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ou par > NAT, Best); a5 s2€ se s2€ s2€ | NRT 136 (2014) 177-195 Y. SIMOENS SJ. La réévaluation historique du quatritme évangile! La fiabilité historique du quatritme évangile a été réévaluée, ces demitres années, du point de vue de son information sur Jésus et sur ses disciples?. Un sondage partiel lié aux limites imposées par cette communication permettra de verifier la pertinence du travail exégétique en la matitre. I. —Le prologue (Jn 1,1-18) Pour la question qui nous occupe, Craig S. Keener’ centre Patten- tion sur Jn 1,14b que je traduis: militent pour Phistoricité de l’événement rapporté. L’auteur cité le justifie en étudiant la portée d’«admirer» et de «gloire» dans les sources, tant hellénistiques que juives, de Pépoque. Le rapport 3 la Sagesse et 4 Palliance dans Ancien Testament Ii permet de souligner la portée historique de assertion, grice au caractére historique des textes cités. Ceux-ci font Pobjet d’une critique, encore débattue en ce qui concerne le Pentateuque surtout. Il faut prendre en compte le genre épique des récits sur Abraham, Moise et les tra- ditions de Palliance, comme le processus complexe des traditions dans la transmission des textes. La demnitre phrase de sa conclu- sion ne laisse planer aucun doute sur histoire reflétée par le texte johannique: La fixation de Jean sur la révélation en ce Jésus qui vint dans la chair, mis en évidence de fagon exemplaire dans Phistoire qu’il rap- porte en son évangile, suggére qu'il a poursuivi Je méme but pour son propre récit. affirmation sur la venue dans la chair du Verbe et sur la vision de sa gloire n'est pensable que dans la foi, méme'si elle peut relever d'une investigation a-confessionnelle. Ii faut ds lors justifier le caractire historique de Pacte de eroire que suppose Jn 1,14. C’est Je point sur lequel je voudrais pour ma part attirer I'attention. L’entreprise est facilisée parce que auteur du quatriéme évangile y a pensé avant nous, Selon Venchainement des versets du prologue, la mention de Pincarnation ne survient qu’au terme des deux versets précédents, les plus discutés et les plus controversés du prologue, sans doute parce quis en constituent le centre litéraire er tbcologique. Je les rappelie dans une traduction qu'il faudrait justifier davantage, mais ce n’en est ici ni le lieu ni le moment: *qutant qui le (le Verbe lumire: v. 9) regurent, il eur donna pou- voir, enfants de Dieu, de devenir, & ceux qui croient en son nom, 4. Pour la justification de cete traduction, voir Y. SMOENS, Selo Jean 2 Une interpréeacion, coll LET, 17, Browlles, 205% p. 41-42. 53) GS. Kenan, «We Beheld His Glory, dans BLN. Anderson. Job Jesus and History (ite. 2), v0.2, p25. eux qui, non de sangs, ni de volonté de chair, ni de volonté @homme, mais de Dieu furent engendrés Irénée surtout a retenu la lecture au singulier du v. 13. Le contexte de ce choix est la défense de la conception virginale de Jésus contre les gnostiques docetes et les ébionitest, L’interprétation, légitime, est cependant marginale par rapport i ce que veut mettre en relief Ja legon, de loin la mieux attestée en critique textuelle, du verbe dyewsnaay au pluriel, qui conclut le verset. C’est aussi un beau cas de lectio difficilior. 11 est en effet plus facile, jusqu’a un certain point car le mystére demeure, de comprendre que le Christ ne soit engendré ni des sangs — maternels: c'est la meilleure maniére de lite ce pluriel —, ni de voloneé de chair — masculine et féminine — ni de volonté virile — avBedc génitif singulier de ave, ne laisse aucun doute sur la volonté du pire humain, ici soulignée. Dans des cas de ce genre, il convient de ne jamais ignorer les diverses possibilités d’interprétation en présence. Adopter la legon au pluriel de l’engendrement divin en ’appliquant aux croyants n’oc- culte en rien le sens du singulier, au contraire. C’est parce que l'on peut dire @abord du Christ qu'il est engendré comme Fils du Pare, ’Engendrant, comme le comprendra la théologie trinitaire, quill est possible de comprendre aussi, et dans le prolongement une telle lecture, que le méme engendrement peut qualifier le croyant, L’interprétation est traditionnelle: le croyant est par grice ce que le Fils est par nature. Harnack, suivi par des exégetes contemporains de différentes confessions, prétendait qu'il y a ici tne interpolation indue qu'il faut supprimer. Certains théologiens de nos jours trouvent cette interprétation difficile parce que, s‘ils ‘voient bien que le croyant peut étre le lieu d’une régénération, ils se demandent comment on peut parler de «naissance> virginale & son sujet. C’est sans doute parce que le vocabulaire johannique nfopre pas cette distinction. Si le Verbe fait chair est engendré de Dieu, le croyant est aussi. L’affirmation est stupéfiante. Aussi Pauteur poursuit-il en montrant que cet engendrement divin du croyant n’est compréhensible qu’a la lumitre de incarnation. Lev. 14 suit pour déployer cette implication. Cest au titre d’une implication supposée, pour que le croyant soit considéré, non selon tne filiation adoptive — ce serait optique de Paul —, mais selon une filiation divine qui ne nie pas Ia génération humaine, bien entendu. Cette filiation divine se situe au niveau du réel de 6. A, ORBE, Introduction & la théologie des 1 et 1 sitles coll. Patcimoines Cristianisme, t. 2, Paris, Cerf, 2012, p- 796-810; le texte d'rénée se trouve dans Adv. Haer,, Ul, 19,2, 29s, SC 211, p. 375-377. 180 Y. SIMOENS Ja foi, du «croire>, comme préfére le dire le texte johannique. Elle suppose ’incarnation. Cette discussion nous plonge au coeur de la question qui nous occupe. La vie du «croire>, loin d’exclure Phistoire et ses exigences, nous situe dans «l’actualité historique»’ du croyant. La recherche historique sur lEcriure et sur le quatrime évangile, en Poceur- rence, est suscitée par le désir de comprendre la foi dont ils repré- sentent des relais majeurs. Cette recherche fait partie, dans la Tradition, de intelligence de la foi pour en rendre compte dans un monde sécularisé qui porte la marque de I’héritage chrétien. La réévaluation historique du quatritme évangile procéde d'un tel horizon culturel. Elle force 4 redécouvrir la dimension historique de son axe majeur: la foi vécue, Pacte de croire. La réévaluation historique de I’évangile johannique coincide donc avec la rééva~ luation de existence historique des croyants. L’évaluation histo- rique du quatritme évangile ne peut ainsi s’opérer sans Pévaluation historique de ses effets dans l’Eglise comprise comme «incarna- tion de surcroit», pour reprendre une expression d'Elisabeth de Ja Trinité. II s’agit en somme de prendre en compte la qualité d'une vie de foi qui rejoigne son sens johannique: V'identification du croyant au Verbe incarné, selon toutes ses composantes, du «-téhoc (Jn 13,15 ef. Ap 22,13). Réévaluer Phis- toire de Jésus selon Jean, c’est en ce sens réévaluer la théologie historique du quatritme évangile. Cette théologie est aussi une anthropologie du croire, si bien qu'il ne saurait y avoir, en pareille problématique, aucune opposition entre histoire et théologie. Son centre, c'est le rayonnement de la totalité du mystére du Christ dans Pexistence individuelle et communautaire, donc aussi historique, des croyants. La présence effective du Christ en faveur du monde et de Phistoire s’évalue grace aux croyants qui vivent de sa vie, La mise entre parenthéses phénoménologique de la résurrection pour des raisons méthodologiques, liées 4 Vinvestiga- tion historique, me semble, dans cet ordre d’idées, difficile sinon impossible. Les présupposés du croire font prendre en compte, dés le pro- logue, le témoignage de Jean dans les deux passages qui lui sont consacrés en Jn 1,6-8 et 1,15. La médiation du témoin Jean est indispensable & 'acte de croire. Lev. 7 est laconique et, de ce fait, 7, De Vactualté historique est lettre d'un ouvrage en deux volumes de G. Fss- SARD, qui a fait date: Paris, DDB, 1960. REVALUATION HISTORIQUE DU QUATRIEME EVANGILE 181 Enigmatique 4 cet égard. C’est souvent, comme nous le verrons encore par la suite, ce qui suscite attention et la recherche sur le texte johannique. Celui-ci vine pour un témoignage afin qu'il temoigne au sujet de Ja lumitre afin que tous eroient & travers lui 1¢ le croire universel de tous tienne au eémoignage de Jean, voila de nouveau ce qui semble bien constituer la ectio diffcilior du verset. C’est au point que V’on se demande si le pronom aizoi de la fin du verset ne pourrait pas avoir comme antécédent le Verbe lumitre ou éventuellement Jean, l’évangéliste, sur le nom duquel joue le titre du recueil et peut-étre le seul nom propre «Jean» dans le prologue. Comment donc le témoignage de Jean peut-il revétir une importance décisive pour Ie croire de tous? Le v. 15 apporte quelque élément de réponse. Jean témoigne & son sujet etil a erié disant: «Celui-ci était, que je dis: “Celui qui derriére moi vient, devant moi est devenu parce que (avant) moi, (le) premier, il ait”, Le verbe johannique. D’une part, le témoignage de Jean continue a étre indispensable au eroire. Jusque dans les récits de la résurrection, le croire est en effet suspendu au témoignage des disciples. Toute existence croyante dans ’histoire repose sur la qualité des témoins. D’autre part, le croire lui-méme se déploie sous deux axes complémentaires: chronologique et a-chronique, axe de la succession dans le temps de Jean qui vient avant Jésus et Paxe de la transcendance de Jésus par rapport au temps de Jean, qui le définit comme «premier», absolument parlant, eu Ggard & Jean parce qu’il est le Logos de Vorigine. Cette origine le met nécessairement en rapport avec la fin, Celle-ci suppose de nouveau la résurrection, selon la conception biblique de l’accom- plissement — apocalyptique — du temps et de l’histoire. La confession de foi, réduite 4 Dessentiel de Jésus, confessé comme Christ & la fin du prologue, au v. 17, ne laisse planer aucun doute Ace sujet. Le caractére a la fois historique et transhistorique de Pacte de croire s’en trouve ainsi valorisé. Il fait partie de la réévaluation 12 Y. SIMOENS historique du quatritme évangile. Pour le dire avec Ia force du paradoxe qui traverse ensemble du texte: plus on soulignera sa Eimension historique, plus aussi on sera forcé d’en souligner la dimension transhistorique. Ces deux dimensions indissociables font partie du message de Pévangile, La clé en est Pacte de croire en Jésus, confessé comme Christ. Cette réalité est historique et elle échappe & Phistoire en la fondant. Un certain nombre de détails au sujet du baptéme de Jean abondent en ce sens. IL. — Béthanie et Bethsaide Le dossier du baptéme est un des plus complexes du Nouveau “Testament®, En faveur de Phistoricité des traditions johanniques ce sujet, les toponymes ont fait objet d’érudes remarquables, ‘notamment sur Béthanie et sur Bethsaide. Sur Béthanie, un paragraphe de Jean-Christian Petitfils fait trbs bien le point. Ce bourg de Béthanie (Beith Ananiah, la «maison des dattes>”), en Pérée du Sud, sur la rive orientale du Jourdain (en note de bas de page 68: A ne pas confondre avec le village du méme nom, proche fe Jerusalem, ob vécurent Marthe, Marie et leur frére Lazare.), dont existence est signalée en 333 par un voyageur qu'on appelle «le palerin de Bordeaux», mais qui était sbandonné depuis Pépoque des Croisades, a été redécouvert en 1996 par une équipe d’archéologues jordaniens dirigée par Mohamed Waheeb, du département des Anti- fguités d’ Amman. Sur un tell situé en amont, & moins de deux kilo- ndtres du cours actuel du fleuve, des piers, des restes de murs, des céramiques et des monnaies du'T* sigcle ont &é mis au jour, non loin des fondations de deux élises postérieures du v'sitcle, l'une dédige & Elie, Pautre a saint Jean-Baptiste (cette derniére aurait &é construite par Pempereur byzantin Anastase). Une pierre gravée porte les lettres 1OY BATT, abréviation de Jean le Baptiste. Un peu 2, Voir 8. LECASSE, Naisance du baptéme, Lectio Divina 153, Pass, Cer, 1993 9, On peat aussi comprendce: «gr Bethania, hb Bete, "Maison du pauvee ow Matscn d’Amaniess apres O. ODELATS, R. SEGUINEAU, Dictionnaire des Soom propres dele Bib, Pais, Cert - DDB, 1978, p. 75:3 cee éponve, «Ja 128, [cates incercines Je prefre, quant imei, le sens de: “Maison di pauvie. TAinoe pots de Slime Ob Jean baptsse eparce que des eaux nombreuses il y SARMe 3.35) covreopond s deux eux diferent, locals en Somarie, prés GUourdan dans une zone sche en ea idenige&AinFarah & 12 km a nord Se Shem, selon M.-£. Bolsmard, sue par R.FaBRs ll quarto Vangelo come Sfonte” del Gest sorico» (8.2) p- 361, 19. REEVALUATION HISTORIQUE DU QUATRIEME EVANGILE 183, plus loin, cing bassins, alimentés par un réseau hydraulique com- plexe, attestent du site baptiste fen n, 20 en fin ce volume, p. 587: certains chercheurs (dont Bargil Pixner) ont vouiu placer Bethanie beaucoup plus haut, en Batanée, au bord du torrent Kerit (Yarmuk), zone soumise i Hérode Philippe. Mais cette hypothése s'est écrou- Iée depuis la découverce en 1996 du site de Wach Kharzar-]. Dans un paysage caillouteux et désertique, le site, au confluent du Jourdain et de la petite vallée du Wadi Kharrar, forme wne oasis 3 la végéta~ tion abondante, plantée de tamaris et de roseaux. Poursuivant leurs travaux, les archéologues y ont repéré les vestiges de onze églises et chapelles ainsi que des grottes ayant servi de retrattes 8 des ermites" Pour le rédacteur du texte, le lieu de Bétharie ne représente qu'une partie de la précision géographique qui lai importe. Dans les propos qui précédent, Jean se définit comme n’étant pas digne de délier la courroie de la sandale de celui qui vient derriére hui (Jn 1,27). La portée symbolique de la détermination lui vient d'un renvoi implicite a Rt 4,7, dans le récit de la relation dacquisition de Ruth par Booz selon le cadre de la loi du lév:rat. I s’agit d’un rite @alliance. Jean renonce au geste qui permeitrait & «celui qui vient derritre lui» d’acquérir ’épouse. Il ne s’estime pas digne de désigner cette personne encore énigmatique de Jésus qui vient & lui comme Pépoux de ’épouse. La symbolique nuptiale se trouve introduite par le témoin Jean dés avant la premiére apparition de ‘Jésus sur la scene de Phistoire (Jn 1,29). Avant donc que Jésus ne soit désigné par Jean comme «l’agneau de Dieu qui enléve le péché du mondes, il est implicitement introduit comme époux. Selon Ia figure stylistique qui lui est la plus chére: la prolepse, Pauteur du quatritme évangile anticipe ce qui surviendra lors du dernier témoignage de Jean en Jn 3,22-4,3a. En clair, Jean s’y présente comme Pami de I'époux en suggérant, toujours de maniére allusive, que Jésus est P’époux qui a Pépouse (Jn 3,29). Dans les deux pre- mitres phases de son témoignage, Jean nie étre le Christ, Elie et le prophtte, Il laisse entendre ainsi qu’il précéde celui qui seul peut étre le dépositaire de ces titres. Le tout est récapitulé par Pidentité de Pépoux, suggérée en Jn 1,27, grace au geste dont Jean ne s’estime pas digne. Sur Parritre-fond de Falliance vétéro- testamentaire, il ne peut s’agir que du Seigneur, I"Epoux de son peuple, "Epouse dans Palliance''. De multiples données historique- ment fiables se trouvent ainsi entrelacées au niveau du récit: elles font toutes appel au réel historique de la foi d’Israél. La tonalité 410, JC. Penrrus, Jésus (it n. 2, p. 68-69, 11, Ys 545; 61,105 J 2.25 11,155 31,225 Ex 165 23; Os 2,16-225 12,10; Am 5.25. 184 Y. SIMOENS énigmatique de leur suggestion fait partie de cette manitre sapien- tielle et apocalyptique @écrire. ‘Un travail analogue d'interprétation peut étre mené & partir de autre toponyme évoqué: Bethsaide. Une étude de Mark Appold’? révtle Pimportance de ce site pour cing disciples de Jésus, dans Vévangile johannique, de fagon explicite pour les trois premiers nommés: André, Simon Pierre et Philippe (1,43), de maniére implicite pour les deux fils de Zébédée (21,2) dont peut-étre Jean dans le disciple non nommé en Jn 1,35-40", La encore, les recherches archéologiques menées sur ce site ont approfondi les connaissances historiques 3 son endroit. Mais ce n'est de nouveau qu'un aspect de la réalité. Le méme texte nous fait plonger plus avant aussi dans la réalité historique de la foi d’Israél, véhiculée & présent parla présentation de Jésus ps Philippe & Nathan La formulation est si dense quelle se heurte & un blocage de Pinterlocuteur. “II trouve, Philippe, Nathanaél, et il lui dit: Ine s'agit pas ici de la retranscription du dialogue par un témoin de la sctne — qui serait-il? —, prise au vol sur des tablettes d’ar- gile™. Tl faut faire droit une créativité dans ’élaboration du texte. Elle suppose les traditions de la foi d’Israél, mais tout autant sinon plus encore le «croire» de auteur qui transmet I’évangile comme tune confession de foi et non d’abord dans un souci d’exactitude historique. Celle-ci n’est pas prise en défaut, mais elle n’est pas au premier plan des préoccupations. Ce qui domine, comme il est dit 12. M, Avpoub, «Jesus Bethsaida Disciples: A Seudy in Johannine Origins», dana PIN. ANDERSON... Jobn, Jesus and History (cin. 2),vo. 2, p.27-34 Voir Sess: HAW. Kuti, Did Jesus Stay at Bethouida? Arguments from Ancient Texts and Archaeology for Bethstid and et-Tells, dans ¥. Holmén, SE. Porte, ‘Handbook for the Study of the Historia Jesus (ite n.2), vl. 4, p. 2973-3021. Lrenguste exégetique et archéologque permet de sépoadre posiivement& la ‘ceston poste dans la premitre parte du tte, en identfiant aussi la Betsaide UUINT avec le lien des fouiles de eTell, "3. Cela ne veut pas encore dire qu'il sagsse du disciple que Jésus simait de Jn 1323 et 21,20. «Une énigme plane sur cetinnommé. Un el bane dans le texte ‘Re convientl pas de plus 1 auteur de evangile?» (¥. SMOENS, Selon Jean, 2, Gite 4p. 189-110) “4, Crane Pexpliestion proposée par J-C. PETTIS pour la rédaction de cet- tainesscdnes dela Pasion, qui comportent des erreurs grammaticales (és, cité 1.2. p. 307), Lhypothtse rappele celle du Chrat hébrew de C. TRESMONTANT en 1983, REEVALUATION HISTORIQUE DU QUATRIEME EVANGILE. 185 en toute clarté dans la premiére conclusion de l’évangile (Jn 20,30- 31), est d’aider & croire que Jésus est le Fils de Diew et qu’en croyant, les destinataires du message aient vie dans son nom. Ce propos de foi est historique et créateur d'histoire dans la foi vécue de ceux et celles qui y adhérent. Ge Jésus ici raconté est le Jésus de la foi des disciples. Et ce Christ est le Christ de Phistoire de ceux qui y ont cru. Pour conclure ce premier volet de Pinvestigation dans la ligne ainsi tracée, je voudrais faire droit 3 deux questions qui se posent A propos de ces premiers textes évoqués. La premiére concerne le baptéme de Jésus: baptisait-il, ne baptisait-il pas? Si non, la ques- tion est réglée dans la ligne de lincise en 4,2: «Cependant, Jésus, lui, ne baptisait pas, mais ses disciples». Et il faut quand méme sexpliquer sur la raison de cette incise. Si oui: comment? La deu- xitme touche au sens du «commencement des signes & Cana de la Galilée». Procédons par ordre. II. — Le baptéme de Jésus Jésus baptisait-il ou ne baptisait-il pas? La question est inéluc- table a la lumitre des textes (Jn 3,22.26; 4,1.2 — déja cité—3). 322 Aprés ces choses, il vint, Jésus et ses disciples, vers la terre judéenne, et Ih il séjournait avec eux et il baptisat. (...) % (De ses disciples) vincent auprés de Jean et ils lui dirent: «Rabbi, celui qui érait avec toi au-dela du Jourdain, 4 qui, tei, tu as témoigné, vois: celui-ci baptise et tous viennent auprés de hui» (...) *! Comme done il connut Jésus, qu’ils avaient entendu, les Pharisiens, que Jésus /le Seigneus/ faire baptise de plus nombreux disciples que Jean * cependant Jésus, ui, ne baptisait pas, mais ses disciples —, iL laissa la Judée et il s’éloigna de nouveau vers la Galilée. A la lecture de ces versets, il semble ne faire aucun doute que Jésus ait baptisé. Non & la maniére de Jean: d’un baptéme d’eau, ni a la maniére du baptéme des prosélytes au temple de Jérusalem, ni selon les rites d’ablutions rituelles de Qoumrin ou d’autres confessions religieuses comme dans le Gange en Inde. Jean est formel: Jésus baptise dans l'Esprit Saint. Selon Jn 7,39 pourtant: I n'y avait pas encore d’Esprit parce que Jésus n’avait pas encore é glorifié» Autre crux interpretum. Il est pourtant possible de s’expliquer. L’Esprit n’a pas encore été recu par les croyants Gn 7,38) parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié. II ne sera en effet livré par Jésus que dans sa mort sur la croix (Jn 19,30) et il ne sera proposé & la réception des disciples que le soir de Paques (Jn 20,22). Cela n’empéche pas Jésus d’étre ds son incarnation et Te début de sa vie publique le lieu de I'Esprit Saint. Il ne peut communiquer son Esprit qu’en étant glorifié. Mais cette glorifica- tion méme survient, selon les données de Jn 13 et Jn 17, en deux temps, avant sa Paque effective dans sa mort et sa résurrection. 1La glorification de Jésus prend en effet dans le quatritme évangile un sens particulier, trop peu explicité en général. Jésus ne com- munique par sa mort et sa résurrection que ce dont il dispose dés Porigine de sa relation au Pere. L’Esprit est cette relation. Das lors, en tout ce qu’il dit et fait dés le début de sa vie publique, il est en état de baptiser dans PEsprit Saint, Comment? Par sa parole cet par ses gestes!®, C'est une des motivations majeures pour racon- ter son histoire. Sa parole se déploie en relation et en dialogue avec les disciples, sa mere, ses partenaires, accueillants ou réfractaires, Nicodéme, la Samaritaine, le paralytique de Béthesda, Paveugle de la piscine de Siloé. Jésus plonge ainsi dans le tréfonds de son étre filial et fraternel pour faire entrer en cette vie qui est la sienne avec le Pare et avec autrui. Ses actes manifestent son autorité sur la créa- tion: Peau de Cana, mais aussi les corps des personnes qu'il ren- contre en les guérissant ou en les ramenant 3 la vie. C'est ce qui nous conduit au «commencement des signes a Cana de la Galilée>. IV. — Le signe de Cana Louverture sur «le troisi&me jour» (Jn 2,1) peut étre lue comme tune réminiscence de Falliance conclue au Sinai®, Celle-ci est ren- forcée par le contexte de noce”, mais surtout par la deuxitme prise de parole de la mére: «Ce qu’ll vous dira, faites-le» (Jn 2,5"). L’absence de vin fournit le motif de la premitre intervention de 15. Que le sactement du baptéme chrétien ayjourd’hui recoure & Ieau s'ex- plique de deux manitres. La premiére, la plus décisive 3 la lumiére de V’évangile Johannique, procéde du sang et de Peau qui sortent du cété transpercé de Jésus en Jn 19,34. La deuxitme souligne le rapport étroit entre le baptéme d'eau de Jean et le baptéme d'Esprie Saint de Jésus. ls sont siétroitement lis dds Jn 3,5: ‘Si quelgu'un ne fut pas engendeé d’eas et Esprit, il ne peut pas entrer dans le Foyaume de Dieu», qu’eau et Esprit sont maintenus dans la pratique baptismale de VEglise. Perce que le baptéme de Jésus est surtout caractrisé par PEsprit Saint, certains exégetes voient dans 'eau de 3,15 ajout d'un rédacteur qui veut hharmoniser le texte évangélique avec la pratique baptismale ultérieure. 16. Ex 19,16. 17, J-C, Peterets, Jésus (cté n. 2), p. 68-69. 18, Ex 19852437; Dr 5.27 RIEME EVANGILE 187 REEVALUATION HISTORIQUE DU QUA la mére. La réponse de Jésus, dans son adresse & sa mere: «Femme», sur le mode interrogatif®, laisse entendre que, si son heure n'est pas encore venue (verbe &yeolx), selon des affirmations réitérées du quatriéme évangile™, cette heure est bel et bien en train darri- ver (verbe fiw: Jn 2,4). Le méme rapport complexe qui unit Jésus et Jean unit donc aussi Jésus et sa mére. Jean préctde Jésus sur le plan chronologique, Jésus précéde Jean sur le plan de I'accomplis- sement du dessein créateur et sauveur de Dieu. La mere précéde Ie fils en le mettant au monde dans Phistoire, mais le Logos-Epoux précéde la mére-Epouse au plan de la création et du salut qui fonde et surplombe Phistoire. Voila ce qui est suggéré au plan symbolique par la transformation de l'eau en vin. Seul le symbole permet en effet d’exprimer cette réalité en la suggérant. Les époux de la noce sont done les personnages qui figurent au-devant de la sctne des le début du récit: Jésus et sa mére. Ces épousailles donnent leur sens aux époux présents, eux aussi, 3 la noce. L’kpoux Jésus et PEpouse, mére de Jésus, Israél-Fglise, loin de porter ombrage & la joie des époux de la noce, la fondent et la couronnenit. Le baptéme de Jean comme rite de purification du péché cde le pas au sacre~ ment du baptéme, fondé et instauré par Jésus. La noce humaine & Cana de Galilée, qui met également en sctne l'économie de l'eau purifiante des juifs, sert occasion 4 du Fils. Cette noce fonde des lors le sacrement du mariage chrétien”*. Cette réalité de foi — «ses disciples crurent en lai» —, dans Phis- toire, transforme donc Phistoire. L’histoire n’est pas oblitérée par cet événement qui se déroule bien dans le monde, en Israél, mais en méme temps, c'est une histoire transfigurée en quelque sorte par la présence de Jésus et de sa mére. Une transcendance perma- nente traverse déja lhistoire d’Israél dans ’Ancien Testament. Paradoxalement, la noce entre I’Epoux et I’Epouse accomplit cette histoire 8 Cana de la Galilée. V. — La plivre pereée de Jésus en croix La seule autre séquence mariologique de l’évangile (Jn 19,25-27) ‘met en scéne une transformation du disciple aimé de Jésus en fils de sa mire. Le ressort de la scéne demeure le méme. Cette fois 19, «Mon heure a’est-elle pas encore arrivée?», Voir A. VANHOYE, «Interro- gation johanaique et exégise de Cana», Biblice 55 (1974), . 157-167. 20. Jn 7,305 8,20. 21, Cette implication mettra du temps & se formuler dans a Tradition. 188 Y. SIMOENS pourtant, le Logos créateur est "Innocent crucifié comme un mal- faiteur. Le Logos créateur & présent crucifié définit donc la vocation ala maternité du féminin et la vocation 3 la filiation du masculin®. ‘Au terme, A la fin-cétos (cf. Jn 13,1), dans Phistoire ax regard du croire, saccomplit Porigine-deys (cf. Jn 1,1). ‘Un peu plus avant dans le texte, la clé herméneutique du mystére est délivrée: au moment post mortem (19,28-30) oi la plévre” de Jésus est percée par la lance d’un soldat. «Et sortit aussitét sang et ‘eau> (1934b). Les symboles — sacramentels — du sang eucharis- tique et de l'eau baptismale expriment ainsi ce qui sore — au singu- lier — de la plevre de Jésus déja mort. Ce c&té de Jésus prend ainsi, dans le Canon biblique, le relais de la plévre d’Adam endormi d'un sommeil analogue — proleptique. Ce que le Seigneur pour l’Adam indifférencié d’une de ses cOtes: la femme-78%-yny devient dans le texte johannique «sang et eau de la femme-Epouse- Hglise de Jésus endormi dans la mort effective. Le programme de la démythologisation bultmannienne se trouve honoré, mais dans tun sens bien précis. La démythologisation en question consiste & donner son sens historique & ce que le mythe biblique ne pouvait qu’esquisser. Ce pressentiment était juste et vrai. Le sang de la plavre percée est cucharistique (In 6,53-56). Il ne crie pas vengeance au ciel comme celui du juste Abel (Gn 4,10). Il répond & la violence par la mise en ceuvre de la réconciliation et de Vaction de grace qui én découle. L’eau issue de la méme source est paradoxalement vvivante (cf. Jn 4,10; cf. Jr 2,13), Plus encore que Peau de la généra- tion d’en haut, eau et d’Esprit (Jn 3,5), au cours du dialogue entre [Jésus et Nicodéme, cette eau-ci préctde et compléve Pengendrement des sangs maternels du prologue. Cette réalité historique n’est per- ceptible que dans la foi et pour la foi. Elle fait Pobjet du témoignage de «celui qui a vu», des yeux de sa foi. Et celui qui a vu a témoigné et i est véritable, son témoignage, et celui-la sait qu'il dit des choses-vraies afin que vous aussi, vous croyiez. jn 19,35"). 22. Gn 126-27. 25. tex Gn 231-22: Pnigme de la ”*, Boston, Brill, 2012. Celui-ci soutient Phistoricité de événement du c6cé trans- pereé en argumentant & parti de la ertique rextuele. ‘26, Jn 9,22; 12,425 16,2. 190 Y. SIMOENS VL — L%évangile johannique et le judaisme de Yavné-Jamnia John Louis Martyn” a répandu Phypothise d’aprés laquelle Ja problématique jobannique de lexclusion de la synagogue remonte Ppassemblee de Yavné, en hébreu-araméen, ou Jamnia, en grec, dont la date est située pour certains entre 80 et 99, pour d’autres entre 90 et 110 de notre ére. C’est un repére pour dater avec une certaine approximation, non seulement Pévangile, mais tout le corpus johannique’™. La Birkat ha-Minim-«la bénédiction des hérétiques», la dou- aise des Dix-Huit Bénédictions-Shemoneh Esreb de la pritre de a Amida, dans la liturgie juive encore actuelle, est couramment asiociée 4 YavnéJamnia, Edward W, Klink THEY rappelle que le fexte 2 connu une version, trouvée dans la Guenizah du Caire, datant de la période du second temple, c’est-a-dire avant 70. Il porterait avant tout sur les tensions entre des groupes de Sad- duséens, de Samaritains et de chrétiens, sans focalisation particu- lide sur les chrétiens. A la différence des autres «hérétiques», les chrétiens y figurent quand méme nommément, au titre de nogrim- “nazaréens>. L’argument @aprés lequel la date de ce texte serait Gntérieure & la rédaction du quatritme évangile, considérée plus tardive, n’infirme pas sa portée. Il ne fait que souligner le caractére déja effect de la «bénédiction»™, avant la destruction du temple cla réorganisation du judaisme d’obédience pharisienne @ la fin du premier et au début du deuxidme sitele. A Pautre extrémité du spectre critique, Daniel Boyarin relativise la «bénédiction» en la 27, JL. MARTY, History and Theology in the Fourth Gospel, New Testament Libeas), Louisville, Westminster Jobn Knox, 2003 La premitre éition date de New York, 1968. SB, Inlependamment et méme 3 distance délibésée de cette hypothtse, selon 4.0: Petuiis, Pevangle: vers 65, date de la mort de Pierre peut- dre aprés 705 Se ppocalypse; vers 100: les épfres; 101: mort de Jean, sous Trajan, Sgédenvi- ron cuatre-vingedix ans Unt, cté a. 2, p- 532-56, notes p. 626-627), 29! EW. Klink il «The Overrealzed Fxpulsion in the Gospel of John», dans PAN ANDERSON..., Job, Jesus and History (cisén. 2), vol. 2, p. 175-184. 3b. in fair d sagie done malédiction: «Que pour les spostats il n'y ait pas Pespérance, et le royaume orguel, promptemeat déracine-le en n0s jours et Cetera ees heveiques, quien ua instant is péissent, quis soient eflacés iF Taxc des sivants ec qu’avec les justes ils ne soient pas crits! Béni sois-, Jaonas gui ploies les orguellat> (Y. SIMOENS, «L’Evangle selon Jean et les JE Unadalgme Pinterprétation en dialogues, dans D. Meyer, Y.Simoens, Ppinchelch, Ler Veysets donlonrense. Bible, Evangile et Coran entre conflt et Jidlague 1 Avree et les autres 9, Bruxelles, Less, 2007, p. 63-116, ii p95) ‘REEVALUATION HISTORIQUE DU QUATRIEME EVANGILE 191 situant bien plus tard dans les traditions juives: troisiéme, qua~ trigme, sinon sixitme sitcle*, Ces dispositions peuvent n’avoir trouvé leur effectivité que bien aprés la rédaction du quatritme Gvangile, Elles n’en plongent pas moins leurs racines avant la destruction du second temple, donc a I’époque du Nouveau Tes- tament. Pour une tendance majoritaire de la critique actuelle, il y aurait anachronisme & situer les décisions juives d’exclusion des chré- tiens de la synagogue & une époque plus tardive que celle de Jésus. Le terme d’«exclus de la synagogue» refleterait des tensions entre groupes juifs du temps de Jésus. Les disciples n’auraient rencontré gue fe méme type d’opposition que celui dont Jésus fit les frais. De ceci, on peut convenir sans difficulté. L’évangile johannique apparait& la fois le plus juif des quatre évangiles et le plus opposé aux juifs qui ne reconnaissent pas en Jésus le Messie de leur peuple”, Le plus théologique des débats s'avére ipso facto le plus Eonforme aux données historiques. Le quatritme évangjle n’en est pas pour autant infidéle a Phistoire. Des allusions possibles & une Situation postérieure de la communauté, en décalage avec Ia vie de Jésus, ne sont pas Papanage de cette tradition. A ce titre, la these de]. L. Martyn ne me semble pas a rejeter totalement, La réalité historique est & auancer peut-&tre, mais il est indéniable que,de fortes tensions aient vu le jour entre Jésus, ses cisciples et d'autres courants du judaisme officiel. Cela n’empéche pas d’y voir des ‘cconflits de famille», Mais & un certain moment les différentes confessions de foi ont da paraitre inconciliables. La pritre de Jésus en Jn 17, pour ne prendre que cet exemple éloquent, favorise Peano en cherchant & montrer que la confession de foi trinitaire west pas incompatible avec la foi juive dans le Dieu Un. Une telle insistance sur l«un» s’inspire du Shema Israel de Dt 6,4s. Elle ‘manifeste & quel point Pun» est en péril, mais qu'il est impensable @y renoncer. 31, La datation es reculée afi des publications. nt ou 1 sidole dans: Jus tin Martyr invents Judaisms, Church History 70 (200%), p. 427-46; vi sicle ‘dans-La percition ds judatzne et du dbristianiome, coll Patsimoines. Judasme, Paris, Cen, 2011, original: Border Lines, date de 2004 52) L'aphorisme remonte a Wayne A. Meck. I sert defer de lance 3 Pargu- mentation de Re SHERIDAN, Retelling Scripture, The Jews’ and the Scriptaral Ghatons in John 1:19-1213, Biblical nzerpretation Series 110, Leiden - Boston, Bil, 2012, selon laquelle le trsitement des juifs dans sin Jean distile du vitriol (@. 283), cn fournishant& ls limite les prodromes dela Shoah. Je ne puis suivre este argumentation par ailleurs érudte et trts foul. is Y. SIMOENS La tournure violente qu’ont prise ces débats aurait pu @tre évitée sil n’y avait pas eu surenchere des deux cdtés. Ce que dit l"évan- gil, c'est que Jésus et ses disciples, traversés par ces conflits, font jamais répondu & la violence par la violence®. Toute logique de violence s'avére contraire 2 la logique de Jésus et des siens, 2 la lumibre des textes les plus passionnés, comme le centre du discours de la Céne, soit Jn 15,1-16,3*. La communauté johannique n’est pas un conventicule & tendance gnosticisante replié sur lui-méme, oublieux du grand souffle universaliste de Pamour des ennemis (Mc 5,44). L’auteur du quatritme évangile préconise 'amour mutuel sur le fondement de l'amour de Jésus pour les siens comme Ia seule réponse valable aux tensions qui peuvent conduire & des exclusions réciproques. La double reprise du commandement nouveau de Yamour mutuel survient, de facon significative, au centre du discours de Ja Céne (Jn 15,12- 17) et donc au cceur du testament de Jésus. Ce n’est pas Pindice @un repli sur soi mais le signe d’un grand réalisme spirituel. Les chrétiens ont continué & fréquenter la synagogue pendant un. laps de temps prolongé. On a pu avancer aussi qua un moment donné les responsables de PEglise se sont efforcés d’éloigner les 5a. Simon Légasse parle de egaacisereat des ft» par les rcs de a Pas sioadestncs 4 dagage les chstiens et Jus Ge quelque oppostion 4 FEmpire sense casey. Touson, Qui ine Jeans sui de Un bre et deux aoe oi par D. Buavcrant, Lite la Bibl, Pars, Cer, 2004, . 20). Le commanents BX ates reps, etutile eat une cegenable drama a eee cs Dommmunatis ebv€aennes cose les Jus del synagogue Peg Sees? a premiers temps se senaent emacs ets ont eye, per une Casares aren ne, de we proteer face su pouvoir des ators jive, Mais areat PE pir rom «bras le chrsanisme, ces rss fatanstese faux aaa reee contre Ie peuple jul tebe accustion de "decide" fur une aoe mereic qs a eagendeéVanistrteme ct abou sx peréctions ct aa Meee Gia Petack: Jens. Approcke hutorigne, Lie la Bible, Pars, Ce Bena col: {y Cue ene des cvangls sh ps prdter& des interpretations aoe eran sa fabascun dows Je cere pout ma pare len Ever en sauve- See ceil des ternoignagesfrangsiqas du at que es disciples ne se Gireuipene jamais de leur incredulité persistante, surtout chez Marc et Jean, ses contexte de resurrection et gue Tere leur defend formellement de sae one parle mal cequ' sa mais fae luiméme Invecives ou vita cnt epee Pou Du Clear mas de desablier une assurance op Indbranlable Sy SioENs, Le gloie daimer, Sutures sylsiqus et inzrprétaives da eee iit Bite je 13.17), habia 99, Rone, Pons Tassie Pres, 1981, sp, p 38-6; ch Vy. 130-180, SS Deages Bocerpresuon de. RASeoan, Jee letzter Wille nach Job 17, ‘Tabingen 1971 REEVALUATION HISTORIQUE DU QUATRIEME EVANGILE 193, chrétiens de la synagogue plutét que les juifs ne les en ont exclus*®, Selon Jean, Ii obi les compostements respeccifs des uns et des autres ont cédé & la violence, li, Jésus et Pévangile furent trahis et reniés. Das lors, la question posée par Jn 15,1-16,3, en contexte de tension entre lavigne et le monde — sans trace d'un dualisme que Pon préte & tort ati corpus johannique”’ —, est de savoir qui est juif avant de savoir qui est chrétien. Pour reprendre le coeur du message de Jn 13-17, qui coincide avec celui de l’évangile, du Nouveau Testament relié 3 P’Ancien, et done de la Bible dans son ensemble, la question est en somme de savoir qui est éu. «Non as vous, vous m’avez élu, mais moi, je vous ai élus» (Jn 15,16a). ‘L’dlection de tous passe de maniére irrévocable par I’élection d’Is~ raél et des juifs au prix de Pincarnation, de la mort et de la résur~ rection du Verbe en Jésus de Nazareth. Nous retrouvons ainsi le paradoxe d’un «croire> qui transcende Phistoice en la fondant. La question retentit de nos jours sur ’arrigre-fond de la Shoah, La réévaluation historique du quatritme évangile ne peut se faire 36, RKIMELMAN,«Birkat Ha-Minim and the Lack of Evidence for an Anti Christian Jewish Prayer in Late Antigutys, dans EP, Sanders eal. (6), Jewish sand Christian Self Definition, vl. 2, London, SCM, 198: p. 225-24, itp. 239, She par E Kum, , p. M6456; ‘La questone del dulismo giovanneor, conférence tenve dans lecadre d'un Snthie pour ancens eaves de FTnsn Bblgue et uriversiaites intrest, 3 inst, Rome le 22 anv. 2013 194 Y. SIMOENS dans l’ignorance des catastrophes de l'histoire. L’antisémitisme chrétien ne trouve pas ses racines dans P’évangile johannique™, ‘mais dans certaines de ses interprétations tendancieuses qu'il convient de contréler et de critiquer. Les génocides qui se succédent®” laissent plutét le champ libre aux forces polymorphes du mal: le menteur et le pere du mensonge (Jn 8,44), le diabolos-«diviseur> (Jn 13,2), homicide dés le commencement (Jn 8,44), le Satanas- saccusateur> (Jn 13,27), le chef du monde (Jn 14,30), le Fils de la Perdition (Jn 17,12), le Mauvais (Jn 17,15). Conclusion Réévaluer le caractére historique de l’évangile johannique confronte aux questions fondamentales de Pexégese du Nouveau Testament. La tiche permet aussi de réévaluer ce qu’il faut entendre par Phistoire, sans la limiter & des approches trop posi- tives, sinon néo-positivistes. L’histoire de Jésus crée ’histoire des croyants, Pour les textes traversés et pour bien d’autres: les voyages de Jésus et ses montées & Jérusalem pour les trois Paques de sa vie publique, la chronologie de la Passion jusqu’aux tradi- tions sur la résurrection & Jérusalem et en Galilée, le plus théolo- gique des évangiles se révele le plus proche de la vraisemblance historique. Sa théologie du croire fait plonger au plus vif de Pexpérience humaine historique parce que croire est indispensable pour vivre, ou méme parfois seulement survivre, dans Phistoire. Croire 38, johannique et histoire, Le souci de centrer attention sur Purgence de croire n'est pas en contradiction avec Phistoricité. Il invite & prendre en compte le carac- tre historique de la foi. Dans Pévangile selon Jean, la foi se fait histoire et Phistoire est pénétrée par la foi des personnes et des communautés. Y. SIMOENS, SJ., The Historical Reevaluation of the Fourth Gospel. Summary. — Because of its theological and spiricual character, the fourth gospel has often been considered as unreliable from the point of view of historical verisimilitade, Some representative pericopes eontrib- ute to invalidate this position by restoring their historical veracity. However this is on condition that we decompartmentalize Johannine “believing” and history. The concern to centre attention on the urgency of believing is not in contradiction with historicity. It invites us to take the historical character of faith into account. In the Gospel according to John, faith becomes history and history is penetrated by the faith of persons and communities. 40. Crest objet formel de I'érude qui conclut mon parcours du eycle johan- nique: Y. SIMOENS, Croire pour aimer. Les trois lettres de Jean, Paris, 6d. Facultés jésuives de Paris, 2011

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