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- 10000-XIV® SIECLE fa ca | Cette thése n’a pas convain- cu nombre dhistoriens, dont Braudel lui-méme. Ainsi, dans Lislam dans sa premiére grandeur Bagdad, ¢ de U économi (Flammarion, 1971), Maurice Lombard défend la thése d'un musu mane apport musulman au renou- . be veau d’un monde occidental Fondée en 762, Bagdad devient le centre de ‘empire enuaeernsalon depulsilaisnidu x V* sigcle. Lorsque I’'Occident se musulman du Vill* au X° siacle. Elle est le creuset réveille, & partir du X¢ sigcle, les des savoirs antiques et des échanges eurasiatiques. contacts avec le monde musul- man- méme conflictuels lors des croisades - contribuent a ce ¢ 762, date de sa fondation par les Tenouveau comme l'émergence du capitalisme Abbassides, a sa destruction brutale parles marchand dans les cités italiennes. ‘Mongols en 1258, Bagdad est sans doute la plus grande et la plus riche capitale du viewx Une pointe avancée de la civilisation monde, assurément une “ville lumiére’», écrit Femand Mais surtout, au-dela de ce débat « européano- Braudel, dans sa Grammaire des civilisations (1963). européen », nul ne conteste que le monde musulman Cependant, vu d'Occident, 'age d’or de la domination ait constitué une pointe avancée de la civilisation musulmane n'a pas toujours été percu positivement. mondiale entre le VIII° et le X* siécles. Il a contribué Fernand Braudel se souvient avoir suivi en 1931, alors Un) These que Hens Pirennereprend dans Mahomet et Charlenagne en 196. quil était jeune enseignant ‘Alger, les conférences du grand historien économiste belge Henri Pirenne : « Il exposait ses idées sur la fer- ‘meture de la Méditerranée a ‘lasuitedes invasionsmusul- © ‘manes. Ses conférences mont aru prodigieuses: dans sa main ouverte ou fermée, tour jeeme ite: 10000-XIV" SIECLE > a rassembler et a féconder les connaissances méditerra~ Les pionniers du « clearing » Ltunité linguistique va facili- ter les fusions, transmissions et dépassements, a travers Vempire, des héritages des quatre grands poles civilisa- tionnels de l'Ancien Monde : les poles chinois, indien, proche-oriental et gréco- romain. De la fondation a Bagdad vers 820 de la Mai- son des sciences par Ma’mun a la mort du grand philo- sophe aristotélicien Averroés a Marrakech en 1198, quatre sigcles durant, le monde mu- sulman féconde le savoir universel en mathématiques, néennes et asiatiques et a dé- ‘cCapitalisme, le motnnestpas tellement veloppé le commerce mondial —_gnachronique. D'un bout a autre du domaine une échelle jusque-ti inédite. __planétairede slam, a spéculation sures mat- Ce role clé dans l'histoire —_¢handises n'a pour ainsi dire plus de mites. Un des apports entre civilisations, ‘auteur arabe, al-Harir, fait dire & un négociant : et en particulier des apports “Je veux porterdu safran persan ala Chine, 00 économiques, le monde mu- _falentendudire qu'la un grandprix, et ensuite sulman le doit d’abord 41a de aporcelaine de Chine en Gréce, du brocart conquéte elle-méme et la grecdans/'nde, de 'acerindlen a Alep, du verre nature comme 4 I’ampleur ‘Alep dans le Yémen et des étoffes rayées du Yé- de celle-ci. Elle a été facilitée _menen Perse.." ABassora, es réglements entre par les révoltes endémiques __marchands se font suivant le principe méme des peuples sous domination _dece qu'on appelle aujourdhul leclearing. » byzantine et perse, ainsi que Fernand Braudel, Grammaire par la dislocation antérieure des civilisations, Flammarion, 993 de empire romain d’Occident. Cette expansion a été rapide, ‘sans guére de destruction matérielle ni de désorga- nisation politique et sociale. Elle a été respectueuse des communautés religieuses juives et chrétiennes, moyennant impot, et a vu les populations conquises fournir les cadres des administrations et apporter eur culture 4 un creuset commun. Les atouts de l'unité linguistique D’abord méditerranéen, le monde musulman se rééquilibre vers I’Asie au milieu du VIII* siécle, quand la Damas des Omeyyades est supplantée comme capitale par la Bagdad des Abbassides. II s‘imprégne alors des civilisations mésopotamienne ct perse, riches de leurs contacts avec I'Inde, 'Asie centrale et la Chine. De Gibraltar au Pamir, I'empire musulman Sadapte au gré de ses rencontres avec les différents peuples. Malgré ses divisions, il fonde une civili- ‘sation commune autour du Coran et de sa langue, arabe, promue langue officielle la fin du régne des ‘Omeyyades. Cette unité linguistique permet 'unité intellectuelle et économique. Cest en arabe que les marchands juifs commercent, c'est en arabe aussi que le fils de Haroun al-Rachid (le calife des Mille et une ‘nuits), Ma'mun (qui regne de 813 4 833), fait traduire des milliers d'oeuvres étrangéres, surtout grecques, Tecopiées sur du papier de coton (inventé par les Indiens), bien moins coiteux que le parchemin. LES DOSSLERS o'knematves Exonaemns Pirate 1 octse 258 astronomie, mécanique, méde- cine (pensons a Avicenne et son Canon de la médecine, écrit au XI° siecle), etc. Et ceci avec le souci de trouver des applications prati- ques, comme le souligne en 825 al-Khawarizmi = dont lennom est a origine du mot « algorithme » -, dans son ouvrage fondateur sur l'algébre : « Jai condensé dans cet ouvrage la science du calcul, Cest que, dans la pratique, les gens ont besoin dees notions dans les opérations ayant pour but d’évaluer une surface, de releverle cours d’un fleuve, de tracer le plan d'une construction et autres procédés pratiques. » Sur le plan spécifiquement économique, le monde arabe est un centre innovant de production et d'échanges. On oublie trop cette intense produc- tion du monde musulman. La production agricole méle cultures méditerranéennes, mésopotamiennes et asiatiques, apportant de nouvelles cultures dans les zones humides : riz (dont la production aug- mente considérablement sous les Abbassides), dates, canne sucre, bananes, abricots, agrumes. Lélevage est destiné a la nourriture (ovins, buffles, Volailles, abeilles), mais aussi a lartisanat du cuir et dela laine, ainsi qu’au transport : chameaux ¢’Asie, dromadaires d'Arabie et chevaux turco-mongols s¢ répandent dans le monde arabo-musulman. Dans V'artisanat, le textile domine et offre une grande diversité : tapis, tissus en laine, soie, CO” ton, lin, étoffes luxueuses brodées de fils d'or 0U argent, La métallurgie du fer et surtout celle du cuivre sont trés développées, ainsi que celles de Vor et de l'argent en orfevrerie et en bijouterie. Le papier, connu depuis la prise de Samarkand, asa premiere manufacture a Bagdad, en 794, Chéques et lettres de change Cette économie repose aussi sur un important commerce. D'abord a l'intérieur meme de l’es- pace musulman, oi un réseau de grandes villes concentre les flux : d’est en ouest, Samarkand, Boukhara, Bagdad, Damas, Le Caire, Kairouan, Palerme, Fes, Cordoue. Mais aussi a l’extérieur, avec l’Asie, l'Europe et Afrique pour importer ce qui manque : bois, fer, armes et fourrures, Les grands commercants musulmans, juifs ou armé- niens exportent ou réexportent vers l'Occident les produits de luxe de Orient musulman, d’Inde et d'Extréme-Orient ; tissus rares, orfevrerie, ivoire, suere, épices, soie, or et parfums. Disposant @importantes mines d'or dans le sud de l'Egypte et prés de la mer Caspienne, et s'en - 10000-XIV® SIECLE & Procurant a bon compte au Ghana et en Afrique orientale, les califes omeyyades, puis abbassides frappent en abondance les dinars d'or (mais aussi des dirhams d'argent, grace aux mines persanes) ui stimulent les échanges intercontinentaux. Afin éviter les transports de numéraire, les banquiers commercants inventent des systemes de paiement Gifféré dans le temps (cheques) et dans l'espace (lettres de change). Routes commerciales terrestres et plus encore maritimes - mieux connues grace au Perfectionnement de I'astrolabe et a la boussole, venue de Chine ~ permettent d’approfondir la connaissance du monde décrit par Claude Ptolémée au Il siécle Apres le XI siecle, avec I'éclatement du monde musulman, suivi de invasion mongole, le centre de gravité de l'économie mondiale bascule vers ! Oc cident. Venise, dont la fortune commence grace au commerce avec Orient, va pouvoir prendre le relais avec les autres grands ports italiens et ouvrir la voie au capitalisme marchand occidental. acy. Aux origines du capitalisme, les cités-Etats Dans la deuxiéme moitié du XIle siécle, la Ligue lombarde et la Hanse germanique symbolisent l'essor des cités marchandes. Deux exemples de villes qui ne se plient pas au pouvoir politique des princes. premiére vue, ce qui se passe en cette deuxiéme moitié du XII" siécle sur les rives du Po n’a pas grand-chose a voir ‘avec ce qui survient au méme moment €n mer Baltique, L'Italie du Nord est alors au centre de la rivalité entre ’empereur germanique et le Pape, Lempereur, issu de la dynastie des Staufen, est contesté par des féodaux en terre allemande et confronté a la montée en puissance d'une Eglise dont il ne nomme plus le pape et les éveques. Il tente de reconqué- rir son pouvoir perdu sur la terre alors la plus riche d'Europe : Mtalie du Nord. Mais lorsque Frédéric I Barbe- rouse, empereur de 1152 & 1190, se porte au-dela des Alpes, il se heurte non seulement a une Eglise décidée a se défendre, mais surtout a un nowvel adversaire qui va se révéler de taille : les villes marchandes. Ces villes, naguére gouvernées par des seigneurs - des évéques a la main de l'empe- reur =, ont profité de laffaiblissement du pouvoir » DORSTERS Atenas onumoon bas ‘Hors-séiie nt 7- octobre 2018

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