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Le XX° sidcle / 275 rationnelle du fond, La forme chez Valéry est aussi parfaite ue chez les parnassiens les plus sévéres : la virtuosité des allitérations, la magnificence précise et neuve du vocabulaire, l’'indépendance audacicuse de la syntaxe, la fougue du mouvement dans les strophes lyriques s’unissent ur enserrer la pensée dans une enveloppe aussi dense que précieuse. Le mouvement Dada. Fondé en 1916 4 Ziirich par un jeune poéte roumain, Tristan Tzara, il peut étre considéré comme le précurseur direct du Surréalisme. Dada préne une négation totale volontiers agressive. Malgré des relations souvent orageuses jusqu’a leur rupture en 1922, Tzara a confirmé les tendances de ceux qui allaient en 1924 fonder le mouvement surréa- liste, c’est-’-dire essentiellement André Breton, Paul Fluard, Louis Aragon, Benjamin Péret et Philippe Soupault, Le Surréalisme Plus nettement encore que d’autres mouvements, le Surréalisme est inséparable de son époque et notamment de la Grande Guerre qui I’a marqué. Lorsque l’armistice de 1918 est signé, on mesure I’énormité des ravages et la minceur des résultats. Ceux qui allaient étre les surréalistes sont particuliérement sensibles a ce décalage tragique, dont ils s'autorisent pour proclamer Ia faillite de Ja civilisation, & ak son droit, son art, sa morale, sa science et sa religion, as ne compromises dans le désastre. Les surréalistes C'Hing rug intéresser & tout ce qui est irrationnel (physique iene) et? intuitionnisme bergsonien, psychanalyse freu- démare! ¢t, quoiqu’ils se soient toujours défendus de cette titre cot Se chercher des ancétres parmi ceux qui, dun envers Jes op autres sont animés d'un certain nihilisme le Sade dela traditionnelles, qu’il s’agisse du marquis ° L'essenti ; utréamont, de Rimbaud ou de Jarry: i Surréa iste de la doctrine est rassemblé dans le A lanifeste tisme ps 4194) | ui souligne son caractére d’automa- 'ychique, absence de tout contréle exercé par la 276 / HISTOIRE DE LA LITTERATURE FRANCAISE aison comme de toute préoccupation esthétiqu Le Surréalisme refuse d’étre considéré comine inten ie littéraire succédant a bien d’autres. Son ambition n’est oe de définir une nouvelle esthétique, encore moins de case des ceuvres d’art achevées, mais d’ouvrir des cham; i inconnus A investigation humaine, celui du réve, de fa folic, du mythe, de Pinconscient. Si Valéry proclame que le po&me doit étre une féte de lintellect, Breton affirme qu'il doit en étre la débacle et qu’une hallucination est plus intéressante qu’un raisonnement. e Pour atteindre ce but, les surréalistes ont pratiqué Lécriture automatique, qui consiste A transcrire tel quel, dans son désordre et son incohérence, tout ce qui te présente a l’esprit en dehors de tout’ contréle rationnel. La sincérité, Vauthenticité absolue, permettent alors @atteindre une sorte de monde surréel ot, pour reprendre quelques expressions célébres, les poissons sont solubles, les cadavres exquis, et ott les revolvers peuvent avoir des cheveux blancs. André Breton (1896-1966) a été Pame, on nose dire le chef, mais on dit le pape, du mouvement surréaliste. Il Pa dominé et plus que tout autre il a contribué ale définir, 4 Porienter, et en a jalousement gardé I’ orthodoxie Ses études de médecine, puis son affectation pendant la guerre de 1914-1918 4 un hépital psychiatriau i donnérent occasion de connaitre les théories de _ sur P'inconscient. Et bien vite il s’intéressa aux mouvement d’avant-garde, comme celui de Dada, auxquels il re. urtant assez vite d’étre trop exclusivement negal ria e méme aprés avoir eu, comme tout son groupe, “ i e politique que © sympathies pour le nouveau systém\ pores Mt rit révolution d’octobre 1917 avait installé 2 ORS ast rapidement ses distances par rap) ore % ewpériente qu’il accusa de méconnaitre la spect cit oo oGak surréaliste, irréductible & Péconomique ot ates th éoriques Breton a été le principal artisan, des o rapes Scion qe du surréalisme ; il_a écrit aussi en CO) fon 8 Soupault, Juard, En poésie comme, tes, ’Son chef le secret des images frappante® Me Nadja (1928): e doeuvre est peut-étre le court © eS euse aux « yeux nom de I’héroine, jeune femme my’ Le XX sidcle / 277 ugeres. » qui est pour le narrateur moins Ja 1 inne histoire d’amour qu’une initiatrice plus! famanize que {ui-méme au monde surréel, i¢re Louis Aragon, du Surréalisme au communisme n fut, avec Breton, un des fondateurs du 4 lisme. Aprés avoir participé a toutes les premitres nee il séloigne de Porthodoxie surréaliste, représentée par Breton, pour adhérer 4 Porthodoxie communiste. Aprés un voyage en U.R.S.S. (1930), la rupture a éclaté. Dans Hourra [’Oural (1934), Aragon se ‘ait le chantre de la révolution russe. Alors s’ouvre pour lui une période féconde de production romanesque (cf. p. 268). La défaite de juin 1940, occupation et la Résistance réveillent son inspiration poétique. Dans d’admirables recueils (Le Créve-Coeur, 1940; Les Yeux d’Elsa, 1942; La Diane Frangaise, 1944), le théme de amour se méle subtilement a celui de ja patrie. Le Roman inachevé (1956), Le Fou @ Elsa (1963) complétent cette ccuvre riche et variée. Virtuose admirablement maitre de son archet, Aragon arrive a faite vibrer, a cété des mots trop neufs, prosaiques et qui « détonnent » volontairement (« Jai retiré ce radium de la pechblende »), des vers d’une ampleur et d’une sonorité raciniennes : Tes yeux sont si profonds qu’en me penchant pol Jai vu tous les soleils y venir se mirer... (Les Yeux @’Elsa.) ur boire Habile 4 déchiffrer le jeu savant des symbolistes de la Renaissance, il sait aussi retrouver le secret des « ballades » Populaires : Jai traversé Jes ponts de Cé C’est 14 que tout a commenc' et a pu introduire, dans telle émouva Poveages francais d’une pureté presqu vif et vengeur des chansons d’autrefois : Tes Jauriers sont coupés, mais il est d'autres luttes, mpagnons de la Marjolaine. a Qu’importe que je meure av! it que se dessine Le visage sacré, s°il doit renaftre un jour et Dansons, 6 mon enfant, dansons Ia capi Ma patrie est Ja faim, la mist eo pelle gue es Larmes:) nte description des e classique, ‘écho 278 / HISTOIRE DE LA LITTERATURE FRANGAISE Paul Eluard, podte limpide et généreux. En dehors Co-fondateur du Surréalisme, Hluard (1895-1952) apporta aux nouvelles recherches de ses amis la contribu- tion d’un tempérament poétique incomparable. Capitale de la douleur (1926), L’Amour la poésie (1929), La Vie immédiate (1932) illustrent magistralement une poésie qui se meut aux confins du réel et du surréel. Comme pour Aragon, les épreuves de l’occupation allemande sont pour iluard Yoccasion d’un renouvellement de son inspiration. Poésie et vérité (1942), Au rendez-vous allemand (1944) chantent Jes drames de la patrie meurtrie et l’aspiration 4 un monde de fraternité et d’amour. Moins entier que Breton, moins habile peut-étre qu’Aragon, Eluard a composé des poésies au charme simple, malgré de surpre- nantes images, oll les mots de tous les jours prennent un relief et une charge poétique étonnants. Son hymne 4 la liberté est resté justement célébre : ‘Sur mes cahiers d’écolier Sur mon pupitre et les arbres Sur le sable sur la neige Técris ton nom Sur toutes les pages lues Sur toutes les pages blanches Pierre sang papier ou cendre Vécris ton nom. (Potsie et vérité.) du Surréalisme, Bien que le Surréalisme ait é ‘ S profondément marqué la production poétique de son époque, certains poetes, soit Par doctrine, soit par tempérament, soit par le jeu des con ene ont @ peu prés complétement échappé 4 JuLes Supervinnie sa vie entre |'Urugu: (1884-1960) a partagé son coeur et ie en 1 ay, Sa terre natale, et la France, 4 Batic d'adoption. Il s'est complu a des visions & demi a ? fe description de spectacles changeants : ‘sant bouger le jour de votre pas tranquill Yous hilez bellement les cotcauc tals, Lis a retenir les lointains indociles ; res d’alentour fréquentent vos vallées. Le XXe siacte / 279 Il nest pas de parfum, d’herbe ni de feuilla Qui ne connaisse en vous Vivresse du passage Et les riviéres, les collines, les nuées = En vos gestes vivants volent se transmuer, Cette peinture d’une promeneuse s’; . imy ressionnistes de Matisse. © SaPparente aux toiles vocateur d’images indécises qui se font et se défont comme des nuages ou des gestes, il dit le contour flottant des réves et des choses, l’émergence des formes et des étres dans la nature immense aussi bien que dans les nappes de la subconscience (La Fable du Monde). ine inspiration plus sévére, plus douloureuse, dicte les poémes de PATRICE DE LA Tour bu Pin (né en 1911), dispensateur d’images tourmentées et confuses, évocateur des temps maussades de l’automne. Dans sa Quéte de Joie, Pélément descriptif et !’élément philosophique se corro- borent et concourent a créer une atmosphere de mysticisme anxieux et passionné : Longtemps avait souffié ce vent du Nord’ ott passent Les Enfants sauvages, fuyant vers d’autres cieux Par grands voiliers, le soir et trés haut dans l’espace 5 J’avais senti siffler leurs ailes dans la nuit. Par la distinction de leur langage, par ’harmonie douce de leurs vers, Supervielle et La Tour du Pin expriment en quelque sorte un idéal de poésie purement artistique et désintéressé. le talent JEAN Cocteau (1892-1963), dont le souple t-étre, s’adapte a tous les genres, trés doué, trop dot pt Ua Prerre-Jean Jouve (1887-1977) et, PIERRE ENAO) s (né en 1916), podtes d’inspiration chrértenes is il faut contribué a assurer la vitalité de la poésic. 88 1875)» faire une place 4 part 4 SAINT-JOHN Parse ee Léger. pseudonyme d’un diplomate de haut rang; de 19243 Ses Son premier grand recueil, Anabase, carSeconde uerre autres poémes ne furent publiés apres It ‘mers (1957) E& mondiale : Exil (1944), Vents 1947), re. Saint-John 1960 il a obtenu Ie Prix Nobel de ictératu richesse, so Perse a écrit une ceuvre puissante, que dificlle. Comme foisonnement rendent parfois un Rev ae ig m udel, il a refusé le cadre trop Oe longues: traditionnelle pour s’exprimer €n P bed de rample respiration s’accorde a 1a volo! langage aux dimensions du cosmos. 980 / HISTOIRE DE LA LITTERATURE FRANCAISE Le théatre entre les deux guerres @ La mise en sctne, Quelques metteurs en scéne, pas. sionnés de thédtre, refusent de se laisser enfermer dans leur réle de techniciens pour jouer de plus en plus, tant auprés du public que des acteurs, voire des auteurs, le réle d@animateurs. LuGnt-Por (1869-1940) au théatre de I’Guvre puis Jacques CorgzAu (1879-1949) furent a ce propos des jnitiateurs, Copeau insiste sur Ja rigueur, le dépouil- lement, et méme la stylisation du décor, le tout au service du texte, Le temple de ce nouveau culte théAtral est le théitre du Vieux Colombier, oi Copeau présente non seulement Jes ceuvres classiques (Shakespeare, Moliére) mais aussi les piéces de ses contemporains (Gide, Claudel) Son influence a été considérable et lorsqu’il a quitté le Vieux Colombier, en 1924, la reléve était assurée par quatre hommes qui, dans la diversité de leur tempérament, partageaient son idéal et dont certains avaient méme été en quelque sorte ses disciples. e Le Cartel des Quatre. On appelle ainsi l’espéce d’asso- ciation que formérent en 1926 pour mieux soutenir une méme cause, celle du théatre, Pitoeff, Dullin, Jouvet et Bay: EORGES PITOEFF’ (1884-1939). Porigine russe, s’¢st surtout employé & faire connaitre les Sere’ auteurs étrangers, Oscar Wilde, Bernard Shaw et surtout Piran- dello, Tchekhov, Ibsen, Strindberg. Il trouva dans s4 cra Ludmilla une auxiliaire dévouée et pleine de CuarLes DULLIN (1885-1 Dut 1949) a attaché son nom au théatre de VAtelier, Metteur en scéne, acteur, professeur dart dramatique, il a exercé une grande influence et beaucoup de jeunes interprétes se sont réclamés de lui. Gaston Barty (1885-1 Pest i! i Champs-Hilysées puis tu Thess came atl Studio Nh tre Mont, i porte avjourd hui son nom, dans les comédies de Musaet, On lui loit d’avoir monté la premiére cou ‘France; L’Opéra de quat’ sous, en 1930, re de Bact én Fran, Lous Jouver (iir-rogt joué & la Comédie des Champs-Elysées puis 4 l’Athénée. Il s'est illustré auss! Le XXe siécle / 281 ien dans le Knock de Jules Romains que dans L’ A; fie a Marie de Claudel. Mais le sommet de sa carriére ‘a coincidé avec sa rencontre de Peuvre de Giraudoux dont il devint V’interpréte régulicy et privilégié et dont il aida Ie succés. La création de L’Licole des Femmes de Moliére, dans un décor de Christian Bérard, fut une de ses grandes réussites. Le comique a la scéne. SacHA GuITRY (1885-1957) fils du célébre acteur Lucien Guitry, fut un auteur d’une rare fécondité, I] connut un des plus vifs succés de son époque, mais ses piéces, bourrées de mots d’auteur, habiles mais minces, sont aujourd’hui démodées et oubliées. Epovarp BOuRDET (1887-1944) a montré plus de profondeur ct de vigueur dans la satire. Les Temps difficiles (1934) fustigent la rapacité de la grande bourgeoisie et ne manquent pas d’accent. I] eut en outre une activité heureuse 4 la Comédie Frangaise, dont il fut adminis- trateur et dont il ouvrit largement les portes aux mises en scéne du Cartel des Quatre. MARCEL PAGNOL (1895-1974). Pagnol a conquis sa premiére gloire avec Topaze (1928) qui raconte l’ascension, puis le triomphe d’un médiocre et honnéte professeur de cours privé devenu un cynique et malhonnéte homme Waffaires. On pourrait trouver dans la piéce l’amorce @une critique de la société qui permet pareille métamor- phose. Mais l’aimable talent de Pagnol n’a pas tenté d’acérer ‘Ses traits et ce Provencal de naissance a préféré mettre en scéne sans méchanceté, sinon sans malice, les types Savoureux d’une région qu’il connait bien, et rendre Populaire ces caricatures pittoresques et bon enfant. larius, Fanny et César constituent autour des années 1930 une trilogie marseillaise dont l’adaptation au cinéma 4 encore élargi l’audience. CEL ACHARD (1899-1974) dont les ceuvres les plus Gonnues sont Voulez-vous jouer avec mod ? (929), al- erlush s'en va-t-en guerre (7924), La Vie est belle (1928) et urtout Jean de la Lune (1929), fait évoluer ses personnages fans un monde oi le réve et Ia réalité s’entrelacent et-dont emi-teintes ne sont pas sans charme. . qu'nn's Romatns qui est plus un romancier (cf. P. 269) aveen,dramaturge, a cependant connu un premicr succes Sa fatce de M. Le Trouhadec saisi par la débauche (1923) 282 / HISTOIRE DE LA LITTERATURE FRANCAISE dont le personnage principal reparaitra dans Donogoo (1930). Mais son cuvre Ja plus célébre reste Knock (1923). Knock est un charlatan dont la com) étence médicale est des plus sommaires mais qui a assez d’audace pour acheter Ja médiocre clientéle d’un brave médecin de campagne, le D* Parpalaid, 4 qui des décennies d’activité sont loin Pavoir apporté la richesse. Le Dr Knock entreprend de retourner cette situation et y réussit : plus préoccupé @assurer le triomphe de la médecine (c’est le sous-titre de la pitce) que de Ja guérison des malades, il finit par persuader 4 peu prés toute la population davoir recours & ses services, grace a un certain nombre de procédés @une honnéteté douteuse, dont le plus efficace est l’apho- risme célébre : les gens bien portants sont des malades qui s'ignorent. Knock, riche et res ecté, connait un ultime triomphe : celui de voir son prédécesseur, le Dt Parpalaid, aspirer a devenir son patient. Jules Romains a les qualités d@un homme de théatre : son style est vigoureux, riche en formules qui passent bien, et il a le sens des situations dramatiques. Knock est une satire de la médecine qui s’inscrit dans une tradition illustrée par Modliére et par les fabliaux. Mais par-dela les médecins et leurs travers éternels, c’est Ja nature humaine, dont la sottise rend possible ’imposture, qui fait les frais de la comédie. ‘ARMAND SALACROU (né en 1899) est V’auteur d'une ceuvre trés diverse et difficile 4 classer. A la fois écrivain engagé et proche du surréalisme, censeur de la classe bourgeoise et lui-méme grand bourgeois, s’inspirant de la tradition de la farce tout en confiant 4 son ceuvre une inquié- tude métaphysique, il doit Lessentiel de son succes gpalaues piéces aux qualités indiscutables comme!’ Inconnue ‘Arras (1935), La Terre est ronde (1938), L’ Archipel Lenoir (1947), sa meilleure piéce, au comique gringant qu! s’exerce aux dépens d’une grande famille de ‘distillateurs. Le sens du tragique, sa problématique. FRANCOIS Mauriac est, comme Jules Romains, un romancier qui a été attiré par le théatre, mais, asa différence, = ceuyre de romancier est dans ensemble tres antérieure a oat de dramaturge, Celle-ci se réduit a deux piéces Armodée (3937) et Les Mal Aimés (crite en 1939, iouee £ 04 ). Asmodée nous fait pénétrer dans une mille landaise ; 1a maitresse de maison, Mme de Barthas, Le AAT VIEUIe fF ee Du cété des critiques. ares de la littérature ct de la philosophie, les ae (1868-1961) d’inspiration rationaliste, Propos t un vif succes entre les deux guerres. Dans de nin entretiens, d’une démarche sinueuse et imprévue, courts aces comme ceux de Montaigne aux occasions emptes de Ja vie, Alain remonte aux phénoménes les piss simples, aux réflexes antiques de l’animal humain, 4 Be besoins et rites immémoriaux pour expliquer encore, dans notre existence sone par le machinisme, Jes besoins primordiaux et éternels de ’homme, sa soumission (quil voudrait réduire aux plus justes limites) aux lois g la vie sociale et la contrainte que les saisons, la nuit, la fatigue physique, tous les obstacles salutaires de la réalité opposent a on ambitieux de son esprit (Les Idées et les Ages, 1927). Méme richesse ‘analyse, mais plus curieusement tournée vers la vie intime de l’Ame, se révéle dans les Carnets de Captivité de Jacques RivitRE (1886-1928), jeune romancier mort prématurément en 1925 dont, en cxil, Pinquiétude se tournait, pressante et.candide, vers les choses spirituelles, A la trace de Dieu. Tout ce surcroit de renseignements et cet enrichissement de Pesprit de finesse » que la philosophie bergsonienne Jem Psychologie moderne ont apportés devaient naturel- lien de Glargir et avantager la critique littéraire. Aussi, au aa Vouloir définir une cuvre d’aprés ses sources et an aie un écrivain d’ aprés les relations extérieures de peu et Moment, on voit les critiques contemporains mem er, par sympathie intuitive, a retrouver Vinspiration enyse ori uidé Vauteur, a recomposer avec lui son misme ra, le dedans en vertu des lois Ppropres et du dyna- intérieur qui lui en ont im; i e posé la production, Methode licate souvent hypothétique, map dun vif Tamave a donne leur originalité aux études d? ALBERT Funnanper (174,39 6), de Prerre Quint et de RAMON mettre 4 ie de Moliére, 1929) 3. quia permis 4 MAURIAC angoisses nu l’ame secréte, Vambition, les scrupules, les ac A an a3 un. Bale Pascal. bio, ? 1885-1967), disciple d’Alain, a écrit Hugo, a hies tres appréciées de George Sand, Shelley, inspiratio, ‘ac, Proust. CHartes Du Bos (1882-1939) mn chrétienne, JULIEN BENDA (1867-1956), La littérature aprés 1945 Plus une production est contemporaine, plus il est difficile d’en apercevoir, 4 plus forte raison, d’en hiérar- chiser les valeurs. L’époque présente est marquée par un éclatement des genres encore plus net qu’au sitcle précé- dent, voire par leur remise en question radicale. Tout au plus est-il possible de distinguer quelques personnalités de premier plan qui se sont imposées dans le ou les genres qu’elles ont pratiqués et qui dominent |’immédiate aprés- guerre. La guerre elle-méme et occupation avaient contribué 4 renouveler l’inspiration des potes issus du surréalisme comme Eluard et Aragon mais il y a peu de grandes ceuvres de prose parmi toutes celles qu’elles ont directement suscitées. Citons cependant Dréle de feu, de ROGER VAILLANT et surtout Le Silence de la Mer, de Vercors (né en 1902), nouvelle d’une pathétique sobriété. Romanciers et essayistes L’Existentialisme Sartre a résumé et vulgarisé en 1947 les théses princi- pales de l’existentialisme dans un court essai intitulé LExistentialisme est un humanisme. Aprés avoir critiqué les Philosophies spiritualistes selon lesquelles le concept d’homme est dans l’entendement divin antérieur a l’exis- tence des hommes, il ajoute : Lexistentialisme athée déclare que si Dieu n’existe pass y @ au moins un étre chez qui lexistence préctde og6 / HISTOIRE DE LA LITTERATURE FRANCAISE Sa carritre s’est ¢panouic sous occupation ct apres Ja Seconde Guerre mondiale, mais elle avait commencé bien avant avec L’Hermine (1932), suivie du Voyageur sans bagage (1937) et de La Sauvage (1938). Avec cette dernitre pitce, on Voit déja se dessiner les grands traits de l’univers dramatique d’Anouilh, un univers manichéen out Je Bien et le Mal se combattent en un affrontement qui oppose la race d’Abel et la race de Cain, comme Anouilh dira plus tard en employant une terminologie biblique déja utilisée par Baudelaire. Le personage qui donne son nom a La Sauvage est une jeune fille, Thérése, que la veulerie de sa famille a exposée dés l’enfance aux attcintes du Mal. Elle partage l’existence minable d’un pére et d’une mére sans honneur jusqu’au jour ot elle rencontre un compositeur de musique. Celui-ci appartient 4 la race bénie : jeune, riche, génial, amoureux, il a recu tous les dons. Le bonheur sera impossible entre lui et Thérése qui, ala fin de la piéce, « part toute menue, dure et lucide, pour se cogner partout dans le monde. » On retrouve la méme opposition des deux races dans Antigone (1944) reprise du mythe antique ot Antigone incarne la pureté absolue devant Créon, le politique réaliste qui va la faire tuer. Mais alors que chez Sophocle Antigone représentait la révolte de la conscience morale, fidéle aux lois non écrites, contre les injustes obligations des lois de la cité, Anouilh a fait en sorte que dans la piéce le combat soit dépouillé de son sens : Antigone ne sait plus trop Pourquoi elle meurt et le grand vainqueur de l’affrontement est finalement l’Absurde, Anouilh a contribué a exploiter cette idée aprés la guerre, c’est-a-dire 4 une époque parti- culi¢rement bien faite pour la comprendre. La plupart ses pitces furent-elles aussi de grands succts : Romito et Jeannette (1946), L’Invitation au chateau (1947)> a ti belie Marguerite (1948), La Répétition ou Pamour Anouilh est un écrivain de théftre ; son évocation de la noirceur, méme lorsque la pitce est dite « rose » ou « bril- inte », s’exprime en un style vigoureux qui passe la rampe. a rains de ses mots, qui sont moins des mots d’auteur que soar eels résumant une situation de maniére saisissante, fort Coen devenir classiques. Ce style gringant et 5 aitrise du dialogue, ce sens trés stir des exi- eI ii C s 2 ae Scéniques, comportent parfois une certaine complai- Le XXe sidcle / 285 On voit que la guerre est présentée i cest-d-dire que la pitce a Giraudoux, ce of deatin, scénes ot domine l’humour, est une tragédic, Les Focnee volontés conjuguées d’Ulysse, d’Hector et de quelques autres ne prévaudront pas contre la fatalité. Le tragique de La Guerre de Troie n’aura pas lieu s’exprime par le décalage entre, son wine et os ee ae a uisque le monde réel, en it de tous les efforts, décidément Ie lieu des malheurs et des catastrophes, Giraudoux nous convie le suivre dans un univers idéal, d’ou les grands sentiments et les grandes passions, sources de mésentente et d’affrontement, sont exclus : « C’était magnifique, c’était sans amour! » Sodome et Gomorrhe. Aux passions de amour on_préférera une tendresse élé- gante, compatible avec la fantaisie et 1’émerveillement, une sorte de « politesse envers la création », une « certaine maniére d’offrir, au lieu de.votre bouche a une autre bouche, votre langage a un autre langage. » Précisément cet univers giralducien, la sagesse qu’on doit pratiquer pour y goiter pleinement le bonheur, impliquent, dans tous les sens du terme, un style. Au niveau des mots, Giraudoux est un maitre dans le manie- ment de leurs nuances les plus ténues, parfois les plus artificielles. Comme son héroine Alcméne, dans Amphi- tryon 38, on peut dire qu’il préfére aux franches couleurs de ’arc-en-ciel le mordoré, le pourpre et le vert-lézard. La gloire de Giraudoux, trés brillante de son vivant, connait actuellement une certaine éclipse : la quéte indivi- duelle de bonheur que poursuit ce « sourcier de Eden », sa relative indifférence a la politique, son culte de la forme et du beau langage sont peu en accord avec les tendances de l’époque présente. Mais il reste un grand maitre du thé4tre qui a constitué avec son ami et interpréte Louis Jouvet une équipe irremplagable. Et dire que son esthé- alee? ou classicisme et préciosité se conjuguent en un ige délicat, est en effet assez spéciale, c’est lui recon- naitre une grande originalité. JEAN ANouriH (né en 1910). « Je n’ai pas de bi et j’en suis trés oer 7 Shetade un jour Anouilh po urager les indiscrétions d’um journaliste. Il faut tres seulement qu’il est né a Bordeaux, qu’il est ven fain uN Poursuivre ses études a Paris, qu'il n’a jamais ait de journalisme, enfin qu’il vit du et pour le théatre. raphie, ur 284 / HISTOIRE DE LA LITTERATURE FRANCAISE mémes qualités se retrouveront dans les deux derniers romans ; Combat avec 1’ Ange (1934) et Choix des élues (1939). Mais c’est au théitre que Giraudoux a donné ses plus grandes ceuvres. Il est possible que son style un peu foi- sonnant lorsqu’il n’était soumis 4 aucune régle ait parti- culitrement bénéficié des astreintes imposées par le genre du théftre. Lorsqu’on écrit pour la scéne, les exigences de communication immédiate imposent la sobriété, Vefficacité, la simplicité. Giraudoux en prit tout de suite conscience d’autant mieux que Jouvet était bien placé & ses cétés pour les lui rappeler et pour aider ce précieux a devenir un classique. Sa premiére pice, Siegfried (1928) tirée du roman du méme nom glose sur le théme de Pamnésie, et de la nécessaire réconciliation entre la France et PAllemagne. Les mythologies antique (Amphitryon 38, 1929 ; La Guerre de Troie n’aura pas lieu, 1935; Elecire, 1937), biblique (fudith, 1931 ; Sodome et Gomorrhe, 1943), ermanique (Ondine, 1939), parfois la fantaisie pure Intermezzo, 1933 ; La Folle de Chaillot, 1945) vont tour 4 tour nourrir cette ceuvre qui vaut sans doute moins par sa substance que par son style, bien qu’en un sens l'un et Pautre soient inséparables. Giraudoux ne se désintéresse pas absolument du monde réel dont les préoccupations se retrouvent dans son cuvre : sa premiére piéce, Siegfried, était inséparable de son contexte historique, les lendemains du conflit de la Premiére Guerre mondiale, tandis que sa piéce la plus célébre et la plus réussie, La Guerre de Troie n’aura pas lieu, fait largement écho aux préoccupations de tous ceux qui sentaient monter les périls d’une seconde guerre mondiale. Derritre l’affabulation antique qui reprend le vieux mythe grec du rapt d’Héléne et de la Guerre de Troie, c’est 4 J’affrontement franco-allemand que Girau- doux pense et nous invite A penser. Quand le destin, depuis des années, a surélevé deux peuples, quand il leur a ouvert le méme avenir d’invention et d’omnipotence..., quand par leurs architectes, leurs pottes, leurs teinturiers, il leur a donné a chacun un royaume opposé de volumes, de sons et de nuances...» Punivers sait bien qu'il n’entend pas préparer ainsi aux hommes deux chemins de couleur et d’épanouissement, mais de ménager son festival, le déchatnement de cette brutalité et de cette folie humaine qui seules rassurent les dicux, (La Guerre de Troie n'aura pas liew.) Le XX* siécle / 283 ui est veuve, est aimée en secret par le pr chfants, qui la domine faute de. pouvoir ie mane uant A elle, elle est troublée pat le jeune adoles ent anglais, contemporain de son fis, qui. vient seer les vacances chez elle ct qui sera aimé de sa fille. Cet entre. croisement de passions n’entrainera pas de fin sanglante, mais les personnages paicront cher en résignation et en amertume le calme revenu. Les Mal Aimés sont de la méme encre : encore une famille de bourgeoisie landaise, avec un homme seul cette fois, entouré d’une fille “ainée Blisabeth, qu’il tyrannise et dune cadette, Marianne, quill jgnore. La présence d’un jeune homme qui désire épouser Elisabeth est pour Je pére Poccasion d’un jeu cruel et iste entre les deux soeurs pour em| écher le bonheur de Painée qui consacrerait sa solitude. La piéce est Phistoire de tous ces déchirements. Le décor des piéces de Mauriac est le méme que celui de ses romans : région du sud-ouest, haute bourgeoisie, et ses personnages y sont aj ités des mémes passions bro- Jantes ot amour et la haine, |’égoisme et la générosité, voisinent, et en quelque sorte, pactisent étrangement. sont encore, comme les romans, des tragédies du péché. Jean GIRAUDOUX (1882-1944). Giraudoux est né 4 Bellac, au coeur du Limousin, dont il donnera souvent, dans son ceuvre, une image poétique. ‘Au lycée de Chateau- roux non seulement il fut bon éléve, mais il ne devait jamais rougir de l'ayoir été. De brillantes études marquées son entrée l’Ecole Normale Supérieure Pamenérent finalement, apes quelques détours, a la carriére diplo- matique qu’i quitta en 1939 pour ‘devenir un éphémére ministre de !’Information. Les premiéres, ccuvres | de Giraudoux sont des recueils de nouvelles, Provinciales {1909}. L'Bcole des indifférents (1911)s Amica America 1919) et des romans comme Simon le pathénigus (1918), Siegfried et le Limousin (1922), Juliette au says des hommes, Bella (1925), Aventures de Jérome Bardint '1930). On pour- rait aussi bien appeler contes ses nouvelles et ses ‘romans, car Giraudoux, qui n’a aucun souci réaliste, emméne vyolontiers Ses personnages et son lecteur dans une aventure en partie irréelle dans un monde & la fois abstrait et féerique qui donne plutét les plaisirs de L’évasion que ceux de lana yse. Jn public restreint était séduit par ces remicrs cstals dautant qu’ils s’exprimaient en un style d'un raffinement extréme, précieux, recherch¢ et cependant coulant. Le XXe siécle / 289 Pessence, un étre qui existe avant de pouvoir étre défini par aucun concept ct que cet Gtre c’est l'homme. Qu’est-ce gue signifie ici que l'existence précéde I'essence? Cela Sgnifie que l'homme existe d’abord, se rencontre, surgit dans le monde et qu'il se définit apres. L’homme, s'il nest pas définissable, c'est qu'il n’est d’abord rien. II ne sera qu’ensuite ct il sera tel qu'il se sera fait. Ainsi il n'y a pas de nature humaine, puisqu’il n’y a pas de Dicu pour la concevoir. Sartre, témoin des contradictions de son temps. Bien qu'il ait commencé 4 écrire un peu avant la Seconde Guerre mondiale, Sartre (né en 1905) est un des écrivains les plus représentatifs de la littérature et de la pensée francaise d’aprés-guerre. Son premier roman La Nausée (1938) et un recueil de nouvelles Le Mur (1939) laissaient déa pressentir les grandes lignes de son systéme. Mais il ne Ya vraiment exposé de facon cohérente que dans L’£tre et le Néant (1943), ouvrage philosophique dont la relative difficulté d’accés ne géna nullement la vogue de I’existen- tialisme athée. A la nouveauté méme de ce systéme, né de la méditation sur certains philosophes allemands, notamment Hegel et Heidegger, venaient s’ajouter quelques éléments pittoresques, comme les fréquentes apparitions de Sartre ainsi que de son amie et disciple Simone de Beauvoir, elle-méme écrivain de talent, au café de Flore, au coeur de Saint-Germain des Prés, si bien que Yexistentialisme sartrien, pendant les premitres années de Vaprés-guerre, disputa au marxisme les faveurs de la Jeunesse du Quartier latin. La fécondité de Sartre, son aptitude & réussir brillamment dans les genres littéraires qu'il abordait, surtout au théatre, (cf. p, 293) ont fait rapidement de lui le plus éminent des écrivains de sa ration, et méme un maitre a penser. Il dispose en Outre, avec la Revue des Temps Modernes, dont il est le recteur, d'une tribune oti il commente avec Apreté et de brillants dons de polémiste l'actualité politique et intellec~ tuelle, Par ses positions pratiques, sinon par ses convictions idéologiques, Sartre a été parfois tres proche des comm Distes gu ont souvent fait preuve envers lui d’une © ele hostilité, 11 s'est séparé d’eux a la suite de la répressi Soviétique en Hongrie (oct.-nov. 1956) et § Ct OOO een me mment de divers groupes gauchistes d'inspi iste, Le XXe sidcle / 293 ay dehors de ces romanciers inspirés par l’existentia- war ae Ja philosophic de Vabsurde, on peut citer RoGER NatutaND 1907-1965), dont la carriére commencée avec SAie de Jett (1945) lest poursuivie avec Les Mauvais Cap La Loi, La Fetes Juin Gracg (né en 1909) igone du Surréalisme, dont Le Rivage des Syrtes (1951), son chel-d'ccuvre, évoque dans un’ style somptueux’ un pys imaginaite, lieu d’une fascinante tragédie, ———————— Dramaturges Apr’s la Seconde Guerre mondiale, le théatre connait wun renouveau : la reléve du Cartel des Quatre est assurée t JEAN-LOUIS BARRAULT, fondateur avec sa femme de e mpagnie Madeleine Renaud-Jean-Louis Barrault installa au Théitre Marigny et s’illustra dans des ires variés. Plus originale est la tentative de JEAN Vitar, fondateur du Thédtre National Populaire, qui a tenté de faire accéder au théAtre le plus vaste public fest dans la grande salle du Palais de Chaillot ou & occasion du Festival d’ Avignon, au Palais des Papes. Parallélement, les écrivains par ailleurs les plus illustres, comme Sartre et Camus, viennent au théatre, jugeant cette tribune particuliérement efficace pour diffuser leurs idées. Leurs pices s’ordonnent en effet autour des mémes thémes gue leurs autres ceuvres avaient déja fait connaitre. A Sté d’cux, Montherlant, lui aussi romancier, connut de vifs succds, Les pikces pe SARTRE s’ARTICULENT SUR UNE IDEE. © Dans Les Mouches (1943), reprenant le vieux mythe prec d’Oreste vengeur de son pére, il affirme trés haut que ‘homme s'accomplit ct en quelque sorte se crée lui-méme Par l'exercice de sa liberté dans I’action. * Huis Clos (1944) a été un grand succes. Sans comporter : mae eee ane révolutionnaires, la pitees regsion Scule scéne, avait frappé par sa vigueur, 5a et la nouveauté de son sujet lans un salon démodé censé Senter |’au-dela, trois personnages médiocres ou iminels, un homme et deux femmes, tentent d’échapper aux actes de leur passé, En vain ; les couples success quis voudraient former ne peuvent échapper aU eater i troisitme qui rend impossible 1a comédie. « 1 cnicts Cest les autres, » 296 / HISTOIRE DE LA LITTERATURE FRANCAISE VERT (1900-1977) n’a connu le Succts qu’en 1946 tonnes freee réunis ct publiés sous le titre de Para les des pogmes dont certains remontaicnt a plus de quinze ans, Auparavant il avait acquis une légitime réputation de seénariste dans sa collaboration aux Brands films de Marcel Pagnol. Histoires, Spectacle (1951), La Pluie et le Beau Temps (1955) completent cette cuvre volumi- neuse mais incontestablement originale, Pri ert, qui a subi Vinfluence du surréalisme, s’amuse avec la matiére verbale, recherchant le Saugrenu, T’insolite, Parfois le calembour, Ses thémes essentiels se Tattachent a un anarchisme souriant, mais il est capable aussi de hausser le ton pour dénoncer avec Apreté les tragédies qui ensan- glantent l’histoire humaine. En apparence spontané, Part de Prévert, dont le registre est trés large, est trés délicat ct trés conscient, HENRI MICHAUX (né en 1899) avait écrit bien avant la Deuxiéme Guerre (Plume, 1930) mais s’est surtout fait Connaitre par sa propre anthologie, l’Espace du Dedans (1944-1946). Familier du surréel et du réve, Michaux exprime sa vision dans un style qui tire sa vigueur d’une étrangeté singuliére. René Cur (né en 190 ) a été d’abord Surréaliste, ce qui explique peut-étre la difficulté de son lyrisme lors méme gil désire délivrer aux autres hommes un message de raternité. Le Podme Pulvérisé (1947), La Parole en Archipel (1962) sont Guvres d’un poéte exigeant, mais d’un abord Avec des ambitions et des réussites diverses, FRANCIS Ponce (né en 1899) auteur du Parti pris des Choses fren RAYMOND QUENEAU (1903-1976), AIME Césarre (né en 1913), originaire de ‘la Martinique, témoignent de la vitalité d’un genre qui a-du mal a trouver un public. La littérature en question * réci- Un peu apres 1950, sans qu'on puisse en fixer plus pr sément la te, oe assisté non pas a la nalssance ides Rouvelle école critiquant ses devanciéres pour sul a wD Sa propre esthétique aux esthétiques du passé, mai Le XX® siécle / 295 de style ct d’observation. Quand approche la Seconde Guerre mondiale ct notamment apres la Conférence de Munich (1938), Montherlant vitupére violemment les faiblesses du régime républicain francais dans, VEquinoxe de Septembre au nom d'un certain idéal spartiate puis il rime sa sympathie pour les régimes forts dans le Solstice de Juin (tog), Mais c’est au théatre qu’il doit sa gloire Ia plus durable. En 1942, La Reine Morte est saluée comme un chef-d’cuvre. Ferrante, roi du Portugal, voudrait voir son fils Pedro conclure un mariage politique avec I'Infante de Navarre. Mais Pedro est épris d’une jeune fille, Inés, avec laquelle il s’est marié secrétement ct dont il attend un enfant. Il refuse donc la proposition de son pére sans lui cn dévoiler Ja raison. Lorsque son pére Tapprendra, il fera mettre A mort Inés avant d’expirer Iui-méme, La piéce est dominée par la figure hautaine du roi Ferrante, champion d'un héroisme dont on distingue toutefois assez mal le contenu. Montherlant aura toujours une prédilection marquée pour ce type de personnages, nobles et purs dans leur langage, mais souvent sceptiques et déscspérés au fond d’cux-mémes, qu’il s’agisse du grand maitre d’un ordre chrétien dans le Maitre de Santiago (1948) ou d’un condottiere italien qui prétend tuer le pape dans Malatesta (1950). Dans la plupart de ses pieces, Montherlant a été soucieux de restaurer la tragédie bien qu'il plante des décors hauts en couleurs que n’auraient pas renié les romantiques : il met l’accent sur Yanalyse intérieure, dont la complexité n’exclut pas la netteté des traits, et il a un sens aigu de la cérémonie tragique. Toute- fois, certaines de ses pitces traitent des memes thémes avec un décor et des personnages de drame bourgeois. ,Montherlant est un ‘écrivain de race. Méme si sa pensée n’a ni la profondeur ni la cohérence qui entrainent l’adhé- sion, il apparait comme un maitre en matiére de style. Si Yon exce ies d’ i pte les poésies d’Aragon et d’Eluard que la re, a ing ines ct qui rouvérent une audience de , a ‘ation, le poéte le ulaire "aprés-guerre est Jacques Prévert” Se Poétes 294 / HISIOIRE e@ Morts sans sépulture (1946), pitce de circonstance faisant écho a la Résistance ct A sa répression, pose le probléme de la torture. ; @ Plus politique encore, le drame des Mains Sales (1948) ose celui de la fin ct des moyens dans l’action politique, ans un pays imaginaire d’Europe, un jeunc intellectuel est chargé par Ic parti communiste d’abattre un des chefs de ce parti, partisan d’une alliance provisoire avec les conservateurs, Lorsqu’il a accompli son acte, le parti a changé sa ligne ct adopté précisément celle de sa victime, Devenu « non récupérable », le héros est abattu par ceux qu'il avait cru servir, e Le Diable et le Bon Dieu (1951), vaste fresque un peu touffuc, Les Séquestrés d’Altona (1959), illustrent & des titres divers le théme de la morale de I’action. Sartre est un dramaturge habile, qui a eu le souci de se renouveler, Ses piéces ont une composition solide et la langue, vigoureuse, s’impose aisément. Camus A TRANSPOSE AU THEATRE LES IDEES DE SON SYSTEME. e Caligula (1942), sa meilleure piéce, met en scéne Tempereur romain fou, mais, transformant radicalement le personnage historique, fait de lui le héros de la révolte contre impossible. Toutefois sa solitude vouait d’avance sa tentative a I’échec, e Le Malentendu évoque le tragique ct l’absurde. e L’Etat de Siége est une transposition de La Peste. e Le drame des Justes (1949) clot cette cuvre théatrale de qualité, mais qui ne fait pas oublier les romans. HENRY DE MONTHERLANT. LE LANGAGE DE LA GRANDEUR. Né 4 Paris dans une famille aristocratique, Montherlant (1896-1972) est attiré de bonne heure par des expériences @action violente. Qu’il soit torero, joueur de football, coureur a pied ou volontaire gritvement bless¢ pendant : Premitre Guerre mondiale, il recherche pour lui-m 4 un accomplissement individuel avec ce quil y cme alternativement de volupté, de sacrifice et de cynisti L’expérience de la guerre inspire La Reléve du a {2920} Le Songe (1922), celle du sport Ics Oye ant 1924). Aprés une période de voyages, Mone les public ses romans majeurs : Les Célibatatres (1934) ids uatre volumes des Jeunes Filles (1936-39) dont io qualités Pune insolence libertine gichent quelque peu Le XXe siécle / 297 'idées assez général qui n’a pas instruit le procés Gritelle au telle forme de la Titérature mais qui a remis la littérature clle-méme en question. Des influences és variées, parfois contradictoires, ont ccuvré dans le méme ele marxisme, a force de dénoncer les injustices de la société dite bourgeoise a fini par rendre suspecte la litté- rature qualifiée de bourgcoise elle aussi dans son essence lors méme qu’clle critiquait la bourgeoisie ; e unc sorte de néo-surréalisme anarchisant, dont les effervences de mai 1968 ont fait apparaitre quelques aspects, s’en prend systématiquement 4 toutes les valeurs et a toutes les formes d’autorité de la société contem; raine, renouant avec les violences tapageuses des premiers compagnons d’André Breton dans les années 1920 ; e dans le méme sens, les écoles — on dit souvent sémi- naires — de psychanalyse, dont la vogue et la vitalité sont grandes, tendent a dévaluer l’ceuvre et l’art de homme conscient, réputé hypocrite ou du moins superficiel, au rofit des différents fantasmes que fournit en abondance investigation de l’inconscient ; la vogue de Ja linguistique invite enfin a s’intéresser au matériel verbal en tant que tel, dit cette préoccupation faire éclater le langage et disqualifier d’avance le message qu'un écrivain aurait d’aventure songé a lui confier. Telles sont quelques-unes des causes les plus importantes de ce gement capital, le premier peut-étre dans histoire de nos lettres & mériter pleinement d’étre appelé une révolution, erence Le Nouveau Roman peROuse-Grntuer (né en 1922) n’est ni le plus ancien, ni Pap tre le meilleur représentant de cc qu'il est convenu avoir Sel Nouveau oman, mais il est le premier & en un Ni ifié la théorie précisément sous le titre de Pour quelqueg 2% Roman (1963), recueil d’articles out il dénonce jours'g Notions jusées périmécs qui avaient fait les beaux © le po foman classique ; Subsinesonmage dont Pétude des états dime faisait la © des romans Psychologiques ; 298 / HISTOIRE DE LA LITTERATURE FRANCAISE Vhistoire, c’est-a-dire l'intrigue racontée ; © Vengagement, c’est-a-dire l'idéologie véhiculée ; la forme et Je contenu dont la distinction est un comble @arbitraire. Reconnaissant sa dette envers quelques prédécesseurs comme GEORGES BATAILLE (1897-1962), MicueL Lerris (né en 1g0r), SAMUEL BECKETT, MAURICE BLANcHOT (né en 1907), Robbe-Grillet s'est efforcé dillustrer ses théories avec Les Gommes (1953), Le Voyeur (1955). Dans Le Labyrinthe (1959), ot une certaine fa de voir les objets, les choses, a remplacé le jeu d’interaction des personnages. MIcuEL Butor (né en 1926) impose la méme présence lancinante des choses grace a la minutie extréme apportée 4 la description d’objets dérisoires, un compartiment de chemin de fer, par exemple, décor de La Modification (1957) qui obtint un vif succés. Mais par-dela quelques artifices rhétoriques (le onnage principal est désigné a la deuxiéme personne du pluriel), La Modification est un roman d’analyse psychologique trés classique. Depuis cette date, Butor a évolué et sa recherche I’a entrainé sur d’autres chemins. Représentant talentueux de I’Ecole du Regard, comme Marguerite Duras il est l’auteur de plusicurs NATHALIE SARRAUTE (née en 1902) avec le Planetarium (1959), MARGUERITE Duras (née en 1914) avec Moderato Cantabile (1958), CLAUDE SIMON (né en 1913) avec La Route des Flandres (1960), Historre (1967), peuvent étre, en dépit de la diversité de leur talent et de leur écriture, rattachés 4 la méme école. Le Nouveau Théatre L’évolution est ici paralléle a celle du roman : le person- nage, l’intrigue, le langage sont aussi en accusation. [ONESCO (né en 1912) a connu de vifs succés avec La Can- tatrice chauve (1950), La Legon (1951), Les Chaises (1952) out les Personnages n’ont d’autre épaisseur que celle d'un langage dérisoire, dont la seule signification est PAbsurde. Le Rhinocéros (1959) marque peut-étre une rupture encore ue le sens de Ia pitce soit fort ambigu. Le Roi se meurt 1962) est une puissante parodie de Shakes} ., BECKETT (né en 1 doit sa gloire & En atrendant 292 / HISTOIRE DE LA LITTERATURE FRANCAISE La méme année, Camus posait la théorie de l’Absurde avec Le Mythe de Sisyphe, essai philosophique qui renait cette fois pour héros Sisyphe, personnage de la m\ ologie grecque condamné 4 rouler jusqu’au sommet d’une montagne une grosse pierre qui en retombait sans cesse. Mais cette expression | paruculigrement vigoureuse de Pabsurde indiquait aussi la voie d’une solution. Alors que le Meursault de L’Etranger était ballotté Par des événe- ments inintelligibles, Sisyphe est conscient de l’absurde et accepte de l’affronter. Il n’y a de salut pour l’homme que dans un effort solitaire et une attitude de révolte qui lui permet de témoigner de sa seule vérité qui est le dea, Les derniers mots du Mythe de Sisyphe sont a cet égard significatifs : « La lutte elle-méme vers les sommets suffit 4 remplir un cour d’homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux. » Ces idées scront reprises et développées en 19st dans L’Homme révolté, ais auparavant Camus avait publié La Peste (1947) son second grand roman. L’histoire imaginaire d'une épidémie de peste 4 Oran lui permet d’incarner une nouvelle fois ses idées dans des personnages attachants : devant cette peste qui symbolise le mal, chacun réagit selon son tempérament et ses idées. Alors que la résignation chrétienne apparait paresscuse ect inadaptée, Camus a accordé toute sa sympathic 4 un petit groupe d’hommes qui luttent de leur mieux avec les moyens du bord contre le fléau, comme Tarrou, qui voudrait « étre un saint sans Dicu », et surtout le Dt Rieux, porte-parole de l’auteur, dont Pambition a la sobre grandeur de vouloir étre un homme. Telle est la legon de ce livre qui souligne la nécessité d’affronter le Mal non pas dans l’ordre dispersé @'un individualisme anarchique, qui pourrait tout juste Ppermettre d’étre heureux tout seul, mais dans le cadre dune solidarité chaleureuse. Camus est une des figures les plus importantes de Vaprés-guerre. Peut-étre est-il un Penscur moins vigou- reux que Sartre, mais c’est un grand artiste chez qui la sobriété n’exclut ni l’émotion devant le malheur des hommes ni la sensibilité au pittoresque méditerranéen, chanté & l'occasion de petits essais comme Noces ou L’Eté. Il a obtenu Ie Prix Nobel en 1957. Sa vie, comme pour donner une dernitre illustration & sa pensée, s’est achevée dans a tragique absurde d’un accident de Ja route en 1960. Le XX® sidcle / 291 ; itiques et soutenir la promotion des déshérités, cuits rol Baudelaire (1947), une sur Flaubert (1972) Une ent ‘de la curiosité de cet essayiste qui est souvent temo phlétaire. Cependant, depuis son rapprochement ua Mr avec certains mouvements d’extréme gauche, ee semble faire le procts de toute la littérature, y ris la sienne : aspect terroriste de sa pensée et de sa fersoonalité est celui qui apparait le plus actuellement. Simone de Beauvotr, la femme et l’engagement, Amie et disciple de Sartre, Simone de Beauvoir (née en 1908) a publié plusicurs romans dont I’Invitée, Le Sang des Autres, Les Mandarins, chronique des années d’aprés- guerre et de leurs grands débats intellectuels, avant de siintéresser aux questions féministes (Le Deuxiéme Sexe), et de faire le Point des expériences de sa vie (Mémoires une jeune fille rangée, La Force de I’dge, La Force des choses, Albert Camus; la Révolte contre l’ Absurde. Né & Alger, en 1913, Camus allait s’engager dans la carritre universitaire lorsqu’une maladie interrompit ses tudes. Das lors, il voyagea et fit du journalisme. Aprés la défaite de 1940, il prit une part active 4 la Résistance dans le groupe Combat et il fut quelque temps, au journal du méme nom un des plus grands éditorialistes de Ja presse francaise de Vimmeédiat aprés-guerre. En 1942 il avait Publié un court roman, L’Etranger, d’inspiration ae Syle tout a fait originaux. L’étranger, Meursault, le bre U livre, méne existence sans intérét d'un petit emp loye ns tn monde qui lui apparait absurde. Un jours fer ns Plage algérienne, éblouie de soleil, il a tué un Arsée tor, op savoir pourquoi. Arrété, accablé par des rémoiene ut semblent prouver son indifférence radicale, derasé condamné 4 mort, L’Btranger symbolise Thommt Tne Par un enchainement de forces que non seu emeour en lomine pas mais qu'il ne comprend mime Pe crtain 10D, Souligner Pabsurdité, Camus a employ ‘une objective Un certain style dépouillé & Wextremes oo ian francais faite, qui ont fait date dans ’histoit® Cf force suse y a donnent a son court récit une econ Le Xxe siécle / 299 Godot {1359 pitce insolite, sans action, ob deux person- nages dans une solitude qu ressemble au néant et que ne rompt guére l’apparition de deux autres figures grotesques, attendent un certain Godot, dont la vacuité est également totale puisque nous ne savons, tout comme eux, ni qui il est ni qui il représente. Genet (né cn 1910), lui-méme sans famille, ancien délinquant, se juge solidaire de tous les déshérités et ce sont cux que, de préférence, il met en scéne, depuis Les Bonnes (1947) qui finissent par s’entre-tuer alors qu’elles voudraient tuer leur patronne, jusqu’aux Négres (1959) en passant par les prostituées du Balcon (1957). La révolte de Genet, qu’il a vécue dans sa chair, est plus authentique que beaucoup d'autres, mais au niveau de la forme, son théatre est en fait moins révolutionnaire, avec ses person- nages bien constitués et l’éclat de son verbe, Citons encore ADAMOVv (1908-1970), BoRIs VIAN (1920- 1959) avec ses Bdtisseurs d'empire (1959), bien qu’il soit connu surtout par quelques romans : L’Ecume des jours (1947), L’ Arrache-ceur ros3), ou le jeu avec les mots, notamment les expressions toutes faites, me va ni sans quelque facilité ni sans quelque monotonie. La poésie et la critique la ie est le lieu de continuelles recherches que leur complexité coupe de plus en plus du public. Aucune cuvre ne semble encore se détacher de facon incontestable. La critique brille d’un vif éclat et bénéficie, en un sens, de la révolution signalée dans la littérature. Le critique n’apparait plus au second plan par rapport au créateur. Toute distinction entre l’un et l'autre est méme sans objet puisque tous deux ont pour souci commun l'étude du ngage, La psychanalyse inspire I’ceuvre de CHARLES MauRon (1899-1966), fondateur de la psychocritique, la pensée marxiste et un certain structuralisme celle de Lucien GotpMann (né en 1913), le philosophe BACHELARD (1884-1962), spécialiste de l'étude des réverics ct de leurs ‘Ormes imaginaires, celle de J.-P. RICHARD (né en 1922), le Plus brillant représentant d’une critique thématique assez ‘mpressionniste, L’oeuvre de ROLAND BARTHES (né en 1915); 300 / HISTOIRE DE LA LITTERATURE FRANCAISE souvent qualifiée de structuraliste, fait aussi leu; techniques modernes de la linguistique et de 1a ce a lyse. JEAN StaxoniNski (né en 1920), Georges Pourny (né en 1902), Gérard GENETTE (né en 1930), bien dautres encore, illustrent la diversité des recherches de Notre temps. Les grandes dates ; de la littérature au XX* siécle © 1912 CaupeL : L’Annonce faite a Marie. 1913 APOLLINAIRE : Alcools. 1913 Barrts : La colline inspirée. 1919 Proust : A ombre des jeunes filles en fleur, 1922 Roser Martin pu Garp : Les Thibault (début de parution), 1922 VaLéry : Charmes. 1924 Breton : Manifeste du surréalisme. 1927 Mauriac : Thér’se Desqueyroux. 1930 Matraux : La Condition humait 1932 Cétuiwe : Voyage au bout de la muit. 1932 Romats : Les Hommes de bonne volonté (début). 1935 Giraupoux ; La guerre de Troie n’aura pas lieu. 1936 Bernanos : Journal d’un curé de campagne. 1938 Sartre ; La nausée, 1939 ARtHAup : Le thédtre et son double. 1939 Give : Journal (1889-1939). 1942 Camus ; L’étranger. 1942 MontHer.ant : La reine morte. 1944 AnoutLn : Antigone. 1946 Prévert : Paroles, 1947 Genet : Les Bonnes, 1947 Vian : L’écume des jours. 1950 Ionesco : La cantatrice chauve. 1951 Graca: : Le rivage des Syries. 1953 Beckett : En attendant Godot. 1957 Butor ; La modification, 1957 St Joun Perse : Amers. 1958 Duras : Moderato cantabile. 1959 Saraute : Le Planétarium. 1961 Ponor ; Le grand recueil. 1963 Ronwe-Griter ; Pour un nouveau roman, 1968 Yourcunar : L’cuvre au noir, 1971 Tournter : Le roi des Aulnes. 1975 Montano : Villa triste. 1978 Perec : La vie mode d'emploi. © 1983 Souters : Femmes, . ° . e . . . ° . ° ° . . ° e ° ° e ° e 290 / HISTOIRE DE LA LITTERATURE FRANGAISE L’Existentialisme, qui n’a jamais été vraiment une école, 4 peine un groupe d’amis, exprime une-conception déses. pérée de la vic humaine, insérée par I’effet du hasard dans un monde extéricur hostile et odieux : c'est 4 Pindividu de se frayer sa voie, s'il peut, dans ce cloaque et, en forgeant pour son compte des valeurs nouvelles, de retrouver les chemins de la liberté. Sartre romancier. Cette théorie s’incarne dans une production de choc et de scandale qui insiste sur les aspects les plus écceurants de Ja nature humaine, sur les scénes de crapulerie et d’horreur, qui cherche ses effets diamétralement a Vopposé de l'art classique par l’exhibition de la laideur et de l’ordure dans les choses, de la vulgarité et de la veulerie dans les carac- téres autant que dans le style. C’est le cas de La Nausée, son roman le plus célébre et Je plus réussi, ob Sartre met en scéne Antoine Roquentin qui poursuit mollement A Bouville (Le Havre) des travaux historiques et traine de café en café une existence morne jusqu’au jour oi il éprouve pour de bon la nausée, La nausée est un sentiment complexe qui n’est pas lié A des éléments psychologiques : il est la prise de conscience dune angoissc métaphysique. Rien de ce qui existe n'a sa raison d’étre, telle est P’évidence longtemps cachée dont Ja découverte bouleverse Roquentin. Sa propre existence n’est pas mieux fondée ; « Moi aussi, constate-t-il, j’étais de trop pour l’éternité. » Du moins La Nausée s’achevait-elle sur un fragile espoir, celui de vaincre l’obsédante contin- gence des choses en donnant un sens 4 Ja vie par la création artistique, Mathieu, héros veule des Chemins de Ia Liberté n’apercevra méme pas cette lueur, De méme les nouvelles du Mur présentent-elles des personnages et des situations sans espoir, Sartre et la littérature, Sartre s'est souvent interrogé sur la littérature, Atta- quant violemment les esthétiques ou les courants de pensée gui pronaient plus ou moins directement l'irresponsabilité le Vartiste, il a lancé en 1947 Vidée et la formule de la littérature engagée : Vartiste dak utiliser son art, le prestige et Paudience qu'il lui vaut, pour intervenir dans Ics

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