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ADRIAN MARINO Etiemble, la typologie des invariants et la littérature comparée Le statut théorique de l’invariant (= un élément universel, ‘commun,’ de la littérature et de la pensée littéraire) se double chez Etiemble d’indices trés précis d'une typologie des invariants. Celle-ci groupe diverses catégories d’éléments communs & portée universelle, selon une échelle graduelle, a partir du niveau le plus profond, celui des structures anthropologiques de la psyché et de l’imaginaire. Nous essayerons en méme temps de suivre les observations d’Etiemble en fonction des données admises par certaines orientations comparatistes actuelles ou passées, convergentes ou trés rap- prochées. 1. Les invariants du type anthropologique récupérent et articulent des données ‘primitives,’ primordiales, persistantes, que I’on rencontre le plus souvent au plus profond des couches ancestrales — les plus ‘archéologiques’ — de toutes les cultures. C’est le monde des archétypes, des mythes, des légendes, des prototypes, des symboles et des topoi ‘sacrés’ dont la portée universelle est indubitable. On peut d’ailleurs avancer la thése selon laquelle plus on remonte vers |’originaire et le primordial, plus invariant manifeste activement sa présence, sa réalité. Souvenons-nous des considérations d’Etiemble sur le mythe qui ‘répond a quelque besoin viscéral, 4 quelque image élémentaire, commune autre et |’un a la plupart des hommes,’ ou celles sur le sens fort (religieux) de ce terme et sur le sens second, plus faible (erreur, mensonge), ce dernier permettant de définir, par extrapolation aussi, ‘le mythe de Rimbaud.’ Certaines analogies entre ce mythe et celui de Confucius, de Platon, de Cyprien le Mage, etc.’ essayent également de prouver que le mécanisme de la ‘mythisation’ est partout et toujours le méme, bref, que ‘les structures mythiques sont stables, qu’elles n’ont point varié’ chez les Indo-Européens en tout cas, comme les recherches de Georges Dumézil le confirment d’ailleurs.? La notion d’archétype— prise non pas dans le sens jungien, mais dans celui de‘modéle exemplaire,’ de ‘paradigme’ qui se répéte, qui manifeste sa présence latente dans I’histoire littéraire — est elle aussi présente chez Etiemble. C’est donc a bon escient qu’il parle de Faust et 1 Le Mythe de Rimbaud: Structure du mythe (Paris: Gallimard 1961) 41, 52; Gendse du mythe (Paris: Gallimard 1968) 12~13;; Confucius (Paris: Gallimard 1966) 61 2 Savoir et gorit (Paris: Gallimard 1958) 244 (CANADIAN REVIEW OF COMPARATIVE LITERATURE/REVUE CANADIENNE DE LITTERATURE COMPAREE CRCL/RCLE FALL/AUTOMNE 1979, 0319-051x/79/0000-0323 $01.25/® Canadian Comparative Literature Association 324 / Adrian Marino de Don Juan comme de ‘deux archétypes ott chaque nation, chaque siécle, incarne les deux grands désirs de I’homme blanc civilisé: la libido sciendi, la libido cupiendi (et méme: ses trois désirs, car la libido dominandi s'assouvit la fois dans le mythe faustien et dans le donjuanesque).’ Et d’ajouter: Obermann de Sénancour, c’est ‘un siécle et demi avant Camus, I’archétype de létranger.3 Peut-on rapporter ou intégrer ce type d’invariant a une certaine ‘tradition’ comparatiste? Il ne s’agit pas, pour I’instant, d‘invoquer le précédent de la thématologie, que tout le monde admet (plus ou moins), mais de reconnaitre aux thémes (ou a certains themes) des contenus mythiques. Ce que faisait Baldensperger quand il prenait déja en considération — tres tat — les ‘éléments simples traditionnels.’4 Les recherches récentes de folklore, de littérature orale et, surtout, de mythologie comparée mettent largement en évidence la réalité des invariants mythiques 4 tous les niveaux de la création populaire et, en général, traditionnelle. Il suffit de citer pour les contes de fées, les legendes héroiques et les épopées populaires, des savants comme Jan de Vries ou Nora K. Chadwick.> Généralement les historiens actuels des religions sont plus avancés dans ce domaine que certains comparatistes littéraires brevetés. Les archétypes et les mythes réalisent les scénarios ‘littéraires’ les plus élémentaires, dont la valeur de prototype se vérifie sur de ‘grandes surfaces’ et dans un cadre constant d’ ‘archétypologie générale.’ Il est hors de doute que les invariants sont non seulement impliqués dans la mentalité archaique, symbolique et mythique de I’humanité, et solidaires de celle-ci, mais aussi qu’ils sont infus dans les survivances de cette mentalité en pleine époque moderne — en apparence laicisée, complétement désacralisée. Et quelle preuve plus éclatante de l’existence de l’invariant anthropologique, de sa survie, de la poursuite de sa carrigre méme dans ces conditions, que ses réapparitions, ses prolongements ou ses camouflages sous des formes plus ou moins dégradées dans I'actualité psychique de l'homme contemporain, dans ses créations artistiques, dans sa culture de masse (héros mythisés: James Bond, par exemple)? Cette anamnesis moderne® trouve une vérification 3 Essais de littérature (vraiment) générale, 3° éd. (Paris: Gallimard 1975) 72; Mes contre- poisons (Paris: 1975) 189 4 Fernand Baldensperger, ‘Littérature comparée: le mot et la chose,’ Revue de littérature comparée 1 (1921) 20 : 5 Jan de Vries, ‘Les Contes populaires,’ Diogéne 22 (1958) 16-17; Heroic Song and Heroic Legend (London: Oxford University Press 1963); Mircea Eliade, ‘Les Mythes et mes contes de fées,’ Aspects du mythe (Paris: Gallimard 1963) 233-44; Nora K. Chadwick and Victor Zhirmounsky, Oral Epics of Central Asia (Cambridge: Cambridge University Press 1969) 26-78 6 Mircea Eliade, Aspects du mythe (Paris: Gallimard 1963) ch. 1x, ‘Survivances et camouflages des mythes,’ 197-232 ; ‘Sur la permanence du sacré dans l'art contemporain,’ XX° siécle 24 (1964) 3-10 Etiemble, la typologie des invariants et la littérature comparée / 325 supplémentaire dans certaines analyses structuralistes o¥ la ‘grammaire’ des narrations mythiques opére — entre autres — elle aussi avec des ‘archétypes’ et des ‘systémes correlés d‘invariants.’7 2. Il est impossible d’arriver aux rapprochements ou aux encadrements d'idées, de principes, de théories qui émaillent histoire de la pensée sans recourir 4 une autre catégorie d’éléments-relais qu’on peut appeler les in- variants théoriques ou idéologiques. Is se développent a partir des topoi: formules, schémas, paralléles, homologies, ‘idées-forces’ communes, etc. L'unité et Vordre théorique et systématique des idées — en dehors de toute influence ou circulation intratextuelle — est impensable et irréalisable sans le repérage des invariants théoriques ou idéologiques. Ceux-ci marquent et définissent les points de contact, d’interférence, de similitude ou d’identité entre deux ou plusieurs ‘pensées.” Etiemble, bien entendu, ne se prive pas de procéder de cette fagon. C’est ailleurs un domaine oi il donne libre cours non seulement a son érudition dépourvue de tout ballast, mais aussi a sa fantaisie associative, & son talent de ‘comparatiste.’ Car la faculté d’association — a la fois surprenante et légitime — est Vindice le plus sir de ce talent. L'arrigre-fond de cette démarche est la foi inébranlable dans I’unité de l’esprit humain, doublée d'une grande répugnance pour les engouements de I'heure, pour les sous produits idéologiques ou les lieux communs vieux comme le monde: ‘Tout coule,’ bien sdir, c'est un ‘bon mot’ d’Héraclite, mais aussi de Confucius; Vhonnéte homme qui ne se pique de rien, c’est du classicisme francais, du chevalier de Méré, sans doute, mais aussi de la sagesse chinoise. Comme la théorie des dénominations correctes qui s’approfondit chez Siun-tseu, qui est également exposée par Platon dans le Cratyle et tout semble indiquer que les deux doctrines ‘se sont développées chacune chez soi, chacune pour soi.’ Sans parler de I’‘athéisme’ des Chinois, ou du ‘taoisme’ de certains mo- dernes.® Ce jeu de rétrospections et d’actualisations idéologiques (dont I’ceuvre d’Etiemble est remplie) ne saurait étre réalisé sans l'utilisation sur la plus large échelle possible, des permutations et des homologies du type passé- présent/présent-passé, circuit herméneutique essentiel. C'est ce trajet, ce va-et-vient incessant qui autorise tous les recoupements, toutes les res- semblances et tous les rep@chages comparatistes praticables: ‘L’histoire du mot tao ressemble a celle de notre liberté entre le xvi" et le xx" siécle.’ La conduite du lettré (selon Confucius) ‘recoupe parfaitement notre cléricature selon Julien Benda.’ Une négresse musulmane du xx* siécle traduit ‘sans le 7 Mihai Pop, ‘La Poétique du conte populaire,’ Sentiotica 1 ii (1970) 117-27 8 Confucius, 111, 120, 240, etc. ; Savoir et goitt, 165, 244; Quarante ans de mon maoisme (Paris: Gallimard 1976) 130, 397; L'écriture (Paris: Gallimard 1973) 131 ; ‘Préface a Maurice Chappaz,’ Pages choisies (Lausanne: Gallimard 1977) 16 326 / Adrian Marino savoir les sentiments d'un protestant francais du xv‘? et ainsi de suite. Ces rapprochements vertigineux qui frisent le paradoxe (et qui exaspérent les historiens méticuleux des rapports de fait, sans parler des ‘sourciers’ attitrés) ne s‘expliquent que par cette technique de 'invariant théorique et idéologique poussée jusqu’au bout et sans inhibition aucune. Etiemble se livre aussi — et copieusement — au jeu des comparaisons idéologiques fortement personnalisées (chefs d’écoles, créateurs de sys- temes, initiateurs de méthodes). Le cété surprenant, d’ ‘avant-garde,’ ‘choquant,’ disons le cété ‘Picasso’ de ce procédé, tient du fait que l'un des deux termes du nouveau rapport établi est complétement, superbement ignoré par les comparatistes ‘européens’ de stricte observance. Ceux-ci sont parfois pris par le vertige dés qu’ils se voient entrainés dans de pareilles terra incognita. Si Confucius, disons, supporte tant bien que mal le rapproche- ment, sinon I’identification avec Socrate, Montaigne, Spinoza, que dire d’Ibn Khaldoun quia ‘inventé’ la sociologie quatre siécles avant Montesquieu? Ou de I’empereur K’ang-hi.qui est sans doute le ‘Louis xiv de la Chine’? Ou encore du philosophe Wang Tch’ong, ‘une facon de Lucien, de Voltaire chinois’? Ou du célebre Lao-tseu, ‘un Rousseau a la puissance n’ qui exprima ‘plus radicalement le méme dégoiit des arts et des sciences, comme ennemis du perfectionnement de l’homme?’!® Pour juger du bien-fondé de ces homologies il faut connaitre a fond le domaine chinois. Or, celui-ci reste encore entouré (pour les comparatistes d'abord) d’une grande muraille. Pourtant cette méthode de rapprochement est non seulement légitime, mais aussi — au niveau de la généralité telle qu'elle est professée par Etiemble — pleinement probante. Car s'il faut juger sur pitces, il faut fouiller avant tout le dossier que nous présente Etiemble lui-méme sur telle ou telle affaire. Il sait d’ailleurs toujours extraire des éléments de comparaisons éclairantes, suggestives, par une technique heuristique qui lui est propre: la trouvaille d’une équivalence moderne, parfaitement connue, donc accessible, projetée d’un coup et rétroactivement sur une situation, une idée, un personnage ‘inconnus’ etc., qui offrent pourtant un maximum de similitude et qui peut donc forcer I’adhésion du lecteur. L’argumentation démarre toujours a partir d'un élément censé étre parfaitement maitrisé par l'interlocuteur. Si I’on connait la définition des sophistes grecs, la conclusion s‘impose d’elle-méme: ‘Les sophistes chinois trouvaient chacun pour soi et quasiment mot pour mot les arguments, les arguties des sophistes grecs.’ Méme situation pour les ‘libertins’: il y a aussi des ‘libertins’ chinois, musulmans, russes, etc. Mencius? ‘Il pense comme 9 Confucius, 158; Mes contre-poisons, 243; Essais ..., 211 10 Connaissons-nous la Chine? (Paris: Gallimard 1964) 9, 52, 86; Confucius, 93, 198; ’Mon- tesquieu,’ Histoire de littérature, m, 670; ‘Préfacea Lao-tseu,’ Tao té king (Paris: Gallimard 1967) 48 Etiemble, la typologie des invariants et la littérature comparée / 327 ceux de nos “‘philosophes” qui opposaient aux tyrans les souverains éclairés.’ Qui pourrait dire que ces notions ne sont pas pour nous trés connues, accessibles, etc.? D’ailleurs, les affinités et les ressemblances entre Vaffaire Calas et celle de j’accuse sont plus qu’évidentes''! et ainsi de suite. Tout se joue au niveau de la généralité trouvée et acceptée par les partenaires de ce dialogue intellectuel Quoique Etiemble ne cite jamais ses éventuels prédécesseurs (ignorés ailleurs en toute bonne foi), sa méthode a sur ce point précis de frappantes analogies avec certains aspects de I’ ‘histoire des idées’ telle qu'elle est pro- fessée par Arthur O. Lovejoy et son école: trouver des unit-ideas, des primary ideas, c’est-a-dire des éléments simples, irréductibles, qui peuvent étre parfaitement isolés, dénombrés, inventoriés et retrouvés dans deux ou plusieurs théses, principes, systemes de pensée, '? etc. dont le rapport textuel n'est ni nécessaire, ni constaté (sophistes chinois = sophistes grecs). Il y a des topoi théoriques: vox populi, veritas filia temporis, etc., qui surgissent un peu partout, sans contacts directs prouvés, par une récurrence qu’on peut considérer comme intrinséque. Nombre d’‘histoires intellectuelles’ actuel- les, celles de Crane Brinton par exemple, ne procédent pas autrement, méme si l’enquéte ne porte que sur I’ espace européen oti certaines ‘généralisations’ témoignent d’une ‘continuité frappante.’! Sila coincidence philosophique et idéologique est démontrée dans une zone culturelle quelconque, rien n‘em- péche la généralisation du méme procédé, son extension a l'ensemble des données de la pensée. Le postulat du fond intellectuel commun de I’humanité est une fois de plus impliqué. La difficulté majeure a laquelle se heurte Etiemble (et non seulement lui) est de faire accepter ce genre de préoccupa- tions parmi les recherches comparatistes. On constate cependant, il est vrai assez rarement, des appels formulés dans ce sens: ‘Si nous savons accueillir dans la structure de notre discipline la notion de coincidence, de simultanéité, comme primordiale, nous nous trouvons en possession d’un instrument de tout premier ordre pour détecter les régles qui ordonnent la vie de I’esprit.’14 A la suite des travaux de Curtius, la topique des idées commence, elle aussi, & pénétrer dans les ‘manuels’ comparatistes les plus ouverts. 'S Et qu’est-ce, au demeurant, que la notion ‘d’invariant culturel’ — telle qu’elle est définie par a1 ‘Préface’ Julien Benda, La Fin de l’éternel (Paris: Gallimard 1977) 11; Essais ... , 122; Confucius, 173; Mes contre-poisons, 169 12 ArthurO, Lovejoy, The Great Chain of Being (New York 1960) 3~4; Essays on the History of Ideas (New York 1960) 9, etc 13 Crane Brinton, La Formation de l'esprit moderne, tr. fr. (Paris: Gallimard 1958) 296-7 14 Constantin Th. Dimaras, ‘Les Coincidences dans I’histoire des lettres et dans I’histoire des idées,’ Actes du IV! Congrés de !'A.1LL.C. (La Haye-Paris: Mouton 1966} 11, 1230 15 Claude Pichois-André M. Rousseau, La Littérature comparée (Paris: Armand 1967) 96; $.S. Prawer, Comparative Literature Studies: an Introduction (New York: Duckworth 1973) 59 328 / Adrian Marino un Raimond Panikkar (dont le point de départ est justement ‘une forme commune de pensée qu’on retrouve a travers toutes les traditions culturelles de ‘humanité’) — sinon justement I’ ‘invariant’ d’Etiemble, rencontré une fois de plus dans la pensée ‘scolastique’ de partout?"* 3. Le chapitre comparatiste par excellence est, chez Etiemble, celui des invariants littéraires proprement dit: l'ensemble des éléments ‘textuels’ dont la stabilité, la continuité, la répétition — en dehors de toute contamina- tion — assurent I’unité transhistorique de la ‘littérature’ dans le sens le plus large du terme: la totalité des ceuvres orales et écrites ayant une finalité artistique intentionnelle ou attribuée. Chaque fois qu’Etiemble se lance dans des considérations ‘généralistes’ sur la littérature, il vise a l’'universel et, partant, a l’essentiel et au permanent: ‘... Comme de tout temps, les roman- ciers du xvi siécle ne chercheraient qu’a redresser des mceurs ...’, ‘tous les romans se piquent de moraliser,’ ’... tout auteur de confessions,’!7 etc. Le fond littéraire commun est encore mis en évidence au niveau de Vimaginaire, des schémas traditionnels, des catégories, des typologies, de la polygenése, Images, mythes, themes, héros, genres et autres éléments de cette nature illustrent le grand jeu des analogies et des synchronies, des simultanéités, des coincidences, des paralléles et des similitudes qui se rap- prochent de l’identité intégrale. Etiemble nous convoque & un surprenant spectacle: celui de la littérature universelle en tant que réalité constante ayant pour base les a priori del'imaginaire, produits de I’acte poétique quin’a pas changé au cours de I’histoire et qui ne peut changer d’une maniére radicale. Cette constatation autorise Etiemble 4 mettre en relief de ‘nom- breux themes de I’imagerie universelle,’ des images qui reviennent, qui se répetent, a |’Est et 4 l'Ouest, a des milliers d’années de distance. Des ‘stocks d'images que s‘interdisent les surréalistes, sont employés par les poétes irlandais de fagon trés surréaliste.’® Ou encore: ‘Bien des comparaisons accumulées dans le Tapis de pridre en chair se retrouvent loin dans la Chine, dans les autres ouvrages relatifs & l'amour, la chaussure et son pied, le cheval et son chevalier, le jardin et son jardinier, la guerre, le siége. Jusqu’au Muero porsque no muero dont, apres tant de mystiques espagnols, arabes, hin- douistes, Li Yu son tour nous régale: ‘cet éventail me fait mourir sans que je meure.’!9 On se rappelle la technique du repéchage, de la découverte des précurseurs, des anticipations: toute catégorie ‘moderne’ ne peut procéder, 16 Raimond Panikkar, ‘Apologie de la scholastique,’ Diogéne 83 (1973) 106, 113 17 ‘Prosateurs du xvin sitcle,’ Histoire des littératures (Paris: Gallimard 1958) 1m, 824, 825 ; ’Préface’ 4 Romanciers du XVIII* siécle (Paris: Gallimard 1965) , xv 18 Quarante ans de mon maoisme, 228; Essais ... , 214~15 ; Poétes ou faiseurs? (Paris 1966) 206 1g Essais ...,111 Etiemble, la typologie des invariants et la littérature comparée / 329 pour trouver sa vérification qui la confirme, que par rétroaction et par recoupement. Malgré son style qui peut sembler souvent paradoxal, Etiemble plaide — une fois encore - un bon dossier comparatiste. Et assez ancien, semble-t-il, puisque A.N. Veselovski faisait entrer dés 1870 dans I’étude comparée des littératures ‘les séries de formules inchangées qui remontent loin dans Vhistoire, depuis la poésie contemporaine jusqu’a l’ancienne, l'epos et le mythe.'?° L’étude ultérieure des topoi, des clichés, des motifs, etc. subit une orientation nettement comparatiste dés qu’elle dépasse une ou plusieurs frontitres nationales et débouche sur les ‘lieux communs internationaux.’?! Le terrain privilégié de ces vastes enquétes est, comme on le verra davantage par la suite, la littérature a formes stéréotypées, collectives, traditionnelles, orales, primitives, ‘folkloriques.’ Dans ce dernier domaine surtout, la notion dinvariant, d’ailleurs employée, est de l’ordre des évidences.?? Son équiva- lent anglo-saxon est, sans doute, le framework ou le basic pattern, termes qui ont recu, eux aussi, droit de cité dans des recherches et des théories comparatistes plus récentes.?3 Dans chacun des cas invoqués l’analogie des images, des themes, des types, etc. — sans contact direct — est présupposée comme réalité de base. Celle-ci légitime l'ensemble de toutes les com- paraisons établies. La relation mythe-histoire-récit fabuleux-épopée devait donc attirer d’autant plus l’attention d’Etiemble qu’elle confirme — et brillamment (de concert d’ailleurs avec I’érudition comparatiste la plus stricte) — l'apparition des mémes scénarios et des mémes schémas directeurs, des mémes themes ou types héroiques. On peut parler in extremis d’une sorte de ‘génération spontanée’ (nous y reviendrons) qui plonge ses racines dans un fond ancestral commun attribuant aux personnages exemplaires les mémes gestes ini- tiatiques, les mémes actes, la méme biographie symbolique. Non que dans certains cas précis, la circulation des thémes soit impossible, interdite ou improbable. César, on le sait bien, est devenu, en effet, le héros de I’épopée tibétaine Gezar de Ling par exemple. Mais au stade de I’ epos populaire, deux invariances s‘averent incontestables: le héros se ‘formalise,’ il devient ‘exemplaire’ (traits et vertus paradigmatiques), tandis que son récit, qui se 20 Alexander Nikolaevich Veselovski, ‘On the Methods and Aims of Literary History as a Science,’ Yearbook of Comparative and General Literature 16 (1967) 42 21 Viktor Schirmunski, Vergleichende Epenforschung (Berlin: Akademie Verlag 1961) 1, 9 22 Mihai Pop, ‘Der formelhafte Charakter der Volksdichtung,’ Deutsches Jahrbuch fiir Volkskunde 14 (1968) 3, 6 23 Nora K. Chadwick and Victor Zhirmunsky, op. cit. 261 ; John Fletcher, ‘The Criticism of Comparison: The Approach through Comparative Literature and Intellectual History,’ Contemporary Criticism (London: Edward Arnold 1975) 126; $.S. Prawer, op. cit. 55, 58 330 / Adrian Marino transforme en épopée, en une forme de mythistoire, répéte a travers les temps et les espaces les étapes de toutes les épopées, asiatiques, francaises,>4 et ainsi de suite. Depuis les recherches de Louis Massignon qui a établi des identités essentielles entre la quasida arabe et l’épopée, de Georges Dumézil, une autorité pour tout le domaine mythistorique indo-européen et de V. Girmounsky qui a souligné de nombreuses analogies entre |’épopée homérique, la tradition épique vivante et les ‘chants’ épiques de I’Asie centrale,?5 ces genres de rapprochements sont devenus des acquis com- paratistes fermes et définitifs. Etiemble ne fait qu’extrapoler et généraliser des analyses textuelles extrémement poussées que personne ne conteste. II n'y a aucune raison, mais absolument aucune, pour: (1) ne pas assimiler ce type d’observations a la notion d’invariant ; (2) ne pas donner a l'invariant, ainsi congu et localisé, le libellé comparatiste. Devant ces données, la chronologie, la géographie, le ‘transmetteur,’ le ‘récepteur,’ les ‘rapports de fait,’ etc. exigent une mise méthodologique entre parenthéses pour la simple et bonne raison que ces approches n’‘expliquent’ pas toute une catégorie de faits. Comment se fait-il que les romanciers chinois, 4 l'abri de toute influence occidentale, ‘donnent a leurs chefs- d’ceuvre les formes mémes qui s’étaient imposées aux romanciers de notre xvur* siécle’? Comment éclaircir les coincidences entre le roman chinois et le roman réaliste européen? Les conditions historiques et sociales étaient-elles les mémes? Ou comment se fait-il qu’au Japon le roman fasse son apparition avant |’épopée, phénomene qui contredit toutes les théories européennes en la matiére?26 Les invariants du roman donnent la réponse, & condition de la définir et de la repenser dans les termes bien précisés. Le procédé-clé est celui de I'homologation heuristique, fonctionnelle, doublée de l’appellation con- trélée par le comparatiste, en l’occurrence par Etiemble lui-méme. On constate que I’essai ‘nait’ au Japon au xr sitcle et en France au xvi°, Pourquoi coller dans les deux cas la méme étiquette? Parce que le présupposé essai nous y oblige. La situation est la méme pour les nouvelles persanes et les nouvelles de Boccace (qui ont le méme ‘encadrement’), pour le conte oral et les ‘histoires’ (que le conteur européen narre en une ou plusieurs fois, voir également ‘les honei’ des siao chouo et de houa pen de la Chine), ainsi que pour les chansons spirituelles bouddhistes (vim'—x° siécles) et chrétiennes 24 Confucius, 79-80; Savoir et gout, 257 ; Podtes ou faiseurs?, 124,132 25 Louis Massignon, ‘Comment ramener a une base commune I’étude textuelle de deux cultures: arabe et la greco-latine,’ Lettres d’Humanité 1 (1943) 124-125 ; Georges Dumézil, Horace et les Curiaces (Paris: Gallimard 1942); idem, Du Mythe au roman (Paris: P.U.F. 1970); Nora K. Chadwick and Victor Zhirmunsky, op. cit. 271-399 26 Comparaison n'est pas raison (Paris: Gallimard 1963) 98-9; ‘Histoire des genres et littéra- ture comparée,’ Acta Litteraria v (1962) 206; Essais ... , 249 Etiemble, la typologie des invariants et la littérature comparée / 331 (xur*-x1v¢ siécles), I’6rotique comparée asiatique et européenne,?7 etc. Ce mécanisme généralisateur et terminologique est plus répandu qu’on ne le croit: ‘Le roman d’Arthur — se demande & son tour Robert Escarpit — qu’est-ce sinon un western médiéval.’2 L’anachronisme ne joue pas au niveau de l’homologie terminologique. Toute une tradition comparatiste fait d’ailleurs état d'une conception voisine ou trés semblable, méme si la notion essentielle d'invariant est, avant Etiemble, seulement impliquée, sous-entendue. Mais il est toujours nécessaire de situer ce genre de comparatisme dans son cadre comparatiste réel, souvent oublié. Répétons, encore une fois, qu’Etiemble ne fait que généraliser, théoriser et reprendre 8 son compte des observations em- piriques, fragmentaires, accidentelles ou marginales qui ont déja un certain age. Des qu’on parle de ‘coincidence multipliée,’ d’’indices analogues,’ comme Ia fait jadis F. Baldensperger, avec des preuves a l’appui,?? l'idée d'influence-rapport de fait est dépassée. Méme situation pour les similitudes, les simultanéités, les rencontres, si fréquentes dans histoire littéraire.*° Que les causes ou les conditionnements puissent étre (et souvent ils le sont) convergents, voire identiques, cela ne change rien a l’affaire, La similitude et la simultanéité sont bel et bien 1a, reconnues d’ailleurs méme par des positivistes endurcis comme D. Mornet, sans compter des com- paratistes beaucoup plus ouverts qui anticipent directement les themes d’Etiemble comme Paul Van Tieghem?! surtout, dont nous reparlerons. L’histoire des idées connait également ce phénomene.>? Pourquoi écarter ce genre d’observations du domaine comparatiste? I arrive qu’Etiemble emploie aussi dans le méme ordre de considérations une autre expression non moins grosse de conséquences: ‘Si l’on parvient quelque jour ~ remarque-t-il —a élucider sérieusement l'origine du roman, il faudra distinguer plusieurs geneses.’33 Nous voila plongés (ou plutot: re- 27 Mes contre-poisons, 47; Essais ... , 224; Préface a Le Sage (Paris: Gallimard 1973)1, 13; Quarante ans de mon maoisme, 186, 204 28 Robert Escarpit, ‘Lecture passive et lecture active, (1969) 267 29 F. Baldensperger, ‘Hypotheses et verifications en histoire littéraire,’ Helicon 1 (1938) 6; idem, ‘La Couleur des noms propres selon K. Ch. Moritz et M. Proust,’ Revue de Littérature Comparge 22 (1948) 329-39 30 Constantin Th. Dimaras, op. cit. u, 1227 31 Paul van Tieghem, ‘Influences et simultanéités en histoire littéraire,’ The Romanic Review xx (1929) 138-9; idem, ‘Premier Congrés International d'Histoire Littéraire,’ Bulletin of International Committee of Historical Sciences w, 14 (1932) 6-7 32 Unseu! exemple: G. Wylie Sypher, ‘Similarities between the Scientific and the Historical Revolutions at the End of the Renaissance,’ The Journal of the History of Sciences xxv (1965) 353-68 33 Essnis ..., 255 Bulletin des Bibliotheques de France 14 332 / Adrian Marino plongés) dans la controverse (qui a elle aussi une certaine tradition) de la polygenese, probleme deja effleuré. Les genres littéraires, et en général les formes de création littéraire, peuvent-ils surgir dans différents endroits ou centres sans communications possibles entre eux? L’hypothése lancée par J. Bédier (Les Fabliaux, 1893), acceptée de longue date par F. Baldensperger, connait, semble-t-il, un regain de faveur dans le sillage d’E.R. Curtius, dont les ondes de choc de ses travaux touchent aussi les comparatistes*® et les romanistes. Il peut y avoir un ‘rousseauisme’ immanent, éparpillé dans Yespace, sans Rousseau, un ‘ossianisme’ sans Ossian, etc. Sans entrer dans des détails qui n’ont pas ici leur place, soulignons cependant la convergence frappante des positions d’Etiemble et du grand romaniste Damaso Alonso?® (méme si ces deux esprits s‘ignorent mutuellement; argument supplémen- taire en faveur de leur thése) sur la possibilité des créations (et des inven- tions) simultanées et totalement indépendantes les unes des autres (Diderot a eu, lui aussi, cette remarquable intuition).37 En tout cas, la famille d’esprits dont fait partie Etiemble est assez nombreuse: elle comprend aussi des linguistes, des stylisticiens qui admettent sans difficulté la ‘polygenése.’38 Ces phénomenes s‘inscrivent dans le cadre plus général de la synchronie, qui autorise toutes les coincidences, les simultanéités et les polygenéses du monde. I] ne s‘agit nullement de diminuer la contribution d’Etiemble en montrant que parfois le comparatisme de la vieille école n‘ignorait pas, lui non plus, ce type d’observations et, partant, de recherches. Paul Van Tieghem se faisait méme un programme de signaler ‘entre écrivains qui s‘ignoraient mutuellement, ces synchronismes nombreux et frappants qu’ont provoqués les mémes tendances de pensée ou de style.’3? Cette solidarité méthodologique est encore renforcée par les adhésions a l’idée de ‘comparaison horizontale’ (entre les littératures), 4 l’opposé de la ‘com- paraison verticale’ (a l’intérieur d’une seule littérature), ou simplement par la mise en valeur des éléments ‘nombreux en commun’ qui existent entre les blocs interrégionaux et dans la littérature moderne dans son ensemble.4° 34 F. Baldensperger, op. cit., La Revue de Littérature comparée 1 (1921) 23 35 Maria Rosa Linda De Markiel, ‘Perduracién dela literatura antigua en Occidente,’ Romance Philology v (1951-2) 113, 116; Silvestro Fiore, ‘La Tension en Espagne et en Babylonic: évolution ou polygenése,’ Actes du IV’ Congrés de I'A.I.L.C. (Paris-La Haye 1966) 1, 982-92 36 Damaso Alonso, ‘Tradition or Polygenesis?” in M (odern) H (umanities) R (esearch) A (sociation) 32 (1960) 17-34 37 CE. Constantin Th. Dimaras, op. cit. 1, 1229 38 lorgu lordan, ‘Paralele stilistice diverse,’ Mélanges ... Jean Boutibre (Litge: Soledi 1971) 1, 783 39 Paul van Tieghem, Histoire littéraire de l'Europe et de! Amerique. De la Renaissance a nos jours (Paris: Armand Collin 1941) v : 40 Janos Hankiss, “Théorie de la littérature et littérature comparée,’ Comparative Literature: Etiemble, la typologie des invariants et la littérature comparée / 333 L'invariant sert ainsi de liant, de cadre et d’explication 4 toute une catégorie de faits dont la similitude peut étre imaginée comme étant disposée en cercles concentriques de plus en plus larges et libres. Cela ne veut pas dire que l'invariance disparait, mais qu'elle se dilue, devient moins précise, moins rigoureuse. Toujours est-il que, méme dans ce cas, la similitude est irréducti- ble a l’imitation. Elle reste alors, en effet, un fait, plus ou moins ap- proximatif, mais cependant un fait, un vrai fait. Et il arrive que des com- paratistes (Paul Van Tieghem et d'autres) n’hésitent pas 4 prendre en con- sidération ces ‘similitudes sans influences’ a c6té des ‘traits distinctifs,’ ‘les similitudes,’ les ‘contributions analogues’ a cété des ‘divergences.'*! Pour- quoi les exclure du champ visuel du comparatiste? D/autant plus que ces comparaisons réductrices offrent un encadrement & toute une série de phénoménes qui s’éclairent ainsi mutuellement et soudainement. II convient Wailleurs de retenir que ‘les analogies frappantes’ (textes chinois-textes européens) sont un fait d’observation critique assez courante, sinon ‘clas- sique,’ que l’analogie méthodologique figure déja parmi les méthodes ad- mises par les ‘manifestes’ comparatistes les plus orthodoxes. Le rapproche- ment met en évidence ‘un caractére commun et suggere dés lors un rapport de parenté et de développement entre groupes réputés étrangers jusque 1a.’4? Pourquoi donc s‘étonner si les derniers développements de la ‘doctrine’ comparatiste font une place de plus en plus large aux ‘analogies littéraires,’ aux ‘ressemblances’?43 L’invariant est justement |'élément qui justifie ces ‘analogies,’ celui qui ‘lie’ les ‘parties’ des ceuvres qui s‘identifient ou se recoupent en un ou plusieurs points trés précis. Le procédé est-il, au demeurant, ‘inventé’ par Etiemble? On ne le dirait pas, parce qu'il reléve d’une invariance méthodologique effective, vérifiée de longue date, millénaire, celle des ‘paralléles’: entre deux ou plusieurs séries de faits il y a des identités et des symétries évidentes, des rapports d’équiva- lence, de causalité, etc. Etiemble est frappé par l’identité Marie-Hécube,44 Proceedings of the Second Congress of the 1.C.L.A. (Chapel Hill: U. of North Carolina Press 1959) 1, 102; J. Neupokoeva, ‘The Comparative Aspects of Literature in the History of World Literature,’ Actes du VW’ Congrés de I'A.1.L.C. (Amsterdam: Swets & Zeitlinger 1969) 40 41 Paul van Tieghem, La Littérature comparée (Paris: Gallimard 1951) 190-1 ; Victor Gir- munsky, ‘Les Courants littéraires en tant que phénoménes internationaux,’ Actes du V" Congrés de I'A.I.L.C. (Amsterdam-Belgrade 1969) 4; Dionyz Duritin, Sources and Sys- tematics of Comparative Literature (Bratislava 1974) 161 42 Anatole France, La Vie Littéraire (Paris: Calman-Lévy 1889-92) 11, 85 ; F. Baldensperger, Littérature comparée, le mot et la chose, 14, 26 43 Claude Pichois-A.M. Rousseau, op. cit. 96; §.S. Prawer, op. cit. 55; M.B. Chrapcenko, “Typologische Literaturforschung und ihre Prinzipien,’ Aktuelle Probleme der vergleichen- den Literaturforschung, hgb. von Gerhard Ziegengeist (Berlin: Akademie Verlag 1968) 20 44 Podtes ou Faiseurs?, 117-18 334 / Adrian Marino par bien d’autres exemples. Le probléme n’est pas 1a, bien sir, il s’agit de donner un certain statut ‘comparatiste’ stable, homologué, a ce genre d’in- vestigations. Le procédé remonte au moins a A.N. Veselovski (les parallélismes psychologiques des chants populaires, les développements paralléles cycliques sans emprunts, les séries paralléles de faits similaires, etc.), et a été appliqué sur une large échelle (exemple purement paradig- matique) dans les études sur la poésie orale épique (turque, de l’Asie Cen- trale, tibétaine, etc.).45 Il faudrait donc |’admettre tel quel dans la ‘littérature comparée.’ Voici une des définitions 8 retenir: ‘Ces manifestations paralléles et indépendantes n’offrent pas moins d’intérét que celles qui sont attribua- bles a des influences discernables; peut-étre méme en offrent-elles davan- tage, étant plus spontanées.’ On verra par la suite que l’intérét majeur de ces paralléles est de déboucher sur une théorie générale de la littérature. René Wellek adopte, lui aussi, ce point de vue. Nous y reviendrons. Voila pour- quoi ce point de vue justifie la comparaison des phénoménes linguistiques ou des genres historiques qui ne se trouvent pas en relation directe a I’aide des ‘paralléles.’ Cette approche est de plus en plus admise théoriquement, et méme trés suivie dans la pratique.*° La réduction de l'ensemble des caractéres communs détectés —ca et la — dans différentes littératures & une typologie a base d’invariants est une autre conséquence légitime qui résulte de la méme motivation logique et heuris- tique. On la retrouve également dans la pensée d’Etiemble, pour qui les grandes catégories des Essais de littérature (vraiment) générale: la Weltliteratur, la littérature cléricale, orale, érotique, libertine, symboliste, l’épopée, le lyrisme, la nouvelle, le roman, la critique, etc. constituent aussi des types littéraires, des ‘modéles,’ des structures stables, des schémas généralisateurs, réalisés & l'aide des similitudes, des analogies et des con- vergences, bref, des identités invariantes. ‘Dans l'histoire de la littérature universelle — écrit V. Girmounsky, qui semble parfois partager I’opinion de Georges Dumézil, le maitre a penser d’Etiemble en matiére de “parallélismes’’ — l'on rencontre des analogies historico-typologiques ou convergences de ce genre beaucoup plus souvent qu'il est généralement admis.’47 L’évidence force les analogies typologiques indépendamment des 45 Alexander Nikolaevich Veselovski, op. cit: 38; Nora K. Chadwick and Victor Zhirmunsky, op. cit. 263-4, 299 46 Paul van Tieghem, ‘Influences et spontanéités en histoire littéraire,’ The Romanic Review xx (1929) 140; René Wellek, ‘Name and Nature of Comparative Literature,’ Discrimina- tions (New Haven and London: Yale University Press 1970) 19; S.S. Prawer, op. cit. 52;D. Durigin, ‘Die wichtigsten Typen literarischer Bezichungen,’ Aktuclle Probleme der ver- gleichenden Literaturforschung, 51 47 Victor Girmounsky, ‘Les courants littéraires en tant que phénoménes internationaux,’ Actes du W’ Congres de I'A.1.L.C. (Amsterdam-Belgrade: Swets & Zeitlinger 1969) 4

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