miquel 2005

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Transfusion Clinique et Biologique 12 (2005) 45–55

MISE AU POINT

Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires


(IFME) : de la surveillance immunohématologique
des femmes enceintes à la maladie hémolytique
du nouveau-né (MHNN)
Foetomaternal incompatibilities: since expectant mothers’
immunohaematologic supervision to new-born child’s
haemolytic disease

E. Miquel a,*, B. Cavelier a, J.C. Bonneau a, P. Rouger b


a
Établissement français du sang, NORMANDIE, France
b
INTS (institut national de la transfusion sanguine), 6, rue Alexandre-Cabanel, 75739 Paris cedex 15, France

Résumé

Malgré la généralisation des mesures de prévention de l’allo-immunisation fœtomaternelle anti-D par immunopro-
phylaxie depuis les années 1970, 30 ans plus tard, ses complications (maladie hémolytique sévère du nouveau-né,
mort fœtale par anémie ou ictère nucléaire néonatal par encéphalopathie bilirubinique) n’ont pas disparu. En
parallèle, les allo-immunisations aux antigènes immunogènes autres que D augmentent, pour lesquelles il n’existe pas
de prévention. Dans le cadre de la mise en place en France des fichiers régionaux recensant et analysant les
incompatibilités fœtomaternelles graves avec traitement transfusionnel in utero ou à la naissance, il nous est apparu
utile de réaliser la synthèse des données actuelles, biologiques (avec le dépistage précoce de l’allo-immunisation
érythrocytaire et son suivi au cours de la grossesse, le statut immunohématologique du géniteur, l’appréciation du
risque d’immunohémolyse in utero et l’impact de nouvelles techniques de diagnostic non invasives (génotypage
RH1 fœtal à partir de l’ADN fœtal du plasma maternel des mères RH1-), cliniques et paracliniques (d’évaluation de
l’atteinte hémolytique fœtale par échographie, enregistrement des mouvements fœtaux et du rythme cardiaque
fœtal), thérapeutiques (associant transfusions ou exsanguinotransfusions fœtales in utero, néo- ou postnatales,
accouchement prématuré provoqué, photothérapie intensive continue du nouveau-né et immunoprophylaxie
Rhésus), afin que les intervenants médicaux et paramédicaux assurent de façon éclairée, concertée, consensuelle et
pérenne la surveillance spécifique des grossesses avec incompatibilité fœtomaternelle, la prise en charge in utero,
néo- et postnatale de l’enfant et la prévention thérapeutique efficace de l’allo-immunisation anti-D.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Despite the generalization of prevention measures against foetomaternal alloimmunization with anti-D immunopro-
phylaxis since 1970s, retrospectively 30 years later, its complications (new-born child’s severe haemolytic disease,
foetal death by anemia or nuclear icterus by bilirubin encephalopathy) have not disappeared. At the same time,
alloimmunizations against antigens other than D increase with no possible prevention. As part of the set up in France
of regional files analysing and making an inventory of serious foetomaternal incompatibilities requiring in utero or
neonatal transfusion, we felt the need to synthesize current data, biological profiles (early screening of erythrocytic

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : evelyne.miquel@efs.sante.fr (E. Miquel).

1246-7820/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/S1246-7820(05)00007-8
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alloimmunization and its follow up during pregnancy, father’s immunohaematologic status, evaluation of in utero
immune haemolysis and impact of new non invasive techniques of diagnosis-RH1 foetal genotypage from ADN foetal
of RH1 – mothers’ maternal plasma), clinical and paraclinical data (evaluation of foetal haemolysis by echography,
recording of foetal movements and foetal cardiac rhythm), therapeutic indicators (in utero foetal transfusions or
exsanguinotransfusions, neo and postnatal transfusions or exsanguinotransfusions, induced premature labour,
newborn’s intensive continue phototherapy and Rhesus immunoprophylaxis) in order to enable medical and
paramedical professionals to carry out the specific supervision of pregnancies with foetomaternal incompatibility, the
in utero, neo- and postnatal treatment of child and the efficient therapeutic prevention of anti-D alloimmunization, in
a cooperative way.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Maladie hémolytique du nouveau-né ; Allo-immunisation : dépistage, surveillance, prévention ; Groupes sanguins ;
Sécurité transfusionnelle

Keywords: Hemolytic Disease of the newborn; Alloimmunization; Blood groups; Blood Transfusion Safety

Malgré les progrès réalisés en matière de prévention 1.1.1. Anticorps naturels sans risque de maladie
spécifique et de meilleure prise en charge des grossesses à hémolytique fœtale ou néonatale (Tableau 1)
risque, l’allo-immunisation à l’antigène (Ag) Rh D (RH1) est Anti-Lewis (anti-LE1, anti-LE2...) 90 %, Anti-H 5 %,
encore très fréquente. Parallèlement, les allo-immunisations Anti-P1 5 %
aux autres antigènes que Rh D (RH1), dont l’origine n’est pas
que post-transfusionnelle, augmentent : l’allo-immunisation Tableau 1
antiérythrocytaire et sa surveillance restent donc un pro- Anticorps Antigènes
blème d’actualité qui concerne l’ensemble des femmes en- IgM – Absents (Lewis1, Lewis2) ou
ceintes quel que soit leur groupe sanguin Rh D (RH1) incapables de franchir la barrière – Mal développés (H, P1) chez le
placentaire fœtus
(Arrêté ministériel du 17 mai 1985 et décret de loi du
14 février 1992 [1]), car elles peuvent donner lieu à une (Leur titrage est inutile mais la RAI doit être reprogrammée régulièrement).
IFME pathogène pour le fœtus ou le nouveau-né, induisant
un risque d’anémie sévère entre trois mois d’âge concep- 1.2. Les anticorps immuns (Annexe A)
tionnel et trois mois d’âge postnatal, d’encéphalopathie bili-
rubinémique (ictère nucléaire) consécutif à une anémie hé- Leur principale caractéristique est leur synthèse en ré-
molytique durant les premiers jours de vie postnatale. ponse à l’introduction d’un antigène étranger par différentes
Elle vise quatre objectifs : voies : transfusions, grossesses, greffes, toxicomanies intra-
• dépister l’allo-immunisation ; veineuses ; représentant 65 % des anticorps dépistés, ils sont
• surveiller l’allo-immunisation ; toujours actifs à +37 °C, toujours capables de traverser acti-
• prévenir les allo-immunisations ; vement le placenta (Annexe B) : ils sont donc toujours
• assurer la sécurité transfusionnelle [2,3]. potentiellement nocifs pour le fœtus si celui-ci possède
l’antigène correspondant, toujours dangereux chez la mère,
le fœtus et le nouveau-né jusqu’à l’âge de trois mois dans un
1. DÉPISTER ET SURVEILLER contexte transfusionnel.
L’ALLO-IMMUNISATION [4–6]

(Fréquences et spécificités des anticorps [Acs] antié- 1.2.1. Anticorps immuns avec risque d’hémolyse in
rythrocytaires chez la femme enceinte) utero (Annexe C) [7]
La fréquence des anticorps antiérythrocytaires détectés • Anti-D (RH1) 37 % (l’anticorps anti-D, isolé ou associé à
chez les femmes enceintes est importante : entre 11 % l’anti-C ou l’anti-E est encore l’anticorps le plus fréquem-
(1993) et 15 % (1995). ment rencontré) ;
Deux types d’anticorps sont concernés : les anticorps • Anti-c (RH4), Anti-E (RH3) 37 % (ils peuvent entraîner
naturels et les anticorps immuns. des maladies fœtales gravissimes, en particulier l’anti-c) ;
• Anti-C (RH2), Anti-Cw (RH8), Anti-e (RH5) ;
1.1. Les anticorps naturels (Annexe A) Anti-Kell (KEL1) 15 % (il peut susciter des IFME aussi
graves que celles provoquées par l’anti-D) ;
Leur principale caractéristique est leur préexistence en • Anti-Duffy (FY1, FY2...), Anti-Kidd (JK1, JK2...), Anti-M1
dehors de toute stimulation fœtomaternelle ou transfusion- (MNS1) 11 % ;
nelle ; représentant 35 % des anticorps dépistés, ils n’ont
aucune incidence fœtale, mais ils sont dangereux pour la
mère dès la première transfusion s’ils sont actifs à +37 °C. 1
Certains anti-M (anti-MNS1) sont de nature IgG (Tableau 2).
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Tableau 2
Anticorps Antigènes
IgG Pleinement exprimés
dès la vie embryonnaire
Toujours capables de franchir la barrière placentaire (transfert précoce des IgG maternelles via le syncitiotrophoblaste
vers le compartiment fœtal dès la 10–12e semaine)
Concentration élevée (le taux fœtal d’IgG maternelles ne s’accroît sensiblement qu’à partir de quatre mois [10 % du taux
maternel] pour atteindre ou dépasser le taux maternel d’IgG en fin de grossesse)
Affinité suffisante pour l’antigène
(Leur titrage est indispensable et la RAI doit être reprogrammée régulièrement).

• Antiprivé, antipublic (ils méritent d’autant plus d’être 1.4. Prise en charge anténatale
détectés avant l’accouchement que certains d’entre eux
posent de sérieux problèmes transfusionnels). 1.4.1. Examens immunohématologiques
obligatoires
Application de la législation en vigueur (Arrêté ministériel
1.3. Anticorps particuliers du 19 avril 1985-Décret du 14 février 1992-GBEA du 26 avril
2002 [8]).
1.3.1. Les autoanticorps
Sans incidence fœtale, ils entraînent cependant des diffi-
1.4.1.1. La double détermination du groupe sanguin ABO-Rh D
cultés de groupage et phénotypage sanguins, de recherche et
(RH1) et du phénotype érythrocytaire Rhésus-Kell [9,10]. Ces
d’identification d’alloanticorps (associés dans 14 % des cas).
examens doivent être réalisés :
• à deux moments différents : aux 3e et 6e mois de gros-
1.3.2. Les anticorps antiprivés sesse (si groupage et/ou phénotypage sanguins non en-
Ils reconnaissent des antigènes de très faible fréquence core effectués) ;
(< 1 %), mais l’atteinte éventuelle fœtale peut être modérée • par deux techniciens différents ;
ou conduire à une mort in utero. • avec deux séries de réactifs différents ;
La RAI est négative chez la mère, mais les hématies du • sur deux prélèvements différents.
nouveau-né, porteuses de l’antigène privé transmis par le Les échantillons de sang veineux doivent être prélevés sur
père et sensibilisées par l’anticorps antiprivé maternel, pré- anticoagulant (EDTA) et étudiés dans un délai maximum de
sentent un test de Coombs direct positif : devant tout signe sept jours.
évocateur d’une IFME, il convient de tester le sérum
maternel/hématies paternelles.
1.4.1.2. La recherche des anticorps irréguliers antiérythrocytaires
(RAI) [11]. Elle est la base de la détection des accidents
1.3.3. Les anticorps antipublic d’allo-immunisation fœtomaternelle et de la sécurité immu-
Les « receveurs dangereux » dits « public négatif » sont nohématologique des transfusions. (Tableau 3)
des sujets dépourvus d’un antigène de très grande fréquence La RAI doit être réalisée sur des échantillons de sang
qui, de plus, est très immunogène : ils ne peuvent recevoir veineux prélevés depuis moins de 72 heures, dont un au
que leur propre sang ou celui de rares individus possédant minimum sur tube sec sans anticoagulant et un sur tube avec
un phénotype érythrocytaire strictement identique au leur. anticoagulant (EDTA).
Ils peuvent développer des anticorps « antipublic » dont Pour mettre en évidence l’ensemble des anticorps antié-
on distingue deux types : les anticorps naturels, présents dès rythrocytaires, une technique de laboratoire est obligatoire :
la naissance, correspondant à l’antigène qui leur fait défaut : le test de Coombs indirect à l’antiglobuline ; une autre est
IgM et/ou IgG : Ac anti-Tja, anti-H... et les anticorps immuns, recommandée : un test enzymatique en « deux temps »
apparaissant dès la première transfusion ou grossesse in- (papaïne de préférence), ces deux techniques étant réalisées
compatible. à +37 °C : en cas de RAI positive, on procède à l’épreuve
d’identification des anticorps irréguliers, sans attendre l’exa-
Chez la femme enceinte, la présence d’un anticorps « an-
men prénatal ultérieur.
tipublic » peut entraîner chez le fœtus une anémie sévère et
parfois très précoce.
Une collaboration étroite entre le service hospitalier et 1.4.1.3. L’identification des anticorps irréguliers antiérythrocytai-
l’Établissement de transfusion sanguine est nécessaire pour res. Elle est obligatoire lors de RAI positive, car elle déter-
réaliser rapidement une enquête familiale, afin de détecter mine la spécificité du ou des anticorps présents et permet
d’éventuels donneurs de sang bénévoles compatibles dans la ainsi de définir un premier niveau de sévérité potentielle :
fratrie de la femme enceinte : la carte de groupe sanguin de • anticorps sans risque hémolytique : auto-Ac, anti-Lewis,
celle-ci doit impérativement mentionner cette particularité. anti-P1, anti-H, anti-HI... ;
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Tableau 3
Prescription et réalisation de la RAI chez les Femmes enceintes
1er examen 4e examen 6e examen prénatal 7e examen prénatal Accouchement
prénatal prénatal
Mois de grossesse 2 3 4 5 6 7 8 9
Femme RhD positif
– Primigestes jamais transfusées ↑ [↑ (si RAI- au 1er ↑ (si RAI-au 1er si transfusion
examen prénatal)] examen prénatal)
– Primigestes avec ATCD transfusionnel ↑ ↑ ↑ ↑ si transfusion
– Multigestes ↑ ↑ ↑ ↑ si transfusion
Femmes RhD négatif ↑ ↑ ↑ ↑ • avant injection Ig anti-D
• dans les 8 semaines
suivant l’accouchement

• anticorps avec risque hémolytique limité à la période 1.4.1.4.1. Titrage des anticorps irréguliers antiérythrocytaires en
postnatale : anti-C (RH2), Cw (RH8), E (RH3), e (RH5), S Coombs indirect (test indirect à l’antiglobuline). Le titrage des
(MNS3), s (MNS4), FY1, FY2, JK1, JK2, M (MNS1), anti- anticorps irréguliers antiérythrocytaires est obligatoire du-
corps privés ou publics,...mais certains d’entre eux peu- rant la grossesse : la technique de référence recommandée
vent néanmoins, à titre exceptionnel, entraîner une ané- est le test de Coombs indirect en tube sur hématies-tests
mie fœtale sévère au cours du troisième trimestre de normales en force ionique physiologique. Il peut être réalisé
grossesse lorsque leur taux est très élevé ; dès la 12e semaine d’aménorrhée.
• anticorps avec risque hémolytique anténatal et postnatal : Il dépend de nombreux paramètres : concentration en
anti-D (RH1), anti-K (KEL1), anti-c (RH4)...L’épreuve anticorps (non mesurable par le titrage), concentration en
d’identification doit être impérativement validée par la antigène, constante d’affinité de l’anticorps, réactifs utilisés
vérification systématique a minima de l’absence de l’anti- (antiglobuline), qualité de la centrifugation, méthode de lec-
gène correspondant à l’anticorps identifié et de son anti- ture.
gène antithétique s’il existe. Il est de ce fait une méthode peu performante car une
Le risque d’anémie fœtale sévère s’étend ici au deuxième différence d’une dilution (classiquement admise) correspond
trimestre de la grossesse et concerne 5 à 20 % des cas. à une différence de 100 %, il ne mesure que la quantité
En cas de présence d’anticorps irrégulier(s) susceptible(s) d’anticorps capables de se fixer in vitro sur les hématies
d’entraîner des accidents d’incompatibilité fœtomaternelles, (quantité qui dépend de la constante d’affinité) et non pas la
une nouvelle programmation des RAI, avec identification et quantité totale d’anticorps présente dans le sérum et il est
titrage et/ou dosage pondéral, doit être effectuée jusqu’à peu reproductible d’un laboratoire à l’autre : c’est pourquoi,
l’accouchement : toutes les deux à quatre semaines, à partir l’évolution du titre doit être estimée dans un même labora-
de trois mois de grossesse, lorsqu’il s’agit d’un anti-D (RH1), toire au décours de la grossesse, dans des conditions tech-
d’un anti-Kell (KEL1), d’un anti-c (RH4). niques très rigoureuses, par rapport à un standard anticorps
de titre et concentration connus, chaque sérum étant testé
1.4.1.4. Le titrage et le dosage pondéral des anticorps irréguliers en parallèle avec l’échantillon de sérum précédent.
antiérythrocytaires. Le risque d’hémolyse in utero est estimé Toutefois, il y a risque d’hémolyse in utero lors de
par l’étude des antécédents obstétricaux et l’étude des titre > 1/8 ou 1/4 pour l’anti-c et l’anti-E.
anticorps dont le titre (technique de Coombs indirect sur
hématies-tests normales) et/ou le dosage pondéral, réalisa- 1.4.1.4.2. Dosage pondéral des anticorps irréguliers anti-
bles dès la 12e semaine d’aménorrhée, augmentent généra- érythrocytaires (concentration en µg/ml). Le dosage pondéral,
lement de façon significative en cours de grossesse, si le recommandé par circulaire ministérielle du 17 mai 1985 et
fœtus est antigéno-incompatible, mais également de façon figurant à la nomenclature des actes d’immunohématologie
inopinée et avec une amplitude imprévisible, d’où la néces- (arrêté du 14 novembre 1993), permet d’exprimer la
sité de répéter systématiquement titrages et dosages à concentration en µg/ml des IgG et une approche de la
intervalles réguliers : toutes les deux à quatre semaines, à concentration réelle en IgG anti-D dans le sérum maternel.
partir de trois mois de grossesse, lorsqu’il s’agit d’un anti-D Il peut être réalisé dès la 12e semaine d’aménorrhée.
(RH1), d’un anti-Kell (KEL1), d’un anti-c (RH4). Il s’agit d’une technique d’agglutination automatisée et
Quelle que soit sa spécificité, tout anticorps irrégulier IgG donc reproductible : elle consiste en un dosage comparatif
de titre > 1/8 ou 1/4 pour l’anti-c (RH4) et l’anti-E (RH3) ou par rapport à un étalon anti-D de concentration connue, les
de dosage pondéral > 0,7 µg/ml (pour les anti-Rhésus) peut hématies-tests cibles restant le support de la fixation des
entraîner une anémie fœtale. anticorps. Cette fixation est quantifiée, après lavage des
C’est pourquoi il est indispensable que toute femme hématies-test, au moyen d’antiglobuline anti-IgG marquée
enceinte immunisée soit prise en charge par un centre de (dosage Sol Elisa, dosage en cytométrie de flux) ou, sans
diagnostic anténatal et thérapie fœtale, par un centre de lavage, par mesure d’intensité de leur agglutination dans des
référence en immunohématologie érythrocytaire. circuits à flux continu.
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Tableau 4
Taux « critiques »des principaux anticorps à risque fœtal
Risque fœtal présent à partir de 18 SA 24 SA 28 SA 32 SA 36 SA
Anti-D (RH1) Dosage pondéral : > 4 µg/ml 3 µg/ml 2 µg/ml 1 µg/ml 0,7 µg/ml
(titre > 16)
Anti-Kell (KEL1) Titre : > 1/128 1/128 1/64 1/16 1/16
Anti-c (RH4) Dosage pondéral : 2000 UCHP/ml 1500 UCHP/ml 1000 UCHP/ml 750 UCHP/ml 500 UCHP/ml
Anti-E (RH3) (titre > 4)
Profils immunologiques des anti-D : interprétation et signification pronostique
Titre en Coombs Dosage pondéral Dosage pondéral
indirect normal 2 temps 1 temps
Profil 1 1/32 1 µg/ml 1 µg/ml Profil habituel : anticorps d’affinité moyenne, anémie fœtale sévère
possible à partir de 7 mois de grossesse
Profil 2 1/128 0,3 µg/ml 0,6 µg/ml Anticorps de forte affinité, de concentration relativement basse,
sans risque fœtal immédiat
Profil 3 1/128 3 µg/ml 0,4 µg/ml Anticorps de sous-classe IgG3, potentiel hémolytique atténué
Profil 4 1/8 8 µg/ml 0,8 µg/ml Anticorps de basse affinité, de concentration élevée, anémie fœtale
sévère possible en fin de grossesse : ce profil ≈ à l’anti-c (RH4)

Elle est réalisée selon deux variantes : Le dosage pondéral des IgG anti-Rhésus associé au titrage
• variante deux temps : les hématies-tests, traitées par une permet de réaliser une économie des gestes potentiellement
solution de broméline concentrée, sont lavées avant leur iatrogènes : amniocentèses et cordocentèses ; ces prélève-
introduction dans les circuits d’hémagglutination ; ce trai- ments in utero, en raison de leur risque obstétrical et de
tement permet d’assurer un rendement élevé de fixation réactivation de l’immunisation, doivent être limités aux seu-
aux anticorps de basse affinité (le résultat obtenu est les patientes à haut risque, dépistées par les examens non
proche de la concentration réelle de l’anticorps) ; invasifs ; de mieux préciser le moment de la grossesse où les
• variante un temps : une solution peu concentrée de bro- méthodes invasives devront être mises en œuvre : le dosage
méline est introduite dans le circuit, en même temps que pondéral doit donc être effectué dès le premier trimestre de
les hématies-test et les solutions d’anticorps ; le rende- grossesse ; de détecter les réactivations de l’immunisation qui se
ment de fixation des anticorps de basse affinité reste produisent seulement dans 50 % des cas de grossesses
faible et les anticorps IgG3 sont en grande partie détruits ; incompatibles, imprévisibles quant au moment et à l’ampli-
le résultat exprime la proportion d’anticorps autres tude, le dosage pondéral est à renouveler systématiquement
qu’IgG3, de moyenne ou haute affinité, pratiquement toutes les deux à trois semaines à partir du 4e mois de la
toujours des anticorps IgG1 anti-D. grossesse et toutes les deux semaines à partir du 7e mois.
Les anticorps relevant du dosage pondéral sont essen-
tiellement ceux du système Rhésus : anti-D (RH1), anti-c 1.4.2. Examens immunohématologiques non
(RH4), anti-E (RH3), anti-C (RH2), anti-Cw (RH8), anti-e obligatoires
(RH5), en cours d’évaluation : anti-Kell (KEL1).
L’expression des résultats s’établit ainsi : 1.4.2.1. Le groupage sanguin ABO-RhD (RH1) et le phénotypage
• 1 µg IgG anti-D(RH1)/ml = 50 UI = 250 UCHP ; érythrocytaire du procréateur. En cas de présence d’anticorps
• pour les autres anticorps du système Rhésus, sans réfé- irrégulier(s) susceptible(s) d’entraîner des accidents d’in-
rence étalon internationalement reconnue, les dosages compatibilité fœtomaternelles, il convient de phénotyper les
s’effectuent à partir de solutions locales de référence, hématies du géniteur :
calibrées par-rapport à la solution étalon anti-D (RH1) : • si l’antigène cible est absent : l’enfant est du même
les résultats sont alors exprimés en unités locales. phénotype que son géniteur et donc indemne, quel que
Il y a risque d’hémolyse in utero lorsque la concentra- soit le titre des anticorps maternels : le risque d’IFME est
tion en IgG anti-D (RH1) > 0,7 µg/ml ou 3 µg/ml pour exclu ;
l’anti-c (RH4) ± l’anti-E (RH3) (anémie fœtale majeure). • s’il est présent : la recherche des antigènes de la série
allélique autorise le diagnostic d’hétéro- ou d’homozygo-
1.4.1.4.3. Intérêt de l’association Titrage-Dosage pondé- tie pour le marqueur :
ral. L’association titrage et dosage pondéral est indispensable C si le géniteur est homozygote probable : l’enfant porte
pour une meilleure appréciation du risque anténatal : le l’antigène cible et donc en danger de MHNN ;
potentiel hémolytique d’un anticorps dépend de sa concen- C si le géniteur est hétérozygote : aucune conclusion
tration et de son affinité : à concentration égale, un anticorps n’est possible : il y a lieu de suivre avec une attention
ayant un titre puissant (forte affinité) entraîne un risque particulière l’évolution du titre et/ou du dosage pondé-
hémolytique majeur in utero, alors qu’un anticorps ayant un ral des anticorps maternels.
titre faible (faible affinité) n’entraîne pas de risque anténatal Pour l’antigène RH1 dépourvu d’allèle, l’homozygotie
grave. (Tableau 4) D/D est probable si C(RH2) et E(RH3) sont également
50 E. Miquel et al. / Transfusion Clinique et Biologique 12 (2005) 45–55

présents ou si, l’un d’eux seulement étant présent, c(RH4) dramnios, œdèmes).
ou e(RH5)est absent). L’absence d’évolution à quelques jours d’intervalle est un
excellent critère d’apaisement : en effet, les signes d’ana-
sarque se développent généralement très rapidement.
1.4.2.2. Le groupage sanguin fœtal [12,13]. Quand l’anticorps L’examen Doppler des flux sanguins (vaisseaux du fœtus
maternel est puissant, il est utile, lorsque le père est hété- et cordon ombilical) permettrait de prédire le degré
rozygote pour l’antigène correspondant, de phénotyper les d’anémie fœtale (pic de vitesse systolique au niveau de
cellules fœtales. l’artère cérébrale moyenne corrélé au taux d’hémoglo-
On distingue les méthodes invasives que sont l’immuno- bine fœtale).
phénotypage sur hématies extraites du trophoblaste et le Les anomalies du RCF sont plus sensibles que l’échogra-
génotypage par PCR sur liquide amniotique — dès la 19e se- phie au cours des 8e et 9e mois : un rythme plat, des
maine, une fois durant la grossesse (génotypage Rhésus décélérations répétées, un rythme sinusoïdal doivent
D) — à réserver en raison des risques traumatiques de la faire immédiatement évoquer une anémie mal tolérée ;
biopsie choriale et de l’amniocentèse, qui peuvent de plus • une surveillance biologique associée à la mesure de la bilirubi-
aggraver l’immunisation maternelle en favorisant des hémor- namnie (20 % des cas) nécessitant la mise en œuvre d’une
ragies fœtomaternelles, aux femmes Rhésus D négatif avec méthode invasive (amniocentèse) lorsque le titre > 1/8 ou
immunisation anti-D ou aux femmes Rhésus D négatif non 1/4 pour l’anti-c (RH4) et l’anti-E (RH3), la concentration
immunisées lors de la réalisation du caryotype fœtal et les
en IgG anti-D (RH1) > 0,7 µg/ml ou > 3 µg/ml pour
méthodes non invasives, représentées par le génotypage Rhé-
l’anti-c (RH4) ± l’anti-E (RH3).
sus D fœtal à partir de l’ADN fœtal du sang maternel (un
L’amniocentèse permet de déterminer le contenu en
très petit nombre de cellules fœtales est présent dans la
bilirubine du liquide amniotique (indice optique 450 nm
circulation maternelle : ce passage fœtomaternel de cellules
ou indice de Liley — Annexe D — interprétable seule-
offre potentiellement une approche non invasive pour obte-
ment à partir de 22 semaines d’aménorrhée) et de
nir de l’ADN fœtal), à partir de dix semaines d’aménorrhée :
connaître le groupe sanguin du fœtus par groupage géné-
sa sensibilité est de près de 100 % à partir du 2e trimestre de
grossesse ; les contraintes à respecter sont un délai maximal tique en PCR des amniocytes (RH1, RH4, KEL1).
de 48 heures entre la date du prélèvement de sang sur EDTA La ponction de sang fœtal permet de mesurer directe-
et sa réception au laboratoire, en raison de la dégradation ment le degré d’anémie fœtale (dosage de l’hémoglobine
rapide de l’ADN plasmatique, la réalisation des seules deux fœtale) et de phénotyper les hématies fœtales (Annexe
PCR Rhésus D les plus sensibles (dans les exons 7 et 10 du E) ;
gène Rhésus D) du fait de la faible quantité d’ADN fœtal • les transfusions ou les exsanguino-transfusions fœtales in utero
présent dans l’échantillon et la nécessité de vérifier l’absence (25 % des cas), traitement de référence de l’anémie
d’un gène Rhésus D non fonctionnel dans le génome mater- fœtale jusque vers 34 SA : seuil de décision lors du 2e
nel pour éviter certains faux positifs. Tout résultat négatif, trimestre de grossesse entre 5 et 7 g/dl d’hémoglobine, lors du
douteux ou ininterprétable doit être recontrôlé dans un 3e trimestre entre 7 et 9 g/dl d’hémoglobine.
délai d’un mois. L’objectif transfusionnel, 14 à 16 g/dl d’hémoglobine, est
contrôlé extemporanément en cours d’exploration ; la
1.4.3. Place des tests biologiques dans résorption de l’hémopéritoine en trois à cinq jours té-
la surveillance des grossesses [14–16] moigne du succès, inconstant, de cette voie transfusion-
Dans tous les cas, ce sont les méthodes biologiques nelle ;
d’évaluation du risque hémolytique fœtal qui permettent de • un accouchement prématuré provoqué (25 % des cas) :
définir le mode de prise en charge de la grossesse : C avant 34 SA, lors de souffrance fœtale et d’échec de la
• simple surveillance biologique du titre des anticorps et de la transfusion in utero ;
concentration des anti-Rhésus, associée à des méthodes non C après 34 SA, en ce qui concerne les grossesses avec
invasives d’évaluation de l’atteinte hémolytique fœtale (30 % transfusions in utero sous réserve d’une maturation
des cas) : échographie (entre quatre et sept mois), vélo- pulmonaire fœtale suffisante, les grossesses avec surve-
cimétrie Doppler, mouvements fœtaux et enregistrement nue d’une anémie fœtale tardive, attestée par une
du rythme cardiaque fœtal (RCF) (après sept mois). souffrance fœtale tardive ou une évolution péjorative
Ces examens doivent être fréquents : toutes les deux de l’indice 450 du liquide amniotique et les grossesses
semaines, voire parfois toutes les semaines pour l’écho- incompatibles avec taux élevé d’anticorps où un dé-
graphie, une ou deux fois par semaine pour le RCF. Les clenchement de principe sera envisagé à partir de
signes échographiques d’alerte sont classiquement l’épan- 38 SA.
chement péricardique, l’hépatomégalie et l’ascite débu- • CAT en cas d’anticorps à haut risque (anti-D (RH1), anti-c
tante avec anses intestinales « trop » visibles ; ces signes (RH4), anti-Kell (KEL1)) : rechercher si le père porte
précèdent l’ascite évidente et les autres signes d’anasar- l’antigène cible correspondant à l’anticorps maternel et
que évoluée (augmentation du volume placentaire, hy- déterminer la zygosité (phénotype Rhésus Kell complet) :
E. Miquel et al. / Transfusion Clinique et Biologique 12 (2005) 45–55 51

C si l’antigène cible n’est pas retrouvé, aucune sur- de la bilirubine non conjuguée (BNC) sur les neurones des
veillance prénatale n’est nécessaire ; noyaux gris centraux, du tronc cérébral et du cervelet, qui
C Si l’antigène cible est présent chez le procréateur, peut être mortelle ou conduire à des séquelles psychomo-
quelle que soit la zygosité paternelle ; trices et sensorielles très invalidantes : c’est l’ictère nu-
– anti-D (RH1) : titrage et dosage pondéral toutes les cléaire.
deux à trois semaines à partir du 4e mois de gros-
sesse ;
– anti-c (RH4) : titrage et dosage pondéral tous les 1.5.1.3. L’anémie hémolytique. Elle peut être au premier plan,
mois ; accompagnée ou non d’une splénomégalie, hépatomégalie,
– anti-Kell (KEL1) : titrage tous les mois. d’un ictère ; elle apparaît ou s’accentue rapidement, dans un
(le titrage doit être réalisé en test de Coombs délai de quelques jours à quelques semaines.
indirect en tube sur hématies-tests normales en
force ionique physiologique, le dosage pondéral 1.5.2. Bilan biologique
s’exprime en µg, en unités CHP ou en unités inter-
nationales).
• Suivi obstétrical spécifique : l’objectif de ce suivi spécifi- 1.5.2.1. Diagnostic immunohématologique d’incompatibilité. Test
que est de déceler les signes d’anémie fœtale mal tolérée de Coombs direct positif, présence de l’antigène cible et
(parfois présente dès le 4e mois de grossesse), devant élution positive de l’anticorps maternel sur les hématies du
conduire sans délai à un acte thérapeutique (transfusion nouveau-né.
fœtale ou, si le terme le permet, accouchement prématu-
ré).On réalisera des examens non invasifs : une échogra-
phie (entre quatre et sept mois), toutes les deux ou une 1.5.2.2. Hémogramme. Processus hémolytique régénératif :
semaines, et un tracé d’enregistrement du RCF (après anisocytose, sphérocytose, hyperleucocytose et érythro-
sept mois) une ou deux fois par semaine, meilleurs blastose à 100 000/µl.
moyens d’identifier ces anémies sévères et des examens
invasifs : retarder les prélèvements (sang fœtal, liquide
amniotique) aussi longtemps que possible avec en pre- 1.5.2.3. Dosages de bilirubine. L’hyperbilirubinémie non conju-
mière intention l’amniocentèse, moins dangereuse et guée dans le sang de cordon peut atteindre 170 µmol/l
moins susceptible de réactiver l’immunisation maternelle (normale < 20 µmol/l).
par hémorragie fœtomaternelle induite : elle permet de Le seuil de concentration à partir duquel un risque d’ic-
déterminer le contenu en bilirubine du liquide amniotique tère nucléaire apparaît est de 340 µmol/l : ce seuil diminue
(indice optique 450 nm ou indice de Liley interprétable en fonction de l’importance des handicaps associés (grande
seulement à partir de 22 semaines d’aménorrhée) et de prématurité, acidose, atteinte neurologique).
connaître le groupe sanguin du fœtus par groupage géné- 1.5.3. Surveillance et traitement
tique en PCR des amniocytes (RH1, RH4, KEL1) ; la
ponction de sang fœtal permet de mesurer directement
le degré d’anémie fœtale(dosage de l’hémoglobine fœ- 1.5.3.1. En salle de naissance (Annexe F). Dans les cas attendus
tale) et de phénotyper les hématies fœtales. d’IFME, prescrire le bilan biologique ci-dessus sur le sang de
cordon :
1.5. Prise en charge néo- et postnatale [17,18] • en l’absence de signes de souffrance fœtale, lorsque l’ané-
mie a été corrigée in utero par transfusion (TIU) ou
1.5.1. Présentation clinique exsanguinotransfusion (ETIU), renouvelées toutes les
deux à quatre semaines, pas de traitement transfusion-
nel : le taux de bilirubine à la naissance ne doit plus
1.5.1.1. L’anasarque néonatale. Elle est devenue très rare, avec constituer une indication à l’exsanguino-transfusion, que
infiltration des séreuses, des téguments et des tissus et celle-ci ait lieu par voie basse ou par césarienne ;
s’accompagne d’une pâleur extrême et de défaillance poly- • en présence de signes de souffrance fœtale (anomalie du
viscérale ; le pronostic vital en est sombre, même avec un RCF),en cas d’atteinte hémolytique sévère sans traite-
traitement bien conduit. ment transfusionnel in utero (indice optique de Liley en
zone IIb ou III) et/ou devant une aggravation brutale de
l’allo-immunisation (ascension du titre ou du dosage des
1.5.1.2. L’ictère hémolytique. Il apparaît dès les premières anticorps ou apparition de signes échographiques d’ana-
heures de vie et s’intensifie au cours des trois premiers sarque), traitement transfusionnel : si le taux d’hémoglo-
jours : splénomégalie, hépatomégalie et pâleur peuvent l’ac- bine est inférieur à 10–11 g/dl : exsanguinotransfusion
compagner ; en l’absence de traitement, il peut évoluer vers (correction plus rapide de l’anémie, sans risque de sur-
une encéphalopathie bilirubinique, due à l’action nécrosante charge vasculaire) : le concentré érythrocytaire prescrit
52 E. Miquel et al. / Transfusion Clinique et Biologique 12 (2005) 45–55

(CGRUA) doit être de préférence conservé sur CPD : (deux à trois mois), d’où la nécessité de réaliser un hémo-
sang de moins de cinq jours, non isogroupe (sang O utilisé gramme toutes les 48 heures lors de la première semaine,
chez des sujets A, B ou AB), phénotypé, irradié, compa- puis tous les huit à dix jours pendant deux à trois mois,
tibilisé au laboratoire : d’instaurer un traitement par Foldine pendant un mois, de
C si l’enfant n’a jamais été transfusé, épreuve de compa- transfuser si le taux d’hémoglobine est inférieur à 7–8 g/dl,
tibilité entre le sérum maternel, de préférence, ou le tout en tenant compte de la tolérance clinique de l’anémie et
sérum de l’enfant ; du taux des réticulocytes (transfusion plus facile lors d’ané-
C si l’enfant a déjà été transfusé, épreuve de compatibilité mie non régénérative) : les processus de glycuronoconjugai-
entre le sérum de l’enfant et les hématies du CGRUA son et d’excrétion de la bilirubine deviennent opérationnels
(le choix du groupe sanguin et du phénotype du sang à en fin de première semaine de vie.
utiliser dépend du type du ou des anticorps présents Le risque d’être confronté à une anémie plus ou moins
chez la mère) — Annexes C et G — ; sévère après la sortie de la maternité est devenu un risque
C dans certains cas d’immunisations rares ou d’associa- majeur : une à deux transfusions correctrices peuvent s’avé-
tions d’anticorps, il faut recourir à du sang phénotypé rer nécessaires au cours des deux premiers mois.
congelé, d’où l’importance d’avoir connaissance de la
totalité des résultats des examens immunohématologi-
2. PRÉVENIR L’ALLO-IMMUNISATION A
ques de la mère avant la naissance de l’enfant at-
L’ANTIGÈNE RH D (RH1) [19]
teint.L’exsanguinotransfusion pratiquée peut-être par-
tielle, lors d’exsanguinotransfusion décidée au moment En France, l’immunisation fœto-maternelle érythrocy-
de la naissance en raison du degré d’anémie et de mise taire Rhésus D touche un nouveau-né sur 1000 (4 fois < à il
en œuvre en extrême urgence : l’ exsanguinotransfu- y a 30 ans). La « Prévention Rhésus » repose sur l’injection IV
sion partielle porte alors sur une seule masse sanguine d’immunoglobulines plasmatiques d’origine humaine Rhésus
(celle du nouveau-né est estimée à 80 ml/kg), et est dont les anticorps IgG anti-D neutralisent les hématies
réalisée avec un seul CGRUA ou épuratrice, lorsque fœtales dans le compartiment vasculaire maternel (hémor-
l’indication peut être différée de quelques heures ou ragie fœtomaternelle).
lorsqu’elle n’est portée que secondairement : on utilise
alors du sang reconstitué de manière extemporanée au 2.1. Pendant la grossesse
moment de l’exsanguinotransfusion, incluant plasma
frais congelé sécurisé (PFC) et CGRUA (si celui-ci a été Elle doit être impérativement mise à l’œuvre chez toute
prélevé sur SAG-M, il convient de le reconcentrer afin femme Rhésus négatif non immunisée après toute fausse
de faire remonter son taux d’hématocrite à ≅ 75 %). couche du premier trimestre de grossesse ou IVG, quelles
La technique d’exsanguino-transfusion employée est celle que soient les dates et les circonstances, et après avorte-
faisant appel à une seule voie pour l’injection et la soustrac- ment tardif, grossesse extra-utérine, interruption médicale
tion de sang : celle de la veine ombilicale (elle porte sur 1,5 à de grossesse, biopsie de trophoblaste, amniocentèse, ponc-
2 masses sanguines) ; ses complications attendues sont tion de sang fœtal, cerclage du col, version par manœuvre
représentées par des embolies gazeuses ou cruoriques, des externe, mort in utero, intervention pelvienne, réduction
traumatismes (fausse-route, perforation), des infections bac- embryonnaire, placenta praevia, métrorragies (placenta in-
tériennes ou virales résiduelles, des entérocolites... séré bas, hématome rétroplacentaire), appendicectomie,
AVP, anémie fœtale, traumatisme abdominal...
1.5.3.2. Au cours des cinq premiers jours. Le traitement peut Dans tous les cas, après avoir vérifié que la patiente n’est
associer une photothérapie intensive continue qui permet le pas immunisée anti-D (RH1), une dose minimum de 100 µg
maintien de l’hyperbilirubinémie en dessous de 340 µmol/l d’Ig anti-Rhésus est injectée, une ou plusieurs doses supplé-
lors d’exposition continue de quatre à cinq jours en éclaire- mentaires pouvant être injectées ultérieurement en fonction
ment énergétique > 2 mW/cm2 sur 360° de la surface cuta- du résultat du test de Kleihauer (test cytochimique permet-
née ; elle ne peut être interrompue que lors des soins et des tant la mise en évidence des hématies riches en Hb fœtale),
tétées et nécessite un contrôle biquotidien de la bilirubiné- qui doit être systématique à partir du 4e mois de grossesse.
mie, un apport d’albumine humaine lors d’hyperbilirubinémie Dans les 24–48 heures suivant l’injection, on effectue une
supérieure à 250 µmoles/l ou lors d’ une ascension de son recherche d’agglutinines résiduelles puis un mois plus tard
une RAI, en précisant qu’il y a eu injection d’Ig anti-Rhésus et
taux, à une posologie de 2 g/kg/j (lors d’hypoalbuminémie,
la date.
maintien de la bilirubine dans le secteur extracellulaire) et
une exsanguinotransfusion épuratrice, réalisée de façon excep-
2.2. À l’accouchement
tionnelle.
La prophylaxie Rhésus doit être appliquée impérative-
1.5.3.3. Au-delà de la première semaine. Le risque anémique ment après tout accouchement d’enfant rhésus positif chez
persiste jusqu’à l’élimination des anticorps maternels passifs une femme rhésus négatif non immunisée.
E. Miquel et al. / Transfusion Clinique et Biologique 12 (2005) 45–55 53

Ceci nécessite au préalable d’effectuer la double détermi- sus Kell, chez la mère et le nouveau-né et de la RAI chez la
nation du groupe ABO-RhD et phénotype Rhésus-Kell du mère (qualité du prélèvement et de son identification).
nouveau-né (deux fois si possible), un test de Coombs direct sur
les hématies du nouveau-né, une RAI sur le sérum maternel, au 3.1. En cas de besoin transfusionnel chez la mère
moment de l’accouchement et un test de Kleihauer sur le sang
maternel prélevé au moins une heure après la délivrance.
On prescrit des CGRUA phénotypés (compatibilisés se-
L’injection d’Ig anti-Rhésus en IV sera effectuée dans les
lon la prescription ou les protocoles locaux), même si la RAI
72 heures au plus tard suivant l’accouchement, même si le
datant de moins de trois jours est négative.
test de Kleihauer est négatif, à raison d’une dose de 100 µg
pour un test de Kleihauer < 5 GR fœtaux/10 000; au-delà de
5/10 000, augmenter la dose de 100 µg par tranche de 20 GR 3.2. En cas de transfusion in utero
fœtaux/10 000.
Dans les 24 heures suivant l’injection d’Ig anti-Rhésus, on On prescrit des CGRUA de groupe O phénotypés Rhé-
réalise une recherche d’agglutinines résiduelles et un test de sus Kell, en tenant compte du phénotype érythrocytaire
Kleihauer de contrôle si le premier est positif. étendu de la mère, irradiés et compatibilisés au laboratoire
avec le sérum maternel.
2.3. Six mois après l’accouchement
3.3. En cas de transfusion néonatale (Annexe G)
On recherche l’apparition éventuelle d’anticorps antié-
rythrocytaires par une RAI de contrôle. On prescrit des CGRUA de groupe sanguin ABO-RhD
(RH1) et du phénotype Rhésus-Kell du nouveau-né, en
3. ASSURER LA SÉCURITÉ tenant compte des anticorps maternels, irradiés et compa-
TRANSFUSIONNELLE [20] tibilisés au laboratoire avec le sérum maternel (ou celui du
nouveau-né).
La sécurité transfusionnelle des femmes enceintes et de Avant la transfusion, le contrôle immunologique ultime au
leur fœtus ou nouveau-né nécessite la double prescription lit du malade est réalisé pour éviter l’accident par incompa-
du groupe ABO-RhD et du phénotype érythrocytaire Rhé- tibilité ABO.

Annexe A. STRUCTURE DES IMMUNOGLOBULINES HUMAINESI


54 E. Miquel et al. / Transfusion Clinique et Biologique 12 (2005) 45–55

Annexe B. CIRCULATION FŒTOPLACENTAIRE Annexe D. DIAGRAMME DE LILEY PROLONGÉ

Interprétation :
• indice au-dessus de la ligne supérieure : zone III : anémie
fœtale sévère très probable : naissance ou transfusion
selon le risque lié à la prématurité (si abstention, décès
possible dans la semaine) ;
• indice au-dessous de la ligne inférieure : zone I : absence
d’anémie fœtale : répéter l’amniocentèse après trois à
quatre semaines ;
• indice dans la zone intermédiaire :
C moitié basse : zone IIa : absence d’anémie sévère :
répéter l’amniocentèse après deux semaines ;
C moitié haute : zone IIb : une anémie fœtale, rarement
sévère, est probablement présente : répéter l’amnio-
centèse après une semaine.

Annexe C. ALLOANTICORPS ET RISQUE


DE MALADIE HÉMOLYTIQUE

Annexe E. HÉMATOPOÏÈSE IN UTERO

Synthèse de l’hémoglobine in utero et au cours des six


premiers mois de la vie
E. Miquel et al. / Transfusion Clinique et Biologique 12 (2005) 45–55 55

Annexe F. ARBRE DÉCISIONNEL [2] Poissonnier MH, Brossard Y, Soulie JC, May nier M, Larsen M, De
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