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Collection Parlons ... dirigée par Michel Malherbe Derniéres parutions Parlons alsacien, 1998, R. MULLER, JP. SCHIMPF Parlons islandais, 1998, S. BIARNASON Parlons jola, 1998, C. S. DIATTA Parlons francoprovencal, 1999, D. STICH Parlons tibétain, 1999, G. BUESO Parlons khowar, 1999, Erik LHOMME Parlons provencal, 1999, Philippe BLANCHET Parlons maltais, 1999, Joseph CUTAYAR Parlons malinké, 1999, sous la direction de Mamadou CAMARA Parlons tagalog, 1999, Marina POTTIER Parlons bourouchaski, 1999, Etienne TIFFOU Parlons marathi,1999, Aparna KSHIRSAGAR, Jean PACQUEMENT Parlons hindi, 1999, Annie MONTAUT et Sarasvati JOSHI Parlons corse, 1999, Jacques FUSINA © L'Harmattan, 1999 ISBN : 2-7384-8229-5 CHRISTIAN GUT, AGNES BRUNET-GUT REMZI PERNASKA PARLONS ALBANAIS L’Harmattan L’Harmattan Inc 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique 55, rue Saint-Jacques 75005 Paris - FRANCE Montréal (Qc) — Canada H2Y 1K9 | I. LE PAYS ET LES HOMMES Pourquoi apprendre I'albanais ? Afin de conforter des réponses aussi passe-partout que le godt de la linguistique ou de la littérature, lintérét commercial, le désir de dépasser la condition de “touriste passif" et d'accéder 4 un minimum d'échanges, on observera que l'Albanie est proche: deux heures d'avion séparent Paris de Tirana. Si elle n'a jamais été aussi fermée au monde extérieur qu'on I'a prétendu, elle est aujourd'hui largement ouverte. Elle est belle, riche en paysages variés et en monuments encore mal connus. L'hospitalité des habitants est proverbiale. Ajoutons que la langue albanaise est d'un accés facile pour le francophone. Mais avant de se mettre au travail, il sera bon d'avoir quelques notions de la géographie, de l'histoire, de la littérature, de l'archéologie et du folklore de ce pays, notions qu'il n’est pas facile d’acquérir sans recours 4 de nombreux ouvrages, souvent difficiles 4 consulter (on trouvera cependant, p. 480-482 une bibliographie sommaire). GEOGRAPHIE L'Albanie, située dans la partie occidentale des Balkans, est un petit Btat (28748 kmz2, soit un peu plus que la Macédoine, 25700 km2, et un peu moins que la Belgique, 30507 kmz2). Elle est bornée, au nord et a I'est, par trois républiques autrefois yougoslaves: Monténégro, Serbie et Macédoine, au sud-est et au sud par la Gréce. Ces frontitres (800 km), purement conventionnelles, passent a travers les principaux lacs de la région (lacs de Shkodér, d' Ohrid et de Prespa)’ A I'ouest enfin, et sur une longueur de 472 km, elle est bordée par la mer Adriatique puis, aprés le canal d'Otrante (72 km de large seulement), qui la sépare de I'Italie, par la mer Ionienne. Le pays s'étend entre les paralléles N 39° 38' et 42° 40' et entre les méridiens W 19° 16' et 21° 40'. Sa plus grande longueur est de 335 km environ du nord (prés de Vermosh) au sud (prés de ? Pour la prononciation correcte de I’alphabet albanais, le lecteur se rapportera aux p. 88-90. Konispol) ; sa plus grande largeur est de 150 km environ de l'ouest (ile de Sazan) a l'est (prés de Bilisht). Il est divisé administrativement en 36 cercles (rrethe) dont la superficie et la population sont trés inégales. Le relief est essentiellement montagneux, plus des 4/5 du pays ont une altitude supérieure 4 200 m et que 1/3 dépasse 1000 m. Laltitude moyenne (714 m) est la plus élevée d'Europe, bien que le point culminant, le mont Korab n'atteigne que 2751 m. II est vrai que 45 sommets dépassent 2000 m. C'est un relief complexe, fragmentant la plus grande partie du © pays en petites unités difficilement pénétrables. On peut cependant essayer de le caractériser approximativement en disant que la | chaine dinarique tertiaire a été recouverte en grande partie par des sédiments plissés se terminant en pente douce vers la mer et n'apparait qu'au nord et au sud du pays. On peut ainsi distinguer quatre régions naturelles principales: les Alpes de l'Albanie du nord, le massif central, la plaine occidentale et les montagnes du sud. Les Alpes Albanaises occupent le nord du pays jusqu'au lac de Shkodér et aux Drin, blanc et noir. Ce sont des montagnes calcaires profondément travaillées par les glaces du quaternaire et, depuis, par |'érosion (plus de 2 m de pluie annuelle) avec des cirques souvent lacustres, des’ verrous glaciaires, des phénoménes karstiques. Elles s'ordonnent autour du massif circulaire de la Jezerca (2694 m), véritable chateau d'eau d'od partent de nombreux torrents dont les vallées sont séparées par de petits massifs de franchissement difficile. Le massif central, entre Drin et Osum, comprend 3 chaines paralléles grossiérement orientées nord-sud, séparées par des vallées dont la plus importante est celle du Drin noir qui s'élargit avec le lac d' Ohrid (695 m d'altitude) et la fertile plaine de Korga (850 m). On remarque des phénoménes glaciaires (lacs de Luré) ou karstiques, 14 od l'érosion a balayé les sédiments recouvrant le calcaire dinarique, ainsi que des infiltrations de roches éruptives renfermant parfois des gisements métalliques. La plaine occidentale s'étend de Shkodér 4 Vloré sur 200 km de long et une largeur ne dépassant pas 50 km ; elle est fractionnée par une série de collines séches orientées nord-ouest/sud-est et culminant 4 300/400 m. La frange littorale, d'une altitude moyenne 8 inférieure 4 20 m, est lagunaire (lacs de Karavasta et de Narté); les fleuves y hésitent 4 gagner un rivage sableux et souvent marécageux. Dans le sud, enfin, le calcaire réapparait sous forme de trois chaines paralléles, orientées nord-est/sud-ouest et séparées par des vallées schisteuses ; le paysage est tres marqué par le travail glaciaire et I'érosion a isolé de nombreuses buttes qui sont devenues des centres d'habitat. La chaine la plus occidentale, culminant 4 2000 m, plonge directement dans la mer Ionienne, ne laissant qu'une étroite plaine littorale, la Riviera albanaise, qui s'élargit a l'extréme sud avec la petite plaine d'effondrement de Sarandé et le lac marécageux de Butrint. La complexité de ce relief fait que les micro-climats abondent. Quelques chiffres pourront cependant nous éclairer: la moyenne des températures annuelles varie entre + 7,5° environ 4 Vermosh, le village le plus septentrional d'Albanie, 4 1143 m d'altitude, et +17,5° 4 Sarandé au bord de la mer Ionienne. Les isothermes de janvier et de juillet sont respectivement, dans les mémes localités, de +2° et de +10°, de +22° et +25°. Lensoleillement varie de 2000 heures par an dans la région de Vermosh 4 2900 dans celle de Sarandé. Les pluies sont abondantes (1300 mm de moyenne anuelle) mais varient du simple au triple selon les régions: 700 mm dans la plaine de Korga contre 2250 mm dans les Alpes albanaises. Il s'agit surtout de pluies d'hiver et les mois de juillet et aoat sont le plus souvent secs, mais, 1a encore, l'irrégularité est la régle, pourrait-on dire. En conclusion, si le pays entier jouit d'un climat méditerranéen, celui-ci est marqué par les influences maritime ou continentale selon une ligne nord-ouest/sud-est allant approximativement de Shkodér 4 Leskovik et correspondant a un isotherme annuel de 16°. Le relief et le régime des pluies entrainent de considérables variations dans le débit des fleuves ; aucun n'est navigable et leurs crues sont souvent redoutables. On peut citer: Le Drin, qui est le fleuve le plus long d'Albanie (285 km). Emissaire du lac d'Ohrid, il nait hors des limites politiques du pays ; appelé alors le Drin noir (Drin i Zi), il coule vers le nord jusqu'a Kukés (257 m) oi il regoit le Drin blanc (Drin i Bardhé), venu du Kossovo. II infléchit alors sa course en direction du nord-ouest. Cette partie constitue maintenant un lac artificiel de 40 km de long et de 72 kmz2 alimentant de vastes centrales hydro-électriques. Le Drin se heurte ensuite au massif dit des Alpes du nord et se dirige vers le sud-ouest ; aprés le barrage de Vau i Déjés (qui forme un lac de prés de 25 km2), od il n'est plus qu'a 74 m au dessus du niveau de la mer, il se sépare en deux branches: l'une se dirige au sud et atteint I'Adriatique prés de Lezhé, l'autre se joint 4 la Buna, émissaire du lac de Shkodér, qui se jette dans la mer aprés un parcours de 44 km. et qui est, avec le Seman, le seul fleuve de plaine du pays. Le manque de pente et les variations du débit de ses affluents, du Drin en premier lieu, rendent la Buna dangereuse par ses inondations, tandis que les alluvions ne la rendent accessibles qu'a de petites embarcations. Le Mat, né a 1870 m d'altitude, atteint la mer aprés 115 km seulement, ce qui explique son impétuosité, régulée maintenant par des lacs artificiels alimentant des usines hydro-électriques. Le plus important est celui d'Ulzé (12,5 km2). Le Shkumbin (181 km) prend sa source au sud-ouest de Pogradec ; il coule vers le nord-ouest jusqu'a Librazhd, oi il prend une direction ouest-sud-ouest jusqu'a la mer. Sa vallée constitue une voie de pénétration commode vers l'intérieur, pratiquée depuis l'Antiquité. Il est trés utilisé pour lirrigation, notamment dans la plaine de Myzege. Le Seman a le plus fort débit de tous les cours d'eau albanais, mais l'irrégularité de son régime, jointe a la quantité d'alluvions qui l'encombrent, I’empéche d'étre navigable ; ce fleuve se forme, 4 75 km de la mer et 4 35 m d'altitude, de la réunion de I'Osum et du Devoll, qui descendent de montagnes proches de la Gréce. Le Vjosa, enfin, né en Gréce, a quelques pas de la frontiére, atteint la mer entre Vloré et Fier, aprés avoir traversé une série de gorges impressionnantes dans un parcours de 272 km L'Albanie compte un nombre important de lacs, en dehors des lacs artificiels et lagunaires déja signalés. Trois d'entre eux, partagés avec le Monténégro, la Macédoine et/ou la Gréce, comptent parmi les plus importants des Balkans: celui de Shkodér (368 kmz2), celui 10 i d'Ohrid (360 kmz2) et celui de Prespa (285 kmz2). Ils sont d'origine tectonique, tout comme celui de Butrint, aujourd'hui en communication avec la mer (16 kmz2). D'autres lacs, généralement groupés, sont d'origine glaciaire, ainsi ceux de Luré ou karstique comme ceux de la Dumre. La variété des conditions climatiques et géologiques fait que la flore de I'Albanie est extrémement riche: elle comprend prés de 3500 espéces, représentant environ 30 % de la flore européenne et 50 % de la flore balkanique. Les géographes albanais distinguent quatre zones de végétation selon le relief: celle de l'olivier et des arbustes méditerranéens jusqu'a 600 m, celle du chéne jusqu'a 1 200 m, celle du hétre et des coniféres jusqu'a 1800 m et celle des prairies naturelles au-dessus. La forét recouvre 45 % du territoire (contre 25% de prairies et 20% de terres cultivées); son étendue explique la richesse de la faune sauvage qui comprend des espéces rares ailleurs: ours, loups, lynxs. On rencontre aussi des aigles, des cogs de bruyére, des pélicans. Les lacs de Shkodér et d’Ohrid sont extrémement poissonneux. Ce dernier contient notamment une sorte de truite indigéne (koran) au gofit particuligrement savoureux. La mytiliculture est pratiquée dans le lac de Butrint. La péche cétiére, enfin, trop peu développée, peut fournir tous les poissons méditerranéens. La population de l'Albanie est extreémement homogéne: les minorités monténégrine, macédonienne, aroumaine et tzigane sont peu importantes. Seule, la population grécophone du sud-est pose quelques problémes, attisés du reste de l'extérieur. Les albanophones constituent plus de 90 % des 2 millions d'habitants du Kossovo voisin, annexé par la Serbie a la suite des guerres balkaniques. En république de Macédoine, ils constituent 30 % de la population. On en trouve également au Monténégro, en Gréce, en Italie, (une centaine de milliers en Molise, en Basilicate, en Calabre et en Sicile, venus du XVéme au XVIIIéme siécles). D’anciennes colonies subsistent en Bulgarie, en Ukraine, prés de Zadar, etc. Enfin une importante diaspora est présente en France, en Allemagne, en Suisse, en Belgique, aux Etats-Unis, en Argentine ou 11 en Australie. Au total, l’albanais compte peut étre sept millions de locuteurs. Lors du premier recensement officiel, en 1923, le pays comptait 800000 habitants. Ce nombre passa en 1938 @ un peu plus d'un million, chiffre que la guerre mondiale n'avait guére permis de dépasser en 1945. L'augmentation fut alors extrémement rapide: 2 millions en 1965, 3 en 1985, 3255900 en 1990, soit 113 habitants au km2. On constate un accroissement naturel élevé, essentiellement dQ a une natalité considérable (24,5% en 1950, 19,6% en 1990) et a une mortalité infantile basse (14% en 1950, 5,6% en 1990), méme si ces derniérs chiffres sont sujets 4 caution. L'espérance de vie est passée de 53 ans en 1950 a 72 en 1990 (69 pour les hommes, qui constituent 51,42 % de la population, et 75 pour les femmes). C’est un pays jeune: 35 % de moins de 15 ans, 55 % entre 15 et 60 ans, 10 % plus de soixante, ce qui aboutit 4 une moyenne d'age de 26 ans. Cette population est inégalement répartie: 30 habitants au km2 dans le cercle de la Kolonja, entre Korga et Leskovik, et 300 dans ceux de Tirana ou de Durrés. Les ruraux en représentaient les 4/5 en 1945, ils n'en constituent plus que les 2/3. Pendant cette période, la capitale, Tirana, qui ne comptait que 12000 habitants quand elle fut choisie comme siége du gouvernement, en 1920, est passée de 60000 habitants, 4 240000 habitants, Durrés et Shkodér de 14000 a 80000, chiffre qu'atteint Elbasan, qui n’avait que 35000. Le taux d'accroissement le plus fort s'observe 4 Vloré (72000 habitants contre 12700) tandis que Korga, troisiéme ville du pays en 1945 avec 25000 habitants, n’en a aujourd'hui que 64000 seulement. L’Albanie posséde actuellement 11 villes de plus de 20000 habitants, 17 de plus de 10000 et 40 de plus de 5000. L'énergie repose avant tout sur les ressources hydrauliques du pays: il faut citer les centrales du Drin pour lesquelles on a créé les lacs artificiels de Fierzé et de Vau i Dejés, celles du Mat (lac d'Ulzé) et celles de la Bistrica, dans le sud du pays. La production a atteint 3 200 millions de kw/hen 1990. L'exploitation du pétrole a commencé a Kugové entre les deux guerres (100 000 tonnes en 1938); elle se fait aussi 4 Patos et a Ballsh (1 million de tonnes en 1990). On peut mentionner aussi 12 l’existence du bitume, connu 4 Selenica, prés de Vloré, depuis l'Antiquité. La houille manque mais on exploite le lignite (2 millions de tonnes en 1990) 4 Memaliaj prés de Tepelene, 4 Mborje-Drenové prés de Korga et, surtout, 4 Valias, prés de Tirana. Les métaux non-ferreux sont assez abondants, spécialement le chrome (premier producteur européen et quatritme producteur mondial) a Bulqizé, prés de Peshkopi, le ferro-nickel dans la région de Librazhd et de Pogradec, le cuivre dans le Mat (environ un million de tonnes en 1990 pour chacun de ces métaux). Lindustrie, 4 peu prés inexistante avant la deuxiéme guerre mondiale, est restée assez embryonnaire. On ne peut guére citer que quelques centres d'enrichissement de minerais, le complexe métallurgique d'Elbasan, mis en marche par des techniciens chinois sans le moindre souci de l’environnement, et quelques raffineries et usines chimiques dans la région de Fier. Les industries de transformation sont concentrées dans les principales villes. L'agriculture, trés primitive, s'est quelque peu modernisée, mais la socialisation et la sortie de celle-ci l'ont considérablement secouée ; en dépit d'efforts de bonification et d'irrigation, engagés dés avant la guerre, qui ont permis, notamment, le développement du coton et du riz, les rendements demeurent trés bas : 30 q. a I'ha pour le blé, 35 pour le mais, 20 pour le riz,65 pour les pommes de terre, etc. Parmi les céréales, le blé a maintenant pris la premiére place, longtemps tenue par le mais (en 1950, ils représentaient respectivement 39 et 55 % des emblavures, en 1990, 73 et 22 %). Liorge sert surtout a la fabrication d’une biére, assez médiocre, qui est assez largement consommée. La chute du communisme a mis fin a l'exportation des Iégumes vers la Hongrie ou la Tchécoslovaquie et seuls les fruits, agrumes surtout, I'huile d'olive et le tabac peuvent encore donner lieu 4 exportation, en dehors de ressources marginales comme les escargots, les grenouilles ou les plantes médicinales. Le vin est de bonne qualité, malheureusement une technique déficiente empéche le plus souvent sa conservation et son exportation. Le raki et le "cognac" local se boivent facilement. Les foréts, dont on a vu qu'elles couvrent 45% du territoire et dont les plus belles se trouvent dans le massif central, pourraient @tre mieux exploitées. L'importance de I'élevage dans la production agricole globale, si elle tend 4 diminuer peu a peu, reste considérable. Les moutons et les chévres se trouvent un peu partout, mais plus spécialement dans le sud. Les bovins fréquentent surtout les alpages du nord. On trouve encore quelques buffles dans les anciens marais de Myzeqe od ils étaient autrefois les seuls 4 pouvoir résister aux maladies. Liélevage du pore a pris une certaine importance en dépit des préjugés religieux. Les transports, enfin, souffrent d'un réseau routier insuffisant et, / surtout, mal entretenu ; les principales routes sont asphaltées mais — leur tracé méme, joint a l'indiscipline des conducteurs, sans parler — de celle des piétons et des animaux, oblige 4 une conduite lente et prudente. Le chemin de fer, inexistant jusqu'aprés la seconde guerre mondiale, ne comprend qu’une ligne, en dehors de quelques embranchements di'utilité surtout industrielle: | Vloré-Durrés- Shkodér-Titograd (avec deux embranchements, |’un a Durrés vers Tirana et l’autre 4 Rrogozhiné vers Guri i Kuq (prés de Pogradec). Ce demier, qui doit étre prolongé jusqu'a Korga, pourrait facilement étre relié a la ligne macédonienne Ohrid-Skopje. Le seul port important, Durrés, est capable de recevoir des navires de 25000 tonnes; Vloré peut recevoir de petits pétroliers ; Saranda et Shén Gjin ne sont que des lieux de péche et de cabotage. HISTOIRE La terre albanaise a été habitée au moins depuis le paléolithique moyen (gisement de Xarré, prés de Butrint, découvert en 1938), mais les yestiges les plus importants remontent au néolithique récent, ainsi, la cité lacustre découverte lors du désséchement du marais de Maliq, prés de Korga. Ces peuplades primitives, peut-étre 4 identifier avec les Pélasges dont parlent les auteurs antiques, furent submergées par la vague des invasions indo-européennes: les tribus illyriennes occupérent un vaste territoire correspondant, en gros, a la Bosnie, a la Dalmatie, au sud de la Serbie, a l'Albanie, 4 la Macédoine et au nord-ouest. de la Gréce. Certaines, comme les Messapiens, poussérent méme jusqu’en Italie du sud. 14 Ces Illyriens sont trés probablement les ancétres directs des Albanais d'aujourd'hui ; on a parfois supposé a ceux-ci une origine thrace, mais la thése illyrienne, appuyée essentiellement sur diverses données linguistiques sur lesquelles on reviendra a propos de l'histoire de la langue, apparait comme plus vraisemblable. A partir du Viléme siécle avant J.-C., les Grecs établirent sur la céte un certain nombre de colonies. C’est ainsi que Corfou, elle- méme colonie de Corinthe, fonda Epidamnos (Durrés) en 627 et Apollonia (aujourd'hui Pojan, prés de Fier) en 588. Ces villes connurent un beau développement et leurs vestiges sont encore imposants. Les luttes des cités grecques entre elles, et notamment la guerre du Péloponnése, les font passer un temps sous |'influence plus ou moins directe des Etats qui s'étaient constitués a partir des tribus illyriennes (troyaumes Enkéletes, Ardians, Taulans), mais ceux-ci subirent bientét, a leur tour, la tutelle macédonienne sous Philippe et Alexandre le Grand, puis celle des Epirotes avec Pyrrhus. L'expansion romaine atteignit alors les Balkans. L'Illyrie, aprés un répit di aux guerres puniques, fut entrainée dans la défaite de Pydna (169 avant J.-C.) od Paul-Fimile écrasa, avec Persée, dernier roi de Macédoine, son allié Gencius, qui fut, de son cété, le dernier roi du principal Etat illyrien, le royaume Ardian. La paix romaine s'installa assez rapidement, en dépit de révoltes parfois sévéres dont la principale dura trois ans, de 6 4 9 de notre ére. Le commerce se développa notamment grace a la Via Egnatia, qui reliait les ports d'Apollonia et de Dyrrachium (nouveau nom d'Epidamnos) 4 Thessalonique et 4 Byzance. La vie intellectuelle fut intense dans les grandes villes et Cicéron lui-méme ne dédaigna pas d'écouter les rhéteurs de Dyrrachium. Au IIléme siécle de notre ére, l'accession a la pourpre de plusieurs Illyriens, dont le plus fameux fut Dioclétien, symbolise bien l'implication du pays dans les affaires de l'Empire. Toutefois, la masse de la population semble avoir conservé sa langue et ses coutumes, comme en Gaule d'ailleurs, et la romanisation, dans le sud, ne supplanta pas l'influence hellénique ; il est curieux d'observer que cette opposition nord/sud se retrouvera lorsque le christianisme, introduit au [léme siécle, se dissociera, 900 ans plus tard, entre Rome et Byzance. Vint alors le temps des invasions: au Véme siécle, les Germains et les Huns ne firent que passer, non sans répandre la désolation et la mort, mais, dés la fin du Vléme siécle, le flot slave submerge les 15 Illyriens, qui ne peuvent subsister que dans I'Albanie actuelle et le Kossovo, 14 oi on les rencontre aujourd'hui. Ces derniéres régions restent dans la mouvance byzantine, sauf a @tre occupées a plusieurs reprises, au Xéme siécle, par le premier empire bulgare, jusqu'a la destruction de celui-ci par l'empereur Basile II (1018). La reconquéte byzantine est aussit6t remise en cause par les attaques des Normands de Sicile, de Robert Guiscard (1081-1084) a Guillaume le Bon (1185). Dés la chute de Constantinople (1204), prise par les croisés, le pays achéve un morcellement déja entamé: les Serbes et les Bulgares occupent le nord et l'ouest, Venise sinstalle 4 Durrés et des despotats indépendants se constituent autour de Krujé et d'Arta. Les empereurs de Nicée, Jean III Vatatzés et Michel VIII Paléologue surtout aprés la reconquéte de Byzance, reprennent pied dans la région mais pour se heurter aussit6t a un nouveau compétiteur venu d'Italie, Charles d'Anjou, frére de Saint-Louis, qui, débarqué en 1269, remporte assez de succés pour pouvoir se proclamer a Naples, en 1272, roi d'Albanie, rex Albaniae. Lorsqu'il est rappelé en Italie par les Vépres siciliennes (1282), ses lieutenants et ses successeurs doivent compter avec des familles de féodaux qui détiennent rapidement la réalité du pouvoir, ainsi les Thopia autour de Durrés et les Balsha autour de Shkodér, avec aussi les Vénitiens et les Serbes dont le plus grand prince, Etienne Du8 an (1331- 1355), réussit un instant 4 grouper sous son sceptre tout l'ouest des Balkans, de la Save au golfe de Corinthe et des Rhodopes a l'Adriatique. Dés le lendemain de sa mort, les principautés albanaises se reconstituent mais elles se consument en_ luttes fratricides, attisées par les intrigues vénitiennes, tandis que l'avance turque devient irrésistible: aprés la bataille de Kossovo (1389), od Murad ler écrase une armée composée de contingents de tous les Ftats chrétiens des Balkans, les Turcs sont aux portes de I'Albanie. Tamerlan défait 4 Ankara le successeur de Murad ler, Bayezid Ter (1402), et donne ainsi quelques années de répit au monde chrétien, mais on peut dire que, vers les années 1430, |'Albanie tout entiére est occupée ou vassalisée, a l'exception de Durrés, Lezhé, Shkodér, Tivar et Ulqin, tenues par les Vénitiens. En 1443, un féodal albanais, Georges Kastrioti, qui s'était montré jusque-la un brillant guerrier au service du Sultan, 4 la cour duquel il portait le nom ture sous lequel il est le plus connu, Scanderbeg, 16 profite de la défaite infligée aux Turcs par Jean Hunyade a Ni8 pour lever l'étendard de la révolte. Excellent organisateur et chef de guerre éprouvé il sut, pendant un quart de siécle, maintenir l'indépendance du pays en dépit des incessantes attaques ottomanes, en dépit aussi des intrigues, yénitiennes notamment, et des trahisons, et c'est 4 bon droit que cet "athléte du Christ", comme I'appela le pape Nicolas V, est devenu le héros national albanais. Mais la reconquéte turque reprit dés sa mort (1468). Sa capitale, Krujé, est emportée en 1478. Shkodér et Lezhé sont livrées par les Vénitiens en 1479. A cette date, en dehors de Durrés, qui ne tombera qu'en 1501, et de Ulqin et Tivar qui résistérent jusqu’en 1579, le pays tout entier est placé sous le joug ottoman, dont il ne se libérera qu’en 1912. Cette domination s'imposa & un pays affreusement dévasté: il ne restait rien, aprés un siécle de guerre, de l'essor économique qu'il avait connu au XIVéme siécle et le dépeuplement allait encore s'accroitre par un mouvement d'émigration vers I'Italie du sud et la Sicile, que nous avons évoqué plus haut. L'esprit combatif des Albanais ne disparut pas pour autant et le sultan eut a faire face 4 de nombreuses révoltes qui l'amenérent, bon gré mal gré, @ reconnaitre a la plupart des montagnards d'assez importantes libertés: le Kanun de Lek Dukagjin, coutumier mis sous le nom d'un des compagnons de Scanderberg, a continué de régler les rapports juridiques et sociaux des montagnards du nord jusqu'en plein XXéme sitcle (on pourra lire a ce sujet |’exellent roman d’Ismail Kadaré, Avril brisé, dont la documentation est a la hauteur de la valeur littéraire). En revanche, la conversion 4 I'Islam de la majorité des Albanais (60% environ), phénoméne exceptionnel dans les Balkans (on ne le retrouve guére qu'en Bosnie) et qui s'explique probablement par le peu d'esprit religieux de la plupart d’entre eux, créa, vis-a-vis de la Porte, une situation assez ambigué; la bonne volonté que mirent beaucoup d'Albanais, méme chrétiens du reste, a s'enréler comme mercenaires sous son étendard en est un symbole, qui, plus tard, ne dévait pas faciliter l'entente avec les peuples voisins, restés fidéles au christianisme. Si les montagnards purent, dans l’ensemble, conserver une assez forte autonomie, /a pax ottomanica ne profita guére aux re'dya (les gens simples) des plaines sur lesquels retomba la plus grande partie 17 du fardeau d’impéts, injustes tant par leur assiette que par leur recouvrement. Ils devaient, de plus, souffrir la cupidité et la vénalité de leurs maitres et ils étaient, comme dans tout |’Orient, pressurés — par les usuriers. En revanche, les villes connurent un certain essor grace a l'artisanat et au commerce. L’Albanie fut exportatrice de blé, de bois, de peaux mais aussi de soieries, d'armes, de bijoux — d'argent. Les relations économiques avec le monde chrétien, avec Venise, mais aussi ayec la Provence et, par voie de terre, avec l'Autriche et la Pologne, ne furent pas sans importance, surtout au XVIlléme siécle. L’essentiel des échanges se faisait toutefois, bien évidemment, avec l'intérieur de l'empire contribuant ainsi a “orientaliser" les moeurs, aussi bien chez les chrétiens que chez les musulmans. En méme temps, tandis que le syst¢me des timars, fiefs militaires concédés a titre personnel, recule devant celui des tchiftliks, | propriétés héréditaires, l'autorité centrale s’effrite et de nouvelles unités territoriales tentent de s'imposer. En Albanie, c'est l'ére des grands pachaliks dont les principaux se forment autour de Shkodér et de Janina. Leurs titulaires affirment trés vite une attitude indépendante vis-a-vis de la Porte, allant parfois jusqu'a négocier directement avec les puissances chrétiennes. La personnalité albanaise la plus remarquable de cette époque — est, sans aucun doute, Ali de Tepelen, pacha de Janina (1744-1822), fils d'un nobliau ruiné. Il commenga sa carriére comme bandit de grand chemin, s'infiltra dans l'administration turque et sut faire de son pachalik un véritable Etat correctement administré, négocier avec la France révolutionnaire, puis avec Napoléon, s'allier aux Russes puis aux Anglais, étendre son impitoyable domination sur presque toute l'Albanie et sur la Thessalie et tenir 4 Janina une véritable cour, décrite par lord Byron. Le retour au calme qui marqua la fin de la période impériale lui fut fatal. Le sultan put alors décider d'en finir avec le rebelle qui, trahi par ses troupes, mourut a prés de quatre-vingts ans, les armes a la main. Cette reprise en main de |'Albanie se compléta, quelques années plus tard, par l'exil du pacha de Shkodér, Mustafa, et par le | massacre, 4 Monastir, d'une grande partie des féodaux albanais (1830-1831), massacre évoqué par Ismail Kadaré dans son roman, La commission des fétes. On sortit de la féodalité pour entrer dans la période des réformes, les Tanzimat, amorcées par le Sultan Abdiil-Medjit en 1839 et suivies par ses successeurs. 18 Il s'agissait, en principe, de modemiser |'Etat en établissant, notamment, une complete égalité entre les sujets du sultan sans distinction de religion. En Albanie, comme dans d’autres parties de |’Empire du reste, les résultats furent médiocres: les montagnards continuérent 4 se gouverner selon leurs coutumes rétrogrades et, ailleurs, les abus ne cessérent pas ; les impéts, surtout, augmentérent sans cesse, alors que l'économie était languissante, les productions artisanales ne pouvant rivaliser avec celles qui sortaient en masse et 4 meilleur marché des usines européennes. La crise économique, qui contraignit bien des Albanais a I’exil, notamment vers les Etats- Unis, entraina un mécontentement certain dans l’ensemble de la population et contribua a |'éclosion du mouvement national connu sous le nom de_ Rilindja (Renaissance); ce mouvement d'intellectuels occidentalisés réclamait la promotion de la langue albanaise, considérée comme élément fondamental de |’identité nationale dans un pays od trois religions étaient représentées, a la différence des régions voisines. Il voulait aussi, sans remettre fondamentalement en cause la suzeraineté du sultan, l'octroi de réformes véritables allant dans le sens de l'autonomie. Trois guerres avec le Monténégro (1853,1858, 1862) ne troublérent guére la population; il n'en ira pas de méme avec la crise internationale des années 1875-1880. La répression brutale des révoltes de I'Herzégovine (1875) et de la Bulgarie (1876) sert de prétexte & la Russie, 4 la Serbie et au Monténégro pour attaquer le nouveau sultan 'Abdiil-Hamid, le "sultan rouge", lequel doit conseatir le traité de San-Stefano (3 mars 1878), diktat russe qui, en ce qui concerne |’ Albanie, donne a la Bulgarie nouvellement créée les régions de Korga et de Pogradec, tandis que le Monténégro regoit Plava, Guci, Tivar, Ulqin et la Serbie le sandjak de Prishtiné (capitale du Kossovo). Toutes ces régions étaient peuplées d'Albanais qui passaient ainsi sous un joug slave dont ils avaient tout 4 redouter. Des commissions d'auto-défense se créérent un peu partout et, sous l'influence de quelques membres de la Rilindja, s'unirent & Prizren le 10 juin 1878 en une ligue patriotique qui réclama le maintien de l’ensemble des terres albanaises sous I'autorité du sultan, mais aussi leur regroupement en une seule unité administrative autonome. Dans le méme temps, les grandes puissances imposérent a la Russie la révision du traité de San- Stefano: au traité de Berlin (13 juillet 1878) les pertes albanaises se réduisaient pratiquement a |’abandon au Monténégro de Plava, 19 Guci et Tivar. L'émotion populaire ne se calma pas pour autant et les forces armées regroupées sous le commandement de la Ligue empéchérent la cession de ces territoires: il fallut méme la menace d'une flotte internationale pour obtenir la livraison du port d'Ulqin, abandonné finalement par la Turquie, aprés bien des marchandages, en remplacement de Plava et Guci (novembre 1880). Le sultan put alors désarmer les forces de la Ligue par une répression, assez modérée du reste, qui n'empécha pas les progrés du mouvement national, vigoureusement soutenu par les colonies albanaises établies 4 l’étranger. La constitution accordée en 1875 a — V’Empire par Abdiil-Hamid avait été suspendue dés 1878. Son rétablissement en 1908, aprés la réussite du coup d'ftat des Jeunes Turcs, est apprécié en Albanie, mais on s'apergoit vite que les nouveaux maitres n'entendent tenir aucun compte des problémes des nationalités. Les troubles se multiplient. En 1912, le gouvernement fait des concessions importantes aux révoltés mais l'effondrement rapide du pays sous les coups des alliés balkaniques ~ fait comprendre aux Albanais que le sultan n'était plus en mesure de les protéger contre les appétits de ceux-ci: le 28 novembre 1912, un congrés, réuni a Vloré et présidé par Ismail Qemal, © proclame |'indépendance albanaise. Les grandes puissances reconnurent celle-ci lors de la Conférence de Londres (1912-1913), mais avec des frontiéres qui laissaient hors du nouvel Ftat la ‘moitié des Albanais. Elles” imposérent aussi comme roi un officier allemand, le prince de~ Wied, qui, parfaitement ignorant des réalités locales et en butte 4 des réyoltes et 4 des intrigues, dut quitter le pays aprés six mois de régne (1914). La premiére guerre mondiale allait faire de l'Albanie, dont la neutralité avait pourtant été solennellement garantie par les grandes puissances, un champ de bataille occupé tour a tour par les différents belligérants, y compris la France qui y fondera une éphémére (1916-1918) "République de Korga". A la fin de la guerre, l’indépendance du pays, meurtri et ravagé, est confirmée par la Conférence des Ambassadeurs dans les frontiéres de 1913, mais il est désolé par les luttes des différentes factions. Un grand féodal, Ahmed Zogu, se hisse rapidement au premier plan. Chassé un instant par un coup d'Ftat de gauche mené - par le grand écrivain Fan Noli (1924), il revient six mois aprés et 20 gouverne de fagon de plus en plus dictatoriale, jusqu'au moment od il se fait proclamer roi (1928) sous le nom de Zog Ier. Ce despote était en méme temps trés soucieux du développement d'un pays qui était sans conteste le plus arriéré d'Europe, mais la difficulté de trouver les capitaux nécessaires, surtout en temps de crise mondiale, le contraignit, volens nolens, a accepter l'aide intéressée de I'Italie fasciste; il ne parvint pas malgré quelques efforts 4 se dégager d’une influence qui se transforma, en 1939, en une annexion pure et simple. Les Albanais se trouvérent ainsi entrainés dans la seconde guerre mondiale avec une répugnance que ne contrebalanga pas entiérement la promesse, tenue grace a Hitler, de voir restituer au pays les territoires dont il avait été frustré, tant au traité de Berlin qu’a la suite des guerres balkaniques, et principalement la plus grande partie du Kossovo (1941). Mais, parallélement, la résistance contre l'occupant italien s'organisait autour de trois péles : le parti communiste albanais, créé a cette époque sous la direction d'Enver Hoxha, le Front national- (Balli kombétar), nationaliste et antizoguiste, soutenu par les Anglo- Saxons, et, un peu plus tard, le parti de la Légalité (Legaliteti) qui visait 4 une restauration monarchique. L'entente s'avéra impossible entre ces mouvements qui en vinrent, surtout aprés la capitulation italienne (8 septembre 1943), a la lutte armée, tout en combattant les Allemands accourus aussitét, malgré leur proclamation de l'indépendance de I'Albanie. Les troupes communistes, plus actives, finirent, malgré de lourdes pertes, par l'emporter sur leurs rivaux et sur la Wehrmacht et a prendre le pouvoir dans l'ensemble du pays (octobre 1944). Le parti entama alors une épuration sévére contre ceux qui s'étaient opposés a lui, ne négligeant pas de ranger parmi les "traitres" et les "fascistes" tous ceux dont I'Etat convoitait les biens. Au début de 1946, l'Albanie devient République populaire, et le gouvernement de celle-ci, présidé par Enver Hoxha, poursuit une politique de nationalisations 4 outrance qui devait susciter jusque vers 1950 des résistances armées, surtout dans le nord. Le parti communiste albanais, fondé a la fin de 1941 et rebaptisé en 1948 parti du Travail (Partia e Punés e Shqipérisé), avait été fortement aidé par son homologue communiste yougoslave. C'est donc tout naturellement vers la Yougoslavie de Tito que se tourna le nouveau régime pour trouver de l'aide en vue de la reconstitution d'un pays ravagé par la guerre et regardé avec une méfiance 21 particuligre par les puissances occidentales (L’Albanie put participer a la Conférence de la Paix en 1946, qui la replaga dans ses frontiéres d’avant-guerre, augmentées de l’ile de Sazan, conservée par I’Italie en 1920, mais elle ne fut admise a l'ONU qu'en 1955). Cette lune de miel ne dura pas longtemps: Enver Hoxha accepta bien de geler les prétentions albanaises sur le Kossovo, mais le projet d'une grande fédération balkanique, dans laquelle l'Albanie n'aurait été qu'une province, ne pouvait lui convenir et il s’empressa de rompre avec Tito a l’occasion de la condamnation de celui-ci par le Kominform (1948). Suit alors une longue période d'amitié avec I'URSS, dont l'aide atténua quelque peu les conséquences du refus du plan Marshall. Les dissentiments commencérent avec le rapprochement de Krouchtchev et Tito, initié dés 1955, et le XXéme congrés du PCUS (1956), l'Albanie restant fidéle au stalinisme, mais la rupture définitive, consommée en fait dés la Conférence des 81 partis communistes (1960), n'intervint qu'en 1961, VURS.S. interrompant brutalement ses livaisons et retirant ses techniciens. Les conséquences dramatiques de cette rupture sur l'économie albanaise furent plus ou moins palliées par la Chine, logiquement du reste puisque c’était elle qui en avait été la cause, formellement du moins. Liinfluence chinoise contribua a une radicalisation idéologique, une "réyolutionnarisation" qui se marqua notamment par un renforcement de la lutte anti-religieuse (1967), l'Albanie devenant ~ "le premier Ftat athée du monde", I'achévement de la collectivisation des terres, la réduction des lopins personnels des coopérateurs, le resserrement de I'éventail des salaires, la réapparition des commissaires politiques, etc. mais l'idylle albano- chinoise resta tres superficielle, en dépit de quelques gestes symboliques, comme la mode des dazi-bao, Fleté-rrufe en albanais, "feuilles-foudres", et elle connut assez rapidement des ratés, notamment aprés le voyage en Chine du président Nixon (1971). La dégradation s’accélére avec le voyage symétrique de Tito (1977) et, l'année suivante, la rupture, qui se produit dans des conditions identiques 4 celles qui avaient présidé au départ des agents russes, cause les mémes difficultés, aggravées encore par un tremblement de terre qui ravage le nord du pays (1979). Les derniéres années du vieux dictateur qui avait voulu, dés 1976, affermir les acquis de la Révolution culturelle a l'albanaise me par une nouvelle constitution, furent paisibles en apparence: le "suicide", en 1981, de son vieux complice Mehmet Shehu, suivi de I'élimination de ses partisans, aussit0t accusés de tous les crimes, ne causa qu'une émotion limitée dans une opinion anesthésiée par la peur comme par une information soigneusement dirigée. En revanche, les difficultés économiques devenaient toujours plus difficiles 4 supporter. Le 11 avril 1985, Enver Hoxha, malade depuis plusieurs années, rendait le dernier soupir aprés 40 ans de pouvoir absolu qu'il avait su préserver, a travers de grandes difficultés extérieures et intérieures, grace 4 l'emploi des méthodes les plus oppressives, purges sanglantes, espionnage permanent de toute la population, mais aussi grace A un sens politique aiguisé, mettant a profit les traditions claniques du pays. Son successeur Ramiz Alia parut d'abord suivre ses traces, tout en introduisant quelques timides réformes, rendues indispensables par une situation économique de plus en plus mauvaise, sous l'oeil sourcilleux de la vieille garde des conservateurs, notamment la veuve du dictateur défunt, Nexhmije. A partir de 1990, I'écroulement, dans toute I’Europe, des régimes communistes oblige a une accélération des réformes, mais les attentes de la population débordent le gouvernement: en juillet, des milliers de candidats a I'émigration envahissent les ambassades occidentales ; certains responsables politiques sont contraints de se retirer. A la fin de l'année, la déstalinisation est amorcée et slaccompagne de nouvelles épurations. Le multipartisme est reconnu et, en mars 1991, des élections démocratiques ont lieu. Elles donnent la majorité au Parti socialiste (ancien parti du Travail) avec les deux tiers des siéges ; son chef, qui n’est autre que Ramiz Alia, est battu, mais il n'en est pas moins élu président de la République par le Parlement. Le Parti démocratique de Sali Berisha, ancien membre du Parti du Travail d’Albanie, devenu l’un des leaders de la contestation de celui-ci, obtient la presque totalité du tiers restant et prend la téte de |’opposition. Les gréves, les pillages, les destructions de biens publics désorganisent le pays et encouragent une nouvelle vague d'émigration, de moins en moins bien accueillie par les pays destinataires, I'Italie notamment. De nouvelles élections en mars 1992 inversent le résultat précédent, et Sali Berisha remplace Ramiz Alia, démissionnaire, bient6t traduit en justice et condamné a l'emprisonnement ainsi que des personnalités importantes de I'époque précédente, comme Nexhmije Hoxha. Le 23 calme se rétablit peu 4 peu dans le pays, mais la situation’ économique reste mauvaise et le mécontentement des Albanais se traduit par le rejet de la nouvelle constitution proposée par le parti au pouvoir (1994), ce qui n’empéche pas le parti démocratique de se voir confirmé par de nouvelles élections. Il ne parvient pas a— redresser la situation et est accusé de dérives claniques et totalitaires. Au début de 1997, un krach financier retentissant entraine des troubles graves, mettant le pays a la veille de la guerre civile. Les nouvelles élections rappellent au pouvoir le parti socialiste et acculent a la démission le président Berisha. 24 llé¢me millénaire avant J.-C. 627 588 358-335 229-228 219-218 168 Ag 6-9 aprés J.-C. 378 395 617 857-1018 1081-1185 1190 1216 1272 1343-1350 1389 1393-1396 143 1-1432 1443 1444-1454 1455 1457 1460-1462 1466-1467 1468, 17 janvier 1478-1479 1555 1720 1757 Chronologie sommaire Installation des IIlyriens dans les Balkans . Fondation d'Epidamnus (> Dyrrachium > Durrés). Fondation d'Apollonia (> Pojan). Guerres contre Philippe de Macédoine et Alexandre le Grand. Premiére guerre illyro-romaine. Seconde guerre illyro-romaine. Conquéte romaine. Guerre entre César et Pompée Révolte anti-romaine. Début des invasions romaines. Le pays est englobé dans |l'empire d'Orient. Premiére invasion slave. Domination bulgare. Invasions normandes. Naissance de la principauté d'Arbérie. Naissance du Despotat d'Epire. Charles d'Anjou se proclame roi d'Albanie. Domination d'Etienne Duchan. Les Tures battent 4 Kossovo la coalition balkanique. Venise occupe Durrés, Shkodér et Ulqin. 1415 Les Turcs occupent Kruja. Premier dénombrement par les Turcs du Sandjak d'Albanie. Les Turcs sont battus 4 NiS ; Scanderbeg reprend Kruja et organise la révolte de I'Albanie. Victoires de Scanderbeg sur les Turcs. Echec de Scanderbeg devant Berat. Grande victoire de Scanderbeg a Albulena. Scanderbeg va en Italie soutenir Ferdinand d'Aragon Siége de Kruja. Mort de Scanderbeg a Lezhé. Chute de Kruja et Shkodér. Début d'émigration en Calabre et en Sicile. Publication du Meshari de Gjon Buzuk. Fondation d'une imprimerie 4 Voskopojé. Mehmet pacha s'installe 4 Shkodér. 23) 1788 1809 1822 1830 1831 1836 1839, 3 novembre 1844 1878, 3 mars 1878, 10 juin 1878, 13 juillet 1879 1880 1881 1887, 7 mars 1908 1912, 28 novembre 1913, 29 juillet 1914, 22 janvier 1914, 7 mars 1914, 3 septembre 1914-1918 1916, 10 décembre 1917, 23 janvier 1917, 3 juin 1920, 2 février Ali pacha s'installe @ Janina. Byron visite Ali pacha. Ali pacha est battu et tué par le Sultan. Le Sultan fait un grand massacre de féodaux alba Soumission du pacha de Shkodér. De Rada publie Les chants de Milosao. Le Hat-i-Cherif de Gjylhané proclame des réformes (Tanzimat). i Naum Vegilharxhi publie pour la premiére fois un alphabet albanais. j Le traité de San-Stéfano abandonne une partie des — terres albanaises aux états balkaniques. Formation de la ligue de Prizren. | Le traité de Berlin adoucit le traité de San-Stefano. ~ Pasco Wassa publie La vérité sur I'Albanie et les Albanais. Adoption de I'alphabet d'Istanbul. La li de Prizren s'oppose aux cessions des territoires préyi par le traité de Berlin. Ulqin est remis aux Monténégrins par l'armée turqu Fin de la ligue de Prizren. Ouverture 4 Korga de la premiére école en langue albanaise. Le Congrés de Manastir adopte définitivement l'alphabet albanais. Proclamation de l'indépendance sous la présidence d'Ismail Qemal. La Conférence des ambassadeurs de Londres reconnait l'indépendance de 1'Albanie. Démission du gouvernement d'Ismail Qemal. Arrivée du prince de Wied, nouveau roi d'Albanie. Départ du prince de Wied. } Les belligérants occupent I'Albanie. Formation de la Républiqueautonome de Korga sous la protection frangaise. Les Austro-Hongrois proclament l'autonomie de I'Albanie sous leur protectorat. Les Italiens proclament I'indépendance de I'Albanie sous leur protection. Le congrés de Lushnjé établit la capitale du pays @ Tirana. 26 1920 1920 1920, 17 décembre 1921, 9 novembre 1924, 16 juin 1924, 24 décembre 1925, 21 janvier 1928 1928, 1 septembre 1934, 22 juin 1939, 7 avril 1939, 3 juin 1941, 8 novembre 1942, 16 septembre 1942, novembre 1943, 1 aofit 1943, 15 aoat 1943, 8 septembre 1943, 20 novembre 1944, 24 mai 1944, 20 octobre 1944, 17 novembre 1944, 29 novembre 1944, 15 décembre 1945, 29 aoat 1945, novembre/ décembre Les Italiens sont chassés par la force de Vloré. Les Yougoslaves doivent quitter les zones qu'ils occupaient. L'Albanie est admise a la S.D.N. La conférence des ambassadeurs de Londres reconnait ses frontiéres. Le gouvernement d'Ahmet Zogu est renversé par F. S. Noli. A. Zogu reprend le pouvoir. A. Zogu devient président de la république. Mise en vigueur de codes modernes (civil et pénal). A. Zogu se fait proclamer roi. Une démonstration navale italienne met fin aux efforts de Zog pour desserrer |'étreinte italienne. Invasion de I'Albanie par les Italiens, Zog s'enfuit. Victor-Emmanuel III est proclamé roi d'Albanie. Fondation du Parti Communiste Albanais. Fondation a Pezé du F. L. N. Fondation du Front National (non-communiste). Accord de Mukje entre le F. L. N. et le FN. et aussit6t dénoncé par le F. L. N. Création 4 Vithkuq par Mehmet Shehu de la lére brigade d'assaut. Capitulation de I'Italie et proclamation par les Allemands de la Grande Albanie indépendante, avec le Kossovo et la Caméria. Fondation de Legaliteti, mouvement de résistance zoguiste. Création au congrés de Pérmet du Comité antifasciste de Libération nationale présidé par Enver Hoxha. Création au congrés de Berat d'un "gouvernement démocratique" présidé par Enver Hoxha. Libération de Tirana. Libération de toute l'Albanie, Lois sur la punition des collaborateurs, le contrdle de la vie économique etc. Loi sur la réforme agraire. L’Albanie est reconnue par l'URSS et par la France. an

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