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Le Religieux Et Le Politique
Le Religieux Et Le Politique
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Nous avons dit, dans notre première partie, quel était le statut du Coran et de la Sunna dans la
pensée islamique. Ils sont la référence qui, en offrant une conception de l’univers et des
hommes, oriente la pensée en lui offrant des principes généraux. Ceux-ci sont absolus : ils
sont, pour le croyant, l’essence de ce en quoi il croit. Leur réalisation concrète, selon le lieu
ou l’époque, n’est pas donnée dans les sources et les situations spécifiques ne trouvent pas de
solution une et définitive. C’est l’ijtihâd des juristes qui va faire le lien entre le principe
général et son application pratique : l’ijtihâd requiert une démarche rationnelle qui, de la
recherche du consensus (ijma’) à la démarche analogique (qiyâs), de la prise en compte du
contexte géographique ou historique à la considération des coutumes (urf), impose aux
savants (ulama) de développer une réflexion spécifique et sous-tendue par une logique
interne.
Très vite, le droit islamique admet, dans sa formulation, l’idée du pluralisme dans
l’interprétation. Et ce même dans les règles cultuelles et déjà à l’époque du Prophète (SBSL).
‘Â’isha rapporte la tradition suivante :
« J’étais sortie un jour du mois de Ramadan avec le Prophète pour accomplir le petit
pèlerinage : il mangeait alors que je jeûnais, il écourtait ses prières alors que je les
accomplissais entièrement. Alors je lui dis : “Par mon père et par ma mère, tu manges alors
que je jeûne, tu écourtes tes prières alors que je les accomplis entièrement.” et le Prophète de
répondre : “Tu fais bien, ‘Â’isha.” » 1
Il est des règles d’interprétation, cela ne fait pas l’ombre d’un doute, mais il existe, de façon
non moins certaine, une latitude dans la lecture et l’application des principes et qui seront
fonction de l’intelligence et de l’expérience du lecteur, du juriste. Cette pluralité a été vécue,
comme elle l’est encore aujourd’hui, par la diversité des écoles juridiques dont les plus
connues sont au nombre de quatre chez les sunnites. Les ulémas (savants) sont d’accord sur
les piliers et les principes fondamentaux, mais leurs divergences sont nombreuses en ce qui
concerne le domaine cultuel et très substantielles pour ce qui a trait aux affaires sociales (dans
les ramifications – furû’ –). Chacun d’entre eux a développé sa méthode, avec ses règles de
lecture, et ses modalités de vérification ; l’un pensant virtuellement les situations les plus
particulières et les plus virtuelles (Abû Hanifa), d’autres s’y refusant (As-Shâfi’î ou Mâlik), et
tous ont été influencés par le milieu dans lequel ils ont vécu. On connaît l’histoire de la
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rencontre entre As-Shâfi’î et Ahmad Ibn Hanbal qui étaient en désaccord sur la qualification
de celui qui ne fait pas sa prière. Musulman ou non ? Question importante de théologie s’il en
est et qui donnera lieu à un échange de vue axé sur le raisonnement et la logique :
1. Le Coran et la Sunna sont les deux sources essentielles de références : par elles se traduit
une conception globale de l’homme et de la vie mais elles ne répondent pas concrètement aux
besoins et à la relativité des situations historiques et géographiques.
2. Les réflexions à partir des deux sources (l’ijtihâd) peuvent être multiples dès lors qu’elles
ne contredisent pas ces dernières.
3. Chaque époque et chaque communauté est responsable de la gestion saine de cette diversité
de situations et de cette pluralité de vues.
2. On sait que la géographie, le climat, les habitudes, etc. ont produit des interprétations
juridiques différentes sans que cela ne choque les croyants des différentes écoles.
3. Louis Gardet, La cité musulmane, vie sociale et politique, Vrin, 1954, quatrième édition
1981, p. 48.