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Paul Riceur Histoire et vérité Estil possible de comprendre l'histoire révolue et aussi de vivre — et, pour une part, de faire ~ histoire en cours, sans céder & esprit de systéme des «philosophies de histoire », ni se liver & Virrationaité de la violence ou de l'absurde ? Quelle est alors la vérité du métier d'historien ? Et comment participer en vérité a la {che de notre temps ? Tous les écrits de ce recueil débouchent sur ce carrefour dinter gations. Ceux de la premiére partie, plus théoriques, sont inspirés ar le métier dihistorien de la philosophie, que pratique l'auteur. Dans la seconde partie, c'est a travers des thémes de civilisation et de culture (le travail, la violence, la parole, l'angoisse, etc...) que l'on siinterroge sur les chemins d'une unité qui ne soit pas une synthase prématurée. Paul Ricewur ~~ Histoire etvérité ‘Seuil | Esprit | HF ISBN 2020025911 pring en Fane 84-11 | collection Esprit | Seuil a =) AR NEGATIVITE ET AFFIRMATION ORIGINAIRE cette méditation, une méme question pro- gresse, Quelle et cette question? i est ifiele de Vénoncer Sans préparation ; car ce n'est pas seulement la réponse, mais Ja question elleméme qui sera progressivement élaborée. Tl est plus facile de dire ce qui a suscité la question : le désir de voir clair dans mes propres réticences & Végard des philosophies Qui, depuis Hegel, font de Ia négation le ressort de la réflexion, ou méme identifient Ia réalité humaine & la négativité ; le sen timent que Hegel représente une coupure, une mutation par rapport & l'ensemble des philosophies antérieures et que, pour- tant, il est possible et nécessaire de récupérer une philosophie du primat de Vétre et de Vexister qui tienne compte de facon sérieuse de ce surgissement des philosophies de la négation, Telle est, tr8s en gros, la motivation subjective de cette étude. Mais ce n'est pas encore une question rigoureuse ; séparée de ses approches, la question serait celle-ci : étre ail Ia priorité sur le néant au ccur de homme, cestidire de cet etre qui, luiméme, s'nnonee par un singulier pouvoir de négation? La question ainsi posée, en bralant les étapes de sa propre élabo- ration, parait abstraite; pourtant, on le verra, elle commande tout un style pilosophique un ste ex « oul» et non un sxe en « non >, ct, qui soit, un style en joie ct non en angoizce’. Laissons done cette derniére question — que. nous ne connat- trons que dans sa réponse méme — glisser A V'horizon et res- i "y ail A emi crdnel inteoge ue a négton jut sel n'y ak an ginny ey dnt Pesce fa asi mF Soman Nc po cee nigton al net foute Te pine, de muon et la fat poaire ongionire? Mais cette question doit ere ‘ipeme pour mencr i ban celle qui ext Gabor dana cea pape 336 PUISSANCE DE. L/AFFIRMATION serrons notre prise sur ce qui pourrait constituer un acs & Ia question. Par ot commencer? Par la réflexion méme sur Ia réalité humaine. Nous allons tenter de déborder, par Vintérieur en quelque sorte, V'acte de réfléchir, afin de. récupérer les condi- tions ontologiques, en style de néant et d'étre, de la réflexion, ‘Mais que signific partir de la réflexion, de V'acte de réflexion ? Cela signifie, plus précisément, partir des actes et des opérations dans lesquels nous prenons conscience de notre finitude en ta dépassant ; donc de la connexion entre une épreuve de finitude et un mouvement de transgression de cette finitude, C'est 18 que Rous trouverons la principale et fondamentale négation, celle qui tient a 1a constitution méme de la réflexivité; l'épreuve de finitude nous apparaitra impliquée dans un acte de dépassement qui, & son tour, s‘exhibera comme dé-négation. Ce moment négatif une fois dégagé, la question proprement ontologique sera élaborée : la dénégation atteste-tlle un Néant ou bien un Etre dont la négation est le mode privilégié de mani. festation et d’attestation ? 1. FINITUDE ET DEPASSEMENT II nous faut done établir cette proposition initiale : que Y'ex- Périence spécifique de la finitude se présente d’emblée comme une expérience corrélative de limite et de dépassement de limite. Cette structure paradoxale de Vexister humain doit étre décrite comme telle et non brisée en deux; comme sion pou. vait, dans un premier temps, mener & bien’ une description de Yétreau-monde (par exemple dans la perception ou dans Vaffec. tivité) puis, dans un second temps, amorcer le dépassement de cet @tre-aumonde (par exemple par la parole ou le vouloir). Dun seul mouvement, d'un seul jet, V'acte d’exister c'incarne et déborde son incarnation, Crest d’abord dans 'étrange et insolite relation que j'ai avec mon corps et par lui avec le monde quiil me faut chercher le noyau d'une expérience de finitude. Par quels traits ma relation A mon corps et, par lui, au monde dénonce-telle du fini? Je crois qu'on répond trop vite en disant que la fonction de médiation du corps est comme telle finie. A vrai dire, ce que mon corps se révele étre d'abord, c'est 337 \VERITE DANS L'ACTION HISTORIQUE cine ouverture sur.. Avant d'étre la fermeture de Vhuitre dont patie Piston et, plus forte raison, le Fombeau des Orphiques, Beast ouverture, Bt cela de multiples fagons : ouverture du besoin par quoi je manque du monde; owverture de la souf- france elleméme par quoi je me découvre exposé au dehors, oiler ss menaces, overt coe un Hane découvert: ower ire de la pereeption per quoi je rego's Vautre; manquer ¢ fire vulnerable, recevolr, voila deja treis manitres irréductibles entre elles d’étre ouvert au monde. Mais ce n'est pas tout : par expression, mon corps expose le dedans sur le dehors ; comme Signe pour autrui mon corps me fait déchiffrable et offert & la amtualité des consciences, Enfin mon corps offre & mon vouloir tin paquet de pouvoirs, de savoirfaire, amplifés par Vappren tissage de Phabitude, excités et déréglés par 'émotion : oF ces pouvois me fenden fe monde patcable, m‘oovent 2 Tuten ie du monde, par les prises quils me donnent sur le monde, vce nest done pas la fnitude que je trouve dabord mais You. verture, Quels traits de cette ouverture Ia qualifent comme finie? Estee seulement la dépendance au monde inscrite dans Vouver- fure? Estee Te fait de manguer de.., de subir... de recevoir. Gexprimer,, de pouvoir? Kant semblait Yadmettre tacitement puiegu'll div nous autres, etres finis, pour désigner des étres eit de produisent pas la réalite de leurs pensées mais la rego sein phe oppose & un étre doté dune intuition originaire, au rene Fe ceectrice, qui svaurait plus objet mais se donnerait sere cr Voit (Enestand et non plus Geger-stand). Or il est Giestite de tenir Te monde pour une limite de mon existence. Ce quily a précisément de bouleversant dans le role médiateur Ga dorpe cebt quil mvouvre sur le monde ; autrement dit, il est Yorgene d'une relation Intenionnele dans laguelle 1e monde rest pas la borne de mon existence mais son corrélat, eee ee seabie alors quill faut chercher dans ouverture elle éme un trait additionnel qui fait de mon corps une ouverture nie pour rester dans Timage de Vouverture, il faut discemner tn prinee Getyoltese une femeure dan Fourertor,w jos dire, qui est précisément la fnitude, Parmi lee cing exemples ouverture que jai donnés — man quer de... subir recevotr, exprimer, pouvotr, le cas de la percep- flon (ie Zecevoh) est le plus éclairant; on verra comment on le genéraliser. ~ ° Pei anitude spéciale de Ta perception est lige ala notion de point de vue. il est Temarquable que cette finitude, je la 338 PUISSANCE DE L'AFFIRMATION remarque dabord sur Vobjet méme; je rebrousse ensuite de objet vers moi comme centre fini de perspective. C'est en effet sur Vobjet que j'apercois le caractére perspectiviste de Ia per- ception; Vobjet est pergu d'un certain cété; toute perspective est, au sens propre, unilatérale; on voit comment s'articule Vunilatéralité du pergu et sa temporalité; c'est parce que je wois chaque fois 1a chose d'un cdté que je dois déployer le Aux des silhouettes oit 1a chose se donne successivement de ce cété, puis de ce cété; et.ainsi 'inadéquation meme de la perception comme étant toujours en route (et non pas sa seule réceptivité, Ja réceptivité comme telle) m’annonce Ia finitude de mon point de vue ; refluant en effet du pergu vers le percevoir — et plus exactement vers Je percevoir comme incarné dans des organes = ie forme Vidée de ma perception comme un acte produit de que! ¢ part; non pas que mon corps soit un ew parmi autres ; au contraite il est le « ici » auquel toutes les places se référent, le © iGi » pour lequel toutes les autres places sont labas. Je percois toujours la-bas mais d'ici. Cette corrélation entre le ici du percevoir et 'unilatéralité d'un pergu constitue la finitude spéc* que de la réceptivité. Ce n'est plus alors seulement Vidée d'une intuition créatrice qui sert de contre. partie & celle d'une intuition réceptrice dans Yopyosition infini- fini; c'est Vidée sYautres points de vue corrélatifs ou opposés au mien ; ici c'est le fini qui limite le fini ; nous verrons tout A Yheure & quelle condition précisément. je puis mopposer un autre point de vue. Comment puis-je connaitre ma perspective comme perspective dans l'acte méme de percevoir, si je ne lui échappe en quelque fagon ? Crest ce « en quelque facon » qui fait toute la question, Nous l'avons suggéré en passant : appréhender mon point de Yue comme fini, c'est le situer par rapport & d'autres perspec. tives possibles que j‘anticipe, en quelque sorte a vide. Cette anticipation, je l'opére sur la chose méme, en ordonnant cette face que je vois par rapport a celles que je ne vois pas mais que Je sais. Ainst je juge de la chose méme en transgressant la face de la chose dans Ia chose méme. Cette transgression, Ceest Vintention de signifier, c'est le vouloirdite, le Meinen. Par elle je me porte au-devant’ du sens qui ne sera jamais pergu de nulle part ni de personne. Si je remarque maintenant que ce vouloir-dire, ce Meinen, c'est la possibilité méme du Dire, il apparait que je ne suis pas seulement regard, mais vouloir-dire fet dire ; car des que je parle, je parle des choses dans 339 VERITE DANS L'ACTION HISTORIQUE, eure faces non pergues et dans leur absence. Ainsi 'intention perceptive finie, qui me donne le plein du percu & chaque ins- fant, le présent de la présence, cette intention perceptive finie nest jamais seule et nue; elle est toujours, en tant que pleine, prise dans une relation de remplissement plus ou moins complet 4 Végard de cette autre visée qui la traverse de part en part, qui la transit littéralement et & quoi la parole est originairement lige. Le regard muet est pris dans le discours qui e articule le sens ; ef cette dicibilité du sens est un continuel dépassement, au moins en intention, de V'aspect perspectif du pergu ici et maintenant. Cette dialectique du signifier et du percevoir, du dire et du voir, parait bien absolument primitive et le projet d'une phénoménologie de la perception, ob serait ajourné le moment du dire et ruinée cette réciprocité du dire et du voir, est finalement une gageure intenable. ‘Autrement dit, je ne suis pas entigrement défini par mon sta. tut d’étreau-monde : mon insertion au monde n'est jamais si totale que je ne conserve le recul du singulier, du vouloir-dire, principe du dire. Ce recul est le principe méme de la réflexion sur le point de vue comme point de vue ; c'est lui qui me per- met de convertir mon ici de place absolue en une place quel- conque, relative & toutes les autres, dans un espace social et géométrique od il n'y a pas d'emplacement privilégié. Dés lors je sais que je suis ici; je ne suis pas seulement le Nullpunkt ais je le réfiéchis : et je sais du méme coup que Ja présence des choses m’est donnée d’un point de vue, parce que j'ai visé Ja chose dans son sens, par-dela tout point de vue. Estil possible, maintenant, de généraliser cette dialectique générale de la finitude et du dépassement ? Oui, dans la mesure ou Yon peut retrouver un équivalent de la perspective dans tous les autres aspects de la médiation corporelle : manquer de..., subir, exprimer, pouvoir. Le caracttre spécifié et électif du besoin est évident. Je suis également accordé sur un com- plexe défini de menaces qui dessinent les contours de ma fragilité et font de ma vie une fragilité orientée. L’affectivité dans son ensemble me dit comment je me « trouve » au mond cette Befindlichkeit est & chaque instant Y'opacité inverse: de cétte lumitre qui commence avec la premitre perception claire, Cest-i-dire, précisément, offerte, ouverte. Ainsi cette manigre de = se trouver bien ou mal » confére au point de vue perceptif tune épaisseur qui est la fausse profondeur de l'existence, la muetie et indicible présence & soi du corps; le « ici » de 340 PUISSANCE DE L'AFFTRMATION ‘mon corps, manifesté par le sentiment opaque, vibre sur place ; cette senstbilite « profonde » fait du corps autre chose que le laisser-passer du monde, le laisserétre de toutes choses; le corps n'est pas pure médiation, mais aussi immédiat pour méme. Que le corps ne puisse étre pure médiation mais aussi immédiat pour lui-méme, c'est 18 sa fermeture affective. Ce méme facteur de fermeture nous le trouvons dans tous les pouvoirs qui donnent prise au vouloir. Tout pouvoir est un complexe de puissance et d'impuissance ; l'habitude opére méme selon cette double ligne ; elle n’éveille des aptitudes qu’en leur donnant forme et en les fixant; l'admirable petit livre de Ravais- son sur I'Habitude serait tout entier A verser au dossier de notre méditation sur la fermeture dans ouverture. Un pouvoir qui a une forme, tel est le « Je peux »; en ce sens on peut dire que le« Je peux >est la perspective pratique du « Je veux ». Finalement on arriverait & résumer toutes ces notations sur la perspective, sur V'immédiateté affective du corps a lui-méme, sur les contours du « Je peux », dans celle de cavactére; un caractére cest une figure finie (un caractére d'imprimerie) ; le caractére c'est Vouverture finie de mon existence, c'est mon existence en tant que déterminée, Mais afin de ne pas transfor. mer ce caractére en une chose, il ne faut pas le séparer de Vidée de point de vue ou de perspective; dans la nisi la perception est la lumitre de Vaffectivité comme de Vactivité — done du manquer, du subir et du pouvoir — c'est la notion de perspective ou de point de vue qui explique le mieux celle de caractére, parce que c'est elle qui nous rappelle que la fin tude n’est pas une cloture spatiale, n’est pas le contour de mon corps, ni méme sa structure, mais un trait de sa fonction médi trice, une limite inhérente &’son ouverture, l’étroitesse originelle de son ouverture. Or ce qui a été dit plus haut de la « perspective » dans V'acte de percevoir peut étre repris, mutatis mutandis, de toutes ies manifestations de notre finitude : je ne puis en faire 'épreuve que dans le mouvement qui tend & les « dépasser ». Puisje éprouver quelque besoin, comme homme et non seulement ommie béte, sans fommencer de évaluer, Cestadire sans Yapprouver ou le réprouver, et donc sans prendre positi a son égard? Immergé dans la souffrance, je suis ause! celui qui la juge et la mesure & Yéchelle de biens plus précieux que mon corps, de biens qui, peut-tre, me réjouiront au plus fort de Ja douleur. Nous sommes ainsi renvoyés, par l’épreuve dv. 341 VERITE DANS LIACTION HISTORIQUE besoin et de la douleur, du désir et de la crainte, & chercher dans T'acte méme de vouloir le dépassement originaire de notre finitude ; Tacte de prendre position pour évaluer fait apparaitre Vaffectivité dans son ensemble comme perspective vitale, comme vouloirvivre fini. Mais je ne le sais que dans le vou- irdire et le voulotrfaire. : we ersire analyse'a atteint ainsi un premier niveau : Ia notion de limite appliquée & existence humaine a une double significa. tion ; d'un cote elle désigne mon étrela fimité en tant que pers- pective; de ‘autre elle désigne mon acte-limitant en tant que Yisée de signification et de vouloir ; c'est mon acte comme limi tant qui révéle mon étrela comme limité, 2 peu prés au sens fou Kant disait que ce nest pas la sensibilité qui limite la rai Son, mais la raison qui limite la sensibilité dans sa prétention aa étiger les phénoménes en choses en soi. 2, LE DEPASSEMENT COMME DENEGATION te analyse préalable terminée, il est possible de faire appa- rats le probleme : que signifie Vindice de négativité qui sat- tache au mouvement de « transgression » de la perspective par Tintention de signifier et, plus généralement, de Ja situation de finitude par la transcendance humaine ? ; "Reprenons notre analyse réflexive de la perspective ; elle nous fa paru s'insérer dans une expérience contrastée du signifier et du voir; je pense la chose pardela cette perspective et je saisis la perspective comme silhouette de la chose. (it est ici la premiére négativité ? Dans 'opération méme du Aépassement ; je ne puis dire ma transcendance @ ma perspec: tive sans m'exprimer négativement : je ne suis pas comme transcendance ce que je suis comme point de vue; sous forme raccourcie et paradoxale : je ne suis pas ce que je suis. Mais je macctde & cette expression radicale de ma transcendance que par voie indirecte, réflexive : c'est sur la chose méme que Yapercois le négatif eh quoi consiste ma transcendance, de méme que, tout a heure, c’était sur la chose méme que je comprenais ce que voulait dire point de vue, perspective, etc. Crest sur la chose méme aussi que son sens se donne comme signification « vide », comme visée a vide, que « remplit » plus ou moins le plein de la présence ; la toute premitre négation, je la trouve donc dans ce vide de fa signification, telle que Hus- 342 PUISSANCE DE L/AFFIRMATION serl la décrivait dans la Premiere des Recherches Logiques : je vise la chose comme n’étant pas selon ma perspective. 11 est remarquable que la grande cuvre de Husserl ne commence pas par la présence des choses, mais par la puissance de les signifier : le comble de la signification, c'est alors celle qui ne peut pas étre remplie par principe, c'est la signification absurde ; je suis puissance de significations absurdes ; ce seul pouvoir aiteste que je ne m’épuise pas dans une intentionalité de présence remplie, mais que je suis double intentionalité d'une part intentionalité néante, élan du signifier et puissance du dire dans absence du cecil; d'autre part intentionalité comblée, accueil du recevoir et puissance du voir dans la pré sence du cecila; je sais gré a Husserl d'avoir commencé son ceuvre, non par une phénoménologie de la perception, mais par tune phénoménologie de la signification, dont I'horizon est la signification absurde, sans remplissement possible. Mais Husserl n'a pas tiré les conséquences de son analyse Pour une philosophie de la négation. Ces conséquences n’appa- raissent que lorsque Yon porte la premiére Recherche Logique & la lumire des analyses qui ouvrent la Phénoménologie de Esprit; la premiere négation dénombrée par Hegel apparait dans I'écart de la certitude et de la vérité; le « cela est » demeure la plus riche des certitudes et la plus pauvre des vérités ; en effet dés que je veux dire cette plénitude de la totalité offerte & la pensée, cette plénitude & laquelle rien ne peut étre ajouté, il faut d'abord que j'annule dans Vuniversel le ceci qui prétendait dire tout ceci dans un ceci; la vérité de la chase, c'est d’abord noneci; de méme que l'universalité du concept moi, c'est non-celui-ci. Cette analyse recouvre exac- tement celle de Husserl lorsqu'il distingue la visée de la vision, Ja signification de la présence; car c'est de la description phé noménologique de la visée que Hegel fait surgir la négation; la visée, dirons-nous donc est la non-vision ; le sens est le non- point de vue. Reportant sur l'acte méme de signifier ce que nous venons de découvrir sur la chose méme, nous dirons done, comme plus hhaut, mais avec Ja conscience d'avoir élaboré Ie sens de la formule : je ne suis pas, comme transcendance, ce que je suis comme point de vue. . Ce que nous venons de dire de la négation du point de vue, hhérente & mon intention de vérité, il est encore plus aise de le dire de la dénégation de mon vouloir-vivre qui appartient & 343 ViRITé DANS L'ACTION HISTORIQUE la constitution de mon vouloir proprement dit. Si prendre posi: fion cest évaluer, évaluer clest pouvoir refuser ; c'est pouvoir ne refuser et me repousser dans mon impulsivité instantanée, Comme dans la coutume de moiméme que ma durée secréte par un étrange et redoutable processus de sédimentation. Le Pefus est ainsi ame militante de la transcendance du vouloir. jolonté est nolont 5 a veiortest was difficile d'en apercevoir les ramifications du cté de Véthique | pas de vouloir qui ne repousse, ne désapprouve : fa réprobation et la révolte “sont le surgissement premier de Téthique comme protestation ; le démon de Socrate aussi res tait muet quand il acquiescait ; il ne se manifestait que pour opposer, pour dire non. : ‘ Sopponrs Fsjonté sans nolonté : ecla veut dire aussi que la valeur exprime en creux ce qui manque aux choses quand un youloir étend sur ces choses ombre de ses projets ; une analyse wen négatif > de la valeur, rejoint ainsi, de facon inattendue, fe que Kant a voulu dire en interprétant la raison pratique comme la limite de ma désirabilité ; Yanalyse en négatif de la Yaleur que font les modernes rejoint paradoxalement I'analyse tn négatif de Vimpératif que Kant avait déja élaborée; le motif en est le méme : le signe négatif est inhérent & Tobli- gation (ou défense) comme a la valeur (ou manque), en raison fnéme de la transcendance de obligation au désir, de l'évalua- tion au vouloir-vivre. ; Tl serait aisé enfin de montrer comment ce style de négati vité qui caractérise tous les aspects de ma transcendance par Tapport & ma finitude commande aussi toute anelyse possible fe ma relation & autrui. Ce n’est pas étonnant : je ne trans- bende mon point de vue qu’en imaginant ce sens vide de la ‘ose signifige, rempli par une autre présence, donné & un autre {que moi ; imagination sympathique d'une autre perspective qui jimite la mienne appartient & titre originaire & ma transcen- dance. En effet je puis dire, dans les deux sens, que je ne Jugerais point ma perspective comme perspective, si je n'ima- ginais une autre perspective, — et que je n'imaginerais pas tne autre perspective si je n’échappais & la mienne et si je ne lancais vers l'objet pensé et non vu Kintention vide de le signifier ; est ce savoir de V‘autre face que la perspective d'au- trui, imaginée et non percue, vient remplir d'une maniére autre. ‘Ainsi mon pouvoir de me décentrer imaginativement dans une autre perspective et celui de juger ma perspective comme finie 344 PUISSANCE DE L'AFFIRMATION sont un seul et méme pouvoir de transcendance ; autrui ne me limite que dans la mesure ot je pose activement cette exis- tence; je participe imaginativement a cette limitation de moi- méme; désormais Yaperception d’autrui fait apparaitre ma finitude comme du dehors, dépassée dans un autre; mais elle nest qu'un aspect — sous la forme ‘d'une imagination sym- pathique tournée vers autrui — de ce pouvoir de transcendance corrélatif de ma finitude. [1 n'est done point étonnant que la position de existence d’autrui comporte le méme indice de négativité que le mouvement de transcendance par lequel je ‘transgresse ma perspective : autrui est le non-moi par excel- lence, comme I'universel est le non-ceci par excellence ; ces deux négations sont corrélatives et, si Yon peut dire, co-originaires. Et, parce qu’elles sont co-originaires, elles ont méme exten- sion: tous les modes de transgression de ma finitude et tous les modes de négativité qui les accompagnent ont leur double dans un indice négatif qui affecte également imagination d'autrui. Pas de volonté sans nolonté, disionsnous plus haut; et nous recon- naissions ce creux > du vouloir, pardel mon simple vouloir vivre, dans le « manque’> de la valeur ; mais ce « manque » ae la valeur, ce déni du fait inhérent au devoir-tre, est expressément corrélatif de la position d’autrui comme dénégation de tous mes empigtements ; dans un langage proche de Kant : je n’échappe & la perspective, non seulement de mon regard mais de mes désirs, je n'oppose d’autves valeurs a mon ambition, qu’a tra- vers limagination de l'existence-valeur d’autrui ; c'est sa dignité qui met une borne & ma prétention & user de lui seulement comme d'un moyen, d'une marchandise ou d'un outil; Vidée d’humanité est ainsi le négatif de ma faculté de désirer, en tant qu'elle est « la condition supréme restrictive de toutes les fins subjectives ». Nous cisions que le vouloir n'est pas contenu dans le vouloir-vivre, meis le contient ; cela est possible par la médiation d’autrui comme limite de ma faculté de désire je me limite moi-méme a travers la position de la perspective et de la valeur d’autrui et cette limite appartient originairement ala puissance de dénégation qui dresse ma propre transcen- dance par-dela ma propre finitude. Notre réflexion nous a conduits jusqu'au point ot Iacte d'exister se découvre comme acte néantisant. Jusqu’a ce point ; mais pas plus loin, Ce qui est en question, c'est le droit d’hypo- 2. Kav, Fondement: de la Métaphysique des Merurs, Ut section. 345 VERITE DANS L'ACTION HISTORIQUE, stasier ces actes néantisants dans un néant qui serait, comme dit Sartre, la « caractéristique ontologique » de etre humain, cest- adire cette réalité qui s'annonce par le moyen de l'interroga- tion, du doute, de absence, de Yangoisse, de la riposte pétri- fiante au regard pétrifiant d’autrui. Je n'ai pas cru utile de refaire ces analyses célébres du « négatif »; j'ai préféré partir @’une réflexion sur la perspective dans la perception et le vou- loir. Je pense avoir établi ainsi une base de départ suffisante pour reprendre le probléme du fondement de Ja négation. Je voudrais esquisser, sur cette base, une réjlexion sur ta réflexion par laquelle il serait possible de récupérer, au coeur de la dénégation, « l'affirmation originaire », comme dit M. Na- bert, affirmation originaire qui s‘annonce ainsi & coup de néga- tions. 3. LE DEPASSEMENT COMME NEGATION DE NEGATION Il me semble que le premier stade de cette réflexion récu- pératrice consiste & montrer que la dénégation n'est pas une négation simple mais recéle implicitement In négation d'une négation, Autrement dit la premitre ceuvre de la dénégation crest de faire surgir comme négation premitre, avant elle, le point de vue luiméme ; rétrospectivement je découvre que ce qui est primitivement négatif ce n'est pas le sens par rapport au point de vue, le dire par rapport au voir, la prise de position évaluante par rapport au vouloir-vivre ; c'est le point de vue, crest la perspective, cst le vouloir-vivre. C'est Descartes qui avait raison lorsqu'll disait que V'idée d'infini était tout entiére positive et identique & Iétre plane et simpliciter et que le fini était en défaut par rapport a V'étre. « Et je ne me dois pas imaginer que je ne concois pas l'infini par une véritable idée, mais seulement par la négation de ce qui est fini, de méme que je comprends le repos et les ténébres par la régation du mow vement et de la lumitre : puisqu'au contraire je vois manifes- Tement qu'il se rencontre plus de réalité dais la substance infinie que dans la substance finie, et partant que j'ai en quelque facon premitrement en moi Ja. notion de. 'infini, que du fini, Cestadire de Dieu, que de mviméme. » La réflexion complete, et en ce sens concréte, envelope non seulement la certitude irrécusable du présent vivant, mais aussi la vérité de ce présent vivant qui est, selon Descartes eacore, « que je suis une chose imparfaite, incomplete et dépendante 346 PUISSANCE DE L'AFFIRMATION d'autrui, qui tend et aspire sans cesse & quelque chose de meil- leur et de plus grand que je ne suis ». Husserl ne dit pas autre chose lorsqu’il parle de Vinadéquation de la perception, de la possibilité permanente qu'une silhouette infirme la précédente et qu’ainsi le monde comme sens soit détruit. Mais aiors que signifie cette négation antérieure & la déné. gation du penser et du vouloir, cette négation de finitude, si Yon peut dire? En disant que la négation convient & titre primaire & Ia fini- tude et seulement comme négation de la négation au dépasse- ment de la finitude par pensée et par vouloir, je ne veux pas dire que la négation nait tout entire dans Vexpérience vive, dans l'épreuve de la finitude. Sans doute vientelle de plus loin encore, de la sphére méme de l'objectivité; car la négation est, une parole et il faut bien la constituer dans le discours méme. Mais, avant l'épreuve de finitude, il n'y a pas encore de néga- tion radicale, il n’y a que la distinction du ceci et du ceci, c’est- ardire non pas encore la négation mais. 'altérité : ceci est autre que ceci. Du moins fautil accorder que la négation de finitude présuppose la constitution préalable du langage négatif au ni- veau du distinct, au niveau de V'autre, Cette constitution appar- tient & une ontologie formelle, clestavdire aux catégories du « quelque chose en général »; il serait vain de vouloir tout tirer de l'existentiel, si l'objectif n’était pas déja constitué. Ma these est donc limitée : avant la dénégation ou négation de transcendance, il y a la négation primaire qui est la négation de finitude ; avant celle ce que Jes analyses antérieures nous permettaient seulement de nom- mer des « actes néantisants* ». ACES. . Santas, L’Bire et le Néant, Ps 350 PUISSANCE DE L'AFFIRMATION Sartre part de cette remarque, tournée contre Hegel, que Vétre et le néant ne sont pas logiquement contemporains ct quiil n'y a pas de passage de l'un & l'autre; V'étre ne passe pas au néant et le néan? a V'étre ; Vétre est Vétre et jamais la néga- tion ne mordra sur lui, puisqu'll faut le nier pour penser non- étre. L’entitre et pleine positivité de I’étre est donc inentamable. Reste done, si I'on veut rendre compte de « Yorigine de la néga- tion », que le néant surgisse « au sein méme de W'étre, en son ceeur, comme un ver.» (p. 57). Autrement dit, il faut que le néant soit « donné en quelque facon, donné au cceur de Vétre > (p. 58); si en effet Pétre exclut le néant et se pose méme sans rapport avec lui, il faut qu'il y ait uni étre qui ait pour propriété de « néantir le ‘néant, de le supporter de son étre, de 'étayer perpétuellement de son existence méme, un étre par quoi le néant vient aux choses », Parodiant et retournant un mot connu de Heidegge:, Sartre l'appelle : « un étre en qui dans son étre il est question du réant de son étre » (p. 59). Comprenons bien ce que Sartre attend de son analyse : non pas seulement un-ensemble d’actes néantisants qui, reconnait-i lutméme, requerraiznt @ leur tour un fondement dans Vétre, mais « une caractéristique ontologique de Vétre requis » (p.59). Bref un néant et pas seulement un acte néantisant. La question est bien la : est-ce que les nombreux actes néantisants que Sartre décrit avec une virtuosité extraordinaire — depuis Vin- terrogation, le doute, l'absence, V'angoisse, jusqu’a la riposte pétrifiante au regard pétrifiant d’autrai — postulent un tel néant d’étre comme caractéristique ontologique ? Ce néant, source des actes néantisants, Sartre pense Je tenir dans la liberté : « cette possibilité pour la réalité humaine de secréter un néant qui l'isole, Descartes aprés les stoiciens lui a donné un nom, c'est la liberté » (p. 61 ‘A quoi Sartre faitil ici allusion ? A la liaison que Descartes établit luiméme enitre le doute et Ia liberté. I est vrai que Sartre omet de noter que, chez Descartes Iuiméme, la liberté A laquelle le doute donne accés n'est que le « plus bas degré de la liberté », quill appelle liberté d'indifférence. Quoi qu'il en soit : dans cette liberté de doute, Sartre trouve le souvenir de Yéroy} stoicienne, — ce « suspens » du jugement qui retire Yame du sage au tumulte de ses passions — et annonce de Yéroy4 husserlienne par quoi le mo: méditant se retire du tout naturel, du tout fait. Ce geste de décrochage, d’arrachement, de désengluement, ce « recul néantisant », Sartre le retrouve en 351 VERITE DANS L/ACTION HISTORIQUE tout acte authentiquement humain; i rattrape ses analyses anciennes de imagination qui néantit tout le réel au profit de Yabsence et de Virréel ; il réinterpréte le temps pour retrouver, entre le passé et le présent, cette coupure qui n'est pas un obstacle mais vraiment rien; ce rien, cest précisément ma liberté ; il veut dire que rien dans mon passé me me force, ni ne me justifie : « la liberté, c'est V’étre humain mettant son passé hors de jeu en secrétant son propre néant » (p. 66). Ayant ainsi centré tous les actes néantisants sur le néant comme liberté, il reconnait dans l'angoisse la conscience d’étre ainsi néant de son propre passé en tant que liberté : « c'est pré cisément la conscience d’étre son propre avenir sur le mode du n’étre pas que nous nommons angoisse » (9. 69). On connalt le bel exemple du joueur qui s‘était promis de ne plus jouer et qui, devant le tapis de jeu, découvre l'inanité d'une décision passée et dépassée; que rien ne V'empéche de jouer, c'est cela 3a liberté ; clest ce rien qui l'angoisse ; ainsi est récupérée pour la conscience du néant comme liberté Vangoisse que Kierkegaard ‘Tattachait & Ja faute et que Heidegger découvrait sur la voie ‘de Vétre en tant quiétre. Enfin ce concept de néant éclaire la fameuse thése de Vanté riorité de essence sur existence ; si mon essence, c'est ce que Je « suis été » — selon un expressif barbarisme qui traduit le mot de Hegel — Wesen ist, was gewesen ist — le rien qui sépare la liberté de tout passé, de tout acquis, est aussi le rien qui met Vexistenve au-dela de toute essence : « essence clest tout ce que la réalité humaine saisit ¢elleméme comme ayant été » et V'angoisse est la « saisie du soi en tant qu'il existe comme mode perpétuel d'arrachement & ce qui est ». Nous n'avons pas & opposer & Sartre des objections spécu- latives, mais, si possible, une meilleure description, — quitte & nous demander ensuite ‘quels présupposés viennent interférer avec la description et I'empécher de livrer son véritable sens, selon nous. La question que je me pose est celleci : un refus estil A luiméme sa propre origine ? Une négation peut-lle commencer de soi ? Nous allons faire porter la description sur deux points : sur la relation de Ja décision & ses motifs en quelque sorte en arritre d'elle, et sur le mouvement du projet en avant delle. Réfléchissons sur ce rien » qui signale l'insuffisance de tout motif & me lier c'esta-dire 4 me délier de ma responsabilité, 352 PUISSANCE DE L/AFFIRMATION et & me fournir une excuse, un alibi. Ce « rien » a toujours été reconmu : les classiques I'introduisaient dans la définition méme des motifs, lorsqu’ils disaient quills inclinent sans néces- siter. Qu'estce que cela veut dire ?. Nullement, me semble-til, que la décision « s'arrache » au cours de la motivation ; je ne Fencontre nulle part d’acte qui rompe avec Ia totalité des incitations et des sollicitations de la conscience; je ne romps avec la puissance de sollicitation d'un groupe de motifs que parce que j‘acquiesce & d'autres motifs; la relation de la déci sion aux motifs n'est pas une relation de rupture mais d’appui : elle ne rompt ici que parce qu'elle s'appuie I; se décider, c'est toujours se décider parce que... L'idée de refus n'est donc pas la clé de ce « rien » qui fait linsuffisance des motifs. Qu'estce donc? Ce rien n’apparait que si je projette mes motifs sur le fond des choses et les interpréte en langage de chose c'est-a-dire en termes de causalité physique; alors je dis : un motif n'est. Pas une cause, Mais alors le néant n'est pas, dans mon acte, entre motif et décision, mais dans ma réflexion entre cause et motif, C’est Ia motivation qui tranche sur la causalité des choses, mais non point la décision qui s‘arrache a la motivation psychologique ; quand done jfinsiste sur le cdté négatif de la liberté, je veux simplement dire que la détermination de soi par soi est détermination par des motifs et non par des causes; Cest le sens du : « incliner sans nécessiter »; la négation est seulement dans la définition, non dans l'acte. On objectera que les décisions authentiques ne s'appuient pas sur..., qu’elles sont au contraire surgissement d'acte, innovation gui « néantise » le passé en tant que donné. On tentera done de faire des décisions subversives au sens propre, surrectives si l'on peut dire, les décisionsmodales, les décisions canoniques. Admettonsie et demandons & quelle condition nous pouvons angantir notre passé en tant que donné, Prenons le cas le plus extréme, celui d'une conversion qui aux yeux de mes amis prendra figure de reniement 4 Végard de tout ce que Javais jusquedla atfirmé et cru. A quelles conditions les négations que j'oppose & mes anciennes convictions et A Tensemble des raisons qui les soutenaient peuvent-elles m’ap- paraitre & mes propres yeux comme dénégation, comme acte de me déjuger, mais non point précisément de me renier? Si je ne pense point m’étre renié, c'est que ma décision n'est point Yuniverselle néantisation de mon passé ; une conversion, aussi Tadicale qu'on puisse l'imaginer, n'a pu néantir un passé mort 353, VERITE DANS L'ACTION HISTORIQUE ue pour se trouver et se susciter en arritre d’elleméme un pry te rues ot ec ae ale €omme une mutation de figure dans mon passé, faisant de la forme le fond, du fond la forme; et ainsi je ne dénie une part de moiméme que parce que j’en assume une autre. Ce mot méme « dassumer > n’est pas étranger au vocabulaire existen- tialiste; il marque le retour en force de l'affirmation dans une Philosophie de la négation ; par cette assomption, je me con- tinue moiméme & travers les « crises » les plus radicales de existence ; une conversion n'est pas une conscience d'ampu- tation ; j'ai plutdt conscience de libérer en moi ce qui restait inhibé, refusé, empéché; j'ai seulement renié des entraves, nié des négations; ainsi, & coup de négations et plus profon- dément que tous mes refus, j’ai pensé, en me convertissant, constituer une meilleure suite de moi-méme, une suite plus plei- nement affirmative. | ‘Ce que nous venons de dire de la dénégation en relation avec le passé nous améne nous retourner vers l'avenir et & consi- dérer la décision comme projet. Crest ici que le primat de la négation dans la liberté parait puiser toute sa force. Car qu‘est- ce qu'un projet ? n’est-ce point un événement qui manque aux choses ? comme étre de projet, ne suis-je pas celui qui, selon Timage percutante de Sartre, opére une sorte de décompression dans le plein des choses! La valeur n’est-elle pes ce manque, ce trou, que je creuse en avant de moiméme, pour Je combler par des actes, au sens ott Yon dit que l'on comble un veeu, que l'on remplit son programme, que Yon accomplit une pro- mmesse ? | ; Que le projet ait ce sens négatif, que la valeur soit ce qui manque au dong, cela est bien vrai et l'analyse sartrienne appelle non une réfutation, mais une sorte de reprise critique qui la justifie en Ia dépassant. z TL me semble quill est possible de montrer que, en toute contestation du réel par quoi une valeur surgit dans le monde, lune affirmation d'étre est enveloppée. Tl me semble qu'on peut Je montrer par une analyse des attitudes valorisantes en appa- rence les plus « néantisantes », telles l'indignation, la protesta- tation, la récrimination, la révolte. ‘Quiest-ce que se révolter ? Crest dire non, sans doute : non, je ne tolérerai plus, je ne supporterai pas davantage. Mais V'es- Clave qui se révolte contre Ie maitre ne nie pas seulement le maitre, il affirme qu’il a raison ; comme Je disait si justement 354 PUISSANCE DE L/AFPIRMATION Camus, sans en epercevoit toutes les implications métaphy- siques : « En iuéime temps que Ja répulston & Végard de Yintrus, ily a dans toute révolte une adhésion entiére et instantanée de Vhomme une certaine part de lui-méme » et il ajoutait : « toute valeur n'entraine pas la révoltc, mais tout mouvement de révolte iavoque tacitement une valeur ». Adhésion, invoca- tion, mots suprémement positifs. Dira-t-on que l'objet de l'adhé- sion, c'est précisément ce qui nest pas, puisque cette part de luiméme que Tesclave éleve a la face du maitre n'a point de place en ce monde ? Cette part n’a point de place dans le donné, dans l’étrela, mais V'adhésion qui fomente la révolte est lattes: tation d'un « je suis » par-dela l'étre-donné, un « je suis » stric- tement égal A un « je vaux ». Liadhésion va droit & lexistence- valeur, & la digmité, laquelle n'est pas seulement absence au monde, mais tension d’étre; le veu que « autrui soit » y est simplement abrégé dans un « cela est & faire »; ainsi le « & faire » de la valeur et le « quill soit » de Vexistence dautrui sont strictement réciproques. I me semble dés lors que nous ne pouvons plus tenir la valeur comme un simple manque, si elle est I'aétive position de Vexistence d’autrui, comme corrélative de la mienne. Par la valeur je me dépasse en autrui. J'accepte quill soit, afin que moi aussi je sois, que je sois non seulement comme un vouloir- vivre, mais comme une existencevaleur. Je ne dirai donc pas que la valeur est manque, mais que la situation, comme scan- daleuse, manque de valeur, manque & la valeur. Ce sont les choses qui ne valent pas et non pas.les valeurs qui manquent détre. Cette discussion n’a pas été vaine : si 'existentialisme privi- Iégie le moment du refus, du défi, de 'arrachement au donné, du désengluement, c'est que d'une part le moment de néantisa- tion du donné est toujours obscurci par une volonté coupable annihilation d’autrui; mais la réflexion philosophique est purifiante en ceci qu'elle discerne le noyau d’affirmation der- igre la colére, et Ia générosité derritre Vimplicite volunté de meurtre; dautre part le moment d'existence-valeur d’autrui, qui est me du respect, est toujours obscurci. par une ten- dance mystifiante & cacher cette affirmation sous le manteau des abstractions solennelles : justice, liberté... Mais la position de I'existence par l'existence, de existence de l'autre comme condition de mon existence pleine et entire, ne me condamne pas & une philosophie des essences mais m/oriente vers une phi- 355 q VERITE DANS L/ACTION TSTORIOUE losophie de Tacte d’exister. Lillusion de l'existentialisme est double : il contond la denegation avec les passions qui Venfer- ‘ment dans le négatif, il croit que l'autre alternative & la liberté- néant c'est 'étre pétrifié dans l'essence. . Faisons le point, & ce stade de notre réflexion récupératrice affirmation, au sein méme de la réflexion néantisante. Nous avons dit d'abord :-le pouvoir de dénégation de la conscience est une négation au second degré; c'est une négation de néga- tion; le néant de finitude étant le néant de premier degré. La possibilité de retrouver une affirmation dans la dénégation était ainsi ouverte par cette analyse. Puis nous avons dit : en fait ‘on peut toujours retrouver une affirmation implicite aux néga- tions les plus virulentes de la conscience : rupture avec le passé, entrée dans l'avenir par la révolte. Fautil aller plus loin ? Peut-on montrer ia nécessaire subordination de la néga- tion & affirmation ? Autrement dit l'affirmation ac-elle valeur de fondement ? 5. UIAFFIRMATION © ORIGINATRE » Crest done le caractére originaire de Vaffirmaticn qui est en jeu. Ii me semble que si.cette voie parait bien souvent barrée Crest parce qu'on se donne au départ une idée étroite et pauvre de Yétre, réduit au statut de la chose, du donné brut, — ou de Vessence, elleméme grossiérement identifiée & quelque para- digme immuable et sans relations, comme I'ldée platonicienne interprétée par les « Amis des Formes » que Platon précisément combat dans le Sophiste. Ce point est clair chez Sartre : c'est sa notion de V’étre en soi, qui sert de repoussoir a sa notion du néant, qui est trop pauvre et déja choséifiée; & partir de ce moment, le néant que la réalité humaine est a elleméme, n'est pas néant de tout l’étre, mais de lé choséité qui envahit- mon corps, mon passé, & la faveur d'une sorte de tassement, de sédi- meutation, de rechute au sommeil du minéral si Sartre a pu ainsi pratiquer une sorte d’hypostase de Yacte néantisant dans un néant actuel, c'est qu'il a préalablement rabattu l’étre sur le donné, sur le mondain hors de moi et en moi; dés lors ‘tout ce quill a démontré, c'est que pour étre libre il faut se cons- tituer en nonchose ; mais non-chose n'est point nonétre; nothing is not not-being; c'est ici, & mes yeux, le point difficile de sa philosophie, sa philosophie du néant est la conséquence 356 PUISSANCE DE L'AFFIRMATION d'une philosophie insuffisante de l’étre; en particulier toute sa théorie de la valeur est grevée par cette conception pauvre de Yétre; si Vétre est le donné brut, la valeur qui atre en quelque sorte le donné, qui introduit du devoirétre dans Vétre, ne peut plus étre que lacune et manque ; toute possibilité de fonder les actes néantisants dans uné affirmation supérieure est exclue sous peine de retomber l'engluement initial; rétre ne peut plus étre recours, mais pige; glu, mais non élan et fondement ; la valeur doit tirer son étre de son exigence et non son exigence de son étre et il ne reste plus qu’a s‘en remettre au néant de la liberté pour faire exister la valeur comme valeur, « du seul fait de la reconnattre comme telle » (76); « en tant quétre par qui les valeurs existent, je suis injustifiable » et ma liberté s'angoisse d’étre « le fondement sans fondement des valeurs » (ibid.). és lors ne faut-il pas procéder en sens inverse ? Au lieu de fermer & lavance notre idée de Vétre, de Ia refermer sur une notion de V'en-soi tout entiére batie sur le modéle de la chose, demandons-nous plutét ce que doit étre Vétre pour qu'il soit Yame de la dénégation, du doute et de la révolte, de l'interro- gation et de la contestation. Le bénéfice d'une méditation sur le négatif n'est pas de faire tune philosophie du néant, mais de reporter notre idée de l’étre par-dela une phénoménologie de la chose ou une métaphysique de essence, jusqu’a cet acte d'exister dont on peut dire indif- féremment qu’il est sans essence ou que toute son essence est exister. Mais cette affirmation estlle une affirmation néces- saire? La philosophie est née avec les Présocratiques avec cette découverte immense que « penser » c'est penser Vétre, et que penser ('étre, c'est penser I'épi au double sens de commence- ment et de fondement de tout ce que nous pouvons poser et déposer, croire et mettre en doute. Anaximandre, le premier, sion en croit les doxographes, I'a vu : « Tout, en effet, dit Aristote (qui semble ici avoir sous la main un recueil de textes présocratiques), tout en effet, ou est principe ou vient d'un prin- cipe ; or il n'y a pas de principe de Vinfini; ce serait en effet sa limite. » Et encore : « il n'a pas de principe, mais c'est Tui qui parait étre principe des autres choses et les embrasser et les gouverner toutes » (Physique III, 213 b; ef. Diels, Vor- sokratiker, fgmt A 9 et A 15). L'idée de quelque chose qui fait commencer le zeste sans avoir soiméme de commencement met 387 VERITE DANS L'ACTION HISTORIQUE tun terme & cette régression sans fin dans les générations des Gieux de la mythologie. En méme temps on peut trouver dans cet archaisme philosophique deux traits décisifs pour notre médi- tation. D'abord la conviction que cette ‘\g4, ce principe, est woos et vo}, « ordre » et « justice »; ce principe en effet est la racine commune d’intelligibilité du physique, de Véthique et du politique. Ce que nous prenons pour une confusion entre le réel et Pidéal, entre le fait et 1a valeur, est Ia conviction que Yontologie, sous peine de se casser en deux, est la racine com- mune de l’étre au sens du donné, et de Vétre au sens de la valeur. Le second trait qui nous importe est que la méme médi tation sur I'épy4 fonde la négation sur le sol de V’affirmation. Le Premier, dit Anaximandre, ne comporte pas les déterminations de ce qui vit aprés le Premier ; il est nonceci, non-cela, préci- sément parce qu'il est, purement et simplement; ainst Ider des Présocratiques, est ter, iblimitée, in-déterminée, ines- sentielle; le mouvement de la négation est secrétement animé par laveu de I'épy}. Xénophane a su le premier en tirer la cri- tique de 'anthropomorphisme dans la représentation du divin ; pour nous le dieu n'est plus beeuf ou homme ; il pourrait étre essence ou valeur ; la critique est la méme. Le cantus firmus de V’étre et de la pensée de l’étre se poursuit des Grecs & nous, plus fondamental que les différences d’école. Peu importe que Parménide ait tenu le « (il) est »— que la déesse lui découvre au terme de son voyage par-dela Jes portes du Jour et de la Nuit — pour une sphére physique; peu importe que Platon ait appelé Bien ce qui donne aux Idées d'étre connues et d'exister ; et qu’Aristote l'ait appelé « V’étre en tant qu’étre >. Tous, du moins, ont défini "homme par cet acte quills appellent watiy ou gponiy — penser, méditer ; pour eux Vaffirmation de Yétre fonde existence de l'homme et met fin & ce que Parmé- nide appelait « Verrance », cestadire, pardela l'erreur, Ia condition d’errance. Mais, dirat-on, ne puis-je pas interroger encore et toujours et poser la question de Vorigine de Vorigine ? Cette seule possi bilité n’attestot-elle pas que I'homme est cette interrogation Sans fin, capable de mettre en question et de néantiser la posi- tion méme d'un principe de V’étre? Plotin a connu ce genre de vertige et en a démontré le faux prestige : quel est le principe du principe, demandonsnous ? Cette question n’est pas une question sans réponse, ce nest pas une question du tout. La notion du Premier est I'extinction méme de la question de lori- 358 PUISSANCE DE L'APFIRMATION ine du Premier. Dans le Traité 8 de la VI Ennéade sur la iberté de I'Un, il dit, comme Anaximandre hutt siecles avant lui : « Demander sa cause, c'est Iui chercher un autre principe ; or le principe universel n'a pas de principe »; puis, cherchant & percer le motif de la question, il le voit dans une illusion spatialisante qui ferait surgir 'étre comme dans un trou anté- rieur qu'il viendrait boucher ; cest cette venue d'un étranger, hhantant soudain son absence préalable, qui suscite la vaine question de son origine (Enn., VI, 8, 11). La philosophie s'a nonce ainsi comme la pensée qui supprime le motif de I'aporie de Vetre. Ce devait étre le mérite inestimable de Kant de confirmer que la pensée est pensée de I'Inconditionné, parce quelle est la limite — Grenze — de toute pensée par objet, de toute pensée phénoménale, animée par la prétention de la sensibilité. Par la Kant ramenait 4 V'intuition d’Anaximandre : V'étre est ori- ginairement dialectique : déterminant et indéterminé. C'est par cette structure dialectique qu'll éteint Yinterrogation concernant son origine et fonde la possibilité d'interroger sur tout le reste. Siil en est ainsi, nous pouvons considérer tout notre itinéraire fa partir de son acte terminal et fondateur. Il me semble qu'une philosophie de I’étre qui ne s'abime pas dans une métaphysique de essence, et encore moins dans une phénoménologie de la chose, est seule capable de justifier et de limiter en méme temps le pacte de la réalité humaine avec la négativite. Diun cété Vaffirmation originaire doit se récupérer par la négativité, parce que mon incarnation joue globalement le role dobturateur ; elle est la tentation de la dissimulation du fonde- ment ; la tentation seulement : non la faute. Le sens de l'incar- . nation demeure ambigu : d'un cété mon corps mrouvre au monde, & la réalité dans son ensemble; mais, en méme temps, il me suggere de me définir par mon étrea, par mon étre au monde; cela méme qui m’ouvre au donné, me dissimule 1a pensée de l'origine. C'est ce que ‘Kant appielait la « prétention » (Anmassung) de la sensibilité. L’affirmation originuire est ainsi, par ma faute actuelle, originellement perdue. Cest un point que Heidegger a montré avec force : Ja dissimulation de la non- vérité fait partie de Vessence de la vérité. C'est pourquoi la négativité est le chemin privilégié de la remontée au fondement ; est pourquoi il fallait tout ce complexe cheminement : décou- vrir la transcendance humaine dans la transgression du point de vue et la négativité dans la transcendance; puis découvrir 359 VERITE DANS L'ACTION HISTORIQUE dans cette négation, une double négation, la négation seconde du point de vue comme négation primaire ; puis découvrir Vaf- firmation originaire dans cette négation de la négation. ‘Mais la méme réflexion récupératrice qui justifie une philoso- phie de la négativité en montre aussi Ja limite : le caractére dissimulé et perdu de la question de Tétre fait que je dois miarracher & I'étant par néantisation, mais aussi que je puis apercevoir cette négativité de homme sans son fondement dans Yétre, Une philosophic tronguée reste possible. Cette philoso- phie tronquée, c'est la philosophie du Néant ; mais c'est seule ment Ja philosophie de la transition entre étant et étre. Toutes les expressions sartriennes — arrachement, décollement, désen- gluement, recul néantisant — témoignent avec génie de cette Philosophie de la transition ; la néantisation représente la moi- tié d’ombre d'un acte total dont Ia face de lumiére n'a pas été dévoilée; c'est pourquoi une expression telle que : étre son propre néant est finalement dénuée de sens. Plotin parle en apparence le méme langage de la « néantisation » lorsqu'l décrit 'ame ensorcelée par la fascination de son corps et qu'il résume Tapproche de I'Un dans I'héroique précepte : + Dida wives aote — « supprime tout le reste » ; mais les mémes mots rendent un autre son, parce qu'lls sont pris Yans le mouve- ment de l'affirmation (Enn., VI, 8, 21). Sans doute est-ce le mérite des philosophies de la négativité depuis Hegel de nous avoir remis sur Je chemin d’une philoso- phie de I’étre qui devra décrocher de la chose et de essence. Toutes les philosophies classiques sont & des degrés divers des Philosophies de la forme, que ce soit de la forme comme Idée, ou comme substance et quiddité. La fonction de la négation est de rendre difficile la philosophie de I’étre, comme Platon, le premier, I'a reconnu dans le Sophiste : « Vétre et le nonétre nous embarrassent également ». Sous la pression du négatif, des expériences en négatif, nous avons & reconguérir une notion de Vétre qui soit acte plutot que forme, affirmation vivante, puissance d'exister et de faire exister. Laissons une derniére fois la parole & Platon, par la bouche de I'Etranger du Sophiste : « Eh quoi, par Zeus! nous laisse- ronsnous si facilement convaincre que Je mouvement, la vie, Yame, la pensée n'ont réellement point de place au sein de Yétre universel, qu'il ne vit ni ne pense, et que, solennel et sacré, vide d'intellect, il reste la, planté, sans pouvoir bouger ? — Leeffrayante doctrine que nous accepterions 1, étranger. » 360 NOTE SUR LORIGINE DES TEXTES « Objectivité et subjectivité en histoire » est le texte d’une communication aux Journées pédagogiques de coordination entre Tenseignement de la philosophie et celui de: Uhistoire (Sevres, Centre International d'Etudes Pédagogiques), déc. 1952. « Lhhistoire de la philosophie et 'unité du vrai », d’abord publié en allemand dans offener Horizont, Mélanges en L'hon- neur de Kart Jaspers (Piper, Miinich, février 1953), a paru dans la Revue internationale de philosophie, N° 29 (1954). « Note sur l'histoire de la philosophie et a sociologie de la connaissance » a paru dans ['Homme et 'Histoire, Actes du vit Congrés des Sociétés de philosophie de langue francaise (Strasbourg, septembre 1952), « Histoire de la philosophie et historicité », in L’Histoire et ses interprétations, entretiens avec Toynbee (Paris-La Haye, Mouton, 1961). « Le christianisme et le sens de W'histoire » a paru dans la revue Christianisme social (avril 1951). « Le socius et le prochain » est extrait de I'Amour du pro- chain, cahier collectif de La vie spirituelle (1954). « Liimage dé Dieu et l'épopée humaine » (Christianisme social, 1960, p. 493-514). « Emmanuel Mounier : Une philosophie personnaliste » a paru dans Esprit (dée. 1950). « Vérité et mensonge » a paru dans Esprit (déc. 1951). « Note sur le veeu et la tache de Yunité » est extrait d'un article « "homme de sciences et 'homme de foi » publié par le Semeur (novembre 1952) et les Cahiers du CLC. « Sexualité, la merveille, Yerrance, l'énigme » a paru dans Esprit (nov. 1960) 361 « Travail et Parole » a paru dans Esprit (janvier 1953). « L’homme non violent et sa présence a I'histoire » a paru : dans Esprit (février 1949), « Etat et Violence » (Les Conférences annuelles du Foyer, ; John Knox, Gendve, 1957). TABLE « Le paradoxe politique » (Esprit, mai 1957). | « Civilisation universelle et cultures nationales » (Esprit, ; octobre 1961). i « Prévision économique et choix éthique » a paru dans Esprir Préface & la premiére édition (1955) 7 (fev. 1966), Préface & la seconde édition (1964) : » « Vraie et fausse angoisse » est extrait de 'Angoisse dti temps présent et les devoirs de esprit (Rencontres Internationales de Geneve, sept. 1953. Ed. de la Baconniére). PREMIERE PARTIE | « Négativité et affirmation originaire », in Aspects de la dia VERITE DANS 1A CONNAISSANCE | lectique, Recherches de philosophie, II (Desclée de Brouwer, DE L'HISTOIRE 1956, 101-124). I. Perspectives critiques. Objectivité et subjectivité en histoire 2B Lhistoire de la philosophie et lunité du vrai 1 4% | Note sur l'histoire de la philosophic ct la sociologie de la connaissance : 5 60 | Histoire de la philosophie et hisioricité 66 | Il. Perspectives théologiques. : Le christianisme et Ie sens de l'histoire : 81 | Le Socius et le prochain. 99 | Limage de Dieu et l'épopée humaine 2 : DEUXIEME PARTIE | VERITE DANS L'ACTION | HISTORIQUE i I. Personnalisme. | Emmanuel Mounier : une philosophie personnaliste .. 135 IL, Parole et Praxis. Vérité et mensonge.. pitgeieecreeesesees 165 Note sur le veu et la tache de 'unité. |"! 193 Sexualité, la merveille, l'errance, !énigme * 198 i Travail et parole . i210

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