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2 — Problématiser Cy Laweux «Le savant n'est pas Phomme qui fourit les vraies réponses, cst celui qui pose les vraies questions.» Claude Lévi-Strauss, Le ot ot bit Br si le plus difficile en sociologie a’était pas de produire des feponses mais de formuler de bonnes questions ? Face a un objet ae recherche, quel qu’ll soit, Ies questions, en effet, se pressent. La plupart centre elles, & Pexamen, se révélent pourtant défec fueuses ou insuffisantes du point de vue de la sociologie, soit qu’elles ’apparentent a ce qu’on peut appeler, la suite de Pierre Bourdieu, des questions scolestiqus!, soit qu’elles s'avérent n’étre ie des quastions descripties incapables de sovlever par clles-mémes lun véritable probleme. ‘Les questions scolastiques sont une espéce pernicieuse car elles 4e présentent Je plus souvent parées des vertus de la « profon- ‘deur » et du « fondamental » ~ parures capables d'imposer tout ‘availleur intellectuel le. respect. Ce sont des réflexions générales ui les suscitent, concernant. la liberté humaine et le détermi- ‘ism, les réles respectifs de individu et de la société ow encore, Je fait de savoir i actuelle marche du monde a un caractére iné- ‘uctable. Ces questions « profondes» consistent 2 se demander, par exemple, si nos fagons de penser sont indépendantes de notre socialisation ; si tels individus, en agissant comme ils 'ont fait, ont été influencés par la société ; ou encore, si tel groupe humain est ‘en mesure de changer. Des questions de ce genre touchent en réalité davantage a la métaphysique qu’a analyse sociologique proprement dite, du point de vue de laquelle elles apparaissent 1, Pierre Bonrdien, Matiatns pasate, Pars, Le Seil, 197, p. 61-110 28 Ta posture socologique sans veritable enjeu, du fait méme que les principes fondateurs de la sociologie leur fournissent par avance des réponses. Qui admet ‘ces principes ne saurait en effet envisager sérieusement que nos facons de penser puissent ne rien devoir a notre socialisation’, Pas davantage qu’il ne saurait opposer individu et société comme s'il Sagissait de deux entités autonomes s'influengant mutuellement® ou concevoir la possibilité pour un groupe humain d°étre statique et de-ne pas posséder d’historicité, Toutes ces questions ont, pour hui, déja regu leur réponse de principe’, = Il y a cependant plus redoutables encore pour la sociologie ue les questions scolastiques : ce sont les questions simplement des- criptives. Celles-ci ’annoncent sous laspect anodin d'une interro- gation technique ou factuelle concernant un pan particulier du monde social. Elles sont guidées par Pespoir, des plus légitimes, de micux connaftre un secteur d’activités ou de réunir & propos dun certain type de réalité sociale, des informations. Elles consistent, par exemple, a se demander qui sont statistiquement lcs Frangais qui partent en vacances plus de vingt jours par an et si leur part a progressé ces quinze derniéres’années ; ou com- ment les relations entre éléves et professeurs sorganisent dans cc Iycée-ci de la région parisienne ; ow quelles positions différents acteurs ont prises au cours d'une controverse publique. A Tévi- dence, ce genre de questions n'est pas sans intérét dans le cadre dune enquéte sociologique. Reste qu’aussi longtemps qu’elles ne Sarticulent pas & la formulation un probléme, elles nous font piétiner au seuil du raisonnement sociologique. Si les sociologues n’étaient capables que de produire des ques- tions scolastiques ou descriptive, ils m'iraient jamais trés loin dans 1 Pour un rappel sur ee pont, wir par extmple Bemacd Labi, Conde Ross fie) Fe cept a pot en suas Pas, ons de arches coeaporsng, 2008 2 oir sot partiatrement aur ce, poi, Norbr Bi, Qate gue lec lie 1" ks, 1970, La Tour @Aigus, BF. de Ab, 191, p. 358 SUT te ag parce dogmacne mais pt de a zeae wcechnique» ay sume, & comer dy name ob on eaten fre vee ce scaog lex pines Eocnens de cette dchpine seninae: Ree ex princes dont vemment fen diners ou @egime ms mais nous depore cans an epace ce acusion poor i la seaphyique, Gomaire ditnet-de cea de Tense soclogque FPrpremene die Problimatisr 29 leur compréhension du monde social. Et 'on serait méme fondé se demander si la sociologie vaudrait une seule heure de peine, puisque philosophes et métaphysiciens d'un c6té, experts e: tech- niciens du social de autre, suffiraient largement 4 produire les réponses aux questions que cette sodolagi-ld aurait produites. Chemin faisant, nous aurions perdu Fessentiel : Pesprit de la sociologie.. Cet esprit, quel estil? Il est un art de rendre problématique le monde social dans lequel nous vivons. Face & des situations oft la plupart des acteurs. font prévaloir sur une activité socicle un regard qui la naturalise, le sociologue, en posant utt certain type de questions, peut faire reapparaitre Parbitraire et Pndétermina- tion que cette naturalisation a niés. De méme, lorsque les acteurs problematisent déja uné activité sociale mais le font, pour I'esscn- tiel, a partir d’attendus naturalistes, le sociologue peut, par sa fagon de mettre en question, faire resurgir la dimension sociale qui a été occultée et montrer ainsi le céractére partiel ou erroné des raisonnements tenus et, éventuellement, les effets socialement dévastateurs de certaines « solutions » auxquels ils conduisert. On. notera toutefois que dans les deux cas, réussir un pareil décalage nécessite de commencer par faire Veffort de s’affranchir des défi- nitions doxiques de Vactivité examinée et de ses interprétations «naturelles ». C'est ence sens que l'on peut dire de Pesprit de la sociologie qu'il n'est ni spéculatif, ni purement descriptif, mais-n- ‘ique. IV exige du chercheur la capacité de faire de certaines réa- lités sociales les problémes qu’elles ne sont pas aux yeux des acteurs concemés, ou qu’elles sont mais d'une manitre qui méconnait leur nature sociale. Pareil geste critique est au fondement de toute démarche sociologique authentique. Le but de-ce chapitre ext d'essayer de emer de plus prés comment, concrétement, il peut étre réalisé vee succes. Liatrait pour les questions scolastiques et plus encore le penchant pour les questions simplement descriotives scront vus comme les deux principaux moyens dont dispose un chercheur pour rater un tel geste et svaliéner, par lA méme, Pes- prit de la sociologie. Mais évidemment, ces deux écueils ne suffi- sent pas a définir fositicement ce en quoi doit consister le geste dont il est ici question, ni a dire comment on peut réussir a Pe fectuer concrétement. C'est pourquoi nous avancerons une défini- 30 La posture sciolgique tion positive et précise de Pacte de problématiser en sociologie nous dirons que cet acte consiste dans le fait de formuler une énigme ayant ceci de spécifique que sa réponse appelle néesaire ment & la fois la construction d'un objet sociologique et une démarche denquéte empirique. Les termes importants ici, et qui méritent tre précisés, sont «énigme », «construction d'un objet sociologique », « enquéte empirique » et « nécessairement ». Mettre en énigme ce qui paratt normat ‘Comment les sociologues s'y prennent-ils pour metire le monde social en énigme ? La recette est pratiquement toujours la méme. On peut la décomposer en quatre étapes: 1:/ s'emparer dune croyance partagée ou d’un constat reconnn relatifs & Pobjet qu’on entend étudier ; 2 / en tirer une série inferences. logiques ou @énoncés prédictifs; 8 / faire apparaitre un om plusieurs élé- ments empirigques qui contredisent les inférences logiques ou les prédictions qu’on vient de tirer ; 4 / se demander comment, si les croyances partagées ou les constats reconnus relatifs & Pobjet sont srais, ces éléments empiriques pawent exister. : Prenons un exemple canonique: 1 / On nous dit que:le sui- cide est un acte personnel, «un acte de Tindividu qui n’affecte que Vindividu »' ; que les raisons de se suicider sont toujours éminemment personnelles, étant liées au « tempérament du sui- idé, & son caructére, a ses antécédents, aux événements de son histoire privée », et qu’elles ressortissent donc « & la seule psycho logie »*; que Ie suicide a par conséquent toujours quelque chose @imprévisible et Winexplicable, 2 / Il faudra done sattendre & ce que Ie taux de suicide national varie aléatoirement Pune année sur Pautre. 3 / On constate au contraire unc trés grande stabilité du taux de suicide national. Par exemple, en France, en 1856, 11,6 habitants sur 100000 se sont suicidés; en. 1857, ils étaient 10,9; en 1858,.10,7; en 1859, 11,1; en 1860, 11,9; e€ 1, Emile Duskeinn, Ze sid, 1 6a, 1897, Pais, PUF, 2007, p. 8. 2 Bid Problimaty 31 ainsi de suite, 4 / Une telle régularité n’est elle pas étrange ? Si le suicide, au plan personnel, est un acte imprévisible, comment se ~ peutil que le taux de suicide savére a ce point prévisible ? Deux remarques méritent d’éte faites. La premiére, c'est que si Durkheim en était resté a Vétape n° 1, il n’aurait jamais pu sou. lever que des questions scolastiques : Le suicide estil un acte rit. denen! Uibre ? Estil oraiment le fruit du libre arbitre ? La seconde, Crest que si Durkheim était parti directement de Pétape ¥ 3, il ne \ serait pas davantage parvenu a produire une énigme. Ise serait contenté de répondre a des questions descriptives du type ! «Comment varie en France le taux de suicide au cours de la décennie 1850-1860?» ou «Les protestants, durent cette période, sc suicident-ils plus ou moins que les’ catholiques ? » Questions qui n’ont en soi presque aucun intérét sociologique ct qui auraient fait du Suicide un livre de peu de prix. A coraro, Ye fait que nous continuions 4 lire cet ouvrage vénérable avec le phis ‘if intérét signale combien. Durkheim a-réussi a Vasseoir sur une reelle énigme, Pour obtenir ce résultat, Pensemble des trois étapes que nous avons mentionnées lui. fit nécessaire : sans elles, la quatriéme n’était pas ‘accessible. ‘Traversons le Rhin et changeons de style sociologique. 1/Dans quasiment toutes les sociétés humaines observables depuis Vaube de Vhumanité, lorsque Ies individus obtiennent un surplus de nourriture ow de bien, soit ils le consorament (par exemple, & travers Porganisation de fPtes), soit ils P’épargnent en révision des jours mauvais. 2 / On peut en déduire que ee com. ortement économique est Je comportement « normal » chez les étres humains. 3 / Cependant, en Occident, depuis le Xvi sigcle, il se trouve des individus, les entrepreneurs capitalistes bourgeois, qui se comportent différemment, Ils tentent dorganiser rationnel” Tement le travail au sein des cntreprises quills ditigent, en vue obtenir le maximum de surplus. Lorsque, par ce meyen, ils obtiennent le surplus escompt, ils se refusent cependant 4 le Consommer, faisant preuve plutét Pascétisme, mais ils ne Pépar. gnent pas non plus: ils le réinvestissent dans la machine écono. mique, en méme temps qu’ils organisent toujours plus rationnel Jement le travail au sein de leurs entreprises, afin C’obtenir encore davantage de surplus. Lorsque, par ce moyen, ils: obtiennent de nouveaux surplus, ils ne les consomment pas, nine les par. 32 La posture sociologique gnent: ils cs réinvestissent une nouvelle fois dans la machirie éco- nomique, tout en réorganisant plus rationncllement encore le tra- vail, dans Vespoir Cobtenir plus de surplus encore. Et ainsi de suite, de fagon infinie. 4 / Un tel comportement n’est il pas sur prenant ? N’a-til pas quelque chose @aberraiit ou d'isrationnel au regard des comportements économiques observables dans les autres sociétés ? Ne releve-til pas d'une «disposition esprit » qui aurait pu méme étre jugée scandaleuse et étre « proscrite tant dans l’Antiquité) qu'au” Moyen Age»'? Autrement dit: Si consommer et épargner les surplus, et ne pas travailler davantage que nécessaire, sont les attitudes économiques «normales » au sein de’ Phumanité, comment se faitl que le capitalisme moderne, fondé sur la « mise en valeur rationnelle du capital dans le cadre de l'atveprise et Porganisation rationnelle capitaliste du travail, soit devenu la norme dans nos sociétés? Les mnémes remarques que précédemment pourraient ici étre faites, En effet, si Max Weber en était resté a Pétape n°,1, il aurait été immanguablement amené & se poser des questions sco- lastiques (du type: consommer et épargner les surplus sont-ils dans la nature humaine ?)..De méme, pattant directement de Pétape n¢ 3, jamais il ne serait parvenu & rendre le capitalisme problématique. I se serait alors contenté de répondre a des ques- tions descriptives du genre : « Comment se comportaient les pre-~ miers entrepreneurs capitalistes?» ou «Quelles justifications donnaientils 4 leur comportement ?». La renommée de Lthique protestants et Vesprit du copitatione ne tient certaincment & de telles interrogations! Elles n’ont qu'un intérét sociologique limité et pour ainsi dire anecdotique. La valeur de cette Etude; maftresse quiest Léthique protestante est lite bien plutét au fait davoir réussi & produire, & propos des comportements économiques qui appa- Taiswaient aux Modernes les plus normaux et les plus naiurels, une énigme sociologique. Pour parvenir & ce résultat, Pensemble des trois étapes que nous avons décomposées fut indispensable A Weber. 1, «On y aurat vu Vexpresion de Vavarice 14 plus sordide et d'un mode de pensce tout siplement dégradant» (it Max Weber, Litiqueprotsioue f Prt de apiakone, 1" 64 1905, Paris, Gallimard, 2008, p. 30-35) 2, Tid, p. 57. Problimatier 33 I ne serait sans doute’pas exagéré de dire que tout ofntable travail sociologique peut étre rapporié A cette matrice. Quand bien méme certaines étapes de la mise en énigme y demeurent & Peérat implicite, quand bien méme Pétape de la mise en énigme lle-méme (étape n° 4) n'y est pas dairement et distinetement accomplie, les travaux sociologiques les plus marquants offrent toujours la possibilit etre lus comme reposant sur une matrice de’ ce type. C'est pourquoi retrouver la matrice en question revient 4 comprendre la problématique du travail examiné (par- fois plus clairement encore qu’elle ne lest aux yeux de Yanteur) et partant, A saisir son intérét sociologique. Cette matrice, en d’au- tres termes, ne nous fournit pas seulement un procédé pour mettre en énigme le monde social que nous habitons : elle offre aussi des clés pour lire de maniére plus perspicace les ouvrages de sciences sociales qui tombent sous nos yeux. Las trois promeners tla maison cu fetes ranges A chaque fois qu'il ne construit pas la contradiction matri- ielle entre, d'un cété, les inférences logiques ou les prédictions que Yon peut tirer d'un constat reconmu ou d'une croyance pai tagée et, de Pautre, des éléments empiriques qui les coriredisent, le chercheur prend le double risque de ne soulever que des ques- tions scolastiques ou descriptives. Voila qui pourrait étre résumé A travers un apologue : imaginez un promeneur dans une rue oit Salignent au total, sur le rottoir qu'il arpente, 25 maisons diffé- rentes. «Quelle forme ont les fenétres de ces maisons ?,», 3¢ demande-til. C’est une question descriptive. Cela se voit au fait que la réponse appelée scra par exemple : « Les fenétres sont de forme rectangulaire dans 96 % des cas (24 maisons sur 25). Elles sont rondes dans 4% des cas.» Avec une question de ce type, notre promeneur a-til fait. acte de.science ? En réalité, on a du mal a voir dans sa question et dans la réponse quelle appelle un intérét_ scientifique particulier.: «Et alors?» serait-on tenté de répondre au promeneur qui nous affirmerait avoir parcouru une ue 01.96 % des fenéwres étaient rectangulaires et 4% rondes. Od veut-il en venir avec ce constat ? Imaginez ‘maintenant un second promeneur qui, remarquant, Vécrasante suprématie des fenétres rectangulaires dans cette rue, 34 La posture sociolgique se demande: «Nos représentations sporitanées de ce qu’est une ‘maison n'impliquent-elles pas, s‘agissant des fenétres, Ia forme rectangulaire ? Le rectangle nest-il pas attaché a notre fagon de concevoir cc que: doit are la fenétre d'une maison? » Cette fois, la question fait Pimpression d’étre «profonde ». Ce promeneur-la a mis le doigt sur quelque chose qu'il appellera peut-étre notre « inconscient collectif» ou nos « représentations collectives » et qu'il pourra réputer comrnander la pensée et les gotits spontanés des architectes ct de leurs clients. Pourtant, ne nous y trompons pas : sa question ne vaut guére micux que celle du promeneur précédent. Elle n'est plus simplement descriptive, certes, Mais elle est scolastique. Car elle ne.préte guére attention aux faits empiriques — en particulier,, elle: ignore les 4% de fenétres rondes constatées. Elle se débat uniquement dans I'élé- ment des constats réconnus (les maisons a fenétres de forme rectangulaire en tant que nonme) et tente, 4 partir de Ja, de s'in- terroger sur le theme de Finconscient ou de la liberté (sommes- hows libres de penser la forme de nos fenttres ? Les architectes et leurs clients sont-ils guidés a leur insu par des représentations collectives ?) Si se présente un troisiéme promeneur, qui a pour ambition, lui, de construire une énigme sociologique, il Iui fandra d’abord réussir a dhamatiser la contradiction entre @une part, les prédictions gue on peuit tirer de l'analyse des 24 premieres maisons (les fenétres, dans cette rue, tendant a étre rectangulaires, on peut Sattendre.a ce que la 25° maison ait, elle aussi, des fenétres de la méme forme) et, d'autre part, des éléments empiriques qui contredisent ces prédictions (la 25¢ maison a des fenétres rondes) Il sera alors en mesure de poser la question : « Alors que toutes les fenétres de la rue sont rectangulaires, pourquoi celles de la 25+ maison sont-elles rondes ? » Ce que ni la question descriptive du premier promeneur, ni la question scolastique du second n’était,parvenue a provoquer, se produit soudain ici: la réalité observée est reconnue’ comme coniradicicir. Autrement dit, le troi- sigme promeneur vient de rendre délibérément problématique ce qui pouvait paraitre aller de soi (existence prédominante des fenétres rectangulaires) Il vient de produire, vis-a-vis de Ia réalité qu'il obsetvait, dans laquelle il se mouvait, un geste critique. Il vient de saffirmer sociologuc. ENCADRE 1 Quel este «geste critique » de Norbert Elias dans La societs de cour! ? 4a société de Cour n'est pas un livre qui sinteroge sur ¥ «esence » du pouvoir monarchique. Ce rest pas davantage un ouvrage qui se contente de écrit Vévolution des mozurs et de Ia psychologie & la cour de Versailles fet de bout en bout, pore par une énigme sociologique : 1/Durant tout le Moyen Age, le roi de France n’est qu’un parm) ses pairs I sate, fe plus souvent. Ineapale dose fae abit es sare Sees et tne cee cig de composer avec axe de age et 2/n pest eine par consequent & co que les grand segue du Royaure continent dans es phases hisersqucssutate fe ees tum aut ded diependance vrais de Fate rvs, eh eee, une rand capaci 3 impose lus wes au Sovran, 3 /On conte au conta que abolse de Lous Vs eal par fat {48 To parvient fae ar eterna de os ses soboonn y Somers des memes de Tusocate ql cent fr vag ey pus 47 Un te constt n'est if pas range 7 i le roi médiéval n'est qu'un seigneur Jouissant du statu do primus inter pares, comment se peut que le rok de ge classique soit devenu li, un monarque absolu ? En dates terres, ‘ies rai que la pression & laquelle est suis le monarque abe «serait ‘nsupportable ete réduirait a néant » si «tous fs groupes deb cour se ‘tesaer conte iu, comment sei une tele pesoncolecve ne Sexerce plas Le gste critique de Norbert las consist ci a rendre problématique le fait iméme de Vabsolutisme et, aucela, la souveraineté du poavoirqu'exerce Eat Inde su es sts, Ce power atoue sowverain parent orale naturel au lecteur modeme, il est entant pour ce demier dey rapperter 3 ra vers des questions seulement descriptive. la, de son cot, parvinth en fire lune énigme, en iui opsant la quasl-absence de pouvoir étatique qu I'a pre £98 mas au uneexeience imagine ~ cate od toutes es eres de a ‘cours ligueraient conte le mona 1. Noxber lias, La soit de cour, 1" ris, Flammarion, 1 J Noten os rT" ed, 1969, Pai, Flammarios, 1985, Beppe eee BEERS 36 La posture sciologique Comment étre sir de tenir une problématigue ? : Plusieurs tests permettent au chercheur de savoir sila question quill pose est une réelle problématique. En premier lieu, les ques- tions qui ont un caractére plus scolastique et métaphysique que sociologiquement problématique, peuvent étre éliminées grace au test de Venpiriité néessai. Le-propre d'une énigme sociologique est en effet dappeler, pour avoir quelque chance d’étre résolue, la recherche de données empiriques dont le chercheur ne dispose ppas et qui lui sont, pour Pinstant, en grande partie inconnues, Tel nest pas le cas des questions scolastiques, qui attendent des réponses ne requérant pas une enquéte empirique supplémentaire ‘mais plutét une réflexion au niveau logique et un recadrage conceptuel des données déja disponibles. De leur c6té, les questions descriptives résistent parfaitement au test de lempiricité nécessaire, puisqu’elles aussi exigent, pour qu'une réponse leur soit apportée, que le chercheur stinvestisse dans une enquéte empirique. D’autres tests sont par conséquent nécessaires pour ne pas les confondre avec les réelles probléma~ tiques qu’elles ne sont pas. On peut penser, d'abord, au test de Tinicité: alors que les questions descriptives, a propos d'un méme objet, tendent A se présenter en nombre quasi infini, une énigme est toujours unique. Le chercheur sans problématique se demande : Comment fonctionnait PhOpital psychiatrique Sainte- Elisabeth de Washington en 1955-1956 ? Comment fonctionna- tril dans les années qui suivirent ? Comment fonctionnait tel ser- vice de Vhépital ? Et tel autre ? Quel était alors le profil social des personnes internées? Y avait-il plus de Noirs que de Blancs? ‘Quelle était la procédure 'internement ? Quelle était,'aux Etats- Unis a cette époque, la législation concernant interement psy- chiatrique ? Le fait qu’il ne sache pas hiérarchiscr entre ces ques- tions et les trouve toutes d'une importance « vitale », loin de témoigner dune complexité particuliére de objet, trahit plut6t sa propre difficulté & problématiser. Le but n’est jamais, en effet, de choisir, parmi une infinité de questions descriptives, laquelle vau~ dra la peine d'etre poste ~ en fonction de quel critére, ailleurs, opérer un tel choix ? Il est plus simplement, mais aussi plus ambi- ticusement, de produire, sous la forme d'une mise en énigme, un geste critique par rapport & une réalité donnée. Ce geste une fois Problimatisn 37 accompli, le chercheur disposera dune prise des plus fermes sur cette réalité, quelle qu’en soit la complexité. Le propre dune mise en Gnigme réussie est ainsi de toujours fournir au chercheur un principe de hiérarchisation, de sélection et d’organisation des données descriptives pertinentes. Un second test mobilisable pour identifier le caractére simple- mont descriptif Pune question est celui du refi de Pethaustvite. A la difference des authentiques problématiques, les questions des- criptives ont en effet pour caractéristique notable diinciter le chercheur & se montrer le plus-« complet » possible sur le sujet quiil aborde. Tl s‘agit la d'un but qui est non seulement impossible @ atteindre mais encore, et surtout, qui fait dévier le chercheur du projet véritable des sciences sociales. Comme Paffirmait I/histo- rien Lucien Febvre, ce que Pon est en droit @exiger d'un tel chercheur, confronté.4 un objet d’étude, ce n'est certainement pas quill nous dise « tout ce qu'il sait»: c'est bien plutét qu'il réussisse A «poser la question »’. Raison pour laquelle, par exemple, Durkheim précise dans Lz suicide: « Notre intention n'est ‘donc pas de faire un inventaire aussi complet que possible de toutes les conditions qui peuvent entrer dans la genése des sui- cides particuliers, mais seulement de. rechercher celles dont dépenid ce fait defini que nous avons appelé Je taux social des sui- cides. »? Car en effet, c’est ce faita, et pas un autre, qui se trouve au fondement de lénigme que Durkheim s'est donné pour taché de résoudre. _ Liincapacité a discriminer entre un nombre indéfini de ques- tions et la poursuite illusoire d'un idéal d'exhaustivité constituent ainsi les deux symptémes les plus remarquables de Vabsence de problématique — deux indices, autrement dit, de ce que lesprit sociologique est perdi ou absent. On pourrait y ajouter un troi- sitme sympt6me, qui se révéle toujours plus clairement dans les 1, Gete pre west ven autre que fs cntdicn qu‘ mise & jour dans éalité étudi¢e. at 77 fare 2, a fe te “ape .] Ce Bie om nine aes uit non plus be samt pas emples. Mat os je Perpere,propventqusgue én roe besoin de trouver] Jase fe de mon deo, Du dc dn hssen gut se pee des problems, a he dsr des invetaes» ( Lacien Feb we so, emote « I éd., 1944, Paris, Gallimard, « Folio», 1996, p, 11-20). 30 Dutt, Zeid hypo 18- 38 La posture soiologique phases ultéricures de Fenguéte : le fait que la réalité que le cher- cheur va étre amené a décrire le sera toujours sous un jour lisse et sans ,aspérités, lors méme qu’elle comportera des aspects conflictuels ~ car ceux-ci seront appréhendés comme «naturels » ou fonctionnels. Un tel lissage témoigne de ce que les contradic ons qui fon a tame du rél nvont as et repértes et que, par conséquent, Ie sociologue ne dispose, au moment de lancer son taguéte, dzucun lever pour dahentw ln reals sodales qi cherche'a étudier’. Reconstruire son objet d’étude La définition « naturelle » de Pobjet d’étude tend a exclure les ments empiriques qui la contredisent. Ainsi, par exemple, la définition usuelle du capitalisme ne prend pas en charge le fait quill est une conduite @ plus d'un titre contradictoire avec les comportements économiques traditionnels. C'est la raison. pour laquelle poser une énigme conduit nécessairement le sociologue a devoir reconstruire son objet d'études. Le but de cette reconstruc- tion est de créer un plan analytique oi la contradiction observée ne sera plus exclue, mais au contraire mise en lumiére, par une approche nouvelle de Pobjet. ae ins, lorsque Durkheim rompt avec les prénotions concer- nant le suicide en tant qu’acte individuel, libre et imprévisible, it évite @’y substituer purement et simplement la notion de taux social des suicides. En fait, aucune de ces deux approches du phé- noméne, dans la mesure of elles s’excluent mutuellement, ne peut suffire elle seule a batir Pobjet sociologique a étudier. C'est seulement en reconstruisant la notion de «suicide » autour de Tidée qui existe une certaine relation, a détermine?, entre le taux social des suicides constaté au niveau national et «les états individuels qui accompagnent les différentes sortes de suicides »* 1. Ta ituntion est done loin dre irréversible et déseapérte: les contradictions ‘pewvent fre apprehencées chemin faisant et donner Hew, alors, 4 la formulation écospectve dame problématique réelle. Tel est sans doute le processus de la recherche Je plas féquent © 2B, Durkheim, Ze sud op. cit, p16 Problimaisr 39 que pourra Gre pleinement mise en relief, puis explorée, la contradiction an fondement de V’énigme. Durkheim s'cflorce ainsi de batir un nouvel objet qui n’est ni le suicide comme acte indivi- duel, ni le taux de suicide comme donnée statistique agrégée, mais plutit: le suicide comme tendance collective intériorisée par Tes individus. Cet objet d'un type nouveau se situe dans un rap- port critique vis-a-vis des deux approches qu'il syathétise et dépasse : il souligne en quoi, contrairement a certaines croyances partagées, le suicide n’est pas simplement un acte individuel ~ ou si l'on préfére, n’est pas un acte simplement individuel — mais il ‘met également 4 jour que, contrairement aux illusions éventuelles du statisticien, le taux social des suicides ne peut rendre compte ppar lui-méme de la fagon dont chaque individu, tn sa singularité, fait lexpérience de sa propre tendance ou de'sa propr> iminuni sation au suicide', De la méme fagon, nous voyons Max Weber, étant parvenu & rendre le capitalisme problématique, batir un nouvel objet qui ne correspond nia Ja conception du capitalisme en tant que modéle productif « objectivement » le plus «performant»', ni aux approches normatives de ce que doit étre un comportement éco- nomique «humain », Ce nouvel objet, ce seront les justifications des conduites économiques ou plus exactement, les alos des agents sociaux en tant qu’ils découragent ou encouragent chez eux cer taines attitudes économiques. De méme, Norbert Elias, dans La seaité de cour, ayant rendu énigmatique la domination exercée par Je monarque, est amené & batit un objet nouveau, qu’ll nomme P « équilibre des tensions » au sein de la cour, qui Vautorisera A dépasser, tout en les récupérant partiellement, et Pidée naive selon |. Crest tout le propos da chaiire 6 ch livre M coneaceé ane « Fermes inivie duels des diferent types de suicides » que Pattirer Uactenson du lecteur sar co point. 2, Weber sefforce ainsi de montrer les limites du, concept de xstlection » comme moyen d'expication de la réussie du capitaisme modesne : «Pour que ce Imode de condite de vie et de conception de la profession vocation (Bou), tel quiadapet & la spécctt du captalsme, pit &ire "ilectionné", iz Temportr sar autres, il fallait manifestement qu'l eit zbord vu le jou, et ce non pas ches Ges individu singules ec iol, mas en, tant que manie de voir portée par dss peer Inumains, C'est précistment este genise quil eagit eleapliquer» (er M. Weber, Lthiqe preteete a espe dx capitation, op i, 9. 2 10 © La posture socilogique laquelle le pouvoir du chef d’Etat moderne émane de son charisme et de ses qualités propres, et la conception demi habile selon laquelle ce pouvoir ne repose an rélité sur rien. Le principe de double humogintite de Vesplication socologique S'il 2 Fesprit sociologique, notre troisiéme promencur, une fois quill sera parvenu A rendre problématique existence de fenétres rectangulaires dans la rue étudiée, sera conduit, lui aussi, a recons- truire son objet d’étude. Tl ne saurait en effet se contenter de la conception la plus générale de ce qu’est une fenétre (ie. une ouver- ture dans un mur) car celle-ci ne lui permettra pas de spécifier le rapport inégal obscrvé dans cette rue entre fenétres rectangulaires et rondes, Pourra-til davantage se satisfaire de la définition locale- ment dominante de ce quest une fenétre (a savoir : une ouverture de forme rectanguiaire dans un mur)? Dans ce cas, il se vertait con- traint de rejeter sur un autre plan analytique, au liew de tenir ensemble, Ie fait empirique contradictoire qui lui a servi a fonder son énigme (jz. Vexistence de fenétres rondes). Pour sortir de ces impasses, il lui conviendra @effectuer, par rapport a ces deux types approches, un déplacement lui permettant de les saisir sur un méme plan. C’est cette opération de déplacement que T'on a cou- tume C’appeler, en sociologie, la « construction de Pobjet ». En occurrence, le chercheur promeneur dira par exemple se donner pour tache d’étudier, dans cette rue, les pratiques sociales consistant & décider d'une ouverture dans un mur, ét a la réaliser. ‘Or, un des points essenticls dans le déplacement ainsi opéré sera le suivant : le nouvean plan analytique (celui des pratiques de production des fenétres) permettra @expliquer désormais indif- remment Vexistence d’ouvertures rectangulaires, rondes ou de tout autre forme. En cela, le chercheur se sera immunisé contre la ‘entation de déduirc, du fait qu'il existe une différence frappante entre fenétres rectangulaires et rondes, qu'il faut qu’existe aussi tune différence dans la maniére d’expliquer leur existence respec tive. Au contraire sera apparue la perspective d'une explication sociologique homogene de la difference observée : si les fenétres sont différentes, c'est qu’elles ont pour origine commune les prati- ques sociales de production des fenétres. C'est, autrement dit, qu’elles ont une méme cause sociale. Voilé qui =’oppose radicale- Problimatise $4 ment au résultat que 'on obtiendrait en reprenant a son compte approche localement dominante de ce qu’est une fenétre: si l'on partait en effet du principe que seules les fenétres rectangulaires sont « naturelles », on pourrait facilement penser que les fenétres rondes doivent s'expliquer par des pratiques non naturelles, voire : sumaturelles, On se satisferait alors de dire qulles ont pour cause, par exemple, la fantaisie personnelle ou la maladic mentale du propriétaire de la 25° maison. __ Le sociologue David Bloor a théorisé la nécessité dexpliquier ainsi, de maniére homogéne, ce qui, dans un phénoméne, nous apparait naturel ou normal d'une part, et ce qui nous apparait on naturel ou anormal d’autre.part. « Principe de symétrie » est Je nom quill donne a cette exigence quiil fait valoir dans étude sociologique des controverses scientifiques'. Bruno Latour et Michel Callon ont étendu le principe de symétrie plus générale ment & Pétude des Controverses sociotechniques!. Nous voyons ici en quoi le principe de symétrie de Pexplication est une clause dont la validité genérale peut étre recommue en sciences sociales : sa satisfaction résulte en effet d'une reconstruction correcte de Vobjet a éuidier et elle en est, en quelque sorte, le signe. chaque fois que la reconstruction de Pobjet est imparfaite, elle fait en efftt apparaitre une naturalisation ou une normalisation des aspects jugés naturels ou normaux du phénoméne étudié et, cc qui va de pair, une dénaturalisation ou une anormalisetion des aspects jugés non naturels ou anormaux’. Le principe de symétrie de Bloor rejoint ce qu'il est convenu @appeler la «clause Whomogéneité de Vexplication » ‘ormulée par Durkheim au chapitre 5 des Rigles de la méthode sorologique neg DHA Ml, Sle ni it dil, Pr, Pdr, 2 Voie Michel Calon (ir) La sis ero Geo cralatin des fais ‘self, Pars, La Déeowvere, 1089 Bruno Latour, in iota dds Essai dantkropologie symariqur, Paris, La Découverte, 1991. 3. Ox comme ona et, rence ia tlie problematgue cane exaternent en Yopiraton inverse: sagt de renee now naturel anrmma fesse gs ordnicement es ps atu ou les pa tornatx da phenomene Fate, Quan in consracion de Fab soilogique et Penguteempiigue qu Fen, ot our rare gue leur btext avan sot de rendre anes nora es pects ge 4 departs plas oon naurl ou es pas anaemaue da phenomene Ae 42 La posture socilogique Gette clause fait référence & Vaffirmation selon laquelle « les faits sociaux ne peuvent étre expliqués que par ds faits sociaux »!. On pourrait distinguer, a cet égard, homoginéité horizontale (fats et Contrefaits doivent recevoir Ie méme type d'explication. sociolo- igique) et homoginéité veticale tout fait social doit étre expliqué par tun autre fait social). Mais ces deux types d’homogénéité, en réa- Iité, sont indissociables et forment systéme, Car a compter du ‘moment oi un fait et son conirefait sont soumis au méme type explication sociologique {homogénéité horizontale), c'est par defi- nition que chacun Pentre eux se trouve rapporté.a une cause sociale (homogénéité verticale). Ainsi application du principe de a symétrie de Bloor conduit-elle nécessairement & satisfaire le.prin- pe durkheimien consistant a traiter les faits & expliquer, ainsi aque les faits explicatifi, en tant que faits sociaux ~ et non pas en tant que phénoménes psychologiques ou matériels. Ceci a pour conséquenice que notre sociologue promencur’n’a aucune chance de réussir a expliquer sociologiquement les fenétres rectangu- lairespsi on méme temps il entend expliquer les fen@tres rondes par des facteurs psychologiques, fonctionnels, cthniques ou climati- | Ques: il provoquera non seulement une rupture du principe d’ho~ mogénéité horizontale mais aussi, indissociablement, cu principe homogénéité verticale. II fera surtout la démonstration qu'il @ bien mal construit son objet sociologique. ENCADRE 2 Le principe de double homogénéité de explication chez Max Weber ‘Das lors que Max Weber erireprit dexpliquer Favérement du «capita- Iisme dentreprise bourgeois» en Occident au xt sitcle par des causes socio- bisterues, Tedevenait impossible dexpiquer la non-émergence de ce YBe pariculier de capitalsme dans les ville chinoises dela méme époque par des ‘Causes autres que sociales et istxiques.Imaginons, par exemple, quil ait pre fondu que si ce type de capitalism 1/6tat pas apparu en Chine, alors méme {qe la chiisation chinoise connaisait un niveau de prospér Geonomique et 1. Baile Durkheim, Las vig dle mabe sila 1" €L, 1095, Paris, YUP, 1997, p- 147, Voir également p. 109: «La cause déterminante dun fit social dot frre chereée parm’ les fits ocianx antécédents, et non, pari les états de la. cons: ‘dence individuelle. » Problimatiser 43 © arcade ov cla nt mpusble svat tout ls pyctoin des _ Side nn wre nected to elma en Chine Al das ce cas perdu ce uc toy avons apelé Te esp ae tite cla pu da ean 1 / fre uae ps al (ne Syperderacteur el at expla parle eergence canteen [-Oeadenrpnre du principe dhmogenét horizon] 2 pare gr a sence de captains en tt ue pheno sciiriue he peat ps _ te expat element et enertileen pr ds aeuspychoopes rates gor aphiqus pat de principe homoge vera Dane In pepsve 0 so pace Max Web, a payee ar. hands chine ert cers que wocllogue sare mele ne Cone sue jas xplanane Ton ere cea exp on mepece cap lle en Chin, ele xt plate ei do Ee expe par des case soci “hsorgees raver, sone a eon ees ronan aul eles de © cles, pon dein peyhol Indtadele, De tei, an Fepiqve iearone ler aracoesqespogapigus oo ciatucs otal ie pate exer par eller mer unphenomane seo itor ca ul | eStst spd paras prone sce hroee Lister pat gue kr ann corns un mcaiame oma ‘Vextérieur les conduites sociales. becedliatiea Que faire des explicatons profanes ? En somme, construire un objet sociologique revient fgu- spr Pensemble:des faits & ‘udier de fagon & ce que Tenis son posée ne puisse pas accepter de réponses extra-sociologiques. ‘Gola peut se dire & travers le rappel de la clause durkheimienne homogénéité de Vexplication sociologique (homogénéité verti- sale) comme dans V'afirmmation, indissociable, d'un principe de symétrie (homogénéité horizontale) chére A David Bloor. Dans 9us les cas, la construction de Pobjet se présente comme un travail queen ce qu'il contraint le chercheur & rompre avec les défini- F fons naturelles de Pobjet a étudier ~ ie. les prénotions lies & cet {objet ~ alin de rendre possible Pexplication sociologique double- ‘ment homogene qui est recherchée. Mais elle conduit aussi, du part: peuvent en effet tre d’emblée écartées les explications entanées qui impliqueraient d'enfreindre le principe de double 44 La poste soiologique Crest ainsi que nous voyons un auteur comme Durkheim, a Vemtame de chacun de ses ouvrages (De la division du travail social, Le suicide, Les formes iltmentaires de la vie rligieuse), se défaire méticu- easement, Pane aprés Pautre, des explications « fausses r du phé- noméne social qu'il entend étudier : non, Ie suicide ne s’explique pas par la race. Non, il ne s’explique pas par Phérédité. Non, il fhe sexplique pas par Je climat. Non, il ne sexplique pas par Timitation, Pourquoi? Tout simplement parce que ces diverses cexplications se révélent n’@tre pas homogénes avec Ie fait social & cxpliquer. De ce fait, il est exclu qu’elles puissent jamais ére Graies du point de vue sociolgique. Ici, il importe de souligner que Télimination des explications « fausses » ne se déduit pas de Pob- jet sociologique, comme si celui-ci imposait au chtercheur des ‘conditions 2 prio de véridicité. Cette élimination doit plut6t ére envisage comme une opéation qui contribue par clle-méme & Construire Vobjet sociologique. Elle conduit a éprouver si l'expli- ation candidate sera en mesure de satisfaire aux exigences, de double homogénéité que dit respecter explication sociologique 4 trouver, Crest ainsi, par exemple, que Durkheim s'emploie & montrer, lableaus statistiques & Pappui, qu'aucun des facteurs sus- mentionnés (la race, Pherédité, le climat, Vimitation) ne se révéle fen mesure de rendre prévisible et explicable le phénoméne social ‘du suicide. A travers cette opération, il figonne pas 4 pas le sui- ‘cide en tant qu’objet sociologique, c’est-i-dire en tant qu’objet ne pouvant accepter comme causes explicatives que des causes qui Soient homogenes au fait social qu’il constituc. Les objets sociologiquement construits se distinguent ainsi des objets socialement reeus par le fait qu’a leur difference, ils ont la faculté de rendre possible une explication sociologique symétrique et homogtne. Cela signifie-til que les explications qui ne résultent pas d'une telle construction ~ en particulier, les explications « pro. fanes » des phénomanes sociaux — doivent étre systématiquement considérées comme fausses par le sociologue ? Sans doute serait plus juste de dire qu'elle doivent étre regardées comme inadiguats ‘au projet de Pexplication sociologique. D’un cote, en eller, il est ‘dit que dans Pexacte mesure oft elles ne satisfont pas le principe 3 de double homogénéité de Yexplication, ces explications profanes ne peuvent qu’échouer a fournir du monde social une interpréta- tion proprement sociologique. Leur raisonnement ne nous garantit, Problimaticr 45 pas contre la tendance a désigner comme cause d'un phénoméne social (par exemple la délinquance) un phénoméne qui ne Pest pas (par exemple, le phénotype des personnes) ; ni conire la tendance, 4 mobiliser, pour expliquer un phénoméne socialement deviant (par exemple, la délinquance juvénile), une cause différente de ‘celle qu’elles mobilisent pour expliquer le phénoméne « normal > “ ‘correspondant (par exemple, le refus de certains jennes d’entamer | une carritre délinquantey!. Le fait est que ces diverses explications tendént ts souvent & naturaliser les differences sociales et & nor maliser des phénoméncs sociaux qui ne sont normau que pour | antant qu’on n’a pas fourni un effort signficatif pour les rendre ‘énigmatiques. Dun autre cété, de telies explications profanes com- oven len entendu qulgue chose de val et ce dans la mesure _inéme oit elles sont partagées et, jusqu’a un certain point, valid socialement, Leur existence sociale et leur prestige ‘eaten du [> aivelles ne sont pas sans fondement. I serait de ce fait peu sociolo- {aque de les tenir pour des aberrations mentales ou de se satisfaire implement de Vidée que ce sont des explications absurdes du ‘monde social ou des erreurs collectives. La tache sociologique { gu’elles appellent est bien plus exigeante : elle consiste A rendre ; Saiatate ict at ata et sel te eee 3s en dn tone Be ae een oe es a es i 2. Co explieaons aspmeiques repoeont, par cxcmpl, sur Tie jr sot orp Putra und lr ea on ns ee prone oe ermine al, Pn ct ce nt Hr ex ik mole prope Achacue det deat popaatonss <4: Par compl, le fc dimputer au phenotype des personnes des tendances spn rele sx chances ne ros eve dng i codon wine aren en Fc, poplars niet on 8 plus pauvres et les phus présentes en prison. De méme aux ftats-Uinis, les fs Parsley, a tstancr de cortains enfts Gesria popes & a tent ade cen law ws rin ding alo née ot canard = peamens une, rw 4 de legit dieences de ocainaton & Giégraton [isin pone de et pitnomsney ole sot wegen rare, 46 La fisture socologigue ENCADRE 3 es explications profes ‘ontelles un fondementrtionnel ? Une fagon désormais courante de prendre en compte le fat que les explcaions profanes lies & objet sociologique étutié font partie intégrante dde ce cemier, consiste 2 invoquer leur pouvoir de «constuction de la ‘allie +: coyances.etreprésemations au sujet de objet contibuent, dion, « veonsiuite socislemene Vobjet.Ainsi par exerole, crore en fa validité des Loven cere rate Piers Se ere Ss nt eee a eo wine toe eg ae oa iy poe ts wea ents oe oe Toca Se gee mace ya an er aches ORES cette retina eat i See a ite Steen fe sip nS pce ne a wee see cee ram aie ne oon ten tae ls rn Seca cl ese Cd Serer faethe act ncaa eave reece gues inne el oles ‘praxéologiques d'inspiration ethnométhodologique” ou pragmatique? mais Te eg ee a wana ie etn Str ae i Sento ol oe See ae ee eee 3 iD GcE Se, orem anes S ats Sion es ae ile Sete et nuttin Carb Cree cel eectnenan rs ie Sent Gere ie Ste ne da coh 1 Yate ce ee thd Aine De elo me. Laue alo ts Las Angeles Timer») 641975, Para, Bal 2000.” 5 Noi Hara Cartel, Recherches en fnométhodolog, 1 él, 1957, ai it 2007. ae greme, Pere Lagrange, « Ents su les cucoupes volte, ta cansmation un taux fates (54) oem France (951-1990 » Terai eng 98 12 Ena Cina Lar gna a Vr Ure ie des bparions, Part, Calimard ne Raymond Bowden, Ciséoape oi Forge des Kes ees, Fa, Fea, 1366 Problématicr 47 En sociologie, Ie statut des explications profanes nc peut done étre que celui d'un objet ou d'une partie de objet étudié. Cet objet ou cette partie de Pobjet méritent toutefois d’étre considérés avec le plus: grand sériewx. Car un raisonnement sociologique pleinement réflexif impose aller au-dela d'une simple disqualification de la facon dont les profanes s'expliquent Je monde social dans lequel ils évoluent. Elle oblige a saisir, abord, les effets sociaux de ce type dexplications sur Fobjet qu’on s'appréte a étudier: quels obstacles épistémologiques de telles explications profanes dressent-elles 4 la construction d’un objet sociologique ? Autrement dit, en quoi cxactement contre- viennent-elles a application du principe de double homogénite de explication sociologique ? Travail d’autant plus important & ‘mener qu'il peut conduire a la reconnaissance de ce que Po: serait tenté C'appeler des intuitions socolagiques profanes : dans cer- tains cas, en effet, explication profane est fort proche de res- Pecter la clause de double homogénéité de Vexplication sociolo- gique!. En: repérant cc qui Iui manque encore pour respecter totalement cette clause (par exemple, une reformulation sociolo- gique de considérations empreintes de psychologic individuelle), Je chercheur peut construire son objet sociologique en tiranit profit de. Yexpérience des acteurs plutét qu’en cherchant a la contester. Dans un second temps, aller au-dela de la disqualification des explications profanes peut signifier d’examiner non plus les effets sociaux mais encore les causes sociales de ces explications, Le fon- dement qu’elles trouvent dans la pratique des acteurs devient un élément de Penquéte, et le chercheur s'efforee, dés-lo-s, de prendre Ja mesure de ce que, loin de n’étre que des raiconne- ‘ments abstraits ou arbitraires, les explications profanes bénélicient un ancrage « naturel» et rationnel dans Parganisation des pra- liques sociales. Ce qui cst alors susceptible de lui apparaitre, ce ne sont plus tant Jes obstacles épistémologiques que dressent de 1, Léventualié Pexpications profanes satifisant pleinement ce prindpe n'a done pas de raison d'éue écartée « pri. Capendant, dans le cas ot cite évextuaie se reals, plus ren ne ditinguant ces explications Phypothéses expicatives aropee ment socilogiques, le probléme du rapport entze es deu, dont i est i question, sdsparat 48 La posture soilogique telles explications face au projet sociologique mais plut6t les résis- tances politiques et: morales qu’installe une certaine organisation des pratiques sociales face au pouvoir de conviction des explica- tions sociologiques du monde social', Ni la mise cn énigme, ni la construction d'un objet sociolo- que ne peuvent étre réalisées sans un minimum de confronta- jon avec des données empiriques. La mise en énigme procéde en effet de la dramatisation d’une contradiction entre des attentes (constats reconnus, croyances partagées) et des faits sur lesquels il est par conséquent.nécessaire de recueillit déja des informations. Ce sont ces mémes faits contradictoires qui ménent & construire tun objet sociologique, c'est-a-dire & ouvir le plan dune explica- tion sociologique doublement homogéne, capable de les ressaisir en un seul ensemble avec les faits qu’ils contredisent. Il serait par conséquent crroné de dire que l'enguéte sociologique etpirique ‘ne commence qu'une fois qu’ont éé posée une énigme et cons- truit un objet. Dés le début, ces trois opérations sentremélent. La troisiéme, Penquéte sociologique eipirique, n'en est pas moins logiquement appelée et justifiée par les deux premiéres. Elle fait en. effet figure de nécessité technique pour qui veut apporter & Pénigme posée une réponse qui ne découle pas de la pensée ordi- 1, Cering sociologues ont pour habimude de se plaindre de ce que les explica- ons quils prosiaient ne sont ran entondies, price ot aeceptben par Tee acters quiales concerment. Crest quils wabordent Ia question des explicatons profanes Gea termes ePobrtace ¢pstémelogique, cest-cie quven tant quis y volent des {ies fauses du point de vue sociologque —la« ésstance » des acters aux explica- tions «vais » devenant dbs lors un signe de leur iationalité, fier en quoi Vor- tgamisation dee pratiques sociales attache poltiquement et moralement les acteurs & des explications profanes, da simple fit qu'elle rend cee expictions beaucoup plus ‘conturlles» et «évidentes» que les expications «visies» du sosiologee, est une {tinde plus conforine & Pambiton de Tn secologe, we serait-ce que parce qu'elle rVoblige pas & attsbuer aux acteurs plus Trratonalité que le chescheur nest pret 8 fen attbner & Ini-méme. Problimatia 49 naire mais sétablit au contraire sur le plan qu’a ouvert la cons- truction de objet sociologique. Car si c'est le propre des explica tions profanes que Péine déducibles des faits & expliquer (que cette petite fille préfere jouer a la poupée plut8t qu’aux petits soldats, S‘explique par le fait qu'elle est une petite fille), c'est le propre des explications sociologiques que de ne pas ’étre. En effet, Ja cause commune aux fais (la plupart des petites filles préférent les poupées aux, petits soldats) et aux contrefaits (certaines préférent les petits soldats) est par définition extérieure a ces différents faits eux mémes et ne peut étre déduite d'aucun d’entre eux, le fait détre une petite fille n'impliquant pas mécaniquement la préference pour les poupées. En dautres termes, dés lors que le sociologue a cons- tuuit son objer, le déductivisme, qui est une facon de penser sou- vent ts efficace dans la vie courante, est une méthode qui lui devient impossible, Tout au plus peut-il échafauder des hypo- théscs explicatives ~ en veillant ace qu’elles respectent ‘2 clause de double homogénéitt ~ mais celles-ci méritent en tou état de cause dPétre dfiment confrontées au réel, Tl apparait ainsi que le degré de nécessité technique qu’éprouve le chercheur 4 mener une enquéte cmpirique pour parvenir & trouver une réponse a Pénigme qu'il a posée, constitue uun excellent indicateur de Ja qualité sociologique, et de son énigme, et de la construction de son objet. 1 Nous retrouvona il ce que none avons appelé pls hat fe teat de Fempirett séeosaire: moins Tenqutte empirigue paralt” techniguement néecesi pour répondre A la question posée, plus nous pouvons etre air que cette question et de (ype scolasique ~ auguel cay, es fits eonadicioires que pourra fournir Penquite, ‘soot négigés par avance au profit d'un risonnement abstrait qui dé des fais deja csponbles, certaines conclusions logiques. Nous retzcuvons également, & ce stad, le test refis de Texhauscvité lonque aucune énigme n'a et poste et que objet de fait, a pas pu Qtre consult socalogiquement (question descriptive), Venquete wei me compe on ne tes de esl orate at | las complet possible, et non pas comme un input cig lie la recherche systimatique dane explication, 30 La postare sociologique ENCADRE 4 Un trait e'union entre consirsction de Fobjet et enquéte a déintion prélable eee ee ee eae caer acer aac eneeenr ares gore see eee ease ea an ae ie ee sirptowe epee ay ghee rence Mee Ms cee anon ce oe ie sine feet Efe es es wie eatetme tae ene e ee renee einem aeet seca eee stances SO eee eee aes Sen eter te eae pcreicter artery eeenorer pei nn ann eminent Seite aan a eee aah oe te ee ean ee Se cal ett amr nts Tes sein ner ar re ee a 1 Vole M, Weber, Ufthique protestante et Fasprit du capitalize, op. cit, a our cer Titan Grarachauicng povsore Seppe 8s Pinion conceptacie» et rest done pas teaver a fagon dont Durkheim, 6 son ete, congo la « Sion geile pete ge ion provitoiveweberenne ea us procSoe qu rmplt a min fonction que la deh ibe reaable cher Durkhewn, a savoir perme de « ertende sur objet dela rechereie» 1d) 3 ite Durkheim, Journal sociologique, Pas ur, 1969, p. 140, ‘Nous wiirons pas plus'Join a propos de Penquéte empirique en sociologie, de ses exigences et de ses méthodes, nombre d'autres cchapitres de cet ouvrage y pourvoyant. Notre but était surtout ici dindiquer en quoi conduire une enquéte empirique est une néces- «iié appelée par la production d'une problématique authentique et par la construction d'un objet, dans la mesure ob ccux-ci exigent une réponse qui ne peut pas aller de soi ~ une réponse, autrement dit, qui ne peut pas étre déduite du cercle des faits'déja conus. La Problématiser 51 ion ici défendue ne saurait par conséquent étre confondue aveé un plaidoyer pour Pempirisme plat, si on entend par li la ‘royance sclon laquelle recueillir des faits de fagon méthodique suflit a faire acte de science. Elle s'y oppose du tout au tout, puis- qu'elle affirme que Fenquéte empirique, si elle s’avére effective ment. nécessaire, ne constitue jamais une fin en soi mais seule- ment un moyen ~Ie seul disponible - pour trouver & Venigme qui a été poste, unc réponse satisfaisante scientifiquement. C'est ainsi que Ja réponse qu’apporte finalement Durkheim a la question de savoir pourquoi le taux social des suicides est & ce point prévi- sible, passait obligatoirement par Pexamen d’un grand nombre de variations. statistiques en fonction de divers « concomitants sociaux » ~ examen sans lequel le lien entre degré ¢intégration sociale et immunisation au suicide ne pouvait pas étre mis & jour. De méme, Weber ne powvait en venir A expliquer Pémergence un « esprit du capitalisme », déviant par rapport aux comporte- ments économiques jusque-la dominants, qu’aprés avoir exeminé cn -détail les textes fondateurs de nombreuses sectes pittstes, méthodistes et baptises du xvIr siécle et ceux qui exposent les conduites de vie prescrites par les premiers capitalistes modernes, tels Benjamin Franklin. Quant a notre promeneur sociologue, C'est seulement en, menant une enquéte approfondie sur Ie pro- priétaire de la 25* maison et sa place au sein de la communauté locale, ainsi que sur Pévolution des pratiques locales en matiére de relations de voisinage, de construction de maisons individselles et de commerce entre architectes, promotews immobiliers et clients, qu’il aura quelque chance de trouver une explication pro- prement sociologique au fait — surprenant quand on y songe — que 4% des fenétres ont dans cette rue une forme ronde et non pas, comme il se devrait, rectangulaire,

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