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ahi REGARDS SUR LA PEINTURE En vente un jeudi sur deux - N° 100 Fite par: Batons PABBRL 18, rue du Temple - 75189 PARIS-CEDEX 09 Directeur Direction éditoriale Gaspare De Fiore iabella Asoo TTextes uses Cogorno Maquette Gaspare De Fiore (Coste Baroni Direction Sereno lanocent artsique). Marina Rebbiant Paolo Cele ‘Traduction ot ‘Table chronologique Secrétalre de xédaction Sane valet Ceserina Caramel Direction de Ia division dos fascloules [Réalisation éatoriale Guiana ZuceeliBelantons Asterses et) Mion Abonnes-vous & REGARDS SUR LA PEINTURE Reoever arectement chez vous REGARDS SUR LA PEINTURE ay prix Dloqué de 25 tenes le numéro pour Vensemble de la collection. 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Milan, 190 Distbution en France : NMP Service aux depostates et diffueurs: 8), (1) 42781042 Depot legal: 4 wimeatro 1088, N* ISBN 2-907745-60-7 (© 1888 Gruppo Faitoriale Fabbsi, Bompian, Sonzogno, Blas $ pA. - Mon {© 1968 ation Fabbri pour edition francaise En couverture Solitude Yaube (p. 1818). Photos: Archives du Gruppo Editoriale Fabbri, Milan. Ce numéro est le dernier de I> collection REGARDS SUR LA PEI!. “URE. Léditeur vous remercie de votre fidélité. NUMEROS DEJA PARUS: 1. VAN GOGH 22, FRA ANGELICO 2, PICASSO 23, HOGARTH 3, GAUGUIN 24, DELACROD 4, MONET 25. CHAGALL 8. LEONARD DE VINCI 28. GIOTTO 8. RENOR 21. DAVID 1. GOYA 28, BOCCIONI 8. MICHEL-ANGE 29, TURNER 9. MANET 30. DURER 10. REMBRANDT 31. KOKOSCHKA 11, CEZANNE, 32, INGRES 12. DALI 33, CONSTABLE 13. LE CARAVAGE 34, GRUNEWALD 14, SEURAT 35, LE GRECO 15. RAPHAEL 36, KLIMT 16, TOULOUSE-LAUTREC 37. BONNARD 17. LE DOUANIER ROUSSEAU 38, A. DE MESSINE 18. DEGAS 39, HOLBEIN 19. VELASQUEZ 40. MATISSE 20. CANALETTO 41, COURBET 21. BRUEGEL 42. KLEE 43. GIORGIONE 72, LEGER 44, BRAQUE 13, LONGHI 48, REDON 14, LE TINTORET 46. LATOUR 18, MONDRIAN 41. MODIGLIANI 16, MAGRITTE 48, CRANACH ‘TT. DE CHIRICO 49, LE LORRAIN 78. MEMLING 50. MIRO 79. KIRCHNER 51. PIERO DELLA FRANCESCA. 80. ROUAULT ‘82. FOUQUET 81, FRAGONARD 53, PISSARRO 82, VERMEER 54, GERICAULT 83, SISLEY 58. COROT. 84. VERONESE, 56. MUNCH 85, UTRILLO 81, BOTTICELLI 86. GAINSBOROUGH 88, KANDINSKY 81. POUSSIN 89, VAN EYCK 88. SOUTINE 60, RUBENS 89. VLAMINCK 61, VAN DYCK ‘90, MURILLO 62, BOSCH 81, UCCELLO 63. TITEN 82, ENSOR 64, ERNST. 98. GUARDI 68. WATTEAU 94, LIPPI 66. CHARDIN 95, JUAN GRIS 67. MASACCIO 96. BRONZINO 68, DUCHAMP 97, LE NAIN 69. MANTEGNA, 98. TIEPPOLO 10. BACON 99. GUTTUSO 71, MARTINI Avtoportt, 1777 ene - Croe blanche «nae sur papier 324x502 em- Londres, Notional Ponto Cally “Nous voyons quelquefois rm rinage prendre la forme din cagon/quelqnefois un cies la forme d's lion ow d'un ours on ime citadelle mnie de tors on d'un pic aérienid une montage fowrchue, de bleus promontoies ouverts arbres qui font signe avec leurs cheveluves au monde en bas et qui rompent nos yence awvec des jens: dar,” W. Shakespeare FUSSLI , Dorigine suisse, né a Zurich le 6 février 1741, Johann Hein- rich Fassli appartient & une famille dlattistes. Son pére, Johann Caspar, fonctionnaire municipal de profes- sion, est historien d'art, peintre et col- lectionneur. Son parrain Salomon Gessner écrit et se consacre lui aussi ala peinture. Ses quatre autres fréres sont tous intégrés dans le monde artistique. Il semble donc assez nor- mal que ses premiers dessins datent de ses années d’enfance. Ce qui est plus insolite, c'est le fait que Johann Heinrich alterne les copies de pein- tres et des sujets fantastiques. aie Apras sre formé auprés de son pére, dont l'enseignement est essentiellement basé sur les théories néo-classiques de Mengs et Winckel- mann, Pissli découvre quill nest pas fait pour Tart, mais pour église. Les études théologiques prennent ainsi la place des études artistiques qu'il aimait pourtant énormément. Assez pour se rendre compte que le dogme religieux ne lui convient pas. Entré dans le cercle du professeur Bodmer, {I slintéresse cette fois all littérature. A Homére, Dante, Chaucer, Shakes- peare, Milton et aux sagas des Nibe- lungen, qui tous inspireront son art. Il rencontre le théologien Lavater et Felix Hess, avec lesquels, un an aprés étre entré dans la carriére ecclésiastique, il écrit un pamphlet contre la corruption des autorités locales. Il doit s'Sloigner de Zurich et renonce a ses vooux de pasteur. Il se rend d’abord en Allemagne, a Berlin, et plus tard en Angleterre, sa patrie adoption, a Londres précisément of ilentre en contact avec un monde lit- | téraire et artistique raffiné et of il tra- duit Winckelmann, Dés lors, il se fera appeler & l'anglaise Henry Fuseli T tat un séjour en France, a Paris oil entre en contact avec la phi- losophie des Lumiéres. Il rencontre Jean-Jacques Rousseau et le philo- | sopho écossais David Hume Poussé vers la peinture par Sir Joshua Reynolds, il est soutenu financiére- ment parle banguier Coutts, Il décide alors dentreprendre un voyage en Ita- lie, Il arrive a Rome au printemps 1770, oi il restera jusquen 1778, apprenant a aimer les maniéristes comme Ban- dinell, Rosso, Le Parmesan et, plus que tout auze, Michel-Ange. le climat italien convient bien a ses passions terrestres, si bien Aphrodite enmencnt Paris oprés le due! ee Méndlas, 1766 70- Crayon, ence et oqueele su pope, 28x17 8em ‘Auclond, Oly st Golly. Autopottat, 1775.78 -Crae nce sur papier 7x19 m- Zurich, Konsthaus. qu’a Rome, Fassli se forge une réputa- tion de libertin. “Toutefois”, écrit H.W. Janson dans “Arts and Sciences", “durant son voyage de retour en Angleterre, en 1799, il tomba folle- ‘ment amoureux, manifestement pour Ja derniére fois (jl avait alors trente- Inuit ans) d'une jeune nigce de son ami, le physiognomoniste Lavater, Sa passion n’eut aucune issue et, quand arriva a Londres, il apprit avec dou- leur et angoisse que la jeune file avait épousé, selon les vooux de sa famille, un respectable marchand”. En fait, le peintre navait pu se déclarer 4 la jeune fille, et son désespoir fut telle- ment grand que pendant un an au moins, il ne réussit pas a trouver la paix. C'est alors que les réves, et les cauchemars, prirent le dessus sur la réalité. Diautre part, ses rapports avec Lavater ne furent guere paisibles durant son long séjour romain. Les deux hommes discutérent aprement sur la fagon diillustrer la Physiogno- monie écrite par Lavater, si bien que Yédition allemande ne devait contenir que quelques planches de Fissl. Mais le peintre réussit amener son ami sur ses positions, réalisant de nombreux autres dessins pour 'édi- tion frangaise de 1781-86. Crest Ini aussi qui s'occupe de la traduction et qui illustre la ver- sion anglaise de La Physiognomonie dont il écrit introduction en se décla- rant en désaccord avec les théses religiouses de son ami, mais en se Tangeant de son cété contre les théo- ries du savant allemand Georg Cris- toph Lichtenberg, Ce dernier, ala dif- ference de Lavater et de Fissli, soute- nait que notre visage et notre corps expriment non seulement “les incli- raisons et les capacités qui nous sont propres, mais aussi les atteintes du destin, du climat, de la maladie, de Yalimentation, de milliers d'efforts”. Aa momen ot Fissi renoue son amitié avec Lavater en 1780, il traverse en Angleterre une période de grande activité intellec- tuelle et artistique. Il passe de salons politiquement et intellectuellement progressistes a d'autres plus modé- és, dont celui du banquier de Liver- pool, William Roscoe, grand amateur art. Ilrencontre et fréquente le pein- tre William Blake tout en restant scep- tique face a ses idéaux de plus en plus entachés de mysticisme. Kembild montart & Hagen Fanneau des Nibelung 2 crayon sur papier 90x 38,4 cm» Zurich, Kunshius Le 30 juillet 1788, &gé de presque cin- quante ans, artiste fait un mariage de convenance avec Sophia Rawlins; le 3 novembre de la méme année, il est élu membre associé de Académie Royale. Deux ans plus tard, en février 1890, il en devient membre effectif, la grande déception de Reynolds, Durant cette période, il tra- vaille intensément au projet de cré tion d'une galerie consacrée a Sha- kespeare, projet élaboré en compa- gmie de plusieurs autres artistes anglais et destiné & faire connaitre sur Je continent Vhistoire de !' Angleterre a travers une série de gravures sur Teeuvre du grand dramaturge. You- verture est prévue pour l'année 1789. Si Vinauguration de la Sha- kespeare Gallery 'occupe beaucoup, son esprit est aussi tourné vers un événement autrement plus important, la Révolution frangaise. En. partie parce qui est influencé par son ami- ‘88 avec Marie Wollstonecraft, 'écri- on, 1807 - Aquarele Un bouton représenté par un peinte avec des lneties, 1757.59 CCroyon ence of aquorel sur papier 30 x 20,9 em - Zurich, Kurshous vain “féministe ante litteram”, fer- vente partisane des idées révolution- naires, Fissli applaudit ala prise de la Bastille, Mais cela ne durera pas: aprés|a victoire de Robespierre surla bourgecisie modérée représentée par les Girondins et T'instauration de la Terreur, il en deviendra, comme beaucoup d'autres artistes, un adver- saire tenace. Grace, entre autres, aTaide financiére de Roscoe, Fissli met au point en 1790 le projet de création diune autre galerie, la Milton Gallery. Mais la premiére exposition, quia liew chez Christie's, la fameuse maison des ventes, en mai 1799, a beau étre appréciée par ses amis et ses collé- gues de Académie Royale, elle n'en est pas moins désertée par le public etparles acheteurs. Lunique satisfac- tion de cette année est sa nomination ala charge de professeur de peinture de Académie, dont il démissionnera —3— avant de demander explicitement a reprendre sa place cing ans plus tard. Ses legons sont publiées au début du xix siecle, Entre-temps, ila fait un second voyage a Paris ol la figure de David comme celle de Napoléon lui ont fait mauvaise impres- sion. Ila aussi commencé & écrire son “History of Art in the Schools of Italy”, quine sera publige qu’aprés sa mort, et terminé la rédaction de ses “Apho- rismes”. Il compte désormais au nom- bre de ses admirateurs le peintre de cour Sir Thomas Lawrence et les sculpteurs John Flaxman et Antonio Canova. Cela ne Yempéche pas de déclarer, fort de son pessimisme habituel, que seul lespoir d'une nou- vellereligiosité pourra faire sortir art du tunnel dans lequel il se trouve. TMmeurt le 16 avril 1825 a Put- ney Hill, dans la maison de la com- tesse de Guilford qui lui avait demandé de donner des lecons de dessin a ses files, L'ARTISTE DESESPERE FACE A LA GRANDEUR coe DES RUINES ANTIQUES 789m sn artiste est la, assis prés de ce qui reste d'une énorme statue, dans une attitude désespérée, la téte appuyée contre la paume de sa main, autre main caressant le marbre. Il n'y a pas seulement du désespoir chez cet homme, ily a aussi sa misére devant ce que l'art ade “sublime”. Test logique en observant les ceuvres de Fissli de parler du concept de “sublime”, dont Vesthétique nait de examen des sensations suscitées dans l'ame humaine par le grandiose, le terri- ble et le ténébreux, par ce qui est “beau” au point de faire peur ou “laid” au point de fasciner. Mais le “sublime”, avant méme d’étre une postique, est un senti- ment, une émotion, provoqués par Ia vision d'un paysage ou d'une Sune” ou encore parla lecture ides Corlovs Cle toconbre esos, Goro Sal ronnie un passage de Shakespeare. 0 rine, 1760 em. Agate - Conbriy Colt, 1758 Gone es Ants Veouvre de Fissi s'inspire de ce srr ar tabonon eb degodaten de éEsoapes Beto Lo penere monfesofon sublime du grandiose, de hori. {Oy S,0" ble, de Vangoissant et du terrible, nigsenen’ par deh neve sic pa bref du sublime pré-romantique; _nianion dacumenave face & lo nobeneo! elle s'inspire aussi de ce que Kanto beovié abn ntreur classique. mak ous pa appelle le “sublime dynamique", [= rege! de quelsve chose uel enps aver ses/expaves/sombires of re des mes son en inde dere éclairés, ses personnages boule- versés par les passions et Je mouvement. Ici, pourtant, l'artiste est immobile, désespéré et solitaire, prés de l’énorme pied et de la gigantesque main entrou- verte, pleurant devant le silence du passé. Il suffit 4 Flssli de quelques traits, de quelques éléments pour nous faire participer au drame qui est le sien: il dessine les restes de Yénorme statue selon une struc- ture qui s'appuie sur la diagonale et place la figure de l'artiste dans un coin, en bas, a droite, pour donner la mesure de sa fragilité face au colosse du passé, fiit-il en ruine. re de Prone; dans ses sions conse ndbreues, le fison de lo fare essential du plas eshésique, LE SERMENT DES TROIS CONFEDERES SUR LEROTH ."**™ Ce tableau fait référence au serment prononcé le 12 aotit 1291 pat les représentants des cantons Uri, Schwyz et Unterwalden pour faire face ala puissance des Habsbourg et qui est a lorigine de la Confédération Helvétique. Les trois représentants des cantons sont saisis dans une attitude grandiloquente, leurs mains gauches étroitement unies, le bras droit levé; les deux figures latéra- les sont disposées comme dans un “contrapposto”, la figure centrale brandit son épée, Ce tableau patriotique a été exécuté par le peintre de nombreuses années aprés qu'il a quitté Zurich pour se rendre a Londres, et aprés son voyage d'ltalie, qui a été fonda- ‘mental pour sa formation. Fissli construit sa composition en se laissant inspirer par son esprit patriotique et par une idée de Thistoire dans laquelle cette derniére est congue comme la lutte de destins individuels, rnourris de soif de liberté, mais aussi comme un événement sfinscrivant dans la sphére de la nature, selon la thése du mouve- ment allemand Sturm und Drang. Dans ce Serment des trois conte dérés sur le Rit, les caractéristi- ques nouvelles du style de Fiissti - acquises en Italie, dans l'art de Michel-Ange et dans le manié- risme - sont évidentes. Le choix des personages est un hommage a ceux qui lui apparaissent comme des “génies” par excellence Shakespeare, interpréte du goat pout la liberté, du sens de Vhistoire et de la nature, et Michel-Ange, interpréte de l'art classique concu comme un art qui explore “la nature dans les profon- deurs muettes et les viscdres sombres du laid”. LE CAUCHEMAR pe ot Cette facon de percevoir le monde comme tne projection de nous-mémes et de concevoir le réve comme un mythe dans lequel chaque image devient symbole donne aux signes et aux images une importance et une significa- tion nouvelles et plus profondes, puisque ce voyage dans Finconscient collectif et individuel nous révéle ce qui fait essence de l'homme. Les images ne sont plus des représentations plus ou moins fidéles de la réalité, mais, des réalités en elles-mémes puisqu’elles sont nées de l'imagi- nation qui est la vérité profonde fess. Le de chacun, A la fin de ce voyage & omar Vintérieur du “Moi ily ale score. monde mystérieux et nébuleux de nos fantasmes, prét a s'évanouir le Jendemain au vent de la raison, mais présent aujourd'hui comme unique réalité métaphysique, qui nous permet de nous sentir partie prenante du mystére cosmique ou de plonger dans les ténébres infinies du cauchemar. Un cauchemar peuplé de monstres, d’autant plus laid et terrifiant que la victime est plus belle et plus sereine. Fiissli nous présente donc une jeune femme endormie, la téte renversée et les bras pendant hors du lit, tourmentée par le cauche- mar qui pése sur elle sous forme de kobold, étre démoniaque. Derriére la tenture du fond apparait la téte d'une jument sur laquelle, selon la tradition anglaise, le cauchemar chevauche dans la nuit. La figure se découpe avec les tons clairs de sa chair et les tons blanes de sa tunique sur les teintes sombres, terre d’ombre et terre brilée, caractéristiques des arriére-plans infinis des tableaux de artiste. LES TROIS SORCIERES Fiissli, comme les autres artistes de imaginaire, Mortimer, Flaxman ou Barry, pense que les passions et les sentiments qui rendent l'art vivant se manifestent a l'état le plus pur, et donc de la facon la plus expressive et la plus efficace, lorsque I'on est le plus prés possi- ble de leur origine, c’est-a-dire lorsque leurs racines plongent dans lobscurité de l'inconscient, dans l'abime de la mémoire ou dans la profondeur du mythe. Dans ce tableau, les visages des sorcié- res, évocation du “Macbeth” de Shakespeare, sortent de 'obscu- rité de la mémoire; les passions violentes des personnages du drame ont frappé imagination de Vartiste en lui suggérant une figuration extrémement évocatrice, Limage de Fissli contient une charge émotive puissante et donne une forte impression de mouve- ment bien que le peintre se contente de représenter ses sorciéres en buste et de n’en montrer que les tétes et l'un des, bras. Mais c'est justement ces profils en chaine, encadrés par Jeurs capuchons, sortant de Yombre avec leur bras tendu vers Yavant, la main gauche impérieuse avec l'index et le medius tendus, une main droite avec un doigt sur Je menton et les autres autour du cou, que Filssli donne cette impression de mouvement et de drame. les yeux tournés vers le ciel et les mains appuyées sur le menton font référence 4 la prophétie; les mains tendues et les doigts articulés vers les personnages shakespeariens invitent a Faction du drame, C'est ainsi que Fissli interpréte en plein accord avec ses théories le monde allégorique des spectres et des fantasma- gories. Cidessous. Wom que horrible et le terrible peints par son r les observateurs pinceau impétucux et vertigineux auraient eu de ses tableaux effet d'une conversation divine, et pensait pouvoir reeréer pour son époque t de Shakespeare et de Milton. Sa tragédie était d’étre lun des peintres les plus cultivés et érudits qui ont existé et d’avoir en outre, malheureusement, une i énergie pour jeter sur sa toile les visions emmagasinées dans son imagination fertile.99 J. Woodveard LA LUTTE DE THOR CONTRE LE SERPENT DE MIDGARD 1788 - Hull sur tale, 131 x 9t cm Foyol Academy onde, . Leeil est un petit globe étroit, obstrué et sombre, qui accueille rarement la humiére et qui converse avec le Vide... Moi, je niinterroge pas plus mon ceil corporel et végétatif que je niinterrogerais une fenétre a propos d'une vue. Je regarde a travers lui, non pas avec lui” (CA Vision of the Last Judgment”, Blake). L'ceil, que Blake considére comme le second, dans lordre de création, des quatre “sens spéciaux” (condamné aprés la chute d’Adam a ne refléter que Yextériorité des choses), ne peut nous révéler que l'apparence et non pas la substance. Donec, si, comme Blake V’affirme, “son ceil externe voit un chardon, tandis que son ceil interne apergoit un vieil estroprié”, c'est que l'ceil de esprit réussit 4 franchir la limite et les barriéres des sens pour faire surgir de Yobsourité et du mystére une réalité différente de la réalité visible. Les images mythiques et symboliques nées de la vision mentale et intérieure constituent donc une nouvelle le déol dy tableau me poupe de e borave Le sca mel en évidence la stucue deo conpesion cnr sur lo fgure du géont we du bos, €qulbrée 6 drole po recoquedlée conte la poupe re fou 2 gauche par mene sugg6ré ron seulement membres le cou de dragon, is cus par fa ension ‘ui dchire les ndbres -12- réalité d'autant plus convaincante qu'elle est symbolique, Une réalité et une attitude qui se basent sur la conscience des limites de la raison, sur la notion d'une vision de l'existence et d'une image intérieure, et surtout sur une conception du symbolisme et du mythe comme clé de la connais- sance universelle. JJ. Horner écrit en 1826: "... dans son effort pour surprendre, fasciner et méme terroriser avec des représenta- tions de spectres, de mettre devant les yeux, traduites en formes et en couleurs, des choses qui ne se laissent exprimer que par des images poétiques, (Fissli) est passé a cété et au-dela du but réel de Part figuratif’ Si le jugement est négatif, la éfinition est juste: c'est ainsi que naissent des ceuvres comme ce Thor qui représente la lutte du géant contre le dragon, récit extrait de I"Edda” de Samund, découvert par Fiissli dans les “Norther Antiquities” de Malet, publiées a Londres en 1770. Le tableau, selon l'usage, sera donné par l'auteur a la Royal Academy lors de son élection comme membre de l'association. Fiissli divise la scene en deux parties: dans celle du bas, la figure du dragon se déploie vers Je géant Thor qui, lui, occupe la partie supérieure, au centre de la scéne. Un autre géant, apeuré, est ironiquement recroquevillé sur la poupe de la barque tandis qu’en haut, & gauche, Odin, caché entre Jes nuages, observe avec curio- sité. Les figures (Ie dragon Thor aux tons vert-bleu-noir, dont les muscles puissants sont mis en valeur par la lumiére, l'autre géant, Eymer, dans !'ombre) ressortent sur Varriére-plan unitaire dans lequel mer et ciel se confondent. LE REVE DU BERGER Voici une composition exemplaire, lla structure et aux tons parfaite- ment équilibrés, basée sur un mouvement circulaire avec au centre le berger endormi, la main posée sur son visage pour se défendre de la vision qui lassaille. Prés de lui, son chien léve la téte, troublé par les esprits. Au-dessus, dans le toutbillon de la danse, des figures tournoient projetées dans Yespace, unies par l'enchevétre- ment des bras et des mains, composant une ronde fantastique, tandis qu’en bas, d'autres figures en habits contemporains assistent et participent a la scéne, Dans cette ceuvre, comme dans ses autres toiles, Fssli applique sa théorie, selon laquelle I'ceuvre dlart doit étre “Yallégorie élevée d'une vérité universelle”. C'est pourquoi ses spectres et ses fantémes, ses personages de fables ou de visions oniriques sont vétus d’habits de son époque qui les rendent étrangement familiers. En peignant ses personnages imaginaires avec les vétements de ses contemporains, Fissli montre bien qu'il ne croit pas aux théories du surnaturel, tellement a la mode 4 ce moment-la. Les elfes et les fées dansant dans les airs devien- nent ainsi quelquefois, dans ses ceuvres les plus frivoles, les instruments d'une satire sociale subtile tandis qu’ils restent dans ses ceuvres les plus sombres et les plus profondes les représen- tations dynamiques des forces de l'instinct, =f TITANIA CARESSE BOTTOM A LA TETE D'ANE Vart fantastique et visionnaire de Fiissli prend appui sur les perspectives ouvertes par la révolution psychologique du xvur siécle qui, en partant de Virrationnel, se penche sur lombre de l'inconscient. 11 congoit le monde comme une grande fable merveilleuse, secondant ce désir si répandu de fuir le présent et de retourner vers les origines de la vie. Son intérét pour les figurations inspirées de oeuvre de Shakes- peare n'a des lors rien d’étonnant comme ce Titania caresse Bottom la téte d’ne, inspiré du Songe d'une nuit d’été, Deux couples d’amoureux, Ermia et Lisandre, Demetrio et Elena, s‘enfuient dans le bois ot Oberon et Titania, roi et reine des fées, se sont entre-temps disputés. Oberon demande au lutin Puck de lui procurer un filtre qui, versé dans Jes yeux de Titania endormie, la fera s'éprendre du premier étre qu'elle rencontrera. Mais Puck Kunsthaus verse le filtre dans les yeux de Lisandre qui, en se réveillant, voit Elena et se met la courtiser; lorsqu’Oberon s’apercoit de Yerreur, il verse le filtre sur les yeux de Demetrio, déchainant la rivalité entre les deux. Oberon verse aussi le filtre magique sur les paupiéres de Titania qui, a son réveil, 5e trouve aux cétés du tisserand Bottom affublé d'une téte d’éne et qui tombe aussitét amoureuse de lui, Mais & la fin, Oberon réussira 4 la libérer du charme avec une autre potion magique et Puck réunira les couples d’amoureux humains. la scéne peinte par Fissli repré- sente Titania 4 peine réveillée, entourée des “fairies” de sa suite, en train de se serrer tendrement contre Bottom a la téte dane. A Varriere-plan, nous apercevons deux dames de cour en habits du xvut" siécle tandis qu'une troisieme gratte la téte dane et qu'une quatrieme en armure tue une abeille pour voler son miel et Yoffrir & Bottom. Des fées et des elfes dansant et jouant de la musique entourent le groupe ; a droite, un elfe offre a Bottom une poignée de petits pois secs tandis qu'en haut, le lutin Puck observe la scéne. SOLITUDE A U'AUBE ‘ave est une vie qui, ajoutée au reste de notre istence, devient ce que nous appelons la vie humaine. Les reves se perdent petit & petit dans notre de Thomme.g9 GC. Lichtenberg Le besoin d'explorer l'inconscient, de sonder ses profondeurs et den interpréter le sens conduit inévita- blement Fissli vers la nuit et vers Je monde “inexploré” du réve. Cette attirance pour la nuit est du reste l'un des motifs fondamentaux de Ja thématique pré-romantique: une attirance qui s'accompagne d'une fascination pour la mort. La uit n'est plus congue alors comme le giron bénévole de la nature, comme un refuge souhaité et souhaitable, mais plutét comme le symbole de l'obscurité, comme une image des profondeurs Casper 0 flung TEI en - Belin, Meseen Preussicher Kukur Bez, Natonalgler Fuedhch chémas mentour vemblobles & coun de Fish et de Bloke, mas selon une rythologie prove et orginal. La valeur symbolique de ss fg onologque et olégo chaque objet rons se bose sul sons de certains images que dimen’ de la nature, ccquiert universele en dépossan feénement pour devenir condton human so solitude foc Finmensi de du Mo}, grce 6 un ‘exceptomellament syhéique de la composition defo figure ede son visage protégé por lombre —18— 1794.96 - Hull sur tole, 95 x102.em - Zurich, Knathous ‘opparenment obser dors sori est an 18 la mar. Nous rerovres faite parties labservoteur portoger es él ‘ableou primordiales d’oi naissent les forces vitales, le bien et le mal. Aprés la nuit vient l'aube, et avec Yaube apparait la lumiére, une lumiére qui fait disparaitre les images du réve et des vérités les plus profondes... si bien que Yon reste seul. Seul comme ce berger qui dort, son bras gauche au-des- sus de sa téte (reprenant le modéle du Réve du berger) pour se défendre des visions nocturnes encore présentes, avec son chien qui léve la téte troublé par les fantémes. Cette figure est traitée d'une fagon extrémement synthéti- que, en une série de surfaces indépendantes inscrites dans un contour net et englobant, LES DAMES DE HASTINGS 17981800 (ou Bem-Za es 1813)- Hull sur ikon Zuch, Marto Hi Ce tableau au titre et au sens mystérieux se base sur un croquis, représentant trois femmes avangant au sommet d'une dune tandis qu'un jeune homme les regarde d'une fosse prés d'une pelle (il s'agit probablement d’un chercheur de trésors). Dans le tableau, la pelle a disparu tandis qu'un autre jeune homme ma apparait 4 Varriére-plan of un orage est en train de s'annoncer. Le tableau prend par rapport au dessin un sens plus profond et plus universel, qui dépasse Tévénement (des “ladies” surpre- nant un chercheur de trésor) pour évoquer des étres surnaturels envoyés par une divinité afin dlarréter la tempéte imminente. On est particuliérement frappé ici pat les habits des femmes qui correspondent a ceux portés par Vepouse de Fiissli dans les portraits qu'il a faits d’elle entre 1780 et 1800, trés a la mode a cette Knthaus. Do encore lies & fa -2- époque. Il n'est pas étonnant que les figures représentant des étres surnaturels soient vétues a la mode d’alors puisque Fiissli aime habiller ses personnages antiques et fabuleux avec des habits de sa propre époque, Au-dela de toute signification réelle ou symbolique, on est frappé par la valeur pictu- rale du tableau, divisé en deux parties par le bord de la dune, avec les figures évanescentes des dames dans la partie supérieure se détachant sur le ciel tempé- tueux et celle de l'homme en bas 4 droite plongée dans Yombre de la fosse (dans une attitude empruntée aux modéles michelan- gelesques), qui regarde avec curiosité les dames en train d'avancer, che ne sgnficaen se foi be ell, soppase ¢ coi ‘dole dope LE SILENCE Fiissli, comme ses compagnons dlaventure Barry et Mortimer, tire ses images de ce moment d’équili- bre délicat entre la conscience diurne et le réve, duquel il réussit toutefois a sortir par un acte de volonté pour retourner dans le domaine de la réalité qui lui permet de fixer les images de Yinconscient en images concrétes et de traduire en expérience pictu- rale le patrimoine des sensations de la nuit. Ce rapport entre l'oniri- que et le réel, entre la pensée et Je sentiment, situé aux frontiéres qui séparent le monde de la conscience du régne obscur de Vinvolontaire, se traduit chez Fiissli par un contraste constant entre le positivisme de sa pensée, influencée par la philosophie des Lumiéres, et son aspiration au transcendant. Il est donc constam- ment tenté de charger ses figures de significations, annulant toute référence naturaliste pour les transformer en sensations pures. Fiissli veut suggérer des senti- ments, des passions, des réves, lla fois réels et symboliques comme ce Silence, représenté par une figure “bloquée” a I'int rieur de son contour circulaire, les bras croisés, abandonnés entre les jambes, la téte penchée entre les bras. Le silence devient alors un tre fantasmagorique avec ses tons blanchatres ressortant sur les tonalités sombres de Varri8re-plan. LA FOLIE DE KATE Ia Folie de Kate représente une jeune fille devenue folle de douleur parce que l’étre aimé r’est pas revenu d'un voyage en mer. Fiissli, dont le domaine privilégié est celui de l'irrationnel et des aspects “nocturnes” de la vie, se devait d’aborder le théme de la folie, qui correspond bien & sa fagon outrée de représenter les passions, les mouvements. Ce rest pas un hasard si le peintre Benjamin Robert Haydon écrit dans son journal: “Les forces motrices de l'esprit de Fiissli sont le blaspheme, l'immoralité, le sang.” En réalité, Fissli reste cohérent avec ses principes et avec sa peinture, quel que soit le theme quil affronte en le chargeant des caractéres de son art avec tout ce quil a de mondain, de démoniaque, de cruel, de terri- fiant, d’érotique. Ici, Yauteur place son personnage au centre de la composition, comme dans beaucoup de ses couvres, et Yentoure d'une sorte de vent tourbillonnant qui semble Yemporter dans les courbes du mouvement. La femme, assise sur un rocher au bord de la mer agitée par la tempéte, a les yeux hallucinés de la folie. Le monde de la folie est encore mystérieux a Pépoque, et Fissli le représente comme un voyage dans le cauche- mar, créant une image forte dont les tonalités chromatiques sont caractérisées par le contraste entre le brun-noir et le rouge. DE FOSSU 8 24 FAIRY MAB Dans cette composition, V'auteur entoure son personage principal de figures de proportions plus petites faisant partie du récit. Ce tableau n'a pas le caractere sombre de beaucoup d'autres, mais, malgré l'apparence heureuse et insouciante de la “fairy”, Yensemble confirme encore une fois que les choix litté- raites et figuratifs de auteur ainsi que ses expédionts picturaux naissent d'impulsions dont les racines plongent dans l'irrationnel. Vartiste peint cette toile quelques années avant de mourir, Elle réunit, sur un registre étonnam- ment souriant, toutes les caracté- tistiques de son style. On y décou- ve, avant tout, le classicisme de la composition, avec sa figure princi- pale située rigoureusement au centre et vue de face, confirmant Yamour de 'auteur pour l'art classique, sa familiarité avec la tradition humaniste et en méme temps son aversion pour le natura- lisme. Puis ily a la représentation de espace: un espace qui n’est ni architecture, ni arriére-plan, ni toile de fond, mais une atmo- sphere sombre et mystérieuse sans limites. La figure de Fairy Mab nous regarde avec ses yeux profonds sous sa coiffure compli- quée of brille un croissant de une, et nous invite a prendre avec elle un “junket” (une boisson de lait caillé que les paysans prépa- rent pour elle la nuit), Elle porte des habits a la mode, mais ce n’est pas une dame quelconque: c'est bien une fée comme le montre la lumiére étrange qui auréole son visage, les objets qui entourent, son sourire étrange et les petites figures encore rapetissées par Yombre... mythe surgi du passé, mais bien présent, annongant les années de I'inconscient. = 26 — sur tle, 70. Folger Shokesoea Courtkane de plumes, 180010 oquore 283 x2 Kunsthous. Cotte oquerelie | sentor le buste nu ne fone porta rvs et décorde de ples ost un feminine, On reroue cate cole we dos 8 lnitv-plon Dons ie cdessous, 07 conse aque Fs cme hbiler forme dione ligase la bonne socidé pequelsPouteur fees leur propre inage. KRIEMHILD SE JETANT SUR LE CORPS DE SIEGFRIED 187 - Hull sur tole, 102 x 127 om - Zurich, Kunshous Les figures de Fissli s'agitent, projetant leurs mouvements dans un espace indéterminé qui semble ne pas pouvoir les contenir tout entigres et donnant une impres- sion de dynamisme caractéristique de la poétique de auteur. Que représente donc cet espace imagi- naire, presque toujours composé dune alternance de lumiéres et dombres, parfois fermé et pesant, et parfois ouvert sur des perspec- tives infinies ? C’est dans tous les cas un espace symbolique, un espace de plus en plus intérieur, un espace pictural servant a mettre en relief les personnages et a donner une puissance drama- tique extraordinaire a leurs gestes. Dans ce tableau qui décrit un épisode de la saga des Nibelun- gen, Vaction scénique se concen- tre, comme toujours, sur Vattitude dramatique, expressive et théatrale des figures, saisies en plein élan. Le mythe, Ie récit et Pémotion sont encore une fois au centre de la vision picturale de Fiissli. La composition est basée sur la diagonale qui descend de la droite vers la gauche et qui crée une continuité dynamique entre seine on sappuyant sur la diogonole qui troyarse Fespace du tableau dy hout 3 dae en bos & couche! qui guide le ‘mouvement de rendu, fe cor sur eo de les trois personages. Liatmo- sphére tragique est accentuée par les couleurs et la lumiére: le corps du héros git sur un manteau couleur rouge sang qui représente Yunique note de couleur sur Yaccord des tons blancs et gris se détachant sur V'arriére-plan brun-noir; la lumiere fait sortir de Yombre la longue figure de Kriem- hild dont nous n’apercevons que la longue chevelure brune et les bras blancs. fn bos & gauche: Krombildwsiée por ses remords 1805 ems - Pome. encre crayon et ‘aquarele sur popies 275 x 405 em - New York, Callecon Spec), fn bos 6 cre: Kriembild vot en rve Sieghied rot (180510 - Hull sur fle, 71 92 em Zunch, Colecton parker Vii deux auras cempesions hpiques do se de Fash: Dons colle de gouche, ere cu plu le cauchemar se pci sla gure de Phércne en proie ux remordstands que dans celle de cote ele fend désespérément les bros ves Sieghed appara cone ane fguremichelongslesque dns a lume inéele du eve 28 — ART DES EXCES 3 C'est en tale entre 1770 et 1778, aprés son premier séjour en Angleterre, que Fissli commence & étre attiré par le fantastique. C'est 1a quil passe ses journées a étudier art antique et le peinture du Cinque- cento. C'est encore 1a, dans la Cha: pelle Sixtine, qu'il découvre Michel- Ange qui devient son point de réfé- rence absolu. C'est toujours 18 qu'il forge son style dramatique, irration- nel et anti-réaliste. Un style ot le sujet dicte incontestablement sa loi a la composition et oii Vimpact violent de image, favorisé parla prédominance des raccourcis, le contraste accentué des lumiéres et des ombres, l'expres- sivité prononeée des visages et Iéva- nescence des contours, passe avant toute chose. Le point de référence déter- minant de cette volonté radicale de renowvellement, de recours systéma- tique a Vimagination, est a littérature Dante et les auteurs classiques, la mythologie grecque, Shakespeare, et particuliérement son Othello, Le ‘paradis perdu de Milton, les podtes de Timaginaire, Lord Byron “dont il lisait toujours les ceuvres & peine publiées avec une grande avidité”, Ty a ensuite sa vision per- sonnelle des choses du monde, aay FOSSLI ET SON TEMPS SAVIEETSON GUVRE ae es Piha Zac See eter, Ge joten Capa et Fsabeh Taper aucaed eng ‘obs. Sox peo pote sen at Yaron duh, det its eco, een ae des ogre dite de etery Tea uted nce dopa 73, eargelngitere sree ops 27 LES ARTS ETLA CULTURE Ynnce de} Holce en eh Vis Tie: atone Quen dear: Le Ps des Rear ‘commence & dene or pe pale pln sepa ae Hie peti ‘ie es Bodnar a cour Homer Due, ‘Sabepet, eno deinen gape ‘prs aaron de Pageatue Sino IV ee ean geste cote auete en eppguet une paueaeusee Lag emote WHogartdas Que Ages de ened Hieldag: aie 1761 ence svn cami eee, stead euro lox ltée aRagsane depes amin Roxana xr ase smi pce sells Dake peace son price aster Pe dele de, Dirt arr eon ‘Gare cll tans angle ces 8¢ ee et 1 Rusu: Coats purple uinatnsoangue rage ‘COG: Cpt et Buyaee ls Gebel: des coast gut lest {6 Tapl cael vale dt Piso do ‘Senor nn rede oe Mess 1764 Aiteuvoane x Alemaas Fs picedina Ler La maive Chobe rence jue oe presen Ys: Disnrae pitzphigee ‘inde sodatinslrcecer ner pes eu pies en Przon WA Bn: Peeples 1 Sables eve Sn Frnce ct sous eces du Ta oPrs (08) par_— Leg: Pecado Pacence Gra Jeg ee cede su Rage a Creda alone Ie. ols eBepapear ‘als tise 1766 wiatmvoygestesce mn gull deren tjeue —Décapaton cu Chae dolaBare ack Eck J). Fang Las Conse lewd Ghetn Aan, nese D Hane sel un cai (ub eas ac) is Pgesad Le Haas eer de escupalte Sposa (Garena cone nec 1768 Arwscante Si jatua epic gkicomell doce —‘Prorikegueruotne gusta ATuaence et dA Calan sonacererstencl sate delaemvopge de dela Corue Wont le apes amet ‘ormaton eae ‘rir eigen dnes Cock dnsle snc oF de Choking Telige 1770, Asbparlebenqer Cons pat velour Zale. Dino de Chose ieveblesmistesnowales Wat do oar Iie fone ot dn en ai coma Manage a expen, Lous VL eee Maserati thanete [basi ee a yds Lous Le Gran eer Coie Deena ton Sonar puto de ene sao Cheb nit rl —20- Pessimiste, ayant le goit de la tragé- die, Fiissli est attiré a la fois par le sublime et par le diabolique, par un enfer habité de masques monstrueux, primitifs, dallusions spectrales et démoniaques. Il est fasciné par lobs- ccurité nocturne, monde inexploré de Vinconscient et des réves. I aime les fables lorsqu’elles contiennent du mystére, les abimes et les tempétes. se laisse entrainer par l'érotisme des passions, de 'excés de tout sentiment et de toute forme d'art, ‘MICHELANGE LE SUBLIME Pissi pretére de toute évi- dence Michel-Ange a Raphaél qui est pourtant artiste le plus admiré & cette époque. Et s'il fallait se référer a une ceuvie de Raphaél, i faudrait choisir lune de ses demnieres, les plus maniéristes. Fussli reprend dans ses dessins plusieurs motifs emprun- tés & la Chapelle Sistine. “Sublimité de la conception, grandiosité de le forme, ampleur de la maniére sontles éléments du style de Michel-Ange. Selon ces principes, il choisissait ou refusait les objets de son imitati Ces mots sont ceux de Fiissli Iui- méme, prononcés durant une lecon (la seconde, trés précisément) don- 1778 geod Taeh oh dro commande da Alnce ela Pane ode Espagne avec lor USA cence Vad tae de] Rous Sen ot lll Cle lene! wcureardAana Hage Gla gue dnspenance Andie JD: La Palle dD de Mabrcagh Lisi on acne ce Lamier Le parece lejos zed lpr ppee su matge Anita car Tiss —_Goe de Seen de But ‘str detent Lone Tene sta V781 freee Customs obec en preer grand ucts uel rappin rege eles coméesen Asis: JAD geet Tote rtd pte [Pimpakis: lamar de Doe a: Cg ce ae pare 1788 Lestcrvnslanide Wan atone pictane, Yor do Chere neon de Cae zie —‘.Gopla Deters dma Ions Sota avin ce Eaton pases nears ag de Gasabroug eM. Quen eae ‘plerimer su Toone Lek menre sro Gk Coneaten de agra pero de rinse 3. de Sa ame Pale Ve op Raden quiet onde eae de hoe Fre coe Sepa ce ard 1790, Leste muni cto do Ncxsonie Moin pat_ Yau ce conten cee os gh Tacos Jaisnce de taarin [eda sonata nie de epea Paee te (ane Uae ach aco, nde ln Galery Pesce pews Go: Sct stqne fai op oases iano Ps ad 1799 onto dente ot expent pets itn Seguro sees le Desa cvadepewa apo de Berar Galery cer Cision sesectaues seeds, Fane Fen She alten ‘aisle pul einen Dex du ptescu de Deere colo conte ik Paace épubee rita Sexes oy Mile Slee Per ive le cet 1816 Weremenire de AcdininGectac Rome Uni Xv iine opted dea Ojauede 3B Cnt: alse ‘sr prpantes dom plane ‘rd: Je Chevaer arlé Dinos de shane tonaie™ inne Cone Cermagste ciation eDedepentice de rgenine ce su Sion ee eee nie 1825 meu elbareaPuney vnc acampage _Caxoe Kure do Face eps inne x on Griscoots Galler et ret de ‘tnt at el ane rtceate Hs tree Rate. ole eat et ‘api er netenei sees elon se repaiqe ce aie [Cob Cheat ‘A Pote: one Gsetnr 1a Vinyls Pter aoe one Sie née & la Royal Academy, Ils témoi- gnent de l'influence et de la fascina- tion que la personnalité du grand mat- tre exergait sur lui. Michel-Ange l'a aidé & saisir la fois les aspects clas- siques et maniéristes de l'art quill découvrait autour de Ini, Comme remarque encore F. Antal, dés son séjour en Italie, Fissli s‘inspire des artistes du premier maniérisme, & partir duquel se développera le maniérisme tardif. Mais dans chaque artiste quil rencontre, Fissli apprécie avant tout ses qualités dinvention et ses ceuvres les plus chargées de tension, dangoisse et de terreur. Chez les maniéristes, il préfére les abstrats, Et chacun des sujets qu'il choisit de représenter, dans un langage qui a la fin apparalt trés homogene, est carac- térisé & la fois par son aspect impo- sant et son caractére érotique, au féminin comme au masculin. Crest Yune des raisons pour lesquelles ilest tellement attiré par le Parmesan: il aime 'élégance eta sensualité de ses figures légérement allongées et ses profils féminins. Antal précise que son maniérisme raffing, mélange de Jules Romain, du Parmesan et de Rosso Fiorentino, qui se rapproche méme parfois du Classicisme, a donné naissance a de nombreuses variétés d'un art de cour voluptueux et délicat, Une autre particularité de Flissli est de transformer les habits antiques dont il s"inspirait en habits & Ja mode. “LE PEINTRE DES REVES ET DU SUBCONSCIENT” Mais comment juger_ une telle attitude, étrangére aux schémas habituels du classicisme, chez un artiste qui est né du classicisme? Attiré par limagination et tendant & Yirrationnel, Fassli finit par s'opposer a la linéarité de Mengs et méme de Winckelmann, donnant une nouvelle interprétation de Tantiquité: une interprétation pré-romantique et pas- sionnelle, avec des accents proches de ceux du “Strum und Drang” alle- mand, Avec une différence: lorsque Fiissi lustre des textes de la littéra- ture antique, italienne, allemande ou anglaise, il laisse ses personnages se ‘mouvoirlibrement dans a scéne, sans aucune référence l'époque réelle & laquelle ils appartiennent, 'intérieur d'un espace imaginaire. Au caractére indéfini de la scéne correspond 'em- phase de I'action, monopolisée par le dynamisme d’événements situés hors de histoire, par Vexpressivité des visages et des gestes. “Comme son tableau le plus important (célébre dés son apparition en 1782 et connu méme pendant les années de l'oubli) est le Cauchemar, comme ila dit que “Tune des régions les plus inexplorées de Yart sont les réves", il fut acclamé comme le peintre des réves et du sub- conscient, et les générations nourries de Freud se jettérent sur Ini; comme chez lui 'anatomie michelangélesque se combine avec les gestes écartelés et violents du théatre shakespearien tel qu’il était représenté 4 Londres quand il s'y renait, les expressionnis- tes 'exaltérent comme un précurseur, et A vrai dite, il était, de méme que ses héros étaient déja animés par le titanisme du Surhomme; comme les actions violentes de ses histoires, ins- pirées des mythes nordiques, ou des poemes homériques, ou du surnaturel de Milton, semblent se dérouler dans un monde abstrait et cataclysmique, un monde magique; comme ses hétos et ses héroines se parent d’ha- bits étranges, improbables, de coiffu- res en forme de tours qui essemblent 4 des actinies ou & des élytres (Fissli était un fétichiste de la coifture); comme sa fureur et son faste parais- sent sans but; comme dans les réves, —32- les surréalistes y trouvent leur compte ; et imagine que les existen- alistes aussi sont fascinés par l'in- tensité de la passion qui saisit ses créatures possédées”. (Mario Praz, Fuseli, dans “Sele-Arte”, 1982). Mais c'est bien ld que réside le charme de Fiissli: dans le fait de permettre notre imagination de s'emparer librement de aspect du peintre quinous plait e plus ot qui est le plus proche de notre sensibilité, @interpréter ses allusions et ses métaphores pour découvrir la richesse de notre propre imaginaire, les ombres de nos propres cauche- ‘mars. J. Woodward remarque: “Fuseli croyait que l'horrible et le terrible peint par son pinceau impétueux et vertigineux auraient eu sur les cbser- vateurs de ses tableaux l'etfet d'une conversation divine et pensait pouvoir recréer pour son époque lesprit de Shakespeare et de Milton... Toutefois sa technique d'exécution était telle que sa main ne réussissait pas exprimer ce que son esprit formulait”. Dans un message envoyé a Lavater en 1799, Fissli écrit, & propos de son amour fou pour la niéce de son ami: “La nuit demiére, je V'avais dans mon lit - je jetai les couvertures en désordre - jfentourai autour d'elle mes mains chaudes et étroitement serrées - je fondis son corps et son ame avec les miens — je versai en elle mon esprit, mon souffle, ma force. ‘Quiconque la touche maintenant com- met inceste et adultére! Elle est mienne et e suis sien, Etje 'aurai-je travaillerai et je suerai pour elle, et je serai seul jusqu’a ce que je Vai conquise”. Dans ce réve-cauchemar réside toute la duplicité de son étre. Auditeur et narrateur de lui-méme, artiste réussit a faire en sorte que le ‘cauchemar fasse place & la poésie, ou que la poésie devienne cauchemar, & travers V'identification littérale de Tart avec la littérature et avec la vie. FOSSLI DANS LES MUSEES EN FRANCE PARIS « Musée du Loure Avémance AARAU (SUISSE) » Aargaer Kunsthaus [AUCKLAND (NOUVELLE 2ELANDE) City Gallery BALE» Kunsmuseum BELFAST Museum and Art Galery BERLIN Statiche Museen BERNE + Gotie Kell Situng BIRMINGHAM (WARWICKSHIRE) «City Maseum and Ar Galery CHICAGO» Art insti DETROIT QHICHIGAN)» insist of Art DRESDE «Selicke Kunsthalle FLORENCE »Fondition Horne FRANCFORTSUR-LE MAIN «Fries Destches Hocttt, Goethe Mseum HAMBOURG « Kunsthalle ARLSRUE «Statiche Kasthale LUVERPOOI « Waker Art Gallery LONDRES» Bish Masesm; Could Issue of Art ibery; Nationa Porat Galley; Royal Acadeny of A Sabin Galecls; Soane's Museum: Te Galery: Vicots sna Alber Met LICERNE Kunsimseurn ‘NEW YORK ¢ Collection Spector; Shickman Galery NOTTINGHAM Caste Museum STOCKHOLM + Natonaimuseum TORONTO « it Galery ‘VIENNE + Grapische Samning Aberin WASHINGTON e Folge Shakespeare Library {WEIMAR Statice Kunstsanmlingen, Schosemseim [WINTERTHUR + Kunstruseum; Stuns Oskar Renker ZURICH + Galerie Neupert: Graphische Sanmitng dee EidgersesischenTesinschen Hctachale; Kans Rechberg: kansthass Maraengu; Ralaus Zenealbbiotik Graphische Sammlung rehie ERNE a aagau SwarTERTUR Lucene

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