ils prennent le
rôle de fournisseur de signifiants. En France, le bouddhisme tibétain
y prenait une place primordiale.
En somme, le Nouvel Age peut être un mot qui n’est plus utilisé
aujourd’hui ; il est vrai que nombre des mouvements qui y étaient
associés sont franchement dévalorisés car une très forte
effervescence de groupes, de sectes, de gurus, etc. a été perçue
comme un abus, un manque de sérieux et même comme un danger.
Il n’empêche que l’étude de cette idéologie est une démarche très
proche de la nôtre. Nous rencontrons le problème de ne pas savoir
comment l’appeler aujourd’hui. Les chercheurs utilisent des
catégories comme « spiritualité », « mysticisme », « ésotérisme », la
pensée des « nouveaux mouvements religieux », ou de la
« nébuleuse mystique-ésotérique », mais ils nous semblent tous trop
étroits, et certains, comme l’ésotérisme ou le mysticisme, connotés
négativement aujourd’hui. Certains de ses éléments, grâce à la
nature « intégratrice » de cette mouvance, ont influencé des
24
1
Il s’agit de structures de représentations et de croyances propres à un groupe social,
participant à la régulation des opinions, des attitudes et des comportements.
26
interethniques, c’est l’analyse des liens que les gens établissent entre
une conduite particulière et une identité. Au cœur de notre
problématique est donc la frontière ethnique, et non pas les relations
entre « cultures » définies de l’extérieur par le chercheur qui décide
quels sont les traits qui correspondent à chacune et ses limites. Il
s’agit de relations entre individus qui se considèrent ou s’identifient
entre eux comme appartenant à un autre groupe ethnique.
Par ailleurs, « Seuls les facteurs socialement pertinents deviennent
discriminants pour diagnostiquer l’appartenance, et non les
différences ‘objectives’ qui sont engendrées par d’autres facteurs.
Quels que soient les écarts manifestes de comportement entre les
membres du groupe, cela ne fait aucune différence » (Barth 1999,
p.212).
Face à ces différentes applications du mot identité et les
complexifications qui peuvent y avoir lieu, nous préférons garder
l’approche la plus élémentaire d’identité en tant qu’une catégorie
socialement construite.
Comme toute construction identitaire et « nationale » la
construction de la culture tibétaine, en tant que culture de tous les
Tibétains, est en quelque sorte imaginaire (reprenant le terme
d’Anderson, 2000). Ils ont aussi un mythe d’origine et de leur
caractère national particulier. Mais la réalité c’est qu’il s’agit d’un
pays divisé culturellement, notamment à travers l’adhésion aux
différentes écoles bouddhistes ou différents courants idéologiques.
Pourtant, le Tibet dans le contexte du monde, se présente en
Occident avec une autre image, notamment marquée par « une
emphase exagérée sur la pratique bouddhique dans sa particularité
tibétaine. […] Le Dalaï Lama a observé que les jeunes tibétains de la
communauté réfugiée montraient un intérêt renouvelé pour leur
35
EXOTISME ET STEREOTYPES
faut-il voir si le texte l’est effectivement), les textes que nous allons
analyser sont le résultat d’un stéréotypage choisissant certains traits
du réel qui correspondent aux cases des schèmes préexistants. Il
s’agit d’un découpage et d’un effacement des autres traits. Les
variantes de chaque particularité sont réduites et réinsérées dans le
moule auquel on est habitué.
Dans sa manifestation sociale le stéréotype permet de caractériser
l’endogroupe, le nous, par rapport à l’exogroupe, les Autres (ce qui
relève du principe logique A n’est pas B). En psychologie sociale on a
exploré largement les mécanismes de catégorisation qui sous-
tendent ces représentations de l’autre. Il s’agit d’une part d’« Un effet
de contraste qui tend à accentuer les différences entre des sujets dès
lors qu’ils appartiennent à des groupes différents » (Lipiansky 2001,
p. 60), et d’autre par d’un effet qui « conduit à percevoir un étranger à
travers les images toutes faites transmises par la culture et à penser
que tous les ressortissants d’une même nationalité [ou groupe
ethnique] sont porteurs des traits prototypiques qui lui sont
associés » (op. cit, p. 60-61). « Cet effet d’assimilation est d’autant
plus fort qu’il porte sur un groupe étranger » (op. cit., p. 61). En outre
« On perçoit d’avantage ce qui semble prototypique » (ibid.). Par
contre, la fréquentation des individus d’un groupe diminue le recours
au stéréotype qui leur est associé.
Il faut remarquer que ces conclusions sont tirées à partir
d’enquêtes menées auprès d’individus de culture occidentale. Nous
les citons justement parce que nous nous intéressons aux
représentations occidentales, mais nous ne les prenons pas a priori
comme des caractéristiques générales de la cognition humaine.
D’autre part, la méthodologie employée dans ce type d’enquêtes crée
une situation qui est en quelque sorte artificielle. Par exemple, les
47
travers les échanges avec d’autres religions et une idée implicite (et
parfois explicite, puisque ses discours changent beaucoup) que
toutes les religions ont un fonds commun.
Dans un de ses livres (« Le Dalaï Lama parle de Jésus », 1996)
on trouve des commentaires de plusieurs autres auteurs, ce qui
donne l’idée d’une réciprocité dans l‘échange. Dans une postface du
P. Laurence Freeman, il décrit le Dalaï Lama comme un maître
spirituel, ayant une charge spirituelle globale. Il incarnerait les
« valeurs religieuses universelles de paix, de justice, de tolérance et
de non-violence ».
Le Dalaï Lama tente dans ce livre de montrer les points
convergents entre le bouddhisme et le christianisme, à travers des
exemples de textes de chaque doctrine, aussi bien que de la vie de
leurs fondateurs. Il s’oppose ici à la conversion et dit qu’il ne faut pas
tenter d’unifier les religions du monde en une seule, car cela
signifierait la perte des qualités et des « richesses » propres de
chaque tradition. Il serait important qu’il existe plusieurs religions pour
les différents besoins et dispositions des personnes, manifestant par
là une idée très proche de celle de la « religion à la carte ».
La religion y est clairement présentée comme une « voie » ou
plutôt comme quelque-chose à partir de quoi l’individu peut enrichir
sa voie, et la démarche du dialogue interreligieux, qui est celle du
Dalaï Lama et de ceux qui ont contribué à l’écriture de ce livre, serait
une contribution à l’enrichissement de la voie personnelle.
En effet, pour Obadia (1999), le bouddhisme se présente comme
un « enseignement » et les lamas comme des « maîtres » (guru en
sankrit, lama en tibétain). Mais la figure du maître semble aller au-
delà du contexte du bouddhisme, et même des religions
51
Champion a décrit ces réseaux) cette idée était déjà développée, elle
aurait aujourd’hui toutes les chances de s’accroître, le processus de
mondialisation ayant poursuivi sa marche et les technologies de
communication permettant le contact de ces communautés
véritablement à l’échelle globale et en temps réel.
Dans cette religiosité, la religion se définie comme ce qui relie
(selon l’étymologie du mot), elle se manifeste à travers le principe
général de relier les hommes entre eux, sans distinction de culture,
mais aussi les relier avec la nature et le cosmos. « C’est une religion
de recherches mystiques et relationnelles. » (Champion 1989, p. 167)
Pour nous, le mot mystique reste à définir plus précisément, mais
nous pouvons garder le sens de « religare », c’est-à-dire relier
symboliquement, trouver un sens au-delà du sens ancien ou du non-
sens. En outre, en reliant symboliquement, on relie les personnes et
les groupes qui proposent ces symboles et partagent leurs sens.
La quelque peu paradoxale symbiose entre la modernité
rationnelle et sécularisée, et les nouvelles formes de croyances,
montre la capacité des individus à produire des systèmes de
signification malgré l’absence de codes de sens stables hérités de la
tradition, afin de trouver des repères dans un univers complexe et en
changement rapide. La sécularisation ne serait donc pas un
processus d’effacement du religieux, mais de recomposition des
croyances ; il s’agirait d’accorder une transcendance ou une sacralité
à d’autres formes, peut-être d’une façon plus diffuse, redistribuée.
Une condition de cette libéralisation et redistribution des croyances
est le fait que l’appartenance et la croyance ne semblent plus être
une paire dissociable comme l’a montré Grace Davie (1990). Aucune
institution ne peut retenir ses membres dans une culture qui valorise
le changement et l’autonomie du sujet Toute appartenance peut être
88
lui-même ce qui est juste et ce qui est vrai, et donc de donner sens à
sa vie et à ses propres actes. – La différenciation des institutions et
« détotalisation de l’expérience humaine » qui fait que « l’individu
peine à reconstruire l’unité de sa vie personnelle » (Hervieu-Léger
1999, p. 60), et qu’il cherche cette unité dans la pensée religieuse.
Le « bricolage » des croyances par chaque individu et qui échappe
à la régulation des institutions religieuses traditionnelles, est une
tendance assez homogène à l’échelle du continent européen et en
Amérique du Nord pour que l’on puisse la considérer comme un trait
de la « modernité religieuse » et que nous considérons aussi
répandue dans d’autres pays occidentaux comme la Colombie.
Cette homogénéité dépend, pourtant, d’un accès semblable aux
mêmes ressources culturelles. Il faut donc savoir que si cette
idéologie est répandue géographiquement, elle est tout de même
restreinte à certains groupes sociaux qui ont accès à ces ressources
culturelles. Le bricolage, qui emprunte des éléments aux religions
traditionnelles de diverses origines, concerne particulièrement
certains groupes qui « métaphorisent » les croyances religieuses
pour restaurer leur pertinence et application dans le contexte de leurs
vies « séculières ».
96
DEUXIEME PARTIE
LA TRADUCTION ET L’INTERCULTUREL
de pays l’ont fait), quelle distance culturelle faut-il qu’il existe entre les
parties pour pouvoir ajouter les préfixes « multi » ou « inter » ?
Bastide nous montre que le contact culturel ou l’acculturation
(terme d’origine américaine) « ne doit pas être regardé comme le
transfert d’éléments d’une culture à une autre, mais comme un
processus continu d’interaction entre groupes culturellement
différents » (Fortes, cité par Bastide 1998, p. 47). Ensuite il fait
référence au processus d’endoculturation, qui serait la transmission
de la culture des adultes à la génération qui leur succèdent et qui se
fait au cours des premières années de vie. A notre avis, l’opposition
entre acculturation et endoculturation (aussi appelée enculturation)
peut-être très questionnable justement dans les sociétés de plus en
plus « multiculturelles », où les individus, dès leur enfance, sont
confrontés à des éléments culturels d’origines diverses.
Le concept même d’acculturation comme contact entre cultures,
est questionnable, car que sont les cultures qui entreraient en
contact ? Qu’est-ce qui entre en contact véritablement ? A quel point
pouvons-nous dire que la culture a changée ? Bastide nous signale
que « …ce ne sont jamais des cultures qui sont en contact, mais des
individus […qui] ne représentent jamais la totalité de leurs cultures,
mais seulement la part que Linton appellerait ‘statutaire’, c’est-à-dire
le secteur de leurs cultures qui touche à leurs rôles distinctifs dans la
société globale. […] certaines parties des deux cultures peuvent ne
pas être du tout en contact. » (Bastide 1998, p. 51) ; à cela il faudrait
ajouter que les individus prennent un rôle particulier dans et pour la
situation de contact (sous la forme, par exemple, de stratégies
identitaires, comme le signale Camilleri 1990, 1999), ce qui limite
davantage le prétendu contact culturel. En outre, dans cette
dynamique, certains éléments culturels feront l’objet d’une diffusion et
104
élément à une autre culture, étant donné que dès qu’on le perçoit et
lui attribue un sens, on se l’approprie en quelque sorte et il n’est plus
étranger. Si nous pouvons parler d’interculturel, il nous faut parler de
frontières entre cultures, ce qui est une construction sociale et non un
fait objectif (Barth, 1999). Pour parler d’échange, il nous faut parler
plutôt d’éléments culturels que les gens identifient comme ayant une
identité ethnique.
Douglass et Lyman (1976) critiquent la notion d’acculturation
comme un processus de transition d’une culture A devenant une
culture B, car pour ce faire, il faut caractériser les deux cultures
comme étant deux entités stables, descriptibles au moyen des listes
de traits, or, nous savons que les cultures sont en permanent
changement, et que ce qui demeure, pour qu’on puisse les appeler
« cultures » malgré ces changements, c’est une identité que nous
appelons ethnique. La continuité de ces entités, nous signale Barth
(1999) ne réside pas dans la continuité des traits culturels objectifs,
mais dans le maintien d’une identité (avec une frontière) ethnique.
En outre, le modèle d’acculturation mentionné « élude
implicitement les questions de la ‘viscosité’ du phénomène ethnique »
(Douglass et Lyman 1976, p. 206) : toutes les manières dont les
individus recourent à certains traits culturels et en refusent d’autres
pour construire leur identité et qui deviennent donc les traits
considérés à un moment donné comme saillants. « A mesure qu’ils
se dépêtrent de toutes sortes de situations, les individus se voient
contraints de marchander leur identité et de choisir les traits qu’ils
désirent mettre en relief » (p. 216). Les constructions identitaires
deviennent donc des procédés tactiques en matière de relations
sociales. Cette notion de « tactique », ou stratagèmes (mot que ces
derniers auteurs utilisent aussi) est analysée dans le même contexte
106
particulier. […] Le fait que cela n’ait pas de sens s’explique par
l’absence d’un phénomène auquel s’oppose l’éventuel syncrétisme. »
(Sabbatucci, 2004 [en ligne]). Effectivement, si toutes les cultures
sont d’origine syncrétique, pourquoi parler de syncrétisme culturel. A
quoi bon dire qu’une idéologie est syncrétique, si toutes les
idéologies sont syncrétiques. Justement, pour qu’il y ait du
syncrétisme, il faut d’abord identifier les cultures, les religions ou les
idéologies comme entités bien définies, qui constitueraient ce qui se
mélange dans le syncrétisme. Par conséquent, ce débat rejoint celui
de l’applicabilité d’un terme comme « culture », car comment définir
ses limites, si l’on constate que tout ce qu’il existe ce sont des
continuums entre les formes culturelles qui passent d’une localité
(dans le sens du mot anglais « localities » employé par Appadurai,
2000) ou d’une communauté à une autre, et cela de plus en plus vite
et vers des destinations de plus en plus lointaines. On peut peut-être
parler de syncrétisme entre deux formes concrètes que l’on a
identifiées en tant qu’éléments distincts à un moment donné et qui,
se rapprochant, créent une forme nouvelle, mais parler des origines
culturelles indépendantes de ces deux formes, semble de plus en
plus problématique, et c’est en effet une problématique qui nous
concerne très directement lorsque nous voulons dire qu’une certaine
croyance vient de telle ou telle culture, par exemple la tibétaine ou
l‘indigène.
Pareillement, pour le concept de « métissage » culturel, celui-ci
part d’une idée erronée qui consiste à croire qu’il existe des entités
discrètes nommées « cultures », des univers étanches, qui restaient
« purs » dans un passé (qui n’a jamais existé), et qui, suite aux
contacts avec d’autres cultures, se seraient métissées. C’est l’idée de
culture mélangée opposée à celle de « cultures ataviques ». En
111
TROISIEME PARTIE
LA PRESSE
Bouddhisme, France
-Spiritualité
-Philosophie de la vie
-Etre avec soi
-La cinquième religion [le bouddhisme] du pays [France] fascine
Européens et Américains [on parle du bouddhisme en tant que
religion quand il s’agit de le mettre en valeur face aux autres
religions, malgré le fait que dans d’autres contextes on dit
explicitement qu’il n’est pas une religion].
-Bouddha : Ce qu'il dit vraiment, image de non-violence, de
tolérance et de maîtrise de soi sur un système philosophico-religieux
vieux de 2500 ans [souci d’authenticité, de « tradition testée et
confirmée » et de véritable altérité. La tradition y est donc
implicitement valorisée].
2
Les articles sont datés entre 1993 et 2003. Les sources sont des revues comme :
Jeune Afrique, L’Express, Psychologies, Actualité des religions, L’Histoire, Historia,
Nouvel observateur, L’Usine nouvelle, L’Evénement du jeudi, Esprit, Télérama, Le
Monde des religions, Le Point, Nouvel Observateur, Géo, Grands reportages, Courrier
international, Sciences et avenir, Le Monde : dossiers et documents, Le Monde
diplomatique, Science & vie, Alternative santé, Technikart, Sciences humaines,
Connaissance des arts, Futuribles, Rebondir, Enjeux-Les Echos, Challenges. Il faut
souligner que certaines revues apparaissent plus fréquemment, notamment Actualité
des Religions et Psychologies.
138
INTERNET
Dans notre analyse des associations entre thèmes qui sont reliés
au sujet du « Tibet » et du « bouddhisme tibétain » sur Internet, nous
avons voulu suivre l’enchaînement des ces sujets tel qu’il est
présenté sur les sites eux-mêmes.
L’hebdomadaire « Nouvel Observateur » propose quelques liens
Internet permettant de « comprendre ce que représente le Dalaï-
Lama, ce qu'est le bouddhisme, et la question du Tibet ». Trois
figures clés, trois images que mobilisent des discours, trois thèmes
représentatifs de cette mouvance. Quand on dit « ce que représente
le Dalaï-Lama », c’est justement parce qu’à ce nom sont rapportées
148
suite aux enseignements que j'ai reçus, livres que j'ai lu, discussions
bouddhiques, études personnelles, etc. Je ne suis pas un maître
mais un autre qui chemine, possiblement comme vous présentement.
Le Bouddha nous a enseigné de ne pas croire aveuglément… » La
démarche de cette personne coïncide avec les « parcours »
individuels dont nous avons déjà parlé plus haut.
Outre une grande quantité d’information sur le bouddhisme pour un
grand public, le site possède des liens concernant l’ésotérisme, dont
voici un exemple :
« Esotérisme expérimental. Le site de l'insolite par excellence...
Ufologie - Sciences alternatives - Sexualité - Tantrisme [directement
associé au bouddhisme tibétain] - École Djédi - Actualité sous l'angle
ésotérique. » « Sur notre site vous trouverez le meilleur choix de
livres et articles divers pour votre bien-être, votre développement
personnel et votre recherche spirituelle. »
Ce site semble être aussi dédié à faire la publicité
d’« accessoires », et on y trouve effectivement la section
« Bouddhisme » à côté des sections « Produits Feng Shui, Pendules
& Radiesthésie, Protéger votre habitat, Santé et bien-être, Tarots et
Oracles, Bagues Égyptiennes – Bracelets. »
On voit bien qu’il s’agit d’une idéologie qui met en relation une
véritable nébuleuse d’éléments et de concepts d’origines très
diverses, de l’écologisme aux oracles : On trouve aussi des origines
ethniques diverses aussi : les produits « Feng Shui » sont
normalement identifiés à une certaine image de la Chine ; nous
avons les bagues égyptiennes, dont on imagine l’origine dans la
« civilisation égyptienne antique » ; le bouddhisme, une sagesse que
possèdent les Tibétains.
156
exclusivement à partir d’une idée fixe et claire qu’elle avait quand elle
a commencé sa recherche, et il en va de même pour ses « parcours
spirituels » au fil des années ; il faut prendre en compte cette
caractéristique de l’espace culturel contemporain qui présente au
sujet un faisceau de possibilités, d’associations que nous pouvons
représenter sous la figure d’un réseau d’information (dont Internet
n’est qu’un exemple paradigmatique). Ces associations lui permettent
de passer d’une étape à l’autre suivant une sorte d’itinéraire. Chacun
peut construire son propre itinéraire, suivre son propre chemin, ce qui
implique qu’une collectivité ne partage qu’un morceau du réseau.
Mais, nous l’avons vu, il y certains hauts-lieux, points communs par
lesquels la collectivité passe car ils ont été socialement construits et
deviennent des figures culturellement saillantes, mises en valeur
collectivement, partagés par une communauté qui a accès au même
type d’information.
Il faut donc expliquer les choix des individus dans un espace
culturel relativement ouvert, où l’information n’est pas (ou peu) limitée
par les frontières nationales et où l’individu se conçoit soi-même
comme libre de choisir, donc libéré des frontières culturelles qui était
jadis imposées par l’autorité ou la tradition.
Les croyances actuelles semblent être construites au cours des
trajectoires qui présentent des choix et des éléments symboliques
associés d’une certaine façon qui n’est pas forcément explicite ni
explicitable par l’individu. Nous voulons reproduire cette démarche
pour en dégager les principes d’association et de fluidité. Un des
principes les plus simples paraît être celui de la simple contiguïté
dans l’espace. La personne perçoit deux éléments ensemble, elle
pense qu’ils ont un rapport entre eux, mais elle en ignore la nature.
Elle assume ce rapport à cause du fait que des personnes qui
160
connaissent le sujet avant elle, les ont mis ensemble pour une
certaine raison, suivant une certaine logique par laquelle elle se
laisse entraîner, et qu’elle pourra peut-être reconstruire ou
s’approprier a posteriori. Nous ne prétendons que toute l’idéologie
concernant notre sujet soit construite uniquement à partir de ce type
d’associations, mais il serait un aspect à considérer. Un exemple en
dehors de notre sujet de ce mécanisme d’association d’images qui se
renforcent mutuellement malgré l’absence d’une rationalité qui les
relierait, semble être celui utilisé fréquemment en publicité : la mise
ensemble de belles images avec un produit qui n’a strictement rien à
voir avec cette image, mais qui valorise le produit en quelque sorte.
En tant qu’espaces d’accès à l’information, les librairies et l’Internet
ont certaines caractéristiques en commun. Dans les deux cas, si on
cherche par Tibet, on trouve des images et de l’info sur le
bouddhisme (ce qui confirme le fait que l’aspect le plus saillant du
Tibet est sa religion). D’ailleurs, même si on ne parle pas du
bouddhisme, on décrit ce lieu avec des adjectifs comme
« mystique », « magique », « spirituel », et dans les documents sur le
bouddhisme, il y a souvent des pistes qui renvoient au Tibet, si ce
n’est que l’auteur même est un tibétain.
Finalement, nous avons constaté que les pistes qui peuvent nous
conduire aux voies d’accès et aux perceptions du Tibet sont très
variées. Cette méthode doit être appliquée avec d’autres méthodes
de recherche comme l’observation ethnographique générale, qui
reste le moyen privilégié pour déterminer quels sont les concepts
prépondérants et leur signification complète pour une population
donnée. Par ailleurs, il nous semble important de commencer
l’investigation à partir des parcours des individus qui sont déjà
familiarisés avec l’idéologie autour du Tibet, et reconstruire ce
161
si fascinés par le monde décrit par Rampa que cela avait déterminé
leur avenir professionnel. Ainsi, certains disaient que même s'il était
un imposteur, Rampa avait eu ‘de bons effets’. » (Lopez 2003, p.
133) C’est ainsi que la diffusion de ces textes contribuent à créer un
intérêt pour une culture et l’identification ethnique qui vient avec. Par
le même biais, Rampa a stimulé la recherche et la diffusion des idées
scientifiques sur le Tibet, ne serait-ce qu’en attirant des masses
d’étudiants aux universités pour l’étudier.
Pareillement, nous croyons que l’idéologie de la valorisation
d’autres « cultures » et la « protection » des minorités, peut avoir
pour commencement ou facteur déclencheur, d’une façon indirecte,
l’intérêt pour des sujets comme l’astrologie et le New Age, qu’il
s’agisse d’ « impostures » ou non. Réciproquement, les descriptions
et découvertes scientifiques rendent des idées et des légitimations
aux écrivains qui se permettent une dose plus considérable de
fantaisie. Les ouvrages scientifiques et les livres ésotériques et
mystiques s’appuient les uns sur les autres tout comme sur les
étagères des librairies.
les îles du pacifique, est le karma des Tibétains »! Nous avons donc
affaire à des concepts ouverts, des significations assez floues que
l’on peut désigner en choisissant des termes censés venir de
traditions fort diverses, parce qu’elles auraient toutes les mêmes
concepts. Parallèlement, il existe plusieurs voies de guérison, mais
elles guérissent les maux de toute l’humanité.
La question que nous devons nous poser maintenant porte sur les
autorités qui vont déterminer quelles seront les croyances et les
thérapies valables.
177
CONCLUSION GENERALE
* * *
182
183
BIBLIOGRAPHIE