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Contrôle de l’Administration.

Partiel : cas pratique ou commentaire d’arrêt dirigé.

TD : deux évaluations écrites (Séance 4 ou 5 et dernière séance) —> la première de 45


minutes qui sera une question de réflexion et la deuxième d’1h30 qui sera un
entrainement à l’examen. Peut-être une note de participation orale (participation ou
exposé).

Conseils bibliographiques dans la plaquette de TD.

Le droit administratif est un droit d’inspiration libérale (politiquement parlant). L’un


de ses deux objets est de limiter l’arbitraire administratif, le pouvoir administratif. On a
tendance à considérer que le principal risque d’arbitraire est l’État. En réalité, « la liberté
opprime et la loi libère » (Lacordaire). Le vrai risque pour l’administré n’est pas la loi mais
plutôt les décrets (l’acte administratif unilatéral).

La police administrative est le pouvoir d’action donné à l’Administration mais elle


est aussi un risque de disproportion (Benjamin), de mauvais usage des compétences…

TITRE 1 : Les modalités du contrôle de l’Administration.

À quels types de contrôles l’Administration est-elle soumise ? Tout d’abord, il y a


plusieurs types de contrôle :

- un contrôle politique (parlementaire) : d’une certaine manière, la


responsabilité politique du gouvernement est le contrôle politique de l’Administration.
Cela peut aussi être un contrôle direct par les administrés : cela concerne notamment les
organes administratifs élus, l’élection ou la réélection vaut contrôle.

- un contrôle financier : il s’agit des juridictions financières qui exercent un


contrôle budgétaire et comptable de l’Administration (chambres régionales de comptes et
Cour des comptes). Elles ont un pouvoir de sanction et d’observation.

- un contrôle juridictionnel : c’est le contrôle pratiqué par le juge, c’est celui


qui nous intéresse. Il y a un juge de droit commun (le juge administratif), mais le juge
judiciaire contrôle lui aussi l’Administration.

C’est un contrôle qui a une finalité générale : soumettre l’Administration au droit.


Cela veut dire qu’elle respecte le droit et répare les dommages qu’elle cause. C’est
important car le contrôle juridictionnel n’a que cet objet là. Le juge n’apprécie jamais
l’opportunité d’une décision administrative. C’est un contrôle en vue du respect du droit,
rien de plus.

CHAPITRE 1 : L’organisation juridictionnelle administrative.

La structure de la juridiction administrative est calquée sur celle de la juridiction


judiciaire. Il existe des juges du fond (TA, CAA) et un juge de cassation (CE). À côté de
cela, il y a des juridictions administratives spécialisées qui sont toujours juges du fond
mais n’ont qu’une compétence d’attribution. Il y a quand même des différences majeures
entre les juridictions judiciaire et administrative.

SECTION 1 : La structure de la juridiction administrative.

I. Le Conseil d’État.

C’est une institution très ancienne. Son origine directe est la Constitution de l’an 8
(1799) qui comportait l’article 52 qui instituait un Conseil d’État chargé de rédiger les
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projets de loi et « de résoudre les difficultés qui s’élèvent en matière administrative ». La
nature de l’institution est assez ambigüe. C’est un organe consultatif et, en matière de
litige, sa nature est très indéterminée. Dès l’origine, il n’est pas conçu comme un juge (il
« résout » mais ne juge pas).

Cette institution est présidée par un vice-président, sachant que le président


protocolaire est le Premier Ministre mais il n’y va qu’une fois par an pour l’assemblée
générale du Conseil d’État. Les membres du Conseil d’État sont répartis en trois grades :
les auditeurs (l’échelon le plus bas), les maitres des requêtes et les conseillers d’État.
L’avancement ne s’effectue qu’à l’ancienneté et il y a actuellement 300 membres du
Conseil d’État.

A. La fonction consultative du Conseil d’État.

C’est, historiquement parlant, sa première fonction. Elle se traduit par des avis au
profit, au bénéfice, du gouvernement mais également du Parlement depuis la révision
constitutionnelle de 2008. Le Conseil d’État ne statue qu’en droit. Ces avis du Conseil
d’État sont délivrés par les sections administratives du Conseil d’État. Il existe 6 sections
administratives : les sections de l’intérieur, des finances, des travaux publics, sociale, de
l’Administration et la section du rapport et des études. Chacune de ces sections a un
domaine de compétence définit par décrets. C’est une organisation qui permet de répartir
le travail sachant que ces sections s’expriment toute au nom du Conseil d’État. Les avis
formés par le Conseil d’État en section ne sont pas publiés, ce sont seulement des
documents de travail pour le gouvernement (qui peut décider de publier ces avis).

Il existe, en outre, des formations administratives solennelles. Il existe d’abord les


sections réunies (lorsqu’un même sujet soulève des compétences qui relèvent de
plusieurs sections) et également l’assemblée générale du Conseil d’État qui est aussi une
formation consultative qui n’est composée que de conseillers d’État.

3 remarques :

- il existe des cas de saisine obligatoire du Conseil d’État. Cela concerne d’abord
tous les projets de loi qui doivent être soumis pour avis au Conseil d’État. Cette saisine
obligatoire s’applique également aux décrets de l’article 37 de la Constitution qui sont
des décrets autonomes. Il existe également des cas de saisine facultative. Cela concerne
d’abord les propositions de loi, et plus globalement tout ministre peut saisir pour avis le
Conseil d’État sur une question administrative donnée.

- la saisine par le gouvernement est importante à propos, notamment, des cas de


saisine obligatoire. Cette saisine là, s’agissant des décrets, présente une dimension
particulière : le Conseil d’État, donneur d’avis, à propos des décrets, est considéré
comme le co-auteur du texte. Tout acte administratif peut être précédé d’une consultation
par une saisine obligatoire ou facultative. C’est une question procédurale d’élaboration de
l’acte. S’agissant des décrets de l’article 37, le Conseil d’État est considéré comme co-
auteur donc s’il n’est pas saisi par le gouvernement, le décret est illégal, non pas pour
vice de procédure mais pour incompétence du gouvernement.

- chaque membre du Conseil d’État fait partie d’une section administrative


(quelques petites exceptions) et de la section du contentieux en même temps. En effet,
c’est la règle de la double appartenance, c’est à dire qu’ils sont à la fois donneurs d’avis
et juges de ces actes.

B. La fonction juridictionnelle du Conseil d’État.

C’est la plus spectaculaire, la plus visible. Cette fonction est aussi la plus récente.
Elle est apparue de manière fortuite, c’est à dire que rien ne laissant augurer du
développement de cette fonction. C’est une suite de faits historiques, d’initiative du
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Conseil d’État qui ont conduit à l’apparition d’une juridiction. C’est une naissance
quasiment accidentelle, une suite de hasards accumulés.

Il y a trois étapes qui, mises bout à bout, ont conduit à la création de cette
fonction. La première est la loi des 16 et 24 août 1790. Elle pose le principe de séparation
des autorités administratives et judiciaires qui consiste à dire que le juge judiciaire ne
peut pas juger l’Administration. Il s’explique d’abord par le fait qu’il n’existait qu’un juge à
l’époque et par le fait que ce n’est rien d’autre que la séparation des pouvoirs. Il existe
néanmoins des litiges administratifs : le principe est alors que l’Administration se juge
elle-même. La loi ne crée pas de juridiction administrative mais elle la rend possible.

Le deuxième étape est une période qui va de 1790 à 1872. L’Administration se


juge elle-même, le roi et ls ministres sont juges de droit commun de l’Administration mais
ils prennent très vite l’habitude de saisir le Conseil d’État qui rend des avis sur les litiges
qui sont très souvent suivis. Peu à peu, le Conseil d’État juridictionnalise son office. Il
rend toujours des avis mais les motive comme des décisions de justice, comme s’il était
un juge, il organise des audiences comme un juge et il accepte la représentation par
avocat. Les jugements sont toujours rendus par le chef de l’État. C’est le système de la
justice retenue. Aucun des régimes qui se sont succédés n’ont ralenti ce processus. La
loi du 24 mai 1872, toujours en vigueur, valide le processus. Elle dit que le Conseil d’État
est une juridiction souveraine en matière administrative et qu’il bénéfice de ce qu’on
appelle la justice déléguée. Désormais, les décisions qu’il prend le sont au nom du
peuple.

La dernière étape est une décision du Conseil d’État du 13 décembre 1889, l’arrêt
Cadot. À cette époque, le Conseil d’État est une vraie juridiction mais la loi de 1872
n’avait pas supprimé le système du ministre-juge (= l’Administration se juge d’abord en
première instance et on peut ensuite saisir le Conseil d’État, le Conseil d’État n’est qu’un
juge d’appel). Avant de saisir le Conseil d’État, il fallait toujours saisir l’Administration
directement. Cadot est un fonctionnaire marseillais chargé de la voirie et son emploi est
supprimé par le conseil municipal et Cadot conteste la suppression en saisissant
directement le Conseil d’État. Logiquement, le Conseil d’État aurait dû rejeter sa requête,
mais il estime que le recours est recevable. On en tire l’enseignement suivant :
l’Administration, depuis cet arrêt, perd tout pouvoir juridictionnel.

Aujourd’hui, au sein du Conseil d’État, c’est une section qui assure la fonction
juridictionnelle : c’est la section du contentieux. Elle est divisée en 10 chambres qui ont
chacune une compétence définie par matière. Les chambres instruisent les affaires et,
ensuite, les jugent. Chaque affaire est jugée par une chambre mais il existe des
formations de jugement plus solennelles : il y a souvent plus de juges et plus
expérimentés. Il y en a trois variétés :

- les chambres réunies : lorsqu’un même sujet soulève des compétences


qui relèvent de plusieurs sections.

- la formation en section du contentieux : c’est le cas lorsqu’il faut juger un


revirement de jurisprudence ou encore pour une question de droit nouvelle. Cette section
est composée des dix présidents de chambre.

- l’assemblée du contentieux : elle statue 3 ou 4 fois par an, lorsqu’il s’agit


de rendre un arrêt qui présente une dimension quasiment politique, qui met en jeu
l’équilibre des pouvoirs, le sens de la loi.

Le principe qui gouverne le Conseil d’État est celui de la double appartenance :


tous les membres sont à la fois membres d’une section administrative et de la section du
contentieux. Cette règle a été affectée par la Cour EDH notamment par l’article 6
paragraphe 1 qui garantit le droit à un procès équitable et notamment par une juridiction
impartiale. Le problème est que cette double appartenance peut être source de partialité.
Mettons qu’un décret est examiné par une section administrative du Conseil d’État et doit
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être jugé par la section du contentieux peu après. D’après la CEDH, le problème est que
ce sont potentiellement les mêmes personnes qui ont examiné le décret et vont le juger.
Pour cette raison, un décret du 6 mars 2008 est intervenu en créant, désormais, une
obligation de déport : si un membre a examiné le texte en section administrative, il ne
pourra pas le juger, il sera remplacé par quelqu’un d’autre.

La section du contentieux concentre toute la compétence juridictionnelle du


Conseil d’État. Le Conseil d’État, en tant que juge, exerce trois types d’attributions :

- juge de cassation à l’égard des jugements rendus en premier et dernier


ressorts par les tribunaux administratifs, à l’égard des arrêts des CAA et aussi à l’égard
des décisions des juridictions spécialisées (une trentaine).

- juge de premier et dernier ressorts : il est juge de première et dernière


instances. Cela concerne peu d’actes : les décrets, les ordonnances du PDR, les actes
réglementaires des ministres (arrêt Jamart), les actes des autorités administratives à
compétences nationales qui sont généralement des autorités administratives
indépendantes et les litiges en matière de fonction publique mais seulement pour les
fonctionnaires nommés en Conseil des ministres.

- compétence d’appel : c’est une compétence très marginale. Cela


concerne essentiellement trois contentieux qui ont un point commun : il faut résoudre
rapidement certaines difficultés. Cela concerne les contentieux des élections municipales
et départementales. Il bénéficie aussi de cette compétence en matière de référé liberté
(procédure d’urgence qui dure en moyenne une semaine). Enfin, il exerce cette
compétence à propos des jugements de tribunaux administratifs rendus sur renvoi d’un
juge judiciaire. Parfois, un litige en cours devant un juge judiciaire soulève une question
de droit public. Pour cette question, le juge judiciaire peut ou doit saisir le TA, c’est ce
qu’on appelle une question préjudicielle.

II. Les autres juridictions administratives.

A. Les juridictions administratives de droit commun.

Ce sont les juridictions administratives qui disposent d’une compétence générale


en matière administrative. Il en existe deux variétés :

- les tribunaux administratifs : créés en 1953, ils ont succédés aux conseils
de préfecture. Il en existe, à l’heure actuelle, 42 en France dont 11 d’Outre-mer. Ils
sautent en premier ressort et sont juges de droit commun de l’activité administrative.
Territorialement, le TA compétent est celui dans le ressort duquel se trouve
l’Administration dont l’acte est contesté. Il y a des exceptions pour éviter que le TA de
Paris soit encombré.

- les cours administratives d’appel : elles sont relativement récentes car


elles ont été créées par une loi du 31 décembre 1987. L’idée est qu’avant cette loi, le
Conseil d’État état juge d’appel en matière administrative pour tous les litiges
administratifs. Évidemment, il était encombré, donc cette loi a fait en sorte de le
désencombrer. Ces CAA sont compétentes pour statuer sur les jugements de TA frappés
d’appel. Il existe 8 CAA et une neuvième va être créée sous peu à Toulouse. Elles sont
présidées par un conseiller d’État.

B. Les juridictions administratives spécialisées.

Il en existe environ 30. C’est par exemple la Cour des comptes, la Cour de
discipline budgétaire ou financière (juge les ordonnateurs), le Conseil supérieur de la
magistrature (CSM), les sections disciplinaires des universités, la Cour nationale du droit
d’asile (CNDA)… La loi qui les crée leur attribue une compétence spécifique. Leur point
commun est que toutes relèvent du contrôle du Conseil d’État par la voie de la cassation.

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SECTION 2 : Le dualisme juridictionnel.

Il arrive parfois que le juge judiciaire juge l’Administration. Le juge judiciaire peut
contrôle l’activité administrative. D’une manière générale, la logique est simple : le juge
judiciaire n’est compétence que par exception en matière administrative, c’est ce qui
résulte d’une décision du Conseil constitutionnel du 23 janvier 1987, Conseil de la
concurrence. Il était question d’une loi dont l’objet était de créer un nouveau droit de la
concurrence qui crée notamment un Conseil de la concurrence qui était une autorité
administrative indépendante dont l’objet était de sanctionner les pratiques anti-
concurrentielles. La difficulté est qu’il y a une sorte de paradoxe, c’est une Administration
donc logiquement ses décisions sont des actes administratifs, mais la matière est
essentiellement commerciale donc plutôt de droit privé. Le législateur n’a pas voulu
choisir et la loi indiquait que les recours contre les décisions du Conseil de la concurrence
relèvent de la Cour d’appel judiciaire de Paris. Précisément, le Conseil constitutionnel
était saisi de la question suivante (question nouvelle) : cette attribution de compétences
au juge judiciaire en matière administrative est-elle conforme à la Constitution ? Existe-t-il
un principe constitutionnel qui permet de définir la compétence des deux juges ? La
réponse du Conseil constitutionnel s’est fait en trois temps :

- la Constitution ne comporte aucune règle sur le sujet.

- mais il existe un PFRLR : c’est le principe selon lequel le juge administratif


est compétent pour «  l’annulation des décisions prises par le pouvoir exécutif dans
l’exercice de prérogatives de puissance publique ».

- il rajoute deux exceptions dans ce PFRLR : font exception à ce principe


les matières administratives relevant «  par nature  » du juge judiciaire et les matières
administratives qui « dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice » doivent être
confiées à un seul ordre de juridiction. Il existe un noyau dur dans la Constitution qui dit
que certains litiges ne peuvent relever que du juge administratif : les demandes en
annulation et les décisions prises par le pouvoir exécutif.

I. La compétence de la juridiction judiciaire en matière administrative.

Ce n’est pas le principe mais l’exception. Cette compétence a deux sources : la


première est la loi. Il y a des lois qui confient certains litiges administratifs au juge
judiciaire. C’est l’idée de nature : il y a des matières qui, par nature, relèvent du juge
judiciaire. Par exemple, le Code civil, en matière de brevet d’invention, la protection de la
liberté individuelle, la loi du 31 décembre 1957 qui confie au juge judiciaire les litiges
relatifs aux dommages causés par les véhicules administratifs. La deuxième source est la
jurisprudence : il existe des matières administratives qui relèvent du juge judiciaire en
vertu de la jurisprudence. Ce sont très souvent les jurisprudence du Tribunal des Conflits.

A. Les activités administratives à compétence judiciaire.

1. Le contentieux du service public de la justice judiciaire.

Le service public de la justice judiciaire est une activité ambigüe. C’est un service
public, or, le droit du service public est le droit public, donc logiquement son juge est le
juge administratif. La justice judiciaire est une justice à part entière, souveraine donc si le
contentieux qu’elle génère, provoque devait relever du juge administratif, on aboutirait à
la situation selon laquelle un juge (administratif) en jugerait un autre (judiciaire). On n’arrive
pas spontanément à dire qui va l’emporter : la dimension de SP ou la dimension
judiciaire. Le droit positif ne tranche pas tout à fait cette ambiguïté. Désormais, la règle de
répartition est la suivante : le juge judiciaire est compétent pour apprécier le
fonctionnement de la justice judiciaire alors que le juge administratif est compétent, lui,
pour apprécier l’organisation de la justice judiciaire. Cette règle de réparation résulte d’un
arrêt du TC du 27 novembre 1952, préfet de la Guyane. Le TC dit que ce qui définit la
compétence du juge et l’objet de l’acte. Ainsi, si l’objet de l’acte est d’assurer le
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fonctionnement quotidien de la justice judiciaire (ex : mesures d’instruction), c’est un acte
judiciaire donc qui relève du juge judiciaire. En revanche, si l’objet de l’acte est
d’organiser la structure du service (ex : décisions de nomination d’un magistrat ou de
sanction d’un magistrat), le TC considère qu’il s’agit d’organiser le service et donc que les
litiges relèvent du juge administratif (ex : décisions du CSM).

2. Le contentieux relatif à la gestion privée des activités


administratives.

Il faut envisager le cas des SPIC. Ce sont juridiquement des activités


administratives (service public) mais de type commercial donc qui sont matériellement et
économiquement des entreprises. Par principe, les SPIC relèvent non seulement du droit
privé, mais également de la compétence du juge judiciaire. La compétence judiciaire
s’applique aux relations nouées entre les usagers et le service. C’est la même chose
s’agissant des questions de responsabilité : la responsabilité en cas de dommage
provoqué par le SPIC relève du juge judiciaire. Ce principe comporte néanmoins des
exceptions. Dans l’arrêt Époux Barbier du 15 juillet 1968 du TC (Air France avait un
règlement qui comportait une clause de célibat pour les hôtesses de l’air), le juge
compétent pour statuer sur la légalité de cette clause est le juge administratif. En effet, il
s’agit d’un acte relatif à l’organisation du service et manifestant l’usage de prérogatives
de puissance publique.

3. L’autorité judiciaire gardienne des libertés fondamentales.

Il s’agit avant tout de l’expression d’une tradition juridique en France. L’idée est
que, depuis le début du XIXème siècle, il y a une tradition que le juge judiciaire soit le
gardien des libertés publiques, il est considéré comme tel. En effet, à cette époque, il
était le seul juge véritablement indépendant du pouvoir exécutif (préjugé qu’on avait à son
égard). Cela sous-entend que le juge administratif n’était pas véritablement indépendant,
impartial. Il ne peut donc pas protéger les individus contre le gouvernement car il en est
une émanation.

Il y a d’autres facteurs plus techniques qui expliquent cela. Tout d’abord, cela tient
au fait que le juge administration n’avait que très peu de pouvoir, il n’avait notamment pas
le pouvoir d’adresser des injonctions à l’Administration (il l’a aujourd’hui) : il ne peut pas
donner d’ordre à l’Administration (« il a une gomme, pas un crayon »). Il ne pouvait pas
ordonner que l’Administration cesse de porter atteinte à une liberté fondamentale. De
plus, le juge administratif ne sait pas statuer en urgence (aujourd’hui il peut). En matière
de liberté, ces deux pouvoirs font défaut («  aller vite et frapper fort  »). En droit, la
Constitution fonde cette compétence judiciaire à deux points de vue :

- il existe d’abord un article 66 qui est très clair sur le sujet car il confie à
l’autorité judiciaire la garantie de la liberté individuelle

- cette compétence résulte d’un principe fondamental reconnu par les lois
de la République. C’est un principe identifié par le Conseil constitutionnel en 1989 qui dit
que le juge judiciaire est le gardien de la propriété privée immobilière (liberté
fondamentale).

Tout acte administratif qui porte atteinte à une liberté fondamentale, par principe,
doit être jugé par le juge judiciaire. On s’aperçoit que depuis une trentaine d’années, ce
principe, cette compétence de la juridiction judiciaire, se réduit. Trois décisions
témoignent de ce mouvement de réduction de la compétence judiciaire :

- décision du 12 mai 1997, TC « Préfet de police de Paris » : il est question


d’un navire qui accoste en France et deux ressortissants marocains font l’objet d’une
mesure d’interdiction d’entrée dans le territoire, ils sont consignés sur le bateau. C’est
une forme de rétention administratives. La question s’est posée de savoir qui était
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compétent pour apprécier cette mesure administrative. Le premier juge saisi est le
tribunal de grande instance en s’appuyant sur le fait que leurs libertés individuelles étaient
en cause. Le préfet élève le conflit car il soutient que c’est un acte administratif et que
donc le juge administration seul est compétent. Le TC est saisi. Tout le débat s’articule
autour de l’article 136 du Code de procédure pénale qui dispose que dans tous les cas
d’atteinte à la liberté individuelle du fait de l’Administration, «  le conflit ne peut pas être
élevé et le juge judiciaire est toujours exclusivement compétent ». Le TC adopte une autre
lecture de l’article : il considère que l’article 136 est une dérogation au principe de
séparation des autorités administratives et judiciaires. Les dérogations sont toujours
d’interprétation stricte, en conséquence de quoi le TC considère que la compétence
judiciaire est établie, acquise, que lorsque l’Administration a commis une voie de fait. Une
voie de fait est une atteinte grave à une liberté fondamentale. Dans tous les autres cas,
pour les atteintes ordinaires à une liberté individuelle par un acte administratif, le juge
administratif est compétent : la compétence judiciaire est résiduelle.

- décision du TC du 11 juin 2013, « Bergoend » : il est question de la théorie


de la voie de fait. C’est une théorie d’origine jurisprudentielle qui nait au XIXème siècle.
Elle est forgée par la Cour de cassation. L’idée de la voie de fait, son objectif, est de
reconnaitre, de fonder, la compétence du juge judiciaire en matière d’acte administratif. Il
s’agit, ici, de tout acte ou comportement de l’Administration manifestement illégal qui
porte une atteinte grave à une liberté fondamentale ou au droit de propriété. L’idée sous-
jacente est l’idée de dénaturation, c’est à dire que l’Administration a pris un acte qui ne
peut pas se rattacher à la voie ordinaire, à l’un de ses pouvoirs, elle a dénaturé ses
pouvoirs. En guise de sanction, elle sera jugée par le juge judiciaire (généralement plus
sévère). Il se trouve que cette voie de fait a donné lieu à quelques excès de la part du
juge judiciaire, notamment le fait que le juge judiciaire avait une conception très souple de
l’illégalité manifeste : normalement on parlait d’illégalité grave mais le juge judiciaire disait
que la voie de fait était une illégalité ordinaire. L’exception devenait alors de plus en plus
fréquente. Cet arrêt redéfinit la voie de fait dans un sens plus restrictif pour la rendre plus
raisonnable, plus strictement délimitée. Le TC dit qu’il existe une voie de fait dans deux
cas de figure : l’hypothèse d’une décision de l’Administration portant atteinte à une liberté
individuelle ou entrainant «  l’extinction d’un droit de propriété  », une décision qui est
manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir de l’Administration. Le second
cas de figure est l’hypothèse dans laquelle une décision administrative, même légale, fait
l’objet d’une exécution forcée et porte atteinte à la liberté individuelle ou éteint un droit de
propriété. Cette décision réduit la compétence du juge judiciaire au profit du juge
administratif. La réduction consiste à ne reconnaitre la compétence du juge judiciaire que
lorsque la Constitution le commande (article 66 sur les libertés individuelles et d’autre part
le droit de propriété). Avant, on englobait toutes les libertés fondamentales dans la voie
de fait, désormais, il n’y en a plus que deux. La réduction est matérielle dans le sens où le
catalogue des libertés protégées se limite à deux articles. De plus, l’arrêt précise qu’il doit
s’agir d’une extinction du droit de propriété. Les deux juges sont compétents pour
reconnaitre la voie de fait, mais seul le juge judiciaire peut la réprimer, la faire cesser ou en
réparer les conséquences.

- décision du 9 décembre 2013 du TC, « Panizzon » : il était question d’une


autre théorie jurisprudentielle : la théorie de l’emprise irrégulière. Elle a été forgée par la
Cour de cassation. L’emprise irrégulière est une atteinte de la part de l’Administration à
une propriété immobilière résultant d’un acte ou d’un comportement illégal. La première
différence avec la voie de fait c’est que l’emprise irrégulière concerne «  toute atteinte
illégale au droit de propriété  », donc il n’est pas exigé une illégalité grave. Le deuxième
différence est d’ordre procédural : le juge administratif est seul compétent pour la
reconnaitre, l’identifier, et le juge judiciaire est seul compétent pour la réprimer. En
l’espèce, des particuliers avaient mis à la disposition de la commune un terrain pour
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l’installation d’une aire de sport (location à durée déterminée). Au terme de la convention,
la commune a décidé de rester sur le site. Le TC, dans cette affaire, redéfinit l’emprise
irrégulière de la manière suivante : le juge administratif est compétent pour connaitre,
statuer, sur les décisions administratives portant atteinte à la propriété privée. Il est
compétent pour les annuler, enjoindre qu’il y soit mis fin ou bien réparer les
conséquences dommageables de ladite décision. Il n’y a qu’une exception : l’hypothèse
dans laquelle cette décision aurait pour effet l’extinction du droit de propriété. Le juge
judiciaire n’est compétent en matière administrative que lorsque la Constitution le prévoit,
c’est à dire dans deux cas. Il n’y a plus désormais de partage de compétences entre les
deux juges : selon le cas, c’est le même juge qui constate ou réprime, le juge administratif
en cas d’atteinte simple et le juge judiciaire en cas d’extinction du droit de propriété.

B. L’interprétation et l’appréciation de légalité des actes administratifs par le


juge judiciaire.

En principe, le juge administratif dispose d’un monopole pour interpréter les actes
administratifs et apprécier leur légalité. Lors d’un procès en cours devant une juridiction
judiciaire, une question juridique soulevée par le litige relève de la compétence du juge
administratif, et notamment l’hypothèse de la légalité d’un acte administratif. Par principe,
pour respecter la compétence du juge administratif, dans l’hypothèse où on conteste le
Code de la route par exemple, il faut pratiquer une question préjudicielle : elle ne peut pas
être tranchée par le juge saisi du principal. Celui-ci doit surseoir à statuer et saisir le juge
compétent de la question. Le problème est que ces questions préjudicielles ralentissent
la procédure. Pour éviter cela, le droit positif comporte des nuances. Il faut distinguer
selon le juge compétent :

- cas du juge pénal, répressif : il bénéficie d’une plénitude de juridictions


qu’il peut saisir rapidement et facilement. Il peut, seul, sans renvoi, interpréter tous les
actes administratifs et apprécier leur validité. Cela peut être les actes administratifs
réglementaires et les actes administratifs individuels. Le Code pénal de 1994, l’explicite à
l’article 111-5. Le juge pénal a le pouvoir d’apprécier la légalité mais pas d’annuler un
acte administratif.

- cas du juge civil : l’enjeu est moins fort. Le juge civil peut, depuis toujours,
interpréter un acte administratif réglementaire. En revanche, il ne peut pas interpréter un
acte administratif individuel et il ne peut pas non plus interpréter la légalité d’un acte
administratif quelle que soit sa nature. C’est un arrêt du TC du 16 juin 1923,
« Septfonds ». Le défaut de ces règles et qu’elles allongent la durée des procédures. Le
TC a modifié récemment cette jurisprudence par une décision du 17 octobre 2011
«  SCEA du Chéneau  ». Le TC rappelle le principe selon lequel le juge administratif
dispose d’un monopole pour apprécier la légalité des actes administratifs, y compris par
voie de question préjudicielle. Il se trouve que ce principe doit être combiné avec deux
exigences : la « bonne administration de la justice » qui exige qu’une demande soit jugée
dans un délai raisonnable, exigence en conséquence de laquelle les tribunaux civils
peuvent, sans renvoi, apprécier la légalité d’un acte administratif «  lorsqu’il apparait
manifestement aux vues d’une jurisprudence établie que la contestation peut être
accueillie par le juge saisi au principal  ». L’idée est que le juge civil peut statuer si la
réponse est évidente. S’il existe une jurisprudence du CE établie (ancienne, canonisée au
GAJA, importante) que ce type d’acte est illégal ou non, le juge civil peut statuer sans
renvoi. La deuxième exigence est le cas particulier du respect du droit de l’Union
européenne. Le respect du droit de l’UE est une obligation pour les États : exigence de
loyauté mais aussi exigence constitutionnelle (article 88-1 de la Constitution). C’est le
principe d’effectivité du droit de l’UE. Le juge national est tenu d’en assurer le respect, y
compris en écartant de sa propre autorité le droit national contraire. Cela veut dire que
dans l’hypothèse où est en cause la conformité d’un acte administratif au droit de l’UE, le
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juge civil doit lui même écarter l’acte administratif français et appliquer le droit de l’UE
sans renvoi au juge administratif. Le but, ici, est le respect du droit de l’UE qui prime sur
tout le reste.

II. La répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction.

On s’intéresse aux procédures de réparation des compétences, notamment une :


le rôle du Tribunal des conflits.

A. Le Tribunal des conflits.

Il a été créé en 1848 (50 ans après les deux autres) par la Constitution de la IIème
République, puis supprimé en 1852 et rétabli en 1872 par la loi du 24 mai 1872. Cette
juridiction doit régler les conflits d’attribution entre les deux ordres et, depuis l’origine, le
principe d’organisation du TC est que c’est une juridiction paritaire, c’est à dire qu’il est
composé pour moitié de membres de la Cour de cassation et pour moitié de membres du
Conseil d’État (4 de chaque). Ils sont élus tous les trois ans, rééligibles deux fois. Le
Président est chois parmi et par les membres qui votent : c’est alternativement un
membre de la Cour de cassation et un membre du Conseil d’État. Ce président remplace
le ministre de la justice qui occupait ce poste jusqu’à la loi du 16 février 2015. Le TC a
récemment fait l’objet d’une refonte, d’une réorganisation par la loi du 16 février 2015.
L’idée est d’augmenter les pouvoirs du TC :

- la première réforme décidée par cette loi est que le président du TC peut
désormais statuer par voie d’ordonnance (décision rendue par un juge unique). Il peut
statuer seul lorsque la solution s’impose avec évidence.

- toute juridiction peut renvoyer au tribunal une question de compétence,


une difficulté en rapport avec la compétence.

- le TC est désormais compétent pour condamner l’État en cas de durée


excessive des procédures. C’est une compétence de fond alors que jusqu’en 2015, le TC
ne tranchait jamais les litiges au fond.

B. Les procédures de résolution de conflit.

La première est la procédure de résolution des conflits positifs de compétence.


L’hypothèse est celle où le juge judiciaire a été saisi d’un litige et l’Administration estime
qu’il est incompétent et que c’est le juge administratif qui devrait l’être. Le préfet adresse
ce que l’on appelle un déclinatoire de compétences au parquet de la juridiction en lui
demandant de requérir le dessaisissement de la juridiction. La majorité du temps, le juge
décline sa compétence, l’affaire est terminée et recommencera devant le tribunal
administratif. Si le juge refuse de décliner sa compétence, le préfet adopte un arrêté de
conflit (acte administratif) qui élève le conflit de compétence et saisi le TC. Le TC peut
annuler ou confirmer l’arrêté. Le but est d’empêcher le juge judiciaire d’empiéter sur la
compétence du juge administratif. Cette procédure est impossible devant la Cour de
cassation (on imagine qu’elle n’a jamais tort), interdite en matière criminelle et le conflit ne
peut plus être élevé après que le jugement soit devenu définitif (= ne peut plus être remis
en cause car les voies de recours sont épuisées ou que les délais pour actionner ces
voies de recours sont prescrits).

La seconde procédure est celle de résolution des conflits négatifs de compétence.


Ce n’est pas le cas symétrique du précédent (on ne protège pas la compétence du juge
judiciaire). L’hypothèse est celle dans laquelle le juge, l’un judiciaire et l’autre
administratif, se sont successivement déclarés incompétents pour un même litige par des
décisions devenues irrévocables, définitives. Les parties peuvent directement saisir le TC
afin que celui-ci désigne le juge compétent. Il faut d’abord deux décisions, deux
jugements d’incompétence. Il faut que la même question ait été posée aux deux juges et
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les deux y ont répondu de la même façon. Le TC annule l’un des deux jugements et
renvoie l’affaire devant la juridiction qui l’a rendu.

La troisième est la procédure de prévention des difficultés sérieuses de


compétences. Jusqu’en 2015, elle ne concernait que les juridictions souveraines.
Désormais, elle concerne absolument toutes les juridictions. C’est une procédure
strictement facultative dont l’objet est assez simple : elle permet à une juridiction de saisir
le tribunal des conflits afin qu’il l’éclaire sur un problème, une question, de répartition des
compétences.

La quatrième procédure est celle de renvoi obligatoire. Il en existe un cas : pour


éviter le conflit négatif de compétences. Lorsqu’un premier juge décline sa compétence
par un jugement devenu définitif, la juridiction (relevant de l’autre ordre) saisie ensuite du
litige, si elle a un doute sur le sujet, est tenue de renvoyer au TC le soin de définir la
compétence. L’intérêt de cette procédure est qu’on désigne un juge alors que
normalement le jugement du premier ordre de juridiction est définitif. On veut éviter le
déni de justice.

La cinquième procédure est la procédure dans laquelle le TC est juge du fond.


C’est l’hypothèse d’un conflit de décision. Lorsque deux décisions rendues par chacun
des deux ordres (= les deux juges se sont estimés compétents) présentent une
contrariété qui conduit à un «  déni de justice  », c’est deux décisions peuvent être
déférées au TC qui statue au fond et définitivement. Cette procédure est très rarement
utilisée. Elle résulte d’une loi du 20 avril 1932 : la loi a été votée en raison d’une affaire
particulière qui posait une particularité juridique. C’est l’affaire Rosay. Rosay avait pris
place dans une voiture conduite par autrui qui subit un accident de circulation avec un
véhicule de l’armée (un véhicule administratif). Rosay intente une action devant le juge
judiciaire à l’égard de l’auteur de son dommage, c’est à dire son conducteur. Le juge
judiciaire se considère compétent mais dit que le conducteur n’est pas responsable car il
n’a commis aucune faute. Rosay se dirige alors devant le juge administratif en disant que
l’auteur de son dommage est l’Administration, le juge administratif dit que le conducteur
du véhicule administratif n’a commis aucune faute. Il y a, ici, un déni de justice (= lorsque
les juges refusent de juger, article 4 du Code civil). Ici, le déni de justice consiste à dire
que le résultat de la logique judiciaire est juridiquement injustifié et injustifiable car il y a
bien un préjudice, ce qui implique nécessairement la reconnaissance d’un auteur. Dans
ce cas-là, c’est le TC qui statue. C’est une hypothèse rare car il ne s’agit pas d’un
problème de compétence, mais un problème de fond.

Il existe une dernière procédure, un peu à part, créée en 2015 et mise en oeuvre
pour la première fois en décembre 2019. C’est une action en indemnisation du préjudice
découlant d’une durée excessive des procédures juridictionnelles. Le cas est celui dans
lequel un même litige est soumis successivement aux deux ordres de juridiction car la
procédure l’exige. Par exemple, le contentieux de l’expropriation : c’est une procédure
par laquelle l’Administration prive un particulier de sa propriété privée moyennant une
indemnisation. Cette procédure fait d’abord intervenir le juge administratif qui va vérifier
que la procédure est d’utilité publique, puis le juge judiciaire intervient après en
prononçant le transfert de propriété. Très souvent, ce type de procédure dépasse «  le
délai raisonnable de jugement » qui résulte de l’article 6 paragraphe 1 de la CEDH. En cas
de préjudice, au lieu d’agir devant les deux juges, il existe une seule action devant le TC
qui va statuer pour le tout. Le TC, dans ce cas-là, n’est saisi que si le ministère de la
justice a refusé d’indemniser le requérant.

CHAPITRE 2 : Les recours contentieux et la procédure administrative contentieuse.

Le juge administratif ne peut être saisi que par des recours qui ont deux éléments
constitutifs :

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- ils sont construits sur la base de conclusions (= ce que veut le requérant).
Par exemple, il souhaite l’annulation d’un acte administratif, une indemnisation…

- ils doivent comporter des moyens (= pourquoi le requérant demande ça).


Ce sont essentiellement des moyens de légalité. Par exemple, un arrêté contraire à une
loi, un contrat contraire à une directive européenne…

Il y a deux synonymes de recours : requête ou action (utilisé qu’en civil, pas en


administratif). Il existe un Code de justice administrative adopté en juin 2000 qui est
aujourd’hui le Code de procédure administrative.

SECTION 1 : Les recours contentieux.

Il existe quatre types de recours contentieux devant le juge administratif qui


correspondent aux quatre branches du contentieux administratif. Ils ne sont pas précisés
par les textes mais résultant des quatre grands types de questions posées au juge :

- le recours pour excès de pouvoir : contentieux d’excès de pouvoir. Cet


acte est-il légal ou pas ?

- le recours de pleine juridiction : contentieux de pleine juridiction. C’est le


fait de demander au juge le paiement d’une somme d’argent.

- le contentieux de l’appréciation de légalité d’un acte administratif : c’est un


renvoi. Le juge judiciaire qui rencontre une question de droit public doit renvoyer la
question au juge administratif.

- le contentieux répressif : il se développe depuis quelques années. C’est le


contentieux de grande voirie. L’objectif est de protéger le domaine public. Le juge
condamne toute personne ayant porté atteinte à l’intégrité du domaine. C’est le préfet qui
développe cette action.

Statistiquement parlant, les deux branches les plus importantes sont les deux
premières. 80% des recours devant le juge relèvent de ces deux premières branches.

I. Le recours pour excès de pouvoir.

Ce recours a été bâti progressivement par le Conseil d’État. C’est un recours formé
par des particuliers dirigé contre une décision administrative unilatérale et qui tend à
obtenir l’annulation de celle-ci aux motifs qu’elle est contraire à une norme de rang
supérieur. C’est un recours qui se limite à cela. On a tendance à dire que c’est un recours
de moindre juridiction.

A. L’ouverture du recours pour excès de pouvoir.

C’est une garantie de l’État de droit : son objectif est de soumettre l’Administration
au droit. Pour cette raison, il doit être facile d’accès. C’est le cas.

1. Un recours d’ordre public.

Cela veut dire qu’il est toujours possible de le former, même sans texte. C’est une
décision du Conseil d’État du 15 février 1950, « Dame Lamotte ». Pendant la guerre, en
France, le préfet applique une loi de Vichy qui précise que le préfet peut réquisitionner les
terres agricoles non cultivées et en céder l’usage à un agriculteur. La loi indiquait que
cette décision du préfet ne pouvait faire l’objet d’aucun recours. Le CE estime que cette
interdiction ne concerne pas le REP qui est toujours possible car il est d’ordre public.

2. Un recours recevable contre toute décision administrative.

Le juge dit qu’il est recevable contre toute décision faisant grief (notion large). À
travers cette notion, le juge a étendu le champ d’application du REP. Il est possible contre
des actes qui ne sont pas des décisions.

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3. Un recours supposant un intérêt à agir.

Le REP, comme toute action en justice, suppose un intérêt à agir. « Pas d’intérêt,
pas d’action ». L’intérêt à agir en matière de REP est défini de manière très large. Il suffit,
en effet, que l’acte contesté, la décision contestée, concerne le requérant, alors même
qu’elle ne le lèse pas, qu’elle ne lui porte pas préjudice. Il suffit qu’il soit concerné pour
avoir intérêt à agir contre celle-ci. L’arrêt Casanova du Conseil d’État de 1901 dispose
qu’un simple contribuable local a intérêt à contester une décision municipale qui
concerne les finances de la commune. Le contribuable est concerné mais pas impacté,
cela suffit comme intérêt à agir.

Depuis quelques années, on s’aperçoit que le CE a tendance à être un peu plus


exigeant en matière d’intérêt à agir. Un intérêt à agir trop large à un défaut : cela
occasionne des contentieux massifs, y compris des recours malhonnêtes. Le contentieux
de l’urbanisme, en particulier, pose problème. Par exemple, avant pour contester un
permis de construire, il suffisait d’être voisin. Aujourd’hui, il faut démontrer que la
construction va empiéter sur votre droit à habiter chez vous.

Le requérant qui forme un REP peut invoquer tout moyen de légalité mais
seulement des moyens de légalité. Cela veut dire qu’il peut soutenir toute contrariété
entre la décision contestée et un élément du bloc de légalité (= toutes les normes
supérieures dans la hiérarchie des normes aux actes administratifs). Il peut aussi estimer
et soutenir qu’il y a une contrariété entre la décision et la Constitution ou un traité.

Ces moyens de légalité sont présentés sous forme de cas d’ouverture du REP. Ces
cas d’ouverture sont au nombre de 5 et regroupent tous les moyens de légalité :

- l’incompétence : le requérant énonce que l’auteur de l’acte est


incompétent.

- le vice de forme ou de procédure : une loi de 1979 dispose que les actes
doivent être motivés. C’est illustré par l’arrêt « Dame Veuve Trompier gravier ».

- la violation de la règle de droit : la décision est contraire à une norme


supérieure, au fond. Elle est directement contraire.

- l’erreur sur les motifs : l’Administration fait une mauvaise application des
textes.

- le détournement de pouvoir : lorsque l’Administration a utilisé son pouvoir


dans un but étranger à l’intérêt général. Par exemple, la corruption.

B. Les pouvoirs du juge de l’excès de pouvoir.

Le juge de l’excès des pouvoirs n’a en réalité qu’un pouvoir, celui d’annuler un acte
administratif. Le juge du REP ne peut prendre que deux types de décisions :

- une décision de rejet : l’acte est légal donc il rejette le REP.

- une décision d’annulation : il fait droit à la demande d’annulation.

Soit il rejette la demande pour annulation car elle infondée, elle ne comporte pas
de moyens convaincants, soit il est convaincu et il annule l’acte contesté. C’est un juge
de moindre juridiction parce qu’il n’a que ce pouvoir là et pas d’autre. Il y a deux types
mesures qu’il ne peut pas adapter. Il n’a pas le pouvoir de modifier les décisions
administratives contestées devant lui et il ne peut pas adresser d’injonction à
l’Administration. Cela veut dire qu’il ne peut pas ordonner à l’Administration d’agir dans
un sens déterminé car il n’est pas son supérieur hiérarchique mais également il ne peut
pas faire acte d’administrateur, il n’est qu’un censeur (il ne peut que censurer et pas
commander).

Le problème posé est que, très souvent, les jugements en excès de pouvoir sont
décevants. Par exemple, la décision du CE du 26 décembre 1925 « Rodière » : la décision
contestée est la révocation d’un fonctionnaire. Le CE estime que la décision est illégale
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donc il annule la révocation. Dans cette décision, le CE n’ordonne pas la ré-intégration du
fonctionnaire mais il ne le peut pas, il ne peut dire à l’Administration de le ré-embaucher,
logiquement elle le devrait mais ne le peut pas. Le requérant veut retrouver son emploi
mais ne peut pas demander ça au juge. Le juge sanctionne l’illégalité mais ne corrige pas
l’illégalité.

Le REP a donc des vertus et des vices. Il est un outil efficace de l’État de droit ce
qui en est son principal intérêt. Il est dispensé du ministère d’avocat (= il peut être fait
sans recours à un avocat donc il n’est pas cher). Mais il a des inconvénients notamment
deux majeurs :

- le jugement d’annulation rendu en excès de pouvoir a effet rétroactif, c’est


à dire que la décision annulée est censée n’avoir jamais existé, le problème est qu’entre
son édiction et son annulation, se passe au moins 1 an. Donc pendant un an, elle a été
appliquée et le REP n’a pas d’effet suspensif ça veut dire que quand on introduit un REP,
la décision continue de s’appliquer. Et alors que deviennent les droits nés de cette
décision ? Si je perçois des sommes grâce à l’acte ? Logiquement tous les effets de
l’acte passés doivent être corrigés, effacés. Cela pose des difficultés mais c’est logique.
Le CE a, récemment, apporté un correctif par un arrêt du 11 mai 2004 arrêt « Association
AC !  ». C’était un décret, adopté en 2003, qui définissait les modes de calcul des
pensions, allocations chômages. Il se trouve qu’il est annulé en 2005. Les droits perçus
devaient être restitués donc on devait rendre les pensions. Le CE estime que si
l’annulation met en cause de manière excessive l’intérêt général, des intérêts particuliers
(ici, ceux des chômeurs), le juge peut décider que cette annulation n’aura d’effet que pour
l’avenir. Cela signifie qu’elle est privée d’effet rétroactif et surtout, tous les droits
particuliers nés avant l’annulation de l’acte sont stabilisés. Cette jurisprudence est
importante car elle s’applique à l’hypothèse de l’annulation d’une nomination : un
magistrat est nommé et rend des jugements. Finalement la nomination est annulée,
logiquement ça voudrait dire que toutes les décisions et jugements faits doivent être
annulés. Dans ce cas, on applique cette jurisprudence pour ne pas remettre en cause ses
décisions et jugements. Donc il est rétroactif mais il y a un correctif.

- le juge administration de l’excès de pouvoir est privé du droit d’ordonner à


l’Administration. Ce juge n’est qu’un juge de la légalité. La loi du 8 février 1995 corrige un
peu ce défaut. Elle est aujourd’hui codifiée aux articles L 911-1 et L 911-2 du code de
justice administrative. Elle dispose que le juge du REP qui annule une décision
administrative peut indiquer à l’Administration les mesures à prendre pour corriger
l’illégalité qu’elle a commise. Le juge peut ordonner à l’Administration de prendre une
nouvelle décision, ordonner à l’Administration de ré-examiner la situation de l’administré.
L’Administration a un pouvoir discrétionnaire. Cela suppose une demande du requérant,
s’il ne demande pas une injonction, le juge ne la prononce pas. C’était vrai jusqu’à une loi
du 23 avril 2019. Cette loi prévoit que le juge du REP peut prononcer d’office ces
injonctions (sans même que le requérant demande).

II. Les recours de pleine juridiction.

C’est un synonyme de recours de plein contentieux. Ces recours sont assez


différents du REP. L’idée générale est qu’ils sont caractérisés par le fait que les pouvoirs
du juge sont très étendus. Il s’agit d’un recours qui permet à un requérant, dont un intérêt
subjectif a été lésé par l’Administration, d’obtenir réparation de cette lésion. Cela veut
dire par exemple qu’il peut obtenir l’annulation d’un acte, des dommages et intérêts, une
nouvelle décision de la part du juge. Toujours, ces recours concernent des questions de
droit subjectif, contrairement au REP qui ne pose que des questions de droit objectif.

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A. Le champ d’application des recours de plein contentieux.

Ce sont des recours qui sont très nombreux, il n’y a pas de régime unique. Il y en a
plusieurs types en fonction de la matière en cause. Il y a essentiellement 5 grandes
matières qui relèvent du plein contentieux :

- les contrats administratifs : pour contester un contrat administratif, il faut


former un recours de plein contentieux.

- la responsabilité administrative.

- la matière fiscale.

- la matière électorale : pour les élections administratives.

- les sanctions administratives.

Tous ces contentieux ont quand même deux points communs. Tout d’abord, le
premier point commun est perceptible au regard de l’intérêt à agir : pour toutes ces
matières, le juge a une conception très stricte de l’intérêt à agir, c’est à dire que le
requérant doit démontrer qu’il a été lésé par l’acte ou le comportement de
l’Administration. S’il ne peut pas le démontrer, il ne peut pas former un recours. Le
deuxième élément est que les recours de plein contentieux sont d’application plus stricte.
Le but n’est pas de garantir le droit mais de réparer une «  erreur administrative  ». Pour
cette raison, il est prévu que le ministère d’avocat est obligatoire (= on ne peut former un
recours de pleine juridiction que représenté par un avocat) car c’est plus exigeant.

B. Les pouvoirs du juge de plein contentieux.

Ces pouvoirs sont étendus. On peut identifier trois pouvoirs qu’a le juge de plein
contentieux :

- pouvoir d’annulation : il peut annuler des actes administratifs. Par


exemple, il peut annuler une sanction, un contrat, un avis d’imposition, une élection…

- pouvoir de réformation des décisions administratives : ayant annulé une


décision de l’Administration, il substitue à celle-ci sa propre décision. Par exemple, le
contentieux électoral pour les élections municipales : le juge décide d’annuler l’arrêté du
préfet qui proclame les résultats. Le juge déclare, en lieu et place du préfet, le candidat
ou la liste vainqueur. Réformer une décision veut dire en changer le sens et le contenu.

- pouvoir d’indemnisation : il peut décider, si le requérant a subi un


dommage du fait de l’Administration, de condamner l’Administration à l’indemniser, il la
condamne au paiement de dommages et intérêts. Il ne le fait pas d’office, il faut qu’on lui
en fasse la demande.

SECTION 2 : La procédure administrative contentieuse.

I. Le procès administratif.

A. Les grands principes.

Tout d’abord, le procès administratif suppose toujours une décision préalable. Le


juge administratif ne peut être saisi que d’une décision administrative. C’est la règle de la
décision préalable. Cela ne pose pas de difficultés en excès de pouvoir car c’est la
définition même de ce recours. Une décision implicite (silence) est une décision. Cela
peut poser des difficultés en matière de responsabilité : par exemple, le dommage peut
ne pas résulter d’une décision de l’Administration. Dans ce cas-là, le requérant doit faire
naitre une décision, la provoquer. Il doit «  lier le contentieux  ». Cela veut dire qu’il doit
demander à l’Administration de l’indemniser : elle refuse de payer et il a une décision qu’il
peut contester devant le juge.

Le second principe est lié au caractère non suspensif des recours contentieux. Il
existe un principe en droit public, une présomption de légalité des actes administratifs.
Cette présomption tient tant qu’un juge n’a pas annulé l’acte. Lorsqu’un requérant
conteste une décision devant le juge, celle-ci continue d’exister mais surtout de
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s’appliquer jusqu’à la fin du procès, tant qu’un juge ne l’a pas annulé. Le but est d’éviter
la paralysie de l’Administration à cause de recours. Ce principe a un défaut majeur qui est
que la décision appliquée même pendant le procès peut avoir des effets irréversibles sur
le requérant. Par exemple, une décision est prise pour réaménager une place en abattant
tous les arbres de la place. Cette décision est présumée légale et pendant le procès tous
les arbres sont abattus. Le procès n’a donc aucun intérêt car les arbres ont déjà été
abattus. il existe un correctif : c’est une procédure de suspension très normée. Elle
résulte de l’article L521-1 du Code de justice administrative. Il crée une procédure qu’on
appelle le référé-suspension. C’est une procédure d’urgence donc le juge statue
généralement en quelques jours qui permet d’obtenir la suspension de l’exécution d’une
décision si deux conditions sont réunies : une condition d’urgence et l’existence d’«  un
doute sérieux sur la légalité de la décision ». Le requérant doit faire un effort d’analyse, il
doit dire pourquoi la décision est illégale, il lui suffit d’évoquer un moyen vraisemblable.
Ce référé-suspension est une demande accessoire, c’est à dire que le requérant doit, en
même temps, former un recours au fond : un REP.

La troisième principe concerne les principes directeurs du procès lui-même. C’est


un procès contradictoire avec ceci de particulier que le défendeur est toujours
l’Administration et le demandeur est l’administré. La procédure est essentiellement
écrite : il y a une audience mais pas de plaidoirie. Ce n’est pas interdit mais ça ne sert à
rien : le juge ne peut statuer que sur ce qui a été écrit dans le recours. Cette procédure
fait intervenir un acteur particulier : le rapporteur public. C’est un membre de la formation
de jugement, c’est à dire que c’est l’un des 5 magistrats. Il est impliqué dans le dossier et
son rôle est de lire publiquement ses conclusions à l’audience. C’est souvent le seul à
parler pendant l’audience. Son rôle est de dire aux autres membres de la formation de
jugement s’il faut rejet ou accueillir la requête. Il conclut après avoir expliqué pourquoi. Il
ne représente pas l’Administration (ce n’est pas un procureur), il ne participe pas au
délibéré (ce n’est pas un juge), il est simplement chargé de dire, selon lui, qu’elle est la
bonne application de la loi. Son avis ne lie pas les juges.

Le dernier principe concerne le jugement lui-même. Les jugements sont toujours


structurés de la même façon :

- ils comportent toujours des visas qui comportent les textes appliqués par
le juge et les productions des parties.

- viennent ensuite les motifs.

- il y a enfin le dispositif : ce sont les articles en fin de décision qui


commencent toujours pas « décide ». En principe, l’autorité de chose jugée ne s’applique
qu’au dispositif.

B. Les voies de recours.

La première est l’appel. L’appel en droit public est partagé entre les Cours
administratives d’appel, qui sont juges de droit commun, et le Conseil d’État. Une grande
partie des GAJA l’ont été par le conseil d’État juge d’appel et non de cassation. Cet appel
présente des caractéristiques très différentes de l’appel judiciaire. Le juge d’appel est
saisi par l’effet dévolutif de l’appel : il juge une deuxième fois la même affaire. Par
exemple, le requérant ne peut pas changer ses conclusions, développer des moyens
nouveaux. Si un requérant découvre un préjudice dont il n’avait pas connaissance au
moment de la première instance, il ne pourra pas, en appel, en demander l’indemnisation,
il devra former un autre recours.

La cassation en matière administrative est possible contre les jugements rendus


par les TA en premier et dernier ressorts, les arrêts de CAA et les décisions des
juridictions spécialisées. Le juge de cassation en droit public est «  juge du jugement  »,
pas du litige. Son rôle est de vérifier que les juges du fond ont correctement appliqué le
droit. En principe, le juge de cassation ne tranche jamais directement la prétention du
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requérant. Il y a quand même une exception en droit public, le Conseil d’État peut statuer
au fond donc annuler un jugement et au lieu de renvoyer l’affaire devant un juge du fond,
décider lui-même de trancher le litige. C’est l’article L821-1 du Code de justice
administrative. Il peut faire cela quand «  la bonne administration de la justice l’exige  » :
lorsque le procès est très long, lorsqu’il sait que la Cour d’appel est encombrée… C’est
un cas très rare.

TITRE 2 : La légalité.

Il existe deux principes de contrôle : le principe de légalité et le principe de


responsabilité. Ces deux principes ont un objectif commun : limiter l’arbitraire
administratif. Dans notre philosophie politique, la conviction est que la loi libère (car
expression de la liberté générale) et que le décret opprime (car il vient de
l’Administration). Comment est appliquée la règle de droit à l’Administration ? Le rôle du
juge est essentiel, c’est un vecteur juridictionnel. La question est plus matérielle ici, pas
procédurale : quelles sont les règles de droit qui s’appliquent à l’Administration ? Le droit
applicable à l’Administration ne se résume pas à la loi. Il aurait fallu, alors, intituler ce titre
« la juridicité » car l’Administration doit respecter l’ensemble de la hiérarchie des normes.

CHAPITRE 1 : Le principe de légalité.

L’idée du principe de légalité s’est imposée en France à partir du XIXème siècle. Le


principe du pouvoir en France était le principe du pouvoir discrétionnaire avant le XIXème
siècle. La philosophie politique en France consistait alors à considérer que le pouvoir
légitime démocratiquement peut tout (cf. Rousseau). La soumission de l’Administration au
droit est assez moderne.

SECTION 1 : L’identification du principe de légalité.

I. La signification du principe de légalité.

Ce principe a trois significations :

- c’est un aspect de l’État de droit : le principe de souveraineté a longtemps


entretenu l’idée que l’État, et plus précisément le pouvoir de l’État, est au dessus des lois.
Cela consiste à dire qu’un souverain ne peut pas être contraint, et dès lors qu’il l’est, il
n’est plus souverain. Cette conception de la souveraineté n’a plus sens dans l’ordre
interne. Le pouvoir d’État n’est légitime que dans le respect du droit. « La loi n’exprime la
volonté générale que dans le respect de la Constitution » (Conseil constitutionnel, 1985) :
on peut en déduire qu’un acte administratif n’exprime l’intérêt général que dans le
respect de la légalité, c’est la même logique.

- l’Administration est soumise à la hiérarchie des normes : les actes


administratifs se situent à la base de cette hiérarchie puisqu’ils se situent à la base de la
hiérarchie des normes. La poids de la légalité est particulièrement pesant dans la mesure
où potentiellement toutes les normes de droit s’imposent à l’autorité administrative tandis
que la loi ne doit respecter que la Constitution et les traités internationaux. La hiérarchie
des normes qui s’impose à l’Administration est également complexe : la hiérarchie des
normes reproduit la hiérarchie des organes. S’agissant de l’Administration, cela a pour
conséquence qu’il existe une hiérarchie des organes au sein même de l’Administration (ex
: hiérarchie entre préfet et autorité locale, arrêt Néris-les-Bains). Chaque organe
administratif est soumis à une légalité de contenu variable. Par exemple, le maire doit
respecter la légalité préfectorale alors que le Premier ministre (première autorité
administrative) ne doit respecter que la loi et les normes supérieures à la loi.

- le principe de légalité implique une sanction (signification implicite) : la


légalité administrative n’est pas une moralité administrative. Le principe de légalité
implique une sanction juridictionnelle qui garantit le respect du principe. La sanction de
l’infraction au principe de légalité est l’annulation d’un acte administratif. Il existe un autre
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procédé correctif : lorsque l’Administration elle-même corrige une illégalité qu’elle a
commise. Elle peut retirer ou abroger l’acte. L’intérêt de la sanction juridictionnelle est que
c’est un tiers indépendant de l’Administration qui la juge. Les actes administratifs
bénéficient d’une présomption de légalité, c’est à dire qu’ils demeurent en vigueur et
obligatoires même s’ils sont illégaux. De plus, la sanction juridictionnelle n’est pas la
seule que l’on peut envisager : elle suppose un recours juridictionnel et notamment un
recours pour excès de pouvoir. Il existe une autre voie qui est le recours administratif : il
en existe deux variétés : le recours gracieux et le recours hiérarchique. Le recours
gracieux est formé devant l’autorité qui a fait l’acte illégal afin qu’elle le retire ou l’abroge.
Le recours hiérarchique a exactement le même objet mais il formé auprès de l’autorité
administrative hiérarchiquement supérieure à celle qui a adopté l’acte. Le recours
administratif est très efficace, il comporte un droit à l’erreur au profit de l’Administration.

II. Le champs d’application du principe de légalité.

On s’intéresse au champs d’application matériel. Ce principe de légalité s’applique


à tous les actes administratifs susceptibles d’un recours devant le juge (donc pas actes
de gouvernement, mesures d’ordre intérieur, circulaires non impératives, lignes
directrices…). Ce principe est tout de même adapté pour tenir compte de la nature de
l’acte. On peut distinguer les deux grandes variétés d’actes administratifs.

Il y a tout d’abord les actes administratif unilatéraux (décrets, arrêtés,


délibérations…). Ils bénéficient de l’application la plus stricte du principe de légalité. Par
exemple, lorsqu’un particulier saisit le juge d’un recours pour excès de pouvoir, dès lors
que le juge en question constate une illégalité, il est tenu d’annuler l’acte. Cela consiste à
dire que la REP a un effet mécanique. Depuis quelques années, on observe tout de même
que le juge de l’excès de pouvoir nuance la portée de son pouvoir d’annulation. Par
exemple, l’arrêt du Conseil d’État du 11 mai 2004, « AC » implique que le juge de l’excès
de pouvoir peut décider, si l’intérêt général l’exige, que son annulation n’aura pas d’effet
rétroactif. Ainsi, des situations juridiques sont stabilisées alors qu’elles sont illégales. De
plus, l’arrêt du Conseil d’État du 23 décembre 2011, «  Danthony  » dit que certaines
illégalités ne conduisent pas à l’annulation de l’acte qui les comporte, qui en est entaché.
C’est la neutralisation des vices : le juge neutralise une illégalité, un vice. Cela concerne
certains vices de procédure qui sont alors sans effet sur la légalité de l’acte. Aujourd’hui,
le juge administratif de la légalité est sensible au principe de légalité juridique (comme on
a pu le voir dans ces deux arrêts). On observe alors que la légalité n’est pas
inconditionnelle car le juge peut se montrer compréhensif, clément, à l’égard de certaines
illégalités.

S’agissant des contrats administratifs, ils sont évidemment aussi soumis au


principe de légalité, mais il se trouve que la jurisprudence administrative est très nuancée.
Aujourd’hui, la légalité en matière de contrat est moins exigeante que naguère. Les
contrats administratifs sont des actes subjectifs qui intéressent prioritairement les parties
(effet relatif). Pendant très longtemps, jusqu’aux années 2010, les tiers ne pouvaient pas
contester la légalité d’un contrat administratif devant le juge administratif. La voie était
fermée depuis l’arrêt du Conseil d’État de 1905, « Martin ». Seules les parties pouvaient
agir contre un contrat administratif. Cela veut dire que tant que les parties n’ont pas
soulevé l’illégalité de leur contrat, le contrat est assuré de se perpétuer, de s’exécuter
sans difficultés. La jurisprudence a évolué, notamment avec l’arrêt du 4 avril 2014,
« département du Tarn-et-Garonne ». Depuis cet arrêt, tous les tiers peuvent contester un
contrat administratif. Cela veut dire que la légalité sera désormais plus souvent respectée.
Cette ouverture, cette garantie du principe de légalité fait l’objet de conditions très
strictes :

- le tiers, le requérant doit démontrer qu’il a été spécialement lésé par le


contrat, ce qui veut dire que, par exemple, un contribuable local n’a pas intérêt à agir.

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- seules deux illégalités conduisent à l’annulation du contrat : le contenu
illicite du contrat ainsi qu’un vice d’une particulière gravité, notamment un vice du
consentement. Toutes les autres illégalités ne conduisent pas à l’annulation du contrat
administratif mais à une autre sanction moins lourde (ex : résiliation…). Le juge
hiérarchise les illégalités qui n’ont pas toutes le même effet. Le juge est sensible à deux
arguments : le principe de sécurité juridique qui implique qu’il faut être attentif aux droits
des parties et le principe de continuité du service public.

SECTION 2 : L’étendu du principe de légalité.

Ce principe de légalité est conçu de manière pragmatique par le juge : il fait l’objet
d’une application souple, avec un peu de nuance. Les contraintes que la légalité fait
peser sur l’Administration varient en fonction essentiellement de deux paramètres : le
pouvoir d’appréciation de l’Administration et les circonstances d’édiction de l’acte.

I. Les pouvoirs de l’Administration.

Elle rend des actes à deux fins : assurer le fonctionnement des services publics ou
assurer l’ordre public. Il se trouve que dans la définition du contenu des actes, elle
dispose d’une certaine liberté. On peut identifier deux grandes hypothèses :

- le contenu de la décision est imposé par le droit donc elle n’a aucune
marge de manoeuvre. C’est l’hypothèse de compétences liées.

- le contenu n’est pas défini par les textes. C’est le pouvoir discrétionnaire.

A. La compétence liée.

C’est la situation dans laquelle l’Administration est tenue de décider dans un


certain sens, sans avoir le choix dans le contenu de sa décision. L’agent n’est qu’un
rouage, il n’est qu’une autorité d’application d’une règle supérieure.

Par exemple, c’est l’hypothèse de la délivrance d’un diplôme universitaire : dès


lors qu’on obtient les crédits nécessaires, l’Administration est tenue de délivrer le
diplôme. C’est aussi l’hypothèse de la mise en retraite d’un agent public. C’est aussi
l’hypothèse de la délivrance par la préfecture des récépissés de déclaration
d’association. La loi prévoyait que la préfecture pouvait exercer un contrôle sur les
bonnes moeurs de l’association : cette loi a été censurée car contraire au principe de
liberté d’association.

Il faut identifier les compétences liées. Le principe est assez simple : il convient de
se référer au droit applicable à la situation traitée par l’Administration. C’est le principe de
légalité qui permet d’identifier l’existence d’une compétence liée. Si le droit détermine des
conditions précises et prévoit l’édiction en conséquence d’un acte administratif, il existe
une compétence liée.

B. Le pouvoir discrétionnaire.

Il est établi lorsque le droit positif laisse à l’Administration une liberté d’agir dans
un sens ou dans l’autre, c’est à dire que l’Administration peut donner à sa décision le
contenu qu’elle souhaite. Par exemple, c’est le cas lorsque les textes ne fixent aucune
conditions pour l’attribution d’un avantage administratif, d’une promotion. C’est
également le cas lorsque le texte prévoit une condition extrêmement large.

Par exemple, l’évaluation d’une copie d’étudiant ou d’une prestation à un concours


administratif. Les textes indiquent qu’on doit attribuer la note compte tenu des mérites de
la copie. Autre exemple : l’attribution de décorations administratives, il n’existe pas de
conditions. Dernier exemple : les autorisations administratives d’occupation du domaine
public. C’est une décision administrative discrétionnaire : il faut que cette occupation soit
compatible avec l’intérêt du domaine public.

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Le pouvoir discrétionnaire est plus fréquent que l’hypothèse de la compétence liée.
Il faut tout de même apporter deux précisions sur le pouvoir discrétionnaire :

- il ne signifie pas pouvoir arbitraire car les décisions prises dans l’exercice
d’un pouvoir discrétionnaire demeurent soumises au droit. Le juge exerce un contrôle sur
ces décisions.

- il permet de tracer une frontière entre la légalité et l’opportunité.


L’Administration est toujours tenue de respecter la légalité. Au-delà de cette question, il y
a toujours dans l’édiction d’un acte administratif, une question d’opportunité : cette
décision là doit-elle ou non être prise ? Le bon usage du pouvoir discrétionnaire est
contrôlé par le juge. En revanche, l’opportunité ne l’est jamais.

Remarques :
La différence entre la compétence liée et le pouvoir discrétionnaire ne concerne
qu’un aspect des actes administratifs : les motifs de faits. Dans les deux cas, le juge
contrôle toujours le respect de la compétence, des formes, des procédures et de la loi.
En revanche, il ne vérifie jamais les motifs de fait en cas de pouvoir discrétionnaire. Le
juge se pose la question de savoir si les faits, les circonstances, justifient la décision. Si le
droit donne la réponse, c’est qu’il y a compétence liée donc le juge va vérifier les motifs
de faits (ex : il va relire la copie), mais si le droit ne précise pas ces motifs, le juge va
observer qu’il y a pouvoir discrétionnaire et il ne va pas contrôler les faits.

Ces deux cas de figure (compétence liée et pouvoir discrétionnaire) représentent à


des degrés extrêmes, ces cas sont assez rares. Il existe, en effet, toute une série de cas
nuancés qui sont entre les deux. On appelle cela les hypothèses de compétence
conditionnelle. Ce sont des hypothèses qui mêlent les deux aspects. Par exemple,
l’Administration doit abroger les règlements illégaux (arrêt «  Alitalia  ») donc c’est une
compétence liée, mais elle peut choisir le moment, elle n’est pas obligée de les abroger
tout de suite donc là on a un pouvoir discrétionnaire.

Le degré de contrôle du juge est déterminé par le type de pouvoir en cause. Le


contrôle du juge varie. Si le juge constate une compétence liée, il va effectuer un contrôle
intégral de la décision : il va contrôler tous les points de légalité (il y en a 5). Par ailleurs, la
décision en cause ne sera pas annulée, même si elle est entachée d’illégalité. En
revanche, s’il existe un pouvoir discrétionnaire on dit que le contrôle est restreint puisqu’il
ne portera pas sur les motifs de faits de la décision.

II. L’influence des circonstances sur la légalité.

Ici, le juge ne s’intéresse pas à la hiérarchie des normes pour connaitre la légalité, il
s’intéresse au contexte pratique d’édiction de la décision. Si les circonstances
comportaient une dose de difficultés particulières, une urgence par exemple, le juge peut
se montrer accommodant et neutraliser certaines illégalités. On parle parfois d’une forme
de légalité d’exception (formule journalistique) : c’est l’hypothèse dans laquelle la
nécessité fait loi. On parle plutôt de légalité atténuée.

A. La diversité des régimes de légalité atténuée.

Ces régimes correspondent à des périodes de crise. Pour être précis, il faut dire
qu’il existe des degrés dans cette idée de crise : il n’est pas nécessaire que la nation soit
en péril pour appliquer ces régimes. On distingue les régimes écrits des régimes
jurisprudentiels.

Les régimes législatifs de légalité atténuée :

- l’état de siège : loi de 1849 qui prévoit un décret pris en conseil des
ministres qui transfert les pouvoirs de police administratif à l’autorité militaire dans
l’hypothèse d’une guerre étrangère ou d’une insurrection à main armée.

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- l’état d’urgence : loi du 3 avril 1955 : c’est une loi qui organise la police
administrative : les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence sont des mesures de
police administratives. L’état d’urgence est déclarée en cas de périls imminents résultant
d’atteintes graves à l’ordre public ou en cas d’événements constitutifs de calamité
publique. La loi prévoit un pouvoir totalement discrétionnaire. L’état d’urgence est un
régime civil : les pouvoirs de polices sont conservés par les préfets et le ministre de
l’intérieur. Certaines mesures de police administrative peuvent être adoptées alors
qu’elles seraient illégales à toute autre époque. Par exemple, trois mesures sont possibles
: l’assignation à résidence, les perquisitions administratives (alors qu’elles sont toujours
judiciaires en principe) et les mesures de couvre-feu.

- article 16 de la Constitution qui permet au PDR d’exercer, par voie


d’ordonnance, l’intégralité des pouvoirs législatifs et exécutifs pendant une durée qu’il
définit.

Les régimes jurisprudentiels de la légalité atténuée résultent de l’arrêt du Conseil


d’État du 28 juin 1918, « Heyriès ». Il est question de la légalité des décisions prises par
l’état major pendant la guerre. Un décret de 1914 prévoyait la suspension de l’application
d’une loi de 1905 posant le principe selon lequel tout agent public frappé par une mesure
disciplinaire doit, au préalable, bénéficier d’une communication de son dossier. C’était
une loi importante car adoptée à la suite du scandale des fiches (un chef d’état major
anti-clérical militant tenait des fiches individuelles sur les officiers qui assistaient à la
messe et les sanctionnait). Ici, Heyriès fait l’objet d’une sanction, son dossier ne lui est
pas communiqué et il estime que la procédure de sanction est illégale car un décret ne
peut pas suspendre l’annulation d’une loi. Le décret est donc illégal, donc sa sanction
aussi. Le CE estime que le décret comporte une illégalité mais « le principe de continuité
du service public exige que l’Administration en assure un fonctionnement régulier sans
que les difficultés de la guerre n’en paralysent l’exercice. L’arrêt en déduit qu’au regard
des circonstances (la guerre) le décret, bien qu’entaché d’un vice de compétence, d’une
illégalité, est légal. Le décret n’est donc pas annulé.

Cet arrêt est fondamental mais ne définit pas ce que sont les circonstances
exceptionnelles. Un autre arrêt est un peu plus explicite : l’arrêt du Conseil d’État du 29
février 1919, « Dames Dol et Laurent ». Ce sont des prostituées qui contestent un arrêté
du préfet maritime de Toulon qui avait décidé d’interdire aux débitants de boissons
d’accueillir les prostituées dans leur établissement et de leur servir à boire, au motif qu’il
émet des craintes pour la santé des soldats et pour les opérations militaires en cours
(espionnage). Les requérantes estiment que le préfet était incompétent car sa décision
aurait dû relever du préfet militaire de la zone de défense. «  Les limites du pouvoir de
police ne sont pas les mêmes en temps de paix et de guerre. L’état de guerre est une
circonstance exceptionnelle qui fonde la compétence du préfet maritime  ». Cet arrêt
permet d’identifier les circonstances exceptionnelles : elles sont identifiées
souverainement par le juge, il n’y pas de définition écrite. Il s’agit des périodes de guerre,
d’évènements climatiques, des troubles de nature sociale (ex : événements de mai 1968)
On identifie tout de même dans la jurisprudence des critères :

- évènements graves et imprévus.

- l’Administration ne peut pas agir légalement.

- l’Administration peut ne pas respecter la légalité mais seulement dans la


mesure où l’intérêt public l’exige.

B. Les conséquences de la légalité atténuée.

Il ne s’agit pas d’une autorisation de violer la loi. Les circonstances exceptionnelles


ne sont révélées qu’après. Il s’agit simplement de la possibilité de déroger
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temporairement à la légalité, et seulement dans la mesure où les circonstances le
justifient. Il existe un contrôle du juge :

- le contrôle du juge sur les formes et procédures. L’Administration est


dispensée de les respecter, y compris celles considérées comme substantielles. Par
exemple, un acte administratif défavorable doit être motivé, ici il n’est pas la peine de le
motiver. Le principe du contradictoire ne s’impose pas. Il s’agit même d’évincer la
tentative d’accord préalable avant une réquisition administrative.

- le contrôle du juge sur la compétence. Les règles de compétence sont


assouplies. L’Administration peut agir dans le domaine de la loi, notamment lorsqu’il
s’agit d’établie une nouvelle imposition, une nouvelle ressource fiscale. L’autorité qui
prend l’acte doit demeurer une autorité administrative, mais elle met en oeuvre une
compétence qui n’est pas la sienne.

- le contrôle du juge sur le fond. C’est là que les exigences de légalité


demeurent les plus marquées. Les pouvoirs exceptionnels doivent obéir à un intérêt
public, ce qui veut dire que le juge sanctionne ce que l’on appelle les détournements de
pouvoir. La logique est que les actes administratifs adoptés sont légaux alors qu’à toute
autre époque ils seraient censurés par le juge. Un acte administratif peut avoir un objet
qui serait illégal sans les circonstances exceptionnelles (ex : c’est le cas dans l’arrêt
Heyriès). Du point de vue de l’effet de ces actes, une mesure administratif qui en temps
normal constitue une voie de fait (une mesure gravement illégale portant atteinte à une
liberté fondamentale), ne pourra pas, en période de circonstances exceptionnelles,
constituer une voie de fait. Par conséquent, le juge administratif est compétent en
période de circonstances exceptionnelles pour statuer sur les voies de fait. C’est ce qui
résulte de l’arrêt du TC du 27 mars 1952, « Dame de la Murette ».

SECTION 3 : Le contrôle de légalité.

Que contrôle le juge ? Il n’existe pas de texte qui définit les conditions de légalité
des actes administratifs. Le Code civil le fait par exemple pour les contrats. Il n’existe rien
d’équivalent pour les actes administratifs, donc on raisonne en observant la jurisprudence
administrative. Il y a cinq points de légalité que le juge contrôle systématiquement quand
il est saisi de la légalité d’un acte administratif/

I. Les moyens du recours en annulation pour illégalité.

L’exemple typique est le REP. Il suppose que le requérant face état de moyens de
légalité. Ces moyens de légalité sont au nombre de 5. Cela veut dire que les actes
administratifs doivent respecter chacun de ces 5 éléments. L’usage est simple : ces
moyens sont divisés en deux catégories : les moyens de légalité externe et interne de
l’acte. Cette distinction ne résulte d’aucun texte, c’est une classification développée par
le juge qui s’impose.

Le juge les examine dans un ordre précis, il pratique l’économie des moyens : dès
lors qu’il relève une illégalité, il achève son contrôle. Par exemple, s’il annule un décret
pour un vice de forme, le pouvoir réglementaire va adopter un autre décret qui aura
corrigé le vice de forme, mais cela ne veut pas dire qu’en cas de deuxième recours le
décret sera sauf, on peut imaginer que lors du deuxième contrôle, le juge va découvrir
une nouvelle illégalité qui était déjà dans le premier, ce qui va annuler le second décret.
Le principe de l’économie des moyens n’empêche pas une annulation antérieure.

Parmi ces moyens de légalité, il faut noter qu’il existe des moyens d’ordre public.
Normalement, le juge n’examine que les moyens que le requérant soulève, mais il existe
des moyens d’ordre public que le juge doit soulever d’office. Ce sont des illégalités
graves. Par exemple, l’incompétence de l’auteur de l’acte est un moyen d’ordre public.

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A. Les moyens de légalité externe des actes administratives.

Ces moyens de légalité externe touchent à l’apparence de l’acte. Il y a deux séries


de moyens.

1. La compétence de l’auteur de l’acte.

C’est un moyen d’ordre public. Définie d’une manière générale, la compétence


désigne l’aptitude des autorités administratives à adopter l’acte. Elle est habilitée à
adopter cet acte : elle et aucune autre. La compétence présente trois dimensions :

- il s’agit d’abord d’une compétence territoriale : c’est celle qui consiste à


définir le ressort géographique d’exercice du pouvoir de décision. Par exemple, le premier
ministre peut agir sur l’ensemble du territoire, le préfet dans le département et le maire
dans sa commune.

- c’est ensuite la compétence temporelle : elle consiste à déterminer les


limites de temps à l’intérieur desquelles s’exerce le pouvoir de décision. Le pouvoir de
décision s’exerce de la date de nomination ou d’investiture de l’agent titulaire du pouvoir
de décision jusqu’à la cessation de fonction quelle qu’en soit la cause. Dans l’hypothèse
d’une autorité administrative démissionnaire qui n’est pas encore remplacée, tous les
actes adoptés dans l’intervalle doivent être nuls pour incompétence temporelle. Il existe
tout de même le principe de continuité du service public qui est mobilisé pour attribuer
une compétence temporaire à l’agent démissionnaire. L’arrêt du Conseil d’État du 4 avril
1952, « Syndicat régional des quotidiens d’Algérie » a résolu ce problème. En l’espèce, le
gouvernement démission le 11 juin 1946. Le 17 juin, il adopte un décret prévu par une loi
de mai 1946. Le syndicat a soulevé l’incompétence du gouvernement qui avait déjà
démissionné lorsqu’il a adopté le décret. Le Conseil d’État considère que toute autorité
administrative démissionnaire doit assurer la continuité du service public et dispose d’une
compétence limitée à cette fin : l’expédition des affaires courante. C’est une notion qui
n’est pas définie.

- enfin, il y a une dimension matérielle à la compétence : cela consiste à se


poser la question de savoir en quelle matière l’agent administratif peut adopter ses actes.
Pour le savoir, il faut se reporter aux textes. Par exemple, la compétence administrative
du Premier ministre résulte des articles 21 et 37 de la Constitution. S’agissant des
collectivités territoriales, il faut se référer au Code général des collectivités territoriales.
Une difficulté se pose à propos des communes car elles bénéficient de la clause générale
de compétences. Elles peuvent adopter des actes en toute affaire présentant un intérêt
local.

2. Le vice de forme et de procédure.

Les deux sont mêlées. Pour la forme, on se pose la question de savoir si l’acte
respecte les conditions de forme prescrites par la loi, notamment le Code des relations
entre le public et d’Administration. Tout d’abord, toute décision administrative doit être
signée. La seconde condition de forme est la motivation de la décision : l’Administration
est obligée de motiver certaines décisions (par exemple, les décisions défavorables
doivent être motivées).

Pour la procédure, il s’agit, par exemple, du respect du principe du contradictoire.


Il peut s’agir aussi des procédures de consultation. Dans certains cas, les textes
prévoient, avant l’édiction de l’acte, que l’Administration doit recueillir l’avis d’un
organisme consultatif. La question s’est posée de savoir dans quelle mesure une
irrégularité qui affecte l’organisme consultatif rejaillit sur l’acte pris ensuite. Par exemple,
si l’organisme n’est pas consulté alors qu’il aurait dû l’être. Avant, le juge n’annulait pas
de manière systématique les actes adoptés à la suite d’une procédure irrégulière. Il y avait
deux types de vice :

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- les vices de procédure non substantiels : ils ne sont pas graves. Ce type
de vice n’avait aucune influence sur l’acte, sur la décision.

- les vices de procédure substantiels, eux, entrainaient l’annulation de la


décision subséquemment adoptée.

Le juge a réordonné sa jurisprudence par l’arrêt du 23 décembre 2011,


« Danthony ».

B. Les moyens de légalité interne.

On s’intéresse au contenu de l’acte. De ce point de vue, le juge contrôle trois


éléments. Il existe trois moyens de légalité interne :

- la violation de la règle de droit. C’est l’hypothèse d’une violation directe de


la loi ou de la règle de droit, ce qui veut dire que le contenu de l’acte administratif est
directement contraire à une norme supérieure.

- l’erreur sur les motifs. Les motifs sont les éléments qui justifient la
décision. Il faut, ici, distinguer deux sous-erreurs :

* l’erreur de droit / le défaut de base légale : l’Administration a mal appliqué,


interprété, la règle de droit supérieure. Par exemple, l’Administration applique une loi
abrogée, ou qu’elle interprète mal le texte qu’elle applique.

* l’erreur de fait : c’est un vice riche de potentialité. Il comporte deux éléments.


Tout d’abord, l’exactitude matérielle des faits. Cela veut dire que le juge vérifie que
l’Administration s’est appuyée sur des faits réels et exacts. L’arrêt fondateur de ce
contrôle est un arrêt du Conseil d’État du 14 janvier 1916, «  Camino  ». La décision
contestée est un arrêté préfectoral qui dissout un conseil municipal du fait du
comportement indigne des élus à l’occasion des obsèques d’un membre de l’opposition
municipale. Selon les rumeurs, au moment des obsèques, l’entrée du cimetière était
fermée donc il a fallu faire passer le cercueil par une brèche, et le second élément indigne
a été le fait de creuser un trou trop petit pour le cercueil. C’était faux donc la décision est
annulée pour inexactitude matérielle.

Le second élément de l’erreur de fait est la qualification juridique des faits. Cela
consiste pour le juge à se poser une question : est-ce que les faits étaient de nature à
justifier la décision prise ? Par exemple, est-ce que la gravité du comportement de l’agent
justifie la sanction qu’il reçoit ? Ce contrôle est née d’une décision du Conseil d’État du 4
avril 1914, « Gomel ». Le préfet refuse d’accorder un permis de construire. Le motif pris
par le préfet est que les travaux envisagés portent atteinte «  à une perspective
monumentale  ». Cette notion de perspective monumentale est dans la loi. Le juge se
demande alors si le site est une perspective monumentale et si le projet y porte atteinte.
Le juge considère que ce n’est pas une perspective monumentale. Ce contrôle est le plus
important, au moins intellectuellement. En effet, c’est le coeur de raisonnement
administratif. C’est sur ce point que s’exprime le pouvoir d’appréciation de
l’Administration. La compétence liée et le pouvoir discrétionnaire sont identifiables sur ce
plan là.

- le détournement de pouvoir. Il s’agit pour le juge de vérifier le but de l’acte.


Cela consiste à vérifier que l’Administration a poursuivi un objectif, un but, légal. Ce motif
pose très souvent un problème de preuve car il faut démontrer une intention, un mobile.
Le détournement de pouvoir est constitué dès lors que l’Administration a utilisé son
pouvoir de décision dans un but autre que celui en vue duquel ce pouvoir lui a été
attribué. Il existe trois variétés de détournement de pouvoir :

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* lorsque l’Administration a agi dans un but complètement étranger à l’intérêt
général, par exemple pour favoriser ou léser un administré.

* lorsque l’Administration agi en vue de l’intérêt général mais un intérêt général


étranger à celui qu’elle est habilitée à poursuivre. Il y plusieurs niveaux d’intérêt général,
et à chaque niveau correspond une compétence, un pouvoir. Par exemple, le maire d’une
commune décide d’adopter un arrêté de police motivé par l’ordre public. Il apparait que
son objectif est de piétonnier une rue pour économiser des frais d’entretien. Les autorités
de police ne peuvent pas utiliser leur pouvoir de police pour faire des économies.

* le détournement de procédure. Lorsque l’Administration met en oeuvre une


procédure donnée en lieu et place d’une autre procédure, non pas parce que le droit
l’exige mais parce que cela lui procure un avantage. Par exemple, lorsque l’Administration
souhaite acquérir un bien, il n’existe qu’une procédure : l’expropriation. Souvent, les
communes utilisent la procédure d’alignement : au lieu d’exproprier, les communes
adoptent un arrêté d’alignement qui a le même effet.

II. L’intensité du contrôle de légalité.

Le contrôle du juge est variable en intensité, en profondeur. Ce contrôle varie en


fonction du pouvoir d’appréciation de l’Administration. Plus précisément, le juge contrôle
toujours les cinq points de légalité énoncés précédemment, mais son contrôle varie sur
l’un d’entre eux en intensité : c’est le contrôle de qualification juridique des faits. Quand
l’Administration est en situation de compétence liée, le contrôle de qualification juridique
des faits est total, approfondi, intégral. En revanche, si l’Administration est en situation de
pouvoir discrétionnaire, le juge effectue un contrôle très limité et ne contrôle pas la
qualification juridique des faits. On identifie généralement trois degrés de contrôle du
juge. Ce sont les suivants :

- le contrôle restreint / minimum : on l’observe lorsque l’Administration a un


pouvoir discrétionnaire, le juge doit demeurer en retrait. Il ne contrôle donc pas la
qualification juridique des faits. Il existe, toutefois, une limite à cette absence de contrôle :
l’erreur manifeste d’appréciation, c’est lorsque l’Administration a porté un regard erroné
sur les faits, a dénaturé les faits. L’erreur manifeste est une erreur grossière. C’est un arrêt
de 1968 du Conseil d’État, «  Société du lotissement de la plage de Pampelonne  ». La
réglementation prévoyait que le permis pouvait être refusé si les constructions étaient de
nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants. En application de
ce texte, l’administration dispose d’un pouvoir discrétionnaire. Malgré cela, le juge
considère qu’il lui revient de s’assurer qu’il n’y a pas d’erreur manifeste d’appréciation.

- le contrôle normal : le juge contrôle normalement la qualification juridique


des faits. Il reproduit, contrôle, le raisonnement administratif. Ce contrôle normal
s’impose chaque fois que le droit fixe certaines conditions à l’édiction d’un acte, tout en
laissant à l’Administration une marge de liberté.

- le contrôle maximum : c’est le contrôle de proportionnalité. Il consiste à


dire que la décision n’est légale qu’à condition d’être proportionnée aux faits et
nécessaire à la réalisation de l’objectif visé. Ce contrôle de proportionnalité s’applique à
deux domaines :

* les mesures de police administratives : elles ne sont légales qu’à condition d’être
nécessaires et proportionnées à l’objectif de maintien de l’ordre (« Benjamin », 1933).

* l’expropriation pour cause d’utilité publique : la condition est dans la DDHC à


l’article 43 : le projet doit être d’utilité publique. L’Administration n’exproprie pas pour se
constituer un patrimoine mais pour réaliser un projet public. Le juge du Conseil d’État
contrôle l’utilité publique du projet et son contrôle est très poussé. Il intègre, par exemple,
les inconvénients sociaux, le coût financier, les atteintes à l’environnement. Il effectue un
bilan coût-avantages. C’est l’arrêt du 28 mai 1971, « Ville-nouvelle Est ».

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CHAPITRE 2 : Les sources de la légalité administrative.

On constate une grande complexité des normes : le problème n’est pas de les
identifier, mais d’articuler les différentes sources de droit. La principale difficulté est de
connaitre et d’utiliser les règles de conflit. Il faut ensuite connaitre le rôle du juge
administratif. C’est un rôle majeur car le juge administratif crée une partie de ces sources.

SECTION 1 : Les sources écrites.

I. La Constitution.

On parle de la Constitution au sens large, c’est à dire le bloc de constitutionnalité.


Comment les éléments du bloc sont-ils applicables en jurisprudence administrative ?
C’est la question de la QPC : le juge du fond pratique-t-il un contrôle de constitutionnalité
des lois ? Oui, mais négatif (il peut choisir de ne pas la transmettre s’il ne voit pas
d’inconstitutionnalité). En QPC, la seule question posée est la constitutionnalité de la loi.
Ce qui nous intéresse, ici, est la question de la constitutionnalité des actes administratifs.
Comment les éléments du bloc de constitutionnalité s’appliquent-ils aux actes
administratifs ?

Le respect de la Constitution s’impose aux autorités administrative. Il y a d’abord


le cas simple : lorsque l’autorité administrative est elle-même visée par la Constitution.
Par exemple, la Constitution définit la compétence matérielle du Premier ministre. Il y a
des cas plus complexes qui résultent notamment de l’application des règles de fond de la
Constitution, notamment en matière de droits et libertés, aux actes administratifs. La
première étape consiste à dire que le Conseil d’État, traditionnellement, était hostile à
l’application de la Constitution aux actes administratifs. En effet, le droit constitutionnel
en France est instable contrairement au droit administratif.

La deuxième étape se développe en 1958 et consiste à dire que la Constitution


peut être une source de droit pour l’Administration, mais sous conditions, notamment
sous conditions techniques. Par exemple, l’arrêt du Conseil d’État du 29 novembre 1969,
«  Tallagrand  ». En l’espèce, monsieur Tallagrand est Français et vit en Algérie. Il est
exproprié de ses biens en application des accords d’Evian. Il recherche la responsabilité
de l’État Français en invoquant le préambule de 1946, et notamment un alinéa qui
dispose que la nation proclame «  la solidarité de tous les Français devant les charges
résultats de calamités nationales ». Le Conseil d’État relève la demande en estimant que
les dispositions du préambule sont trop imprécises pour servir de fondement à une action
contre l’Administration. Il aurait fallu voter une loi de développement. On résume cela en
parlant d’effet direct : la Constitution peut s’appliquer à l’Administration si elle est
suffisamment précise pour être d’effet direct. Il faut noter un autre courant jurisprudentiel
qui va dans le même sens en limitant l’application de la Constitution : c’est la théorie de
la loi-écran. Le juge refuse de confronter un acte administratif à la Constitution si cet acte
est pris en application d’une loi puisque s’il le faisait, cela reviendrait à contrôler la
constitutionnalité de la loi. C’est l’arrêt du 28 janvier 1972, «  Faculté des lettres et
sciences humaines de Paris ». En l’espèce, un arrêté du ministre qui fixe le montant des
droits d’inscription à l’université est en cause. Les requérants estiment que cet arrêté est
contraire au préambule de 1946 qui prévoit la gratuité de l’enseignement à tout niveau. Le
CE rejette la requête en estimant que l’arrêté en question est pris en application de la loi
de finance.

La troisième étape est le développement d’un véritable contrôle de


constitutionnalité des actes administratifs. Tout ce qui précède demeure, toutes les
limites, toutes les préventions demeurent. On observe tout de même, depuis les années
1980, que le juge administratif a développé un contrôle de constitutionnalité des actes. Le
premier exemple est la théorie de l’écran législatif transparent. C’est souvent un décret
26 sur 36
pris en application d’une loi, mais d’une loi qui peut ne contenir aucune norme, c’est par
exemple une loi de renvoi qui pose un principe général et indique qu’il appartient au
pouvoir réglementaire de préciser la portée de ce principe. Le juge dit qu’une loi ainsi
rédigée ne fait pas écran, on peut confronter un acte administratif à la Constitution. Par
exemple, l’arrêt du Conseil d’État du 17 mai 1991, « Quintin » : monsieur Quintin se voit
opposer un refus par le préfet (un certificat d’urbanisme négatif). La décision du préfet est
prise en application d’un décret qui est lui-même adopté sur la base de l’article L111-1
du Code de l’urbanisme. Cet article dit que les modalités de délivrance des certificats
d’urbanisme sont fixées par décret. Le reproche fait à ce refus est qu’il est contraire à la
Constitution et plus particulièrement au droit de propriété. Le CE considère que les
termes généraux et imprécis de la loi ne font pas écran entre l’arrêté et la Constitution.

Autre exemple : le CE accepte d’identifier lui-même des PFRLR. Il s’agit d’une


catégorie de principes qui sont de rang constitutionnel. Ils ne sont pas écrits, mais
normalement l’identification de ces principes relève du Conseil constitutionnel. Dans une
décision du Conseil d’État du 3 juillet 1996, «  Koné  », le principe en question n’avait
jamais été consacré par le Conseil constitutionnel. Cela concernait une décision
d’extradition. Le CE considère que ce décret d’extradition est illégal car il est contraire à
un PFRLR : une extradition ne peut être accordée si elle s’est décidée dans un but
politique. Le CE, ici, se reconnait compétent pour identifier des principes non écrits et,
ensuite, en imposer le respect à l’Administration.

Autre exemple, la charte de l’environnement. C’est un texte adossé à la


Constitution. Le CE l’a appliquée et l’applique de manière régulière pour juger de la
validité d’actes administratifs. C’est un arrêt du Conseil d’État 3 octobre 2008,
« Commune d’Annecy » : on se pose la question de savoir si un décret adopté en matière
de protection de lacs alpins. L’article 7 de la Charte organise un droit à l’information des
citoyens et leur participation à toute décision affectant l’environnement. Ces droits à
l’information et à la participation sont fixés par la loi. En l’occurence, le pouvoir
réglementaire est intervenu de manière autonome. Le CE a décidé que le décret en
question méconnait la Charte de l’environnement car le pouvoir réglementaire était
incompétent.

II. Le droit international.

Le droit international est formé de toutes les normes issues de traités entre États
ou bien issues de l’activité d’organisation internationale. La difficulté initiale était celle qui
consistait à dire que les traités internationaux étaient des accords entre gouvernements
souverains et que, par conséquent, ils n’intéressaient que les relations diplomatiques de
l’État. Traditionnellement, un administré ne pouvait pas se prévaloir d’un traité à l’appui
d’un recours dirigé contre un acte administratif.

L’article 26 de la Constitution de 1946 donne force de loi aux traités internationaux.


Cela veut dire qu’ils constituent une source de droit à l’égal de la loi. Depuis cette
époque, la principale difficulté s’est déplacée : depuis 1946, on se demande où situer les
traités internationaux dans la hiérarchie des normes internes.

A. La valeur juridique du droit international en droit interne.

L’article 55 de la Constitution indique que les traités régulièrement ratifiés ont une
autorité supérieure à celle des lois dès leur entrée en vigueur. Cet article retient un choix
simple qui est la théorie moniste (qui s’oppose à la théorie dualiste) : elle consiste à dire
qu’il n’est pas nécessaire, pour qu’un traité s’applique en France, qu’il soit transposé.

Il faut noter que le droit international est supérieur aux actes administratifs depuis
1952. C’est l’arrêt du CE du 30 mai 1952, « Dame Kirkwood ». Les traités internationaux
s’imposent aux actes administratifs. Un acte administratif contraire à un traité doit être
annulé. Cette supériorité du traité sur les actes administratifs est soumise à quelques
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conditions, essentiellement de forme. Par exemple, il faut que le traité ait été
régulièrement ratifié (le PDR ratifie les traités et pour cela, il doit bénéficier d’une loi de
ratification). D’autre part, il importe, pour que le traité soit invocable, qu’il ait été publié.

On se pose la question des rapports entre le traité et la loi française. L’hypothèse


est la suivante : l’acte administratif contesté au regard du traité international a été pris en
application d’une loi. Le CE a mis longtemps à fixer à jurisprudence : dans ce cas-là, il
était très respectueux de la loi. Sa logique consistait à distinguer selon que la loi était
antérieure ou postérieure au traité. Si la loi était antérieure au traité, il acceptait d’écarter
la loi et d’appliquer le traité. En revanche, si la loi était postérieure au traité, il appliquait la
loi et refusait d’appliquer le traité. C’est un raisonnement en terme de chronologie. Or,
l’article 55 de la Constitution ne retient pas cette méthode, il repose sur une logique de
hiérarchie, pas de chronologie : le traité est supérieur à la loi. Cette jurisprudence du
Conseil d’État date des années 1960. Elle comporte plusieurs défauts :

- ce n’est pas ce que dit la Constitution.

- le Conseil constitutionnel a pris position sur ce sujet dans une décision du


15 janvier 1975, «  IVG  ». Il était saisi de la constitutionnalité de la loi dépénalisant
l’avortement : les requérants estimaient qu’elle était contraire à la CEDH qui protège le
droit à la santé et le droit à la vie. Le Conseil constitutionnel estime qu’il ne lui appartient
pas de pratiquer ce contrôle de conventionalité des lois mais au juge ordinaire (CE, Cour
de cassation).

- l’évolution du droit européen, qui affirme qu’en toute hypothèse le droit


communautaire prime sur la loi nationale contraire. C’est ce qui résulte d’un arrêt de la
CJCE du 9 mars 1978, « Simmenthal ». C’est aussi un arrêt du CE du 20 octobre 1989,
«  Nicolo  ». Désormais, les traités internationaux priment toujours sur la loi française
contraire.

La situation du traité par rapport à la Constitution est un débat assez simple, mais
qui comporte des éléments complexes. La Constitution de 1958 prévoit un contrôle de
constitutionnalité des traités, avant leur ratification. A priori, la norme supérieure est la
norme de référence. L’article 54 de la Constitution précise qu’en cas d’inconstitutionnalité
avérée, le traité ne peut être ratifié qu’après révision de la Constitution. Ce que l’on sait
aujourd’hui c’est qu’au terme de la jurisprudence du CE, la Constitution prime sur les
traités contraires. C’est tout d’abord l’arrêt « Koné » du 3 juillet 1996 à propos d’un décret
d’extradition jugé au regard de la Constitution. En l’occurence, il existait aussi un traité
entre la France et le Mali (Koné est Malien) qui prévoyait l’interdiction des extraditions
pour infraction politique mais, en revanche, il n’interdisait pas les extraditions pour mobile
politique en raison d’infraction de droit commun. Au regard du traité, l’extradition est
possible. Le CE décide d’identifier une norme constitutionnelle qui englobe tous les cas
de figure d’extradition politique. Les traités doivent donc être conformes à la Constitution.
À défaut, on écarte le traité et on applique la Constitution. La consécration de ce principe
résulte d’un arrêt du CE du 30 octobre 1998, « Sarran ». Le CE dit que l’article 55 de la
Constitution qui fait primer le traité sur la loi, ne s’applique pas à la Constitution elle-
même qui est la norme suprême de l’ordre juridique français. S’il apparaît que le traité est
contraire à la Constitution, le juge écarte le traité et applique la Constitution.

Questions communes :
- question de l’interprétation des traités internationaux : ils sont très souvent
rédigés en termes très généraux. La question qui se pose est de savoir si le juge
administratif français peut librement interpréter un traité. En faisant cela, il prend le risque
de dénaturer le traité (car le juge n’est pas un diplomate). Il y avait une pratique, en cas
de doute sur le sens d’un traité, le juge administratif renvoyait au ministre des affaires
étrangères la question de l’interprétation. Cette pratique pose une difficulté : elle met en
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cause l’indépendance du juge voire la séparation des pouvoirs car la décision de justice
va dépendre d’une décision du pouvoir exécutif. Dans l’arrêt « Gisti » du 27 juin 1990, le
CE estime qu’il est lui-même compétent pour interpréter les traités internationaux sans
renvoi obligatoire. Il peut renvoyer au ministre mais il n’est pas obligé de le faire, et il n’est
jamais lié par l’interprétation.

- question de la réciprocité : l’article 55 de la Constitution indique que le


traité prime sur la loi sous réserve de son application par l’autre partie. Une partie n’est
débitrice de ses obligations que si l’autre respecte les siennes. Tout la difficulté est de
savoir qui doit apprécier cette réciprocité. Comme précédemment, l’usage était pour le
juge de ne pas apprécier lui-même cette condition car c’est une question factuelle,
politique et car il n’a pas de pouvoir d’enquête. Il interrogeait le ministre. La France a été
condamnée par la CEDH pour cette pratique car c’est contraire au principe
d’indépendance de la justice. Le CE a modifié sa jurisprudence dans un arrêt du 9 juillet
2010, «  Cheriet Benseghir  » dans lequel il estime qu’il est compétence pour apprécier
cette réciprocité. Il peut tout de même questionner le ministre ainsi que l’État étranger.

- question de l’effet direct du droit international : très souvent, les traités


internationaux sont imprécis. Ils concernent avant tout les États, on ne mentionne pas les
particuliers. Or, un traité international n’est invocable par un particulier que s’il le
concerne et à condition d’être d’effet direct, c’est à dire apte à faire naître des droits au
profit des particuliers. L’effet direct supposait des dispositions claires, précises et
inconditionnelles. Le CE, dans un arrêt du 11 avril 2012, « Gisti » (pas le même qu’avant),
redéfinit l’effet direct. Il y a d’abord une condition négative : il ne faut pas que le traité ait
pour objet exclusif de régir les relations entre États. Ensuite, le traité doit présenter une
certaine qualité : il ne nécessite l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire
ses effets à l’égard des particuliers. Enfin, l’absence d’effet direct ne peut pas résulter
d’une disposition du traité lui-même. Très souvent, le traité indique qu’il ne s’applique
qu’aux États parties : le juge ne sera pas lié par cette clause. Il y a, aujourd’hui, une
présomption d’effet direct.

B. Les composantes du droit international.

Toute la jurisprudence précédente, concerne une composante du droit


international : les conventions internationales qui forment un droit écrit produit pas les
États. En droit français, il existe deux types de conventions internationales : les traités et
les accords internationaux qui doivent être approuvés. La différence entre les deux est
une question de procédure. Pour les traités, l’intervention du Parlement est requise, par
pour les accords internationaux. En revanche, les deux ont la même valeur.

Le droit international comporte également un grand nombre de normes qui ne sont


pas d’origine étatique. Il y a la coutume internationale et les principes généraux du droit
international public. Ce sont des sources non écrites. La coutume internationale nait de la
pratique. Les principes généraux du droit international public ont leur source dans divers
outils internationaux (traités) qui les mentionnent. Par exemple, le statut de la Cour
internationale de justice. Son rôle est d’arbitrer les différends entre États. Son statut
prévoit qu’elle applique les principes généraux du droit international public. La question
s’est posée de savoir si ces normes non-écrites s’appliquent en droit Français et, le cas
échéant, si elles priment sur la loi. Il se trouve que la jurisprudence administrative refuse
de reconnaitre la valeur juridique de ces sources. L’article 55 de la Constitution ne
s’applique pas à la coutume et aux principes du droit international. Un administré
Français ne peut pas les invoquer devant le juge. Arrêt du Conseil d’État du 6 juin 1997,
«  Aquarone  » : en l’espèce, Aquarone était un fonctionnaire international en retraite en
France. Il faisait valoir une coutume internationale : l’immunité fiscale des fonctionnaires
internationaux qui fait qu’il ne payait pas d’impôts. Il soutient que son avis d’imposition
est illégal. Le CE estime qu’il ne peut pas invoquer cette coutume internationale à
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l’encontre de la loi fiscale Française. L’article 55 ne vise que les droits écrits : la coutume
n’est donc pas invocable.

La dernière question est celles des actes unilatéraux des organisations


internationales. Certains d’entre elles ont un pouvoir de décision unilatéral (infliger des
sanctions ou ajouter des déclarations). L’ONU dispose d’un pouvoir de décision et a,
notamment, dans l’exercice de ces pouvoirs, adopté la DUDH, le 10 décembre 1948. Elle
a été adoptée à Paris, à l’unanimité des membres (8 abstention). C’est une résolution de
l’Assemblée général des Nations Unies. On veut savoir si ce texte a une valeur
quelconque en droit Français. La réponse est non. Le Conseil d’État a décidé, dans un
arrêt du 21 décembre 1992 « Confédération des associations familiales catholiques », que
la DUDH n’a pas une autorité supérieure à celle des lois, ce qui veut dire qu’elle ne
bénéficie donc pas de l’article 55 donc elle n’est pas invocable par un particulier.

III. Le droit de l’Union Européenne.

Le droit de l’UE est un droit non national mais pas tout à fait comparable au droit
international. Il bénéficie, en droit français, d’un traitement juridique particulier. Le droit de
l’UE comporte deux volets : il repose sur des traités internationaux : le TUE et le TFUE.
Ce sont des traités internationaux ordinaires qui bénéficient de l’article 55 de la
Constitution. Le second volet pose davantage de difficultés : le droit de l’UE repose
également sur le droit dérivé. Ce sont les actes édictés par les institutions européennes.
Les ordres juridiques européens et nationaux sont désormais imbriqués en raison de
l’effet direct du droit dérivé et du principe de primauté de celui-ci. Or, cette imbrication
pose des problèmes de hiérarchie. Les règlements européens définis par l’article 288 du
TFUE sont de portée générale, obligatoire et directement applicables dans les États
membres. Les directives lient les États quant aux résultats objectifs tout en les laissant
libres quant aux moyens et aux formes d’y parvenir. La principale difficulté est de savoir
comment gérer la contrariété éventuelle entre les actes nationaux et les actes de droit
dérivé. Un mécanisme permet de résoudre cette difficulté : le renvoi préjudiciel devant la
CJUE (article 267 du TFUE). On observe depuis les années 1980 une progression : une
justiciabilité accrue du droit dérivé. Le juge administratif français s’efforce d’appliquer le
plus possible le droit dérivé.

Il peut y avoir des conflits entre la loi internationale et le droit dérivé. S’agissant
des règlements européens, ils sont assimilables aux traités eux-mêmes donc bénéficient
de l’article 55 : ils priment sur la loi nationale contraire (arrêt «  Boisdet  », 24 septembre
1990). Le Conseil d’État a considéré que les directives européennes dont le délai de
transposition est expiré priment, elles aussi, sur la loi nationale contraire. Concrètement,
cela signifie que la loi française votée en contradiction d’une directive européenne doit
être écartée par le juge de sorte qu’il puisse, si on lui demande, directement confronter un
acte administratif à une directive européenne. C’est un arrêt du CE du 28 février 1992,
« Société Rothmans France ». Une directive de 1992 consacrait un principe de liberté des
prix et l’argument était de dire qu’un arrêté fixant les prix du tabac, même pris en
application d’une loi était contraire à une directive. Cette primauté résulté de l’article 55
de la Constitution selon le CE. Là aussi, le CE assimile les directives aux traités. L’État
Français qui adopte une loi contraire à une directive engage sa responsabilité.

Il peut aussi un avoir un conflit entre les actes réglementaires et le droit dérivé. Il y
a une obligation générale de soumission du pouvoir réglementaire national comme local.
Il y a trois cas de figure qui illustrent cela :

- le cas où un acte réglementaire viole directement une directive ou la


transpose de manière incorrecte. Dans ce cas-là, les requérants peuvent contester l’acte
réglementaire en question sur la base d’un REP en prenant appui sur le directive. La
condition générale est que le délai de transposait soit expiré.

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- le cas où le délai de transposition n’est pas encore expiré mais les
règlements édictés compromettent sérieusement le résultat prescrit pas la directive. Dans
ce cas-là, le juge peut décider d’annuler le règlement au regard de la directive. C’est rare.

- le cas où le règlement adopté est illégal car contraire à une directive. Il a


été adopté après l’entrée en vigueur de la directive mais en violation de celle-ci ou il est
devenu illégal après l’entrée en vigueur de la directive. Dans ce cas-là, l’Administration
est tenue d’abroger ce type de règlements sur demande d’un administré. Cette obligation
d’abrogation est un PGD qui résulte d’un arrêt du 3 février 1989, « Compagnie Alitalia ».
C’est désormais une obligation législative qui résulte du Code des relations entre le public
et l’Administration (articles L242-1 et suivants).

VOIR COURS DE RATTRAPAGE QUAND LE PROF REVIENDRA.

TITRE 3 : Le principe de responsabilité administrative.

L’administration est soumise au principe de légalité (= elle doit respecter le droit)


mais aussi de responsabilité (= elle a l’obligation de réparer les préjudices qu’elle cause).
Cela n’a pas toujours été le cas. En effet, pendant longtemps, le principe qui prévalait
était celui d’irresponsabilité de la puissance publique. Ce n’est qu’à partir de la seconde
moitié du XIXème siècle que le Conseil d’État et le Tribunal des Conflits vont commencer
à inverser ce principe. Cette inversion du principe est consacrée dans l’arrêt « Blanco »
du TC du 8 février 1873. Cet arrêt met fin au principe d’irresponsabilité de la puissance
publique. En 1873, on ne met pas fin à tous les cas d’irresponsabilité : le principe devient
la responsabilité mais il connait encore de nombreuses exceptions qui vont disparaitre au
fur et à mesure du temps. Par exemple, dans le cas des activités de police admisnitraive,
en 1873, il n’y avait pas responsabilité. Cela disparaît en 1905 avec l’arrêt «  Tomaso-
Grecco ».

Aujourd’hui, reste-t-il encore des causes d’irresponsabilité de l’Administration ?


Par exemple les actes de gouvernement : on ne peut pas faire contrôler leur légalité et on
ne peut pas non plus demander réparation des conséquences dommageables causées
par leur exécution. Mais, est-ce un cas d’irresponsabilité de l’Administration ? Cela se
discute car ce ne sont pas des actes de l’Administration : ils se rattachent à la fonction
gouvernementale. C’est une fausse exception : c’est un cas d’irresponsabilité de l’État
mais pas de l’Administration. Il y a des vraies exceptions mais elles sont très rares :

- la première est l’absence d’obligation pour l’Administration de réparer les


dommages causés par les opérations militaires sauf dans les cas où une loi le prévoirait
expressément (CE, « société Touax », 23 juillet 2010).

- le second cas est l’absence d’obligation de réparer les dommages


résultants des modifications définitives apportées à la circulation générale du fait de
changements apportés dans l’assiette ou la direction des voies publiques (CE, 16 juin
2008, « Gras »).

À part cela, il n’y a pas d’autres exceptions qui subsistent aujourd’hui au principe
d’irresponsabilité de l’Administration.

Si la responsabilité de l’Administration peut être recherchée, ce n’est normalement


pas en application des règles de la responsabilité civile. S’applique en effet un régime de
responsabilité exorbitant du droit commun que le TC a présenté et justifié dans l’arrêt
«  Blanco  ». On applique des règles spéciales car il faut concilier l’intérêt général et les
intérêts particuliers. La responsabilité administrative est donc le régime de responsabilité
exorbitant du droit commun, en principe applicable à l’Administration lorsque l’on
cherche à obtenir réparation d’un préjudice causé par son activité.

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La responsabilité administrative est une responsabilité réparatrice : son objet n’est
pas de sanctionner l’auteur d’une faute mais d’obliger le responsable d’un dommage à le
réparer pécuniairement. La responsabilité administrative est, du point de vue de son
objet, équivalente à la responsabilité civile. Les deux se distinguent de la responsabilité
pénale et de la responsabilité disciplinaire qui ne sont pas réparatrices mais répressives.
Certaines fautes des agents ne permettent d’engager que la responsabilité de leur
Administration : les agents ne risquent rien civilement mais cela ne veut pas dire qu’ils ne
pourront pas être sanctionné disciplinairement pas l’Administration.

La responsabilité administrative est la responsabilité l’Administration : c’est un


régime de responsabilité susceptible de s’appliquer lorsque l’on cherche à engager la
responsabilité de l’Administration en temps qu’entité, la responsabilité de la personne
morale dont dépend l’Administration qui causé le préjudice. Si on veut engager la
responsabilité individuelle d’un agent public, ce n’est pas la responsabilité administrative
qui s’applique, c’est la responsabilité civile.

La responsabilité administrative est une responsabilité principale. Elle est en


principe applicable à l’Administration. Par exception, la responsabilité civile peut
s’appliquer à l’Administration (ex : TC, « Bac d’Eloka » de 1921 : il y a des SPIC régis par
le droit privé qui régit les relations entre les gestionnaires des SPIC et les usagers des
SPIC / Arrêt de la Cour de cassation de 1956, «  Docteur Giry  » : il est victime d’un
dommage lors d’une activité de police judiciaire donc il était collaborateur occasionnel du
service public de la police judiciaire. Pour demander réparation, le juge compétent en cas
contentieux sera le juge judiciaire. Ce juge va appliquer les règles administratives. C’est
une exception : c’est la police judiciaire donc le juge judiciaire, mais il applique le droit
administratif, les règles de la responsabilité administrative).

La responsabilité administrative est une responsabilité autonome : c’est un régime


de responsabilité qui est distinct de la responsabilité civile. C’est formellement
indiscutable (arrêt «  Blanco  » qui dit formellement que le Code civil ne s’applique pas).
Matériellement, ces règles sont-elles fondamentalement différentes de celles qui
s’appliquent dans le Code civil ? La spécificité de la responsabilité administrative par
rapport à la responsabilité civile n’est pas absolue, loin de là. Les causes exonératoires
de responsabilité sont les mêmes par exemple. Cette spécificité se retrouve dans le détail
des règles mais aussi dans la structure.

SECTION 1 : La responsabilité administrative pour faute.

C’est la responsabilité administrative «  normale  ». En principe, pour que


l’Administration puisse voir engager sa responsabilité en application des règles de la
responsabilité administrative, il faut qu’elle ait commis une faute. Le fait qu’une faute ait
été commise n’est pas suffisant : il faut que cette faute ait causé un préjudice
indemnisable. Il y a trois conditions d’engagement de la responsabilité pour faute : une
faute, un préjudice indemnisable et un lien de causalité.

I. La faute.

L’Administration est une abstraction, elle n’a pas d’existence en elle-même. Dans
la réalité, toute faute de l’Administration est nécessairement commise par un ou plusieurs
agents de l’Administration, identifiés ou non. Puisqu’une faute de l’administration est pas
définition une faute de ses agents, la première faute qu’il faut faire est de distinguer parmi
ces fautes celles qui sont susceptibles de permettre l’engagement de leur responsabilité
individuelle devant le juge judiciaire de celles qui sont insusceptibles d’engager leur
responsabilité individuelle. On distingue les fautes personnelles des agents des fautes de
service.

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A. La distinction entre faute personnelle et faute de service.

Les conséquences de ces fautes sont radicalement différentes. Si c’est une faute
personnelle on doit, en principe, engager la responsabilité personnelle de l’agent devant
le juge judiciaire. Si c’est une faute de service, c’est la responsabilité de l’Administration
que l’on peut rechercher devant le juge administratif. Cette distinction et ses
conséquences résulte de l’arrêt du TC du 30 juillet 1873, «  Pelletier  ». Compte tenu de
ces conséquences, on s’intéresse principalement à la faute de service car elle donne lieu
à l’engagement de la responsabilité administrative.

Il est difficile de savoir où placer le curseur entre ces deux types de faute (risque
de sentiment d’impunité des agents // risque de trop exposer les agents qui ne font que
leur travail, injustice). Selon le commissaire de gouvernement Laferrière : « la faute est de
service si elle révèle un administrateur, plus ou moins sujet à erreur, et non l’homme avec
ses faiblesses, ses passions et ses imprudences  », et inversement pour la faute
personnelle (à propos d’un arrêt du TC du 5 mai 1877, « Laumonnier-Carrol »). La faute de
service est celle qui ne peut pas être détachée de l’exercice des fonctions des agents
qu’il l’ont commise. À l’inverse, la faute personne est celle qui est détachable de la faute
des agents.

1. La faute personnelle.

La jurisprudence récente synthétise les choses en distinguant trois types de fautes


personnelles (CE, 30 décembre 2015, « Commune de Roquebrune-sur-Argens ») :

- la première catégorie est la faute d’un agent qui révèle des préoccupations
d’ordre privé : c’est une faute commise pendant l’exercice de ses fonctions : elle peut
révéler des préoccupations privées mais c’est aussi lorsque l’agent poursuit un intérêt
personnel ou un acte contre un administré.

- les fautes personnelles qui procèdent d’un comportement incompatible


avec les obligations qui s’imposent dans l’exercice de fonctions publiques : c’est
notamment le cas des fautes qui révèlent des excès de comportement. On vise
généralement les violences physiques ou verbales à l’encontre d’un administré.

- la catégorie constituée par des faits qui «  eu égard à leur nature et aux
conditions dans lesquelles ils ont été commis revêtent une particulière gravité  ».
L’exemple type est l’arrêt du Conseil d’État du 17 décembre 1999, « Moine » dans lequel
le CE décide que le gradé qui a décidé de pratiquer un exercice à balle réelle avec des
appelés a commis une faute personnelle d’une particulière gravité.

Toute faute pénale commise par agent mérite-t-elle d’être qualifiée de faute personnelle ?
Un agent peut parfois commettre une faute méritant la qualification criminelle ou
délictuelle et pour autant ne pas avoir commis une faute personnelle. Bien souvent, ce
sont des crimes ou des délits non intentionnels qui sont concernés. Cela résulte de l’arrêt
du TC du 14 janvier 1935, «  Thépaz  ». En l’espèce, il y a un convoi miliaire dans lequel
chaque camion est conduit pas un miliaire. Un des camions freine tout d’un coup, le
chauffeur du camion de derrière met un coup de volant sur le côté pour éviter le camion
et renverse un cycliste. Le conducteur du camion est condamné pénalement : pour
autant, a-t-il commis une faute personnelle ? Non, il s’agit plutôt d’une faute de service.
Pour la réparation du préjudice subi pas la victime, c’est l’Administration qui paiera.

Il peut arriver qu’une faute pénale intentionnelle ne soit pas qualifiée de faute
personnelle, mais c’est très rare.

2. La faute de service.

C’est celle qui ne peut pas être détachée de l’exercice des fonctions de l’agent ou
bien une faute anonyme, c’est à dire une faute qui résulte d’une carence ou d’une
mauvaise organisation du service. Elle peut prendre plusieurs formes :

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- la forme d’agissements matériels (ex : travaux mal faits, soins mal
prodigués dans un hôpital public…).

- la forme d’une décision illégale : le fait de prendre une décision illégale est
une faute qui peut mériter la qualification de faute de service. Attention : toute illégalité
est en principe fautive (CE, 26 janvier 1973, «  Ville de Paris contre Drian  »), mais toute
illégalité ne suffit pas nécessairement à engager la responsabilité de l’Administration,
encore faut-il que l’illégalité commise soit la cause d’un préjudice. Or, si la décision est
entachée d’un simple vice de forme ou de procédure ou d’un vice d’incompétence : elle
n’est pas la cause d’un préjudice si elle est justifiée au fond (CE, 19 juin 1981,
« Carliez » // CE, 18 novembre 2015, « Monsieur B. »).

- l’inertie, le carence, de l’Administration : lorsque l’Administration s’abstient


d’agir alors qu’elle y était obligée, sa responsabilité peut être engagée si son inaction est
la cause d’un préjudice (ex : CE, 14 décembre 1962, « Doublet »).

- le retard de l’Administration, par exemple le retard à prendre les décrets


d’application d’une loi.

- renseignement erroné ou promesse non tenue. La faute de la victime est


exonératoire de responsabilité.

Le CE a tranché une affaire le 3 octobre 2018, «  Monsieur Tamazount  », qui


concerne la responsabilité de la France vis-à-vis des harkis. L’Algérie veut reprendre son
indépendance. La France a combattu avec son armée les indépendantistes algériens. Les
harkis ont soutenu l’armée française et se sont battus contre les indépendantistes. Après
les accords d’Evian, les français quittent l’Algérie et les harkis sont laissés sur place. Les
indépendantistes les ont massacrés car ils les considéraient comme des traitres. Certains
ont réussi à fuir et ont été accueillis dans des camps français. 30 ans après, les harkis ou
leurs descendants décident d’engager une action en responsabilité contre l’État français
pour avoir abandonnés les harkis mais aussi pour les avoir accueillis dans des conditions
insalubres et indignes. On est dans la 5ème forme. La responsabilité de la France n’a pas
pu être engagée car on se situait dans le domaine diplomatique, c’était un acte de
gouvernement les conséquences dommageables ne peuvent donc pas être réparables. Il
n’y a pas de faute juridique. En revanche, la responsabilité de la France a été retenue
pour l’accueil des harkis dans des camps relevant de l’habitat indigne et insalubre. C’est
une faute de service d’agissement matériel.

Une femme vit avec un compagnon violent et le quitte sauf que la violence est
décuplée. Elle pose une première main courante auprès des services de police qui
n’aboutit pas. Elle réitère sa plainte, craignant pour sa vie. La plainte n’aboutit pas et
l’homme finit pas la tuer. La soeur de la victime souhaite engager une action en
responsabilité contre l’État. Devant quelle juridiction et quelle faute faudra-t-il prouver ?
La faute, si faut il y a eu, provient de la justice judiciaire qui inclut la justice stricto sensu
et la police judiciaire. Est-ce une faute qui provient du fonctionnaire de la justice judiciaire
ou une faute qui provient de l’organisation de la justice judiciaire ? S’il y a eu faute, elle
provient du fonctionnement de la justice judiciaire. Il faut ici, prouver une faute lourde
pour obtenir une condamnation.

C. Les cumuls de responsabilités.

Il faut toujours se demander si c’st une faute personnelle ou de service. Si la faute


de l’agent est personnelle, c’est la responsabilité individuelle de cet agent qu’il faut
engager devant la juridiction civile. Si c’est une faute de service, c’est la responsabilité de
l’administration dont il dépend qu’on va engager devant la juridiction administrative qui
appliquera les règles de la responsabilité administrative. C’est ce qui résulte de l’arrêt
Pelletier du TC de 1873.

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Néanmoins, les choses ne sont pas toujours aussi simple. Il y a, entre ces deux
situations extrêmes, toute une série d’hypothèses plus floues, où la faute à l’origine du
dommage ne sera pas purement personnelle ou purement de service. Dans ces cas-là, la
victime a une alternative. Elle a le choix entre engager la responsabilité de l’agent devant
le juge civil ou engager la responsabilité de l’Administration devant le juge administratif.
Elle peut faire l’un ou l’autre. Elle peut même, si elle le veut, engager des actions
différentes devant deux juges différents (sachant que le montant des indemnités versées
ne dépassera pas le montant du préjudice subi).

Dans ces cas-là, on parle classiquement de cas de cumul de responsabilités, il


serait plus juste de parler de concours de responsabilités car cumul de responsabilités
laisse penser qu’il y aurait une double indemnisation.

1. Les cas de concours de responsabilités.

Il existe deux cas de concours de responsabilités. Il y a tout d’abord le cas du


cumul de fautes. De plus, ce droit d’option existe aussi parfois en cas de faute unique.

a. Le concours de responsabilité en cas de double faute.

Il arrive qu’un même dommage puisse trouver sa cause dans deux fautes qui se
sont cumulées pour le produire : une faute personnelle et une faute de service. C’est
l’hypothèse de l’arrêt « Anguet » du CE du 3 février 1911 (affaire du bureau de poste). Le
dommage subit par monsieur Anguet trouve sa cause dans une double faute :

- faute de service : la poste a été fermée en avance par rapport à ses


horaires de fermeture.

- faute personnelle : les agents l’ont roué de coups (= excès de


comportement, violence physique).

Dans ce cas, la victime a le choix : elle peut attaquer les agents devant le juge
judiciaire car ils ont commis une faute personnelle ou l’Administration devant le juge
administratif car il y a eu une faute de service. Si on appliquer la jurisprudence Pelletier
rigoureusement, il faudrait que la victime engage deux actions pour obtenir la réparation
intégrale, ici ce n’est pas la peine il peut obtenir la réparation intégrale avec une seule
action. C’est une solution favorable à la victime car cela évite d’avoir deux actions et que
cela lui permet d’attaquer la personne la plus solvable. Toutefois, le juge judiciaire a
tendance a être plus généreux que le juge administratif il faut donc faire un calcul : soit on
attaque l’Administration plus solvable devant un juge plus sévère, soit on attaque l’agent
moins solvable devant un juge moins sévère.

b. Le concours de responsabilité en cas de faute unique.

Lorsque la faute unique est une faute personnelle, le principe veut que seule la
responsabilité des agents concernés puisse être recherchée devant le juge judiciaire.
Néanmoins, ce n’est pas un principe absolu. Il y a des cas où, alors même que la faute
est unique et personnelle, la victime aura possibilité de préférer rechercher la
responsabilité de l’Administration devant le juge administratif plutôt que la responsabilité
des agents. C’est le cas dans lequel la faute personnelle n’est pas dépourvue de tout lien
avec le service. Selon Léon Blum dans ses conclusions sur l’affaire Lemonnier, « la faute
se détache peut-être du service, mais le service ne se détache pas de la faute ».

Tout d’abord, c’est lorsque la faute personnelle est commise pendant le service
(par exemple, l’affaire Anguet ou encore l’affaire Lemonnier). Dans l’affaire « Lemonnier »
du CE du 26 juillet 1918 (faits : celle qui se prend une balle perdue pendant la fête du
village car le maire refuse de fermer la berge en face), la cause du dommage est la faute
du maire. Cette faute est-elle personnelle ou de service ? Elle est personnelle mais elle
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est commise pendant ses fonctions. Les époux Lemonnier peuvent donc soit engager la
responsabilité du maire soit de la commune.

La deuxième hypothèse est lorsque la faute personnelle est considérée comme


non dépourvue de tout lien avec le service alors même qu’elle est commise par l’agent en
dehors du service. C’est notamment vrai pour les fautes commises avec les moyens du
service. Cela résulte d’un arrêt rendu par le CE le 18 novembre 1949, «  Mimeur  ». En
l’espèce, un véhicule de l’Administration est utilisé par un agent qui n’est pas en fonction
et qui a un accident dans ce véhicule. Là, même si la faute est personnelle, elle n’est pas
dépourvue de tout lien avec le service car elle est commise avec un véhicule administratif
donc la jurisprudence Lemonnier s’applique. C’est un exemple daté aujourd’hui car une
loi a été votée en 1957 sur les dommages causés par un véhicule administratif : on
n’applique plus le droit commun. Un exemple actuel serait celui des armes de service. Il
arrive parfois que ces policiers soient autorisés à garder leur arme de service avec eux
même quand ils ne sont pas en fonction. Il peut arriver qu’un policier tue ou blesse
quelqu’un avec son arme de service alors qu’il n’est pas en service. C’est l’exemple de
l’arrêt du CE du 25 octobre 1973 : un policier nettoie son arme chez lui et un coup de feu
part, blessant son colocataire. Autre exemple, un policier tue l’amant de sa femme avec
son arme de service. Ici, le CE dit qu’il n’y a pas de lien avec le service, c’est une faute
purement personnelle ne permettant pas d’actionner la jurisprudence Lemonnier. Il peut
donc y avoir des liens qui ne sont pas suffisants car l’aspect personnel l’emporte (CE, 12
mars 1975, Pothier).

2. Les possibilités d’actions récursoires.

En gros, une action récursoire est une action par laquelle celui qui a vu sa
responsabilité engagée se retourne contre une autre personne qu’il estime être totalement
ou partiellement le véritable responsable du dommage pour qu’il contribue à la dette.
Jusqu’en 1951, de telles actions étaient interdites à l’Administration contre ses agents.
Concrètement, la victime choisissait d’engager la responsabilité de l’Administration plutôt
que celle de l’agent : elle paye à la place de son agent (totalement dans le cas Lemonnier
et partiellement dans le cas Anguet). Cela revenait à déresponsabiliser les agents qui
avaient commis une faute personnelle et qui n’allaient pas avoir à verser de dommages et
intérêts alors qu’il était responsable. On parle ici de responsabilité réparatrice : le fait que
celle de l’agent ne puisse pas être engagée n’empêche pas que sa responsabilité pénale
soit engagée ou que sa responsabilité disciplinaire soit engagée.

Avec l’arrêt du 28 juillet 1951, « Laruelle », l’Administration, dans cette hypothèse,


peut se retourner contre l’agent. Par un arrêt du même jour, « Delville », le CE a admis que
l’agent pouvait aussi engager une action récursoire contre son Administration. Les
possibles actions récursoires de l’agent contre son Administration ne peuvent pas
concerner un cas « Lemonnier » puisque le dommage est causé par une faute personnelle
unique. La possibilité pour un agent d’exercer une action récursoire contre son
Administration est aussi devenue, après, un PGD (CE, 26 avril 1953, « centre hospitalier
de Besançon ») donc ce principe a une valeur supra-décrétale.

Par exemple, l’arrêt Papon du CE du 12 avril 2002 : Papon a été, pendant la 2GM,
un fonctionnaire du régime de Vichy et occupait notamment un poste à la préfecture de
Gironde au sein du bureau dit des questions juives. La France avait adopté différentes
lois antisémites pour que les juifs soient évincés de certaines professions et pour qu’ils
soient identifiés afin d’être déportés. Le bureau des questions juives avait pour principale
fonction d’arrêter les juifs et de les déporter ensuite. À la libération, pour des raisons
assez obscures, il passe entre les gouttes et finit par devenir préfet de police de Paris. Il
entre ensuite dans le gouvernement (secrétaire au budget). Des descendants de victimes
de déportés, des rescapés des camps et des associations déposent une plainte au pénal
dans les années 1970 contre lui pour complicité de crime contre l’humanité. L’affaire dure
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des années et il est finalement poursuivi au début des années 2000. Il est condamné à 10
ans d’emprisonnement et à 720 000€ de dommages et intérêts. Papon, après sa
condamnation, envoie une lettre au ministre de l’intérieur en disant qu’il a été condamné
non pas pour une faute personnelle mais pour une faute de service afin d’être remboursé
de cet argent. Le ministre refuse donc Papon conteste le refus du ministre devant le juge
administratif. Pour le CE, il y a faute personnelle en raison du zèle de Papon. Mais, s’il a
pu faire cela, c’est parce qu’on lui a donné les moyens de le faire, donc il y a aussi une
faute de service. Ainsi, Papon était fondé à demander à l’État le remboursement partiel.
L’État a remboursé la moitié de la somme. Dans cette affaire, la responsabilité de la
France est reconnue pour des fautes commises par le régime de Vichy pour la première
fois. C’est la fin du mythe Gaullien que la France n’a jamais été Vichy.

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