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V. Hugo, Les Contemplations « Trois ans apres” iame du Livre IV intitulé utrement dit « peu de Je poéte donne libre ampleur Le poéme intitulé « Trois ans aprés » est le trois! « pauca mece », littéralement « peu pour la mienne », a! Mots pour ma fille ». C’est un poéme lyrique dans lequel cours & ses sentiments. C'est aussi un texte élégiaque ol V. Hugo dit I'ample de sa détresse et la profondeur de son deuil trois ans aprés la disparition tragique de sa fille Léopoldine, Faut-il en conclure que « Trois ans aprés » est le poéme de la toute-puissance de Thanatos ? Tout porte a le croire. Pourtant, ay réfléchir de prés, le poéme peut étre interprété comme la nostalgie de la vie, le désir, sans doute inconscient, de renouer avec son élan vital qui se manifeste dans V'instinct de survie et surtout dans le devoir sacré du poéte guide des peuples. «Trois ans aprés » est le poéme de la mort et de la souffrance par excellence. Le titre montre que le drame de la disparition est toujours une plaie ouverte dans Ia vie de V. Hugo, un point d’inflexion de cette derniére. Il faut rappeler ici que la date de 1843 sert de ligne de démarcation entre les deux parties des Contemplations tout comme elle représente le moment ot une existence bascule. On comprend dés lors les titres des deux parties « Autrefois » et « Aujourd’hui ». Par ailleurs, comme dans La Supplication, les images de la mort foisonnent dans le texte. Les premier et dernier vers évoquent de facon symbolique la grande faucheuse : « Il est temps que je me repo: 2» et «Oh! Uherbe €aisse od sont les morts ». La mort est ainsi exprimée de facon euphémistique dans les mots « ténabres » (v. 4), « dort » (v. 4), « S’en aller » (v. 12 et 48), « gouffre » (v. 55) et «i " “me » (v. 56). Et I liste est loin d’étre exhaustive. Finalement, comme dans la Supplication, quoique de facon moins spectaculaire, la mort est évoquée a travers des images sensibles comme dans « livide et palie » (v. 109). Certes le portrait que le texte donne du poéte est celui d’un homme qui s’est abandonné a |’emprise de Thanatos. Son deuil est double : la perte de la fille aimée réveille et ravive la douleur de la perte de la mére « Elle [La mére} nous quitta pour la tom" -/Et vous scve~ H'-n c’aujourd’hui/Je cherche, en cette nuit qui tombe,/Un au’e ar ye [L’opo! ve] uis’ 2¢* ih» (v.17-20). La cicatrice est béante et I’homme est inconsolable. D’oii le déficit de la force de vivre « Que r-~ force ¢ vin se défer4 » (v. 22). Le malheur semble étre !e lot de V. Hugo I’homme qui est destiné a souffrir « Et que | souffre .omme pére/Moi qui souffris comme enfant ! » v. 23-24), On comprend mx du destin que le poéte évoque a deux reprises « > suls terrareé par le sort 2) et «J'ai fi! Le sort ¢ t vainqueur.» (v Vapostrophe de Dieu et la série de reproches que lui adresse, le poete. Contrairement 4 Badaieva qui dit « Quant a Dieu, on Lui fait des priéres, mals on ne Lui demande rien » (La Supplication, p. 61), dans le poeme, Diew est décrit comme insensible, injuste et sadique « Ces clartés, jour d’une autre sphére/6 Dieu jaloux, tu nous les vends ! » (v. 41-42) Il n’empéche que « Trois ans aprés » peut se lire comme persistance de la force de vivre. Il est remarquable de constater poéte, souffrir est le signe méme de I’humanité de I’homme. Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, souffrir, c'est avoir le sentiment d’exister. Dans « Le chceur des soldats », un témoin dit : « Afghanistan od j’ai passé deux ans, et Tchernobyl ont été les deux moments de ma vie ot! j’ai vécu le plus intensément. » Tout se passe comme si la souffrance augmentait le sentiment de vivre. Chez V. Hugo, Dieu considére I"homme a son image, une entité totalement insensible. Or, 'homme réalise son humanité dans sa fragilité « Tes-tu dit que l'homme, vaine ombre,/Hélas ! perd son humanité.../Qu’on peut le frapper sans qu’il souffre » (v. 49-50 ; 53). Dans cette perspective, la voix des lecteurs qui rappellent au poéte son devoir prend tout son sens. En réalité, cette voix est celle de la conscience du poéte lui-méme qui est aux prises avec son énergie vitale. Le fait méme que V. Hugo insiste sur son devoir de poéte au moment oii les peuples se réveillent et se révoltent contre la tyrannie montre & quel point il est conscient de sa mission : « Qu’a I’heure ol les peules se lévent/Tout penseur suit un but . rofond ;/Qu’il se doit 4 tous ceux «ui révent,/Qu’ils se doit & tous ceux qui vont ! » (v. 89-92). Meme si le poeme se clot sur image mortifére de « Uherbe épaisse ob sont les morts » (v. 128), le poéte ressent au plus profond de lui-méme, comme le prouve espace de parole qu'il accorde & la voix qui lui rappelle son devoir, la nécessite de redevenir ce qu'il était, « ardent ~-rmi les forts » (v. 126) le poeme de la que pour le

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