You are on page 1of 35
REGARDS SUR LA PEINTURE En vente un jeudi sur deux - N° 94 Eaité par: Esitions FABER! 118, 1ue du Temple - 76189 PARIS-CEDEX 08 Directeur Direction éditoriate Gaspare Do Fiore Isabela Ascal, Textes " Iisa Cogomo uquette Gaspare De Fiore (Coe Baroni (Direction Gianni Robbe aristique) Marina Robbiani Paolo Caja ‘Traduction ot Table chronologique Secrétaire de rédaction Stine vale Ceearina Caramel Direction dela division dos fascicules ‘Réalisation éditorialo ‘Chinn Zeca Bellanton! Asteiseo et) Millon ‘Abonnoz-vous & REGARDS SUR LA PEINTURE Recover srectement chez vous REGARDS SUR LA PEINTURE ax prix Dloqué de 25 trancs le numéro pour Tensemble de a collection, 12 mime moment de leur Jeg élégants cotfets de REGARDS SUR LA PEINTURE. #12:numeros =900 francs» 26 uméros = 900 ranes S24 numéioe = 600 france $ Toute Ta collection = 1980 trance ‘eullesinciquercliement le numéro & parte cugue! vous soos cero vols abonaemeat — oxivoe & OGP-REGARDS SUR LA PEINTURE, 175/17 avenue joan Jeures «78019 PARIS, on joigaant vous reglement, sans oubhe vos fom adresse et cade pasta, Pour compléter votr collection ‘les numétos parus peuvent ere obtenus ches tous les marchands de Journaux ou, & défaut, ches Meditour, au prix on viguour au moment do Ja commande, Is resieront disponibles pendant sx mois apres fs ppatutio du demierfascicule dela série. Ecrver & OGP 175/179, avenve Jean-aurés - 75019 PARIS, en joigoant 4 ‘ote courier 8 franes par numéro de participation aux fas devel (Gelgigue 45 FB par numéro; Susse "180 PS par numer). ‘les late de raison & revoir sont c'envron wois semaine our toute séclamation concernant los abontements et les anciens rnumétos, appeer le (1) 42413010. Pour classer vos fascicules Iisa ostiste sont clsponibiea sur commande auprde do votre marchand cdo journaux au prc do 99,00 F (cod 6375 NDP) ‘Vous potver aussi vous les procurer en écrrant aux Eations FABER ‘en jignan @ votre courier un chdque corespondant & votre ‘Commande selon le tan suvant es fis d'envoi sont inclus dans ‘008 prs), Cos tarfs cont exclusivement appliqués pour les commandes pat Conespondance mupres de Vaditeur cote: 42,00 francs coftrets: 14409 francs ote: 7600 trance © 8 collots- 175,00 france SSeotirets: 111,00 anes © 6 coffrets 20800 francs [Asaocié unique : Gruppo Eatteriale Fabbri, Brian, Sonzogno, Bias SpA 8, via Moconate «20138 Mlen Gerants: Cobol Gig et. Bosio Directeur de la publication: Luciano Bosio Innpnmé on tae par Stabimento Grfico Gruppe Eaitoriale Fabri SpA - Millan, 1808 Distnbution en France : NPP Service aux dépostaires of difuseus: wl. (D 42781042 Depot egal: 4 rimesie 1988, N° ISBN 2-907745-60-7 (© 1888 Gruppo Baitorialo Fabbri, Bompian, Sonzogno, Ets S.A. - Milan (© 1088 Edition Fabbri pour Yition frangaise En couverture: Vierge & Enfant et deux anges, détal (page 23) Photos: Archives du Gruppo Editoriale Fab, Milan. PROCHAIN NUMERO. JUAN GRIS NUMEROS DEJA PARUS: 1. VAN GOGH 22. FRA ANGELICO 2, PICASSO 23, HOGARTH 3, GAUGUIN 24, DELACROK 4, MONET. 28, CHAGALL 8. LEONARD DE VINCI 26. GIOTTO 6. RENO 27. DAVID 7. GOYA 28, BOCCIONI 8. MICHEL-ANGE 29, TURNER 9. MANET 30. DURER 10. REMBRANDT 81. KOKOSCHKA 11. CEZANNE 82, INGRES 12, DAL 33, CONSTABLE 18, LE CARAVAGE, 34, GRUNEWALD 14. SEURAT 35. LE GRECO 18, RAPHAEL 36. KLIMT 16, TOULOUSE-LAUTREC_ 937. BONNARD 17, LE DOUANIER ROUSSEAU 38, A. DE MESSINE 18, DEGAS 39, HOLBEIN 19, VELASQUEZ 40, MATISSE, 20, CANALETTO 41, COURBET 21, BRUEGEL 42, KLEE 43, GIORGIONE 12, LEGER 44. BRAQUE, 13, LONGHI 48. REDON 14, LE TINTORET 48, LATOUR 18, MONDRIAN 47. MODIGLIANI 18. MAGRITTE, 48. CRANACH 7. DE CHIRICO 49. LE LORRAIN 18. MEMLING 50. MIRO 79. KIRCHNER 51. PIERO DELLA FRANCESCA. 80. ROUAULT 52, FOUQUET 81. FRAGONARD 83, PISSARRO ‘82. VERMEER 84, GERICAULT 83, SISLEY 88, COROT 84, VERONESE 58, MUNCH 88, UTRILLO 87, BOTTICELL 86. GAINSBOROUGH 58. KANDINSKY 81. POUSSIN| 59, VAN EYCK 88, SOUTINE, 60, RUBENS 89, VLAMINCK 61, VAN DYCK 90, MURILLO 62, BOSCH 91, UCCELLO 63, TITIEN 92, ENSOR 64, ERNST. 93, GUARDI 68. WATTEAU 68. CHARDIN 87, MASACCIO 68, DUCHAMP 69, MANTEGNA 10, BACON 11, MARTINI Dalai dv Bonavet dHérede - Fesque Prot, Cothécroe FILIPPO LIPPI Influencé par le présent et le pasé, impulsif et prudent, audacious et mu, disrat et més artentf, il est totalement pris par ce qui dans la beauaé est éphemere et par ce qul dans la beauté est étemel...” M. Pittaluga Test signiticatit quen écri- vant la vie de Filippo Lippi, Giorgio Vasari ait tenu compte de I'idée roma- nesque du conteur Matteo Bandello qui pensait que le peintre (durant une période de sa vie particulierement al connue puisqu'll état hors de Flo- rence) avait été enlevé par des pirates barbaresques et sauvé gréce a son talent artistique. Car Fra Filippo Lippi fut a sa fagon — comme en témoignent des lettres de ses contemporains ~ un personnage mythique de la Florence de son époque. Moine défroqué par amour, peintre prolifique et en méme temps indolent, escroc et sans le s0u, -1- ileut en effet une vie romanesque. Né en 1406 d'une famille modeste de Flo- ence habitant le quartier Ardiglione = derriére le couvent des Carmes, comme s'il s‘agissait d'un signe du destin ~ il fut ordonné moine a Yage de quinze ans, en 1421, date & partir de laquelle son nom apparait sur le live de comptes du couvent de Sainte-Marie des Carmes, qu'il aban- donnera en 1432 pour des motifs inconnus. Rappelons que dans Véglise annexe du couvent, de 1424 1428, Masolino et Masaccio travaillent tour & tour sur les échafaudages de la chapelle Brancacci. Il ne semble pas que Lippi ait participé & la réalisa- tion de ces fresques, maisil suivit cer- tainement avec un grand intérét leur exécution, Par un curiewx hasard, Crest justement son propre fils, Filip- pino, qui terminera les scenes lais- sées inachevées par Masaccio pen- dant les années quatre-vingt. En 1432, dans le cloitre de Téglise du Carme, Fra Filippo signe sa premiéze ceuvre, La Confirmation de la régle des carmes, juste & coté du Sacre de Masaccio. Les rares frag- ments encore visibles de cette pein- ture, détruite de la méme fagon que Yeeuvre voisine de Masaccio, portent les traces d'un réalisme influencé par Vécole de Masaccio et Masolino, mais elle est plus simple et plus robuste: nous retrouverons des traces de ce réalisme dans la Madone de Tarqui- nia de 1437. Le style caractéristique de Filippo Lippi n’apparattra que vers 1440 lorsque, sous l'influence de Fra Angelico, il adoptera une nouvelle conception de la lumiere et abandon- nera la dureté qui lui était jusqu’alors habituelle. Aires avoir quité te cou vent, peut-étre pour pouvoir pratiquer son activité de peintre, on le retrouve a Padoue en 1434, oil réalise la déco- ration du tabernacle des reliques dans la basilique de Saint-Antoine. Un texte de Pépoque confirme sa pré- sence dans la ville et parle d'un “Cou- ronnement sur le premier pilier a gau- che en entrant dans ’église”. est de retour a Florence en 1437. Il exécute la Madone de Tarqui- nia: il n'a pas encore abandonné le réalisme & la Masaccio qui caracté- rise la Madone de I'Humilité du début des années trente, mais la couleur et Ja lumiéze du tableau révélent des influences nordiques, _peutétre acquises durant son séjour & Padoue, bien que déja présentes dans la pein- ture florentine de cette époque. On lui commande un panneau pour le cha- pelle Barbadori (aujourd'hui au Lou- wre) pour quarante florins d'or. En 1442, il travaille au Cou- ronnement de la Vierge, une ceuvre qui témoigne deja, par la transpa- ence de ses couleurs et parla fluidité et 'élégance de ses lignes, de son évolution vers un plasticisme plus élicat. Selon la tradition, le person- | nage agenouillé sur la droite du reta- ble serait Lippi en personne: en réa- lite, il s'agit du commanditaire, Fran- ‘cesco di Antonio Meringhi ;le peintre cest, par contre, le plus jeune des deux moines agenouillés sur la gauche. Durant cette période, Lippi travaille beaucoup, ce qui ne 'empé- che pas dlavoir des difficutés finan- ccidres. En 1480, il affirme avoir payé & son assistant Giovanni di Francesco ‘quarante florins et exhibe en guise de preuve un recu falsifié. Les deux plai- deurs sont ‘emprisonnés et Lippi confesse son escroquerie sous la tor- ture. Lannée suivante, un autre contentiewx oppose a Antonio del Branca & propos d'un panneau pour equel le peintre réclame soixante-dix florins d’or alors quill V’a fait réaliser de toute évidence par un aide, Enso, dest appelé aPrato pour exécuter les fresques du chceur de la cathédrale. Il s'y rend avec Fra Diamante, qui restera son principal collaborateur jusqu’a sa mort. Iregoit aussila commande d'un tondo (quiest peut-étre celui du Palais Pitti a Flo- rence) aremettre en décembre. Selon De Tolnay, la Madone du tondo serait le premier portrait de Lucrezia Buti, la nonne que le peintre aurait choisie comme modéle et qui ensuite a vecu avec lui, lui donnant un fils: Fiippino, Mais ces évenements se situent vers 1486 (Filipino naitra année suivante) tandis que le tondo n'est pas pos- térieur & 1453. le scandale qui fait suite & son histoire d'amour avec Lucrezia lui cofitera son poste dadministrateur du couvent de San Quitico alla Legnaia, a charge lui sera retirée aprés une longue dispute par un “bref" du pape qui accuse Lippi d’avoir perpétré des fautes “infémes”. Giovanni de Medi- cis, dans une lettre & Bartolomeo Ser- ragli a Naples, écrit a ce propos: "..et ainsi nous avons bien ri de la faute de Fra Filippo”, Deux ans plus tard, Lucrezia retourne au couvent. C'est peut-étre de cette époque que date le portrait “idéalisé” de cette _religieuse contrainte et forcée, représentée dans la Madone a l'enfant avec deux anges de la Galerie des Ottices (tou- jours selon De Tolnay). Il est certain que ce tableau, le plus “Botticellien" et le plus élégant de Lippi, a di faire une Grande impression a l'spoque, surtout sur les jeunes peintres. Lucre- zia abandonnera une seconde fois le couvent pour partager la vie de Filippo en 1461. Nouveau scandale. Cette fois, probablement grace & l'in- tercession des Medicis, le peintre est lbéré de ses voeux. I1peut alors épou- ser Lucrezia et reconnaftre son fils Filippino, En 1464, ils auront une fille, Alessandre En 1463, les représentants de la ville de Prato se réunissent pour trouverle moyen de permettre & Lippi de terminer les fresques de la cathé- drale. Fra Diamante, incarcéré pour mawvaises mosurs, est libéré pour aider son maitre, En 1466, tippi se rend & Spoléte pour inspecter le choeur de la cathédrale qu’on lui a demandé de décorer, Vannée suivante, au prin- temps, il s'installe dans la ville. Filip- SointJesme — Florence, Musée Madics pino et Fra Diamante sont avec lui, Vers le mois de septembre, les fres- ‘ques sont commencées. En 1468 et 1469, on le dit ma- lade a plusieurs reprises; En 1469, i Dessin dune Crucifixion — Londies, Brish Museum regoit probablement une visite de Pol- laiolo. En septembre, Fra Diamante achéte de la feuille dor pour les fres- ques, qui sont donc probablement au stade des fintions, Mais le 10 octobre, Filippo Lippi meurt (selon Vasari, ‘empoisonné pour une histoire de fem- res). [1a toutefois presque réussi finir son travail puiscp'en décembre les fresques sont déclarées terminées. 11 est certain qu‘aprés son mariage, les seules ressources de lex-moine pro- viennent de la peinture & laquelle il se consacte sérieusement. Le fait que Politien en per- sonne, éducateur des enfants de Lau- rent, ait écrit ’épitaphe de Filippo est. une preuve de Vaffection que la Cour des Médicis avait pour le peintre. Un peintre qui, malgré-la variété de son inspiration, doit étre_considéré ‘comme une figure importante de art florentin de la moitié du 1° siécle Héritier de Masaccio, sensible au charme de la peinture de Fra Ange- lico et de Piero della Francesca, il fut Je trait d'union idéal entre la génér tion héroique du début de la Renais- sance et celle de sa maturité raffinée a laquelle appartiennent Botticelli et Léonard de Vinci. LA MADONE DE LHUMILITE ‘La personnalité de Masaccio traverse les premiéres années du xv'siécle comme un météore, affir- mant limportance et le réle de | figure humaine comprise dans la réalité de son volume et révélée par la lumiére dans un espace concret. Filippo Lippi est l'un des premiers artistes a pressentir la portée révolutionnaire de la peinture de Masaccio. Il s‘inté- Tesse a ses idées et d sa maniére parce qu'll veut donner une vision nouvelle et positive des personnes et des choses. Il apprécie la conception plastique, 'idée humaniste d'éliminer Vidéalisation gothique de la figure humaine et du décor naturel. Tout ceci est évident dans la Madone de I’humi- lité, connue aussi sous le nom de Madone Trivuizio. Dans l'espace défini par la forme du retable, les personages entou- rent la Madone a Yenfant assise sur un pré. La figure de la Vierge, ‘qui semble faire un effort pour soutenir le poids du corps de Jésus, posséde une plasticité et une humanité décidément proches de celles de Masaccio. Les autres personages se serrent autour de la pyramide centrale formée par cette derniére avec un rythme qui fait tourner les figures dans Yespace, leur donnant mouvement et volume. Bien que n’étant pas symétrique, la composition est parfaitement équilibrée avec sainte Anne gauche, deux saints dominicains a droite et la “couronne” formée pat les autres personnages. Filippo Lippi situe ses figures dans un espace réel dont il veut nous faire sentir tout le volume: celui des deux carmes enveloppés dans leurs manteaux est mis en valeur par leurs attri- buts dont la perspective est diffé- rente de la leur (Ie couteau placé horizontalement sur la téte de saint Pierre martyr et la branche de lys inclinge sur Pépaule de son compagnon). Dons le panneau de Upp les nfo siués des cde cls du vsoge def Verge sn! sis comme dons un inoranés lus es legiremen! relevées,exroordinarenent syibiques ~conme chez Maioeco — el aninées dine ‘notion ef dine lt poriculives =i 1490-32 - Panneau, 70 x 168 em - Mion, ‘Musée du Chéteou des Sorza Mesaecio: Sainte Anne, la Madone 8 Enfant et cing anges (tat, 142625 — Déirempe sur pon ‘nu, 1752103 on — Fence, Galerie des Ofices. image defo Madone de Masai, |a superposition de “blocs slides, tegrévente un pon! de 1éleence pour Flppo Lippi ses debuts Cele Modone, comme colle depp, consitve ‘au centre d ibleov an noyou plstue ‘ovtour duque!| organize out le ese della sno. s log permettra A ses n tous les LA MADONE DE TARQUINIA Ponnaou,I44 x45 em - Rome, Gelrie Nationale As Ancien On voit bien ici quelles ont été les deux influences prédominantes sur la peinture de Filippo Lippi: celle de Tart du jeune Masaccio, homme nouveau de la Renaissance, et celle de Vart flamand et de Yutili- sation particuliére de la lumiére. C’est en effet des Flandres que vient cette lumiére qui caresse les figures et qui fait ressortir en douceur les volumes, définissant les détails les plus infimes, que ce soit le petit livre sur le siége ou Jes anneaux aux doigts de la Vierge. Et c'est encore ala peinture flamande que Lippi emprunte la construction en perspective de ses arriére-plans et la définition de espace dans lequel se meuvent ses personna- ges. En effet, V'arriére-plan en perspective constitue un fait nouveau: un espace a peine suggéré par une série d’éléments concentrés autour des figures des protagonistes. Mais on est frappé aussi par la mise en forme: un “eadrage” rapproché qui donne impression que l'espace naturel se prolonge dans le tableau. onard de Vino: fhude de a gure de Tonge lo Vierge our roches — Desi, 2133 x 15,9 om ~ Chéteau de Windsor Bibllatque Royale. Luce du drop fq Lipp! mtise avec tun grand talent dans sa Madone de Torquinial conve, de Lonard & Dire; [an des éléments fandomeniaux de lo formation des peintes de la Reraissonce Le Maite de Fémale lo Vierge et Enint devant un pore-eu, 1420.25 em — lonckes, Notional Goll Cate version elo Verge & Fnfont ‘monte bie Fnfuence elo pent lamar sur fo Madone de Filpeo {pp urea ence qui conceme flan de ‘alumi trae, qu tert & dll Figure et fe décor de a pice Wdecrte priser! dans our ses diols! élorée por une fente souent sur un inpresion dinntude oe lespoce La perspective s'enfonce derriére la figure de la Madone et s'ouvre vers Pavant de la piéce, of les figures semblent se dilater, révélées par la lumiére provenant de la gauche. Elles ne sont pas, en effet, insérées dans la profondeur de la perspective. Le peintre s'attarde sur le dessin et le clair- obscur des plis du manteau de Marie, le rendu des matiéres, les nuances des couleurs métalliques, la description d'un espace sans perspective linéaire, le détail des bijoux et des attributs de la Vierge Ia figure de Jésus, le corps tendu vers sa mére dans un geste déter- miné et revendicateur, a une puissance étonnante. VIERGE A LENFANT ET SAINTS fate Mae ore La composition de cette scéne complexe et remplie de personna- ges repose sur une mise en scéne parfaite et sur une correspon- dance précise, basée sur la symétrie de la structure. Filippo Lippi distribue ses personnages dans une architecture richement décorée en organisant un “jeu de miroirs”, c’est-a-dire une série de contrapposti qui se répondent de part et d'autre de 'axe de symétrie de la scéne. La Madone se dresse au centre dans l'encadrement de Yarc et soutient Enfant appuyé sur sa hanche droite. Elle est aussi encadrée en bas par les crosses (Gont Yinclinaison n'est toutefois. pas la méme) des deux saints agenouillés a ses pieds, disposés, comme les autres personnages, en contrapposto de facon a suggérer la globalité de espace et le volume. Prés du tréne se trouvent deux groupes de trois anges, parfaitement symétriques, tandis que derriére la balustrade, deux couples d’enfants regardent avec Cidess Domenico Veneziano: Retabe do Sorta lice de Mognal, 14451447. Dérenpe sur pomecu, 209 x 216 cm — Rarer, Galerie der Ofces. Cone dans Venue de ip, nous retour ile mai ds ros erches of porque, sus lquel se eave ofr de Mori Ore Exon el ne oxide base Son othogsnae ove ds ches (a conposton est ne sce conplere de plos és prune lume aot eeortenan es volumes des figures dsposées en percecve CCiconte Beota Angela: Verge & Enfant et soins IRetable Annolenal, 1437-1440 ~ Florence, Musée de Saint Mare. Dons ce pponnecu de Fa’ Angelen, nya pos de portque mais uniquement une niche ceil & Pinésieur de laquelle la gure de a Verge & "fant sort dons tole sa maj. Les sank, sur les 636s, conde! fe regard de Tobserveur ves cote demir. Comme chez Lippi espace se powsui& fete curiosité la scéne qui se déroule sous leurs yeux. la construction ordonnée et symétrique du tableau n’empéche pas auteur de donner a ses figures une mobilité remarquable. Filippo Lippi n'a pas recours a la lumiére immobile et hérolque de Piero della Francesca, mi ala lumiére mystérieuse de Léonard de Vinci, ni, non plus, a celle purificatrice de Botticelli: sa lumiére se propage, bouge: c'est pourquoi iltravaille particuliére ment les éléments les plus animés et les plus mobiles qui permettent Le schéma met en Evidence fa structured ka cemposion vec les tos ors qu serent encadramen, es deux colomes au deuxiime lon, les deux saints ou premier planet indinoson de leurs cose, ks devx groupes cfanges tls deux couple delanis iL Filppo Lipp ime animes ses scnes enfants siués derre le pesomoge cenral komme dons lo Modone de Hurl) ov dere lo bolusrade clin tne [corm dane cette Verge {Enfont! ov encore en ran de soggroper ous habis de leur mire comme dons letonde représentant des scines dela Vie de la Vierge ct de sointe Anne, de créer des clairs-obscurs nets sur les visages, les figures en contrapposto, les voiles agités par le vent, les paysages rocheux. Avec Filippo Lippi, la figure humaine en mouvement, et plus précisément le dynamisme et la torsion du corps humain sous Teffet des émotions et des senti- ments, deviennent des motifs fondamentaux de la conception de Tespace lumineux. Les contours des visages et des corps sont des lignes mobiles, sensibles, vibrant sous la lumiére ; les chevelures resplendissent dans les fils d'or des coiffures et dans les transparen- ces des voiles les corps sont couverts d’habits légers animés par le soulle du vent. Les visages sont souvent larges, comme aplatis, définis par des lignes intenses, mais mobiles, faisant vibrer la lumiére diffuse sur la surface des chairs. Cette couvre, connue aussi sous le nom de Retable de Saint Esprit, est encore basée sur des gammes chromatiques étendues, mais elle témoigne déja du changement de style de auteur, un style caractéristique et trés personnel a Popposé de la monu- mentalité statique de Masaccio qui avait pourtant influencé ses ceuvres de jeunesse. Quant aux motifs flamands, ils sont eux aussi renou- velés pour enrichir le langage, désormais vraiment original et autonome de l'artiste qui s'inspire par ailleurs des apports culturels de Donatello et de Paolo Uccello. SAINT AUGUSTIN DANS SA CELLULE Ce tableau appartient a la prédelle du Retable de Saint Esprit et constitue I'un des exemples les plus significatifs de la definition de lespace au moyen d'une perspective rigoureuse et d'une utilisation savante de la lumiére. Lippi équilibre sa composition en disposant du cété droit la figure du saint, en train d’écrire & un pupitre, et du cété gauche celle d'un moine entrant dans la piéce. la perspective est construite avec une précision géométrique. Elle est centrale et son point de fuite Ccesss.Vtare Carpaccio Soin Augustin dans s0 celle, [502157 — Veni, Scuola de San Giawgio deg Schiavent Lo omaton calle de Viore C ere vien ene fo fn cw stl ee début du sve i spike por lo pene Ub, de Ferrare ef, comme Fiippo Lip po fr famed, Cte représentofon de saint Augustin dail en ifvence lam Sen traement de la lumie, son ikerpétt Fespace el de io perspective ainsi que lo prion et Fob le sos dts lo constuction dela pespecve met en vou le rami defo fue dv san, ada S00 menlecu, Ele cra, bens est placé au-dessus du bord supérieur du panneau, selon un point de vue légérement en hauteur. Les volumes géométri- ques de Varchitecture de la pidce et du pupitre contrastent avec le plasticisme des figures, avec le volume des tons bleus du moine de gauche et avec celui de saint Augustin dont le bloc pyramidal fait penser aux figures des saints dominicains de la Madone de THumilité et a celles des moines dans les fresques du couvent du Carme, -2— 1438 - Detempe sur ponneou, 40 x 235 cm rence, Gelerie des Offices “U, ne lumidre bleu clair ute tension plastique aux corps et & la matizre, met en évidence envelope au moyen une ligne libre et fluide, capable de soutirer & la nature le plus profond secret de un seul trait, dans un e U. Balint, 1963 -1e— VIERGE A LENFANT On est frappé dans cette ceuvre par le rapport entre la figure et Parridre-plan, entre le personnage et l'architecture, par la linéarité qui met en valeur la plasticité de la figure et par le contraste entre les tonalités du fond et celles de Ta Madone a I'Enfent. Mais cette ceuvre de Lippi a aussi des carac- téristiques originales, que ce soit dans sa composition ou dans son traitement chromatique En effet, la figure de la Vierge a une plasticité vraiment parti- culiére: elle ne s'insére pas, comume les autres madones, dans une niche ou sous un portique, mais elle se penche au-dessus dune sorte de petit balcon. Son espace est donc défini non seule- 1445 en. -Parneau, 68 x 64 em -Botinaccio florence), Ege de Son’ Andrea Vierge sure treet soit ti 1432 en ~Ponnecy, 196 196 on ~ Forence, Golere des Oe eve eure de jesnece de Fippo Lippi monte bien clone take fu models de la plosiquecssiqua Fes yerowons de fouteuretin onde a he, seukmen! dors ct dons le dapé de si dans le coufow dela figure ‘ment par la profondeur de arc et de la niche en forme de coquille derriere elle, mais aussi, devant, par la perspective de la balus- trade coupée encore une fois par la mise en scéne suggérant la continuité de lespace. Crest donc dans cet espace précis que Lippi insére la figure de sa Madone, éclairée par une lumiére douce. Le manteau de Marie est presque noir et met en valeur son savor desl visage splendide encadré par les humaite dela pree Yengparences du voile et les fils d'or des cheveux, Le volume “ploqué” de l'enfant, caressé par la lumiére et soutemu sans effort par sa mére, ressort sur le rouge de la tunique. figquotons de lppi of parler ets VIERGE A LENFANT Sederndc la Vierge au premier plan tient Les Sues de iepo YEnfant dans ses bras; ce dernier ps sv vival est entrain de manger un grain “"nées por des fos de grenade, fruit symbolique. eee ace Derriére elle, se déroule une ieeparaacte scéne de sa vie et de celle de cntudesnaables, des sainte Anne dans un espace gases groceu, des organisé selon les “bottes” médié- rps, ces vtenens vales, obéissant a une perspective de: vies ou nes 4 la fois spatiale et temporelle. Auctuces. Lippi articule ici son récit en ayant recours & une conception spatiale nouvelle et plus complexe ; il ne se contente plus d'une perspective centrale écrasée, produisant des effets de bas-relief, mais il organise une série de décors emboités. Sur la structure géomé- trique d’une perspective centrale qui converge vers le visage de Marie, Lippi organise une scéno- graphie complexe définissant les différents épisodes tout en condui- sant le regard vers la protago- niste. La figure de cette derniére a un volume en ronde bosse tandis que celles du fond semblent se détacher demi comme dans un bas-relief. le schéma ‘dere lo sctre gobi de lo Pespeaive gu ‘xgonse ls diene alors en une succesion dlspoces artical ui Sbscvesent rogesianen! ver Ifo Masacco a pint ure Madone dont Enfant et fen hon de pore & 40 bouche un grain de rin pis dons a main de sa mére. Dans son tondo, lippiremploce le rain por un grain de grenade. LADORATION DE L ENFANT 55 - Ponneau, 17 «134 em - Florence, Galerie des Offices Dans cette Adoration de !'Enfant, provenant du couvent d’Annalena, Tous retrouvons I'écho de la peinture de Beato Angelico (en particulier dans le groupe d'anges au-dessus de la cabane), mais aussi un type de composition et de conception de l'espace qui rappelle la peinture gothique. Filippo Lippi situe les figures de Joseph et Marie des deux cétés de Enfant reprenant l’iconogra- phie la plus traditionnelle (mais le Pied avec lequel Jésus cherche le contact de sa mére annonce déja Yattitude trés tendre de Yenfant Jésus appuyant son pied sur celui de Marie dans la Madone au chardonneret de Raphaél) et donne a la figure de la Vierge des proportions plus grandes que celles de Joseph, pour obéir la tradition gothique qui met en valeur la Mére de Dieu. Gaidence lo sruce de la composition du tableau, pl par lo Sone Fomil, Fe décor avec la cobane, le ruin ef escle Terriéeplon poysage rocheux. Le groupe forme por Joseph, Mori et Jésus nest pos contenu dans dons ean et uid pa ogonales des deux rectangles fr exe centro rope an forme més por ‘Adoration de nfo 1453 — Panneas 127 116 om ~ Beri Soothe Museen Prousicher Kulubestz. Oure "Adoration ch quise Bet, of une oure Derriére, a droite et a gauche, se trouvent les figures des saints, et au centre la cabane (appuyée contre un mur sur lequel se greffe un escalier, annongant le décor de la célébre Adoration de Léonard de Vinci). Le dessin et la couleur des personnages principaux ne cherchent pas & rendre leur volume, ils se limitent a définir leurs formes en les enrichissant par les lignes des plis et du drapé, dans un clair-obscur ténu qui suggére une luminosité diffuse. Sur Varriere-plan vert, ocre et gris, Filippo Lippi “écrase" les tons orange et bleu de la tunique et du manteau de Joseph ainsi que les tons rose, jaune et bleu des vétements de Marie ; 'enfant Jésus n'est pas couché sur de ia paille ou dans une mangeoire:: il est allongé sur un pan du manteau de la Vierge qui lui sert de berceau. LES OBSEQUES DE SAINT ETIENNE Ly a indubitablement dans les figurations de Filippo Lippi une nouvelle conception du rapport entre le sentiment, mouvement interne de l'esprit, et 'expression de ce sentiment a travers le mouvement du corps; de méme entre le corps en mouvement et Yespace-lumiére. Alors que Piero della Francesca “bloque” ses personages sur un arriére-plan intemporel révélé par une lumiére sans ombres, Lippi situe ses figures, dont les attitudes corpo- relles sont dictées par les mouve- ments de l’ame, les sentiments et Jes passions, dans un espace organisé en une succession de perspectives fuyantes encastrées Jes unes dans les autres. Alla composition de la perspective correspond une palette basée sur les gris et des tonalités atténuées, sensible aux nuances et aux reflets Leschéma meter elation fo suture defo perspective rchiecuole et cele des groupes de personnages sus des deux cts de lo sine, sci dons des ots ciférents, into! le speciatew & découri lo porclarié de chocun fen entrant done Nespace de Iigle qui sou devon —2- Détol des Histoies de sont tiene t sin Jon, 1452-64 - Fresque, Cothédeae de Proto du clair-obscur, Les lignes Auctuantes et les attitudes insta- bles des figures, vétues d’habits ondoyants et de voiles ondulant dans le vent, contrastent donc souvent avec la géométrie des paysages ou des architectures des arriére-plans. Les fresques de Filippo a Prato donneront naissance a un courant florentin qui aboutira d'un cété a 'élégance linéaire de Botticelli et de l'autre a la rationa- Iité spatiale de Léonard de Vinci. Dans ces Obséques de saint Etienne, Lippi construit au centre une perspective fuyante trés profonde qui donne l'impression de sortir de l'espace de la repré- sentation vers l'avant en projetant au premier plan le groupe formé par le corps étendu du saint et les femmes en train de pleurer 4 ses pieds. ‘Obsdaues de sin Senne ensenble-Feaque ‘ogparenan! cur Fistor de soit Etienne et Sint Jean dela chica de Prat. Don cate fis ble esque, on et ropo palo veloné du pene descr do la surface de so reorsenaion en cant une penpecive cantale proonde ou “dig” fobservoieur vers out {ruta ote cet fet non selene gre @ la constuchon en perspective de sa ne ms cus rice ane devs ole ores de personages 7 pespecve qui lui ‘oun chenin, LE BANQUET D'HERODE Détol des Hetoires de sin Bienne el sain! Jean 152-44 - Fresque, Cathédrale de Pato a scéne du Banquet d’Hérode est construite selon une perspective centrale qui transforme l'espace encadré par les pans de mur en un véritable espace scénique sur lequel danse Salomé. Nous remar- quons & droite les figures de deux servantes a la fois attirées et effrayées par le spectacle de la téte de saint Jean Baptiste offerte sur le plat. Les deux jeunes filles sont I'une en face de Vautre dans un rapport de contrapposto typique de Lippi. Ce vis-a-vis presque symétrique suggére la sensation de volume. Remarquons toutefois qu'll n'est pas seulement spatial, mais aussi psychologique, opposant les expressions de deux figures et accentuant de la sorte la force de l'interprétation. La peinture de Lippi est ici comme ailleurs basée sur la ligne qui définit et précise Yarriére-plan, les architectures et les personnages. Le scéne fait partie, nous I'avons dit, des fresques de la cathédrale de Prato et présente, comme toutes celles du cycle, des arriere- plans a la perspective soigneuse- ment étudiée, construits selon des régles géometriques rigoureuses, Cidessus Donal: Le borquet d'Héode, 1425-27, Ponneau des fons baptsmoux en bronze dovt, 40 x 60 em — Senne, Bape Dons ce bose ke pespectve est rendve av moyen dane succestion rfhmée de ons qu, din cle sugge le polondaur de espace. de laure exile corocte cromorique des Aigues poussées vers lovan! por ko hit gu Irappe. CGdessous le banquet dHérode fue presave Jolale)— Deal des Fesques des Histoire Sint Etonne et sont Jeon de a cathédroe d Proto. lo scene révBle une parfait connoiso des gles defo perspective lipo représene Solomé dons diférentes 2 des mamants aires socédé dB ute por M un équilibre parfait entre les personnages et les décors et un rendu attentif de la physionomie des protagonistes. Voriginalité de Filippo Lippi se manifeste dans la légéreté de la lumiere et de la couleur qui exprime a la fois le mouvement des formes et l'agita- tion intime des sentiments. Le peintre situe la scene dans un espace défini par deux pans de mur latéraux, enrichis par du mobilier, un sol au carrelage géométrique parfaitement dessing et un mur de fond dans lequel s‘ouvrent deux arcs qui donnent sur une piéce dont la fenétre est elle-méme ouverte sur un paysage naturel. I s'agit done d'une perspective “télescopique” qui veut aller au-dela de la surface du mur, créant un espace illimité, un espace qui se poursuit hors de la scéne sur laquelle Salomé est entrain de danser. La construction scénographique, la richesse des éléments architecta- raux, les détails de la vaisselle et des tables, mais aussi et surtout Je mouvement et les attitudes qui traduisent les sentiments des différents personnages, tout cela annonce le mouvement conges- tionné, dramatique et passionné de Botticelli, Cette scéne est traitée sans ‘exces; son interprétation émotive s‘exprime logiquement dans des tonalités claires et légéres. Le détail que nous présentons dans la page ci-contre représente la figure de la princesse regardant lun air impassible la téte coupée de saint Jean-Baptiste, tandis que ses deux servantes se serrent Tune contre l'autre, effrayées par cette vision. La linéarité et le tonalisme de Lippi réussissent & exprimer les sentiments et le souffle de la vie. Le schime de lensemble du Banquet éHécode ence lo perspective qui dbarde de lo ‘mur en donnont une impression espace inf, Lo ene et dni par les deux men annonce le she de Boticel. —23— LA PIETA Dans cette composition, on remar- que A la fois le paysage rude et rocheux qui envahit la moitié supérieure de la scéne et qui pése sur les personages, et les personages eux-mémes, Marie et Jean dramatiquement situés a Vintérieur du tombeau, soutenant Je corps couleur de cire d'un Jésus au visage lumineux. Les couleurs sont aussi étonnantes : sur le fond gris ocre qui encade la scéne, le bleu changeant du voile de Marie et le rouge vif du manteau de saint Jean, séparés par la paleur du corps du Christ, ressortent par la force de leur contraste. La conception du paysage est étran- gement “cézannienne”, presque cubiste, non seulement par ses formes géométriques, mais parce qu'il est congu comme un Le poysage rocheux rude gfométique ‘supe la moe sypéreure de lo sere de lo Ft, englabont dans san drei drameaique les Fos peronnages estan sur le Ch! gr8ce& la zone sombre de lo grote centrale Ccesus. cto Angelce: Déposiion ide la pédel du Rtoble de San Mercal, 1438-40 ‘Munich, Ale Prkothek. I le corps ds Ch et fu cenite de a compostan devanl erect sombre dv sépulre ewer, entouté din payin recheux. Conpasiion, pesonnages tout contibue &rapeee, conme dons lcewre de Lipp es exemple famands ‘commentaire a l’événement dramatique et comme le reflet d'un tat émotionnel, un choix qui confirme Ja volonté de auteur de trouver un rapport significatif entre ses personages et la nature. Le logement des trois protagonistes dans 'espace étroit du sépulcre, dont le bord “ferme” la perspective en bas et sur le été, n’est pas seulement déter- miné par la recherche d'un espace “réel” dans lequel nous pourrions pénétrer mais par un choix moral, une volonté de faire participer le spectateur & la douleur de la Mére et du disciple. —24— 1452.64 1 - Ponneay, 0 x 20 em - Mion, Musée Poli Pezzol Ictdessou! aps ren de lo beauté de Peonogrophie trodonnele: Rippo Uppi pelt une femme She, & lexpresson its deulovewse, qui acres ‘ervleur un regard dsespSié comme pour ANNONCIATION I1est intéressant de remarquer le rapport entre les personages et la nature dans les compositions de Filippo Lippi. Il cherche en effet a saisir et a exprimer I'intimité et la profondeur de leur lien: d'un cété les réactions de l'individu susci- tées par la nature qui l'entoure, de autre la fagon dont cette derniére refléte lagitation et les sentiments des étres humains. C'est justement 1a que son Annonciation différe de celle de Fra Angelico, de laquelle pourtant Lippi s'inspire dans une recherche renouvelée d’équilibre et de beauté, En outre, les espaces oii se situent ‘ange et a Madone sont caractérisés avec une précision nouvelle: le pré fleuri et le jardin de 'espace céleste, celui od se trouve ange, sont rendus avec une précision délicate ; 'espace terrestre, celui ot se trouve Marie, a un carrelage extrémement bien décrit. Dans cette Annonciation, a dater de la période des fresques de Prato, le peintre dispose ses deux figures des deux cétés de I'axe de symeétrie matérialisé par la perspective de I'élément central: ange se trouve a gauche, selon Viconographie traditionnelle, et la Vierge & droite. Tous deux s'incli- nent, leur pose étant guidée et accentuée par Parc de la lunette, Cette séparation, @ la fois réelle et symbolique, est signalée ici par la qualité différente du terrain sur Tequel I'ange et la Vierge sont situés: un pré d'un cété, un carre- lage de l'autre. Le soin avec lequel Filippo Lippi peint le jardin avec ses plantes et ses fleurs aura une grande influence sur le jeune Léonard de Vinci, qui s’en souviendra dans la description du pré de sa propre Annonciation. Quant a la perspective vue d’un point légérement élevé (conver- necu, 175 x 183 om ponnacu df prdsenle des Eemen's reps dons orice de Lorne gu sépare caraclnsiques orginal teles que lo présence de deux onges accorpageant Gabvi, geant sur la main bénissante en haut au centre de la scéne), elle semble nous guider a l'intérieur de la maison de Marie, nous invitant & traverser le carrelage de céramique ot se trouve le grand siége entouré d'un tapis doré. —26— 1457-58 en. - Fannecu, 66x Sl em - Londres, Notional Gallary Léonard de Vin ‘Anmancition (etal Poanecy, 98» 217 om - Rrence, Galerie des (ffces Les ypes de planter et de Reus do ré sur equa est post genau de Tonge de Fsnonciason de cnord, desis on por un, ieuile por foul son! dss présenis dans le pré de fAnnonciaton de Filippo Upp bo S i Fra’Filippo “est dans les ‘compositions qu’il se surpassa car il les faisait si gracieuses et si belles qu'on ne peut trouver mieux ; on le voit dans les prédelles de tous ses retables. Il fut tel, en somme, qu'aucun arti Ta dépassé de son temps et bien peu aujourd'hui. Michel-Ange ne 'a pas seulement toujours loué, il I'a méme souvent imité.99 Vasari —21— VIERGE A VENFANT ET DEUX ANGES Voici une image (trés célabre) de la Mere &'Enfant absolument originale dans sa conception et dans les éléments de sa composi- tion. D'abord dans le rapport entre les personages: la Madone est absorbée par sa priere et semble ne pas s'apercevoir de la présence de Jésus qui, soutenu par les deux anges, se tourne vers elle, la touchant du geste affec- ‘tueux d'un petit enfant cherchant la tendresse de sa méze. Vinten- sité du visage de Marie et de Jésus est contrebalancée par le sourire amusé, presque malin, de Yange de droite en train de soule- ver l'enfant. Les figures se détachent sur un paysage qui douceur de a sce fa le Medone e fatinde beset des russeaux et gui claré de lo perspective s'ouvre derriére le cadre d'une fenétre courant le long des bords du panneau. Ce paysage s’enfonce dans la perspective aérienne et dans une atmosphere mystérieuse qui sera reprise, plus tard, avec des accents symboliques et abstraits, par Botticelli, et, avec une sensibilité & la fois poétique et scientifique, par Léonard de Vinci (les rochers droite annoncent le =i 1465 env. détal - Dérempe sur panneau, 92x63 em - Florence, Gale paysage de la Vierge aux rochers). Quant au cadre qui entoure le paysage, il permet de suggérer la continuité et linfini- tude de l'espace, un espace sans début ni fin, qui rapetisse au loin dans la lumiére derriére les figures et qui avance en débordant du panneau pour englober lobser- vateur, La scéne tout entiére, dans les nuances de la lumiére, les attitudes des figures, la représen- tation du paysage, donne une impression de raffinement et de mystére, baignée a la fois d’une mélancolie délicate et d'une ironie légere — peut-étre une allusion subtile la nature divine et a la condition humaine. sto Boticall; Madone du Magnificat, 1482 85- Déreampe sur pannecu, dmb 118 cm Frorene, Galerie des Ofces, Dans ce tondo, nous rerovane la manite de ip légance es formes, le mowveren if vibrer fo hgne, fa comespondonce ene fe mewseren des corps of les sentiments des pertonages, fo luminesié des couleurs. Tov, le longage de Boticl cet pls mental; i cherche & rorslomer lorie fen beaulé een mythe q : . : \ UNE CARRIERE NEE SOUS LE SIGNE DE MASACCIO; Siiest vai que la qualité du travail de Filippo Lippi n'a pas tou- jours été égale, lest aussi vrai que les, jugements donnés au fil du temps sur son ceuvre ont été trés différents. Le jugement moralisateur de Vasari a eu lun certain poids (négatif) sur coux qui ont suivi, mais certaines erreurs de lecture ont été dues 4 une fagon trop déterministe de mettre en rapport des événements biographiques avec des caractéristiques de style. Par exem- ple, on a lié son apprentissage proba- | ble auprés de Masolino (qui était, comme nous avons vu, au couvent des Carmes durant l'exécution de la décoration de la chapelle Brancacci) 4 certaines caractéristiques “goth ques” de ses ceuvres de maturité (comme les fresques du choeur de Ja cathédrale de Prato), ce qui est une conclusion évidemment forcée. En effet la premiere influence forte- ment marquante de sa jeunesse (Comme le prouve la Madone Trivul- zio du Chateau de Milan) est celle de Masaccio, plus encore que Masolino; une influence qui est encore présente des années plus tard, a’époque dela Madone de Tarquinia. De ‘Tolnay remarque 4 ce propos que Filippo Lippi, qui était progressiste durant sa jeunesse, a pris une orientation rétrospective durant sa_vieillesse. Mais, & notre avis, dans le cas de Lippi, d'autres facteurs entrent en jou. LIPPI ET SON TEMPS _ 5A VIE ET SON GEUVRE wHIsTOM LES ARTS ET LA CULTURE 1406 Dueetnnte dein snecesPaace depp Se La Saga de eens congue Pe ‘Dense wre a dauton da ine Fence Ae oeta gg Son ple utero mice Chas Vile foul tc de Face dpe 180 Lanai oar an Etiat bao 06 Nessa Iota aes itcas aT ie jesse Uenpeaur ong! Tei emt Tee rors pst sour Para lige debe lee Fpgo caret pacts Dod et arash Destangs ‘oi Sra Mata de Carmine 1421 Lejunebonne pense pte de fe jen ot Saeece Hach VIeAngee pts ewe Nowa te de Ene en pone Senet Fain Queer este fs ad vera’ de Pace det agate Cat Ans. ar dela Francesa en uate reckon Maroon pas Maeno ae tosqss x covrentPuppeioHon ae deBougoguect oe Payedas jr Fnqutet probblees a esate peck eps 1434 Wepgoprbaie da Pappas Pao ct Utaale _Conma ce Mics deventematrortl ence ‘Acad pata de eee a ale ‘rable port ate Chater cern api 122 quae amp Jenne A te ous plat hese pine de Gutebery 1438 Une late de Damen Wau Poe de dels _Pagnaquentin de ouges ‘a Ragelco wre aerated core rie qu PaLppe em peae cue SieMneos lence ‘Frese spre aa dem Anges 1442 Disa x Coumeme! es Vnge practise thon le Sil ede apes Je poser Pambe riete te Serfntroga, Lest aceme eset abbe femmendvaet ie dele parce un Qleo tage Farlepae, Cet cote epooe qe dt menor erie Sn ern 1447 Dae isande de Apa dee Vrge ‘Mart due de Mian, ilpe Mase Vex, blazed cronquar Pipe de Connyes sant Borne pot pai 2 Seas saz Arr drt: proanaton de Hopebique Ta Aneto cre capes Saat Sitnsst soboneane wtiiea Reet at woe ate —30— Le moine peintre est en réalité tou- jours prét a saisir les nouveautés et les changements d’atmosphere qui se présentent, Dans son cas personnel, celui du peintre qui pendant long- temps a da affronter de grandes diffi- cultés économiques, ily a aussi pro- bablement quelquefois une tentative dadéquation a la mode pour répon- dre au goit du commanditaire, en particulier, dans son utilisation a tout propos d’éléments décoratifs, jolis & regarder. ‘Toutefois, Lippi n'est pas un éclectique. Sa production, a l'excep- tion de certaines chutes, ou de sa mauvaise habitude d’avoir recours avec trop de désinvolture a des colla- borations, est cohérente. En outre, souvent, en faisant siennes certaines suggestions (par exemple, celle d'une linéarité plus accentuée au cours des années cinquante), il ne se contente pas de suive les régles fixées & ce propos par ses inspira- teurs, Andrea del Castagno ou Pol- Jajolo en Foccurrence, mais il apporte son tour des nouveautés, offrant matiére a réflexion aux jeunes pein- tres, & commencer par Botticelli qui sera son éléve entre 1464 et 1467. Preuves en sont le trés doux portrait de trois quarts de la Madone a l'enfant de la Galerie des Offices, une vraie peinture a la Botticelli avant la lettre, ou le trés beau tondo du Palais Pitti, VAS1—Gesbtun oct par dates overs Goma dees Ags chasse eran piste dose rune do] Bosch Fanowco el Ceelienguiwatf0eescunis ery re dla Panes: Sr re pint Iuwent aqui Uuace suet, aan Cals Vordomne ine nquten det ecm pact ve Anno el Bence queue de subline TA fyeles leone dine commande een ull Fraps Sea rand pool tre de Dc do geet afar Nise 452 uprima del aon Td uta de lata que de otha tine ‘ice de Lenard ie (Cte Pins Pence geabita Pio pourpebdre USepecfoman expen esc ee Mamet Tha: Diab lesrengne des cabal St Stno cob! ran antl cng de Css data Passa commence Lagend dee ale ‘ses de ioe de sant eae er lesseles Vite de Come de Média ene crn Ato ‘ova pnda come eae 1457 etapa da cunt dS Marlee de Pao Chsin edu Mat Fama lao pu ite eds Ly arancamelename Ase Ceduna deere es es 6 CapTet ene ie ined pr aso de Gtbrg ners ee ene tu dome or ce Bt haperce: Le rr se aan Flip. He dons pa td toile, Rese ‘peat gga conmindé ar Mace deine dle gee ona aur i oer os ont ‘reo Sn Michels pri cele ps) 460 ining alae dean Paste ear Tore one foe ut ancane baile coast oie ple til a Gamage jor pare) Takebotee gece inn dee Men” Porzl ce Eve 1A67 Teepe pou prdas gues ola Tune Cosme de Medics en ut ts tpl Son fe werent Fone ovtealusrocide, agree acter Gamage Mat ons on pepe fs Let 1469 Lembemaade on jae a mearieSecatre Mange dea "sain Inbal de Cale aioe pene anode Rteden Spl ao ps de ae Anns, Jao dea erg i et as esque met feats pr Fa Dane Fern Regen ‘uate Moglgn ouside en pr Feace Phelan lgende de rts de owe aia ei tame dane ter. el ecto iareee ~31— qui inspira trés certainement Fiipepi et des peintres du debut du wr siécle, fascinés par Voriginalité extréme de sa composition. LA FORCE D'EXPRESSION DES VISAGES Avant cette évolution parti culdre vers la linéait, Lippi avait apporté d'autres nouveautés ala pein- ture florentine, déja présentes dans Youre de Masaccio, mais pleine- ment développées dans la sienne habitude de traiter les visages non pas comme des types, indifférenciés, mais comme de vrais portraits (beau- coup le sont en effet), et celle de don- ner ses personages une dimension vraiment humaine. Les visages de Lippi regardent souvent le specta- teur; certains semblent méme faire appel a sa complicité. Cette recher- cche est une caractéristique de Lippi, qui aura plus tard un certain succes dans la peinture florentine. Quant au réalisme des visages, il semble que son origine remonte & la fresque disparue de Masaccio, le Sacre, co le maitre avait représenté les por- traits de nombreux personages de Tepoque. Lippi connassalt bien cette fresque,nonseulementparce qu'elle se trowvit dans le cote de son couvert, ‘mais aussi parce qu'ilavait peintdansce clotre sa premiere tresqe, la Confir- mation de la régle des carmes, dans laquelle il avait déja adopté, semble tril, la pratique de Masaccio. Lun des nombreux mérites de Lippi fut aussi d’8tre Pun des pre- miers peintres florentins se rendre compte de limportance de la pein- ture flamande. On ne sait pas sill a découvert cette école a Padoue (la ‘Venétie, restée longtemps sous l'em- prise du gothique tardif, avait accueilli favorablement la peinture nordique) ou & Florence méme, oi Domenico ‘Veneziano en avait apporté quelques échos (par exemple dans b’Adoration des Mages de la fin des années trente) et oi les maitres flamands étaient pas des inconnus. Quoi qu'il ensoit, lorsqu'll s'intéresse au rapport entre “espace théorique et la Jumiére naturelle” (comme dans la Madone de Tarquinia), il utilise la perspective comme un véhicule de propagation de la lumiére, Carlo Giu- lio Argan écrit: “c'est ainsi que s'ex- plique la reprise des procédés de composition de 'Angelico et de Ghi- berti”. Il suffit de penser aux deux ailes de personnages qui servent & faire glisser la lumiére de Yarrigre- plan au premier plan dans le Couron- nement dela Vierge. I faut aussi dire que cette ceuvre, probablement ter- minge en 1447, est pratiquement uni que, du point de vue de la compos tion, dans ensemble dela production de Lippi. PROTAGONISTE DU RENOUVEAU ARTISTIQUE DU QUATTROCENTO. Dans ce quet'on peut con dérer comme I'ceuvre maitresse de activité de peintre florentin—le com- plexe des fresques de la cathédrale de Prato ~ dans laquelle Argan voit presque l'antithése du travail de Piero della Francesca & Arezzo ala méme Epoque (le cycle de la Légende de Ja vraie croix, commencé en 1452 et allant au moins jusqu'en 1459, dates qui correspondent exactement 4 la realisation des fresques de Prato), apparaissent encore, a cété de pers- pectives “emboitées” typiques, des décors architecturaux, des paysages aux roches sévéres qui semblent dériver de la tradition toscane la plus pure. Mais les visages et les attitudes des personnages, qui constituent un exemple remarquable de la curiosité de Vartiste pour la nature humaine et qui sont effectivement aux antipodes des modéles “immuables” de Piero —32— della Francesca a Arezzo, sont déci- dément modernes. Cest justement durant cette décennie que Lippi donne vraiment de Vimportance 4 ses rythmes linéai- res, dessinant des contours trés nets enfermant des clairs-obscurs déli- cats: bien qu'en moyenne, ces der- riers soient plus marqués que ceux de la nouvelle génération (pensons & Antonio Pollaiolo, puis a Sandro Botti- celli) le le joué par Lippi dans cette évolution est déterminant, Dans les ceuvres datant des années soixante, “nous ne retrouverons plus ce Lippi. Ce peintre extraordinaire, trés grand, qui peut-étre mieux que tout autre, sans se briler, a su parcourir presque tous les chemins, contradictoires ou ron, de la recherche du nr siécle flo- rentin, saisissant, semant et s'appro- chant des hommes et des choses, sachant passer du transitoire humain a Féternel de la vie de Fesprit, avec émotion et ferveur”. Certaines scénes du cycle de Prato, comme le Banquet d’Hérode, permettent de comprendre quelies sont les qualités et les limites de 'ar- tiste dans ce qui reste l'une de ses plus grandes réussites, Dans un décor bien déterminé du point de vue architectural (presque prédéterminé comme la scéne d'un thédtre par rap- port au jeu des acteurs), les person- ages se meuvent sans incertitude, adoptant des poses qui vont de la solennité ambigué d'Hérodiade, en passant par la stupeur ou la joie des commensaux jusqu’a la frivoité de la danse de Salomé, scandant en trois moments déterminés, mais coexis- tants, la tragédie de la décollation de saint Jean-Baptiste. La fresque cesse alors’ d’étre “histoire” pour devenir “narration”, ouvrant la voie & une fagon nouvelle de raconter que l'on retrouvera des années aprés sur les murs des églises et des palais ita- Hens FILIPPO LIPPI DANS LES MUSES en FRANCE: PARIS Musée du Lowe AvErRaNotR: ey BERLIN « Siatiche Museon ROTINKCCIO (FLORENCE) «Hse de Sant Andrea CAMBRIDGE (USA) «Fogg At Museum FLORENCE » Gulai au Forte Belvedere; Galerie Platine ; Galerie des Offices; Musée Médicis; Egle de San Lorenzo LONDRES» British Mosoum:; National Gallory MUNIGH «Rite Prakottek £? PRATO» Cathédrale ROME « Galerie Nationale d'Art Ancien; Galerie Nationale du Palais Barberini ewe

You might also like