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A PROPOS DE L’ARTICLE DE MICHEL VERRET SUR « MAI ETUDIANT >» par Louis ALTHUSSER de La Pensée (février 1969) & « Mai Etudiant, ou les Substitutions. » Je voudrais a la fois marquer Vintérét réel, mais aussi les sérieuses réserves qu’il m'inspire. J E viens de lire l'article que Michel Verret a consaeré, dans le numéro 143 Ltarticle de Verret peut & bon droit revendiquer un triple mérite. 1) Crest, & ma connaissance, le premier texte consacré par un communiste a Vanalyse de certaines formes de Vidéologie étudiante de Mai. A ce titre, il comble une lacune importante dans la littérature marxiste frangaise existante. 2) Crest, & ma connaissance, une des premiéres analyses qui, & l'occasion aun objet relativement privilégié (le surgissement spectaculaire de Tidéologie étudiante dans un contexte économique et politique qui est connu, au moins dans ses grandes lignes), esquisse une tentative de la théorie des mécanismes qui peu- vent jouer dans la dialectique des formes d'une idéologie donnée, lorsqu’elle est directement confrontée & ses réalisations d'une part, et & la réalité d’autre part. A V'horizon de Vessai de Verret est done posé un probléme réel, qui dépasse évidemment objet immédiat de son analyse : le probléme de la constitution dune théorie marxiste des mécanismes de l'idéologie, et des transformations que la dia- Tectique de ces mécanismes impose aux formes mémes de I'idéologie consi 3) Le texte de Verret a enfin le trés grand mérite, et aussi le courage poli- tique d'évoquer la téche politique d'un « combat commun » avec les étudiants 4 LOUIS ALTHUSSER « gauchistes », trés précisément de I’évoquer en termes d’« unité d'action », « sur le terrain réel », en fonction de « Yennemi commun et des objectifs communs », mais en quelques mots trés rapides, qui risquent fort d’étre passés inapergus *. Tache trés difficile en effet, non pas seulement & cause des préventions ou des méfiances farouches existantes, mais surtout @ cause des raisons de ces préven- tions et méfiances, et de leur intensité, raisons qui & mon sens sont trés loin avoir été abordées par personne avec les exigences d’objectivité scientifique requises. Je crois que ce serait une erreur et une injustice que de sous-estimer ce triple mérite, — surtout le dernier. “Mais une fois ce triple mérite reconnu, et en fonction méme du projet théori- que et politique de Verret, il n'est pas possible, 8 mon avis du moins, de faire Ie silence sur les défauts du méme article. On me permettra de les examiner rapidement, dans un ordre d'importance croissante. Je tacherai de donner, dans toute Ia mesure du possible, un tour positif & Ia critique qui me parait s"imposer. Tout lecteur qui sera parvenu & lire article de Verret ne pourra manquer de reconnaitre d'abord qu'il est extrémement brillant : beaucoup trop brillant. Cet excés se trahit d’emblée dans sa langue, prodigieusement ramassée, dense, volontiers elliptique, chargée de figures de rhétorique, et surchargée d'un voca- bulsire ésotérique. Je doute qu’aucun camarade ouvrier puisse lire aisément, ou méme lire tout court ce texte, & la fois tres long et trés dense, et découpé en courts chapitres péremptoires aux titres dont la préciosité étonne. C'est déja, & mon avis, un sérieux défaut politique. Car nos camarades ouvriers qui ont défilé, ayant a leurs cétés les étudiants, dans 1a gigantesque et enthousiaste manifestation du 13 mai, qui ont bien souvent vu des étudiants venir & leur rencontre, pour les connaitre ou leur offrir leurs services aux portes de leurs entreprises, ou se battre courageu- sement & leurs cdtés en plusieurs circonstances, — tout en « sentant » que les étudiants n’étaient pas, malgré leur générosité, « sur la méme longucur d’onde » qu’eux, — nos camarades ouvriers ont droit & une explication claire, et intelligible sur les formes idéologiques particuliéres qui animaient les étudiants en Mai, sur Ia force progressiste de leur mouvement de masse, sur leurs mérites comme sur leurs erreurs, et sur Ia logique, souvent déconcertante pour eux, de leurs: réactions. De ce point de vue, qui est politique, V'article de Verret me semble soit devoir échapper & ses lecteurs ouvriers, soit les éclairer fort mal, ou méme brouiller leurs idées par le langage étrange dans lequel il est rédigé, et par ’insuffisance de ses analyses. Firai plus loin, Je ne pense pas que cet article, manifestement rédigé & Tintention des étudiants, et des seuls étudiants, atteigne vraiment le but que manifestement il se propose. Je crains que Verret ne s‘imagine qu'il va étre entendu des étudiants parce qu'il parlerait Jeur langage, celui qu’il pense étre le langage de Ia « légitimité culturelle dominante en milieu étudiant ». 1. Pages 85-86 de son texte. « MAI ETUDIANT » 5 Or tout ce que je sais du langage que les étudiants ont parlé en Mai, et quills parlent encore maintenant, dément, au moins pour I'essentiel, cette convie- tion. Sauf certains anarchistes hantés par les thémes de Ja « jouissance » sexuelle ou autre, les étudiants les plus conscients n'ont pas parlé Je langage de I'« érec+ tion » des barricades, de I'indice de permissivité, des Messies de la Parousie pédagogique, des lioux fantasmatiques, du charisme, des grands fantasmes d’an- goisse, des Vigilances Borgnes, des Critiques Hémiplégiques, pour ne citer que ces expressions parmi un nombre excessif de formules semblables. A ma connais- sance, malgré leur confusion et leurs erreurs, Ia plupart des tracts de Mai parlaient une langue assez différente, et les affiches de Mai la langue de tout le monde. Je sais bien que l'on m’objectera que la langue de Verret, étant la langue d'une analyse de « sociologie marxiste » de V'idéologie étudiante de Mai doit, en tant que langue scientifique (et, si c’en était vraiment une, elle en aurait parfai- temont le droit), étre une autre langue que celle des étudiants, soit celle dans laquelle ils ont exprimé leurs revendications et leurs espérances en Mai, soit celle dans laquelle ils ont tenté de « théoriser » leurs actions et leurs espoirs. J’en suis accord, mais c'est ici que les choses prennent un tour plus sérieux. Car si intention subjective de Verret : commencer de penser théoriquement Ia dialectique des mécanismes d'une idéologie en action, est parfaitement fondée, si elle requiert & cette fin l’élaboration de concepts théoriques, ces concepts doivent Gtre marxistes. Or force est de constater que le fond des expressions que Verret emploie avec une insistance qui confine & la complaisance, s'il est chargé de notions théoriques, véhicule en fait des notions théoriques qui, tout en faisant allusion & des problémes récls et & une théorie marxiste nécessaire mais encore & Glaborer, n'ont pas grand chose & voir avec la théorie marxiste. Sa terminologie recoupe constamment, du moins quand il parle de V'idéologie, qu'il appelle dailleurs d’un terme qui ne trompe pas: « l'Imaginaire social », une termino- ogie qui se veut d'avant-garde en France, qui a été employée dans des ouvrages, ailleurs méritoires en leur temps, par Bourdieu et Passeron, et qui n’est, il faut bien le dire, qu’un mixte de terminologie weberienne-durkheimienne et pseudo- freudienne, et pour tout dire psycho-sociologique, c'esta-dire non scientifique. Verret sera sans doute étonné de lire que ses analyses de V'idéologie étudiante relavent non de Ja « sociologie marxiste » qu'il invoque, mais de la psychoso- ciologie. Pourtant, il suffit de parcourir son premier chapitre (L’indice d’audace, Liindice de « permissivité », L’indice d’aristocratisme, Les révoltes princiéres) pour se rendre compte qu’il s'y livre A une description purement psycho-sociolo- gique des « motivations » des étudiants, en invoquant une sorte de « condition étudiante » abstraite, car cette description fait complétement abstraction de la situation économique, politique et idéologique qui a donné son champ & la révolte idéologique de Mai. Que le groupe étudiant soit « un groupe transitif », entre la vie familiale qwil est en train d’abandonner, et la vie professionnelle qu'il n’a pas encore abordée, entre le demi-savoir et le savoir, entre la morale et Ia politique ; que cette «situation » « permette » aux étudiants infiniment plus de « liberté » qu’aux ouvriers et aux autres travailleurs, méme intellectuels ; que fils de bourgeois et 6 LOUIS ALTHUSSER de petits-bourgeois, « dépositaires de Ia Iégitimité culturelle dans laquelle V'ordre social se réfléchit, se sanctionne et se justifie », ils prennent un plaisir « aristo- cratique » & cbranler les « Valeurs établies » ; qu’en cette apparente « liberté » ils cédent & des « fantasmes >, ot Ia « prégnance du principe du plaisir » trouve a se réaliser & peu de frais, — qui le nicra ? Mais qui niera que ces conditions ont toujours été celles des étudiants, que de tout temps la jeunesse estudiantine, surtout « dorée », ait joué, le temps que « jeunesse se passe », & scandaliser et ses Parents et I'« Ordre établi » ? Qu’est-ce qu’une analyse aussi générale nous apprend sur Ia grande révolte idéologique de Mai, en ce qui la distingue soit une révolte & dominance esthétique-anticléricale, comme celle de la jeunesse te» aux Jendemains de la guerre de 14-18, soit, & plus forte raison, des révoltes fascisantes et bientét fascistes qui ont submergé la plupart des pays @Europe occidentale aprés les années 27 en Italie, et 33 en Allemagne, méme ‘menacé Ia France entre 1932 et la guerre ? Les deux propositions suivantes sont exactement réversibles : 1) si on ne définit pas les conditions économiques, politiques et idéologiques précises qui fondent et done distinguent ces différentes révoltes, on renonce & toute analyse vraiment sociologique, et on tombe dans son résidu commun : une analyse psycho- sociologique ; 2) si on emploie, fasciné par les indices de « permissivité », d’« au- dace » et d’u aristocratisme », Ie langage de la seule psycho-sociologie, on rate inévitablement les raisons historiques qui font que ‘elle révolte étudiante est esthétique, fasciste, ow progressiste. Tl n'est nul besoin de dire que politiquement Je résultat est de taille, puis- quill renvoie tous les lecteurs & une « essence » intemporelle de la liberté « tran- sitive » de la jeunesse étudiante, ot chacun, qu'il soit esthéte, fasciste ou pro- gressiste, peut trouver son compte, & peu de frais. Voila qui doit nous éclairer au moins sur un point, pourtent parfaitement défini par tous les classiques du marxisme : c'est qu’aucune analyse d'une idéo- logie donnée, et a fortiori des formes définies oi s'expriment ses mécanismes, nest possible sans la rapporter aux conditions historiques spécifiques qui lui servent de support et de champ. Or Verret n’esquisse pas I'analyse des conditions spécifiques économiques, politiques et idéologiques qui ont donné naissance, non seulement en France, mais dans le monde entier, & la révolte idéologique de la jeunesse scolarisée. Il s'ensuit un double résultat : 1) sur le plan des concepts qu'il emploie, il est contraint de recourir aux pseudo-concepts sociologiques weberiens - durkheimiens-freudiens mélés, dans Yamalgame qui constitue le fond de toute « théorie » psycho-sociologique. Effec- tivement ces pseudo-concepts « valent » pour toutes les révoltes idéologiques, quelle qu’en soit la tendance politique, et done Ia portée. Révoltes d’un court instant ou révolte de longue durée ; révoltes superficielles ou révolte profonde ; révolte esthétique, fasciste ou progressiste. 2) sur Ie plan politique, Ia conséquence est claire. Comme on ne nous explique pas que Ia révolte idéologique mondiale de Ia jeunesse scolarisée est un des effets importants de l'agonie de limpérialisme ; comme on ne nous explique pas le réle des exemples algérien (Verret dit que « le groupe étudiant est sans mémoire » ! Je puis 'assurer que la guerre d’Algérie a laissé des traces profondes « MAI ETUDIANT » 7 dans Ja mémoire des anciens étudiants et méme des étudiants d’aujourd’bui), cubain, viet-namien et chinois (les échos de la révolution culturelle ont joué un role non-négligeable dans V'idéologie étudiante de Mai); comme on ne nous explique pas que I'idéologie bourgeoise est fortement ébranlée, pour ne pas dire démantelée par les événements de Vhistoire mondiale qui se sont succédés depuis le fascisme, Ia guerre d’Espagne, la derniére guerre mondiale et les révo- Tutions socialistes qui ont suivie ; comme on ne nous explique pas (car c'est la que tout le reste s'enracine) que la petite bourgeoisie, et méme certains « cadres » bourgeois sont, en France méme, profondément atteints par la crise économique qui les touche, quand ce n’est pas le chémage qui les frappe ou les attend (com- bien de futurs chémeurs dans les rangs des étudiants aujourd’hui ?) ; — comme on ne nous explique rien de tout cela, toute analyse « sociologique » de 'idéologie étudiante de Mai 1968 devient une analyse psychosociologique, done idéaliste, de Te Imaginaire social » d’un « groupe transitif » éternellement en transition, éter- nellement entre deux chaises, « le groupe étudiant », Le résultat est qu'il devient impossible non seulement de rendre compte du fait massif suivant : & savoir que pour la premiére fois dans histoire une révolte idéologique étudiante s'est étendue aussi aux lycéens et aussi & des couches impor- tantes de jeunes travailleurs intellectuels devenant ainsi une révolte idéologique de masse ; a savoir que pour la premiére fois dans Vhistoire cette révolte idéolo- gique a porté atteinte non seulement aux « Valeurs établies », mais aussi a des institutions d’Etat, et & leurs pratiques séculaires (le systéme scolaire avant tout), qui ne sont pas prés de s’en relever ; & savoir que cette révolte idéologique fran- gaise n'est qu'une partie d'une révolte idéologique de la jeunesse mondiale, et quelle revét un caractére incontestablement progressiste, en dépit de ses erreurs, de ses arrogances, et de ses illusions inévitables. Pour dire les choses d’un mot : quand on ne sait pas d’od vient une révolte idéologique, quand on ne sait pas en quelle profondeur historique elle est enra- cinée, on a de fortes chances de ne pouvoir discerner quelle est sa signification, quelle est sa portée, et quel est son avenir politiques, donc dans quelle mesure elle peut ou non aider la lutte de classe prolétarienne contre V'impérialisme, sur le plan mondial et sur le plan national. Je pourrais m’arréter Ia, mais je dois pourtant aller plus loin. Verret a parfaitement Je droit de consacrer une étude & 'idéologie des actions étudiantes de Mai. Il ne parle d'ailleurs pas que de la révolte étudiante. II parle aussi de la gréve ouvriére. Quand il parle de la gréve ouvriére il parle un langage marxiste, et non plus psycho-sociologique. Pourtant, s'adressant dans son article avant tout & des étudiants, j'estime qu'il devait considérer qu'il était politiquement indispensable avant toutes choses, de redresser Ia représentation erronée que la majorité des étudiants se font encore des événements de Mai. On ne peut, dix mois aprés mai 68, et vu l'état d'extréme confusion idéologique dans lequel se trouvent de trés nombreux étudiants qui se veulent « révolutionnaires » ou sim- plement « progressistes », considérer que les choses ont été suffisamment éclairées sur ce point, et que pour les étudiants Mai a été avant tout le « Mai des Prolé- taires ». Je sais que ce point a été affirmé par le Parti, mais nombre d’étudiants, 8 LOUIS ALTHUSSER qui n'ont pas été touchés, — pour des raisons qu'il faudrait analyser, car elles sont sérieuses, — par les prises de position du Parti, en restent encore a des illusions sur le véritable ordre des choses. Pour pouvoir leur parler, & supposer qu'on fit capable de présenter une véritable analyse sociologique scientifique de leur idéologie, il fallait d’abord remettre explicitement les choses dans leur ordre véritable, et dire ce qu’a été Mai 68. Qu’a été Mai 68 en France ? Une rencontre entre, d'une part, une grive générale & ma connaissance sans précédent dans histoire occidentale par le nombre de ses participants et sa durée, et, d’autre part, des actions non seulement étudiantes, mais aussi lyeéennes et « intellectuelles » (affectant des jeunes « travailleurs intellectuels », médecins, architectes, artistes, journalistes, juristes, ingénieurs, employés, petits et moyens cadres, ete.). Dans cette rencontre, la gréve générale ouvriére a été de fagon écrasante Tévénement absolument déterminant, alors que les actions étudiantes, lycéennes et « intellectuelles », qui Pont chronologiquement précédée, ont été un événement nouveau et de grande importance, mais subordonné. Tl faut aussi reconnaitre ce fait généralement méconnu ; c'est que, alors que pour la bourgeoisie, pour leurs parents et pour eux-mémes, les étudiants ont « tenu Ie devant de la scéne » en des actions spectaculaires, les actions les plus profondes et complexes ont sans doute été le fait de couches non-tudiantes : les lyeéens, les éleves des C.E.T., et les jeunes « travailleurs intellectuels ». Or Varticle de Verret ne mentionne pas l'importance de l'action de ces derniéres couches. Telle est, me semble-t-il, du moins en ses grands traits, la réalité historique, selon Vordre d’importance des actions respectives qui se sont rencontrées en mai 68, sans parvenir @ fusionner. Or, depuis mai 68, c'est-a-dire depuis dix mois, & part les imprécations de de Gaulle qui, Iui, vise directement les ouvriers dont il dénonce la menace «totalitaire », tous les projecteurs officiels, bourgeois et petits-bourgeois (une Enorme littérature qui couvre le marché de Védition national et international), y compris malheureusement nombre de « projecteurs » étudiants eux-mémes, sont sinon exclusivement, du moins presque exclusivement braqués sur Mai Etudiant. Je dis bien : Mai Etudiant, car Mai lyeéen et Mai travailleurs intellectuels n’ont pas droit a la méme publicité. En revanche, & part les publications du Parti et de Ja C.G.T. qui, & ma connaissance, n’ont pas encore produit d’analyse sociologique approfondie et détaillée sur ce qui s'est passé dans les différentes couches des travailleurs, selon les différentes branches de Ia production et de l'emploi, et a part quelques reportages isolés, un silence quasi-total est fait sur Mai ouvrier (Mai des Prolétaires, selon la juste expression de Salini) ! Or, quelles que soient ses convictions sur cette question (et je ne doute pi de leur justesse), Verret, par la disposition méme des chapitres de son analyse, done par le liew oi il fait dans son texte intervenir la gréve ouvriére, aboutit & un résultat qu'il ne souhaite essurément pas : il a beau corriger, par la critique des illusions étudiantes, la représentation que se font les étudiants du rapport existant entre leur idée de la gréve (« gréve anslogique ») et la gréve elle-méme, il ne rétablit pas la gréve dans sa place véritable, autrement dit il ne fait pas « MAI ETUDIANT » 9 apparaitre le véritable rapport, subordonné, qu’ont entretenu les actions étudiantes et autres avec Ia gréve générale des travailleurs. Qu’il le veuille ou non, il entre- tient objectivement de ce fait, en dépit méme de ses critiques souvent formelle- ment pertinentes, les étudiants qui le lisent, dans V'illusion N° 1 de leur propre « interprétation » de Mai. Car trop d’étudiants sont encore spontanément tentés d’écrire Vhistoire de Mai sur le mode exclusif d'un Mai Etudiant, ce qui n'est assurément pas pour déplaire politiquement & 1a bourgeoisie, fort pressée d’oublier pour son compte, et de faire oublier & ses enfants que, sans la prodigicuse gréve de neuf millions de travailleurs, les barricades du Quartier Latin auraient peut- tre laissé plus de blessures que d’espérances et de réves encore vivants, et dura- blement vivants, puisqu’ils inspirent les actions, certes désordonnées, mais tenaces et profondes qu’on a pu observer, depuis octobre 68, avant tout, dans les lycées, C.E.T., Ecoles normeles, ete. Si, toutes ces réserves faites, nous entrons maintenant dans l'objet méme de Vanalyse de Verret, nous Vappellerons non pas « I'Imaginaire social » des étu- diants, mais les courants idéologiques qui se sont réalisés dans les actions étu- diantes, lyeéennes, et « intellectuelles » de Mai 68 en France. La encore, je crains que Verret ne céde & une double illusion ou insuffisance. 1) Il traite en effet de Vidéologie étudiante, comme si elle avait é&é une. Pourtant il sait bien, et Ie déclare, que le « milieu étudiant » est composite, car il comporte, a part les 8 ou 9 % de fils d’ouvriers, des enfants de couches sociales tris différentes, allant de la toute petite bourgeoisie, jusqu’a Ia grande bourgeoisie, et méme aux restes de V'aristocratie. Si on considére que non seulement les étudiants, mais aussi de jeunes tra- vailleurs intellectuels en nombre important ont participé aux actions de Mai, il devient difficile de parler d'une idéologie, & moins de la considérer comme Ia combinaison instable de plusieurs courants. De fait, pour ne parler que des seuls étudiants, et depuis les scissions successives qui avaient entamé I'U.E.C. & locea- sion des luttes antiimpérielistes (guerre d’Algérie, maquis latino-américains, VietNam), et de la scission du Mouvement communiste international, il existait plusieurs courants de tendance idéologique trés divers, se réclamant soit de 'anar- chisme (le 22 mars), soit du trotskisme, soit du guévarisme, soit de la révolution culturelle chinoise. Cette diversité explique en partie les fluctuations des Mai, leurs hésitations, et, en partie aussi leur faiblesse. La preuve : la plupart des « groupuscules » ont éclaté ou disparu sous I'épreuve de Mai. Actuellement, et ‘on ne peut dire pour combien de temps, régne une idéologie « antigroupuscu- laire » et plus généralement anti-organisationnaliste de type néo-luxembourgiste, qui trouve ses organismes de « substitution » * dans les Comités d’Action, lesquels ne sont pas, en certains cas, sans efficace. Toute analyse de I'idéologie étudiante devrait done tenir compte de toutes ces données composites. Car ¢’est aussi en partie une illusion encore répandue dans de larges couches du milieu étudiant qu'il existe une idéologie étudiante. Le sens, sinon la cohérence des actions étudiantes serait, & mon sens, & chercher jctions étudiantes en 2. Verret parle & juste titre de processus de substitutions. 10 LOUIS ALTHUSSER plutét du odté des objectifs, et plus profondément des causes déterminantes de ces actions (dont j’ai plus haut dit un mot trés rapide). 2) Verret semble de surcroit considérer que V'idéologie dominante en milieu étudiant en Mat a été Vidéologie « anarcho-syndicaliste », dont il dit curieusement quelle est Vidéologie de masse de Vanarchisme, comme si I'snarchisme en tant que tel ne pouvait pas étre une idéologie de masse, justement dans des couches sociales dorigine aussi hétérogéne que celles dont sont issus les étudiants. Il invoque des mots dordre comme « pouvoir ouvrier », « pouvoir syndical », ete. Or, & ma connaissance, c'est V'idéologie anarchiste-libertaire qui a été domi- nante en mai parmi les étudiants en général, bien qu'il se puisse qu’en certains centres (Nantes par exemple, oft régne une forte tradition anarcho-syndicaliste en milieu ouvrier) des étudiants sient laneé des mots d’ordre anarcho-syndicalistes, qui, toujours 4 ma connaissance, ont été surtout proclamés par la C.F.D.T. et le P.S.U. (« pouvoir ouvrier », pouvoir étudiant », « pouvoir paysan »). Pour le pré- sent (mars 69) il me semble que Vidéologie dominante dans le noyau « avancé » du « Mouvement » étudiant soit une idéologie de type néo-luxembourgiste, bien que T'idéologie anarchiste y demeure encore trés forte, sinon en progrés, sous des formes relativement élaborées. Il me faut maintenant parler du principe méme qui inspire l'intervention de Verret, & savoir la forme presque exclusivement critique de son article. II est clair qu'il est indispensable de critiquer, et, comme le disait Lénine & propos du gauchisme ouvrier « sévérement, rigoureusement » les illusions et les erreurs de nos camarades étudiants, et qu'il « ne faut pas flatter la jeunesse ». Mais juste- ment, il faut aussi tenir le plus grand compte du fait que ces erreurs sont une «maladie infantile », non de la classe ouvriére, mais de la jeunesse, et dune jeunesse scolarisée ou intellectuelle *. Il ne faut pas confondre automatiquement cette jeunesse avec les petits groupes qui essaient den prendre la direction — ni 3 Quand on parle du gauchisme, et qu'on cite Mouvrage que Lénine a consaeré A celte question, JF taut savolr que Lénine parlait du gauchisme oworier, et mon du gal Ghisme ctadiant. THtaut surtout rappeler que dans la conclusion méme de son livre, Lénine éerivait : ¢ Boldemment erreur représentie. par le doctrinartsme de gauche dans te. mouvement fommuntste est, 4 Theure. présente, mille fois moins ilangereuse ef moins. grave. que erreur représentée par le doctrinariame de droite > Tl ajoutait que le gauchisme ouvrier était une maladie infantile qut pouvalt étre « dans eertaines conditions facllement en Sn avis personnel En dipit des diférences objet (gauchisme étudiant au View de gauchisme ouvrier) st de conjoncture, je crols toujours watable Te jugement comparatit de Lénine sur les Spngere tespectis. Sajoueraa «surtout en mllew ctudieatatellestcl, Te doctrine erreur représentée par le doctrinarisme de droite. “ ® * En rebanche, jajouterai que les clreonstances de Ia conjoncture actuelle risquent de rendre celle erreur extsémement diffciie Ae solgner + 1 ne serait-ee que. parce ques invonuant cite conjoncore, Te « intern >, ou du sholnh nombre entre us, ef Yeultlent vraiment les alder, leur offrizont. Ce refus, et sa forme, sont un des éléments bjectifs de la situation en’ milieu « étudiont » qu'il serait Insense de ne pas prendre fu sérleux, ne serat-ee que pour en analyser les raisons, qui. ne eeldvent pay de. In ou de la paychowoclologie >, Tous ecux qui’ ost une réclle exptrienee de Ja 'pratique pédagogique et politique en milieu étudlant, et surtout Iyeéen, Te savent. « MAI ETUDIANT » ul ses aspirations et réactions avec Jeurs « mots d’ordre ». Car c'est 1a masse de la jeunesse scolarisée et intellectuelle qui doit nous intéresser, et ses tendances pro- fondes. Or je ne pense pas que la méthode employée par Verret dans son article (critique négative, sous une forme froidement satirique, sans donner d’explications suffisantes, ni indiquer d'issue : et je sais que ces deux dernitres exigences ne sont pas, dans Ja conjoncture présente, faciles & satisfaire) soit a meilleure. Que doit faire un communiste, dix mois aprés Mai, pour aider les étudiants qui sont encore massivement pris dans les effets des illusions idéologiques, dont ils ont tant bien que mal couvert en Mai leurs actions parfois aventureuses, mais courageuses et méme héroiques ? Lénine nous met sur la piste, en um texte daté de 1916, que cite Salini : « ..Devant V'insuffisance de clarté théorique chez de tels jeunes gens nous devons réagir de tout autre maniére que nous le faisons et nous devons le faire fa Pégard de Ia salade théorique et du manque de suite révolutionnaire dont font preuve .udes adultes (Kautsky et Cie) qui trompent le prolétariat, qui prétendent conduire et éduquer les autres, et contre qui une lutte impitoyable est nécessaire 5 Ta, nous avons affaire & des organisations de la jeunesse, déclarant ouvertement qu’elles poursuivent leur apprentissage, et que leur tache principale est de former des militants pour les partis socialistes. Nous devons tout faire pour aider cette jeunesse, nous devons montrer Ia plus grande patience quand elle commet des erreurs, et tacher de les corriger petit & petit par la persuasion de préférence, et non par la lutte. Il n'est pas rare que des gens d'un certain age ou les vieux ne sachent pas aborder la jeunesse, qui, par la force, est obligée de venir au socia- lisme autrement que ses péres, par d'autres voies, sous d'autres formes et dans d'autres conditions... » Je sais que Jes conditions de mars 1969 ne sont pas celles de 1916, et qu'il est sans doute beaucoup plus difficile de faire preuve de patience qu’alors, vis’ vis de certaines attaques systématiques qui visent directement le Parti ct la C.G.T. Mais je pense que la recommandation de Lénine garde toute sa valeur, méme dans une situation oi le Mouvement communiste mondial est, de sureroit déchiré par une grave scission (en 1916, la situation n’était pas non plus bril- lante sous ce rapport). Je ne pense pas qu'il soit juste de se contenter de criti- quer de haut, avec assurance que donne V'expérience politique d'un « homme mir », une jeunesse étudiante et autre qui cherche sa voie, dans une situation qui n'est pas « difficile » que pour elle. Car enfin, si nous voulons tenir compte des éléments essentiels de la situation oii elle cherche sa voie, il me semble que nous devons considérer deux faits, et bien les voir en face 1) Ia révolte idéologique de Ia jeunesse scolarisée, qui a atteint son sommet en Mai en France, a commencé depuis 10 & 15 ans dans plusieurs Tiewx du monde. Il s‘agit manifestement d’un tout autre événement que des éphéméres révoltes esthétisantes des années 20-25, et méme que de Venrdlement de la jeu- nesse dans Jes mouvements fascistes d'avant la derniére guerre. C'est en effet une révolte mondiale, et e’est incontestablement, dans son ensemble, malgré certains déchots, aussi graves soient-ils, une révolte profondément progressiste, qui, histo- 2 LOUIS ALTHUSSER riquement, tient sa place, non négligeable, dans Ia lutte de classe mondiale contre Pimpérialisme. Elle porte en effet atteinte & l'appareil d'inculcation de Vidéologie bourgeoise par excellence qu’est le systéme scolaire capitaliste. I] y a tout liew de penser que, méme si elle subit de graves revers, cette révolte a, & travers ses épreuves et au-del d’elles, devant elle un véritable et durable avenir. La question fondamentale posée & cette jeunesse en révolte est Ia suivante : saura-telle non en paroles, mais en actes, opérer sa fusion avec le Mouvement ouvrier ? Sera-t-elle aidée & réaliser cette fusion ? 2) Or justement, cette étonnante jeunesse a di mener en Mai le gigantesque combat, trop grand pour ses propres forces, dans lequel elle s'est engagée, dans une condition objectivement dramatique : livrée, abandonnée & elle-méme, done seule. Tl s'agit-la d'un fait objectif, que nous devons considérer avec Je plus grand Le fait est que, sauf en Chine, ot dans un contexte absolument différent, et fa des fins immédiates qui ne correspondent pas & nos conditions, Ia Direction de YEtat populaire a pris la téte (ou 'initiative ?) de la révolte idéologique de la jeunesse, nos Partis communistes avaient, depuis plusieurs années, marquées en France par les crises successives de organisation étudiante communiste, prati- quement perdu contact avec la massé de la jeunesse scolarisée. Or je nai pas vu qu’on ait, sinon noté‘, mais vraiment pris au sérieux ni analysé & fond ce fait, non seulement en tant que fait de notre propre histoire, mais encore en tant que fait qui dépasse les frontiéres de notre pays, puisque cette révolte idéologique a affecté et affecte depuis plusieurs années non seulement les pays capitalistes, mais certains pays socialistes eux-mémes. Je n'ai eu connsi sance d’aucune analyse concréte, systématique et approfondie, de la situation concréte mondiale et nationale qui a provoqué cette perte de contact, trés domm geable, non seulement & Ia lutte de Ia classe ouvriére, mais aussi et avant tout Ja jeunesse scolarisée elle-méme. Je sais que, depuis Mai, le Parti fait de grands efforts pour renouer un contact qui avait été perdu en Mai, & un moment crucial de Ja lutte de classe, mais faute d'une analyse concréte de Ja situation qui a provoqué ce fait déplo- rable, j'ai lieu de craindre que les nouveaux contacts qu’on est actuellement en train de nouer ne reposent sur certaines équivoques ou sur certaines omissions, qui nous coiiteront sans doute un jour ou l'autre, en dépit de vietoires qui risquent étre en partie des victoires « & la Pyrrhus », plus ou moins cher. Car on ne peut, en bonne doctrine léniniste, corriger une erreur, ou combler une lacune résultant d'une erreur, qu’a la condition absolue d’analyser jusqu’en leur racine les causes de cette erreur. Ce que je dis de Ia situation étudiante, vaut également, toutes proportions gardées, pour la situation de la classe ouvriére elle-méme en Mai. Si nous dispo- sions de plus d’analyses concrétes de ce qui s'est passé en Mai dans les différentes couches de travailleurs, et dans les différentes branches de la produetion et de ‘Waldeck Rochet 1'a noté pour Ja Franee, dans son rapport au C. C. du 8 juillet 68, fen ces termes (soulignés par lui) : « Jusqu'iel notre Parti a exercé dans les milleux étudiants une influence certes non négligeable, mais cependant nettement insuffisante, ct qui s'est naturellement ressentie de fagon négative dans le dernier mouvement >. « MAI ETUDIANT » B Vemploi, nous pourrions grandement aider les étudiants & rectifier T'idée, en grande partie illusoire, qu’ils se font de la classe ouvritre, de ses conditions dexistence et de lutte, de ses rythmes, de ses expériences, de sa confiance et aussi de ses méfiances. Je erois, tout bien considéré, pouvoir affirmer que cette absence d’analyse globale, systématique en méme temps que détaillée, sur les causes de la perte de contact entre le Parti et la jeunesse scolarisée en Mai d'une part, et cette insuffisance d’analyses détaillées sur les actions de la classe ouvriére en mai, autre part, ont contribué @ abandonner a elles-mémes les actions de la jeuw- nesse scolarisée et intellectuelle en mai et depuis mai, tout particulitrement & les précipiter, téte baissée, d’abord en mai, puis aprés mai, en fonction méme de leur générosité, dans les illusions archaiques de Vidéologie anarchiste, ou anarchisante, actuellement dominante. ‘Tout cela pour en venir 4 ma conclusion, que je voudrais, conformément au conseil de Lénine, non seulement critique mais aussi et surtout positive, bien quelle reste nécessairement, en I’état des informations disponibles, programma tique. Je erois qu'il faut, une fois les choses remises sur leurs pieds (c'estii-dire une fois affirmée, et réaffirmée démonstrativement la primauté historique absolue de la grave générale sur les actions étudiantes en mai) considérer avec le plus grand sérieux la révolte idéologique de la jeunesse scolarisée et des jeunes tra- vailleurs intellectuels, qui couvait depuis longtemps dans Je monde et en France, puis a pris une forme spectaculaire ici et 1 (Turquie, Japon, Allemagne, Italie, Espagne, U.S.A., etc.) avant de culminer en France en Mai, grace 2 la gréve générale, Il faut analyser & fond les raisons profondes, internationales et nationales, de cette révolte idéologique, qui est, & son niveau naturellement, un événement sans précédent dans Vhistoire, et irréversible. Il faut aussi, sans se dérober devant cette tache difficile, analyser & fond les raisons de la perte de contact idéologique et politique des Partis communistes avec Ia jeunesse seolarisée et intellectuelle sur le plan international et national. Il faut exposer en détail et publiquement ces analyses, et, s'il y a lieu, avoir Ie courage politique tout court de passer de Vanalyse & 'autocritique, et en tirer Tes conséquences idéologiques et politiques qui s'imposeraient. Faute de quoi la ‘ance, éclatante en Mai entre le Parti de la classe ouvriére et Ia jeunesse scola- risée et intellectuelle, risquerait, ou de ne pas étre vraiment comblée, ou d’étre tant bien que mal comblée, c’est-a-dire plutét mal que bien comblée, avec toutes les pertes et toutes les blessures que cela entrainerait. Crest par la que nous pouvons aider « patiemment, par la persuasion, de préférence & la lutte », aider de toutes nos forces nos jeunes camarades étudiants a trouver une issue aux graves difficultés dans Iesquelles ils se débattent. Bien entendu i] faut aussi critiquer, sévérement quand il y a lieu, leurs erreurs, mais il ne faut critiquer leurs erreurs que pour les aider positivement & venir, puisque Ja majorité d’entre eux en proclament intention, sur les positions de Ia classe 4 LOUIS ALTHUSSER Or on ne peut les aider positivement qu’en les critiquant, mais sous Ia triple condition : 1) de leur faire connaitre dans le détail les actions de la classe ouvriére, ses principes, ses traditions, ses formes d'action, et aussi ses formes de lutte, souvent déconcertantes pour une jeunesse qui n'a évidemment pas d’expérience directe de la classe ouvriére et du Mouvement ouvrier ; de leur faire reconnaitre Ja nécessité de la direction politique de la classe ouvriére dans Ja lutte révolu- tionnaire. 2) de reconnaitre Ia nouveauté sans précédent, Ia réalité et Pimportance progressistes des actions de la révolte idéologique de Ia jeunesse scolarisée et intel- lectuelle, qui, en ébranlant du dedans certains des appareils idéologiques des Etats impérialistes, aident objectivement la lutte révolutionnaire de la classe ouvriere sur Ie plan international et Je plan national ; de faire connaitre cette réalité & la classe ouvriére. 3) de fournir toutes les explications scientifiques qui permettront @ tous, y compris les jeunes, de voir clair dans les événements qu’ils ont vécus, et de Svorienter, s'ils le veulent vraiment, sur une base juste, dans la lutte des classes, en leur ouvrant des perspectives justes, et en leur donnant les moyens idéolo- giques et politiques d'une action juste. Paris, le 15 mars 1969. \ i 5

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