Fic. 20
A. — Lampe romaine de Phra Pathom
(Musée de Bangkok).
B. — Lampe présumée romaine du Prah Pithu
(Musée de Phnom Penh).Une lampe romaine
au Musée de Phnom Penh
Louis MALLERET
Ancien Directeur de l’Ecole Frangaise d’Extréme-Orient
Une terre cuite provenant d’Angkor et antérieurement transportée
a Hanoi, figure dans le Musée de Phnom Penh parmi des poteries locales.
Elle n’avait point retenu spécialement l’attention, lorsque revenant de
Bangkok nous avons été frappé par sa ressemblance avec une lampe
romaine trouvée & Phra Pathom, vieux site ayant probablement fait
partie du royaume de Dvaravati dans le Sud-Ouest du Siam (1).
L’objet est mutilé et il ne subsiste qu’un réservoir 4 huile qui se
prolongeait par un canal antérieur pour le passage d’une méche. Deux
oreillettes accompagnent le bord supérieur soit pour la suspension, soit
pour la préhension. L’une d’elle se prolonge en avant le long du bec,
mais elle est brisée. Ce détail est plus apparent sur la lampe de Bangkok
demeurée compléte oi cette expansion se développe sur le bec et a son
extrémité.
La pensée d’une lampe romaine était venue 4 esprit de M. Henri
Marchal quand il établit le catalogue imprimé de la Collection khmére
de Ecole Francaise d’Extréme-Orient alors au Musée Louis Finot a
Hanoi (2). Mais & l’époque la ville ensevelie d’Oc-éo n’avait pas encore
été découverte et il paraissait aventureux de pousser la comparaison.
L’objet présente un fond plat. Il est en terre cuite rouge 4 pate rugueuse,
mais fine et bien cuite. Celui de Bangkok est en terre cuite grise avec
des dimensions voisines de celles de la piéce de Phnom Penh,
La lampe de Phnom Penh a été découverte au Préh Pitha d’Angkor
Thom, monument du XII° siécle. L’on peut s’étonner d’une date aussi
tardive pour un objet aussi fragile dans un groupe de monuments dont
les premiéres constructions ne remontent pas plus haut que le commen-
(1) Conservée au Musée National de Bangkok (salle des stucs de Phra Pathom).
(2) Henri Marcaat, Musée Louis Finot. La collection khmére. Hanoi, 1939, p. 148,
n° D. 342, 81. — Long.: 0 m. 185 — H. ; 0,08.
BS.EL, NS. Tome XXXU, Ne 2, 2 trim. 1957
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cement du IX* siécle. A Oc-é0 o& un assez grand nombre d’importations
romaines ont été constatées, l’on se trouve au contraire dans les premiers
siécles de lére chrétienne, sur la position d’un port largement ouvert au
commerce et & un peuplement cosmopolite. La lampe romaine de Prih
Pitha peut avoir été transportée tard dans une ville continentale, par
de mystérieux cheminements, mais avec relais probables au Siam ou
dans le Bas-Mékong. Elle a pu aussi pénétrer trés tét au Cambodge a
la suite du passage en 120 AD d’acrobates romains se rendant en Chine
a travers la Birmanie et le Siam (3) et ]’on sait que M. Ceedés a trouvé
a P’ong Tuk dans le second de ces pays une autre lampe romaine en
bronze ornée d’un visage de Siléne (4). Quant au miracle de son assez
bonne conservation, il est 4 mettre simplement au compte de J’étrange
vitalité des «meubles indestructibles » dont nous entretient Honoré de
Balzac.
(3) Ed. Cuavannes, Les pays d’Occident d’aprés le Heou Han Chou. T’oung Pao,
Série VII, VII, 2 Leyde, 1907, pp. 159-160.
* @) G. Canis, Excavations at P’ong Tuk. Journ. Siam Soc., XII, 3, mars 1928,
pp. 204-207, pl. 19,
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