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REGARDS SUR LA PEINTURE En vente un jeudi sur deux - N° 87 Edie par: Ealtions FABBRE 115 rue du Temple - 78138 PARIS-CEDEX 03 Directeur Editorial Giullans ZuccaltBellanton| Directour Gaspare De Fore Texter jovanna Bergamaschi Renate Cogan ioe Ledovia Magistal Gaspare De Fiore saaigea tte Gianni Robina Castro Baron (Dixoction artistique) -_ Paolo Oat Tablo ehronologique Seorétatre de rédaction Sabine Valic Cerania Caramel ‘Rbonnez-vous & REGARDS SUR LA PEINTURE Receves directement chez vous REGARDS SUR LR PEINTURE au prix bloqué de 28 france le numéro pour Tensemble de la collection. 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N° ISBN 2.907745.69.7 © 1988 Gruppo Baitoriale Fabbri, ompiani, Sonzogno,EtasS.p.A.-Milen © 1998 Bdtions Pabbsi pour! éition francaise En couverture Détailde la Naieance de Venus Photo Archives du Gruppo Baitoriale Fabbri, Milan PROCHAIN NUMERO: KANDINSKY NUMEROS DEJA PARUS: 1. VAN GOGH 18, LE CARAVAGE 2. PICASSO 14, SEURAT 3. GAUGUIN 18. RAPHAEL 4. MONET 18. TOULOUSE-LAUTREC S.LEONARDDE VINCI _17. LEDOUANIER ROUSSEAU 8. RENOR, 18. DEGAS 1. GOYA 19. VELASQUEZ 8. MICHEL-ANGE 20, CANALETTO 9. MANET 21, BRUEGEL 10. REMBRANDT 22, FRA ANGELICO 11. CEZANNE 23, HOGARTH 12. DALI 24, DELACROIK 28, CHAGALL 48, LATOUR 28, GIOTTO 47, MODIGLIANI 21. DAVID 48, CRANACH 28, BOCCIONI 49, LELORRAIN 29, TURNER 50, MIRO 30, DURER 51, PIERO DELLA 31, KOKOSCHKA FRANCESCA 32, INGRES 2, FOUQUET 33, CONSTABLE 53, PISSARRO 34, GRUNEWALD 54, GERICAULT 38, LE GRECO. 88, COROT 38. KLIMT 88, MUNCH 37. BONNARD 38. ANTONELLO DE MESSINE 39, HOLBEIN 40. MATISSE 41, COURBET 42. KLEE 43, GIORGIONE 44, BRAQUE 48. REDON 1475 env 11134 em-Frence, Golesie des Ofces Power Botticelli, Yar est rite, culte dune divinité inconnue... inspiration et fire”. Giulio Carlo Argan, 1989 BOTTICELLI “Sandro Botticeli est né septansavant Léonard, etpourtanttout lemondele considéze comme un pein- tre du XV* siécle, et Léonard comme un peintre du XVI.” Cette remarque extaite deTessaisurBoticeli de Giulio Carlo Argan, paru en 1989, déinit avec une clarté exemplaie le réle en porte a faucde artiste dansVhistoirede artta- lion I ft expression paradigmatique d'une culture et d'un cimat auzquels i survécut, mais dont la critique ne sut ni ne voult pendant longtemps le ibérer. Sa vie est assez mal comue, Sandro Plipepi, par la sute sumommé Bottceli, nat & Florence en 1445 de sie Mariano di Vanni, lui-méme fils d’Ame- deoFFlipepi, tanneur de sonmétier,etde Smeralda, déja agée de quarante ans. Cotte datecest établied'aprésladéolara- tion au cadastre faite par son pére en 1447, danslaquelleilaftirme avoir quatre enfants, dont Alessandro "de deux ans”, Ses frétes s'appellent Giovanni, Antonio et Simone; dans une déclaration ulté- rieure (1488), nous apprenons qu‘Anto- nio, Agé de vingt-huit ans, est orfévre, Si- mone, agé de quatorze ans, est apprenti dans Vatelier du drapier florentin Rucel- laid Naples, et Alessandro, agé de treize ans, est occupé & legere et n'est pas en bonne santé. Ce legere est probable- mentune déformation du verbe legare, C'est-d-dire “sertir’, ce qui laisse sup- poser quiil travaille dans Vatelier de son frére Antonio. L’artisan en orfévre- rie était aussi appelé “battiloro” ou “battigello”:d’ot Batticello, Botticello, Botticelli. Liatradition veut quit ait ra- vaillé dans l’atelier de Filippo Lippi pendant les années 1464-67, puis quill soit entré dans celui de Verrocchio en 1467 lorsque Lippi a quitté Florence [pour exécuterles fresques de Spoléte. En 1469, le pére de l'artiste déclare au cadastre que Sandro, vingt-trois ans, “travaille chez lui”. Mais l'année sui- vante, il semble que Sandro ait ouvert son propre atelier et peint la premiére ‘ceuvre que nous connaissions de lui, La Force, faisant pattie des Vertus commandées en 1469 & Pollaiolo. En 1472, Botticellis'inscritla Conitérie des Artistes de Saint Luc. I réalise deux petits panneaux avec les Histoires de Judith, dans lesquels la fermeté du dessin de ’école florentine se dissout en une ligne ondulée et gra- cieuse qui constituera d’s lors a parti- cularité du style de Sandro. On y sent aussi déja cette mélancolie contem- plative, qui est le témoin du rapport ambigu de'artiste avecla réalité, avec Yhistoire, et méme avec la peinture. Cette attitude contemplative se retrouve dans le Saint Sébastien de 1474, si différent du prototype hérol- que et vir de Pollaiolo de 1470. s chant 1505- Destin Kuplersichkob La premiere commande des Médicis date, semble-til, de 1475: i s‘agit d'un Blendard pour le tournoi combattu par Julien, frére de Laurent. La vie de Boticelli et son ceuvre sont és lors étroitement liges a Ihistoire des Medicis, etsurtout la culture dont ils furent les promoteurs. Une culture marquée par le néo-platonisme de Marsile Ficin et de Pic dela Mirandole, une synthse de mythes paiens et de vérités chrétiennes qui fut & Vorigine de sa splendeur et de sa ruine. Sandro se lie en particulier avec Lorenzo di Pierfrancesco, cousin de Laurent le Magnifique. C’est pour ui quilpeindra oeuvre qui aujourd'hui en- core, est le résumé par excellence de son art, Le Printemps. Vasari la décou- vrira dans|a villade Castello otelleaé! instalée. La critique récente a montré la complexité des stratfications culturel- les et littéraires présentes dans ce ta- bbleau qui apparait comme une cosmo- gonie lafois paienne et chrétienne, soi- gneusement élaborée. L’analyse du style a incité les experts & repousser la date de sa réalisation: non pas 1475-77, comme on!'a crulongtemps, mais plut6t le début des années quatre-vingt, avant ou tout de suite aprés le voyage de V'ar- tiste & Rome, Par contre, sa fameuse Adoration des Mages, avec les por- traits des mages) et des intellectuels qui faisaient cercle autour d'eux, date de 1478 environ. I's'agit d'une ceuvre politique” puisque destinge a légiti- mer le pouvoir des Médicis, et idéolo- = gique aussi puisque visant & identifier Ja “renaissance” de Florence sousleur direction avec !épiphanie chrétienne, avec 'étemelle actualité de la Révéla- tion, Méme dans ses ceuvres religieu- ses, done, Botticelli opére une étroite identification entre lemythe etlerite,en- ‘treThistoire sacrée et histoire profane. Crest la méme attitude que Yon retrouve dans les fresques qui lui sont confiées & I'ntérieur de la Cha- pelle Sixtine, I! participe en effet avec Je Pérugin, Cosimo Rosselli et Ghitlan- dajo a la premiére grande entreprise décorative de Rome, destinée - et ce lest pas un hasard -& embellir un liew ont on voulait quil soit le “nouveau temple" de Salomon, la matérialisation grandiose de la puissance papale. ori de Julien de Méicis- 1476077 neou, 750%:52,6¢m nal Gly of At Woshinglon, Nat Ti termine ses fresques en 1482etretoume aFlorence.C estalors que commencela décennie laplusfer- tile eta plus heureuse dela ve de 'ar- liste et de sa vile, I éalise les Histo- res de Nestagio degli Onesti (1483) pourLaurentle Magnifique. Entre 1482 et 1485, I peint la triade néo-platon- cienne composée de la Naissance de Venus, Vénus et Mars et Minerve et le centaure ainsi que la belle Madone Bardi pout 'églse de Santo Spirit. Les ceuvres suivantes révé- lentun changement dans'ame de San- dro, comme si elle était traversée par un soupgon de peur oud'inguiétude: la Madone a la grenade de 1487 et !’An- nonciationpourlesmmoines de Castello de 1488-90 sont volontairement in tuelles et marquent presque un retour au gothique par leur renoncement & Vinstrument par excellence de huma- nisme florentin: la perspective. la fortune de Botticelli est pourtant toujours aussi étroitement lige celle des Médicis. Aprés la mort de Laurent le Magnifique en 1492, sa gloire décline rapidement. Quant a sa crise artistique et religieuse, elle éclate en 1494 & 'écoute des prédica- tions de Jéréme Savonarole qui attaque Je mythe néo-platonicien travers Jequel Sandroa cru pouvoir concilierla foi chrétienne et Imaginaire paien, la vie et le réve. Lentreprise la plus significa- tive de cette époque du point de vue artistique et biographique, sont les illustrations de la Divine Comédie, réa- lisées pour Lorenzo di Pierfrancesco, réfugié dans sa villa de Castello apres, le triomphe de Savonarole. Des dessins impalpables, révélant une sourde agitation, miroir de l'éme de Vartiste ayant perdu ses points de référence. Savonarole sera brilé en place publique en 1498, Mais pendant plusieurs années, son intransigeance impitoyable allume ces lugubres “biichers des vanités”, autodafés dans Jesquels Botticelli voit périrles certitu- des et les réves dont ls'était nourri. 1 ne lui reste quella verité sans oripeaux lune foi sévére: la Calomnie, de 1494 environ, est sa demiére allégorie paienne et en méme temps, l'aveu de a défaite, son “biccher de la vanité” & it Selon Vasari, c'est 4 cette époque qu'ila adhéré “8 la secte dont Savonarole fut partisan, ce qui fut la cause de son abandon du dessin et comme il n/avait pas de revenus pour vivre, il plongea dans un désordre extréme, lal tivité mystique de 1501, seule ceuvre datée et signée par 'ar- tiste, révéle ce “désordre”, ce trouble quise traduitparunretouralespritet la lettre du Moyen-Age. Aprés avoir répudié les conquétes techniques de Ja Renaissance, et aboli la valeur de Vhistoire, la seule verité qui lui reste estcelle quia été établie une fois pour toutes par la venue du Christ Le viewx maitre ne travaille presque plus désormais méme si Yagentd'Isabelle d'Este, Francesco di Malatesti, le recommande en 1502 ala dame enaffirmant quils'agitd""untres bon peintre et d'un homme qui rend volontiers service...” Les conditions materielles de ses derniéres années vontempirer:en 1503 et 1505, ilnepeutpayerles cotisa- tions de la Confrérie de Saint Luc. I meurt Florence le 17 mai 1510, al’age de soixante-cing ans. On I'enterrera dans le cimetiére florentin d'Ognis- santi Natit = 1476077 Fresque, 200 300 em Florence, Snio Maria PORTRAIT D'HOMME AVEC LA MEDAILLE DE COSME L'ANCIEN Dans ce tableau, influence de l'art flamand du portrait est évidente. Botticelli lui emprunte la position de trois quarts du visage et 'arriére-plan wen vol d'oiseau (Hans Memling a réalisé en 1467 un portrait analogue représentant un homme tenant une médaille a effigie de Néron). Botticelli a travaillé sur un panneau soigneusement préparé Vartisan a laissé au centre un cercle de bois en refief sur lequel on a appliqué le moule en platre d'une médaille de Cosme l'Ancien, le patriarche de la dynastie des Médicis, les épaules et les mains du person- nage sont placées frontalement, mais son visage, comme nous I'avons dit précédemment, est vu de trois quarts Terpero sur ponnecy, desedenigve varquée por Panneou, Musée Royal Beovicts de fagon a mettre mieux en valeur son volume et ses traits, Son regard est tourné vers l'obser- vateur pour inviter ce dernier & dialoguer silencieusement avec lui a présence dela médaille, 8 laquelle laquelle V'artiste a attribué une grande importance puisqu’ll!’a placée au centre du tableau, est la Clé de Videntitication du personnage représenté: selon toute probabilits, un membre de la famille Médicis. Mais au-delé de l'identité du sujet, ce tableau est un témoignage remarquable du talent de portraitiste de Botticelli Des huit portraits qui sont parvenus jusqu’a nous et qui lui sont attribués, Celui-ci est probablement le premier. rendre le plus naturellement possible son personage, analysant avec attention et précision les traits du visage et travaillant le modelé avec finesse La composition est “bloquée” dans la structure pyramidale des épaules et des cheveux le volume et la forme du visage sont mis en valeur par la pattie restée dans 'ombre; ses tons camés ressortent sur l'accord du vert de habit et du rouge du béret, encadrés par les tons sombres de la chevelure, Mais ce sont les yeux -ce regard qui semble suivre 'observateur lorsqu'l se déplace autour du tableau - qui donnent essentiellement & ce portrait une suggestivité et une “présence” particuliéres. LE PRINTEMPS 1480 04 82 env, Te surpanneou, 203 x 314 em Foren I La soéne se situe dans un pré parsemé de fleurs au centre, sous les branches d’orangers, se dresse une plante de myrte, symbole de ‘Venus, placée devant cette demiére, selon le mythe classique du Jardin. des Hespérides. ‘Venus, pareille a une Madone, déesse de l'amour et du mariage, est habillée d'une grande tunique blanche brodée d'or et décorée d'un collier de perles (les perles de la pureté) avec un pendentif en demi- Tune, Elle porte sur une épaule un grand manteau rouge aux motifs dorés, double de bleu. De sa téte inclinée et d'un geste de la main droite, elle indique les trois Graces entrain de danser. Son fils Cupidon vole au-dessus de sa t&te et décoche sa fléche en direction de la premiére Grice a gauche. Les Graces, les, doigts entrelacés, dansent en cercle dans le mouvement transparent et doux de leurs voiles. Derriere elles, Mercure léve son caducée pour repousser les nuages qui obscurcissent le jardin de Vanus. Au premier plan, & gauche, s'avance Flore, a tate ceinte d'une guirlande et le cou paré d'une couronne de leurs; sa main droite plonge parmi Jes roses qu’elle tient dans les replis de sa unique fleurie. A cété d'elle, la nymphe Chloris cherche en vain échapper a Zéphyr; ce dernier, tout en volutes et léger comme le vent est, les joues gontlées, resemble & un maliciewx génie aérien, rendu dans des nuances de bleu. Certains ont voulu voir dans la scéne la représentation d'une métamor- phose telle qu'elle est congue dans la théologie platonicienne, Mais il faut sans doute y voir plus simplement une illustration d'un passage des Fastes d Ovide, dans lequel le poéte latin raconte I'enlevement de Chloris par Zéphyr, suivi d'un mariage grace auguel la nymphe deviendra déesse il orden scene de la végétation (c'est-&-dire Flore). Les significations allégoriques du Printemps sont nombreuses et complexes. Mais, il ne faut sans doute pas chercher d'interprétation trop hautement symbolique ou trop spirituelle car le tableau est avant tout un hymme délicat et sensuel a Yamour, récité parle langage éloquent du groupe formé par Vénus, Cupidon et les Graces, et par celui du trio Flore-Chloris-2éphyr. Un amour couronné par un mariage, de méme que le jeune Lorenzo di Pierfrancesco, auquel Botticelli fait ‘res probablement allusion, épousera ‘en justes noces Semiramis d'Appiano enmai 1482, les allusions a amour et & sa jouissance, au désir et aux plaisirs de Ja vie sont rendues avec l'elégance et le raffinement caracteristiques de Botticelli La délicatesse du dessin, la splendeur et la luminosité des couleurs donnent au Printemps un charme indiscutable, au-dela de toute signification. Dovid -cvant 1476 Musée National du so, La igure de Mercure dans le Printemps sent inspire dy Dove de Vertocchi. MINERVE ET LE CENTAURE a scéne représente une figure feminine tenant une haute hallebarde dans sa main gauche et serrant d'un geste tranquille les cheveux d'un centaure, armé d'un arc, qui lui adresse un regard plein de douleur et de surprise, sur 'arriére-plan d'une baie encadrée par un rocher en saillie. Botticelli cache, comme & son habitude, la signification symbolique qui esta origine du tableau sous une composition parfaite au dessin raffin€ cet aux couleurs harmonieusement associées. Ce tableau est donc interprété de différentes facons: certains le considérent comme une allégorie politique symbolisant le triomphe de la Paix sur la Discorde. Mais on ne peut ignorer la signification de la hallebarde qui est Yarme des gardes et des sertinelles: or c'est en sentinelle, en gardienne dela chasteté que la vierge adolescente Camille (héroine de 'Enéide de Virgile) ou Pallas- Minerve bloque le centaure, personification de la luxure. L'image devient alors une variation surle théme de la chasteté triomphant de la luxure. Au-dela de Yallégorie et du symbole, le tableau cherche sa perfection en luj-méme, dans ses valeurs formelles et tonales, dans I'équilibre des volumes, dans la transparence de Yatmosphére et dans la force de expression - souvent douloureuse - des personages. Minewe - 1482/83 22x 14 en- Florence, Galerie des Ofc. fue le pre Horntine cerehe recon espace ete rl rovers igne, Bo de fave doncer cate deride do son a el! sensible selon des hes muscane qui oul, endulr ese dssoudre Tempero surtols, 207 x 48 cm PREMIER EPISODE DE LA NOUVELLE DE NASTAGIO DEGLI ONESTI En avance sur la mode, Botticelli avait déji Vhabitude a Florence de décorer les pices de représentation, et en particulier les chambres rmuptiales, avec des panneaux de bois peints. C'est justement pour décorer la chambre ruptiale de son fils Giannozzo que le vieil Antonio Pucci commande 4 Botticelli quatre panneaux illustrant une nouvelle du Décaméron de Boccace. Mais tout n'est pas de la main du maitre : Sandro a congu le projet général et réalisé probablement l'un des quatre panneaux tandis que le reste a ét8 confié & son atelier. Botticelli dirige en effet 'un des ateliers les mieux organisés et les plus prolifiques de 'époque: il congoit le projet de départ et intervient de temps en temps. Toutefois, Botticelli semble avoir mis lamain plus que de coutume surle pre- miet épisode. La scéne représente la dame cruelle, poursuivie par un cavalier et mordue par un chien, entre les troncs d'une forét dense, sur larriére-plan d'une baie lumineuse. ‘Méme si Botticelli confie la plus grande partie de la réalisation a ses collaborateurs, on sent 'empreinte de son génie dans certains détails tels que la figure de Nastagio entrant dans le bois, motif que Vartiste reprendra dans le dessin du premier chant de la Divine Comédie avec la méme force de suggestion et a méme veine mélancolique. Nous retrouvons d'ailleurs dans ces illustrations de la Divine Comedie, gui sont la premiare tentative de donner formes et couleurs au monde écrit par Dante, toujours la méme volonté de véhiculer des idées philosophiques et raffinées & travers le dessin et la peinture. Ce qui réanime la querelle entre les experts: est-ce avant tout le theme, les composantes philosophiques, les significations symboliques cachées qui comptent pour Botticelli? Ou n'est-ce pas plutét, au-dela de ces significations, le style? Sa fagon de rendre l'dée du beau n’est-elle pas en fait le but ultime de la recherche de Vartiste, sa raison de vivre et son moyen de parvenir &la connaissance? VENUS ET MARS Le theme illustré par I'auteur est encore une fois le triomphe de Venus sur Mars, de l'amour surla force et sur la guerre. Botticeli réussit transformer un theme plutét banal et traditionnel en une ceuvre originale et pleine de poésie. Les personnages sont allongés sur un pré verdoyant, a 'ombre d'un bosquet qui laisse entrevoir a V'arrigre-plan une plaine verte et des collines bleues. A gauche, Vénus (qui nous apparait ici dans sa version “nuptiale”, done couverte de voiles souples brodés d'or, dont les drapés sont étudiés dans les moindres détails) est appuyée sur un coussin rouge; une grosse barette circulaire avec un Tubis tient les deux tresses de ses cheveux tandis que de douces méches ondulées descendent sur sa poitrine. A droite, Mars est endormi, le corps détendu, aprés les jeux de Yamour. Botticelli crée ici 'un de ses plus beaux nus masculins, construisant avec une grande maftrise l'anatomie et le raccourci perspectif de la figure. Quatre figures de satyres avec des corps dlenfant et des pieds de bouc complétent la composition, harcelant malicieusement le dieu endormi. Leur présence vient alléger la tension érotique de la scéne, lisble dans le regard absorbé de la déesse et 'abandon du guertier. La composition est parfaitement équilibrée:; la pliure du bras répond & celle du genou; aux mains de la déesse correspondent celles du dieu, le tout dans la douceur de la lumire et du modelé. Au-dela de toute signification symboli- que, on est charmé par 'équilibre reposant des deux corps allongés, mis en valeur par le mouvement des quatre satyres, et parle contraste raffing entre la richesse des plis dela tunique de Vénus et les formes lisses du corps du Mars. 1483 ors. -Ponneau, 69x 178 em -Lonces, National Galery nace de ui soot 8 trovers um buccn dans Feraile du dew ‘soup pourle Tleut de Fimagination dans le des colori cet dans la disposition des personnages de ses tableaux historiques, montrant de la sorte qu'il n’était pas inféricur pour Finvention aux autres artistes de son temps. A poque-| on rehaussait dor les figures avee dur mordan Sandro y réussit aussi bien que les autres, quelle que fut la couleur de habit du personage. Il eut beaucoup de talent aussi pour nter les petites figures, qu’il travailla avec beaucoup de soin. 2? rep! ra puree, 1791, LA NAISSANCE DE VENUS fowreo Gaete dashes Malgré les apparences, la Naissance de Vénus ne symbolise pas seulement ‘exaltation paienne de la beauté feminine: entre autres significations cachées, apparaitcelle dela correspon dance entre le mythe de la naissance dela déesse (née del'écume de lamer) et la croyance chrétienne de la nais- sance de 'éme dans eau du baptéme. Crest la beauté spirituelle qui compte: la Vénus qui surgit dela mer dans sa coquille symbolique a un corps d'une pureté et d'une simplicité absolues. Elle est entourée des éléments primordiaux, l'eau, 'air, la terre, traités avec limpicité et précision (au point que les petites vagues soigneusement dessinées a la surface de l'eau créent Peffet contraire: une surface parfaitement fantastique et merveilleuse). ly a une poésie et une mélancolie infinie (qui font penser aux poémes de Laurent le Magnifique) dans cette scene parfaitement composée, avec au centre Vénus cachant sa nudité chaste de ses longs cheveux, & gauche Zéphyr et Chloris entrelacés _Leschéma me en evidence lo studre dele composion comprise dons un volant au milieu des leurs dans air mauveren, uggétée parle chogonae des ves suspends Sons so, tistallin et droite Hora, vatue coyps de lo déese vers lo nymphe Hare qui semble ecuel dns ks. d'une tunique fleurie, courant avec un -——>———_ manteau rosé gonilé par le vent et couvert de fleurs, allusion au printemps. Botticelli gitue la scéne dans une grande baie bordée de criques, saisissant la déesse au moment oi elle arrive sur la plage dans sa coquille poussée par les vents. Zéphyr fait voler ses cheveux tandis que la nymphe Chloris, sa future épouse, exhale une légere brisem et que la nymphe Hora court avec son manteau brodé pour la couvrir. Ce n'est pas vraiment la naissance de Vénus queT'artiste décrit, mais son premier débarquement sur Jes rives terrestres: c'est pourquoi Yoeuvre est interprétée comme une peinture matrimoniale, célébrant Yamour et la beauté feminine. Zephyr, Chloe Venus an fe mlongeon aux couleur Lo pose de Vrs et enprnie cur odes defo Venus pues, fewer cossove a fern ie on er (Céoméne Azoodore repredutecdesaus Iapase de a déese corks corps oppuy sf jones! ligne once des chev ft cote Enos, dre: un lotunigue dor, bre lta porane cer = MADONE A LA GRENADE Dans ce “tondo”, Botticelli reprend le motif de Marie, pleine de grace, traité dans un tableau précédent. espace du “tondo” est presque ‘entiérement rempli par les figures: colle de la Madone, au centre, qui tient sur ses genoux I'Enfant Jésus en Vaidant a tenir une grenade ouverte, représentant le fruit du Paradis; et celles des six anges qui se pressent autour du tréne; tréne que l'on ne voit pas, sur lequel on devine Marie assise contte le ciel bleu, traversé par 'arc de 'Empyrée, d’oi, descendent des rayons dorés. La Madone penche son splendide visage au regard profond et ointain - comme celui de lEnfant-, noyé de mélancolie; les anges autour d'elle semblent par contre absorbés en une sorte de “conversation sacrée”, les uns en train de lire un livre de priéres, les autres tenant des lys et des guirlandes de roses, tounant leurs regards vers Vobservateur pour Vinviter a entrer dans la scéne. Comme toujours, chaque élément, chaque détail est scrupuleusement dessiné ot defini: a silhouette des anges, les attitudes, les différentes expressions, la perspective, les traits du visage auteur trate avec un soin particulier les étoffes riches et précieuses, décrivant minutieusement les motifs ‘omementaux et la transparence des voiles jouant sur le contraste entre les tons de couleur et sur la souplesse des plis. S'llsoigne les formes et les éléments de détail, il est trés attentif aussi au symbolisme et aux emblémes: la grenade dans les mains de Jésus ot de Marie, les guirlandes de roses roses et rouge sombre qui entourent lataille des deux anges du premier plan, la priere inscrite en or sur Tétole de ange quitient le grand lys ("Ave Grazia Plena”), 487 env. - Tempera sux panneau, diame 3.5 em Florence, Galerie des Offices Madore de Mognio Tenpe sr I 1B.on- Florence, Gl der Ofc rage) recemposton coves un pe ombre ce foures dons un cade cresbre Mis & par forquienci et ins ue les hb somplueur eles vies, on es Foppe parle splendid échorpe rose ender bieves dasses qui enoure enbaindéerveles verses du Magnificat. i dott dy pomecy semble inlerogerle vein qui quite san ve des yeux pou" eurer sn regard vers obsevateur einer gemient 2 confemple la sn. Teujours ave sue do monde dt, Botcal ersine st coractirie les vsoges des onges entovent la Vege Mare rec un son poricuer —n— Cotte Pietd a été réalisée pour une des chapelles de I'église de San Paolino qui se trouvait au coin de la rue oii habitait le peintre. C’est pourquoi saint Paul a une place d'honneur dans le tableau, & droite de la Vierge qui, soutenue par saint Jean, tient le corps inanimé de Jésus. Saint Pierre clét le récit a autre extrémité de la composition. Lascéne se déroule devant entrée du sépulere qui s’ouvre comme une blessure derrigre les protagonistes. Les pierres cassées et obscurité de Vintérieur contribuent a souligner le caractére dramatique de Yévénement. La composition s'arfioule autour de la ligne ondulée quirelie les figures de la partie supérieure (saint Jérdme qui se frappe la poitrine avec une pierre, saint Paul, saint Jean a cété de la ‘Madone, Marie-Madeleine qui tient les trois clous dans un geste de désespoir, et enfin saint Pierre, plus détaché) et autour de I'are qui relie par contre les figures de la partie inférieure (les saintes femmes qui embrassent le corps inanimé du Christ). Cette scene dramatique est particuliérement soignée dans les détails, avec exces quelquefois (la finition un peu rigide des drapés, les variations chromatiques trop raffinges), ce qui finit par diminuer la tension et 'émotion, Seule la forte douleur de Marie-Madeleine, qui svenveloppe étroitement dans sa cape, romp lexpression conventionnelle de la douleur avec une peine plus intense. Dans ce retable comme dans ses autres tableaux de caractére traditionnel, Botticelli ne cherche pas ‘a rompre avec la tradition, mais plutot 4 approfondir introspection des personages, avec des couleurs plus ‘expressives et une orchestration parfaite des éléments de la composition. 490/92 -Ranneou, 140x207 cm - Munich Alle Pinakothek Le schéma met en édence Fond second plon eta cour de Fare gu comprend es sins ferme en rin del outer Ce ‘monieme fomel qu ranspareit dons dale quire es fgures av sypt abandanné du Chri! rosters & rchelre figures! dons es couleus. fied - 1495S en Fenrsou, 1077) cm Mion, Mise Pole Fezzol Dance pomeay conposion es vero Boal ‘empl so scine de pasonoges do ‘ealinet eens Uo movvenent ceuote te les es dos ne rine romoique cumeyen dele hgne ence sires figures ch re deceles ds seco tout ene unszot maga trove le ye des LA CALOMNIE ia complexité de la composition et le raffinement de son élaboration donnent & ce panneau de dimensions réduites une monumentalité particuliére, Le théme est emprunté aux Dialogues de Vécrivain satirique grec Lucien: le peintre Apelle est accusé mensongérement par un rival @avoir conspiré contre le roi, mais un conspirateur arréteé 'innocente. Le peintre se venge alors au moyen d'un tableau allégorique centré autour d'un homme affublé des oreilles d'ane du roi Midas Botticelli met lui aussi des oreilles dane a son roi, qui tend la main ala Rancceur précédant la Calomnie. Des deux cdtés du ro, il place deux femmes symbolisant "ignorance et le Soupgon. Il donne & la Calomnie les traits d'une trés belle ferme au visage en colére, que lEnvie et la Fronde sont en train de parer; elle tient dans sa main gauche une torche allumée et tte de la droite les cheveux d'un jeune homme qui leve ses mains vers le ciel. Derriére, la Péritence avec son visage douloureur, est habillée de noir et toume son regard vers la Verité nue, située a gauche de la composition. la scéne se déroule dans une piéce qui s‘ouvre sure blew du ciel & travers trois grands arcs. Cette pidce est richement décorée avec des statues dans des niches, des bas- reliefs en clair-obscur et le trone imposant en haut de deux marches sur un podium en marbre. Botticelli réalise ici une parfaite synthase entre les personnages et le décor, traitant tous les détails avec un soin extréme. Le maniérisme évident de lceuvre, avec ses figures allongées dont 'élan et les poses sont fortement accentués, est racheté parla recherche de lintensité et de la tension dramatique. I semble flotter un vent de soupgon, de haine et de trahison. 1494/95 -Pannecu, 62x91 cm Fence, Galerie des Ofices chore dea Vie mee og les ripsouxdcirés de fa Pentence, fe ‘mowerent ze peur dans ls gees nerveux des eames gui cei! Colonni,usqu'av roi enouré de Mgnoronce et du Soupean le carocie cromatque de lo sivaton est cccerué pr le contrast eels contscns de figures et inmobié classique dv dco Boticel chit avec un son prt la pose, es vtements ees fons de couleur de chacune des fous de son nbleou pour rendre ovement ble leur signiieation smbolque et olégoriqve. Cex pourqua! a luminosié. dun de la VE conse oteont avec les ont sombres des oripecux de la Pénience, ees rats comme les on d visage srin de la promis opposen! cx regard sombre ef once dela seccnde —u4— LE CHRIST DANS LE JARDIN DES OLIVIERS 1500 env.- Ponneay, 53x35 em - Grenade, Museo de lo Coal Reo Ce petit tableau religieux décrit la priére du Christ dans le jardin des Oliviers au moment ot!les apétres s'endorment, indifférents. la représentation obéit A une tendance qui se développe 8 partir de la seconde moitié du XV* siécle et qui consiste a insister de fagon plus aigué sur la souffrance du Christ. la perfection du style de Botticel fit dire & Luca Pacioli dans la préface de Ja Summa de arithmetica qu'il fait partie des grands maitres florentins, de ceux qui “portent & terme leurs travaux en leur donnant des proportions admirables avec le niveau etle compas, si bien qu’ils apparaissent aux yeux non humains, mais divins, et qu’ semble qu'il ne leur mangue rien d'autre que lame". Le tableau reprend les motifs ‘typiques de l'iconographie traditionnelle. La scéne est divisée en deux bandes horizontales: celle du bas comprend les apétres endormis, celle du haut la figure du Christ en priére Mais Botticelli transforme ces éléments en une vision personnelle et symbolique: le mont des Oliviers est représenté comme un gros rocher entouré doliviers, sous lequel sfouvre une tombe contenant un sarcophage, avec un sentier qui court tout autour; il est délimité devant et derriére par une palissade. absence de respect des proportions et de la perspective plonge la scéne dans une atmosphere irréelle qui fait penser & la représentation sacrée d'un rmystére divin. Encadrée par le feuillage des arbres, sur 'herbe du pré qui pousse au sommet du rocher, la figure du Christ vétu de rouge se

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