Chapitre 1 GENERALITES 1.1 LA GEOTECHNIQUE La géotechnique fait appel aux techniques du génie civil, qu’elle applique & Vétude du solet de la roche, c’est-a-dire aux matériaux naturels qui consti- tuent l’écorce terrestre. Pour l’ingénieur, le sol se définit comme un agrégat peu compact, composé de minéraux, de matiéres organiques et de sédi- ments que l’on retrouve au-dessus du substrat rocheux. Les sols peuvent étre fractionnés assez facilement en particules organiques ou minérales, con- trairement @ la roche, dont les grains minéraux sont retenus par une force cohésive et moléculaire trés importante. La roche qui forme les massifs ro- cheux et le gravier contenu dans un sol argileux ne fait pas exception. Il est souvent difficile de déterminer ce qui différencie le sol de la roche; c’est. pourquoi il est parfois impossible de classer de fagon_ absolue certains ma- tériaux naturels utilisés dans les travaux de génie. A titre d’exemple, on parlera parfois d’une «roche tendre» ou d’un «sol trés dur». Il est A noter que d’autres disciplines scientifiques ont leur propre définition du sol et de la roche. En géologie, par exemple, la roche désigne tout type de matériau de Pécorce terrestre sans égard & la force qui lic les particules de miné- raux entre elles. Quant au sol, il n’est en fait rien d’autre qu’une roche qui se serait décomposée et désintégrée pour former ensuite une mince couche & la surface de la Terre, ot croit la végétation. La pédologie (la science qui étudie les sols) et l’agronomie s’intéressent également au sol, mais plus particuligrement & sa couche supérieure, c’est-a-dire & celle qui est susceptible d’étre exploitée & des fins d’agriculture et de foresterie. Les géotechniciens ont beaucoup A apprendre de la géologie et de la pédologie.2 CHAPITRE 1 Ces deux domaines, et peut-étre plus particuligrement le génie géologique, sont des compléments essentiels a la géotechnique. Et méme si ces dis- ciplines se recoupent & plusieurs niveaux, elles se distinguent quant aux objectifs poursuivis, 4 la terminologie employée et a la fagon d’aborder le sujet, cc qui, on ne peut le nier, peut engendrer une certaine confusion, surtout pour le novice. La géotechnique se divise en plusieurs branches dont la mécanique des sols et la mécanique des roches, qui s’intéressent respectivement aux caracté- ristiques et aux propriétés mécaniques du sol et de la roche. En général, ces études portent sur le substrat, mais il peut en étre autrement. La mé- canique des sols est en fait l’application & Pétude des sols des principes de base de la mécanique, tels que la cinématique, la dynamique, la mé- canique des fluides et la mécanique des matériaux. En effet, tout comme Teau, le béton et lacier, qui sont des matériaux industriels courants, le sol est un matériau de construction ou une matiére sur laquelle on érige des structures; c’est pourquoi les ingénieurs doivent s’efforcer d’en comprendre le comportement et d’en connaitre les propriétés. Le méme raisonnement s’applique a la mécanique des roches. On doit noter, cependant, qu’il existe un certain nombre de différences entre le comportement des masses de sol et celui des massifs rocheux; en principe, il n’y a que peu de points communs entre les deux domaines d’étude. Les techniques de fondation appliquent & la conception et & la construc- tion de fondations ou de structures les données appartenant a la géologie, & la mécanique des cols, & la mécanique des roches ot aux techniques de structure. L’ingénieur en fondations doit pouvoir prédire la performance et le comportement du sol ou de la roche de fondation quelle que soit la charge imposée par la structure. Il doit aussi pouvoir résoudre les pro- blémes que posent les fondations de batiments industriels, d’immeubles commerciaux et résidentiels ou d’autres types de structures comme celles des tours radar. L’ingénieur spécialisé en géotechnique doit s’occuper aussi de la conception de fondations pour divers types de réservoirs, dont les ré- servoirs d’huile, ainsi que des fondations d’installations en mer. Le bassin de radoub qui supporte les bateaux en construction ou en réparation nécessite, lui aussi, une fondation. Quant aux problémes inhérents & la structure qui doit supporter une fusée, aussi bien durant sa phase de construction qu’au moment du lancement, ils constituent un autre défi que l’ingénieur doit pouvoir relever. Le spécialiste des fondations doit aussi faire face & d’autres problémes connexes, tels la stabilité des pentes naturelles ou excavées, la stabilité des structures permanentes ou temporaires qui servent A retenir le sol, les problémes de construction, le contréle du mouvement et de la pres- sion de Peau et méme V’entretien et la remise en état de vieux édifices.GENERALITES 3 La fondation doit non seulement supporter de facon sécuritaire la charge statique imposée par la structure, mais aussi offrir une résistance appropriée aux surcharges dynamiques produites par les explosions, les tremblements de terre, etc. En y réfiéchissant bien, aucune structure ne peut étre congue ou réalisée sans que ’on ait procédé, & un moment ou l’autre, & Pétude du sol ou de la roche de fondation et ce, que la structure soit érigée & la surface du sol ou dans le sol. La solidité, le couit et la performance d’une structure dépendent en grande partie de sa fondation. On utilise souvent comme matériaux de construction des matiéres que lon trouve A état naturel dans le sol, car ce sont les plus économiques. Cepen- dant, leur solidité et leur compressibilité étant relativement faibles, il est souvent nécessaire de les densifier et de les solidifier, ou alors, de renfor- cer le sol pour permettre & ces matériaux de donner une performance sa- tisfaisante. Les remblais d’autoroutes et de voies ferrées, les installations aéroportuaires, les barrages en terre et les enrochements, les digues et les aqueducs sont quelques exemples de structures en terre que l’ingénieur est appelé 4 concevoir et 4 réaliser. La conception de barrages sécuritaires et la remise en service d’anciens barrages sont des aspects importants de cette branche de la géotechnique. Quant aux ingénieurs spécialisés dans la construction d’autoroutes et d’aéroports, ils doivent aussi concevoir le revétement de la structure, c’est-a-dire le pavage. Cet exemple illustre bien le chevauchement de la géotechnique et de la construction routiére. La mécanique des roches étudie la roche en tant que matériau de construc- tion et de fondation. Puisque la plus grande partie de l’écorce terrestre est recouverte de sol (ou d’eau), la mécanique des roches trouve la majorité de ses applications dans des ouvrages souterrains tels que les tunnels, les centrales électriques souterraines, les sites d’entreposage pour le pétrole, les mines, etc. Mais il peut arriver que l’étude des roches s’applique & certains ouvrages de surface comme les fondations d’édifices ou de barrages cons- truits directement sur le socle rocheux, les excavations profondes dans des terrains rocheux, la stabilisation des talus rocheux, etc. L’énumération des principaux problémes auxquels le géotechnicien doit faire face permet de se rendre compte de la grande étendue du domaine et aussi de son importance dans la conception et dans la réalisation de structures de tout genre. On peut dire de la géotechnique qu’elle allie les sciences physiques de base telles que la géologie et la pédologie, appliquées a Vhydraulique, aux techniques de construction et de batiment, & la cons- truction routiére et au génie minier.CHAPITRE 1 2 PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DU SOL ET DE LA ROCHE . géotechnique est un domaine essentiellement empirique que on pourrait esque considérer comme un art si on la comparait aux autres branches génie civil. Cette caractéristique tient en grande partie a la nature 3me des matériaux que sont le sol et la roche. Les propriétés de ces atériaux peuvent varier considérablement méme lorsque ceux-ci sont dis- nts de quelques millimétres. En d’autres termes, le sol est un matériau térogéne, paz opposition a un matériau homogéne, c’est-A-dire que ses opriétés peuvent varier & l’intéricur d’une méme masse de sol. De plus, sol est un matériau non linéaire, ce qui se traduit par l’absence de por- m rectiligne sur un diagramme de contrainte-déformation. Le sol est un atériau irréversible, ce qui le rend encore plus complexe : il garde en smoire tout ce qui lui arrive et son comportement mécanique s’en trouve adifié. Le sol est le meilleur exemple de matériau anisotrope, c’est-a-dire >i] peut réagir différemment selon la direction considérée. La plupart des éories reconnues dans Je domaine du comportement mécanique des ma- tiaux sont fondées sur P’hypothése que les matériaux sont homogenes et rtropes et qu’ils obéissent aux contraintes et aux déformations. Les maté- wx tels que Pacier et le béton ont un comportement qui répond assez bien cette définition, ce qui permet d’employer, avec discernement bien sir, s théories linéaires afin de prédire leur comportement sous l’effet d’une arge. Malheureusement, on ne peut pas en faire autant avec le sol et roche. Comme on pourra le voir, il est possible d’appliquer l’hypothése s contraintes et des déformations linéaires, mais 4 condition toutefois de évoir un coefficient de correction au moment de la conception afin de se pprocher le plus possible du comportement réel du matériau. De plus, le mportement du sol et de la roche en place peut dépendre de plusieurs steurs, par exemple, de la présence de joints, de fractures, de couches de zones faibles et de tout autre défaut interne du matériau. Méme les sais en laboratoire et les méthodes d’analyse simplifiées ne tiennent pas ujours compte des caractéristiques réelles du sul et de la roche. Certains cont que la géotechnique est un art plutét qu’une science. En effet, une mne dose de jugement combinée a l’expérience pratique sont nécessaires concepteur, au constructeur ou au consultant s’il veut que le résultat projet soit satisfaisant. Le géotechnicien doit pouvoir analyser correcte- ant le sol et la roche avant de concevoir une fondation ou une structure i tiennent compte des contraintes économiques et répondent aux normes sécurité.GENERALITES 5 1.3 L’7ETUDE DE LA GEOTECHNIQUE : DEMARCHE SUGGEREE A cause de la nature méme du sol et de la roche, on utilise beaucoup, en géotechnique, les essais en laboratoire et sur le terrain. La meilleure fagon de bien comprendre le comportement du sol et de la roche consiste 4 effectuer, sur plusieurs échantillons différents, les essais courants de classification et identification des propriétés mécaniques. Aprés plusieurs essais, on peut dire, de tel type de sol ou de roche, & quoi il ressemble, comment il devrait réagir, la quantité d’eau qu’il contient, quel sera son comportement sous Veffet d’une charge et quel devrait étre l’ordre de grandeur des résultats de différents essais. Par la suite, a la seule vue d’un dépét de sol ou de roche, Vingénieur aura déja une idée des problémes qui risquent de se poser & cet endroit précis. Cette démarche permet également de juger de la valeur, du moins qualitative, des résultats d’essais en laboratoire et sur le terrain pour ce genre de matériau. Les deux types d’essais contribuent donc également a développer une certaine «intuition». Bien entendu, en géotechnique comme dans tout autre domaine, on ne pourra jamais se passer complétement des données théoriques, empiriques et conceptuelles. 1.4 PRESENTATION DE L’OUVRAGE Plutét que de tenter de couvrir tous les aspects de la géotechnique, les auteurs du présent ouvrage ont choisi de mettre V'accent sur le compor- tement mécanique du sol. La mécanique des sols ainsi que l’analyse et la conception des fondations et des structures en terre sont des applications simples, mais trés utiles, de la mécanique, de la résistance des matériaux et des techniques élémentaires de structure. La clé du succés dans la pratique de la géotechnique repose sur une solide connaissance et une bonne com- préhension des propriétés et du comportement mécanique des sols en place lorsqu’ils sont exposés & des charges et & des conditions environnementales précises. Ainsi, il est préférable que I’étudiant se familiarise avec ce qui différencie le sol de tous les autres matériaux, avant d’aborder la phase analyse et de conception des techniques de fondation et de terrassement. Le présent ouvrage n’est qu’une introduction a la géotechnique; il met surtout accent sur les notions de base. Mais on y aborde également les applications pratiques que V’ingénieur rencontrera éventuellement. Enfin, cet ouvrage devrait permettre d’éviter les erreurs malencontreuses qui sont toujours possibles lorsque le sol est utilisé comme matériau.6 CHAPITRE 1 La premiére partie contient les définitions de base, les indices et les pro- priétés des sols qui seront employés tout au long de l’ouvrage. On présente ensuite les classifications de sols les plus courantes. La classification des sols est un élément trés important, car elle permet aux ingénieurs de com- mmuniquer leur connaissance du comportement d’un sol & un emplacement particulier, en utilisant un langage commun. La derniére partie du livre porte sur les propriétés mécaniques du sol, propriétés qu’il est nécessaire de connaitre avant d’aborder la conception de fondations et de structures en terre. On y traite également de l’action de l’eau sur le comportement du sol, c’est-a-dire le rétrécissement, le gonflement et la perméabilité (circulation de l’eau.a l’intérieur du sol). Il y est également question de la compressibili- té du sol, une propriété trés importante qui permet de prédire le tassement @une structure construite & la surface du sol. Enfin, on y décrit quelques- unes des caractéristiques élémentaires de résistance des sols granulaires et cohérents. La résistance du sol est essentielle, par exemple, lorsqu’il s’agit de concevoir des fondations, des murs de souténement et des talus. Etant donné qu’une grande partie de la géotechnique est reliée 4 d’autres domaines tels que la géologie, la reconnaissance du terrain et des formations de sol, il serait souhaitable que l’étudiant en géotechnique élargisse ses connaissances par des cours de géologie physique ou de génie géologique. Le présent ouvrage sert en quelque sorte de préparation & un cours consa- cré aux techniques de fondation et de structure. L’étudiant y apprendra A déterminer les propriétés du sol nécessaires 4 la conception de la plupart des ouvrages, & reconnaitre les facteurs géotechniques déterminants sur un site donné et a éviter les erreurs coliteuses et dangereuses. De plus, la clas- sification générale des sols lui permettra de prévoir ordre de grandeur des valeurs de certains paramétres. En dernier lieu, cet ouvrage vise & rendre le lecteur conscient de ses limites face & ses connaissances du sol en tant que matériau. 1.5 LA FORMATION DES SOLS ET LA NATURE DE LEURS CONSTITUANTS Comme on I’a mentionné précédemment, le génie civil définit le sol comme un agrégat de matiéres minérales et organiques peu compact que V’on re- trouve au-dessus du substrat rocheux. Dans un sens plus large, bien sar, le substrat rocheux a faible profondeur présente aussi un certain intérét pour le géotechnicien et on a d’ailleurs déjA évoqué les différentes applications possibles.GENERALITES 7 On sait que la Terre est recouverte d’une couche de roches basaltiques et granitiques de 10 & 40 km d’épaisseur. Au-dessus de cette couche plus ou moins solide se trouve une mince couche d’épaisseur variable que les géologues qualifient de matériau non consolidé. La taille de ces matériaux varie énormément, allant de celle de la particule de minéral sub-microsco- pique & celle de la pierre gigantesque. L’alération ainsi que d’autres phéno- mines géologiques agissent sur les roches & la surface de la Terre ou dans la partie superficielle du sous-sol pour former ce matériau non consolidé que Yon nomme sol. L’altération, généralement due & des phénoménes atmo- sphériques, modifie la composition et la structure de la roche au point de vue chimique et physique. L’allération physique ou mécanique produit la désintégration des roches en petites particules. Parmi les causes d’al- tération physique, on note les cycles de gel et de dégel, les variations de température, l’érosion, ainsi que l’activité humaine, animale et. végétale. L’altération chimique décompose les minéraux contenus dans la roche, par oxydation, réduction, carbonatation et autres phénoménes chimiques. De facon générale, l’altération chimique joue un réle plus important dans la formation des sols que l’altération physique. En résumé, on peut dire que le sol est le résultat de Valtération des roches. A certains endroits, le sol peut Gtre résiduel (c’est-A-dire qu’il s’est effrité sur place) ou transporté (c’est-a- dire déplacé par l'eau, le vent, les glaciers, etc.) et le passé géologique d’un dépét particulier peut avoir un effet non négligeable sur son comportement. On discutera plus en détail de la nature des constituants du sol, mais pour le moment, il suffira de s’entendre sur certains éléments. Le sable et le gra- vier et peut-étre méme les sols & grains fins tels que le silt et Pargile sont des termes relativement bien connus. Comme on le verra plus loin, chacun de ces termes a une définition trés précise; pour instant, il suffit de rete nir que le sol est un ensemble de particules. Mais de quoi sont composées ces particules? Ordinairement, ce sont des particules de minéraux ou en termes plus simples, des morceaux de roche résultant du processus d’alté- ration décrit ci-dessus. Si l’on veut qualifier la dimension de ces particules, on peut dire que le gravier est un morceau de roche de petite dimension, qui contient plusicurs minéraux, alors que les particules contenues dans le sable sont beaucoup plus petites; chaque grain ne contient en général qu’un seul minéral. Lorsqu’il est impossible d’isoler chaque grain du sol, c'est qu'il s’agit d’un silt, d’une argile ou d’une combinaison des deux. Dailleurs, les sols sont généralement constitués d’un mélange de particules de différentes grosseurs et peuvent méme contenir des matiéres organiques. Certains sols comme la tourbe peuvent étre entigrement constitués de ma- tigres organiques. De plus, ce qui fait du sol un matériau si particulier, ce sont les vides interstitiels qui sont remplis d’air et d’eau. La complexi- té du comportement mécanique des sols, c’est-a-dire le comportement non