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Bruno Dumont, réalisateur de “La Vie de Jésus” [EEE Lex: prof de philo filme les faits bruts pour laisser chacun juge. “C’est au spectateur de devenir humain” yest TELERAMA : me désespérant. II faut ce titre pour comprendre et accepter Ie parcours, jusqu’’a la petite lumire finale. Parce que, malgré toute la misére et la lai deur qu'il y a dans ce personage, on ‘peut eroire en Iu. Il fait une toute petite ‘« ascension », l'espace d’un gémisse- ‘ment, mais il la fait TRA: C'est un film trés inconfortable ? BD. : Ce que raconte le film est carré ‘ment monstrueux. C'est au spectateur de devenir humain face & ga. A lui de réagir, de crier. Je ne pense pas que le cinéma soit un art de esprit. Cest un art du mouvement, de Ia matiére et du temps, qui doit conduire & constituer esprit chez le spectateur. Je suis un intellectuel,j’en a la formation. Et mon premier court métrage était intellec- ‘uel, Seulement, quand jai vu les speeta- {eur face & ce film us esthetisant et és formel, j'ai compris qu'il n’y avait pas Marle (Marjorle Cottreel) et Kader (Kader Chaatout). Jaloux de leur lalson, Freddy se métamorphose en abject vengeut. de connexion possible, pas de lien : il yy avait deux mondes distinets. Regarder un cinéaste qui pense, c'est ennuyeux au possible !J'avais tort, '’époque : le travail du cinéaste est d'avoir une inten- tion intellectuetle, mais de trouver un mode d'expression qui ne l'est pas. TRA : Vous filme: les corps dans ce qu ils ont de plus cru et de plus nu ? TRA : Pourquoi avoir choisi des non- comédiens ? B.D. : Mon expérience des comédiens professionnels n'a pas été, jusqu’ici tres concluante, C'est sans doute moi qui ne suis pas foutu de les diriger, ‘mais je n’arrive pas & atteindre ce que je veux avec eux... David Douche, Mar- jorie Cottree! ou Kader Chaatouf ne sont pas comédiens, au sens oi ils ne “Les acteurs non professionnels jouent avec ce qu’ils sont. Ma seule préoccupation était leur justesse. Ce fut une lutte, ils ont souffert.” B.D. : C’est comme pour la morale : la pudeur, c'est le spectateur qui l'apporte, ce n'est pas moi. Moi, je dois y aller & fond. Ce n'est pas facile, parce qu'en tant qu’homme je suis pudique, mais. c'est nécessaire, Je suis un peu dému- ni face & cette question, parce que les, scénes d'amour, sorties du contexte, existent pas. Elles sont un des roua~ ges du film, elles en font partie inté- grante : on ne peut pas les extraire de Mécran. Dire «il y a une scéne de pé- nétration » me parait réducteur. Le geste est immuable, mais, par rapport Ace que je raconte, par rapport au mouvement méme du film, je dois le montrer dans sa crudité savent pas composer. C’est ca qui m'in- téresse : ils jouent avec ce qu'ils sont. Trai essayé d’aller vers eux le plus pos- sible. Il fallait qu’ils se sentent bien, que les mots leur conviennent, que les ‘mouvements leur plaisent. Quand l'un deux me diss « ga, je ne peux pas le dire, c'est idiot, je ne le dirais jamais comme ca dans la vie », j'en tenais compte, et on changeait le texte en- semble. Ma seule préoccupation était leur justesse. Caa été une lutte, ils ont soutfet, je leur ai demandé des choses tres dures. Pour raconter cette histoire. jJavais besoin de leur vérité @ Propos recueilis par Isabelle Danel

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