LA PLACE DE LA LOI ET DES COUTUMES EN HaitI
Monferrier DORVAL
Professeur & l'Université d’Etat d’ Haiti
Le systéme juridique haitien appartient, de manigre formelle, au systéme
de droit écrit. II peut étre rattaché de ce fait 4 la famille romano-germanique!.
Tl est marqué par un droit formel constitué de normes écrites, telle la loi. Mais
4 cété des régles formelles existent des régles non écrites, comme les cou-
tumes?. La question est de savoir quelle est la place de la loi et des coutumes
dans V'ordre juridique haitien.
Tout d’abord, il convient de définir la loi et la coutume.
La loi revét deux sens distincts. Au sens matériel, elle désigne toute régle
de droit. Au sens formel, elle est toute disposition émanant de l’organe éta-
tique investi du pouvoir législatif par la Constitution et élaborée selon les
formes indiquées par cette dernigre.
Cette seconde définition correspond & la notion de la loi prévue par la
Constitution haitienne de 1987 qui confére le pouvoir législatif au Sénat et 4
la Chambre des députés. Elle sera retenue tout au long de notre exposé.
Contrairement a la loi au sens formel, la coutume n’émane pas de I’Etat
Selon le Doyen Gérard Cornu, elle sourd « spontanément » par un long usage
du groupe social. A la différence de la régle Iégale, elle n’est pas imposée
dun coup aux sujets de droit. Elle repose sur un consentement populaire, sur
un consensus social, sur le comportement des intéressés et se développe dans
le temps jusqu’A se raffermir ; elle s’établit par habitude*.
On entend alors par coutume une régle de droit qui se dégage lentement
et spontanément des faits et des pratiques habituellement suivis dans un
milieu social donné et qui devient obligatoire indépendamment de toute
intervention expresse ou approbation méme tacite du législateur>.
1 Dans Ja famille romano-germanique, un role prépondérant est attribué & Ia loi, les divers
Pays appartenant a cette famille s"étant dotés de codes, in R. David, et C. Jauffret-Spinosi,
Les systémes de droit contemporains, Paris, Dalloz,1992, 10° édition, p.17.
2 Certaines des régles non écrites sont qualifies de « droit informel » (voir & ce sujet J. Montalvo-
Despeignes, Le droit informe! haitien, Paris, Presses Universitaires de France, 1976, p.22.
3G. Comu, Droit Civil. Introduction. Les personnes. Les biens, Paris, Montehrestien, 1990,
4° édition, p.38.
4 bid
J.Ghestin et G. Goubeaux, Traité de droit civil. Introduction générale. Paris, LGDJ, 1990, p.503.86 MONFERRIER DORVAL.
La coutume en tant que régle de droit obéit & deux conditions d’existen-
ce. Elle repose sur un usage ancien, constant, notoire et général®. A la base
de la coutume, il y a une donnée populaire et surtout le facteur temps”. C’est
done I’élément matériel.
Ty a aussi coutume lorsque les gens croient que tel ou tel usage est une
régle & laquelle ils sont tenus de se conformer’. C'est ce qu’on appelle
Vopinio necessitatis®.
Ainsi, un usage, une pratique, un comportement qui est habituellement
suivi de maniére générale ne deviennent une régle coutumigre qu’A partir
du moment oii les intéressés croient que cet usage, cette pratique ou ce com-
portement ont un caractére général. Selon le Doyen Jean Carbonnier, la répé-
tition fortuite d’un méme acte ne fait pas une coutume, la coutume nait seu-
lement avec le sentiment de l’obligatoire!.
Cet élément psychologique permet de distinguer la coutume des usages,
des pratiques ou des habitudes qui sont dépourvus de caractére juridique,
parce qu’ils n’ont qu’une simple valeur de convenance.
La coutume ne doit pas étre confondue avec les situations anarchiques ou
anomiques qui peuvent assez souvent s’observer en Haiti, surtout dans les
domaines relevant du droit public!!. Ce qui nous intéresse, ce sont des cou-
tumes juridiques se manifestant en dehors du secteur public.
Dans le systéme juridique haitien, la loi occupe en principe une place
prépondérante. Elle intervient dans tous les domaines (I). En revanche,
les coutumes résistent a l’insertion de la loi dans tous les interstices du droit
haitien (II).
6 Le caractére ancien de l'usage doit résulter de la répétition dun assez grand nombre dactes
semblables. L’usage doit étre aussi constant, en ce que les agissements doivent avoir été tres
g6néralement semblables pendant la période de temps considérée. II doit étre notoire, cest-a-
ire ts largement connu de ceux qu'il intéresse. Il doit étre général, ce qui signifie que la plu-
part des gens qu'il concerne s'y soumettent de fagon générale (ibid. p.504 ; Répertoire de Droit
Civil, Dalloz, T Il, p.2).
7 P. Malaurie et L. Aynés, Cours de Droit Civil, Introduction @ l'étude du droit, Paris, Editions
Cujas, 1994, 2° édition, p.246.
Ibid, p. 247.
9 Lopinio necessitatis, c’est au fond le sentiment éprouvé par un individu que, si
était Iégisla-
teur, il aurait le devoir de légiférer dans le méme sens... Tout se passe, en réalité, comme si
Vobligatoire naissait distinctement en chaque individu qui referait pour lui seul le raisonnement
normatif (J. Carbonnier, La genése de obligatoire dans I’apparition de la coutume, in Flexible
Droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, Paris, L.G.D.J., 1998, ¥ édition, pp.114 et s).
10 Ibid, p. 114.
11 Le droit public, contrairement au droit privé, n’est pratiquement pas respecté. Les violations
dont il est souvent l'objet rendent difficile I'identitication des coutumes en son sein,La PLACE DE LA LOI ET DES COUTUMES EN Hair 87
L
LA PREDOMINANCE TEXTUELLE DE LA LOI SUR LES COUTUMES
Cette prédominance s’explique par l'influence du droit frangais (A) et se
manifeste sous diverses formes (B).
A - L'INFLUENCE DU DROIT FRANCAIS
Etant une ancienne colonic frangaise, Haiti, appelé Saint Domingue a
I’époque, subit, malgré son indépendance le ler janvier 1804, l’influence du
droit frangais.
La Déclaration des droits de I’ Homme du 26 aodit 1789 qui a été l'un des
catalyseurs de l'insurrection des esclaves de 1791'? a posé le principe de la
transcendance de la loi!?. Elle a repris la définition de Rousseau selon laquel-
Ie « la Joi est expression de la volonté générale ».
De plus, la Constitution frangaise de 1791 soulignait en son article 3 la
suprématie de la loi :
« Il n’y a point en France d’autorité supérieure a celle de la loi. Le roi
ne régne que par elle et ce n'est qu’au nom de la loi qu’il peut exiger
Vobéissance >.
Ainsi, rapportent MM. Jean Bécane et Michel Coudére, un corps de lois
communes est donné & tous les frangais. Le Code civil des frangais est publié en
1804. Il est suivi en 1806 du Code de procédure civile, en 1807 du Code de com-
merce, en 1808 du Code d’instruction criminelle et en 1810 du Code pénal!*.
Ce mouvement frangais de codification par l’édiction des lois avait des
incidences sur I’Etat haitien qui venait de naitre.
B - LA RECEPTION DE LA PREDOMINANCE DE LA LOI
DANS LE DROIT HAITIEN’
La République d’Haiti, pays de droit écrit comme la France, a connu
diverses constitutions écrites'>. Ces dernigres conférent, de maniére expresse,
un rdle trés prééminent a la loi. Ainsi, ont été élaborés et adoptés plusieurs
Codes & valeur législative. Le caractére exclusiviste de la loi n’a laissé aucune
place 4 une intervention autonome de 1’Exécutif qui a dé recourir 4 des
« décrets ayant force de loi ».
12 Voir & ce sujet, F. Gauthier, Comment la nouvelle de insurrection des esclaves de Saint
Domingue fut-elle reue en France (1791-1793) ?, in L’insurrection des esclaves de Saint
Domingue (22-23 aotit 1791), Pacis, Karthala, 2000, pp.18 ets.
13 Voir A ce sujet, J. C. Becane et M. Coudere, La loi, Paris, Dalloz, Coll. Méthodes Droit, 1994,
p.26ets.
14 J.C. Becane, op. cit., p. 30.
15 Hormis la Constitution de 1801 qui prétendait plutdt définir les bases du régime de la colonie
frangaise, |"Etat haitien a adopté vingt-deux constitutions,88 MONFERRIER Dorval
1. La traduction dans les constitutions haitiennes
La prédominance de la loi est affirmée dans les différentes constitutions
haitiennes nées & la suite de l’indépendance en 1804.
En effet, la constitution de 1805, premiére constitution de |’Etat haitien, a
fait référence a la loi comme seule norme devant garantir I’égalité entre les
haitiens :
« Les citoyens haitiens sont fréres chez eux ; I’égalité aux yeux de la loi
est incontestablement reconnue » (art.3).
«La loiest une pour tous, soit qu’elle protége, soit qu’elle punisse » (art.3).
Ce deuxiéme paragraphe de l'article 3 de la constitution de 1805 est la
reproduction presqu’intégrale de l'article 6 de la Déclaration des droits de
Lhomme et du citoyen du 26 aoat 178916,
La Constitution haitienne de 1806 définissait la loi comme la volonté géné-
rale exprimée par la majorité ou des citoyens ou de leurs représentants (art.9).
Elle mesurait le comportement moral d’un citoyen par le respect scrupu-
leux des lois :
« Nul n’est homme de bien s’il n’est franchement et religieusement obser-
vateur des lois » (art.19).
Larticle 20 de cette constitution considérait la violation des lois comme
une déclaration de guerre & la société :
« Celui qui viole ouvertement les lois se déclare en état de guerre avec la
société >.
Mais celui qui, sans enfreindre ouvertement les lois, les éludait par ruse
ou par adresse blessait les intéréts de tous et se rendait indigne de leur bien-
veillance et de leur estime (art.21).
La constitution de 1816 reprenait les dispositions que contenait la
Constitution de 1806, mais en ajoutant en son article 37 :
« Il sera fait des Codes de lois civiles, criminelles et pénales ; de procé-
dure et de commerce, communs & toute la République »
La constitution de 1843, quant a elle, a confié de fagon illimitée au légis-
lateur le pouvoir de faire des lois dans tous les domaines. L’article 81 de la
constitution de 1843 prescrivait ainsi :
« Le Pouvoir Législatif fait des lois sur tous les objets d’intérét public »
(art.81),
On retrouve cette disposition dans les constitutions postérieures celle de
184317,
16 Voir le texte de la Déclaration, in M. Duverger, Constitutions et documents politiques, Paris,
PUR, Coll. « Thémis » 1988, p.10,
17 Constitutions de 1846 (art. 87), de 1849 (art. 80), le 1867 (art, 82), de 1874 (art. 83), de 1879
(art. 79), de 1889 (art. 69), de 1918 (art. 55), de 1932 (art. 21), de 1946 (art. 61), de 1950
art, 57), de 1957 (art. 66), de 1964 (art. 68).‘LA PLACE DE LA LOI ET DES COUTUMES EN Hatti 89
Aujourd’hui, la constitution de 1987 fait une grande place a la loi. Non
seulement, elle prévoit dans plusieurs de ses dispositions les matiéres réser-
vées & la loi, mais aussi elle conserve et maintient le domaine illimité de la
loi par la formule introduite par la Constitution de 1843. L’article 111 de la
constitution de 1987 est ainsi énoneé :
« Le Pouvoir Législatif fait des lois sur tous les objets d’intérét public ».
Par cette prescription constitutionnelle, aucun domaine n’échappe actuel-
lement & ’intervention du législateur. Aucune place n’est réservée au pouvoir
réglementaire autonome!®, pas davantage 4 la coutume. Donc, la loi est la
seule régle de droit qui prévaut en Haiti.
2, Lédiction des Codes haitiens
La prédominance de Ia loi se traduit par I’élaboration des Codes qui sont
de véritables lois. Le premier Code haitien qui est le Code civil de 1826
contient trente-cing lois. L’article 2047 du Code civil a prévu que dés son
entrée en vigueur (1° mai 1826) ce dernier devait abroger les coutumes et
usages relatifs aux matidres civiles sur lesquelles il est statué par ledit
Code.
Le Code d’instruction criminelle de 1835 comporte huit lois ; le Code
pénal de 1835, cing lois ; le Code de commerce de 1876 modifié par le décret
du 22 décembre 1944, cing livres ; le Code de procédure civile de 1963 avec
dix livres est un ensemble de lois ; le Code du travail du 12 septembre 1961
avec neuf lois a été modifié par le décret du 24 février 1984 qui a la méme
force et la méme valeur qu’une loi.
3. La pratique des décrets ayant force de loi
En Haiti, la loi n’est pas Ja seule forme: de législation. LExécutif utilise
souvent un autre moyen d’édiction des normes : c’est le cas des décrets. Ces
décrets ne sont pas des réglements, car ils peuvent abroger les lois. Ils sont
considérés comme ayant la méme force que la loi. Ils sont donc appelés
« décrets ayant force de loi ».
Les recours aux décrets ayant force de loi s’effectuent, soit en l’absence
du Parlement, soit par délégation de celui-ci, soit en méconnaissance de ses
pouvoirs.
Sous réserve d’une étude approfondie sur les décrets ayant force de loi!?,
18 Larticle 159 prévoit un pouvoir réglementaire dont la nature n’est pas déterminée. I! dispose :
« Le Premier ministre a le pouvoir réglementaire ».
19 ILnous a été permis d’annoncer que I'étudiant Paul-Edouard Temier de la Faculté des Sciences
Juridiques de l'Université Quisqueya rédige sous notre direction son mémoire, portant sur les
décrets ayant force de loi, en vue de l'obtention de sa licence.90 ‘MONFERRIER DorvaL.
nous pouvons indiquer que ces derniers apparaissent au lendemain de V'indé-
pendance d’Haiti”’.
En 1863, les Chambres Législatives reprochaient au Président Fabre
Geffrard d’avoir édicté des actes ayant force de loi au mépris de leurs préro-
gatives constitutionnelles.
Sous le Président Sténio Vincent le recours a des décrets ayant force de loi
était fréquent. L’article 30 de la constitution de 1935 permettait a
l’Assemblée Nationale (les deux Chambres réunies) de former a la cloture de
chaque session ordinaire et avec l’agrément du Président de a République un
Comité Permanent, composé de six députés et de cing sénateurs, dont la mis-
sion était de collaborer 4 la confection des décrets pris par le Président de la
République dans |'intervalle des sessions et d’autoriser le Président du
Comité 3 les contresigner.
La pratique des décrets ayant force de loi s’est intensifige sous le régime des
Duvalier (Frangois et Jean-Claude). Le Parlement accordait pleins pouvoirs a
l'Exécutif pour prendre des décrets ayant force de loi. Les constitutions de 1957
et de 1964 qui étaient alors en vigueur ne prévoyaient pas de telles délégations,
Tl a fallu attendre Ja constitution du 28 aofit 1983 pour voir se constitu
tionnaliser sous la présidence de M. Jean Claude Duvalier la pratique des
décrets ayant force de loi. L’article 112 de ladite constitution énongait que le
Président de la République pouvait, dans les conditions et modes prévus par
elle, prendre des décrets ayant force de loi aprés délibération en Conseil des
ministres et que ces décrets étaient exécutoires aprés leur publication dans le
Journal Officiel Le Moniteur.
Mais la constitution de 1987 en vigueur qui avait octroyé dans ses dispo-
sitions transitoires au Conseil National de Gouvernement la compétence pour
édicter des décrets ayant force de loi jusqu’a entrée en fonction des députés
et des sénateurs élus, interdit la pratique des décrets ayant force de loi.
En dépit de la caducité de l'article 285-1?! et de l’interdiction constitu-
tionnelle qui en résulte, des décrets ont été édictés en l’absence du Parlement
dans des matiéres réservées a la loi”.
Une fois de plus, la résurgence de la pratique inconstitutionnelle des
décrets ayant force de loi témoigne de la prédominance de la régle écrite sur
la régle non écrite, c’est-a-dire de la loi sur les coutumes.
20 Ace sujet, Justin Devot a rapporté : « Sous Dessalines, le mot décret était fréquemment mis en
tte des actes de l'empereur, mais, celui-ci possédant seul le Pouvoir Législatif, ces actes étaient
le plus souvent de véritables lois « (cité par H. Price, Cours de Droit Administratif, Le Havre,
Imprimerie Lithographique Duval et Davoult, 1910, 2e édition, p.83
21 Article 285-1 de la Constitution de 1987 : « Le Conseil National de Gouvernement est autorisé
a prendre en Conseil des ministres, conformément & la Constitution, des décrets ayant force de
Joi jusqu’a I’entrée en fonction des députés et des sénateurs élus sous empire de la présente
constitution ».
22 On peut notamment citer le décret dtt 29 avril 1995 fixant l'organisation et le fonctionnement de
institut National de la Reforme Agraire (INARA) ; le déeret du 22 aoat 1995 sur l'organisa-
tion judiciaire ; le décret du 12 septembre 1995 déterminant l'organisation et le fonctionnement
de l'Office de la Protection du Citoyen et de la Citoyenne.LA PLACE DE LA LOI ET DES COUTUMES EN HAtTi 91
I.
LA RESISTANCE DES COUTUMES A LA LOL
Malgré la prédominance de la loi, des coutumes existent. Elles sont prévues
par les lois (A). Elles apparaissent en I’absence de toute prévision légale (B).
A - LA PREVISION PAR LES LOIS
La prévision des coutumes par les lois est explicite et implicite.
1. Les références explicites a la coutume
On peut trouver des dispositions qui font mention expresse de la coutume
dans le Code civil, le Code rural et le Code du travail.
a) Dans le Code civil
Lvarticle 1176 du Code civil interdit aux époux de se soumettre aux cou-
tumes abrogées :
« Les poux ne peuvent, par une disposition générale, se soumettre &
aucune des lois ou coutumes qui sont abrogées ».
Cette disposition implique a contrario que les époux peuvent se soumettre
aux coutumes qui ne sont pas abrogées.
b) Dans le Code rural
Larticle 119 du Code rural de 1962 subordonne sa mise en ceuvre au res-
pect des us et coutumes du bon voisinage :
« Sous réserve des us et coutumes du bon voisinage, tout exploitant d’un
fonds rural qui y trouvera un animal de gros ou de menu bétail appartenant
autrui s’en saisira et requerra un représentant qualifié du Département de
l’Agriculture ou de tout autre organisme compétent pour en dresser procés-
verbal ou, a défaut, l’agent de police rurale. Il fera évaluer en méme temps
ses dommages.
Tout animal de menu bétail trouvé dans un champ cultivé pourra étre abat-
tu. Cependant, le corps de l’animal sera remis au propriétaire a charge par ce
dernier de payer les frais de capture et les dommages causés ».
¢) Dans le Code du travail
Larticle 12 prévoit expressément le recours a Ja coutume pour trancher un
conflit de travail & défaut de textes exactement applicables l’espac
« Toutes les fois qu’il n’existera pas de textes exactement applicables
Lespéce en litige seront appliquées :
— les dispositions légales régissant des cas ou des matiéres de méme nature ;
la doctrine et la jurisprudence ;
=a coutume ou usage. »92. MONFERRIER Dorval
2. Les références explicites a l’'usage assimilable 4 la coutume
Des Codes ou textes de loi renvoient expressément a usage”, II s’agit
alors des usages juridiques” assimilables aux coutumes
a) L’interprétation des contrats
Pour interpréter un contrat ambigu, il est permis de se référer aux usages
en cours dans le pays oi le contrat est passé. Cette autorisation est donnée par
le Code civil qui, en son article 949, dispose ce qui suit :
« Ce qui est ambigu s’interpréte par ce qui est d’usage dans le pays ot le
contrat est passé ».
b) Le réglement du bail @ cheptel
On peut se référer a l'usage des lieux pour le réglement du bail & cheptel en
Vabsence d’accords particulier. C’est ce qui résulte de l'article 1572 du Code
civil
« A défaut de conventions particuli8res, ces contrats?5 se réglent par
Vusage des lieux ou par les principes qui suivent ».
c) Le bail & loyer
Le Code civil, dans la Section Il intitulée « Des régles particuligres aux baux
A loyer de la loi n? 23 sur le contrat de louage, renvoie a ’usage des lieux2® pour
23 On appelle usage au sens large du mot toute manidre d’agir et de se conformer & celle habituel-
lement observée dans un milieu social donné. (v. Répertoire de Droit Civil, Dalloz,t. H.p.2).
24 Unusage ne peut étre considéré comme constituant un usage juridique ou usage de droit qu’au-
tant gue se trouvent réunis les deux éléments suivants
1) un élément matériel, consistant dans une pratique généralement suivie depuis longtemps ;
2) un élément intellectuel dit opinio juris ou necessizatis, consistant dans la conviction chez ceux
qui se conforment a cette pratique qu’ils agissent en vertu dune régle non exprimée s'impo-
sant A eux comme une régle de droit (in G. Marty et PRaynaud,t.1.n°.114 cité par Réperioire
de Droit Civil, Dalloz, tl, p.2.)
Lrusage juridique ne doit pas étre confondu avec I'usage de fait, telles que les
de courtoisie comme Jes marques de respect et de politesse, ou méme des pra
comme celles des étrennes et de la plupart des pourboires (Ibid).
mples habitudes
ues gracieuses,
25 Ilya plusieurs sortes de cheptels :le cheptel simple ou ordinaire, le cheptel & moitié, le cheptel
donné au fermier ou colon partiaire.
ILy aencore une quatrigme espece de contrat improprement appelée cheptel (art.1570 Code civil)
26 L'usage des lieux ne peut plus servir pour la fixation du terme du congé de location, comme
avait prévu le Code civil de 1826 notamment en ses articles 1507, 1509, 1532. La loi du 17
‘mai 1948 sur les loyers a fixé la durée du congé de location selon qu’il s‘agit d’une maison d’ha-
bitation ou de commerce :
« Article 2. Si le preneur a un commerce ou une industrie dans un immeuble lous, il ne pourra
en étre déguerpi par la voie forcée qu’aprés avoir, & partir de la présente loi, bénéficié d’un délai
variant entre 3-ans et 5 ans, suivant les conditions du lieu de la situation du bien et des circons-
tances particulidres & chaque affaire ».
« Article 3. Pour tous locataizes non commergants, ni industriels, le déguerpissement devra étre
précédé d'un délai de 2 ans &4 ans >.LOL ET DES COUTUMES EN Haiti
93
arences de la loi en matiére de location de maison. Larticle 1528
si rien ne constate que le bail d’un appartement meublé soit fait
par mois ou par jour, la location est censée étre faite suivant
lieux >.
ide méme des paiements faits par le sous-locataire, soit en vertu
ation portée en son bail, soit en conséquence de l’usage des lieux.
is ne sont pas réputés faits par anticipation?’.
cours en justice a raison des vices rédhibitoires
ames de l’article 1433 du Code civil, l’action résultant des vices
doit étre intentée par I’acquéreur, dans un bref délai, suivant la
‘ices rédhibitoires, et ’usage du lieu ow la vente a été faite.
tés de commerce
642 du Code civil renvoie aux usages de commerce pour régir,
ositions de la présente loi ne s’appliquent aux sociétés que dans
n’ont rien de contraire aux lois et usages du commerce ».
dire que cette disposition légale consacre en quelque sorte ce
la « coutume secundum legem ».
e cassation dans un arrét du 29 janvier 1975 Mare Volny/Dorcéat
la rgle selon laquelle on peut recourir aux usages en I’ab-
riptions légales, mais en I’assortissant de certaines conditions :
‘aux usages en l’absence de prescriptions légales ; ...que
f que I'usage ait un caractére général, ce qui n’est pas établi
indeur qui parle de préférence d’us et coutumes en honneur dans
‘us et de coutumes non consacrés par aucune loi
ue I’usage, non consacré par une législation, ne constitue qu'un
28
nterprétation échappe & la Cour de cassation >
et arrét ne reconnait l’existence que de l’usage national consacré
[I n'admet pas I’usage régional ; il assimile 'usage non consaeré par
mple fait et Iui récuse donc toute existence juridique autonome.
1522 du Code civil.
le du travail de la République d’ Haiti réédité par Jean-Frédéric Sales, Port-au-Prince,
TUniversité Quisqueya, 1992, p.7.94 Monrerrier DORVAL,
g) Le nom de la femme mariée
Il n’existe dans le Code civil aucune disposition faisant obligation a la
femme mariée de porter le nom de son mari. Mais i] est ajouté a l’article 257
du Code civil que « par l’effet du divorce la femme mariée perd l'usage du
nom de son mari »29. On estime donc que par un raisonnement a contrario il
y aun renvoi exprés a ’usage.
3. La consécration des pratiques coutumiéres
Certaines pratiques considérées comme coutumiéres sont consacrées par
les lois. C’est le cas notamment du concubinage et de la possession d’état.
a) Le concubinage
Le concubinage est une coutume trés répandue en Haiti. Certaines lois
haitiennes consacrent ce terme. En effet, l’article 311 du Code civil modifié
par le décret du 22 décembre 1944 reconnait la déclaration judiciaire de
paternité hors mariage dans le cas de « concubinage notoire « pendant la
période légale de la conception.
Larticle 43 de la loi du 28 aofit 1967 sur les assurances sociales Evoque
le terme « concubinage « quand il considére que « la femme mariée ou non
qui peut jouir de la rente prévue & l’article 41 alinéa 2*° perd tout droit & cette
rente si elle contracte mariage ou vit publiquement en concubinage ».
Maitre Arthur V. Calixte définit le concubinage comme |’union libre de
deux personnes non engagées dans les liens du mariage. Il caractérise le
concubinage par trois éléments :
— la prolongation des relations ;
— la communauté d’existence ;
—la manigre courante de se comporter, de se conduire qui laissent
Timpression de gens mariés »1.
Il ajoute que le concubinage peut étre aussi déterminé :
« par la communauté de lit ; par la communauté d’existence ; par l'asso-
ciation des projets, mieux par I’issue largement ménagée en vue d'une éven-
tuelle régularisation par le mariage »22.
29 Cetajout a été réalisé par l'article 2 de la loi du 10 mai 1920 modifiant la législation sur le divor-
ce et admettant le remariage entre époux divoreés et la séparation de comps, in Code de Lois
Usuelles &’Ertha Pascal-Trouillot, Premier livre, Port-au-Prince, éditions Henri Deschamps,
1989, p. 364.
30 Article 41 alinga 2: « ... Une rente de base équivalent & 50% de Ia rente 2 laquelle lassuré
‘aurait droit en cas d'ineapacité permanente totale de la veuve de l'assuré, soit 1/3 du salaire de
Vassuré »
31 A.V, Calixte, Le concubinage face a la législation haitienne, Conférence prononcée & l'Institut
Frangais, Port-au-Prince, Ordre des Avocats du Barreau de Port-au-Prince, 1982, p.13.
32 Ibid.LA PLACE DE LA LOI ET DES COUTUMES EN Haiti 95
Si le terme concubinage est consacré par la loi, il ne fait pourtant l’objet
d’aucune organisation par la loi. D’aprés M¢ Calixte, ia concubine n’a pas de
statut social et ses droits, méme naturels, demeurent inconnus. Pourtant son
apport économique dans le foyer libre est considérable. Elle aide souvent son
partenaire a se faire une brillante situation. Parfois les fonds investis dans cer-
taines acquisitions faites seulement au nom du concubin provenaient en par-
tie ou en totalité du commerce de la concubine*
Mais en cas de rupture la concubine ne pourra emporter que ses « linges
et hardes »*4, dans la mesure oii le concubin veut bien y consentir®>.
ME Calixte a préconisé 1a réglementation du concubinage. En attendant,
il a formulé six propositions que voici :
1) « S’agissant d’un concubin n’ayant pas d'autres partenaires, sinon que
celle avec qui il a vécu jusqu’A sa mort, celle-ci aurait droit, aprés avoir
acquitté les dettes contractées par le ménage en dissolution, 4 50% des biens
qu’ils ont réalisés en commun.
Les autres 50% représentant le lot du concubin décédé devraient étre
partagés entre les enfants naturels reconnus s’il en existait et, & défaut de ces
derniers, entre les héritiers collatéraux et la mére du défunt.
2) Sagissant d’un ménage oii plusieurs concubines notoirement connues
se partagent un seul concubin, 50% des biens iraient aux enfants reconnus des
différents lits, si ces derniers existaient, et les autres 50% devraient étre
partagés entre autant de concubines connues.
A défaut, dans ce cas, 60% des biens seraient partagés entre toutes ces
concubines, 20% aux héritiers collatéraux toujours aprés paiement des dettes
du ménage, s’il y en avait, et les autres 20% & 1a mére du concubin.
Enfin a défaut d’enfants, d’héritiers collatéraux, de concubines connues et
de la mére du défunt, les biens iraient 4 l’Etat.
3) Si pendant I’existence du ménage, le concubin s’avise, pour une raison
ou une autre, de congédier ou d’abandonner sa concubine, les mémes consi-
dérations de partage prévalent.
4) Si le ménage n’avait rien a son actif et si le concubin congédiait ou
abandonnait sa concubine, le concubin se verrait obligé, pour tous les ser-
vices rendus par la concubine déchue, de I’indemniser ; indemnités qui
seraient proportionnelles aux moyens d’entente envisagés par la justice et
les parties concernées.
5) Au cas ot le concubin choisit, entre temps, de vivre avec une nouvelle
concubine ou élit entre toutes celles qu’il a eues (la meilleure, d’aprés ses cri-
tres) pour se marier, le concubin devrait, avant de renoncer A sa partenaire,
tenir compte des mémes considérations de partage aprés acquittement
des dettes.
33. A.V. Calixte, op. cit, p. 16.
34 Ibid.p.20.
35. Ibid.96 MONFERRIER DORVAL
6) La concubine peut, elle aussi, entendre se défaire, par suite de mauvais
traitements ou pour une raison quelconque, des liens qui l’unissaient A son
partenaire. Dans ce cas, le partage des biens se fera avec autant d’équité que
édents.
dans les cas pr
A défaut de biens elle sera indemnisée comme prévu a la proposition. »
(sic)36.
b) La possession d'état
La possession d’état est une preuve de la filiation des enfants 4 défaut des
actes de naissance inscrits sur les registres de I'Etat (art. 300 du Code civil).
L’appréciation de la possession d’état telle qu’elle est formulée par l’ar-
ticle 301 du Code civil est une question de fait. En effet, elle doit étre suffi-
samment établie :
1) « lorsque I’individu a toujours porté le nom du pére ;
2) lorsque le pére I’a traité comme son enfant et a pourvu en cette qualité
son éducation ;
3) lorsqu’il a été reconnu pour tel dans la société et par Ia femme »
M. Montalvo-Despeignes reconnait également que la possession d’état est
trés utilisée en milieu paysan pour établir la filiation des enfants non consi-
gnés au registre de I’Etat civil. Il en donne illustration suivante :
« Un tel est le fils d’un tel. Il est héritier de plein droit, car il a pris nais-
sance sur le lopin et y a vécu depuis toujours. Nul ne pensera lui contester
ses droits »*7,
4. Les références implicites
La loi renvoie de fagon tacite A la coutume en employant des expressions
telles que les bonnes meeurs et le bon pére de famille.
a) Les bonnes meurs
Les bonnes meeurs sont la coutume des honnétes gens. Le Code civil fait
référence aux bonnes meeurs soit en matiére de donation ou de testament, soit
en matiére de contrat ou d’obligation conventionnelle, soit en matiére de
mariage :
« On ne peut déroger aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes
maeeurs » (art.10. C, civ.).
« Dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions impos-
sibles, celles qui seront contraires aux lois ou aux bonnes mezurs seront répu-
tées non écrites » (art.92 C. civ.).
« Toute condition d’une chose impossible ou contraire aux bonnes
meeurs, ou prohibée par la loi, est nulle et rend nulle la convention qui en
dépend » (art.962 C. civ.).
36 A. V.Calixte, op. cit., pp. 25 ets.
37 J, Montalvo-Despeignes, op. cit., p. 90.‘La PLACE DE LA LOI ET DES COUTUMES EN Haltt o7
« La loi ne régit l'association conjugale, quant aux biens, qu’d défaut des
conventions spéciales que les époux peuvent faire comme ils jugent & propos,
pourvu qu’elles ne soient pas contraires aux bonnes mezurs » (art.1173 C. civ.).
b) Le bon pere de famille
Le Code civil fait référence au « bon pére de famille ». Ce qui implique
que, pour juger, il faudra se reporter & I’usage couramment suivi par les peres
de famille sérieux en semblables hypothéses>®,
Cette expression est employée dans les cas de tutelle*’, d’usufruit®® et
obligation"! , de gestion’ et de location*?.
B - L’EMERGENCE DES COUTUMES INDEPENDAMMENT DE LA LOI
En dépit de la prédominance de Ia loi, des coutumes apparaissent de
manigre autonome. Il s’agit principalement du plagage, des pratiques rela-
tives aux testaments, A la succession ab infestat, ainsi qu’ Pavunculat.
1. Le plagage
Seront présentées et analysées la formation et la dissolution du plagage.
a) La formation du plagage
Le Code civil définit les régles relatives au mariage. II s’agit de la loi n° 6
sur le mariage. L’article 151 du Code civil dispose en effet que le mariage sera
célébré publiquement devant |’ Officier de I’Etat Civil du domicile de l'une des
parties.
Parallélement, la loi du 26 janvier 1945 a modifié la loi du 16 décembre
1929 instituant le mariage religieux produisant des effets civils. L’article 6 de
la loi du 26 janvier 1945 dispose ce qui suit :
« A Vissue de la cérémonie religieuse un acte sera dressé par le ministére
des Cultes sur un registre spécial.
A la date de la réception de la susdite copie, l’Officier de 1’Etat Civil
dressera sur des registres selon les énonciations de I’acte de mariage reli-
gieux, un acte essentiellement civil constatant que le mariage a été célébré
conformément aux prescriptions de la loi. Il devra en délivrer expédition.
38. J. Carbonnier, Droit Civil. Introduction, Paris, PLUF, Coll. « Thémis Droit Privé », 1997,
25¢ édition, p.231.
39 Article 361 C. civ. Le tuteur admi
re les biens en bon pére de famille.
40 Article 493 C. civ. Liusufruitier donne caution de jouir en bon pére de famille, s'il n’est
disposé par lacte constitutif de usufruit,
41 Article 928 C. civ. L’obligation de veiller & la conservation de la chose, soit que la convention
‘Wait pour objet que I’utilité de l'une des parties, soit qu’elle ait pour objet leur utilité commu-
ne, soumet celui qui en est chargé & y apporter tous les soins d'un bon pete de famille,
42 Article 1160 C. civ. Il est tenu d°apporter a Ja gestion d'affaires tous les soins d'un bon pére de
famille.
43. Article 1499 C. civ. Le preneur est tenu d'user de la chose Jouge en bon pére de famille.48 J, Montatvo-Despetgnes, Le drott informet haitien, Paris, PUF, (976, p84.
49M. J. Price, Ainsi parla V'oncle cité par Jacquelin Montalvo-Despeignes, p.84 et par
50
st
Une copie intégrale de cet acte, diiment signé du ministére des
par lui transmise dans le délai de 15 jours a l’Officier de Etat Ci
de la célébration du mariage ensemble les actes de consentemt
pitces y relatives ».
Mais, & cOté du mariage civil et religieux prévu par la loi,
mariage coutumier* appelé « plagage ».
En effet, selon Paul Moral dans son livre « Le paysan haitie
1961 et réédité en 1978, le plagage reste aussi bien dans les cam
tiennes que dans les milieux populaires urbains, le moyen le plu
fonder un foyer". II reléve du droit coutumier*®, écrit M. Serge-H
dans son ouvrage « Le plagage. Droit coutumier et Famille en He
en 1989, I se distingue totalement du concubinage”” . }
Selon M. Jacquelin Montalvo-Despeignes, une procédure ci
plagage se raménerait en gros & la situation suivante : « Les
nouent leurs relations dans les réunions champétres, babila;
veillées mortuaires, raras »48,
L’engagement commence avec la lettre de demande qu’envoi
dant aux parents de l’élue. Cette lettre doit :
- étre rédigée par le plus savant du village ;
- étre écrite sur du papier colorié ; ‘
- étre enfin apportée a la famille de la fille par le doyen d’Age de
le du prétendant*?,
La teneur est un aveu d’amour, engagement de se conduire
que les parents cautionnent si possible de leurs signatures ; le
est produit selon un cérémonial identique.
Dans I’hypothése de l’acceptation qui entraine immédiater
gailles, le prétendant fera valoir ses titres de propriété du fonds s
espére construire la maison du couple™. En principe, il acquier
grdce & ses économies. Néanmoins, i] peut l’obtenir de son
d’avance sur sa part de succession. II ’accepte rarement, sinon
beaux parents : il en éprouverait un sentiment d’humiliation®!.
44 On peut trouver J. B. Romain, Quelques maeurs et coutumes des paysans ha
Prince, Imprimerie de Etat, 1968, p.19 ; J. Montalvo-Despeignes, op. cit, p83,
45M. Paul, Le paysan haitien, Etude sur la vie rurale en Haiti, Port-au-Prince.
1978, p.172.
46 S.H, Vieux, Le plagage. Droit coutumier et famille en Haiti, Paris, Publiswd,
Wid, p23.
J.B. Romain, Quelques maurs et coutumes des paysans haitiens, Port-au-Prince, Imprimerie de
I Brat, 1968, p.19.
J.B. Romain, op. cit., p. 20.
Ibid.LA PLACE DE LA LOI ET DES COUTUMES EN HAITI 99
M. Vieux rapporte en exposant les résultats de ses recherches :
« Aprés I’échange des lettres débute la période des « fiangailles ». Les futurs
placés sont autorisés & se voir, « causer ensemble ». Le prétendant met ce temps
a profit pour construire la maison of il habitera avec sa future femme, Le
moment de la dot donne lieu éventuellement a des pourparlers entre les
familles. L’avis du patriarche de la communauté est sollicité par celles-ci »°?.
La cérémonie du plagage se déroule au domicile de la fiancée. Elle requiert la
présence réelle des parties. Elle débute par la remise de la dot que le prétendant
« dépose au seuil de la porte principale de la maison de ses beaux parents. La dot
peut étre en nature ou en argent. Le pére de la fiancée, ou parfois le patriarche,
aprés avoir compté la somme déposée, s’adresse aux futurs promis. Il procéde
ensuite & la jonction de mains pour symboliser l’alliance scellée et ’unité future
du couple. L’aspect profane céde alors la place aux cérémonies rituelles & carac-
tre religieux dont I’officiant est le patriarche de la communauté.
Pour M. Montalvo-Despeignes, généralement, le patriarche remplissant ses
fonctions de prétre, célébre devant I’autel familial les cérémonies du mariage. II
allume des bougies, parle le langage hiératique des lieux de Guinée et reproduit
le gestuel sacramental. Les cérémonies se terminent quand l’officiant tend un
pot d’eau vers le soleil levant en invitant les époux & entonner deux chansons
rituellesS+,
Apres la cérémonie officielle du mariage suivie d’agapes ou non, poursuit
M. Montalvo-Despeignes, les époux vont s'installer dans leur foyer. Le mari y
pénatre d’abord, la femme ensuite pour accomplir un rite obligatoire. Il consis-
te en une simple libation d’eau faite par |"épouse aux quatre coins de la maison,
puis elle lance contre le toit et les murs une poignée de riz, de petit mil ou de
mais. Par le premier geste, elle salue les esprits, par le second elle leur deman-
de d’apporter la prospérité dans le foyer®>.
A Manégue, localité dépendant de la commune de Cabaret, écrit
M. Montalvo-Despeignes, le plagage donne lieu & un cérémonial différent, le
fiancé vient ordinairement le matin chercher sa future conjointe. Celle-ci se tient
cloitrée, dans une chambre, proprement parée. A son arrivée, la fiancée présen-
te une dot ou gage au seuil de I’entrée principale de la maison. Invité A franchir
Ie pas de la porte, le fiancé demande solennellement la main de la fille. Des pour-
parlers s’engagent de ce fait entre les représentants des deux familles et le futur
conjoint est autorisé & emmener la famille. Alors, il sort les clefs de sa maison
et frappe trois fois & la porte de la chambre oii I’aimée est enfermée. A cet appel,
la fille demande : « qui moune ki la?) ». En frangais « qui est la? » l'homme &
son tour répond : « C'est moi X je suis venu te chercher pour t’emmener & la
maison ». La fiancée, une fois sortie, est d’emblée dans les liens du mariage*.
$2. S.H. Vieux, op. cit., p 69.
53. S.H. Vieux, op. cit., p. 69.
$4 J, Montalvo-Despeignes, op. cit., p. 85.
55. Ibid.
56 Ibid.