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CLINIQUE
DU SECRET
Catherine Potel
Intimité du corps.
Espace intime.
Secret de soi 1

Catherine Potel est La question de l’intimité est une question complexe,


à laquelle nous pourrions donner différents éclairages.
psychomotricienne, thérapeute Nous pouvons d’ores et déjà y associer différents thèmes
et termes importants : pudeur, place de chacun (enfants et
en ambulatoire à Paris
parents) dans la famille, organisation dans l’espace de la
( CMPP et clientèle privée), maison, co-existence des intimités individuelles, intimi-
tés groupales, familiales… L’intimité renvoie de façon
membre de l’ AREFFS . quasi obligée à une première intimité, celle de son corps.
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Et cette intimité corporelle est elle-même liée à des
modes culturelles, à des traditions sociales, à des sys-
tèmes éducatifs en évolution selon les sociétés et leurs
rituels, à des temps historiques.
L’intimité corporelle se construit, elle n’est pas
innée. Elle est liée de façon indissoluble à la capacité de
chaque individu à investir son corps comme sien, diffé-
rencié, individualisé, séparé du corps de l’autre. C’est
donc toute la question de la construction identitaire qui
est contenue dans cette réflexion autour de l’intime.
Avoir un corps à soi.
La question du secret est-elle liée à la notion d’inti-
mité et d’appartenance de soi ? Secret d’un fonctionne-
ment du corps, bruits et bruissements à cacher, secret
d’une intimité odorante ou malodorante, vie intime
gardée jalousement et secrètement, protégée par la
pudeur. Secrets intimes, secrets des premiers émois
1. Cet article sera repris sexuels, secrets liés à la sexualité. Liberté de penser et de
dans une prochaine publi- garder jalousement en soi ? Sentiment de pouvoir être
cation à paraître aux édi-
tions érès : Psychomotri- détenteur, possesseur de ses pensées, affects, émotions,
cité, un métier du présent sans en être démasqué par un simple regard ? Ou crainte
et du futur. d’être dépossédé par le désir ou l’emprise de l’autre ?

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Intimité du corps. Espace intime. Secret de soi

De penser le secret dans sa polysémie, sous l’angle d’un


contenu dans un contenant, ce contenant étant le corps, c’est donc
considérer le corps dans sa fonction primaire d’enveloppe, telle
que l’a développé Anzieu dans son concept de « Moi peau », pour
ensuite développer l’idée que les pensées peuvent devenir des
appropriations personnelles, des créations originales indivi-
duelles parce que le corps, dans un premier temps, aura pu s’être
éprouvé comme étant à soi, comme étant soi, un corps sien s’ap-
partenant à lui-même. Un corps sujet, un corps habitacle d’un
sujet pensant.
C’est au travers de ma pratique clinique que je vais explorer
ces liens entre le secret et l’intime, à partir de ce long voyage
qu’est la construction d’un sujet, dont le corps devient à la fois sa
possession et le lieu de son identité profonde. En explorant rapi-
dement le développement du bébé, nous verrons que le secret, ou
du moins la capacité de garder secret en soi, naît de la construc-
tion d’un espace psychique qui repose sur l’appropriation
concrète et subjective d’un corps. On ne naît pas soi, on le
devient.

INTIMITÉ. IDENTITÉ
C’est un sentiment très banal pour le commun des mortels que
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de vivre dans son corps et de se sentir vivre dans son corps.
Malgré tout, ce sentiment peut s’effacer soudain pour laisser
place à l’étrangeté. Se sentir tout d’un coup non concerné par son
corps. Sortir de soi, sensation dont témoignent ceux qui traver-
sent des expériences traumatiques, des périodes de grand stress,
des accidents… Sortir de soi devient alors, dans ces conditions
extrêmes, une manœuvre de défense et de protection, efficace
pendant un certain temps, mais qui altère gravement le sentiment
de sa réalité si l’expérience dure au-delà de certaines limites.
D’autres expériences, moins traumatiques en apparence, nous
rappellent combien le sentiment de notre identité dépend de notre
indépendance corporelle et de notre intimité. N’être plus qu’un
corps est, pour qui a vécu des hospitalisations mal accompa-
gnées, une expérience totalement dépersonnalisante.
L’intimité du corps renvoie à la question princeps, celle de
notre identité et de notre unicité.

AVOIR UN CORPS À SOI :


UN PROCESSUS D’APPROPRIATION, AU LONG COURT

Ceux qui comme moi ont travaillé avec des enfants psycho-
tiques ont rencontré plus d’une fois la béance du corps, ouvert sur
l’extérieur, j’allais dire ouvert à tout vent, un corps qui se livre

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sans pudeur aucune, où dedans et dehors restent indifférenciés,


comme si l’expérience d’avoir une enveloppe qui sépare, pro-
tège, différencie, n’avait jamais pu se vivre.
Je me souviens encore de cet adolescent, intelligent sans nul
doute, que la mère changeait et habillait dans la salle d’attente
de l’hôpital de jour, sans pudeur ni questionnement. Entre ses
mains, il avait 2 ans. Avec nous il en avait 14. Ou encore de cet
autre dont les ongles étaient si longs et si sales, dont l’état de
négligence corporelle était tel que sa mère le lavait et lui coupait
les ongles. Pour cet adolescent, cet abandon de son corps aux
soins maternels avait pour envers la violence extrême qu’il exer-
çait en retour sur le corps de sa mère, en la battant au prétexte
de la moindre frustration ou en exigeant de dormir avec elle.
Les expériences sensorimotrices permettent à l’enfant tout
petit de se sentir et de se construire, encore faut-il qu’il puisse
s’approprier ces expériences vécues. Le bébé ne peut le faire
seul. Il lui faut pour cela être accompagné, contenu dans une rela-
tion. Cette relation au bébé, Winnicott et bien d’autres en ont fait
l’œuvre d’une vie de réflexion.
Les cas pathologiques relatés ci-dessus montrent fort bien que
le sentiment d’avoir un corps à soi – un corps qui appartient à
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celui qui l’habite, dont il est le propriétaire, heureux ou malheu-
reux, un corps porteur d’une identité propre, dont il a la jouis-
sance et le contrôle – est loin d’être un sentiment inné. Au
contraire, il repose sur un véritable processus mettant en jeu des
mécanismes psychiques complexes d’appropriation, de sépara-
tion et de différenciation. Ces mécanismes psychiques étant eux-
mêmes la résultante d’un travail de transformation des éprouvés,
des sensations, des perceptions – tous ces éléments concrets cor-
porels sur lesquels reposent les premières expériences d’un Moi
pré-existant. De ces ressentis très primaires – accompagnés, fil-
trés, contenus, détoxiqués par l’objet maternel – dont découle
l’expérience fondatrice d’un dedans et d’un dehors, naîtra un pre-
mier sentiment d’identité corporelle.
Les dessins des enfants témoignent souvent de leur image du
corps dans ces maisons qui occupent tout l’espace de la feuille,
ou au contraire se cachent, voire se minimalisent à l’extrême.

RETOUR AUX SOURCES DE LA FUSION

Pour le petit enfant, c’est une construction de tous les jours :


avoir un corps, l’éprouver comme étant le sien alors qu’il sera
encore longtemps dépendant de ses parents. Et pourtant c’est au
prix de cette dépendance et d’une progressive individuation

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qu’il aura des chances de vivre autonome et d’investir sa vie


pour lui.
Dès la naissance, les besoins corporels du nourrisson sont
assumés par sa mère, et ce dans l’amour et la plus étroite des rela-
tions qui puissent exister entre deux individus. La mère ressent
dans son corps (et pas seulement dans sa tête) les besoins de son
bébé, elle donne un sens à ses pleurs, ses regards, ses gestes les
plus infimes. Elle décode, le plus souvent de façon très adéquate,
les expressions non verbales du bébé, ses expressions corporelles
qui deviennent pour elle du langage. Comme le disait Françoise
Dolto, « tout est langage ». Mais attention, j’insiste ici sur cette
puissance de résonance du corps maternel qui vibre au corps du
bébé. Il ne s’agit pas d’une connaissance intellectuelle. Pour s’en
convaincre, il suffit de se souvenir des sensations de qui a allaité
son bébé – sensations du mamelon, du lait qui commence à
monter et à s’écouler dès les premiers petits cris du nourrisson.
C’est ainsi, par cette faculté toute particulière à être dans cette
écoute sensitive, sensorielle, que la mère peut soigner, entourer,
comprendre son bébé. C’est un état très particulier que cet état
d’être mère d’un nourrisson, une mère qui peut comprendre – au
sens littéral de « prendre avec » – par tous les pores de sa peau,
quelque chose qui reste totalement étranger et incompréhensible
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pour le commun des mortels moins investi de fait dans cette rela-
tion, nourrie de liens serrés, tissés dans une première proximité,
voire expérience de fusion des corps. Cet état maternel demande
une certaine régression, un retour à un état depuis longtemps
oublié, quand l’essentiel des modes d’expression humaines pas-
sait par le corps.

DIFFÉRENCIATION ET SÉPARATION :
UN CHEMIN JALONNÉ D’OBSTACLES

L’enfant grandit. La mère évolue avec lui. Et c’est grande-


ment souhaité ! Il va lui falloir oublier cet état maternel (un peu
fou mais tellement normal) pour laisser à l’enfant la place d’oc-
cuper son corps et le faire advenir sien. Plus l’enfant s’approprie
une autonomie – dans une préhension de plus en plus fine, un
processus de verticalisation de plus en plus affirmé et une
conquête de l’espace qui l’entoure – plus les gazouillis vont
prendre forme pour devenir les premiers mots. La mère, aidée en
cela par la présence attentive du père, va prendre de la distance et
donner ainsi la possibilité à son enfant de s’approprier son corps
et d’entrer dans le langage.
C’est par l’appropriation subjective de son corps – avoir un
corps qui devient de plus en plus autonome et au service du désir,

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de la découverte, des expériences et de la curiosité – que l’enfant


prend possession de lui-même. En d’autres termes, qu’il devient
sujet de son désir, être vivant, différencié et séparé.
Le chemin de cette appropriation et de cette différenciation
est long et les avancées s’accompagnent souvent de peurs, d’an-
goisses, de recul devant certaines épreuves. Les séparations diffi-
ciles à la crèche, la première entrée à l’école maternelle, tous ces
micros événements qui marquent la vie quotidienne, sont autant
d’obstacles à franchir. La peur de dormir seul, la peur du noir, les
difficultés pour aller se coucher, l’apparition des cauchemars,
tous ces « mini symptômes » qui concernent le sommeil alors que
jusque-là tout se passait bien, sont des symptômes nécessaires à
l’enfant pour exprimer combien il lui est difficile de se séparer et
de devenir grand. Et cela ne peut se vivre sans avoir besoin de
recourir parfois à la régression.

ACCÈS À LA DIFFÉRENCIATION DES SEXES ET DES GÉNÉRATIONS

Un bébé ne se ressent pas sexué. Par contre, dans les bras de


la mère, il va se ressentir dans toutes ces zones corporelles,
notamment les zones génitales. Toute personne qui s’occupe
des soins du bébé est marquée dans ses gestes selon qu’elle est
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une femme (la mère, la nourrice, l’assistante maternelle), un

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homme (le père le plus souvent), du même sexe ou de l’autre
sexe que celui du bébé. Ce n’est pas seulement une histoire de
savoir, c’est aussi une histoire de corps, de gestes, de ressentis,
de précautions prises, de mots dits, d’inconscients corporels et
psychiques. Et c’est dans ces éprouvés que le bébé va installer
en lui, dans un premier temps, le sentiment de sa permanence et
de sa globalité corporelle, puis le sentiment d’être un petit
garçon ou une petite fille. Cette pré-conscience d’une différen-
ciation sexuée se vit assez tôt dans la vie d’un enfant. Bien
avant l’entrée dans l’œdipe.
L’accès à la différence des sexes et des générations, qui a été
beaucoup développé par Freud notamment par le biais de cette
avancée et étape primordiale que constitue l’entrée dans la
phase œdipienne, va se faire précurseur de l’accès à l’intimité
de son corps. Autrement dit, il n’y a pas d’intimité sans l’inté-
gration psychique, symbolique de l’interdit de l’inceste, sans
que cet interdit soit énoncé et intégré symboliquement par l’en-
fant. L’enfant qui n’est pas protégé de ses propres pulsions par
cet interdit structurant ne peut ni accéder à la maîtrise de son
corps, ni accéder à la jouissance de son corps sans être constam-
ment débordé par la jouissance et le pouvoir que l’autre garde
sur son corps.

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Ceci peut se constater dans la réalité – les exemples d’adoles-


cents évoqués précédemment en témoignent : le corps réel est
aux prises avec le pouvoir maternel – ou dans le fantasme, ce qui
est tout aussi préoccupant (dans le film La pianiste, le personnage
joué par Isabelle Huppert montre combien cette femme autonome
et douée reste aliénée et soumise à sa mère dans une totale rela-
tion d’emprise).
Chez ces enfants, dont les états d’agitation et d’excitation
envahissent aujourd’hui nos cabinets de consultation et nos
réflexions de thérapeutes – le symptôme d’hyperactivité en est un
exemple – on constate de façon récurrente une faille du côté des
limites et des repères générationnels.

UN CORPS QUI DEVIENT LE SIEN,


UNE INTIMITÉ QUI PEUT S’ÉPROUVER

L’intimité peut donc être considérée comme étant la résultante


de cette maturité : « être son corps », avoir un corps s’apparte-
nant. Elle est fondamentalement liée à la maturité affective de
l’enfant. Avoir un corps à soi, c’est avoir des repères, se
connaître, avoir des sensations et des perceptions qu’on peut inté-
grer (faire rentrer à l’intérieur de soi) dans lesquelles on a
confiance, sur lesquelles on peut s’appuyer. Ceci concerne autant
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les expériences apparemment basiques du froid, du chaud, de la
douleur, du bon et du plaisir que les sensations de la tension, de
la détente musculaire, du bien-être ou du mal-être psycho corpo-
rel. C’est aussi avoir la conscience d’un espace dans lequel on
prend sa place, un espace qui va peu à peu s’orienter, c’est avoir
intégré ses propres limites corporelles, ses rythmes. L’intimité,
c’est aussi pouvoir garder ses secrets, savoir que personne ne va
venir « fouiller » dans sa chambre comme dans sa tête.
Les enfants, à un certain age, commencent à fermer la porte
de leur chambre. Ils affichent, alors qu’ils commencent à peine à
écrire : « Interdit d’entrer ». Peu importe les fautes d’orthographe
(j’ai du mal à en imiter toute la richesse créative ! ) les parents
ont compris : leur enfant a grandi. C’est bien parce qu’il a intégré
qu’il y a des interdits, qu’il peut jouer avec, les faire siens, les uti-
liser à son service. C’est bien parce qu’il y a des interdits qu’il
peut tenter de les franchir, de les tester. Rien à voir entre un
enfant qui teste la fiabilité de l’interdit et un enfant qui n’en a
cure et dénie jusqu’à leur existence (souvent d’ailleurs en imita-
tion des parents). Pour cet enfant-là, le jeu n’existe pas. Tout est
ouvert, y compris son corps dont il a bien du mal à se faire
maître : impulsivité, in contrôle, débordement, envahissement
émotionnel, excitation, tout autant de comportements qui témoi-

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gnent de la difficulté de ces enfants à vivre à l’intérieur d’eux-


mêmes.
L’enfant se vit constamment sous influence. Il le dit lui-
même : « C’est ma jambe qui a fait ça, c’est ma main qui a
cassé ».

DE L’INTIMITÉ À LA PUDEUR

La pudeur est la conséquence de cette reconnaissance et de


cette représentation de soi et de son corps, avec en plus une inté-
riorisation nécessaire de cette différence des sexes et des généra-
tions qui marquent, en tant que repère, la relation aux autres.
Pour rappel, vouloir « cacher son corps » est normal à un cer-
tain âge (environ 7, 8 ans). Prendre sa douche seul, s’habiller
seul, se « mettre au secret » pour aller aux toilettes.
La pudeur, c’est avoir un souci de soi et des autres. Des autres
sont là, qui existent, qui ont un regard sur soi. On ne peut pas être
pudique sans être assuré qu’il y a un autre qui existe.
Pour l’enfant, devenir pudique, c’est affirmer (même si bien
sûr il ne le dit pas comme ça) que son corps est à lui et qu’il peut
en prendre soin. C’est affirmer qu’il est grand. C’est aussi recon-
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naître que ses parents sont différents de lui et que sa mère n’est

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pas à lui. C’est sortir du statut régressif de « l’enfant à maman »
et accéder à la reconnaissance du corps dans toute sa dimension,
un corps sexué, avec des parties corporelles qui sont non pas à
cacher parce que honteux, mais parce que ça concerne soi dans sa
vie intime, et plus tard soi dans sa vie sexuelle d’amour. L’enfant,
bien avant de le savoir, pressent – il n’a pas besoin de le lire dans
les livres ou de l’apprendre en cours d’éducation sexuelle, c’est
par le langage du corps qu’il en a la conscience assez précoce-
ment – que son père et sa mère l’ont fabriqué, et que pour cela, il
s’est passé quelque chose entre eux qui a donné naissance à un
enfant qui est lui (ou ses frères ou sœurs). Il pressent (et ça lui est
dit) que les câlins des grands n’ont rien à voir avec les câlins des
petits.
La pudeur, c’est la possibilité de reconnaître son intimité et
l’intimité de l’autre. Il va donc y avoir – pour accéder à cette
acceptation qui a des implications personnelles et sociales pré-
sentes et futures – une nécessité obligée, celle de s’être construit
en tant que sujet.
Chez les enfants que je rencontre dans mon cabinet ou en
CMPP – pour ne pas parler de la psychose ou de l’autisme où la
différenciation des êtres est une question jamais vraiment réso-

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lue – quand on aborde la question de l’intimité dans le quotidien


familial, on se rend souvent compte que ces enfants en difficulté
scolaire, agités, etc., sont également en grande difficulté dans leur
rythme corporel comme dans leur autonomie corporelle.
S’habiller seul, se laver seul, s’endormir seul, avoir des repères
dans le temps et l’espace (ce qui permet à l’enfant de savoir où il
en est dans sa journée par exemple), tous ces actes dans la vie
quotidienne posent problème. Et presque paradoxalement, parce
qu’il s’agit de la base sur laquelle se construit l’autonomie de
l’enfant, ce ne sont jamais de ces actes-là que les parents parlent
le plus spontanément, en tout cas, ce n’est jamais pour ça qu’ils
consultent. Ce n’est qu’au cours de l’entretien d’anamnèse, alors
que je pose des questions en apparence anodine (Il dort bien ? Il
s’habille seul ? etc.) que j’apprends que tel enfant de 7 ans ne sait
pas encore s’habiller seul, ou que celui-là de 8 ans ne se prend
pas du tout en charge, oublie systématiquement de se laver les
dents si on ne le lui rappelle pas, ou que la porte des toilettes reste
systématiquement ouverte au regard, même en présence d’invi-
tés… D’où des rythmes de folie le matin avant d’aller à l’école
dans certaines familles (l’enfant traîne, n’a pas la notion du
temps) ou encore les embouteillages terribles dans la salle de
bain, les remarques désobligeantes de la part des grands parents
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qui n’oublient jamais de dire que « les enfants étaient quand

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même mieux élevés de leur temps » !
Tous ces « comportements symptômes » sont lourds de signi-
fication quant à des étapes non élaborées démontrant combien
l’enfant n’a pas intégré en lui le sentiment de s’appartenir en
propre. Dans d’autres cas de figure, la peur qu’on lui en demande
trop, qu’on « l’abandonne » à lui-même s’il se montre par trop
autonome, l’amène à freiner des quatre fers pour grandir. Les
résistances – en tant que manœuvres de protection – viennent
souvent au secours d’un moi trop fragile, insécurisé ou immature.
Il faut dire aussi que parfois, sous couvert de demandes édu-
catives trop rigides ou encore d’un trop de demandes déguisées
en principe éducatifs qui permettent à certains parents de se
dédouaner de leur rôle de parents et d’adultes, les adultes exagè-
rent, les enfants le sentent et résistent comme ils peuvent, s’ils le
peuvent.
Une autonomie bien intégrée ne peut se construire qu’à partir
du sentiment d’être soi, et cette affirmation et cette expression de
soi ne peuvent s’élaborer que sur le sentiment d’avoir pu prendre
appui sur l’autre. Sinon c’est une fausse autonomie qui vole au
secours de l’individu projeté dans des expériences qu’il lui faut
bien assumer pour survivre, sans pour autant avoir la maturité de

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Clinique du secret

les comprendre et les intégrer. Les expériences fondamentales –


qui s’enracinent dans les expériences du corps en relation à
l’autre et à son environnement, dans un tissage psycho affectif où
se nourrit la conscience de soi séparé et différencié – vont consti-
tuer ce socle identitaire primaire, cette base narcissique solide,
qui permettra d’accéder à des processus cognitifs qui engagent la
pensée, la réflexion, ces mécanismes de symbolisation plus
secondarisés.

PUDEUR ET INTIMITÉ : LE PLAISIR DES SECRETS HEUREUX

Le temps des secrets est venu. Les enfants grandissent. Ils se


racontent des histoires. Des histoires entre eux, des histoires de
petits que les grands n’ont pas le droit de savoir.
Les grands aussi ont des secrets, qu’ils confient parfois aux
enfants.
« Je vais te dire un secret : dimanche prochain, c’est l’anni-
versaire de papa. On va lui acheter un cadeau. Il ne faut pas le
dire. Je te fais confiance. »
Faire confiance à son enfant, c’est lui permettre de « faire la
preuve » (jolie expression des enfants) qu’il va pouvoir garder à
l’intérieur de lui ce secret partagé, ce joli secret d’amour.
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Dans le secret, il y a du jeu. Le secret est la forme la plus éla-
borée du « cacher/trouver » des premiers jeux de l’enfance – le
« coucou, ah le voilà ! » du bébé qui vient concrétiser en lui l’al-
ternance entre l’absence et la présence, des absences non des-
tructrices puisque non vides, symbolisées par des traces, du lien,
du souvenir. Ces jeux du tout-petit qui – avant de pouvoir cacher
un objet – se cache, sans se cacher, avec l’angoisse délicieuse
d’être surtout retrouvé. Quelle horreur s’il n’était pas retrouvé !
Et s’il était oublié ! Le secret vient vérifier une intériorité mise à
l’épreuve tant dans les mécanismes de pensée plus secondarisés
que dans le savoir garder à l’intérieur de soi. Garder un secret
pour un enfant est une étape cruciale qui parle de sa maturité.

DANS LE JOUER, LES SECRETS

Il y a des secrets dans le jouer. On voit combien dans le jeu,


la progression des enfants dans le « savoir garder pour soi » est
dépendante de leur maturité. Le jeu des sept familles, qui est l’un
de premiers jeux avec règles les plus appréciés des enfants, est un
exemple illustrant bien cette problématique. Je rappelle – pour
celui qui aurait oublié son enfance – que le jeu des sept familles
repose sur le plaisir de garder secrètes ses cartes pour rassembler
les familles (le père, la mère, le frère, la sœur, le grand-père et la

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Intimité du corps. Espace intime. Secret de soi

grand-mère), « piquer » des cartes à l’autre en profitant éventuel-


lement de sa négligence ou de son manque de stratégie, pour
enfin gagner en remportant le maximum de familles.
Ce jeu qui fait les délices de tous les « psy » dans son conte-
nant symbolique, fait mes propres délices pour une tout autre
raison. Il faut garder secret son jeu. Donc : savoir assembler ses
cartes dans sa main, les tourner vers soi, vers son « centre »,
c’est-à-dire son ventre ou sa poitrine c’est selon, en tout cas vers
la partie avant de son corps, les protéger des regards de ses voi-
sins, d’en face et de côté, ne pas se tourner soi-même ou bouger
dans tous les sens au risque de découvrir son jeu par simple
déplacement du corps. Bref, un jeu qui demande une stratégie
corporelle et une attention à soi, dans son espace propre comme
dans son rapport au corps de l’autre ou des autres.
Un enfant trop jeune ne peut absolument pas jouer seul à ce
jeu. Il lui faut être aidé par l’adulte. Tous les parents le savent
intuitivement et le font très spontanément. Nous voyons ensuite,
chez les enfants immatures dans leur sentiment de soi, combien
il est difficile pour eux de garder le secret, ne serait-ce que parce
que leur corps ne peut garder aucune stabilité, et qu’ils sont sans
arrêt en état de déconcentration (qui, dans son premier sens cor-
porel, est une impossibilité de centration). Or le centre s’organise
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dans la sensation d’avoir un intérieur et un axe, solidement
éprouvés et vérifiés.
Garder secret est donc là aussi la résultante d’avoir établi un
solide sens de soi, avec un dedans et un dehors bien différenciés.

DES SECRETS QUI CONSTRUISENT, DES SECRETS QUI PROTÈGENT

Combien de parents aimeraient savoir ce que leur enfant font


dans leurs séances de thérapie, être « une petite souris » !
Certains enfants ne sont pas avares de leur raconter leurs
exploits : « j’ai sauté, j’ai dansé, j’ai marché à quatre pattes, j’ai
joué aux fléchettes, à la corde, au ruban, au tigre qui grogne et qui
rugit, à la maison soleil, à la tortue dans sa maison… ». Ceux qui
parlent sont en général ceux qui sont les plus libres dans leur
parole et dans leur secret.
Il y a des enfants, encombrés par un surmoi gros comme une
patate, qui viennent me voir, par exemple, pour des symptômes
très précis, relatifs au scolaire, qui ont un sens très vif du devoir
« il faut, il faut pas ». Je leur propose d’aller du côté de leur créa-
tivité pour détendre un peu cette pression qui les oblige à être
sans arrêt en tension et en perfection. Mais jouer, est-ce que c’est
sérieux ? Il est fréquent que le père, la mère, le grand-père ou la

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Clinique du secret

2. Laissons de côté ici les grand-mère (allons-y avec le jeu des sept familles !) s’en mêlent
raisons inconscientes de et laissent entendre que « vraiment ce n’est pas du travail ce qu’il
rivalité ou autre espèce
de sentiments ambiva-
fait avec la psychomotricienne !2 », malgré les progrès faits par
lents, dont nous sommes ledit enfant…
très familiers…
Il y a les enfants à qui il faut apprendre à « garder pour soi »
– ceux qui s’offrent totalement comme objet de l’autre.
Certains enfants sont tellement peu séparés (je ne parle pas des
tout-petits mais des grands « tout-petits dans leur tête ») qu’il leur
faut immédiatement montrer la belle tour qu’ils ont construite ou
le beau château qu’ils ont dessiné. Chez eux, le dedans et le dehors
ne sont pas encore construits et différenciés, les limites d’espace et
de temps sont floues, encore peu repérables. J’ai souvent constaté
chez leurs parents la même porosité des limites (même réelles,
comme celle que constitue une porte fermée, celle du cabinet…)
dans leur incapacité à respecter un cadre, notamment thérapeu-
tique. Cela crée des comportements « addictifs » aux parents.
Peu à peu, on peut du moins l’espérer, ces enfants construiront
leur espace intérieur au fil des séances et garderont pour eux leurs
productions imaginaires ou les transformeront en mots, ce qui est
déjà beaucoup plus élaboré.

LE
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FARDEAU DES SECRETS

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Il y a des secrets qu’on garde parce qu’on sait qu’il y a un
interdit qui pèse : interdit de penser, interdit de savoir, interdit
sous peine de… Dans ces cas-là, le contenu du secret est rem-
placé par un poids, un fardeau souvent lourd à porter. L’enfant
porte un sac dont il ignore le contenu, qui peut entraver ses réali-
sations, ses facultés de penser ou ses capacités d’expression. Il ne
peut plus faire que porter. La lourdeur s’accompagne alors sou-
vent de la menace que le contenu ne s’échappe. L’enfant a la
lourde responsabilité (inconsciente) de faire que l’autre détourne
le regard de ce qui pourrait échapper et menacer. Aucune ques-
tion, aucune curiosité n’est autorisée : l’enfant le sent bien qui
met tout en œuvre pour conserver ce secret dont il ignore tout,
quitte à créer du symptôme pour détourner l’attention. Parfois, le
symptôme a l’effet inverse et le secret sort de son tombeau.

Rebecca arrive avec sa maman pour un bilan psychomoteur. La maman a été sollicitée pour cette
démarche par la maîtresse, inquiète devant l’inhibition de cette enfant trop passive. Rebecca a 5 ans
et demi et le passage en CP semble compromis : elle se tétanise en effet devant la moindre des
consignes.
Au fil de l’entretien, où me sont donnés des renseignements sur le développement psychomoteur et
l’histoire des premières années de Rebecca, la maman revient sur un événement douloureux qui l’a
…/…

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Intimité du corps. Espace intime. Secret de soi

…/…
marquée : le décès de son propre grand-père qu’elle adorait alors qu’elle venait d’accoucher de sa
seconde fille. Elle me dit, devant Rebecca qui dessine très sagement à côté de nous, que celle-ci n’est
pas au courant et qu’elle ignore tout. Je fais remarquer que, tout comme moi, Rebecca vient
d’entendre ce qui lui était caché jusque-là. J’ajoute que, sans doute en ma présence, il lui a été plus
facile de parler sans être submergée par son propre chagrin. La maman pleure doucement, Rebecca la
regarde et dit : « De toute façon, maman, je le savais. »
Il s’avère que ce premier secret dévoilé lors de notre première consultation, en cachait un autre, enfoui
dans l’histoire transgénérationnelle du père de Rebecca, secret que nous allons sortir de l’ombre au
cours d’une autre consultation parentale. L’inhibition de Rebecca, dans les mois qui suivent, se
transforme assez vite en excitation comme si l’allègement quasi corporel ressenti devait d’abord passer
par un ensemble d’éprouvés pour dégeler un corps auparavant figé. Il faut savoir que cette petite fille,
intelligente, en début de thérapie restait plantée au milieu de la pièce sans pouvoir bouger pour aller
vers un jeu susceptible de l’intéresser. Je ne peux développer ici le travail entrepris avec cette enfant,
mais il est clair pour moi que le dégel des affects chez Rebecca est passé par un dégel du corps et des
éprouvés corporels. Quand nous avons arrêté la thérapie, elle était devenue tout à fait à son aise à
l’école, avait des copines, et montrait de réelles compétences pour les apprentissages en CP puis
en CE1.

Histoire classique de secret dévoilé comme malgré soi à l’en-


fant, en consultation. Exemple classique d’un travail de thérapie
qui permet aux parents de se décharger d’une histoire enclavée
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dans les greniers de la mémoire. Ce qui est moins classique peut-

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être est de penser que le corps même de l’enfant porte le secret
(ou son fardeau) et que ce poids peut avoir un effet quasi concret,
qui entrave ses mouvements, inhibe ses déplacements dans l’es-
pace, avec des effets catastrophiques sur sa curiosité ainsi que sur
toutes les acquisitions que l’enfant ne peut faire que par l’inter-
médiaire d’un corps investi et vivant.

LAISSER L’ENFANT GRANDIR OU L’AIDER À GRANDIR ?


La pudeur et l’intimité sont des étapes nécessaires et fonda-
mentales marquant un nouveau pas de l’enfant vers son autono-
mie. Par leurs attitudes éducatives, les parents soutiennent et
accompagnent l’enfant vers une appropriation de lui-même. De
même que savoir dire non est important, aider l’enfant à acquérir
une intimité et n’être plus « l’objet » de maman ou de papa, en
d’autres termes l’aider à devenir indépendant de façon mesurée et
en fonction de ses possibilités, aide l’enfant à grandir. Ceci
concerne tous les actes de la vie : se laver, s’habiller, choisir ses
vêtements, prendre sa douche, s’essuyer les fesses… Ceci
demande également aux parents d’évoluer, de faire évoluer leur
regard sur leurs enfants.
Respecter le besoin d’intimité et de secret de chacun. Ne plus
se promener tout nu devant eux. Fermer la porte de la salle de

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Clinique du secret

bain ou des toilettes. Dire aussi que l’intimité des grands, ça


existe. Respecter le lieu de la chambre, le temps des petites boîtes
à secrets, secrets entre copains et copines, premiers mensonges
réussis.
En d’autres termes, accepter de sortir de ce rapport fusionnel
qui était l’apanage des liens de la toute petite enfance, et qui
signerait, s’il perdurait, une relation pathologique parent/ enfant.
Aider son enfant à grandir… aide à le laisser grandir.
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Mots-clés : RÉSUMÉ
Intimité, pudeur, À travers ses réflexions de psychomotricienne et de clinicienne, l’auteur
identité, autonomie, explore les liens inextricables entre le secret et l’intimité. Prenant pour
développement point de départ ce long voyage qu’est la construction d’un sujet qui s’ap-
psychoaffectif et proprie son corps, lieu de son identité profonde, elle explique ensuite que
psychomoteur, maturité, la capacité de « garder secret en soi » naît de la construction d’un espace
corps. psychique qui repose sur l’appropriation concrète et subjective d’un
corps.

Key words : SUMMARY


Intimacy, decency, The author, as a psychomotrician and a clinician, explores the bonds bet-
identity, autonomy, ween the secrecy and the intimacy. Considering the long way to the
psycho-affectiv and construction of self, which recquires to appropriate one’s body, she
psychomotor explains how the capacity «to keep a secret insinde comes from the
development, maturity, construction of a « psychic space » which rests on the concrete and sub-
body. jective appropriation of a body.

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