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Direction centrale de la police judiciaire

DZPJ OUEST, SIRASCO 35 Le 17/03/2022

Note blanche N°02-2022

ÉTAT DES LIEUX DE LA DÉLINQUANCE DES M.N.A À RENNES

Iden fiée depuis de nombreuses années, la délinquance des M.N.A connaît une recrudescence
depuis les récentes crises migratoires. Il représente un véritable défi na onal, et cela tant du point
de vue de la prise en charge de ces mineurs vulnérables par les services de la protec on de l’enfance
que de leur prise en compte et leur iden fica on par les services de police et de jus ce. En effet, une
fois livrés à eux-mêmes, ces jeunes se tournent, parfois en bandes organisées, vers une délinquance
d’appropria on de plus en plus emprunte de violence et le trafic de stupéfiants. Après les
« Apaches » et les « Blousons noirs », les M.N.A symbolisent aujourd’hui ce-e délinquance juvénile
porteuse d’angoisse sociale. S’agissant d’abord de jeunes serbes/bosniaques issus de Yougoslavie
dans les années 80, les M.N.A se déclarent majoritairement aujourd’hui comme issus des pays du
Maghreb et d’Afrique subsaharienne. Leur nombre a triplé entre 2014 et 2017, a-eignant un pic
jusqu’à 17 022 individus, puis une baisse progressive à par r de 2019 . Sur la commune de Rennes,
1

au cours de l’année 2021, au moins une soixantaine d’entre eux ont eu affaire avec les services de
police .2

I. CADRE LÉGISLATIF

A- En France

En France, si aucune disposi on législa ve ne fixe clairement le statut de Mineur Non Accompagné
(M.N.A, auparavant appelés M.I.E, pour Mineur Isolé Étranger), la prise en charge et la protec on de
ces jeunes relèvent de la défini on de l’enfant en danger, prévue par le disposi f juridique français
de protec on de l’enfance. En effet, l’État français considère que tout mineur étranger présent sur le
territoire na onal sans référent légal est poten ellement un mineur en danger, dont la no on est
définie par les ar cles 375 et 375-5 du Code Civil, ar cles complétés par la loi n° 2016-297 du 14
mars 2016 rela ve à la protec on de l’enfance.

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Chiffres de la mission Mineurs non accompagnés (MMNA) du ministère de la justice.
2
Source : TAJ

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Ce-e loi de 2016 a également permis la modifica on de l’ar cle L 212-3 au sein du Code de l’Ac on
Sociale et des Familles (CASF) rela f à la protec on des mineurs en danger, précisant que désormais,
« La protec on de l’enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer
les mineurs privés temporairement ou défini vement de la protec on de leur famille et d’assurer leur
prise en charge », confirmant ainsi le rôle de la protec on de l’enfance dans la prise en charge des
mineurs caractérisés par une situa on de danger de par leur isolement.
Ce-e no on d’isolement était pour la première fois introduite dans la loi du 5 mars 2007, elle-même
inspirée du concept présent dans l’ar cle 20-1 de la Conven on interna onale des droits de l’enfant :
« Tout enfant qui est temporairement ou défini vement privé de son milieu familial, ou qui dans son
propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protec on et une aide spéciales de
l’État ».
La Commission Na onale Consulta ve des Droits de l’Homme s’était quant à elle penchée sur le sujet
en 2014, en proposant une défini on selon laquelle le M.N.A est ainsi une personne « âgée de moins
de 18 ans qui se trouve en dehors de son pays d'origine sans être accompagnée d'un tulaire ou d'une
personne exerçant l'autorité parentale, c'est-à-dire sans quelqu’un pour la protéger et prendre les
décisions importantes la concernant ».

B- En Europe

À un niveau européen, le Conseil de l’Union Européenne proposait dès 1997, dans sa résolu on du
26 juin, une défini on encadrant ce statut : « Tous les ressor ssants de pays ers de moins de 18 ans
qui entrent dans le territoire des États membres sans être accompagnés d’un adulte qui soit
responsable d’eux, par effet de la loi ou de fait, et tant qu’ils ne sont pas effec vement à charge d’une
telle personne [...] (tout comme) les mineurs ressor ssants de pays ers qui furent laissés seuls après
être entrés dans le territoire des États membres ». Le Conseil de l’Europe propose également sa
propre défini on : « La présente recommanda on vise les mineurs migrants non accompagnés qui se
trouvent en dehors de leur pays d’origine, quel que soit leur statut, indépendamment de la cause de
leur migra on, qu’ils soient demandeurs d’asile ou non ».

C- À l’interna#onal

Enfin, à un niveau interna onal, le Haut Commissariat des Na ons Unies pour les Réfugiés, dans une
Note sur les poli ques et procédures à appliquer dans le cas des enfants non accompagnés en quête
d’asile, datant de février 1997, proposait une défini on similaire : « Un enfant non accompagné est
une personne âgée de moins de 18 ans, sauf si la majorité est a4einte plus tôt en vertu de la
législa on qui lui est applicable, qui est séparé de ses deux parents et n’est pas pris en charge par un
adulte ayant, de par la loi ou la coutume, la responsabilité de le faire ».

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II. OBTENTION DU STATUT DE M.N.A

Ainsi, trois éléments principaux caractérisent ce statut de M.N.A : tout d’abord une minorité, une
extranéité, et enfin un isolement.
En tant que mineurs déclarés, la prise en charge de ceux-ci relèvent donc du disposi f de protec on
de l’enfance, et ce, même s’il n’y a pas de dépôt de demande d’asile. L’étape condi onnant
l’en èreté de la suite du parcours de l’individu est donc l’évalua on de sa minorité et de son
isolement :

Comme il peut être constaté, la mul plicité des instances pouvant être saisies a pour conséquences
la prise de décisions parfois contradictoires et des procédures longues, mais également des
différences d’a-rac vité selon les départements.
En outre, rarement menée par une équipe pluridisciplinaire, ce-e évalua on se montre souvent
probléma que, dans la mesure où il n’existe pas en l’état actuel de la science de moyen infaillible de
déterminer l’âge d’une personne. Dans les faits, des éléments subjec fs peuvent être mobilisés
(développement pubertaire, acné, posture ou comportement…) ainsi que des tests osseux, dont la
fiabilité est contestée au sein même de la communauté scien fique. Si ce-e évalua on penche le
plus souvent en faveur d’une majorité de l’individu (55% des cas), plus de la moi é des dossiers en
recours examinés par le juge pour enfants conclue en la faveur d’une minorité. Par manque de
moyens, de volonté poli que mais aussi parfois de coopéra on de la part du mineur, ces derniers se
retrouvent souvent sans suivi éduca f ou professionnel, ni même administra f dans le cadre de leur
situa on.

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On constate alors un nombre important de sor es « sèches », avec une aggrava on des situa ons
avec des ruptures d’accès à la santé, à l’éduca on et la forma on professionnelle, à l’hébergement,
autant de facteurs suscep bles de favoriser une ac vité délinquante.
À ce tre, il apparaît tout d’abord comme essen el de disposer de bases de données fiables et
alimentées en données biométriques, afin de limiter l’u lisa on des alias et donc la mul plicité des
profils pour un seul individu. Un premier pas a été franchi dans ce sens, avec la capacité d’obliga on
de la prise de relevés signalé ques et la mise en place de l’AEM (Appui à l’évalua on de minorité),
perme-ant de recouper les données biométriques des personnes se présentant comme M.N.A et
prises en charge par la procédure d’évalua on de minorité effectuée par les départements, bien que
certains d’entre eux refusent d’y recourir, assimilant ce-e pra que à du « fichage ». De plus, la
consulta on de celle-ci n’est toujours pas ouverte aux forces de l’ordre.
Visabio représente également une source de données essen elle. Il a en effet déjà été u lisé afin
d’appuyer la décision d’un préfet qui déclarait majeure une personne dont le passeport indiquait
qu’elle était mineure.
En outre, il convient de développer et renforcer les canaux de communica on interna onaux afin
d’être en mesure d’iden fier les individus concernés, comme c’est le cas avec le Maroc. Par exemple,
la ville de Bordeaux a mis en place une « cellule MNA », dédiée au traitement de la délinquance de
ces derniers, en obtenant des résultats probants et en renforçant le lien avec les autorités
espagnoles. Toutefois, certains états se montrent ré cents à l’idée d’une coopéra on et d’un retour
de ces jeunes au sein de leur pays. Même en cas d’accord bilatéral, ce-e solu on se heurte à la
probléma que d’une tenue d’état civil fiable dans certains pays. Enfin, reste la ques on d’une
procédure longue et complexe et celle d’une réponse pénale efficace et adaptée.

À Paris, une forte concentra on de M.N.A est constatée dans le quar er de la Gou4e-d’Or3

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LP/ Jean Nicholas Guillo/PHOTOPQR/LE PARISIEN/MAXPPP

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III.TYPOLOGIES ET PARCOURS DES M.N.A

Bien que chaque parcours soit par culier, plusieurs chercheurs ont tenté, à l’aide d’études
qualita ves comme sta s ques, de dresser des profils-types de ces M.N.A, à l’image de l’enquête
publiée en 2002 dans la revue « Migra ons » . 4

1- Le mineur exilé

L’étude de 2002, remise à jour en 2012, constate une progression des raisons socio-culturelles à
l’origine des départs. Outre les mo fs d’émigra on bien connus (conflits ethniques, ac vités
poli ques dissidentes des proches, appartenance à un groupe social minoritaire et discriminé…), il
est constaté une progression des raisons socio-culturelles (mariages forcés, excisions, extorsions de
fonds, accusa ons de sorcellerie, conflits fonciers et affaires d’héritages…), dont les jeunes sont ici
souvent les vic mes collatérales. Aujourd’hui, l’Office Français de Protec on des Réfugiés et
Apatrides (OFPRA) reconnaît ces probléma ques sociétales en accordant à ces vic mes la protec on
subsidiaire (protec on des née aux personnes ne bénéficiant pas du statut de réfugié mais qui sont
exposées à des menaces graves en cas de retour au pays : peines de mort, tortures, traitements
inhumains ou dégradants, a-eintes aux libertés fondamentales en raison de conflit armé ou de
violence généralisée).

2- Le mineur mandaté : le travailleur, l’étudiant et l’ini é

Le mandaté-travailleur est « incité », par ses proches ou par sa communauté (ex : village), à se rendre
en Europe afin de travailler dans le but de les soutenir économiquement. Inves d’une mission, il est
moins demandeur de protec on à son arrivée en France. Souvent, la pression de la communauté
d’origine résidant en France rend difficile toute personnalisa on de projet professionnel.
Le mandaté-étudiant voit le disposi f de protec on dont il peut être bénéficiaire comme une
opportunité afin de réaliser son projet, comme notamment la possibilité d’effectuer des études et
d’obtenir un mé er qu’il ne pourrait obtenir dans son pays d’origine en raison d’un contexte socio-
économique défavorable. Ces mineurs sont souvent de sexe féminin, issus des pays francophones
africains.
Pour le mandaté-ini é, la migra on représente un voyage ini a que, un rite de passage à l’âge
adulte comme l’ont connu ses aînés. Il s’agit là d’une migra on comme il en existe à un niveau local,
transposée à un niveau interna onal, parfois en raison de troubles dans le pays d’origine.

3 – Le mineur-exploité

Il s’agit majoritairement de jeunes filles, vic mes d’une émigra on à des fins d’exploita on, de la
pros tu on au vol, en passant par le travail clandes n. Les jeunes roumaines sont par exemple
confrontées à ces obliga ons de vol et de pros tu on, quand les mineurs chinois sont davantage
exposés au travail au sein d’ateliers clandes ns de confec on, sans compter certaines mineures
employées comme domes ques chez des familles.
4
Numéro 109, septembre-octobre 2002, mise à jour en 2012

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4- Le mineur fugueur : le primo-fugueur et le fugueur-réitérant

Le primo-fugueur s’émancipe de sa famille de manière brutale, en qui-ant son pays d’origine, et est
généralement récep f à la prise en charge par les services de l’ASE.
Le fugueur-réitérant est quant à lui moins stable : il persévère dans une fuite en avant, qui-ant toute
structure d’accueil. Il s’agit souvent de mineurs issus des pays du Maghreb.

5- Le mineur errant : mineur de la rue, mineur dans la rue

Les mineurs dans la rue, assimilable aux haragas marocains, s’inscrivent dans la pe te délinquance,
flirtent avec la toxicomanie et peuvent se montrer mobiles, rendant tout disposi f de protec on
difficile à me-re en place.
Le mineur de la rue se retrouve en France, souvent grâce à des parents qui y vivent eux-mêmes, de
manière intermi-ente et dans une grande précarité. Parfois très jeunes, ces mineurs échappent à
ce-e précarité en vivant de mendicité, de vol ou de pros tu on.

6- Le mineur rejoignant : l’envoyé, le confié, le successeur

Le rejoignant est un mineur mo vé par l’idée de rejoindre un parent de la famille, élargie ou non.
Le rejoignant-envoyé est un enfant laissé au pays par les parents qui doit ensuite les rejoindre en
France mais dont le regroupement familial n’est pas possible. Il se retrouve isolé le temps de
l’évalua on de sa situa on.
Le mineur-confié est envoyé en France par ses parents dans le but que celui-ci se retrouve sous la
tutelle, ou adopté, par un proche. Le processus de l’un comme l’autre, long, laisse le mineur isolé.
Le mineur-successeur, plus âgé, rejoint un parent ou membre de la famille élargie. À la suite d’une
rupture, liée à une mésentente ou autre, il s’inscrit alors dans le processus de mineur isolé.

7- Le mineur aspirant

La catégorie du mineur-aspirant se caractérise par la dimension individuelle du projet migratoire :


celui-ci cherche une réalisa on en tant qu’individu, à travers l’obten on d’une protec on et/ou de
meilleures condi ons de vie. À la recherche avant tout d’un climat social plus serein, ils sont
également plus poli sés, dénonçant les problèmes de corrup on, d’injus ce et d’inégalités dans le
pays d’origine. Une telle quête peut se solder par un « désenchantement » une fois arrivé en France,
pouvant amener frustra on et colère.

N.B : Il convient de préciser qu’il ne s’agit que d’idéaux-types qui, en tant que tels, ne sauraient refléter la complexité de la
réalité. Certains mineurs peuvent rejoindre certaines de leurs connaissances en France, appartenir à plusieurs de ces
catégories à la fois ou encore « glisser » d’une catégorie à l’autre.

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IV. LES M.N.A ET LA DÉLINQUANCE AU NIVEAU NATIONAL

À Rennes, les M.N.A régulièrement mis en cause appar endraient donc à la catégorie du « mineur
errant », comme l’illustre un certain nombre de ces caractéris ques : délinquance, toxicomanie et,
semble-t-il, refus pour la majorité d’une quelconque prise en charge ins tu onnelle.
Il convient de préciser qu’une grande majorité des faits de délinquance commis par des mineurs
étrangers ou se présentant comme tels ne sont pas commis par des M.N.A suivis par l’ASE, mais
plutôt par des jeunes en errance, au profil sociologique dis nct, et qui ne s’inscrivent la plupart du
temps dans aucun parcours d’inser on. Si les mineurs pris en charge par l’ASE sont le plus souvent
issus d’Afrique Subsaharienne, ces jeunes en errance sont quant à eux majoritairement issus
d’Afrique du Nord, plus âgés, avec une propor on importante de majeurs. Ils ne rentrent donc pas
dans la catégorie des M.N.A, étant peu ou pas demandeurs de protec on.
S’il n’existe pas de sta s ques fiables concernant les M.N.A, et a for ori sur ceux d’entre eux
« tombés » dans la délinquance, les rapporteurs de la mission d’informa on de l’Assemblée
Na onale qui se sont penchés sur ce-e ques on évoquent une propor on de 10 % de délinquants
parmi les M.N.A. (reconnus comme tels suite au processus ins tu onnel). Il est à noter que ces
chiffres se basent principalement sur les chiffres de la Préfecture de Paris et des juridic ons
parisiennes, ainsi que sur des données girondines, et qu’ils sont donc difficilement applicables à
l’ensemble du territoire. Selon ces données, la mission « M.N.A » de la Direc on de la Protec on
Judiciaire de la Jeunesse (DPJJ) es mait entre 2000 et 3000 le nombre de M.N.A délinquants en
septembre 2020, sans que ce-e es ma on ne puisse être vérifiée. De plus, ces données ne ennent
pas compte des mul récidivistes, et ne raisonnent pas en termes d’individus mais de faits. Il
semblerait que 7 % des M.N.A pris en charge dans l’aggloméra on parisienne auraient ainsi commis
des actes de délinquance. L’établissement d’une réalité sociale tangible et quan fiable semble donc
par culièrement difficile. Le rapport d’informa on évoque des jeunes « fracassés par leur parcours
migratoire, leur mode de vie et la toxicomanie » et polytrauma sés. Il établit également un profil-
type du M.N.A délinquant, à savoir « un Maghrébin, âgé de 16-17 ans, en rupture totale avec son
pays et sa famille, fracassé par son parcours migratoire, polytoxicomane, dans une délinquance de
subsistance et qui vole au sein d’une bande pas très bien organisée ».
Ce-e délinquance se caractérise tout d’abord par sa dimension urbaine, les M.N.A se trouvant peu
en territoire rural. Celle-ci semble également se déployer dans les transports, avec une préférence
pour les trains et les gares. À Paris, les 3/4 des M.N.A déférés déclarent venir des pays du Maghreb.
Ce-e importante propor on de M.N.A déclarant être issus d’Algérie, du Maroc ou encore de Tunisie
permet la formula on de l’hypothèse de filières organisées et difficilement iden fiables, les
enquêtes rela ves à la traite des êtres humains concernant généralement des infrac ons d’une
extrême gravité, et non la pe te délinquance. Certaines affaires tendent effec vement à corroborer
l’hypothèse de l’existence de telles filières. Ainsi, au mois de février 2020, la DDSP de Gironde avait
démantelé un réseau franco-marocain basé dans la ville de Bordeaux qui fournissait des
médicaments de type opioïdes à des M.N.A dans le but de les désinhiber et ainsi favoriser la
commission d’infrac ons. Quelques mois plus tard, toujours à Bordeaux, les enquêteurs remontaient
la piste d’une filière de receleurs et de raba-eurs chargés de recruter des M.N.A et d’organiser la
revente de « biens volés […], recondi onnés en France […] puis envoyés au Maroc […], rachetés aux
receleurs avant d’être enfin revendus ».
Les services enquêtant sur de telles affaires concluent en outre à une « solidarité délinquante et à
une mise en commun des savoir-faire entre les MNA », allant ainsi dans le sens de groupes organisés.
D’autres acteurs de la PJJ évoquent quant à eux des M.N.A « a-endus à la sor e du commissariat ou
du tribunal par des personnes plus âgées », qui les recrutent afin de les faire par ciper à des trafics
de stupéfiants, en échange d’un hébergement ou de drogues.

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IV. PROFILS DES M.N.A DÉLINQUANTS A RENNES

En 2021, le SIRASCO 35 a relevé un nombre de 68 individus pouvant être qualifiés de M.N.A ayant été 5

mis en cause dans un ou plusieurs faits sur le secteur rennais. Il est toutefois à noter qu’en raison de la
mul plica on de l’u lisa on d’alias par un certain nombre d’entre eux, des doublons peuvent être
possibles. De plus, certains peuvent s’avérer être en réalité majeurs.

1- Origines géographiques déclarées

PAYS D’ORIGINE MAROC ALGERIE TUNISIE LIBYE COLOMBIE


DÉCLARÉ
NOMBRE DE M.N.A 29 23 13 2 1
DÉCLARANT ÊTRE
ISSUS DE CE PAYS

À Rennes, en 2021, 95% des M.N.A (ou, en l’occurrence, des jeunes en errance) qui se sont fait
connaître par les services de Police déclaraient être issus d’un des trois pays du Maghreb : 42 % du
Maroc, 34 % d’Algérie et 19 % de Tunisie. Précisons encore une fois qu’il ne s’agit que d’origines
déclarées. Alors qu’à un niveau na onal, les na onalités les plus représentées sont la Guinée
Conakry (près de 25%), le Mali (environ 23 %) et la Côte d’Ivoire (environ 13%), une écrasante
majorité des M.N.A délinquants présents à Rennes déclare être issue d’Afrique du Nord.
Si ces pays ne connaissent pas de guerre, ces exils trouvent souvent leur cause dans les contextes
poli ques et économiques de ces pays, avec notamment un chômage chez les jeunes
par culièrement élevé, ainsi que des pouvoirs poli ques et religieux autoritaires. Le nombre
d’enfants abandonnés ou livrés à eux-mêmes dès un jeune âge y est important.

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Recherche TAJ concernant des individus entre 13 et 18 ans, nés à l’étranger, sans domicile fixe ayant commis au moins un fait à Rennes en 2021.

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2- Dates de naissance déclarées
À Rennes, en 2021, environ la moi é des M.N.A
délinquants (49,25 %) déclarait être née en 2004,
impliquant de fait un passage à la majorité au cours de 2004
l’année 2022. Environ un quart d’entre eux déclarait être 2005
né en 2005 (23,88 %), tandis qu’un autre quart (26,87 %) 2006
déclarait quant à lui les années 2006 et 2007 comme 2007
année de naissance (respec vement 20,9 % et 5,97%).

3- La ques#on de la mobilité
Une autre des caractéris ques majeures de ce-e délinquance est son i nérance. En effet, pas moins
de 31 des M.N.A évoqués ici ont commis des faits dans des communes extérieures à Rennes en 2021
(46,27 %). Ce-e mobilité concerne aussi bien les communes des alentours (Hédé-Bazouges, Vezin-Le-
Coquet…) que les communes de moyen-éloignement, qui nécessitent l’emploi d’un train ou d’un bus
pour y parvenir (Saint-Malo, Clisson, Nantes, Brest, Laval...). Il est également constaté une mobilité
dans de grandes métropoles, avec en premier lieu la région parisienne (Paris, Antony, Rueil-
Malmaison, Pan n, Igny, Massy, Vitry…) mais aussi Lyon, Montpellier, Marseille, ainsi que d’autres
villes, comme Pau ou Saint-É enne. Il peut s’agir en premier lieu de migra ons liées aux éventuelles
demandes de prise en charge par l’ASE départementale ou locale, celles-ci ne disposant pas d’un
fichier na onal, ou dans le but de bénéficier d’un traitement plus favorable selon les départements
ou les municipalités. Grâce aux réseaux de communica on numériques existant entre certains
individus, ceux-ci peuvent également rejoindre des connaissances disséminées à divers endroits du
territoire na onal et se socialiser, au contact des pairs, notamment en termes de modes opératoires.
Ce-e mobilité ainsi que la mul plicité des iden tés déclarées de ces jeunes ont pour conséquence
de compliquer considérablement le travail des forces de l’ordre.

4- Une toxicomanie importante


Sur 61 faits liés aux stupéfiants, 37 relèvent du trafic, et 24 de l’usage ou de la possession, illustrant
par là même le phénomène bien connu de toxicomanie chez ces jeunes. En effet, une étude dont les
observa ons ont en par e été réalisées à Rennes , constate la part de plus en plus importante de 6

M.N.A parmi les usagers de stupéfiants, représentant ainsi « un moyen de régula on de leur état
psychique et d’adapta on fonc onnelle aux condi ons de vie dans la rue ».
Ce-e étude rappelle qu’outre l’alcool et le cannabis, certains consomment des anxioly ques
(benzodiazépines) mais aussi des an épilep ques, de la Ritaline (dont les propriétés sont proches
des amphétamines) ainsi que des opioïdes.

5- Une pluralité d’iden#tés


L’une des priorités, lors de l’interpella on de M.N.A, reste l’établissement de l’iden té de l’individu.
En effet, ces derniers ont pour coutume, lorsqu’ils qui-ent leur pays, de se débarrasser de leurs
papiers d’iden té, condi onnant leur iden fica on à une simple déclara on qui ne peut qu’être
prise comme telle. De plus, un nombre significa f d’entre eux refuse systéma quement de se
soume-re à la prise d’empreintes et de photographies. Cela leur permet, lorsqu’ils sont mis en
cause, d’user de différents alias afin de n’être imputés que du fait venant d’être commis, affaiblissant
ainsi une réponse pénale déjà mise à mal par la déclara on de minorité.

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2018-2019, Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), in tulée « Usagers, marchés et substances: évolu ons récentes »

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En réponse à ce-e probléma que, le législateur, avec la créa on de l’ar cle 413-17 du CPP, permet
depuis le 24 janvier 2022 la prise d’empreintes ou de photographie sans le consentement du mineur,
sur autorisa on écrite du Procureur de la République. Il envisage le cas échéant le recours à la
contrainte de manière strictement nécessaire et propor onnée, lorsque certaines condi ons sont
réunies :
1° Ce-e opéra on cons tue l’unique moyen d’iden fier le mineur qui refuse de jus fier de son
iden té ou fournit des éléments d’iden té manifestement inexacts ;
2° Le mineur apparaît âgé d’au moins treize ans ;
3° L’infrac on qui lui est reprochée cons tue un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans
d’emprisonnement.

V. SITUATIONS DOMICILIAIRES

Si les M.N.A se déclarent en majorité comme étant sans domicile fixe, certains semblent, comme
évoqué précédemment, être logés soit en hôtel, soit en foyers d’accueil spécialisés dans le domaine de
l’enfance.

Foyers Hôtels

Sur les 68 M.N.A préalablement recensés, 63 d’entre eux ont déclaré leur situa on domiciliaire, qu’il
s’agisse d’une situa on de rue, de placement en foyer ou d’hébergement à l’hôtel.

• 44,44 %, soit près de la moi é d’entre eux, se déclarent comme SDF. Parmi eux, certains ont
connu par le passé des séjours au sein d’hôtels ou de foyers.

• 38,1 % déclarent être logés au sein d’un hôtel. Les hôtels Première Classe, Astrid et Le Lorient
sont les principalement concernés.

• Enfin, une minorité d’entre eux (14,29 %) déclare être hébergée au sein d’un foyer d’accueil.
Les principaux foyers évoqués sont l’Ancr’Age, situé dans les anciens locaux de la gendarmerie
de Liffré, les foyers l’Essor (Evolis, Le Sept) et le foyer Coallia à Rennes.

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HÔTELS

Hôtel Première Classe


18 rue de Cézembre
35135 Chantepie

Hôtel Astrid
32 avenue Louis Barthou
35000 Rennes

Hôtel Le Lorient
46 rue de Lorient
35000 Rennes

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FOYERS

Foyer l’Ancra’Age
4 rue de la Fontaine
35340 Liffré

Foyer Coallia
21 rue du Gl Maurice Guillaudot
35000 Rennes

Foyer l’Essor Evolis


21 rue de Vouziers
35000 Rennes

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V. GÉOGRAPHIE ET SPECTRE INFRACTIONNEL

1- Représenta#on géographique des faits commis par les M.N.A à Rennes en 2021

Sont représentées ici les infrac ons rela ves :

aux vols

aux stupéfiants (étant seulement prises en compte les infrac ons de vente et non de
possession ou d’usage)

Ainsi, les lieux d’infrac ons peuvent être grossièrement divisés en deux zones :

Les quar ers vic mes de la délinquance d’appropria on : ceux-ci s’étendent pour la grande majorité
de la rue Saint-Michel, haut-lieu des soirées étudiantes rennaises, propices aux vols d’effets
personnels auprès d’une popula on jeune, parfois alcoolisée, mais aussi de touristes venus visiter le
centre historique, à l’avenue Jean Janvier, menant à la gare de Rennes, un lieu ou transite également
un important flux de popula on.

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Les infrac ons liées au trafic de stupéfiants (principalement herbe et résine de cannabis, plus
rarement cocaïne) : également très localisées, ce4e fois sur le quar er du Blosne et d’Italie.

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6- Les types d’infrac#ons privilégiés

Les pe tes mains du trafic de stupéfiants

Depuis peu, on constate une présence importante de M.N.A sur les points de deal rennais de la ZUP
Sud. Les informa ons issues des effec fs de voie publique ainsi que de la CROSS 35 confirment une
appropria on des points de deal du Sud de Rennes au profit quasi-exclusif des MNA qui remplissent
le rôle de « charbonneurs » (Allée du Groenland, Square de Copenhague, rue d'Espagne, Square de
Sétubal, Boulevard du Portugal, Avenue d'Italie, Boulevard Louis Volclair, Rue de Suisse, Allée du
Gacet, Place de Serbie, Avenue des Pays-Bas, Square de Nimègue, Boulevard de Yougoslavie, Rue de
la Volga et Boulevard des Hautes Ourmes).
Il s’agit pour les trafiquants d’une main d’œuvre peu chère, et représentant moins de risques.
Souvent SDF ou hébergés en hôtels, ceux-ci sont généralement sans ressources fixes. Ce type
d’ac vités, outre la dimension de sociabilité, d’appartenance (l’absence de repères et de figures
tutélaires étant une caractéris que majeure de ces M.N.A), assure ainsi une source de revenus non
négligeable pour ces vendeurs.
Les trafics de stupéfiants appliquant le principe de division du travail, ici dans l’objec f de limiter les
risques, les M.N.A interpellés pour vente de stupéfiants sont rarement en possession de grande
quan té. Ainsi, plus des 3/4 d’entre eux possèdent moins de 200 grammes, résine et herbe de
cannabis confondues, et ne représentent que la par e visible du trafic de stupéfiants.

Une délinquance d’appropria on

L’autre volet principal de la délinquance des M.N.A est celui des vols. Ainsi, 35 faits peuvent être
reliés à l’ac vité de ce-e popula on sur l’année 2021. Parmi ceux-ci, les vols en réunion sont les plus
représentés, les M.N.A agissant souvent en groupe de deux ou trois afin de sub liser le téléphone
portable ou le portefeuille de la vic me. Depuis quelque temps déjà, plusieurs séries de vols à
l’arraché ont été constatées sur Rennes, les individus arrachant violemment les colliers des vic mes,
généralement sous le choc. Il est également à noter que lors de leur contrôle ou de leur
interpella on, les M.N.A sont régulièrement trouvés en possession d’objets volés dont l’origine est
difficilement iden fiable. Enfin, s’ils restent quant à eux peu fréquents, certains n’hésitent pas à
comme-re des vols par effrac on au préjudice de commerces de proximité, tels des bars-tabac,
boucherie et pharmacie.
Il n’est en revanche pas possible, selon les données actuelles, de me-re en évidence un réseau
structuré avec un ou plusieurs receleurs en lien avec ces M.N.A. Dans une interview accordée à
Ouest-France, une avocate nantaise racontait : « Le gamin disait qu’un homme lui désignait les
maisons à cambrioler, le menaçait, lui avait trouvé une place en squat et le fournissait en médocs ».
Il s’agirait davantage de réseaux locaux et modestes que de vastes GCO. Le député Jean-François
ELIAOU, en charge de la mission parlementaire rela ve aux M.N.A, évoquait quant à lui des
« capitaines » les ayant « sous leur contrôle, leur fournissant des comprimés de Rivotril avec pour
effet de transformer peu à peu ces mineurs en zombies ».

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Si les M.N.A préfèrent opérer discrètement, prenant généralement la fuite à la vue des forces de
l’ordre, ceux-ci peuvent aussi se montrer violents. C’est le cas lorsqu’ils sont confrontés à des
vic mes récalcitrantes, leur opposant une forte résistance. Celles-ci sont alors passées à tabac par les
M.N.A, n’hésitant pas pour certains à faire usage d’arme blanche (les données issues de la Préfecture
de Police de Paris confirment l’augmenta on de l’u lisa on de ce type d’armes).

Le rejet de l’autorité

Il est également constaté une violence certaine à l’encontre des forces de l’ordre (avec ou sans
arme), ainsi que des outrages et rébellions lors de leur interpella on. Sous l’emprise d’alcool, de
stupéfiants et/ou de médicaments, totalement désinhibés, ils sont capables de faire montre d’une
résistance et d’une violence importantes. Pour exemple au cours de l’année 2021, plusieurs M.N.A
qui avaient reconnu un ADS hors service, l’avaient ainsi passé à tabac dans le centre-ville de Rennes.

Des nataires :

M. le Directeur du SIRASCO Central


M. le Directeur de la DZPJ Ouest
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