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ENTRETIEN AVEC (> GERARD BLAIN par Frantz Gévaudan As-tu conscience du décalage exis- tant entre la banalité apparente de tes sujets et l’aspect trés moderne de ton écriture ? Je ne sais pas si mon écriture est moderne, tout ce que je sais c’est qu’il ne m’est pas possible de filmer autrement. Quant a mes sujets, c’est vrai qu’ils sont toujours a la limite du mélodrame. Ce petit cdté veillée des chaumiéres peut paraitre banal. Disons alors que c’est justement cette banalité qui m’intéresse dans la mesure ou elle raméne l'homme, a Vindividu. iy a dailleurs une constance assez exceptionnelle dans tes thémes. Oui. La famille, les enfants, les rap- ports de classe — bien que je ne pré- tende nullement étre, au sens cou- rant du terme, un cinéaste « engagé » —, la circulation de |’argent, l’amitié. La famille, surtout, est au coeur de chacun de tes films. Pourquoi fui donnes-tucette importance ? Parce que c’est la cellule fonda- mentale de la société. Un gosse qui nait commence par voir son pére et sa mere. C’est ce que tu as montré au début du Pélican. Oui. Evidemment, la famille tradi- tionnelle, fondée sur une hiérarchie 6tablie des valeurs, oU le pére, la mére, les enfants ont une place bien définie ne m/’intéresse pas. Mais cette structure familiale peut permet- tre d’autres rapports qui, eux, me pas- sionnent. Lorsque tu t’intéresses 4 un suiet,de quoi pars-tu, d’idées ou d’images ? Ni d’idées, ni d’images. La visuali- sation du scénario_ intervient au moment ou j’écris. Et partir d’idées, pour moi, cela implique une volonté de démontrer a laquelle je me refuse. C’est vrai qu’il y a tout un cinéma ou les metteurs en scéne partent de grandes idées qu’ils matérialisent, qu’ils concrétisent au moyen de per- sonnages. Ils vont de |’abstrait au concret. Je fais exactement le con- traire. Je pars de personnages con- crets, réalistes, authentiques et je tends vers l’abstraction. Par exem- ple, dans Un second souffle, je suis parti de Stack, bourgeois arrivé, a un certain moment de sa vie. J’ai essayé, par le scénario, de le situer dans son environnement et de mettre en place des rapports cohérents, logiques, entre les divers personna- ges. Puis, par la mise en scéne, je débouche sur la vieillesse et la mort. C’est la démarche inverse. Tu reprends ici le schéma de départ des Amis. Ressentais-tu le besoin de le développer différem- ment ? C’est vrai que Catherine d’Un second souffle c’est un peu Paul des Amis. lls sont du méme milieu, tout comme Philippe et Francois, ils ont la méme soif de tendresse et de protec- tion. Et puis, bien que cela soit anec- dotique, ils sont tous les deux apprentis comédiens. Cela dit, les rapports entre Paul et Philippe ne sont pas les mémes que ceux exis- tant entre Catherine et Francois. Mais, si j’ai eu envie de revenir sur ce sujet, c’est sans doute parce que, dix ans aprés, j’avais de nouvelles choses a dire. Dés que !’on refuse les explications psychologi- ques, on prend des ris- ques... Es-tu conscient de ta propre évolu- tion a travers tes films ? Pas tellement. Je ne vois pas trop ce qui peut I’indiquer. La fagon dont tu représentes les femmes, par exemple. Mireille Amiel souligne, 4 juste titre, qu’Un second souffle est /e premier de tes films exempt de toute misogy- nie. Alors qu’Isabelle, dans \e Péli- can, était un personnage assez chargé. On a surtout I’impression que les personnages féminins com- mencent vraiment a t’intéresser. Sophie Desmarets reste toujours attachante, méme si elle ne fait pas entiérement partie de ton univers. Elle n’en fait peut-étre pas partie, mais ce qu'elle dit, ce qu'elle fait, son comportement raméne bien a ce que je suis, a ce que je pense. Je la trouve plus nature que Francois, elle domine la situation. Et c’est vrai que Catherine est un trés beau réle de femme. La je vois bien |’évolution. Mais, peut-6tre que dans mon pro- chain film les femmes seront profon- dément dégueulasses. Cette évolu- tion est momentanée, voire acciden- telle. Pour les besoins du film ? Oui. Cela dit, je n’ai jamais compris comment on pouvait me traiter de misogyne. C’est vrai que, dans mes précédents films, les femmes n’avaient pas la part trés belle. Mais ce n’étaient que des personnages. Je n’ai jamais prétendu représenter «la femme ». Et puis, quand méme, la mére de Paul, dans Un enfant dans la foule, est filmée avec beaucoup de chaleur. Pour moi la misogynie, ce n’est pas ca. C’est le cinéma améri- cain, précautionneux, paternel, qui montre des femmes que |’on ne doit pas brusquer, pas facher, pas cho- quer. La misogynie, c’est la galante- rie. A la limite, c’est Truffaut. Et puis jen ai un peu marre de ces modes. Maintenant, pour ne pas étre misogyne, il faut étre féministe. Je n'ai pas envie de parler du MLF... De toute facon, ton cinéma est essentiellement centré sur les hom- mes. Bien sdr. Je suis un homme et je parle des hommes. Il y a de plus en plus de femmes qu’il font du cinéma. C’est aux femmes a parler des fem- mes. A chacun son univers. I t’est difficile d’envisager un film dont le personnage principal serait une femme ? Oui. Dans mes films, les femmes, méme si elles ont le beau réle, comme dans Un second souffle, ne peuvent exister qu’en contrepoint. Etant un homme, je ne peux parler d’elles qu’a travers ma propre sensi- bilité. Un second souffle c’est d’abord Francois. Pourquoi Robert Stack ? Quand le scénario a été terminé, je Vai fait lire 4 deux grands comédiens francais avec qui j’aurais aimé travail- ler. A priori, je n’avais pas du tout intention, alors que je n’avais pas d’argent, de me compliquer les cho- ses en allant chercher ailleurs ce que je pouvais trouver sur place. J’avais pensé a deux acteurs trés importants qui, en méme temps, auraient pu m’aider a trouver de l’argent pour monter le film. Tous les deux ont refu- sé. Pourquoi ? Le premier trouvait qu’il n’y avait Pas assez d’humour et le second, qui n’a méme pas pris la peine de lire le scénario jusqu’au bout, n’y a vu que des clichés. C’est vrai que si l’on en reste au script on peut avoir cette crainte. Peut-6tre. Mais quand on sait ce que je fais, on devrait pouvoir dépas- ser une simple lecture. Tous mes scénarios, je le sais, sont assez mélodramatiques. Le Pélican, par exemple... Mais un acteur conscien- cieux devrait voir, dés le scénario, ou le cinéaste veut aller. Qu’il aime ou qu’il n’aime pas histoire, c’est autre chose. Et puis, méme 4 la lecture, on pouvait se rendre compte que les dialogues, eux, n’étaient jamais mélodramatiques. Ils sont trés res- serrés. Il n'y a pas une phrase de trop. Et les situations sont, finale- ment, plus classiques que conven- tionnelles. Un homme qui aime une femme, en soi, cela n’a rien de conventionnel. Tout est dans /a maniére de représen- ter. C’est ca. Un homme de cinquante- cing ans qui vit avec une fille de vingt-cing, cela peut donner le pire mélo, ou bien autre chose. Les deux comédiens n’ont pas vu que cela pouvait déboucher sur autre chose. Alors j’ai cherché. On m’a parlé de Robert Stack. J’ai pensé que c’était une idée intéressante. Je lui ai envoyé le scénario et les critiques de mes précédents films. Il a tout de suite 6té accroché. On a discuté pen- dant deux ou trois mois, et il a accepteé le réle. As-tu été amené a modifier le scéna- rio ? Pas tellement. Nous avons, Michel Pérez et moi, réajusté les dialogues pour motiver |’accent de Stack. Mais je savais qu’il parlait francais et qu’il pouvait dire un texte appris par coeur. Et son accent n’est pas typiquement anglo-saxon. C’est un accent indéfi- nissable qui n'est pas celui que |’on attend d’un Américain ou d’un Anglais Tu es satisfait de ton choix ? Oui. Pour moi c’est l'un de ses meilleurs rdles. Il en a d’ailleurs été le premier surpris. Travailler avec un comédien habi- tué 4 un cinéma trés différent du tien t’a-t-il posé des problémes par- ticuliers ? - Non. Parce que les acteurs améri- cains, et surtout ceux de cette géné- ration, ne jouent pas tellement. lis n’ont pas_ de tradition théatrale comme en France. Je n’ai pas vu Les Incorruptibles, mais je suis sdr que Stack ne jouait pas. Et c’est tout a fait le type d’acteurs qui me convient. Je déteste les acteurs qui « jouent ». Sans doute parce que, lorsque j’étais comédien, je refusais de jouer. Je ne savais pas. Dans tes films précédents, tu as surtout fait appel 4 des acteurs non-professionnels. Pourquoi ce changement ? Je ne sais pas trop. C’est vrai que j’étais jusqu’a présent un farouche défenseur des non-professionnels. lls aménent une vérité sociale que trop souvent les comédiens n’ont pas, dans la mesure ou ils évoluent dans un univers confortable. Si j’ai changé, le sujet y est pour beau- coup. Et ce n’est pas définitif. J’ai en projet un film sur la vie d’un vieux paysan et je ne vois pas comment je pourrai utiliser un comédien profes- sionnel pour jouer le réle. Ce qui est curieux, c’est que lors- que tu prends des comédiens pro- fessionnels tu les fais jouer comme s’ils ne I’é6taient pas. C’est vrai. Je te disais que je n’aime guére les comédiens qui «jouent»... Parce que cela va a Vencontre de ce que je recherche. Et souvent, cela ne déplait pas aux comédiens de sortir de leurs habitu- des. Sophie Desmarets, qui est "exemple typique du tempérament, de l’exubérance, a beaucoup aimé composer un personnage trés diffé- rent. Elle a tout de suite compris ce que j’attendais d’elle. Cela ne lui a pas posé trop de pro- blemes de sortir de ses emplois ha- bituels ? Peeler irae Car Meee ee ele un film tous les ans, j'ai olde eae Cue Non. Cette conception un peu «neutre » du jeu est d’autant plus facile 4 assimiler lorsque le dialogue a assez de force pour se suffire a lui- méme. Quand Sophie dit a Frangois : «Tu as une 750 Yamaha», ce n’est pas la peine de forcer la réplique pour en souligner le cété un peu cocasse. Pas de piéonasmes... C’est ga. Trés souvent on en rajoute, sans raison valable. C’est terrible comme les gens, chez nous, sont imbibés de tradition théatrale, psychologique, naturaliste. Toi, tu te veux plutot réaliste ? Oui. Je pense que mes films sont plus vrais que les films naturalistes. Parce que je suis persuadé qu’il y a une spécificité de l'image cinématogra- phique. Le cinéma est une écriture... Bien sdr. C’est Bresson qui est dans le vrai. Singer la réalité, la reproduire platement sans recréer, cela ne m’intéresse pas. Mon travail de cinéaste, c’est a ce niveau qu’il se situe. Ma fagon de filmer part de la. Cette spécificité de I’image, com- ment I’obtiens-tu ? Je ne sais trop. Mais je sais, en tout cas, ce que je ne veux pas faire. Je refuse les effets, les procédés, les trucs. Tout ce qui surcharge, et, par la, dénature, affadit. Je n'ai jamais fait de zooms. Pour moi c'est le symbole méme de I'artifice. Cela dit, il est difficile d'expliquer pour- quoi a tel moment j’utilise telle focale, pourquoi je choisis tel ou tel mouvement de caméra. C’est assez mystérieux... Ton systématisme vis-a-vis de la post-synchronisation reléve proba- blement de la méme démarche. Evidemment. L’image c’est aussi le son. Je veux des sons purs, qui ne soient pas parasités par le passage d’un avion ou d’une voiture. Un son, pour moi, doit étre créé de la méme fagon que l’on crée une image. Et ce n'est pas facile. Pour chaque film, la post-synchronisation me demande trois bonnes semaines de travail, car tout, absolument tout, est reconstitué. Ce refus d’une fiction qui avance par effets psychologiques plaqués sur le réel entraine, en contrepar- tie, V'importance primordiale des signes. Comment les choisis-tu ? Mes films sont des films de com- portement. Par voie de conséquence je suis bien obligé, effectivement, de donner des signes qui permettent d’expliquer le comportement de mes personnages. Et des signes qui doi- vent 6tre trés présents. C’est au niveau du scénario que ce travail commence. Est-ce que tu visualises beaucoup au stade de I’écriture ? Enormément. Je crois que |’on peut méme dire que mes scénarios sont complétement visualisés. Ce qui explique sans doute que les dialo- gues soient si épurés. J’ai déja visualisé ce qui permettra d’expliquer un comportement. Au moment de Vécriture, j'éssaie d’étre le plus concret, le plus évident possible. Et je pense que laforce de mesfilms, si force ilya, vientdela. C’est une route périlleuse. Si le signe manque de crédibilité ou de puissance, la logique du comporte- ment tombe. Je n’ai pas trouvé, pour ma part, trés convaincant le plan du char dans Un enfant dans la foule. C’est un plan que j’aime beaucoup, mais je me demande si je ne me suis pas légérement trompé de distance. Je voulais que le char envahisse complétement l’espace, fermant Vimage. Et j’ai un peu raté ce que je voulais exprimer. C’est vrai. Dés que Von refuse les explications psycholo- giques, on prend des risques... Par contre, dans Un second souf- fle, ily a un signe particuliérement fort, c’est celui de la noce en Bre- tagne. Comment en as-tu eu Iidée ? C’est une séquence importante. Je voulais qu’on comprenne que Fran- cois se sent frustré devant une vie qu’il ne peut plus mener. Et puis il y eu, juste avant, la visite 4 sa maison d’enfance qui, elle, est un signe de mort. Signes de vie, signes de mort. C’est un film qui balance constam- ment, parce que c’est un film sur le vieillissement. Cela dit, c’est difficile d’expliquer a froid comment on choi- sit tel ou tel élément de mise en scéne. Je pense que |’intuition joue beaucoup. Et la réflexion aussi. Je suis un instinctif qui filtre énormé- ment ses sensations. Parce que, dés ledépart, je sais ol je veuxaller. J’ai_ beaucoup aimé, également, dans Un second souffle, ta fagon d’expliciter ce travail de sape du temps qui détruit peu 4 peu le corps C'est tout le film! Montrer les signes du vieillissement, les signes concrets, palpables, tangibles. Il n'y a qu’a regarder une machoire. Les caries, puis les trous que l’on comble avec des couronnes, des bridges... L’intelligence ne change pas, ou tout au moins pas beaucoup. J’ai quarante-huit ans. Et, souvent, j’ai Vimpression que j’en ai vingt. C’est quand je me regarde dans une glace ou quand je cours au Bois de Boulo- gne, que je vois la réalité. L’image que tu donnes du vieillis- sement n’est guére euphorique... J’accepte pourtant assez facile- ment l’idée de vieillir. Mais ce que je veux dire, c’est qu’on ne peut pas vieillir comme Francois. Ce n’est pas possible. Francois est trop immature. On ne peut pas passer sa vie a épier la moindre ride nouvelle. C’est peut-étre plus difficile de vieillir si l'on n’a pas trouvé un minimum de sécurité affective. Il y a, chez Frangois, un cété « feu fol- let » qui explique son comportement. Absolument. C’est toute la morale du film. Ce n’est peut-étre pas |’unique solution, mais c’est la mienne. Il faut allerversunecertaine paix. In’y a pas beau coup de happy-ends dans tes films... Sans doute. Surtout dans celui-ci. Francois a fait plus de chemin qu’il ne lui en reste a faire. Dans mes autres films, il reste quand méme Vespoir car les personnages sont jeunes. Dans les Amis, Marc reste enrichi de sa rencontre avec Philippe et la fin du film le montre ouvert a la vie, tout comme Paul dans Un enfant dans la foule. Et dans le Pélican, le personnage reste volontaire. Il est la et il attend. La fin peut tout de méme paraitre particuliérement désespérée. Si c’était ce que j’avais voulu faire, j'aurais terminé sur le plan ot Paul pleure, dans les buissons, quand il est poursuivi par la police. J’ai ter- miné sur le plan suivant, ot on le voit, énergique, volontaire, planté devant les fenétres de |l’appartement ou vit son fils. Il y a la, me semble-t- il, une dynamique de vie qui empé- che que l'on s’arréte a un simple constat de désespoir. Mais la disproportion entre les for- ces en présence est telle que I’on peut se demander s’il pourra s’en sortir et reconquérir son fil: peut penser que Marc est défir vement récupéré par sa nouvelle famille et que le contact avec son pére ne sera plus possible. Bien sir, il y a des traumatismes de l’enfance dont on ne se débar- rasse jamais. J’avais neuf ans quand mon pére a quitté ma mére. II habite a cing cent métres de chez moi et il a soixante-dix-huit ans. Je n’ai jamais voulu le revoir. Il a tout brisé, tout saccagé. C'est pour ca que Paul, dans Un enfant, a cette réaction de haine quand il voit passer son pére. Cette haine, c’est un peu la mienne. La voix du sang, tu n’y crois pas ? Ah non! J’ai fait le Pélican pour le dire. Le pére n’est important que dans la’ mesure ow il s’assume en tant que tel. Mais il peut y avoir un instinct paternel aussi puissant que I'ins- tinct maternel ? Bien sdr. J’ai gardé mon fils ainé, Paul, a partir de quatre ans. Je le lavais, je le faisais manger, je lui achetais ses vétements. Dans le Péli- can, j'ai essayé de montrer comment jaurais pu réagir devant une pareille situation. Au fond les films sont tous autobio- graphiques. Encore faut-il_s’entendre sur le sens des mots. C’est vrai pour ce qui concerne les sensations que je veux traduire. Mais c’est entiérement faux pour ce qui concerne les faits précis. Je ne raconte rien qui me soit direc- tement arrivé. Je n’ai vécu aucune scéne d'Un enfant dans la foule. Mais j’ai vécu chacune des émotions du film. La vérité des personnages ne nait pas forcément des autobio- graphies littérales. S’ily a une grande fidélité dans tes thémes et tes personages, il n’y en a pas en ce qui concerne ton équipe technique. Pourquoi? On pourrait au contraire penser que tu serals attaché a tourner avec les mémes personnes. C’est vrai. Mais quand on a des moyens financiers limités on ne peut pas toujours faire ce que |’on veut. Tout ce que je peux te dire, c’est que je n’ai pas l’intention de changer mon chef-opérateur actuel, Emma- nuel Machuel. Et j'ai travaillé avec le méme cadreur dans les Amis, le Péli- can et Un enfant dans la foule. Michel Pérez avait déja collaboré au scénario d’Un enfant. J’aime bien les équipes soudées. Quelle est la part de Michel Pérez et comment travaillez-vous ? C'est difficile a dire quelle part revient a l'un ou a l’autre. Je n’aime pas travailler seul a un scénario, J’ai besoin de quelqu’un avec qui je puisse dialoguer, avec qui je puisse discuter du déroulement de I’histoire. En quelque sorte, il me faut établir une résonance. Avec Michel, c’est facile parce que nos_ sensibilités s'accordent et se compleétent. C’est un travail de critiques réciproques qui permet au scénario d’avancer. Sept ans de cinéma comme réalisa- teur et seulement quatre films. C’est peu. -Est-ce vraiment ton rythme ? Avec un peu plus de chance j’aurais pu en tourner un ou deux de plus. Mais c’est tout. Je ne pourrais pas tourner un film tous les ans, j'ai besoin de plus de temps. Cela dit, c’est vrai que je n’ai pas plus tourné par manque d’argent. Faire un film demande beaucoup d’énergie... Terrible. Ga use jusqu’a la moelle. Un second souffle m’aura pris deux ans de ma vie. ll y a deux ans je ter- minais le scénario. Pour monter Vaffaire, il m’a fallu plus d’un an. Et encore, j’ai commencé a tourner sans que tout soit régié sur le plan financier. J’ai pris de trés grands ris- ques. Si le film ne marche pas, il n’est pas certain que ma maison de production puisse continuer. Avec qui I’as-tu produit et combien a-t-il couté ? J’ai produit le film avec TF1 et une petite co-production allemande. Gau- mont a également participé, a la fin du film. Avoir Robert Stack m’a évi- demmentaidé. Et le filma coaté 3,5 mil- lions. On ne peut pas faire moins, a moins de tourner dans une piéce avec deuxcomédiens... Tant qu’on reste en 35mm. Le 16 mm est tout de méme moins cher. Voire. C’est vrai au moment du tournage. Au lieu de payer dix ou douze millions de pellicule, on n’en Paye que deux ou trois. Mais il faut gonfler le film et a la fin du compte les prix de revient sont, a quelque chose prés, identiques. Le seul avan- tage se situe au niveau de la trésore- rie. La différence est sans doute plus sensible lorsque |’on fait un cinéma trés mobile avec la caméra_ sur épaule et le son synchrone. Dans ce cas le 16 mm est intéressant. Mais ce n’est pas mon cas. As-tu bénéficié de I’ai tes? ince sur recet- Oui. 600 000 F. C’est peu par rap- port au budget et a |’ambition de mon film. Mais la politique qui réglemente la création est complétement aber- rante. C’est la confusion la plus totale. On distribue a droite et a gau- che, sans critéres de choix. Le cinéma francais est aux mains d’énarques qui n’y connaissent rien. Si encore ils se contentaient de gérer! Mais ils ont des prétentions artistiques. Et c’est dramatique. Continuer ton métier de comédien ne pourrait-il pas t’aider a faire des films ? A faire des films sGrement pas. A mieux vivre sans doute. J'ai une famille. Et qui compte beaucoup pour moi. Seulement on ne fait plus appel a moi. On prend toujours les mémes. Je crois que je pourrais pourtant trouver ma place. Comment as-tu 6té amené 4 jouer dans I’Ami américain ? J’étais @ Cannes avec Wim Wen- ders, lui pour Au fil du temps et moi avec Un enfant dans la foule. Il a aimé mon film et m’a proposé de tourner avec lui. Gérard Blain dans le réle de Paul adulte et pére dans le Pélican. ily a beaucoup de similitudes dans vos univers. La solitude, l’errance sont des themes que vous avez en .commun. Et Wenders, comme toi, aime bien faire s’entrechoquer le monde des enfants et celui des adultes. C’est possible. Je ne me rends pas bien compte. Mais j'avais beaucoup aimé Au fil du temps. J’y retrouve ce cinéma du comportement qui est le seul qui compte a mes yeux. Comment te situes-tu par rapport au cinéma frangais ? Je n’ai aucune référence. A aucun cinéma. Tout ce que je peux dire, c’est que la seule chose qui m’inté- resse, ce sont les problémes humains. J’espére n’étre pas le seul... Propos recueillis par Frantz Gévaudan Pendant que la mére dort, et avant que le pére ne soit mis en prison.

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