You are on page 1of 26

INTRODUCTION

Les migrants se trouvent en situation d’immersion linguistique dans la société du pays


d’accueil : il ne s’agit pas d’une stratégie ou d’un choix didactique mais d’une réalité factuelle.
Cette immersion n’est ni temporaire, ni partielle mais permanente et presque totale, cette dernière
nuance étant motivée par le fait qu’ils continuent à utiliser leurs langues premières dans le milieu
familial et amical. Quand il s’agira d’aborder la question d’une éventuelle formation linguistique,
la réalité de l’immersion ne saurait être ignorée au risque de passer à côté de l’essentiel. En effet,
la plus grande part des acquis langagiers des migrants se structure au contact des natifs dans les
multiples situations sociales de communication, et la formation, quand elle a lieu, n’est qu’un
moment du long processus d’apprentissage de la langue dominante par les migrants. D’ailleurs, la
majorité des migrants ne suit pas de formation : dans le cadre du Contrat d’Accueil et
d’Intégration, selon le bilan effectué pour l’année 2006 par exemple, 60 % des migrants primo
arrivants, dont les compétences linguistiques sont évaluées lors d’un entretien individuel, ne se
voient pas prescrire de formation linguistique parce que leur niveau est estimé suffisant. Le mode
dominant d’apprentissage du français chez les migrants est donc l’apprentissage en milieu social,
c’est-à-dire hors d’un quelconque cadre pédagogique, ce dont l’expression apprendre sur le tas a
longtemps très bien rendu compte dans le cas des migrants puisqu’elle signifie apprendre sur le
lieu de travail. La question du processus d’acquisition des langues, depuis longtemps, été étudiée
du point de vue psychologique, cognitif, voire plus récemment neurologique, ainsi que du point
de vue linguistique par la description des différents états de l’inter langue en cours de
construction et de structuration chez les migrants. Mais le processus d’apprentissage de la langue
en milieu naturel est très mal connu sous ses aspects sociaux langagiers. Si l’on s’accorde à
penser que le processus d’apprentissage de la langue cible en immersion s’effectue dans et par les
interactions au quotidien dans la multiplicité et la variété des échanges sociaux, on en sait
beaucoup moins en revanche à propos de l’influence de la nature de ces échanges sociaux sur le
cours du processus d’apprentissage et sur la construction de la structure de l’inter langue. En
d’autres termes, si les interactions sont bien des moments privilégiés, mais pas uniques,
d’apprentissage de la langue dominante, il reste encore à comprendre le rôle que jouent les
contextes sociaux de ces interactions dans l’apprentissage d’une langue seconde en milieu social

Dr. PELEU STEPHANE


I-L ’APPROPRIATION D’UNE NOUVELLE LANGUE
1-APPRENDRE OU ACQUERIR UNE LANGUE
Cette distinction a longtemps fait consensus et reposait essentiellement sur une base
disciplinaire : la linguistique, la psycholinguistique et la psychologie s’intéressaient à
l’acquisition tandis que la didactique des langues s’intéressait à l’apprentissage. Ce dernier était
défini par la volonté et la conscience d’apprendre une langue où était mise en œuvre une stratégie
particulière pour y parvenir. Par ailleurs, l’apprentissage se déroulait toujours dans un cadre
pédagogique institué, sinon institutionnel. L’acquisition, quant à elle, se définissait comme un
processus et/ou des mécanismes cognitifs d’appropriation d’une nouvelle langue. Cette « division
des rôles » écartait de fait l’appropriation d’une langue en milieu social du cadre de
l’apprentissage, d’une part parce qu’il n’existe pas de cadre pédagogique et, d’autre part, parce
que cette appropriation était perçue comme largement inconsciente ou, en tous cas, menée sans
stratégie particulière. Les recherches qui sont menées dans une perspective acquisitionniste,
auprès des enfants notamment, parlent néanmoins d’apprentissage du langage ce qui semble
démontrer que ces deux notions ne recouvrent pas des domaines étanches l’un à l’autre.

Cette distinction est aujourd’hui fortement remise en cause parce qu’il ne peut y avoir
apprentissage sans acquisition, même minimale, et que les deux ont donc partie liée. Elle est
également remise en cause parce que l’acquisition dite en « milieu naturel » est également une
forme d’apprentissage et que, s’il n’y a pas de cadre institutionnel, ni la volonté délibérée ni les
stratégies ne manquent, même s’il s’agirait plutôt de tactiques en l’occurrence. Nous parlerons ici
d’apprentissage en milieu social. En effet, milieu « naturel » signifie en réalité milieu social dans
la mesure où la distinction oppose les situations pédagogiques implicitement considérées comme
actes naturelles, sinon artificielles, aux situations de la vie courante, considérées comme
« naturelles ». Or, affirmer la « naturalité » de faits sociaux est un contre sens. En parlant de
milieu social plutôt que de milieu naturel, nous avons bien conscience de maintenir implicitement
l’idée que la situation pédagogique n’est pas une situation sociale mais je choisis de prendre ce
risque parce que cette notion de naturalité apparaît plus pernicieuse.

Dans le cas de « l’immersion » linguistique telle que la connaissent les migrants, le simple
fait d’être « plongé » dans le « bain » linguistique ne suffit pas à développer des compétences par
une sorte d’effet de capillarité. L’usage d’expressions métaphoriques comme le bain linguistique

Dr. PELEU STEPHANE


n’aide d’ailleurs pas à mieux comprendre la réalité complexe de l’apprentissage de la langue
dominante par les migrants. En effet, pour filer la métaphore, tout individu plongé dans ce bain
subit logiquement le même trempage mais pour ce qui concerne la capacité à nager, c’est autre
chose. Or, c’est là précisément que se situe le problème : si la société d’accueil est un grand bain,
ce n’est en tous cas pas une piscine olympique mais un littoral découpé, avec ses trous d’eau, ses
courants et ses marées où il n’est pas facile d’apprendre à nager. La métaphore de l’immersion
linguistique, au-delà du fait qu’elle ne correspond pas totalement à la situation des migrants
puisqu’il ne s’agit pas d’une démarche didactique, est bien trop évasive pour rendre compte du
processus d’apprentissage de la langue dominante. Les migrants n’acquièrent pas la langue par
simple contact, comme des récipiendaires passifs, mais par le biais de tactiques empiriques et
actives d’apprentissage. Ces tactiques sont orientées par un objectif essentiel : comprendre et se
faire comprendre dans les multiples situations de communication de la vie quotidienne. Pour cela,
les migrants s’appuient sur le discours des natifs, écoutent, comparent, établissent des rapports
avec leurs langues d’origine, s’enquièrent du sens de tel ou tel mot ou expression, font des essais
et, pour les mieux scolarisés d’entre eux, cherchent eux-mêmes dans les dictionnaires ou les
manuels de langue. Toutes ces activités, qu’elles soient d’ordre métalinguistique ou épi
linguistique, relèvent d’un véritable travail d’apprentissage, hormis le fait qu’elles ne s’effectuent
pas dans un cadre pédagogique.

II- UN APPRENTISSAGE EMPIRIQUE

L’apprentissage en milieu social, dont la caractéristique est de s’effectuer en dehors d’un


cadre institué de formation, ne suit pas de logique pédagogique, si ce n’est celle que les
personnes peuvent éventuellement mettre en œuvre de façon explicite, mais il s’adapte aux
situations langagières rencontrées dans la vie sociale. Cet apprentissage est donc
fondamentalement empirique dans la mesure où il progresse en fonction des besoins langagiers
créés par la vie sociale. La perspective est ainsi complètement inversée par rapport à un
apprentissage guidé dont les objectifs sont d’abord langagiers. En effet, les apprentissages guidés
construisent leurs progressions en fonction de besoins langagiers repérés et identifiés par les
concepteurs de formation, qu’ils soient auteurs de manuels ou praticiens, et préconçus pour
l’apprentissage. Cette préconception des besoins induit d’ailleurs des approches différentes selon
qu’elles se réclament de conceptions « traditionnelles » en didactique centrées sur la langue
comme système, ou de conceptions comme l’approche communicationnelle et l’approche

Dr. PELEU STEPHANE


actionnelle qui ont trouvé leur place plus récemment, valorisant l’autonomie, qui suppose une
préconception par l’apprenant lui-même. Dans tous les cas, l’objectif est bien langagier, même si
l’accent est mis sur les besoins en termes de communication. L’apprentissage en milieu social en
revanche est surdéterminé par les besoins sociaux qui façonnent et construisent la progression. Le
processus est empirique dans la mesure où les apprenants partent de la réalité sociale pour
construire leurs répertoires langagiers. La démarche est également empirique par le fait que la
création de ces répertoires est une construction-déconstruction-reconstruction permanente. En
situation d’apprentissage guidé, les apprenants apprennent à communiquer tandis qu’en situation
d’apprentissage social, ils apprennent en communiquant. L’objectif des apprenants est
intuitivement considéré comme atteint lorsque les formes langagières acquises leur permettent de
comprendre et de se faire comprendre des natifs dans les interactions dans lesquels ils sont
engagés. Il se produit alors parfois un phénomène dit de fossilisation des acquis : ceux-ci ne font
plus l’objet de remises en cause et de reconstructions par les apprenants, dès lors qu’ils semblent
avoir atteint leurs objectifs. Cette fossilisation représente un obstacle dans la mesure où ces
acquis empiriques figés ne sont pas en mesure de s’adapter à des situations de communication
inédites. Les apprenants utilisent des formes linguistiques qui, si elles ont fonctionné jusqu’à là
en atteignant leurs objectifs dans un certain nombre de situations, ne sont plus efficaces dès lors
que de nouveaux paramètres sociolinguistiques apparaissent. Des formes de lexique appartenant
par exemple à des registres familiers utilisés sur le lieu de travail et dans les rapports amicaux ou
de voisinage, ne conviennent plus quand il s’agit d’interactions plus formelles. La fossilisation
concerne également des formes figées adaptées, ou au moins intelligibles, dans certains contextes
interactionnels, mais qui peuvent devenir incompréhensibles dans d’autres contextes et avec
d’autres interlocuteurs. Il propose la notion de tactique d’apprentissage pour décrire ce processus
d’acquisition de type épi linguistique. La tactique d’apprentissage s’oppose à la stratégie
d’apprentissage en ce sens que cette dernière est une démarche consciente, planifiée, pensée et
organisée en vue d’atteindre un ou des objectifs préalablement repérés. La tactique au contraire
est une démarche d’apprentissage fondée sur un rapport pragmatique au langage et à la
communication verbale, orientée par la recherche du résultat immédiat, qui évolue et se met en
action au fil des interactions du quotidien. Ce mode d’appropriation de la langue dominante est
ainsi très fortement lié aux contextes sociaux dans lesquels elle a lieu et c’est précisément ce qui
concourt à l’extrême hétérogénéité des parcours d’acculturation linguistique des migrants. Ces

Dr. PELEU STEPHANE


parcours sont des trajectoires sociales jalonnées de multiples échanges langagiers qu’il convient
d’analyser pour mieux comprendre le processus d’apprentissage d’une langue en milieu social.

II- LE ROLE DES INTERACTIONS VERBALES

L’interaction comme réalité fondamentale du langage. L’acquisition de la langue


dominante en milieu social se produit au fil des échanges avec les natifs, ou avec des non natifs
s’exprimant dans la langue dominante. Les interactions verbales sont donc bien au centre du
processus d’apprentissage et leur analyse est incontournable si l’on veut comprendre le processus
d’acquisition.

Les interactions verbales ne représentent pas simplement l’élément central du processus


d’acquisition d’une langue en milieu social mais, selon la formule de Bakhtine, « l’interaction
verbale constitue la réalité fondamentale de la langue » (1977 (1929) : 136). Bakhtine écrit ceci
avec plusieurs décennies d’avance sur les nombreux travaux qui vont suivre sur l’analyse
conversationnelle, puis sur les interactions verbales (voir infra). De fait, il n’y a ni langue ni
langage existant en soi et pour soi mais des pratiques langagières, des situations de
communications où s’actualise le système linguistique : il n’y a pas de langue sans locuteur et il
n’y a pas de locuteurs sans interlocuteur. À cet égard, l’interaction est donc bien la réalité
fondamentale du langage. L’affirmation de Bakhtine est confirmée empiriquement par le fait
qu’une langue qui n’est plus utilisée est considérée comme morte. Or sa « mort » n’est pas celle
du système, qui continue d’exister comme trace fossilisée dans le cas des langues anciennes
écrites, mais celle des pratiques, des échanges, des interactions verbales. Les personnes qui
apprennent une langue en milieu social ne sont pas confrontées à un système linguistique, mais à
des pratiques langagières. Cet apprenant doit ainsi partir de ces pratiques langagières pour,
éventuellement, « remonter » jusqu’au système linguistique. Or cette « remontée » n’est possible
que pour les apprenants dont le niveau de scolarité est suffisant pour permettre une distance
métalinguistique à l’objet-langue. La réalité langagière à laquelle sont confrontés les apprenants
en milieu social est d’abord celle des interactions verbales et cette affirmation ne repose pas
seulement sur le postulat théorique de la primauté des interactions sur le système linguistique
dans une approche poststructuraliste, mais sur une réalité objective. Au-delà de cette réalité
empirique, se pose de toute façon la question théorique de la primauté de l’interaction telle que
l’a pensée Bakhtine. Elle sera réaffirmée ici. Le système linguistique n’est pas en effet une

Dr. PELEU STEPHANE


immanence sémiotique et symbolique qui préexisterait à toutes formes de pratiques langagières
mais le produit d’un processus historique et social à l’œuvre en permanence. L’histoire du
français, comme de tant d’autres langues, n’est pas l’histoire d’un système qui évoluerait en
dehors de toutes contingences matérielles mais s’inscrit au contraire dans l’histoire économique,
sociale et symbolique des locuteurs qui font, défont et refont en permanence les systèmes
linguistiques qu’ils utilisent. Engagés dans les rapports sociaux, ils sont inévitablement des
interlocuteurs et non plus simplement des locuteurs. Les langues n’existent que par la dynamique
des échanges socio langagiers, par les interactions verbales, qu’elles soient en face-à-face, en
différé, voire sans retour direct de l’interlocuteur : toute production linguistique est produite par
un ou des énonciateurs et destinées à un ou des énonciataires, quel que soit le canal, écrit ou oral,
quel que soit le décalage qui peut exister entre l’émission et la réception et même si l’un des
interlocuteurs ne peut répondre directement.

La place centrale prise par l’analyse des interactions verbales a logiquement conduit à
reconsidérer les modes d’apprentissage des langues en milieu social. En effet, puisque
l’interaction est bien la réalité fondamentale de la langue, il s’agissait de s’interroger sur le rôle
des interactions dans le processus d’apprentissage. Ce sont les travaux pionniers sur les
interactions exo langues puis toutes les recherches qui portent directement sur la question de
l’apprentissage d’une langue par les interactions fait le bilan des 25 dernières années de
recherches dans ce domaine qui démontrent bien que les interactions verbales représentent le
mode dominant de l’apprentissage des langues en milieu social. Matthey rappelle le rôle
déterminant du contexte social, puisque les interactions sont d’abord des pratiques sociales, mais
ce qui se confirme également dans toutes ces recherches, c’est qu’elles ont plutôt abordé
l’interaction en tant que telle, pensée comme pratique sociale certes, mais sans analyser de façon
approfondie l’impact de l’environnement social sur l’interaction. Ces travaux ont été menés par
des linguistes qui n’ont sans doute pas souhaité s’aventurer sur un terrain plus sociologique.

III- LES INTERACTIONS S’INSCRIVENT DANS LE CADRE DES RAPPORTS SOCIAUX

Cependant, que ce soit d’un point de vue théorique ou d’un point de vue empirique,
l’interaction n’est ni au principe de la construction des rapports sociaux, ni la seule et unique
source des productions langagières.

Dr. PELEU STEPHANE


D’un point de vue théorique, le champ, qui s’est avéré très fécond, de l’analyse
conversationnelle et des interactions verbales, a mis ces dernières au centre de l’attention des
sciences du langage et de nombreuses sous disciplines abordent désormais l’analyse de la langue
sous l’angle de corpus d’interactions verbales authentiques. D’objet d’étude particulier dans le
champ des sciences du langage, les interactions verbales deviennent la base même de l’analyse
des phénomènes linguistiques. Au-delà de l’analyse des interactions verbales en tant que telles,
les conversations deviennent des corpus sur lesquels les recherches s’appuient pour étudier
d’autres aspects langagiers ou linguistiques. Mais cette nouvelle primauté a produit un effet
pervers. En effet, les interactions verbales sont non seulement perçues comme la réalité
fondamentale du langage, comme l’avait affirmé à juste titre Bakhtine dès 1929, mais elles sont
posées par le courant multiforme de l’interactionnisme symbolique, dont une des manifestations
les plus radicales est l’ethnométhodologie, comme la base même de la réalité sociale. Selon ce
courant, la société est le produit des interactions entre les individus et n’a donc plus d’existence
objective en dehors de ces échanges. La société est ainsi une construction perpétuellement
renouvelée et renégociée lors de chaque interaction. Bourdieu (2001 : 98) montre les limites de
cette approche :

« Faute d’aller au-delà des actions et des interactions prises dans leur immédiateté directement
visible, la vision “interactionniste’’ ne peut découvrir que la stratégie linguistique des différents
agents dépendant étroitement de la distribution du capital linguistique dont on sait que, par
l’intermédiaire de la structure des chances d’accès au système scolaire, elle dépend de la structure
des rapports de classe. Et du même coup, elle ne peut qu’ignorer les mécanismes profonds qui, au
travers des changements de surface, tendent à assurer la reproduction de la structure des écarts
distinctifs et la conservation de la rente de situation associée à la possession d’une compétence
rare, donc distinctive. »

Les interactions verbales s’inscrivent dans le cadre de rapports sociaux préexistants, mais
ils ne les reproduisent pas toujours de façon mécanique. Si le statut social des inter actants est
bien un facteur objectif surdéterminant dans chaque interaction, la place interactionnelle qu’ils
occupent lors des échanges est « négociable » en ce sens que les statuts ne figent pas
définitivement les rapports dans les interactions. Ceci étant, les rapports de place évoluent
d’abord dans le cadre des rapports sociaux établis hors de l’interaction. Ainsi, dans le cadre d’une

Dr. PELEU STEPHANE


structure hiérarchisée comme une entreprise par exemple, la remise en cause de « l’ordre social »
n’est pas pensable lors de chaque interaction. Si c’est le cas, il s’agira d’un conflit ouvert ou
larvé, ou bien d’une interaction symétrique comme une négociation sociale par exemple où les
intervenants sont, par définition, en position d’égalité. Cependant, même dans ce cas, les statuts
sociaux ne sont pas neutralisés : au contraire, chacun intervenant es qualité, ils sont même
réaffirmés.

VI- L’INTERACTION : REALITE FONDAMENTALE MAIS NON UNIQUE DES PRATIQUES


LANGAGIERES

Les interactions ne se réduisent pas à une situation d’échanges alternés de face-à-face. De


nombreux types de productions langagières ne s’inscrivent pas dans le cadre d’échanges : ce sont
ce que nous appelons des formes alter actionnelles de communication sur lesquelles nous allons
revenir plus loin. Ainsi, si les interactions verbales représentent une part importante du « corpus »
authentique d’apprentissage en milieu social, d’autres événements langagiers contribuent à cet
apprentissage. On ne sait pas aujourd’hui dans quelle mesure ces formes d’altercations influent
sur l’apprentissage et surtout quelle est la part qu’elles prennent dans cet apprentissage par
rapport aux interactions verbales. Aucune étude ne s’est pour l’instant penchée sur la question
mais l’on peut d’ores et déjà faire quelques hypothèses. La première est que la rencontre des
migrants avec ces corpus authentiques d’apprentissage en milieu social est très étroitement liée à
leurs parcours professionnels, sociaux, interpersonnels dans la société du pays d’accueil. En effet,
les différences sont grandes selon que les migrants travaillent ou non et sont donc engagés dans
des échanges langagiers professionnels, selon qu’ils entretiennent ou non des liens amicaux avec
des natifs, selon les liens plus ou moins étroits qu’ils entretiennent avec la communauté
linguistique de leur pays d’origine, etc. La deuxième hypothèse est que les rapports qualitatifs et
quantitatifs des migrants avec ces corpus dépendent du niveau de compétence à l’écrit à l’arrivée
dans le pays d’accueil. Cette donnée est capitale en effet parce que les migrants en insécurité à
l’écrit ne profitent pas, ou peu, de « l’exposition » aux écrits de toutes sortes de la vie
quotidienne, des journaux aux pancartes urbaines. La troisième hypothèse enfin est que la
confrontation avec ce corpus socio langagier authentique dépend du degré de mobilité des
migrants (mobilité géographique, sociale ou symbolique) selon qu’ils sont amenés à se déplacer
plus ou plus fréquemment, à rencontrer des univers sociaux différents du leur ou à sortir de leur
univers symbolique en s’investissant dans la vie citoyenne, en s’intéressant à l’actualité du pays

Dr. PELEU STEPHANE


d’accueil ou en tentant de déchiffrer et de comprendre les codes sociaux et symboliques de la
société dans laquelle ils ont choisi de vivre.

V- LES CONTEXTES SOCIAUX D’ACQUISITION D’UNE LANGUE ETRANGERE

Les contextes découvrent quatre voies socio langagières d’insertion sociale sur lesquelles
nous allons revenir en les détaillant et en examinant de plus près, dans chacune de ces voies, les
situations de communication auxquelles sont confrontés les migrants. À partir de la description
de ces situations, nous analyserons en quoi les aspects sociolinguistiques de ces situations sont
importants et en quoi ils influencent sur le processus d’acquisition.

VI- LES VOIES SOCIO LANGAGIERES DE L’ACQUISITION

LE TRAVAIL

Le travail est une voie majeure d’acquisition de la langue dans la mesure où il occupe un
temps et un espace social très importants pour les personnes qui en possèdent un. Cette remarque
vaut pour les structures professionnelles où la langue dominante du pays d’accueil est utilisée et
exclut celles où ce n’est pas le cas. Ces dernières situations sont minoritaires mais elles existent :
il s’agit d’entreprises artisanales, par exemple, gérées par des migrants qui emploient
majoritairement ou exclusivement de la main d’œuvre constituée par des locuteurs parlant la
même langue que les dirigeants. C’est le cas de certaines petites entreprises du bâtiment gérées
par des turcs ou des portugais qui utilisent, sauf avec les clients et les partenaires extérieurs bien
sûr, leurs langues premières dans la vie quotidienne de l’entreprise. C’est également le cas de
certaines équipes de « plongeurs » dans le domaine de l’hôtellerie recrutées sur des bases
linguistiques et dont le responsable est bilingue et fait le lien avec les dirigeants. Pour les autres
structures où la langue dominante du pays d’accueil est la langue de travail, le contact permanent
avec des natifs favorise l’acquisition de la langue dans les multiples situations de la vie
professionnelle. Le travail, tant du point de vue économique bien sûr que social et linguistique,
est un puissant facteur d’insertion et d’intégration. Ceci se confirme et se renforce quand on sait
que la part langagière du travail s’accroît régulièrement et que cela concerne également les postes
de travail les moins qualifiés, ceux qu’occupent souvent les migrants. Cet accroissement est le
produit d’une évolution managériale, économique et sociale. En effet, le modèle taylorien à bout
de souffle laisse place progressivement à un modèle de production qui, s’il continue à maintenir
une pression pour davantage de productivité, évolue vers des formes d’organisation du travail

Dr. PELEU STEPHANE


moins rigides et moins hiérarchisées où il est laissé davantage d’autonomie aux salariés, ce qui ne
contribue d’ailleurs pas à relâcher la pression, au contraire, puisque s’ils sont plus autonomes, ils
deviennent également plus responsables. Les entreprises, dans tous les secteurs d’activité, sont
également souvent engagées dans des démarches qualité impliquant, entre autres, des questions
de sécurité. Le langage est désormais partout au travail, y compris là où il s’agissait plutôt de
respecter le silence, synonyme de concentration et donc de productivité. Parler au travail est donc
de moins en moins proscrit et de plus en plus encouragé, y compris dans les secteurs d’activité
employant de la main d’œuvre faiblement ou non qualifiée et recrutant massivement des
migrants. Cette part langagière du travail qui s’accroît s’immisce dans toutes les activités des
salariés par le biais de pratiques de communication dont on pourrait faire la liste suivante :

 Entre les salariés ;


 Avec la direction et l’encadrement ;
 Avec les clients ou les partenaires de l’entreprise (fournisseurs, etc.) ;
 Par l’activité syndicale ;
 Par les écrits professionnels (consignes, documents et techniques, signalisation, etc.)
 Par la formation ou la promotion professionnelles (formations techniques et
linguistiques1, Validation des Acquis de l’Expérience, etc.)

Les pratiques langagières au travail sont donc toujours plus nombreuses, plus riches et
touchent à tous les domaines de l’activité dans l’entreprise. Les migrants salariés sont concernés
au même titre que tous les autres : cet accroissement de la part langagière du travail peut
représenter pour eux une source de difficultés, mais il constitue en même temps une voie majeure
d’acquisition de la langue.

VII- LES RELATIONS TRANSACTIONNELLES

Les relations transactionnelles sont des relations de service où les inter actants agissent
dans des rôles spécialisés. Il s’agit de toutes les interactions de service de type commercial,
comme les échanges entre un client et un vendeur ou un artisan, mais également les échanges
entre des usagers et des fonctionnaires ou des personnes qui assurent un service public
quelconque, y compris dans le domaine de l’insertion et le domaine associatif professionnalisé.
Les migrants peuvent posséder les deux rôles, celui qui bénéficie du service ou celui qui le rend
mais, dans ce dernier cas, il s’agira pour lui d’une situation de travail. On peut également ranger

Dr. PELEU STEPHANE


parmi les relations transactionnelles les échanges avec les acteurs de l’institution scolaire par
exemple dans la mesure où il s’agit de rôles spécialisés, parents et enseignants.

Les migrants sont en permanence confrontés à ce genre de situations parce qu’ils vivent la
même réalité sociale que les natifs. Ils ont parfois recours à certains commerces alimentaires
notamment, tenus par d’autres migrants de même origine linguistique, mais cela ne change pas
radicalement la donne puisque ces transactions ne représentent qu’une part marginale des
relations de service qu’ils entretiennent au quotidien. La multiplication des interactions de
services représente une voie majeure d’insertion langagière, avec toutes les difficultés et les aléas
communicationnels que cela suppose. Cette forme d’apprentissage empirique est en effet source
de malentendus, voire d’humiliations, qui dépassent le cadre purement langagier de
l’apprentissage.

VIII- LES RELATIONS INTERPERSONNELLES

Les relations interpersonnelles sont constituées par les échanges entre des personnes qui
n’interviennent pas à titre spécialisé : ce sont les interactions familiales, amicales, « aléatoires »
et les interactions de routine. Les interactions qui nous intéressent ici sont exo lingues : ce sont
celles qui ont lieu en français entre les migrants et d’autres personnes, qu’elles soient natives ou
non. Les migrants, bien sûr, sont engagés dans des interactions qui ne se déroulent pas en
français, notamment dans le cadre amical ou familial, mais elles ne contribuent pas, par
définition, à l’acquisition de la langue dominante, sauf peut-être dans les cas où l’alternance
codique entre le français et une autre langue est très importante durant l’interaction.

Les interactions dans les familles d’abord sont intéressantes dans la mesure où elles font
intervenir des facteurs liés au bilinguisme familial. Cette situation a été analysée de façon fine par
Leconte (2000) chez les familles africaines par exemple. Les parents privilégient plutôt l’usage
de leur langue d’origine entre eux et avec leurs enfants tandis que ces derniers utilisent plutôt la
langue du pays d’accueil avec leurs parents et surtout dans la fratrie. Les stratégies familiales
peuvent être différentes selon le projet migratoire (volonté d’installation durable ou objectif
affirmé du retour) ou selon les origines nationales : certains parents font le choix de l’utilisation
exclusive du français dans les échanges familiaux pour accélérer l’intégration tandis que d’autres
font le choix inverse avec l’objectif de maintenir et de transmettre la langue d’origine. Ce sont
notamment des faits analysés par qui met en lumière les différences par exemple entre les turcs

Dr. PELEU STEPHANE


ou les portugais qui transmettent davantage la langue d’origine et les italiens ou les espagnols qui
le font beaucoup moins. Les interactions familiales peuvent donc favoriser l’acquisition de la
langue du pays d’accueil chez les migrants par le biais de leurs enfants pour lesquels elle est
devenue la langue première. Les enfants de migrants servent d’ailleurs très souvent d’interprètes
ou de médiateurs entre leurs parents et les différentes institutions.

Les interactions amicales entre natifs et non natifs s’inscrivent dans une logique plus
générale d’intégration sociale. Les contacts sont limités, mais on ne saurait l’expliquer par des
catégories d’analyse qui relèvent davantage du débat public et de postures idéologiques que d’une
véritable analyse sociologique. Ainsi, les contacts seraient gênés, soit par un racisme latent de la
part des natifs, soit par un repli communautaire des migrants. Ces deux explications ne sont sans
doute pas à exclure d’un revers de main mais elles doivent être étayées de façon rigoureusement
objective. La difficulté des contacts entre natifs et non natifs tient d’abord à une question
« technique », celle qui nous intéresse justement ici : la langue. Le problème est que si la langue
est un obstacle à la communication entre natifs et non natifs et ne favorise pas la densité des
contacts amicaux, la faiblesse de ces contacts est un obstacle à l’acquisition de la langue. En
effet, une enquête italienne menée par le Cenis montre que les migrants qui sont le plus à l’aise
en italien sont ceux qui ont le réseau amical le plus dense avec des natifs. Le réseau amical
favorise, à la différence du réseau professionnel, des échanges langagiers moins spécialisés et
donc plus à même de favoriser l’acquisition de compétences langagières élargies. Les relations
amicales favorisent en outre des échanges plus longs et plus denses ce qui renforce encore la
possibilité d’élargir les répertoires et les compétences des migrants au contact des natifs. Enfin,
les échanges amicaux permettent sans doute plus que d’autres au non natif d’intervenir sur le
cours du discours de son interlocuteur pour lui demander une explication, lui demander de répéter
ou lui signifier explicitement son incompréhension. Ce type de conduite de Co-construction du
sens est plus difficile dans des rapports plus formels et/ou inscrits dans l’immédiateté de l’action.
Le potentiel acquisitionnel des interactions peut ainsi être utilisé à plein dans les relations
amicales.

Les relations aléatoires sont ces échanges courts, au hasard des rencontres, qui n’ont lieu
qu’une fois avec un interlocuteur : demander son chemin, échanger quelques mots dans une file
d’attente, etc. Ces échanges, par leur brièveté, ont a priori un faible potentiel acquisitionnel mais

Dr. PELEU STEPHANE


leur répétition peut fournir l’occasion aux migrants d’élargir leur répertoire. Ainsi, en ce qui
concerne le fait de demander son chemin par exemple, occasion qui ne manque pas de se répéter,
les réponses des natifs peuvent fournir un ensemble de formes linguistiques, en matière de
repérage spatiotemporel, qui peuvent s’avérer très utiles.

Les relations interpersonnelles, ce sont également des rencontres assez brèves mais
régulières avec des personnes sans que cela ne débouche sur des relations amicales. Ce sont des
échanges de routines qui, au-delà des informations qu’ils permettent de véhiculer, ont plutôt pour
fonction d’entretenir un lien social et de se soumettre à des rituels sociolinguistiques. Ce sont les
traditionnelles micro-conversations sur le temps qu’il fait et sur celui qui passe. Ces rituels
interactionnels sont néanmoins importants dans la mesure justement où ils contribuent à créer du
lien social et à banaliser des relations interpersonnelles. Ce sont des signes importants
d’intégration symbolique qui passent par l’élargissement du répertoire paralinguistique.

XI- LES ALTERATIONS LANGAGIERES

En milieu social, les migrants sont régulièrement amenés à lire ou à entendre des
messages de toutes sortes qui n’attendent pas de réponses. Il s’agit de la presse, écrite et orale,
mais également des boîtes vocales, des annonces dans les lieux publics, de la signalisation écrite,
de l’affichage urbain, etc. Toutes ces formes de communication verbale ne fonctionnent pas selon
le principe des échanges directs, sauf par le biais du courrier des lecteurs ou des téléspectateurs
par exemple, mais il ne s’agit que très rarement d’un échange puisque les journalistes, en retour,
ne répondent pas, ou pas directement, quand ils sont concernés. Dans le cas de l’acculturation
linguistique des migrants, ces formes de pratiques langagières sont très importantes, parce qu’ils
sont en situation d’immersion. Ils sont donc non seulement confrontés en permanence à ces
formes de communication mais ils en dépendent également très largement : il ne s’agit pas pour
eux d’exercices en salle de classe mais d’informations qu’ils doivent traiter de façon efficace
parce que cela conditionne leur vie réelle. Ces altercations langagières sont omniprésentes et
multiformes et participent à l’élargissement des répertoires langagiers des migrants. Mais, si l’on
peut faire l’hypothèse que ces formes d’altercations langagières jouent un rôle dans le processus
d’acculturation linguistique des migrants, on ne sait dire aujourd’hui dans quelle mesure et on ne
connaît pas non plus le niveau de leur influence par rapport aux contacts directs dans les
interactions verbales.

Dr. PELEU STEPHANE


XII- LES MARQUES DES CONTEXTES SOCIAUX SUR LE PROCESSUS D’APPRENTISSAGE

L’examen, rapide, de ces voies socio langagières d’acquisition permet d’ores et déjà de
dépasser le cadre de l’inter langue en construction et même du rôle de l’interaction verbale
réduite à elle-même. Ce n’est en effet pas seulement l’interaction verbale en tant que telle qui
représente le niveau d’analyse le plus adéquat pour comprendre le processus d’acquisition d’une
langue étrangère en milieu social, mais également les conditions matérielles et sociales dans
lesquelles elles se déroulent. L’interaction n’est pas une structure autonome dissociée du faire
social, mais le produit de déterminants sociaux qui impriment profondément leurs marques sur la
forme, le contenu et le déroulement de l’interaction. L’analyse des interactions verbales et de leur
rôle dans l’acquisition d’une langue seconde doit donc être mise en relation avec la situation
sociale dans laquelle a lieu l’interaction. Dans le cadre de l’analyse de cette situation sociale,
plusieurs éléments sont à prendre en compte tout particulièrement.

XII- LES POSITIONS SOCIALES DES INTERLOCUTEURS

Les interlocuteurs sont d’abord des êtres sociaux et occupent donc à ce titre des positions
particulières qui ne s’effacent pas dans les interactions. La relation interlocutive est une relation
sociale non au sens où elle met en rapport deux individus mais deux personnes qui, au-delà de
l’interaction, sont insérées dans des rapports sociaux préexistants. Ainsi, le fait de parler avec un
collègue de travail, un cadre ou le patron change les données : le potentiel acquisitionnel de
l’interaction sera différent selon que le locuteur non natif pourra ou non faire répéter s’il n’a pas
compris, demander des précisions, etc. Or cette possibilité dépend directement des positions
sociales des interlocuteurs et surtout de celle du non natif qui se trouve dans une double position
de subordination, sociale et langagière. De même, lors d’échanges transactionnels, la position
sociale et langagière inconfortable des non natifs laisse peu de place à la possibilité d’un échange
plus approfondi avec les interlocuteurs. Ceci ne signifie pas que les locuteurs natifs refuseraient a
priori ces échanges : ce sont plutôt les locuteurs non natifs qui incorporent cette position de
subordination sans oser remettre en cause, d’une façon ou d’une autre, « l’ordre établi » au-delà
de l’interaction. C’est précisément pour cette raison que les relations amicales sont
potentiellement plus riches de ce point de vue.

En revanche, les relations amicales et professionnelles s’inscrivent dans des faisceaux de


connivence qui ne favorisent pas la verbalisation. Les relations entre pairs sociaux et

Dr. PELEU STEPHANE


professionnels, bâties sur des communautés de pratiques et des communautés épistémiques,
fonctionnent sur le mode de la connivence, du « ça va de soi », c’est-à-dire de l’évidence des
références sociales, pratiques et symbolique partagées. Ces relations de connivence ont des
conséquences sur la conduite et le contenu des interactions. Les interactions reposent sur des
implicites, des présupposés, des formes elliptiques dont les interlocuteurs n’ont aucune difficulté
à percevoir le sens parce qu’ils s’appuient sur leurs références communes. Cependant, la co-
construction du sens dans l’interaction par le recours fréquent au monde partagé des interactants
réduit la part de la verbalisation. Les non natifs, qui sont engagés régulièrement dans ces formes
d’échanges, parviennent sans doute à communiquer de façon efficace avec l’habitude, notamment
dans les situations de travail (Médina, 2011), mais, dès lors qu’ils sortent de ces situations de
communication situées et bien connues, ils ne peuvent transférer leurs nouvelles compétences à
d’autres situations faute d’acquis spécifiquement langagiers. Ceci signifie que les locuteurs
allophones qui participent fréquemment à des interactions de connivence, acquièrent la langue du
pays d’accueil dans des conditions particulières où la part de la verbalisation et de l’explicitation
est moindre. Il ne s’agit pas d’une question de registre ou de niveau de langue, mais
d’indexicalisation. Les échanges situés, très étroitement dépendants de la situation de
communication et du monde partagé des inter actants, n’est pas propre aux migrants et concerne
tous les locuteurs, quelle que soit leur appartenance sociale, professionnelle ou linguistique : les
relations de connivence entre pairs produisent les mêmes effets. Ce qu’il convient de prendre en
compte cependant, c’est la fréquence des interactions de connivence et leur nombre relatif par
rapport à d’autres formes d’interactions dans le processus d’apprentissage en milieu social. Ainsi,
plus souvent les migrants seront engagés dans des interactions de connivence et moins ils auront
de chance de développer certaines compétences langagières qui favoriseront la verbalisation et
l’explicitation. La nature des contacts sociaux est à cet égard déterminante : le travail, l’habitat,
les loisirs, les relations amicales peuvent favoriser ou non des contacts hors du milieu social
dominant des migrants. Quand ces derniers rencontrent des natifs au travail ou dans le quartier
qui vivent et travaillent dans des conditions similaires, qui partagent leurs problèmes quotidiens
et leurs préoccupations, quand l’entre soi social est dominant, les interactions verbales entre
natifs et non natifs risquent fort d’être des relations de connivence. Comme l’observe Héran
(1988 : 17), « à l’exception des relations familiales, la sociabilité croît avec le milieu social ». Ce
qui est à prendre en compte également dans la dynamique des interactions socio-verbales du

Dr. PELEU STEPHANE


point de vue des positions sociales des inter actants, ce sont les rapports qu’entretiennent les
interlocuteurs natifs des migrants avec le langage et l’attention qu’ils portent à ce dernier en tant
que tel. Cette conscience, voire cette compétence métalinguistique, n’est pas également distribuée
selon les locuteurs. Elle dépend très étroitement du niveau de scolarisation, lui-même lié à la
position sociale : plus le niveau de scolarisation est élevé et plus cette conscience/compétence
sera importante. Elle favorise un « retour critique » sur la langue ce qui permet d’en faire un objet
d’apprentissage. Ceci se traduit par exemple par des rectifications, des reformulations, des aides
plus fréquentes au non natif au cours de l’interaction. Or, comme le remarque Noyau (1980) :
« Dans l’acquisition non-guidée, la présence ou non de réactions sur la forme des énoncés en la
[Langue de l’Apprenant,] dépend de facteurs culturels, de l’image que se font de la langue
l’apprenant et ses interlocuteurs. Il est probable qu’un universitaire australien qui acquerrait le
français en vacances dans un milieu d’universitaires français, recevrait des réactions sur la forme
de ses énoncés en LA, alors qu’un manœuvre immigré n’en reçoit généralement pas. »

Ce « manœuvre immigré », pour reprendre la terminologie de l’époque, n’en reçoit pas


parce qu’il vit et travaille au contact de natifs des catégories populaires pour qui la langue et le
langage n’ont pas d’existence en soi et pour soi comme l’ont démontré essentiel étant, pour les
migrants et les natifs avec qui ils échangent, de se comprendre et peu importe alors la forme des
énoncés.

XIII- LES CONTRAINTES MATERIELLES DES INTERACTIONS VERBALES

Les interactions verbales sont situées dans un temps et un espace social mais elles le sont
également dans un contexte matériel qui influe sur leurs contenus et leurs formes. Selon qu’elles
se déroulent dans l’ambiance feutrée d’un colloque, dans une usine sidérurgique, de part et
d’autre de la vitre d’un guichet à la Poste ou au cours d’un repas entre amis, les conditions
matérielles de production et de réception du message ne sont pas les mêmes : bruits environnants,
contraintes de la situation de communication exigeant des échanges brefs, plus ou moins grande
proximité physique des interlocuteurs, etc. La participation régulière des apprenants en milieu
social à des formes d’interactions contraintes par certaines conditions matérielles a
nécessairement une influence sur le mode d’acquisition et sur l’inter langue en construction. Par
exemple, la langue apprise sur les chantiers au quotidien, contrainte par le bruit, les échanges
brefs, les distances, ne ressemble pas à celle que peut acquérir un étudiant étranger en France qui

Dr. PELEU STEPHANE


participera à des interactions longues, en face-à-face, dans un cadre matériel conçu pour faciliter
les échanges.

La question, là encore, est de savoir à quels types d’échanges et selon quelle fréquence les
apprenants en milieu social sont le plus régulièrement confrontés. Les échanges s’inscrivent
également dans un contexte matériel immédiat auxquels ils sont ancrés de façon différente : en
milieu professionnel par exemple, les références linguistiques au contexte immédiat sont
déterminantes lors des échanges et donnent leur sens aux énoncés produits en situation. Les
interlocuteurs s’appuient sur le contexte matériel direct de l’interaction et leurs échanges ne sont
intelligibles que par eux-mêmes, dans une situation de communication particulière.

XIV- LES CONSEQUENCES SUR LA CONSTRUCTION DE L’INTER LANGUE

Une fois évoqués les déterminants sociaux dont l’influence sur la construction de l’inter
langue sont présentés comme une hypothèse, il s’agit d’en mesurer empiriquement le poids. Or,
de ce point de vue, les travaux se limitent au rôle de l’interaction sans prendre en compte les
contextes socio langagiers. C’est le constat que font également d’autres auteurs il y a plus d’une
décennie sans que la situation ait évolué notablement depuis. En posant, comme première
hypothèse, que l’économie interne de l’interaction subit l’influence du contexte social dans lequel
elle se déroule et, comme seconde hypothèse, que l’acquisition d’une langue étrangère en milieu
social s’effectue d’abord par le biais des interactions verbales, il est donc logique de conclure que
l’analyse des situations sociales particulières des interactions verbales devrait apporter des
éléments pour comprendre le processus d’acquisition, mais également celui de la construction de
l’inter langue.

Mais les travaux de recherche qui pourraient être menés risquent de se heurter à plusieurs
problèmes pratiques et méthodologiques. En effet, l’analyse des interactions verbales des
apprenants en milieu social peut être menée de plusieurs manières : soit par l’observation directe,
soit par le biais de questionnaires ou d’entretiens. L’observation directe nécessite une approche
de type ethnographique et une enquête de longue durée sur le terrain pour suivre les faits et gestes
des apprenants. Outre le fait que cette forme d’enquête est évidemment très contraignante et
nécessite un engagement à temps plein, elle entraîne des inconvénients pour les enquêtés, dont
peu sans doute seraient disposés à accepter la présence permanente d’un chercheur à leurs côtés.
L’enquête basée sur des questionnaires ou des entretiens possède l’inconvénient de devoir

Dr. PELEU STEPHANE


« passer par » la grille de représentations des apprenants ou leurs souvenirs plus ou moins
réflexifs. Cette forme d’enquête repose sur des données épi langagières qui, au-delà des
informations sur les pratiques langagières des apprenants en milieu social, peut apporter de
précieuses indications sur la façon dont les migrants les perçoivent : le problème étant d’isoler
ensuite les données factuelles objectives des données épi langagières. Il s’agit d’analyser de façon
fine le processus d’acquisition de la langue étrangère dans les différentes situations de la vie
sociale en intégrant les dimensions interactionnelles, sociales, langagières mais également épi
langagières.

XV- LES BIOGRAPHIES SOCIOLOGIQUES ET SOCIO LANGAGIERES

LA FORMATION DES ADULTES FACE A L’HETEROGENEITE DU PUBLIC

Un des traits caractéristiques de la formation des adultes migrants est la grande hétérogénéité
des publics. Si, nous avons dit, une part importante des apprenants est faiblement scolarisée dans
son pays d’origine, cela ne constitue pas un facteur homogénéisant pour autant. Les intervenants
en formation linguistique sont contraints d’appliquer la règle empirique du plus petit
dénominateur commun en termes d’objectif, de progression ou d’activités. Cette règle non dite
qui vise à satisfaire les besoins du plus grand nombre d’apprenants, ne satisfait en réalité
personne : les uns peinent pour ne pas décrocher, tandis que les autres s’ennuient.

Les dispositifs pédagogiques qui pourraient remédier au problème de l’hétérogénéité, par une
démarche modulaire par exemple, sont difficiles à mettre en œuvre pour différentes raisons. La
première tient au coût occasionné par ce type de formation qui impliquerait davantage de
formateurs alors que le groupe hétérogène est animé par un unique intervenant. Or, quand on
connait les « tarifs » concédés par les financeurs, les organismes de formation sont en général très
prudents concernant ce genre d’innovations pédagogiques. La deuxième raison tient aux
pratiques des formateurs qui parfois préfèrent la sécurité d’une démarche traditionnelle et la
permanence du groupe, fût-il hétérogène, à une démarche modulaire, plus complexe à concevoir
et à mettre en œuvre. La troisième raison, enfin, tient souvent à l’organisation pratique des
organismes de formation et des groupes qui ne se trouvent pas forcément sur les mêmes sites
d’intervention, ce qui ne facilite pas la transversalité et la souplesse des modules. Faute de
pouvoir « panacher » les groupes, ceux-ci restent donc tels quels, constitués en fonction des
actions de formation qui se mettent en place au fil des financements et des réponses aux appels

Dr. PELEU STEPHANE


d’offre. Le problème posé par l’hétérogénéité des apprenants est masqué en partie par la
référence aux niveaux du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL).
Ceux-ci déterminent un certain niveau de compétences linguistiques à un moment donné du
parcours des apprenants et sont donc des photographies instantanées qui ne rendent pas compte
du processus d’apprentissage, c’est-à-dire du parcours déjà effectuer et des marges de
progression. Certains apprenants peuvent atteindre un niveau du CECRL en plusieurs années de
présence dans le pays d’accueil, tandis que d’autres l’atteignent en quelques mois. D’autres
encore le possèdent en arrivant. La constitution de groupes sur la base de ces niveaux de
compétence ne résout donc pas le problème de l’hétérogénéité des apprenants.

L’hétérogénéité des groupes d’apprenants en formation linguistique est un problème


majeur qui est très souvent à l’origine des abandons et de la démotivation de ceux qui n’y
trouvent pas leur compte. Si le principe de l’individualisation est très difficile à envisager,
compte tenu des contraintes que nous avons rappelé plus haut, une souplesse plus grande dans
l’organisation pédagogique est en revanche une piste à explorer.

XVI- LES CAUSES DE L’HETEROGENEITE DES APPRENANTS

Les migrants adultes ont emprunté des parcours qui ne suivent pas la ligne toute tracée de
la scolarisation menant à la vie professionnelle. Au-delà du fait migratoire lui-même, qui
représente en soi une rupture, il existe toute une série d’événements biographiques qui
singularisent les parcours individuels. L’origine géographique et/ou « culturelle », si tant est que
ce terme puisse encore avoir un sens n’est qu’un des nombreux éléments qui marquent leurs
parcours. Lorsqu’ils se retrouvent en formation linguistique, leur « niveau » de langue en français
est le produit de leur parcours socio langagier. L’hétérogénéité ne peut donc pas être mesurée à
l’aune de compétences linguistiques calibrées par des référentiels, mais en analysant l’ensemble
des données biographiques des apprenants, dans la mesure bien sûr où elles sont accessibles et où
cela n’enfreint pas les principes de respect de la vie privée des individus. Les facteurs
biographiques qui causent cette hétérogénéité dans les groupes d’apprenants sont de divers ordres
et je propose cette liste, sans doute incomplète.

Dr. PELEU STEPHANE


XVII- L’ORIGINE SOCIOLINGUISTIQUE

Les migrants sont originaires de pays où existent une ou plusieurs langues officielles mais
où peuvent coexister également des langues « nationales », plus ou moins reconnues par les
autorités politiques, ainsi que, parfois, des dizaines d’autres langues « périphériques » comme les
appelle Calvet (2002). Les migrants originaires d’Afrique, du Nord ou Subsaharienne, ont ainsi
vécu, avant leur arrivée en Europe, une situation de plurilinguisme de contact. Certains pratiquent
plusieurs langues avant d’apprendre la langue du pays d’accueil. Certains africains par exemple
peuvent ainsi être locuteurs natifs d’une langue périphérique, mais comprendre et/ou parler une
langue centrale locale et le français. Le degré de maîtrise de ces langues est variable, sauf pour la
langue première, mais le plurilinguisme individuel est bien réel. La place du français dans les
pays d’origine, et les rapports que les migrants entretiennent avec cette langue, sont extrêmement
variables d’un pays l’autre. Les nations d’Afrique subsaharienne issues de la colonisation
française ont choisi le français comme langue officielle, bien que cette langue ne soit parlée que
par une minorité de personnes. Au Maghreb, le français n’a pas de statut officiel mais il est
présent partout, comme une sorte de langue « officieuse ». D’autres pays d’origine des migrants
en revanche n’ont qu’un lien historique avec la France comme le Vietnam ou le Cambodge mais
le français y est très peu présent. D’autres enfin n’ont pas de rapports spécifiques avec le français,
comme la Turquie ou la Chine. Dans chacun de ces cas, et notamment les deux premiers en
Afrique, les situations sociolinguistiques et individuelles par rapport au français dans les pays
d’origine font naître beaucoup de cas particuliers.

XVIII- LA SCOLARISATION

C’est un facteur essentiel dont j’ai par ailleurs démontré l’importance. Si le niveau de
scolarisation s’est élevé depuis quelques années, la majorité des migrants possède un niveau
faible ou moyen de scolarisation, ce qui correspond à l’école primaire ou au collège en France.
Quel que soit le niveau de scolarisation atteint, ce qui compte pour notre propos c’est la grande
diversité des parcours scolaires dont le « niveau » là encore ne dit pas tout : en effet, le niveau
atteint dans les pays d’origine, autant qu’il est d’ailleurs possible de le comparer avec celui du
pays d’accueil, ne dit pas grand-chose de la qualité de cette scolarisation, si l’on pense par
exemple aux conditions précaires dans lesquelles elle a lieu dans certains pays émergents.

Dr. PELEU STEPHANE


La scolarité a d’abord un impact direct sur la maîtrise de l’écrit, qui a lui-même une
influence déterminante sur les formations linguistiques suivies et sur les capacités des migrants à
apprendre en milieu social. L’écrit permet en outre une distance métalinguistique dont l’absence
est en partie la cause d’un certain nombre de difficultés d’apprentissage. La scolarité a ensuite un
impact sur les habitus d’apprentissage, ces gestes, ces pratiques, cette organisation spécifique qui
font le quotidien du « métier » d’élève et qui sont utilement réutilisés en formation post scolaire
par les apprenants les mieux scolarisés. La scolarité permet en outre d’élargir l’horizon
symbolique et les connaissances des apprenants, leur offrant la possibilité de prendre de la
hauteur et d’organiser le corpus des nouveaux acquis pour leur donner un sens en les intégrant à
une configuration intellectuelle solide. Cette question du niveau de scolarité est une ligne de
rupture majeure chez les apprenants adultes en formation linguistique et elle transcende toutes les
autres différences d’origines nationales, géographiques ou linguistiques notamment.

XIX- LES ORIGINES SOCIALES

Le niveau de scolarisation et l’origine sociale ont souvent partie liée, même si ces deux
aspects ne se recoupent pas complètement. Les apprenants les moins scolarisés sont également
ceux qui appartiennent aux catégories populaires dans leurs pays d’origine. Cette question de
l’origine sociale ne se pose d’ailleurs que par rapport à la situation des apprenants dans leur pays
d’origine. En effet, la position qu’ils occupent dans le pays d’accueil est difficile à prendre en
compte puisque l’on constate des phénomènes de déclassement social suite à la migration : des
migrants occupant des positions sociales élevées dans leur pays d’origine sont contraints
d’accepter des emplois qui ne correspondent pas à leurs qualifications. Les origines sociales ont
un impact sur les systèmes de représentation du monde, sur les rapports au savoir et à
l’apprentissage ou sur le langage, entre autres. C’est la vaste question de la ou des « cultures »
populaires, analysées par les historiens, les ethnologues ou les sociologues dont les résultats
montrent les spécificités, quelles que soient les latitudes ou les époques, au regard des cultures
dominantes, du point de vue social, économique ou symbolique. À cet égard, il ne s’agit pas
d’interpréter ces rapports spécifiques, au langage ou à l’apprentissage en particulier, comme le
fait de particularités quasiment génétiques, mais par le fait que « Le » populaire, pour reprendre
l’article défini utilisé, est d’abord et surtout une réalité économique et sociale : « Le » populaire
est d’abord défini par des positions sociologiques objectives (ouvrier, employé, paysan, artisan,
etc..). Sa vision du monde, ses représentations, ses constructions symboliques prennent souche

Dr. PELEU STEPHANE


dans les pratiques et non dans une configuration intellectuelle indépendante de la réalité. C’est
une ligne de rupture majeure, là encore, qui transcende les origines géographiques ou
linguistiques et qui constitue un facteur de l’hétérogénéité des groupes d’apprenants.

XX- LE PARCOURS DANS LE PAYS D’ACCUEIL

Concernant les primo-arrivants, le parcours est limité puisqu’il s’agit de moins de deux
ans de présence en France, bien que les deux premières années suffisent parfois à certains
migrants pour acquérir des compétences leur permettant d’interagir de façon efficace. Pour les
autres, le temps de présence dans le pays d’accueil joue un rôle essentiel mais il n’est pas
toujours décisif : si, je viens de le dire, certains migrants deviennent des locuteurs efficaces en
quelques mois, d’autres en revanche éprouvent des difficultés majeures de communication après
plusieurs années. De nombreux facteurs, que je ne peux qu’évoquer ici, jouent un rôle dans cette
situation et ils renvoient aux voies socio langagières de l’acquisition en milieu social : les
rapports plus ou moins denses avec les natifs, les contacts professionnels, l’importance de
groupes de même origine linguistique, etc.

XXI- LES PARCOURS INDIVIDUELS DE VIE

Ce sont des données qui sont difficilement classables et généralisables, mais qui peuvent
avoir une importance majeure pour certains migrants, comme par exemple la vie en commun
avec un natif. D’autres migrants en revanche entretiendront des liens constants avec leurs proches
restés au pays. Le projet migratoire joue à cet égard un rôle important : certains migrants font le
choix, au moins sur le principe, d’un séjour limité avec l’idée du retour ou, au contraire, d’autres
font le choix d’une installation définitive. Pour ces deux catégories de personnes, l’implication
dans l’apprentissage, en milieu social et/ou en formation, n’est pas le même : les premiers se
contenteront du minimum vital tandis que les autres s’investiront davantage.

Dr. PELEU STEPHANE


CONCLUSION

Ces éléments d’analyse n’épuisent sans doute pas la question de l’hétérogénéité des
apprenants et des migrants de façon générale. Ceci démontre en tous cas que la catégorie générale
des migrants n’est qu’une illusion d’optique : au-delà de la définition administrative (un migrant
est une personne étrangère née à l’étranger, vivant en France avec l’intention de s’y installer
durablement), il est impossible de dresser un portrait type, tant les parcours sont différents. C’est
pourquoi la question de l’analyse de la biographie socio langagière et sociologique des personnes
est déterminante. Ceci ne signifie pas qu’une analyse globale soit impossible : il ne s’agit pas
d’une atomisation méthodologique mais d’une nouvelle approche intégrant la complexité des
situations individuelles, elles-mêmes étroitement dépendantes du contexte économique, social et
politique. Le langage, et sa réalité fondamentale qu’est l’interaction, possèdent d’abord, mais pas
exclusivement, une dimension sociale : les aspects sémiotiques ou cognitifs sont bien sûr très
importants, mais ils dépendent eux-mêmes du fait que les pratiques langagières sont avant tout
des pratiques sociales. Analyser et comprendre le parcours socio langagier des migrants, c’est-à-
dire le processus d’appropriation de la langue du pays d’accueil, c’est donc nécessairement
contextualiser ce parcours et ce processus. L’analyse multifactorielle de ce parcours
d’apprentissage, en étroite connexion avec les biographies sociales des migrants, peut permettre
d’éviter les dérives fixistes, substantialistes ou essentialistes de définition, ou plutôt d’hétéro-
désignation, des « cultures » des migrants, « du » plurilinguisme ou des « communautés ». Ces
étiquetages, intellectuellement confortables, figent la réalité d’un processus complexe qui tient
bien davantage du parcours concret d’individus concrets que de catégories symboliques
préconstruites et sur-pensées.

Dr. PELEU STEPHANE


PLAN DE TRAVAIL CONCLUSION

INTRODUCTION

I. L ’APPROPRIATION D’UNE NOUVELLE LANGUE


1-APPRENDRE OU ACQUERIR UNE LANGUE
II. LE ROLE DES INTERACTIONS VERBALES
III. LES INTERACTIONS S’INSCRIVENT DANS LE CADRE DES RAPPORTS SOCIAUX
IV. L’INTERACTION : REALITE FONDAMENTALE MAIS NON UNIQUE DES P
V. LES CONTEXTES SOCIAUX D’ACQUISITION D’UNE LANGUE ETRANGERE
PRATIQUES LANGAGIERES
VI. LES VOIES SOCIO LANGAGIERES DE L’ACQUISITION
VII. LE TRAVAIL
VIII. LES RELATIONS TRANSACTIONNELLES
IX. LES RELATIONS INTERPERSONNELLES
X. LES ALTERATIONS LANGAGIERES
XI. LES MARQUES DES CONTEXTES SOCIAUX SUR LE PROCESSUS D’APPRENTISSAGE
XII. LES POSITIONS SOCIALES DES INTERLOCUTEURS
XIII. LES CONTRAINTES MATERIELLES DES INTERACTIONS VERBALES
XIV. LES CONSEQUENCES SUR LA CONSTRUCTION DE L’INTER LANGUE
XV. LES BIOGRAPHIES SOCIOLOGIQUES ET SOCIO LANGAGIERES
1.LA FORMATION DES ADULTES FACE A L’HETEROGENEITE DU PUBLIC
XVI. LES CAUSES DE L’HETEROGENEITE DES APPRENANTS
XVII. L’ORIGINE SOCIOLINGUISTIQUE
XVIII. LA SCOLARISATION
XIX. LES ORIGINES SOCIALES
XX. LE PARCOURS DANS LE PAYS D’ACCUEIL
XXI. LES PARCOURS INDIVIDUELS DE VIE

CONCLUSION

Dr. PELEU STEPHANE


REPUBLIQUE DU CAMEROUN REPUBLIC OF CAMEROON

Paix-Travail-Patrie Peace-Work-Fatherland

****** *******

MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR MINISTRY OF HIGHER EDUCATION

******* *******

UNIVERSITE DE MAROUA THE UNIVERSITY OF MAROUA

******** *******

FACULTE DES ARTS, LETTRES ET SCIENCES FACULTY OF ARTS LETTER AND SOCIAL
HUMAINES SCIENCES

******** ********

DEPARTEMENT DE FRANCAIS DEPARTMENT OF FRENCH

********** *********

TRAVAIL DIRIGE

UE 233: SOCIOLINGUISTIQUE

THEME : le contact de
langues en migration
Présenté par :
Nom et prénom Matricule

ASTA YOUGOUDA SYLVIE 19D7811FL

ALLARESSEMMADJI DINGUEMNODJI 18D4197FL

ALLADIGUIM CHERUBIN 18D3778FL

AHMAT SOULEMAN 18D3050FL

DJASRABE SYLVAIN 18D1319FL

DJIABAYE DJIMADOUMADJI 18D3321FL

HAIPELBA DOURE SANDRINE 19D 7506FL

LAPIA ALLARASSEM SIMPLICE 18D0819FL

MBAIRASSEM PHYLIAS 18D0051FL

MBAINODJI CESAIRE 18D1283FL

MAIMOUNATOU ABDOUL TATE 19D7631FL

MBERRI MAMMA NDOBDIE 19D7892FL

MAIROUSKA CLARISSE 19D7845FL

TEOUZOU EDOUARD 17D0887FL

YEBRA GAO 17D1342FL

YVE MOIMOU 18D1358FL

Dr. PELEU STEPHANE


2020 /2021
Dr. PELEU STEPHANE

You might also like