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destruction la veille de la maternité de la ville et de


son hôpital pédiatrique avait fait trois morts et dix-sept
À Marioupol, mourir lentement à
blessés.
l’intérieur de la ville ou rapidement « en
traversant le front »
PAR LAURENT GESLIN
ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 11 MARS 2022

Une femme se couvre d'une couverture près d'un camion de pompiers endommagé après
un bombardement à Marioupol, le 10 mars 2022. © Photo Evgeniy Maloletka / AP / Sipa

«Nous avons reçu il y a deux ou trois jours des


nouvelles d’amis restés sur place, qui ont réussi
Une femme se couvre d'une couverture près d'un camion de pompiers endommagé après
un bombardement à Marioupol, le 10 mars 2022. © Photo Evgeniy Maloletka / AP / Sipa à brièvement capter le réseau Vodafone, le seul à
L’avancée des forces du Kremlin semble ralentir ces passer à certains endroits, et la situation est de
derniers jours en Ukraine. Dans le port industriel de pire en pire. Les pillages sont nombreux et les gens
Marioupol, plus de 300000 personnes sont toujours commencent à devenir fous», continue Diana Berg,
coupées du monde, et plusieurs autres villes sont sous aujourd’hui réfugiée dans l’ouest de l’Ukraine. Selon
le feu de l’artillerie russe. les autorités municipales, plus de 350000 personnes
Diana Berg et son compagnon ont réussi le 4mars à seraient bloquées à Marioupol, sur une population
forcer deux lignes russes pour sortir de Marioupol. qui atteignait 500 000 âmes avant la guerre, et 1200
«Nous avons choisi entre une mort lente à l’intérieur civil·es auraient été tué·es depuis le début du siège. Des
de la ville, ou une mort rapide en traversant le front, chiffres pour l’heure impossibles à vérifier.
mais nous avons miraculeusement survécu», raconte la Ksenia Chaïka n’a pas attendu l’arrivée des troupes
jeune femme, qui avait déjà dû fuir Donetsk en 2014, russes pour quitter la région. Après les premiers
alors que le Donbass basculait dans la guerre. bombardements du 24 février, elle a pris la route
Depuis, elle était l’une des animatrices de la avec sa mère et sa grand-mère. Ksenia est aussi une
Plateforme Tiou, l’un des centres culturels les plus réfugiée. Il y a huit ans, elle avait dû fuir Ienakiieve,
actifs du grand port ukrainien. «Depuis quatre jours, une ville située entre Donetsk et Louhansk, à l’époque
nous n’avions plus de communication, plus d’Internet, rapidement tombée aux mains des séparatistes pro-
plus de téléphone, plus d’électricité et plus de russes.
chauffage, alors que la température atteint moins dix Glib Mazepa, un étudiant de Kharkiv
degrés la nuit. Les gens collectent de l’eau dans les « Je sais ce qu’est la guerre, j’ai donc réagi très
gouttières, ils font fondre de la neige pour survivre et vite. Nous avons depuis trouvé un chauffeur et un bus
je sais qu’il n’y a plus de nourriture en ville, alors pour évacuer nos amis toujours coincés en ville, mais
que les bombes continuent de tomber. Il est impossible impossible pour le moment de tenter le coup, car les
d’appeler des secours si l’on est blessé. La seule façon Russes tirent sur les civils qui essaient d’emprunter
de se repérer la nuit est d’écouter d’où sont lancés les leurs prétendus “corridors humanitaires”, explique-
missiles. » t-elle depuis le Danemark, où elle a trouvé un abri.
SelonVadym Boïtchenko, maire de Marioupol, Impossible d’entrer en ville, donc. La grand-mère de
l’aviation russe aurait le 10mars tiré sur des zones mon compagnon, âgée de 93 ans, habite dans le centre
résidentielles «toutes les 30 minutes»,alors que la de Marioupol. Et je ne sais pas ce qu’elle est devenue.
»

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Les troupes russes font face à une résistance féroce des Le Temps, Moscou avait déjà ouvert des « couloirs
Ukrainiens, à l’approche de Kyiv (Kiev en russe), de humanitaires » en Syrie, et notamment à Alep,
Tchernihiv, Kharkiv et Soumy au nord, de Mykolaïv mais ces derniers avaient vite été surnommés par la
au sud, et bien sûr autour du port de Marioupol. population « les couloirs de la mort ».
Après quelques tentatives au début des opérations, « Kharkiv n’est pas encore isolé, deux routes sont
les armées du Kremlin semblent de fait réticentes à ouvertes versKyiv et Dnipro, et nous sommes bien
engager des combats de rue, où l’infanterie légère approvisionnés. Nos troupes ont repoussé les soldats
ukrainienne, renforcée selon le New York Times par du Kremlin plus au nord, et les bombardements
17 000 missiles antichars fournis par les États-Unis et sont moins intenses ces derniers jours, note encore
l’Otan, leur infligerait des dommages très substantiels. Glib Mazepa. Les Russes sont fatigués, ils manquent
« Des combats ont éclaté dans le centre de Kharkiv d’essence, alors que les températures vont chuter à
dès le 27 février, mais les Russes ont été rapidement moins quinze degrés ces prochains jours, les obligeant
éliminés, et ils se contentent depuis de bombarder à utiliser du carburant pour se chauffer. La hausse du
la ville, confirme Glib Mazepa, un étudiant qui mercure va ensuite transformer le pays en un immense
terminait avant le conflit sa thèse de biologie à champ de boue, entravant fortement les déplacements.
l’université de Lausanne. La veille de la destruction de »
l’administration régionale, le 1er mars, j’étais venu sur Après avoir passé deux semaines sous les bombes,
la place centrale pour apporter aux volontaires des Aliona Zigulya a quant à elle réussi à quitter sa ville de
cocktails Molotov. Et le jour où le missile est tombé, Soumy, où de violents combats font toujours rage. «
tout mon immeuble a tremblé. » Des corridors humanitaires sont ouverts depuis trois
jours, mais tout le monde ne peut pas évacuer en même
Les précédents syriens et tchétchènes
temps. Nous avons mis dix heures en bus avec mon fils
C’est une guerre de siège que les Russes mènent pour rejoindre la gare ferroviaire la plus proche et fuir
désormais en Ukraine, appliquant des stratégies déjà vers l’ouest, souligne-t-elle. Mon mari a réussi à sortir
éprouvées en Syrie et en Tchétchénie, à savoir la hier mais mes parents sont toujours coincés en ville. »
destruction systématique des infrastructures des villes
Alors que les observateurs militaires estiment
assiégées, et notamment des dispensaires médicaux.
désormais que le conflit pourrait s’étirer sur des
Les troupes du Kremlin prennent aussi soin de
semaines, voire des mois, des conseils pour se
couper l’eau, le gaz et l’électricité, ainsi que les
préparer aux sièges circulent sur les réseaux sociaux
approvisionnements en nourriture et en essence.
ukrainiens : il est recommandé de stocker de l’eau
Soixante-trois hôpitaux auraient ainsi été bombardés et du carburant, idéalement du bois, pour pouvoir
depuis le début de la guerre, a récemment annoncé se chauffer et cuisiner, de charger son portable au
le ministre ukrainien de la santé, Viktor Liachko, maximum et enfin de mutualiser ses réserves avec
et Vladimir Poutine vient d’autoriser le recrutement celles de ses voisins, afin de consommer le moins
de «volontaires du Proche-Orient», spécialistes des possible de ressources.
combats urbains. Comme le note le journal suisse

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