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Revue du Nord

L'équipement et le matériel militaires au Bas-Empire en Gaule du


Nord et de l'Est.
Michel Kazanski

Citer ce document / Cite this document :

Kazanski Michel. L'équipement et le matériel militaires au Bas-Empire en Gaule du Nord et de l'Est.. In: Revue du Nord, tome
77, n°313,1995. Archéologie. pp. 37-54;

http://www.persee.fr/doc/rnord_0035-2624_1995_num_77_313_5068

Document généré le 19/07/2016


Wapens en militaire uitrusting in Noord-en Oost-Gallië tijdens het late keizerrijk.
De galloromeinse wapens in het late keizerrijk zijn ontleend aan de Romeinse militaire traditie. Maar de
vrij grote verspreiding van gevechtsbijlen, die weinig voorkomen tijdens het vroege keizerrijk, is
blijkbaar verbonden met de aanwezigheid van Germanen in het leger. Maar zo er Germaanse
kenmerken bestaan in de Gallo-Romeinse bewapening in de me-IVe eeuw, dan overheersen die toch
niet. Ultgaande van de veronderstelling dat het Romeinse leger in die tijd onder Germaanse invloed
stond, beschouwen veel onderzoekers de "militaire" sabelriemen als een kenmerk van de Germaanse
hulptroepen. Men treft die nemen aan in twee soorten graven : de graven zonder wapens (met
uitzondering van dolken) en de graven met wapens. Maar niets laat toe die graven zonder wapens
uitsluitend toe te schrijven aan Germaanse militairen. Het waren waarschijnlijk graven van sterk
geromaniseerde troepen, waarbij de Gallo-Romeinen de grote meerderheid uitmaakten. De graven met
wapens kunnen zowel die zijn van barbaarse soldaten in het vaste leger, als van lokale milities, een
soort rijkswacht waarin veel Germanen aanwezig waren. Er waren heel wat barbaren in het keizerlijke
leger maar het is niet nodig hun roi te overschatten en hun systematisch al het gevonden militair
archeologisch materiaal toe te wijzen.

Abstract
The Military Equipment and Material in the Lower Empire in Northern and Eastern Gaul.
The Gallo-Roman Lower-Empire weaponry has mostly been inherited from the Roman military
traditions. On the other hand, the relatively wide diffusion of combat axes, not very common in the
Higher Empire, seems to be linked to the presence of Germans in the army. Thus, if German features
exist in the IIId to Vth century Gallo-Roman weaponry, they are not dominant. In view of the assumed
Germanization of the Lower-Empire Roman army, scholars have often attributed the "military" belts to
the German auxiliaries serving the Empire. Two categories of graves include belts in their artefacts :
the graves including no weapons (except dagger- knives), the graves with weapons. Nothing allows us
to connect the graves without arms particularly to soldiers from Germany. These graves were probably
left by soldiers from highly romanized troops among which Gallo-Romans were probably in the highest
proportion. On the other hand, one can attribute the graves with weapons to either barbaric soldiers of
the regular army or to local militiamen, sort of territorial police force, in which the German element was
particularly important. Thus, if the presence of Barbarians in the imperial army cannot be doubted, their
role must not be overestimated nor should they be systematically attributed all the archaeological
material of a military nature.

Résumé
Les armes gallo-romaines du Bas-Empire sont surtout héritées de la tradition militaire romaine. En
revanche, la diffusion relativement large de haches de combat, peu répandues durant le Haut-Empire,
paraît liée à la présence de Germains dans l'armée. Ainsi, si les traits germaniques existent dans
l'armement gallo-romain du IIIe- Ve s., ils ne sont pas dominants. Supposant la "germanisation" de
l'armée romaine au Bas-Empire, les chercheurs ont souvent attribué les ceinturons "militaires" aux
auxiliaires germaniques au service d'Empire. Deux catégories de tombes comprennent dans leur
mobilier des ceinturons : les tombes sans armes (à l'exception de couteaux- poignards), les tombes
avec armes. Aucun indice ne permet d'attribuer les tombes sans armes spécialement à des militaires
d'origine germanique. Ces tombes ont été laissées probablement par des soldats de troupes fortement
romanisées et parmi eux les Gallo-Romains sont sans doute les plus nombreux. On peut en revanche
attribuer les tombes avec armes aussi bien à des soldats barbares de l'armée régulière qu'à des
milices locales, sortes de gendarmerie territoriale où l'élément germanique avait une importance
particulière. Ainsi, si la présence des Barbares dans l'armée impériale est évidente, il ne faut
cependant pas surestimer leur rôle ni leur attribuer d'une façon systématique tout le matériel
archéologique de nature militaire.
MICHEL KAZANSKI

L'équipement et le matériel militaires

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se présentent comme des éléments étrangers. Nous nous proposons de montrer ici quels
renseignements fournit ce matériel pour l'histoire militaire de Gaule au Bas-Empire.
Commençons par les armes dont la panoplie est assez complète :
Les épées-spathae (fig. 1.9, 10, fig. 3.15, fig. 4.1, fig. 5.6, fig. 6.5, 15, 20) (Bôhme 1974, 97-100)
connues en Gaule sont assez longues : 70-90 cm. La lame est d'abord élancée (du type Straubing-
Nydam), puis au IVe s. elle devient assez large (Schulze-Dôrrlamm 1985, pi. 1). La poignée possède
des bourrelets horizontaux (fig. 6.5) ou des cannelures longitudinales (fig. 1.9). Les bouterolles
d'épées d'apparat du IIIe s., comme celle de la tombe de Cologne-Severinstor, sont discoïdes, en
argent niellé (fig. 6.13), fabriquées dans les ateliers gaulois-rhénans (Martin-Kilcher 1993). A partir
du IVe s., apparaissent les bouterolles en forme de "U" (fig. 1.31) ou celles du type Gundremmeingen
(fig. 1.21) (Bôhme 1974, 99), rectangulaires avec trois rivets, connues en Gaule non seulement d'après
les découvertes archéologiques (Trêves, voir Bischop, Coulston 1993, fig. 116.2) mais aussi des
données iconographiques (stèle de Lopontius à Strasbourg) (Feugère 1993, fig. sur la p. 242). Il convient
de mentionner un nouveau type d'épées, récemment repéré en Gaule, les spathae à garde losangique
en fer (4 exemplaires au Musée Archéologique de Dijon) (Vallet 1993, fig. 4.8-11). Auparavant, ces
épées étaient connues uniquement en Europe centrale et orientale et étaient considérées comme
caractéristiques des peuples de l'Est.
Les données iconographiques montrent que les officiers de l'armée de l'Empire portaient des épées
à décor polychrome. Ce décor est attesté sur les épées romaines à partir de l'époque des Tétrarques,
à en juger d'après la célèbre sculpture provenant de Constantinople (fig. 8.8) (Kazanski 1991, 123-132,
fig. 3.7). L'origine orientale (sassanide ?) de cette mode est possible, mais difficile à prouver, car on
n'a pas trouvé d'épée d'apparat du IIIe s. au Proche et Moyen Orient. Une épée originaire de l'est du
bassin méditerranéen provient de la tombe de chef militaire à Altlussheim (fig. 6.20) (Kazanski, étude
sous presse). D'autre part les données iconographiques - le diptyque de Stilicho ou les statues des
Tétrarques - ainsi que quelques découvertes archéologiques témoignent de l'apparition de traits
d'origine "orientale" dans l'usage de porter les épées "à l'iranienne", attachées à la ceinture (fig. 8.1-8)
(Kazanski 1993a, 52).
REVUE DU NORD-ARCHEOLOGIE, 1995 (TOME LXXVII), N° 313, P. 37-54
38 MICHEL KAZANSKI

L'apparition des traits "orientaux" dans l'équipement d'officiers de l'Empire d'Occident peut
s'expliquer d'une part par le prestige de la culture aristocratique de l'Empire d'Orient et d'autre part par
le séjour au IVe s. de régiments gaulois au Proche Orient, pendant les guerres contre l'Iran sassanide.
La tombe d'Altlussheim datée de la première moitié du Ve s. a livré un long scramasaxe (65 cm),
arme à lame droite avec un seul tranchant (fig. 6.19). Pendant longtemps, les longs scramasaxes ont
été considérés comme originaires des steppes de la Russie méridionale. Or cette arme est totalement
absente dans les tombes des nomades de la steppe. En revanche, les prototypes possibles sont connus
dans la zone byzantine et sassanide, en Transcaucasie et en Asie centrale. On peut donc supposer que
les longs scramasaxes apparaissent en Occident sous l'influence orientale, via la Méditerranée
(Kazanski 1991, 133 ; Kazanski 1993a, 52-56).
Les poignards typiques de la Gaule au Bas-Empire, avec un seul tranchant développé (fig. 2.8, 18,
fig. 3.11,27 etc.), sont répandus du Rhin jusqu'à l'Espagne du milieu du IVe à la fin du Ve s. Ils font
partie du costume militaire romain et il n'est pas exclu que ces poignards aient servi de prototypes
pour les courts scramasaxes mérovingiens (Bishop, Coulston 1993, 165 ; Martin 1993, 396).
On a également retrouvé des umbo et des manipules de boucliers (Bôhme 1974, 1 1 1-1 14). Parmi les
umbo, sont présents deux types que l'on peut considérer comme romains, par ex. celui de Misery
(fig. 1.20), d'autres - les types Vermand et Liebenau (fig. 1.13-17) (Dachstein, Vieuxville, etc.) seraient
d'origine germanique. Cependant leur large diffusion sur le territoire de l'Empire montre que vers le
IVe s. ces types sont devenus communs et ont perdu leur signification ethnique (Kazanski 1994, 445-
447). Des manipules du type Zieling X (fig. 1.29) possèdent des extrémités trapézoïdales à deux rivets,
comme sur des représentations de soldats romains du forum de Théodose à Constantinople. Ce type
est largement répandu en Europe (Kazanski 1994, 451, 452). D'autres manipules, comme celle de
Vermand (fig. 1.23) pourraient avoir servi de prototype pour les manipules mérovingiennes.
Les haches d'armes sont représentées en Gaule par plusieurs types (fig. 1.18, 19, 22, 25, 26, 28 etc.)
(Bôhme 1974, 104-110). Certains sont caractéristiques pour toute l'Europe (fig. 1.22) et d'autres plus
spécialement pour le territoire romain, comme les haches-marteaux (fig. 1.26) (Bôhme 1993) ou les
haches courbées à large tranchant du type Cebelda (fig. 1.28) (Kazanski 1988 et 1994, 459-463). Les
haches à corps courbé et tranchant étroit (fig. 1.18, 19, 25), précurseurs directs des haches
mérovingiennes, sont largement répandues aussi bien en Gaule que chez les Germains occidentaux d'outre-
Rhin. Enfin, une hache du type Bôhme IA/Domanski A (fig. 1.30), trouvée dans la tombe de
Mayence-Kostheim, est originaire de l'Allemagne moyenne et peut être considérée comme
spécifiquement germanique (Bôhme 1974, 104-105 ; Bôhme 1978, 25).
Parmi les lances (Bôhme 1974, 100-104) il faut noter, outre les pièces de forme classique, bien
connues partout dans l'Empire, en feuille, avec ou sans nervure (fig. 1.5, 6), des lances de type
Bôhme 2, asymétriques en coupe (fig. 1.8) et qui sont caractéristiques de la Gaule. D'autre part, les
épieux à double crochet (fig. 1.7) (Bôhme 1974, 101-103), connus en Gaule durant le Haut-Empire
comme armes de chasse, sont employés aux IVe-Ve s. pour le combat. Des pièces richement décorées,
comme celle de la tombe de Vermand (fig. 5.13), ont pu servir d'insignes pour les officiers. Plus tard,
au début de l'époque mérovingienne, les épieux sont présents seulement dans de riches tombes en tant
qu'armes de prestige (Martin 1993, 395).
Les flèches et javelots (Bôhme 1974, 110-111) sont également assez variés, en forme de feuille et de
losange (fig. 1.1,2), barbelés à tige torsadée (fig. 1.3, 4) et ceux asymétriques qui rappellent les lances
du type Bôhme 2. Citons enfin de nouveaux types de javelots qui apparaissent en Gaule au Bas-
Empire, l'un romain, plumbata (fig. 1.12, 13) (Kazanski 1988) et l'autre germanique, barbelé à douille
(Doubs, Vindonissa, Strasbourg, Allériot, Fontaine-Etoupefour, Gergy, Sargans) (Feugère 1993, 236,
237). L'influence "orientale" (parthe, sassanide ou sarmate ?) est perceptible dans la diffusion des arcs
renforcés de plaques d'os (Mayence, Stockstadt) et de flèches à trois ailettes (fig. 7.3, 4) (Kazanski
1991, 135-136).
Au nord et à l'est de la Gaule, outre quelques fragments de casque (Brunehaut-Liberchies, Allerey),
on connaît deux casques entiers : l'un à Worms, de facture modeste (Klumbach 1973) et l'autre à
Dieurne, découvert dans une tourbière, beaucoup plus riche, en fer avec un plaquage de feuille d'ar-
L'EQUIPEMENT ET LE MATERIEL MILITAIRES AU BAS-EMPIRE EN GAULE DU NORD ET DE L'EST 39

gent doré (Braat et alii 1973). Ce dernier appartenait à un officier de la vexillatio comitatensis stable-
siana VI, qui trouva la mort autour de 319-320 dans le marécage. Des casques de Worms et de
Dieurne possèdent deux coquilles. Cette forme de casques trouve des prototypes dans l'armement
oriental du IIP s. chez les Sassanides (voir le casque de Doura-Europos). Dans l'armée romaine, ce
type est attesté à partir de l'époque de Constantin le Grand (James 1986 ; Bishop, Coulston 1993, 171,
172).
Des cottes de mailles ont été mises au jour au nord et à l'est de la Gaule, notamment à Sarry (fig.
6.14). Ce type d'armement défensif est bien connu en Gaule à l'époque antérieure (voir en dernier lieu
Chew 1993, 313, 314).
Parmi les nouveautés du Bas-Empire, il faut noter l'apparition des selles avec des éléments
métalliques : des bordures d'arçons (à Sarry) (Chew 1993) ou des plaques (à Mundolsheim) (fig. 6.16,
fig. 7.11) (Kazanski 1990). Habituellement ces éléments sont caractéristiques pour les selles dures en
bois, qui donnaient plus de stabilité aux cavaliers. La présence de selles est insolite pour les Germains
ou pour les Romains mais rappelle les tombes danubiennes et pontiques de la première moitié du Ve s.
appartenant notamment aux Huns et aux Alains (Levice-Leva, Pécs-Ûszôg, Szeged-Nagyszeksos,
Olbia, Melitopol, Novogrigor'evka, Hertch, Lermontovskaja Skala) (Kazanski 1990, 57-59, carte sur
la p. 62).
Les éperons du Bas-Empire appartiennent au type Leuna avec trois branches et rivets. Différentes
variantes, datées entre le milieu du IIP et le milieu du Ve s., ont été découvertes en Gaule : la variante
Leuna-B — germanique — originaire de l'Allemagne moyenne (Liberchies) (fig. 1.27) (Giessler 1978,
n° 27), la variante Leuna-C, caractéristique des provinces orientales de l'Empire (Krefeld-Gellep,
tombe 376) (Giessler 1978, n° 51), et la variante Leuna D, romaine occidentale (fig. 1.24) (Deurne,
Ehl, Arras, Kreuznach, Paris, Trêves, Mannheim-Wallstadt) (Giessler 1978, n° 80, 85, 90, 95, 103,
105).
Les armes gallo-romaines du Bas-Empire ont essentiellement hérité de la tradition militaire
romaine. En effet on retrouve leurs prototypes parmi les armes de l'époque antérieure. Certains sont
connus presque exclusivement sur le territoire romain et étaient fabriqués dans des ateliers de
l'Empire. Nous pensons aux armes damassées de Helle, Rhenen, Vermand (Bôhme 1978, 36) ou à Yumbo
de Misery. Rappelons qu'en Gaule se trouvaient des ateliers d'Etat qui produisaient des armes,
notamment à Trêves (boucliers, balistes), à Autun (boucliers, cuirasses, balistes), à Amiens (boucliers
et épées), à Reims (épées), à Mâcon (flèches) (Bishop, Coulston 1993, 189, fig. 135 ; Feugère 1993,
239-241). Ces armes étaient probablement exécutées pour des troupes précises sur commande. Ainsi,
Yumbo découvert à Misery (fig. 5.3) porte une marque avec le nom du régiment MAR(tenses seniores)
(Hoffmann 1969, 357). Des chercheurs ont avancé que la fabrication d'armes en grandes séries devait
inévitablement provoquer une baisse de leur qualité. En absence d'étude métallographique il est
difficile de se prononcer sur cette question. Quant à l'exemple des casques, pour lesquels la chute de la
qualité au Bas-Empire est évidente (Feugère 1993, 243, 254), peut-être s'agit-il seulement d'un cas
particulier.
Ainsi l'armement gallo-romain du Bas-Empire comporte peu de types d'origine germanique : citons
les éperons du type Leuna B (Giessler 1978 ; Kazanski 1992, 119), les umbo du type Liebenau et
Vermand (Kazanski 1994), peut-être les javelots à double crochet et enfin les haches Bôhme-
IA/ Domanski-A (Bôhme 1974, 104-105 ; Bôhme 1978, 25). En revanche, la diffusion relativement
large de l'utilisation des haches dans les combats, peu répandue auparavant, paraît liée à la présence
de Germains dans l'armée du Bas-Empire (Bishop, Coulston 1993, 165). Ainsi, si les emprunts
germaniques sont présents dans l'armement gallo-romain des IIP- Ve s., ils ne sont pas dominants.
Remarquons entre parenthèses que les données iconographiques ne témoignent pas non plus d'une influence
germanique notable sur le costume et l'équipement du guerrier romain. Les prétendus traits
germaniques dans l'équipement de Stilicho sur le diptyque de Monza, la lance et Yumbo en particulier
(Feugère 1993, 248), nous paraissent plus que douteux. Ainsi la forme du fer de lance peut être
interprétée de différentes façons (à comparer : Feugère 1993, p. 248, fig. sur la p. 237 et Sommer
1984, pi. 56.7). Quant à Yumbo du type Dobrodzien, représenté sur le bouclier de Stilicho (fig. 8.9),
la diffusion de ce type dépasse largement les frontières du monde germanique. Ces umbo sont bien
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connus en Abkhazie, sur la côte est de la mer Noire (fig. 8.10-12) (Kazanski 1988, 76, fig. 6 et 7 ;
Kazanski 1994, 447, 448) où l'influence militaire romaine est attestée par de nombreuses découvertes
archéologiques (Voronov, Chenkao 1982 ; Voronov 1995 ; Kazanski 1991a et 1994 ; Soupault 1995).
L'apparition des Germains sur la côte caucasienne de la mer Noire aux IVe- Ve s. ne peut être
envisagée que dans le cadre de l'armée romaine. Ils portaient donc un équipement provenant des arsenaux
de l'Empire. En outre, nous doutons fort que Stilicho ait accepté de laisser représenter un objet
"barbare" sur son portrait officiel de dignitaire romain. Cela irait à rencontre de ce que nous savons
sur l'intégration des chefs militaires d'origine barbare dans la hiérarchie romaine au IVe s. et pendant
la première moitié du Ve s.
Examinons à présent les ceinturons du Bas-Empire. Ils sont considérés comme appartenant au
costume militaire, d'une part d'après les parallèles iconographiques, d'autre part d'après leur
répartition géographique dans les provinces frontalières et enfin d'après les découvertes dans le mobilier de
tombes contenant des armes (Keller 1971, 67 ; Bôhme 1974, 55-73 ; Bôhme 1985, 80-83, 1986, 35, 36 ;
Sommer 1984, 87-118 ; Bishop, Coulston 1993, 173-179). Ces arguments ne sont cependant pas tout
à fait convaincants (Sommer 1984, 87-88). En effet les civils ou les milices privées, dans certains cas,
portaient les mêmes ceinturons (Sommer 1984, 96-100 ; Bôhme 1986, 35). Il est clair néanmoins que
la plupart de ces ceinturons, surtout ceux provenant de forteresses et de nécropoles frontalières ou de
tombes avec armes, étaient l'une des composantes du costume militaire, en particulier les pièces avec
des appliques en hélices ou avec un décor zoomorphe, ou encore celles portant un décor de taille
biseautée (Sommer 1984, 88-91 ; Bôhme 1986). Il est possible d'envisager l'appartenance des pièces en
bronze aux troupes frontalières, tandis que les ceinturons en argent auraient été portés par les troupes
mobiles (Sommer 1984, 88-96). Parmi les ceinturons en argent on peut citer celui de la tombe de
Misery, laissée par un officier du régiment des Martenses Seniores (Sommer 1984, 95, 96).
Tous les chercheurs considèrent que ces ceinturons ont été produits par des ateliers romains
(Bôhme 1974, 92-97, 1986, 30-34 ; Sommer 1984, 101-102). Cependant, partant de l'idée d'une
"germanisation" de l'armée romaine au Bas-Empire, avancée par les historiens des textes (Hoffmann
1969-1970), les chercheurs attribuent souvent ce matériel plus spécialement aux auxiliaires
germaniques au service de l'Empire. L'opinion la plus pondérée a été exprimée par H. W. Bôhme. Selon lui les
Romains pouvaient porter eux aussi ces ceinturons (Bôhme 1986, 36-38). En effet, s'il n'y a pas lieu
de douter d'une présence considérable de Barbares germaniques et non germaniques dans l'armée
romaine en Gaule au Bas-Empire, les textes fournissent également des preuves de la présence de
nombreux Gallo-Romains surtout au IVe s. Ainsi théoriquement ces ceinturons pouvaient être portés
aussi bien par des militaires d'origine germanique que par d'autres, d'origine romaine.
Certaines découvertes semblent confirmer ce point de vue. Nous pensons aux ceinturons mis au
jour en dehors de la zone frontalière, notamment en Gaule méridionale dans un contexte purement
romain, à Saint-Maurice-de-Navacelles (Sommer 1994, pi. 47.7-10), à Argeliers (Feugère 1988) et à
Saint-Andéol, sarcophage 16 (Bôhme 1981). Sans doute s'agit-il de soldats d'origine gallo-romaine
revenus pour diverses raisons depuis la zone frontalière dans leurs villages natals.
L'étude de la diffusion des ceinturons dans un contexte funéraire peut contribuer à éclaircir la
question de leur attribution. Nous avons pris en compte seulement les éléments de ceintures, dont les
échantillons découverts dans les tombes avec armes. On discerne deux catégories de tombes contenant
dans leur mobilier des ceinturons (la plupart de ces tombes ont été répertoriées dans les travaux de
H. Bullinger, de H.W. Bôhme et de M. Sommer) :
- les tombes sans armes (à l'exception de couteaux-poignards) (fig. 2, fig. 3.17-29)1

1. — Furfooz 5, Trèves-Ehrang 6, Trèves-Pallien 1890, Oudenbourg 16, 68, 76, 101, 109, 146, 149, 171, 180, Bâle-Aeshenvorstadt
330, 343, 429, Kaiseraugst 405, 975, Schleitheim-Hebsack (tombe féminine), Yverdon 59, Amiens, Bas-Mûnstereifel-Kalkar 3,
Bouille-Courdault, Brumath-Stephansfeld 61, Champdolent, Cologne-Jakobstr. 74, 204, Etel, Folkingen 65, Freilaubersheim, Fré-
nouville 299, 334, 361, 363, 364, 368, 403, 436, 451, 452, Giberville 67, Gondorf 1 1/1890, Hermes 2275, Hessheim, Hockenheim 2,
Jamiolle 12, Kreuznach, Krefeld 770, 929, 930, 979, 1113, 1398, 2748, 2906, 2942, 2991, 3001, Mayen 5, 6, 12, 16, 26, Melette 1,
Mezières 9, 13, Moers-Asberg 1, Nouvion 208, Noyelles 2, 9, Omont 27, Paris-Gobelins-Reine Blanche B 37, Paris-St. Marcel-
Gobelins, Paris-Gobelins B 23, Paris-St. Marcel s/n et B 32, Paris Gobelins-Port-Royal B 26, Polch-Ruitsch 12, Pond-de-Buis,
Rhein-Gartenstadt-Hochfeld 2, Rouvroy, Sablonnières 1283, Breny 1226, 1227, 1424, 1470, St. Juilien 8, 9, St. Martin de Fontenay
L'EQUIPEMENT ET LE MATERIEL MILITAIRES AU BAS-EMPIRE EN GAULE DU NORD ET DE L'EST 41

- les tombes contenant dans leur mobilier des armes (fig. 3.1-17, fig. 4, fig. 5)2.
Un nombre important (cinq et plus) de tombes de la première catégorie est présent à notre
connaissance dans les nécropoles suivantes : Oudenbourg, Frénouville, Krefeld-Gellep, Mayen, Paris,
Vireux-Molhain, Tongres, Vermand, Trêves. Parmi celles-ci nombreuses sont les nécropoles
frontalières (Frénouville, Mayen, Oudenbourg, Krefeld-Gellep) et certaines d'entre elles sont situées près de
forteresses occupées par des garnisons romaines (Oudenbourg, Krefeld-Gellep). On note aussi la
présence dans cette liste de villes avec une concentration importante de troupes (Paris, Trêves). Rien
n'autorise à attribuer ces tombes plus spécialement à des militaires d'origine germanique, d'autant
plus que, dans les cimetières cités, les traits germaniques sont faiblement représentés, même si dans ces
nécropoles se trouvent parfois des tombes avec armes, tombes probablement germaniques et quelques
sépultures féminines avec des objets germaniques. Les tombes féminines avec un costume de tradition
romaine y sont d'ailleurs également bien attestées. Ces tombes avec des ceinturons mais sans armes
sont sans doute celles de soldats de troupes fortement romanisées où les Gallo-Romains étaient
probablement les plus nombreux. On trouve une filiation des tombes militaires avec des poignards et
couteaux à l'époque mérovingienne. Il s'agit des tombes avec de petits scramasaxes, tombes laissées
par des guerriers gallo-romains incorporés dans l'armée franque (Martin 1993, 397).
Les tombes avec armes sont répandues assez largement sur le territoire de la Gaule du Nord, surtout
à l'intérieur des terres (99 nécropoles, dont 10 possèdent cinq tombes et plus : Vron, Tournai,
Vermand, Abbeville-Hombilières, Vireux-Molhain, Furfooz, Samson, Vieuxville, Krefeld-Gellep, Rhe-
nen, et dont seulement trois frontalières : Vron, Krefeld-Gellep, Rhenen). Ces tombes, souvent
accompagnées de sépultures féminines qui ont livré des objets germaniques, ont été mises au jour aussi
bien dans des cimetières urbains (Vermand) que ruraux (Abbeville, Vert-la-Gravelle, Cortrat, etc).
Elles sont peu nombreuses dans les nécropoles des garnisons frontalières, tandis que, dans l'arrière-
pays, on distingue des nécropoles avec une importante présence de tombes avec armes. A Furfooz par
ex., petite nécropole près d'un poste militaire fortifié, 70 % des tombes masculines contenaient des
armes (Bôhme 1978, 30-32 et 1985). On peut à notre avis attribuer ces sépultures aussi bien aux
soldats barbares de l'armée régulière qu'aux milices locales, sorte de gendarmerie territoriale où
l'élément germanique avait probablement une importance particulière.

1. — (Suite) 301, 332, St. Quentin 16, 33, 44-45, St. Vigor-le-Grand 1, Speyer-Ludwigstr. 1891/92, Speyer-Hildgardstr. 55, Sponeck
15, Spontin F, Strasbourg 1 17/ 1881, Tongeren Sud-Ouest 9, 53, Tongeren, Tournai rue Perdue 34, 88, 94, Vermand 291, 321, A,
Vert-la-Gravelle 29, Vicq 1299, Vierville, Vieuxville 188, Vireaux-Molhain 9, Vron 253 A, 214 A, Weinsheim, peut-être Niederbrei-
sig, Nymwegen 159.
Les tombes contenant en outre une fibule cruciforme Bâle-Aeshenvorstadt 379, Oudenbourg 19, 37, 58, 59, 103, 1 14, 132, 138, 188,
1309 ; Kaiseraugst 1309, Krefeld 1222, 2646, 2911, 2942, 2996, Neuss, Paris-Gobelins, Paris-St. Marcel B 23, B 36, St. Quentin 28.
:

Les tombes contenant en outre un couteau ou un poignard : Abbeville 62, Fel 7, Bad Kreiznach 1, Folkingen 2, Frénouville 314,
331, 344, Furfooz 6, 12, Krefeld 10, 790, 808, 905, 1076, 1100, 1331, 1476, 2424, 2327, 2756, 3381, Limé, Marteville, 71/15, 74/39,
Mayen 21, Noyelles 15, Oudenbourg 3, 68, Soings-en-Sologne 2, Tongeren 9, 158, Treigne, Vermand 190, 397, Villa d'Ancy 103,
Vireux-Molhain 3, 8, 16, 17, 45.
Les tombes contenant en outre une fibule cruciforme et un poignard Abbeville 4, Cologne- Jakobstr. 107, Krefeld 3043 (mauvais
état de boucle), 3511, Marteville 71/06, 71/16, Oudenbourg 1,27,59,72, 104, 111, 172, 188, Tongeren 94, Tournai-Rue Perdue 45.
:

Les tombes contenant une fibule cruciforme et un couteau mais qui ne contiennent pas de ceintures Aeshenvorstadt 306, Krefeld
1493, 2907, Noyelles 16, Oudenbourg 14, 34, 83.
:

2. — Aeschenvorstadt 291, Aeshenvorstadt 317 avec éperons, Abbeville 67, Bonn, Breny 1460, 1548, Chouy 127, Cologne-
Severinstor, Dieue-sur-Meuse 101, Folkingen 134, Frénouville 425, Furfooz 1, 9, 10, 14, 17, Guer 1, Haillot 11, Hermes, Jambes
1, Krefeld 1107, 1248, 1330, 2650, 2654, 2749, Landifay, Marteville 72/23, Mayence-Greiffenklausstr. 1, 2, Mayence-Kostheim,
Misery, Molenbeck-St. Jean, Monceau-le-Neuf 1, 2, Nijmegen-Broerstraat D 159, Omont 10, Oudenbourg 122, 129, Pry, Rhenen
(en dehors d'Empire) 818, 819, 829, 833, 835, 839, 846, St. Rimay, Samson 6, 10, 13, Spontin B, G, Tongeren-Koninksem 10,
Tongeren 29, Tournai 2.1940, Trèves-Ehrang 43 A, Ulbach-Ralenberg, Vermand B, 284, Vert-la-Gravelle 6, Vieuxville, Vieuxville
151, 177, Villevard, Vireux-Molhain 11, 22, 44, Vron 143 A, 173 A, 183 A, 209 A.
Les tombes contenant des armes mais qui ne contiennent pas de ceintures : Alzey-nécropole sud, Amiens-citadelle, Badmunsterberg
2, Bexbach 1, Breny 229, 1285, Bretinnières, Cologne 64 et 65, Corbois 9, Crimolois, Eisenberg-Bems, Fel 1945, Fel 5, Fratin,
Frénouville 276, Furfooz 19, 20, Guer 2, Krefeld 376 (la tombe féminine avec un éperon), Krefeld 589, Krefeld 670, 772, 1088, 3891,
Marteville 68/13 A, 71/13, Mayen 25, Mayence-Bretzenheim, Neuilly, Oudenbourg 142, Polch-Ruitsch 32, St. Quitin 21, Samson
1, 2, 3, 4, 5, Speyer-St. Germain, Strasbourg-Porte Blanche, Strasbourg-rue des Aveugels, Tréon, Tongeren 21, Vanvey-sur-Ource,
Vireux-Molhain 12, 41, Vron 150 A, 173 A, Voerendal, peut-être Dieulouard, Charnay, Eps, Fontaine-Valmont, Harnes, Herstal,
Huy, Liévin, Maastricht, Marles-les-Mines, Pompey, Rouvres, Saint-Dizier-Hoericourt.
Les tombes contenant des armes et une fibule cruciforme mais qui ne contiennent pas de ceintures : Krefeld 1316 (umbo), Tongeren
99 (hache).
42 MICHEL KAZANSKI

II ne faut cependant pas attribuer de façon systématique toutes les tombes avec armes sur le
territoire gaulois aux Germains. En fait, une partie de ces tombes a été laissée par des Barbares non
germaniques. D'autre part, la coutume d'enterrer avec des armes est attestée sporadiquement parmi
la population gallo-romaine du Bas-Empire, loin de la zone d'installation des soldats germaniques.
Nous pensons notamment à certaines sépultures mises au jour dans des nécropoles "indigènes" en
Gaule méridionale, par ex. à Sigean, tombe 39 (Solier 1964-1965) ou à Saint-Michel, tombes 8, 10, 47
(Majurel et alii 1970-1973).
Pour conclure, à propos des ceinturons militaires, on peut affirmer qu'ils étaient portés au Bas-
Empire aussi bien par des soldats d'origine germanique que par ceux d'origine romaine comme cela
a été déjà supposé par H.W. Bôhme.
Il convient de mentionner quelques tombes avec des objets originaires d'Europe centrale et
orientale mises au jour dans la zone frontalière au nord et à l'est de la Gaule. Ces sépultures peuvent
appartenir à des Barbares d'origine germanique orientale ou alano-sarmate engagés au service de
Rome. Evoquons à titre d'exemple les tombes avec des armes et des objets germaniques orientaux,
originaires d'Europe centrale retrouvés près de Dijon (Vallet 1993) ou les tombes avec des objets
alano-s armâtes de Reims et de Krefeld-Gellep (fig. 7.1-10) (Kazanski 1993). Citons également la
sépulture de chef d'Altlussheim, déjà mentionnée (fig. 6.18-21), la riche tombe avec une épée de
Wolfsheim, qui a livré en outre une fibule germanique originaire d'Europe centrale. Enfin, l'influence
des peuples des steppes apparaît, nous l'avons déjà dit, dans la présence de selles dures avec des
éléments métalliques. Les tombes de chefs militaires de caractère oriental appartenaient sans doute à
des officiers, parfois de haut rang, engagés dans l'armée romaine. Les riches tombes féminines à
Airan, Hochfelden, Balleure qui contenaient des parures germaniques orientales, datées grosso modo
de la première moitié du Ve s., ont sans doute été laissées par les familles des officiers d'origine
barbare chargés de la défense des frontières de l'Empire.
Pour conclure, soulignons que si la présence des Barbares dans l'armée impériale en Gaule est
évidente, il ne faut pas surestimer leur rôle ni leur attribuer de façon systématique tout le matériel
archéologique à caractère militaire. Les nécropoles de l'armée frontalière ne montrent pas de traces
importantes de barbarisation. Seules certaines tombes avec armes, comme celle de Misery,
témoignent de la présence des Germains dans les troupes mobiles. D'après les pratiques funéraires, la
présence germanique se manifeste surtout à l'intérieur du pays où les Barbares jouaient le rôle d'une
"gendarmerie". L'apparition de cette "gendarmerie" est un fait nouveau au Bas-Empire car ces tombes
avec armes ne sont pas connues avant le IVe s. Cela témoigne sans doute d'une atmostphère
d'insécurité en Gaule du Nord à cette époque. La découverte d'armes et de détails de ceinturons militaires
dans un contexte purement civil, notamment dans des villae, montre également une certaine insécurité
qui entraîne l'apparition de milices privées et une certaine militarisation de la population civile (voir
à ce propos Zosime, Histoire nouvelle, III. 7.1). Certains chercheurs parlent même d'un effacement des
limites entre la population civile et militaire (Sommer 1984, 96-98). L'apparition de tombes avec un
mobilier oriental, appartenant aux Huns, aux Alano-Sarmates ou aux Germains orientaux constitue
une autre nouveauté du Bas-Empire car l'engagement des Barbares orientaux dans l'armée d'Occident
n'est pas attesté archéologiquement avant le IVe s. L'équipement militaire en Gaule au Bas-Empire est
également, lui aussi romain, avec quelques emprunts d'origine barbare ou orientale. Le caractère
essentiellement "romain" des armées gauloises survivra à l'Empire, si l'on croit le témoignage de
Procope (Bell, goth., V. 12. 12. 16) sur la présence de régiments romains dans l'armée franque (voire à
ce propos Bachrach 1972, 10) et si l'on prend en compte l'origine romaine ou byzantine de plusieurs
types d'armes mérovingiennes : les épées à décor cloisonné, les casques du type Baldenheim, les scra-
masaxes, les épieux à double crochet ou certains types de haches.
Michel Kazanski

Michel Kazanski, Chargé de recherches au CNRS-ERS 152, Musée des Antiquités nationales, BP 30, 78103 Saint-Germain-f'1-
Laye.
L'EQUIPEMENT ET LE MATERIEL MILITAIRES AU BAS-EMPIRE EN GAULE DU NORD ET DE L'EST 43

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44 MICHEL KAZANSKI

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L'EQUIPEMENT ET LE MATERIEL MILITAIRES AU BAS-EMPIRE EN GAULE DU NORD ET DE L'EST 45

Fig. 1 Armes gallo-romaines du Bas-Empire.


1, 16, 29 : Vieuxville ; 2, 8, 28 Vert-la-Gravelle, tombe 6 ; 3, 25 : Haillot, tombe 1 1 ; 4 : Nouvion-sur-Meuse ; 5 : Oudenbourg, tombe
:

129 ; 6, 19 Molenbeek-Saint-Jean ; 7 : Rhenen, tombe 839 ; 9 : Alzey ; 10 : Samson, tombe 6 ; 11 : Mayence ; 12 Strasbourg ;
:

13 Bretenières ; 14 :Dachstein ; 15, 23 Vermand ; 17 Neuilly ; 18 Chouy, tombe 127 ; 20 Misery ; 21 Trêves ; 22
:

: :

Oudenbourg, tombe 122 ; 24 Arras ; 26 : Mont-de-Hermes ; 27 : Liberchies ; 30, 31 : Mayence-Kostheim.


:

1-8, 10, 18-20, 22-25, 28 : d'après Bôhme 1974 ; 21 d'après Bishop, Coulston 1993 ; 24 : d'après Jacques 1993 ; 26 d'après Bôhme
:

1993 ; 11-17 d'après Kazanski 1988 ; 27 d'après Kazanski 1992 ; d'après Werner 1956. Sans échelle.
:

:
:

:
46 MICHEL KAZANSKI

-o

1-3 : Oudenbourg, tombe 37 ; 4-8


Fig.: Oudenbourg,
2 : Tombes contenant
tombe 111des; 9-18
ceinturons
: Oudenbourg,
(d'après Bôhme
tombe 31974)
; 19-25 : Fel, tombe 7. Sans échelle.
L'EQUIPEMENT ET LE MATERIEL MILITAIRES AU BAS-EMPIRE EN GAULE DU NORD ET DE L'EST 47

Fig. 3 Tombes contenant des ceinturons (d'après Bôhme 1974)


1-16 : Monceau-le-Neuf, tombe 1 ; 17-29 Abbeville-Homblières, tombe 4. Sans échelle.
:

:
48 MICHEL KAZANSKI

28

Fig. 4 Tombes contenant des ceinturons (d'après Bôhme 1974)


1-9 : Sambon, tombe 10 ; 10-17 Chouy, tombe 127 ; Vert-la-Gravelle, tombe 6. Sans échelle.
:

:
L'EQUIPEMENT ET LE MATERIEL MILITAIRES AU BAS-EMPIRE EN GAULE DU NORD ET DE L'EST 49

12

17
9

Fig. 5 : Tombes
1-6 : Misery
contenant
; 7-19des Vermand.
ceinturonsSans
(d'après
échelle.
Fbhme 1974)
:
50 MICHEL KAZANSKI

Fig. 6 : Tombes contenant une épée-spatha


1-13 Cologne-Severinstor (d'après Martin-Kilcher 1993) ; 14-17 : Sarry (d'après Chew 1993) ;
18-21 Altlussheim (d'après Werner 1956). 1-13, 18-21 : sans échelle.
:

:
L'EQUIPEMENT ET LE MATERIEL MILITAIRES AU BAS-EMPIRE EN GAULE DU NORD ET DE L'EST 51

Fig. 7 :Eléments "orientaux" en Gaule


1,2: Reims, Fosse-Jean Fat 3 : Sponeck ; 4 : Mannheim-Neckarau ; 5-10 : Krefeld-Gellep, tombe 4607 ; 11 : Mundolsheim.
1-4 : d'après Kazanski 1993 ; 7-10 : d'après Pirling 1988 ; 11 : d'après Werner 1956. 7-9, 11 : sans échelle.
52 MICHEL KAZANSKI

10 11 12

Fig. 8 : Données iconographiques sur l'aristocratie militaire du Bas-Empire et leurs parallèles


1, 8 : diptyque de Monza ; 2 : statue d'empereur, Turin ; 3 plat représentant un roi sassanide, IVe s. Sori (Iran) ; 4 : coupe de
Khosroès II, VIe s., Strelka (Oural) ; 5 : plat de Chapour II, IVe s., Touroucheva (Oural) ; 6 : coupe de Chapour II, IVe s. (?),
:

Deilaman (Iran) ; 7 : plat représentant un roi sassanide, Ve-VIe s. ; 8 : statut des tétrarques, Venise ; 10 : Chapka-Abgidzrahu, tombe
6 ; 11 : Chapka-Abgidzrahu, tombe 41 ; 12 : Chapka-Ahiacarahu, tombe 20. 1-8 : d'après Kazanski ; 9-12 : d'après Kazanski 1988.
Sans échelle.
L'EQUIPEMENT ET LE MATERIEL MILITAIRES AU BAS-EMPIRE EN GAULE DU NORD ET DE L'EST 53

Discussion

R. Delmaire :
Je voudrais illustrer votre exposé avec trois petites références concernant les textes.
Tout d'abord, vous avez parlé des plaques en argent en disant que cela concerne plutôt la garde impériale. Je dirais
les comitatenses, peut-être, mais pas la garde impériale, parce que sur ce point les textes sont formels, il y en a des
centaines d'exemples : la garde impériale, c'est l'or, point final ; ce sont des soldats cousus d'or des pieds à la tête.
Donc l'argent pour les soldats du comitatus, dirigés par les maîtres de la milice, mais pas pour la garde impériale,
placée sous l'autorité du maître des offices et qui est autre chose. Le mot garde est ici impropre.
Deuxième point, à propos des objets orientaux isolés. Je crois qu'il faut faire attention car, là, il peut s'agir de
pièces de butin et non d'objets provenant de fabriques impériales. On a l'exemple du torque de Wolsheim avec une
inscription en pehlevi. Donc, pour les casques, ce peut être la même chose. Un casque isolé doit inspirer la méfiance :
le soldat qui a une part de butin venant d'une campagne d'orient peut très bien se faire enterrer avec.
Troisième point, concernant la présence de ces tombes assez bizarres où vous avez des éléments militaires, fibules
et ceinturons, et pas d'armes. Là encore, il faut voir la situation : lorsqu'un personnage entre dans la milice, qu'elle
soit civile ou militaire, il reçoit son premier équipement. Il reçoit donc la fibule, le ceinturon et les armes. S'il quitte
l'armée ou la milice au bout d'un certain temps, il doit restituer son équipement et l'expression « restituer son
ceinturon » est connue par un certain nombre de textes. En revanche, dans les insignes des comtes financiers : comtes des
largesses et comtes de la Res privata, vous avez des fibules et des plaques de ceinture ; autrement dit, à partir d'un
certain moment, on peut être décoré avec des ceinturons, un peu plus ornés probablement, et avec des fibules de type
un peu plus noble que la fibule de base du soldat ordinaire. De là, on peut avoir des gens qui sont des vétérans qui
ont reçu des fibules et des ceinturons à titre de récompense, qui en sont donc les propriétaires et qui peuvent être
enterrés avec les insignes qu'ils ont reçus en témoignage de leur valeur (plus un petit couteau puisque tout le monde
a le droit de porter un couteau : ce n'est plus considéré comme une arme). C'est ce qui fait que les tombes à armes
sont rares le long de la frontière : ce sont des soldats qui ne sont pas propriétaires de leur équipement qui leur est
repris par l'armée au moment de leur mort, avant qu'ils soient déposés dans leur tombeau. Je crois qu'il faut insister
un peu sur le rôle, certes des milices, comme vous l'avez dit, mais aussi des vétérans des tombes de l'intérieur où il
y a des morceaux d'équipements militaires.
M. Kazanski :
En ce qui concerne les ceinturons en argent et en or, j'ai repris la thèse qui dit que les troupes mobiles portaient
des ceinturons en argent. Le problème avec la garde impériale, c'est que nous n'avons pas la preuve archéologique
de ce qu'elle portait. Il faut donc tirer des conclusions à partir des sources écrites et vous avez sans doute raison.
En ce qui concerne les casques, il est exact qu'ils pouvaient être d'une façon épisodique apportés de l'Empire
d'Orient ou de Sassanide, mais le problème est que nous ne connaissons pas d'autre type de casque dans l'Empire
d'Occident, nous n'avons que des casques d'origine sassanide, c'est anormal. Il y en a quand même une dizaine et
aucun type connu pour l'Empire d'Occident.
En ce qui concerne la restitution des armes et la diffusion des ceinturons par le pouvoir, c'est tout à fait exact, mais
il faut dire que le matériel archéologique montre toujours une réalité un peu déformée, c'est pour cela qu'il faut
trouver l'explication pour ce mobilier notamment. Il y a quand même des tombes à armes, et avec des armes riches
qui appartiennent sûrement à des militaires, mais qui ne contiennent ni fibule ni ceinturon. Je crois qu'il est tout à
fait possible que les troupes de l'intérieur et les troupes frontalières aient été gérées d'une façon différente ; que peut-
être les milices avec un élément germanique bien présent à l'intérieur du pays aient pu racheter leurs armes ou que
celles-ci leur aient été fournies d'une autre façon qu'aux troupes frontalières où effectivement les armes étaient
reprises. Pourtant, ce n'est pas automatique car, sur la frontière, il y a quand même des tombes à armes : je peux citer
les tombes de Bonn, par exemple.
R. Delmaire :
II faut distinguer aussi les soldats : les fédérés apportent leurs armes avec eux. Donc, pour eux, les armes ne sont
pas fournies par l'état.
M. Kazanski :
Oui, mais je ne pense pas qu'à l'intérieur de l'Empire, au ive s., il y avait des fédérés (sauf les Francs qu'on connaît
bien archéologiquement) pour la simple raison que les tombes à armes sont dispersées sur le territoire de la Gaule du
Nord et de l'Est de telle façon que l'installation en tant que fédérés n'est pas envisageable. D'autre part, il s'agit
54 MICHEL KAZANSKI

sûrement de troupes d'hommes, d'origine germanique, qui ont été engagés d'une façon individuelle. En ce cas, je vois
mal comment chaque soldat peut venir avec son propre équipement. La troupe devient absolument inopérationnelle
si l'on ne fournit pas des armes homogènes pour former le rang de l'armée. Il n'y a donc pas de mobilier de fédérés
dans celui que j'ai montré.
R. Delmaire :
Les armes décorées, c'est encore un cas spécial puisque ce sont là des décorations qui appartiennent donc à celui
qui les a reçues : il en fait donc ce qu'il en veut. A Misery, par exemple, ce sont des armes de décoration, pas des armes
de combat.
M. Kazanski :
Oui, il y a des armes de décor. A Vermand, surtout, parce qu'à Misery, les armes sont assez simples, nous l'avons
vu. C'est Vermand qui présente de ce point de vue un important mobilier. Bien sûr, les armes décorées étaient la
propriété des soldats, mais il y a aussi des armes tout à fait ordinaires.

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