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162 JOURNAL DES ECONOMISTES. tre bien souvent que celui qui détermine immédiatement l’agent dans. chaque action ; mais l'un est réglé sur l'autre. On no peut pas lire et in- terpréter toute la Bible avant chaque action et cependant chaque action peut étre réglée par les préceptes de la Bible. Les différonces d’appré- ciation et de rigueur dans les sentences se trouvent d’ailleurs dans toutes les écoles. — L’utilitairo est athée. — Pourquoi? Serait-ce parce qu'il affirme que Dieu vent le plus grand bonheur de ses créatures? — On no pout comparer sans cesse les actes au premier principe. — De méme dans tout systtme de morale. Le premier principe n’exclut pas les principes secondaires et pratiques. Dire & une personne qu'elle va en tel endroit, ce n’est pas lui interdire de chercher par oi. Dire que la navi- gation est fondée sur I’astronomie, ce n'est pas proscrire l'usago de Valmanach nautique. » La principale discussion qui existe entre les utilitaires et lenrs adver- saires est celle relative & la sanction morale. M. Mill no I’'a pas épuisée, ce nous semble; mais il la traite d'une maniére trés-remarquable. Il n’y a point, fait-il observer avec raison, de principe de morale obligatoire par lui-méme, soit dans le systéme utilitaire, soit dans le systéme opposé. Les principes que I’on considére comme obligatoires par eux-mémes ont été rendus tels par la coutume; jamais par le raisonnement. Quant aux sanctions extérieures, elles sont les mémes pour la doctrine utilitaire que pour toute autre, et s'il a une doctrine naturelle, c'est la doctrine utilitaire et non l'autre. Nous regrettons que la spécialité du journal nous interdise une expo~ sition développée de la remarquable brochure de M. Mill etnous réduise & citer quelques phrases détachées, nécessairement incobérentes, qui ne peuvent donner une idée du talent élevé avec lequel le grand écono~ miste, qui est aussi un grand philosophe, a traité la question pratique la plus haute qui puisse intéresser les hommes. Mais, si le nom de son auteur n’était la meilleure de toutes les recommandations, nous ne sau= rions trop recommander cet opuscule au petit nombre de ceux qui, dans ce sidcle qui se croit si positif, n'ont pas renoncé a étudier les grands problémes, ni pris le parti de répondre & tout par les arguments banaux qu’ils ont appris dans la classe de philosophie : nous la recom~ mandons surtout & ceux qui n’aiment pas & se payer de mots, nid sp contenter de belles phrases et qui veulent examiner les choses sérieuse- ment, en elles-mémes. Ils trouveront dans la lecture du travail de M. Mill des arguments nouveaux sur un sujet rebaltu, des vues origi- nales, une logique forme et cette franchise calme, convaincue, qui sied si bien aux intelligences supérieures et donne & leurs @uvres la grace et Ta beauté. CouncecLe-Senxgvin, BANK MONOPOLY THE CAUSE OF COMMERCIAL cAIStS (le Monopole de la Bangus est le caxse der crises commerciales, par M. Geonces Gurantn). Londres et Edimbourg, ‘W. Binekwood et fils. 1864. 1 vol. in-18, La question de la liberté des banques est a J’ordre du jour em Angle~ terre comme en France. Dans I'un et I’autre pays, en s'émeut de voir un BIBLIOGRAPHIE. 163 ablissement privilégié distribuer sans peine et sans rendre de services sérieux, des dividendes exorbitants et d’autant plus haut que la dé~ tresse des commercants est plus grande et I'intérét plus haut. Il faut convenir que ce spectacle n'est pas ¢difiant, surtout lorsqu’on entend, un partisan du monopole et des restrictions, lord Overstone, dire fran- chement dans une enquéte : «Si j’administre mal ma banque, je me tuine et le public en souffre peu; mais si la Banque d’Angleterre com- met quelque grande erreur, elle peut*se sauver en causant de grands dommages ala communauté. > L’auteur de la brochure que nous examinons est un de ceux qui ont 416 révoltds de ce spectacle, et, en y réfléchissant, il a conclu que le monopole de la Banque d’Angleterre était la cause des crises commer- ciales, Quelque mal disposés que nous soyons pour le monopole en général, et pour celui des banques en particulier, nous ne saurions adopter les conclusions de M. Guthrie, parce que, méme aprés avoir Iu sa brochure, Rous ne pouvons comprendre que ce monopole, qui peut faciliter et ag- graver les crises commerciales, puisse les causer, Le fait qui a frappé I'attention de notre auteur est celui-ci : Aux ter- mes de l'acte de 1844, tout commercant a le droit de demander des bil- lets de la Banque d’Angleterre contre dépdt de lingots, au change de 3liv. 47 sh. 9 d. par once, ce qui lui donne le monnayage immédiat de ses lingots, moyennant une prime de 4 demi-penny, payée & Ja Banqys. Ten est résulté que les importatours d’or, pendant toute la période australienne et californienne, ont porté directement leurs lingots & la banque, laquelle, dit notre auteur, encouragée par l'abondance de nu- méraire, escomptait largement : puis l’or étant transporté en France et échangé contro de l’argent destiné a I'Inde, la Banque élevait brusque~ ment le taux de l'escompte et provoquait une crise commerciale, Hest certain que les faits se sont succédé dans l’ordre indiqué par la description de notre auteur; mais le monopole n'y a gudre contribué, Avec la liberté des banques, les importateurs auraient peut-dtre envoy¢ tout d’abord leurs lingots en France, mais peut-étre aussi les auraient- ils fait monnayer et auraient-ils escompté aux banques leurs bons de monnaie; pout-étre aussi auraient-ils déposé ces sommes. Dans ce der~ ier cas, l’effet produit edt élé exactement le méme, et, dans le premier il n’en edt pas différé bien sonsiblement. Aucun systdme de banques ne pouvait empécher lex immenses importations d’or qui ont eu liew d’al~ térer momentanément les prix et d’affecter méme d'une facon perma~ ‘Ronte la valeur de la monnaie. Personne ne peut empécher non plus que, dans ua pays ou les capi- taux disponibles s'accumulent aussi rapidement qu'on Angleterre, le marché n’en soit parfois encombré, de manidre qu’on puisse faire des affaires, ou mdme fonder des entreprises inconsidérées dont la liqui- dation malbeureuse provoque les crises. Aucun systéme de banquee ne Peut faire que, dans un état d'industria croissante, ua certain nombre @affairos soient ma) concues ou mal exécutdes. ILy ¢ des griefs gesez 166 JOURNAL DES RCONOMISTES. nombreux, assez positifs et assez graves contre le monopole des ban- ques sans formuler-contre lui des griefs tout au moins contestables et qui, en dernidre analyse, seraient moins le résultat du monopole que celui d’une disposition spéciale de l'acte de 1844. Bien que nous n'approuvions pas les conclusions de cette brochure, nous nous plaisons & reconnattre la simplicité et la franchise avec les- quelles elle a été écrite, et Jes connaissances étendues que son auteur possdde sur la matiére qu’il traite: On y trouve des faits nombreux, une ‘sériouso instruction théorique et un incontestable talent. Covncente-Senevi. La DIPLoMACIA DE BORNOS-AIMES Y LOS INTERESES AMERICANO Y EUROPEOS BN EL PLATA. Cette brochure, dontle titre espagnol est assez transparent pour qu’on se dispense de le traduire, a pour objet de montrer la mauvaise politique que la province de Buenos-Ayres a toujours suivie depuis cinquante ans avec l'Europe et avec les autres provinces de la République Argentine dont elle fait partie, a l’égard de l'industrie, du commerce, de la navi- gation et principalement de I’émigration européenne dans la Plata. Elle commence par un apercu historique des faits accomplis a cet égard de- puis les premidres années de ce sidcle, alors que le Riode le Plata n’était encore qu'une vice-royauté espagnole, jusqu’a l’année dernidre ot un traité de paix, une réforme de traité de paix, plutdt, a été signée & Ma- drid entre les plénipotentiaires de la reine d’Espagne et du président actuel de la République Argentine, le général Mitre. L'auteur rappelle différentes tentatives pour fonder des monarchies européennes dans l’Amérique espagnole, méme pour livrer les provinces de la Plata a l’Angleterre, tentatives qui attestent bien moins la sympa. thie de ceux qui les faisaient pour l'Europe que leur profonde antipathi pour I'Espagne ; car aussitdt passé le péril de retomber sous la domi tion espagnole, ces tentatives sont abandonnées sans retour, et coux-lt méme qui paraissaient le plus empressés a les faire se refusent ensuite systématiquement a signer aucun traité avec I’Burape, redoutant presque autant les engagements qui devaient en résulter que l’omnipotence capri- cieuse des vice-rois dont ils venaient de secouer le joug. En effet, Buenos- Ayres, qui ne signa son traité de commerce avec l’Angleterre que pour faire reconnaitre son indépendance, & une époque ot elle pouvait encore craindre un retour agressif de I'Espagno, n’en signa plus aucan depuis, et elle protesta contre tous ceux que signa le gouvernement national du Parana, dont elle méconnaissait l’autorité. C’ost un curieux phénomane d’éducation politique & constater que ¢6- lui qui ressort des faits historiques habilement groupés par l’auteur de la brochure. L’Espagne séme pendant trois siécles la haine de I’étranger, et cette haino finit par se tourner contre elle. C'est que I’étranger, pour les Américains espagnols, n’est ni un Asiatique ni un Africain, c'est un Européen. Or I’Espagnol est Européen, il est donc étranger ; haine donc®

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