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Parcours associé n°3 Non, non, non, non, ce n’est personne. Il faut, dis-je, que
vous vous mettiez là dedans, et que vous gardiez de re-
La comédie du valet muer en aucune façon. Je vous chargerai sur mon dos,
com me un paquet de quelque chose, et je vous porterai
1. Molière, Les Fourberies de Scapin (1671, acte III,
ainsi au travers de vos ennemis, jusque dans votre mai-
scène 2 ; wikisource.org) : “Que ferais-je […] je n’en puis
son, où quand nous serons une fois, nous pourrons nous
plus !”
barricader, et envoyer quérir main-forte contre la vio-
lence.
Géronte
Que ferai-je, mon pauvre Scapin ?
Géronte
L’invention est bonne.
Scapin
Je ne sais pas, Monsieur, et voici une étrange affaire. Je Scapin
tremble pour vous depuis les pieds jusqu’à la tête, et… La meilleure du monde. Vous allez voir. À part. Tu me
Attendez. Il se retourne, et fait semblant d’aller voir au payeras l’imposture.
bout du théâtre s’il n’y a personne.
Géronte
Géronte, en tremblant. Eh ?
Eh ?
Scapin
Scapin, en revenant. Je dis que vos ennemis seront bien attrapés. Mettez-
Non, non, non, ce n’est rien. vous bien jusqu’au fond, et surtout prenez garde de ne
vous point montrer, et de ne branler pas, quelque chose
Géronte
qui puisse arriver.
Ne saurais-tu trouver quelque moyen pour me tirer de
peine ? Géronte
Laisse-moi faire. Je saurai me tenir…
Scapin
J’en imagine bien un ; mais je courrais risque moi, de me Scapin
faire assommer. Cachez-vous. Voici un spadassin qui vous cherche. En
contrefaisant sa voix. « Quoi ? Jé n’aurai pas l’abantage
Géronte
dé tuer cé Geronte, et quelqu’un par charité né m’ensei-
Eh ! Scapin, montre-toi serviteur zélé : ne m’abandonne
gnera pas où il est ? » À Géronte avec sa voix ordinaire.
pas, je te prie.
Ne branlez pas. Reprenant son ton contrefait. « Cadédis,
jé lé trouberai, sé cachât-il au centre dé la terre. » À Gé-
Scapin
ronte avec son ton naturel. Ne vous montrez pas. Tout le
Je le veux bien. J’ai une tendresse pour vous qui ne sau-
langage gascon est supposé de celui qu’il contrefait, et
rait souffrir que je vous laisse sans secours.
le reste de lui. « Oh, l’homme au sac ! » Monsieur. « Jé
té vaille un louis, et m’enseigne où put être Géronte. »
Géronte
Vous cherchez le seigneur Géronte ? « Oui, mordi ! Jé lé
Tu en seras récompensé, je t’assure ; et je te promets
cherche. » Et pour quelle affaire, Monsieur ? « Pour
cet habit-ci, quand je l’aurai un peu usé.
quelle affaire ? » Oui. « Jé beux, cadédis, lé faire mourir
sous les coups de vaton. » Oh ! Monsieur, les coups de
Scapin
bâton ne se donnent point à des gens comme lui, et ce
Attendez. Voici une affaire que je me suis trouvée fort à
n’est pas un homme à être traité de la sorte. « Qui, cé
propos pour vous sauver. Il faut que vous vous mettiez
fat dé Geronte, cé maraut, cé velître ? » Le seigneur Gé-
dans ce sac et que…
ronte, Monsieur, n’est ni fat, ni maraud, ni bel ître, et
Géronte vous devriez, s’il vous plaît, parler d’autre façon. « Com-
Ah ! ment, tu mé traites, à moi, avec cette hautur ? » Je dé-
fends, comme je dois, un homme d’honneur qu’on of- Combien me donnâtes-vous pour la tirer des mains du
fense. « Est-ce que tu es des amis dé cé Geronte ? » Oui, docteur ? Tenez, monseigneur, n’humilions pas l’homme
Monsieur, j’en suis. « Ah ! Cadédis, tu es de ses amis, à qui nous sert bien, crainte d’en faire un mauvais valet.
la vonne hure. » Il donne plusieurs coups de bâton sur le
sac. « Tiens. Boilà cé que jé té vaille pour lui. » Ah, ah, Le Comte.
ah ! Ah, Monsieur ! Ah, ah, Monsieur ! Tout beau. Ah,
doucement, ah, ah, ah ! « Va, porte-lui cela dé ma part. Pourquoi faut-il qu’il y ait toujours du louche en ce que
Adiusias. » Ah ! diable soit le Gascon ! Ah ! En se plai- tu fais ?
gnant et remuant le dos, comme s’il avait reçu les coups
de bâton. Figaro.
Vous lui donnez, mais vous êtes infidèle. Sait-on gré du Le Comte.
superflu à qui nous prive du nécessaire ?
À la fortune ? (À part.) Voici du neuf.
Le Comte.
Figaro.
… Autrefois tu me disais tout.
(À part.) À mon tour maintenant. (Haut.) Votre Excel-
Figaro. lence m’a gratifié de la conciergerie du château ; c’est
un fort joli sort : à la vérité, je ne serai pas le courrier
Et maintenant je ne vous cache rien. étrenné des nouvelles intéressantes ; mais, en revanche,
heureux avec ma femme au fond de l’Andalousie…
Le Comte.
Le Comte.
Combien la comtesse t’a-t-elle donné pour cette belle
association ? Qui t’empêcherait de l’emmener à Londres ?
Figaro.
Figaro. Lucky dépose valise et panier, avance un peu vers la
rampe, se tourne vers Pozzo. Estragon se lève pour
Il faudrait la quitter si souvent, que j’aurais bientôt du mieux voir. Lucky danse. Il s’arrête.
mariage par-dessus la tête. Estragon : C’est tout ?
Pozzo : Encore !
Le Comte. Lucky répète les mêmes mouvements, s’arrête.
Estragon : Eh ben, mon cochon ! (Il imite les mouve-
Avec du caractère et de l’esprit, tu pourrais un jour ments de Lucky.) J’en ferais autant. (Il imite, manque de
tomber, se rassied.) Avec un peu d’entraînement.
t’avancer dans les bureaux.
Vladimir : Il est fatigué.
Pozzo : Autrefois, il dansait la farandole, l’almée, le
Figaro.
branle, la gigue, le fandango et même le hornpipe. Il
bondissait. Maintenant il ne fait plus que ça. Savez-vous
De l’esprit pour s’avancer ? Monseigneur se rit du mien.
comment il l’appelle ?
Médiocre et rampant, et l’on arrive à tout. Estragon : La mort du lampiste.
Vladimir : Le cancer des vieillards.
______________________________________________ Pozzo : La danse du filet. Il se croit empêtré dans un fi-
let.
3. Samuel Beckett, En attendant Godot (1952 ; extrait Vladimir (avec des tortillements d’esthète) : Il y a
de l’acte II ; Les Éditions de Minuit) : “(Sans se lever […] quelque chose…
Lucky s’immobilise.” Lucky s’apprête à retourner vers ses fardeaux.
Pozzo (comme à un cheval). Woooa !
Pozzo : Est-ce suffisant ? Sans doute. Mais je suis large. Lucky s’immobilise.
C’est ma nature. Aujourd’hui. Tant pis pour moi. (Il tire
sur la corde. Lucky le regarde.) Car je vais souffrir. Cela ______________________________________