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4EME DE COUVERTURE

Quels sont les faits qui permettent d’affirmer que l’État


islamique cherche à créer une guerre civile en France ;
que le président syrien Bachar al-Assad a utilisé des armes
chimiques ; que Vladimir Poutine tente de déstabiliser nos
démocraties ; que le terrorisme a frappé la France, non pas
pour ce qu’elle fait, mais pour ce qu’elle est ; que le
génocide au Darfour a fait 400 000 victimes ?…
Littéralement aucun, mais ces affirmations suffisent à
asseoir la politique étrangère des pays occidentaux.

L’auteur, ex-agent du service de renseignement stra-


tégique suisse, passe ainsi en revue les principaux conflits
contemporains, que les pays occidentaux ont géré à coups
de fake news, ces trente dernières années.

Jacques Baud, colonel, expert en armes chimiques et


nucléaires, formé au contre-terrorisme et à la contre-
guérilla, a conçu le Centre international de déminage
humanitaire de Genève (GICHD) et son Système de
gestion de l’information sur l’action contre les mines
(IMSMA). Au service des Nations unies, il a été chef de la
doctrine des Opérations de maintien de la paix à New
York, et engagé en Afrique. À l’Otan, il a dirigé la lutte
contre la prolifération des armes légères. Il est l’auteur de
plusieurs ouvrages sur le renseignement, la guerre
asymétrique et le terrorisme.
COPYRIGHT

© Max Milo, 2020


ISBN : 978-2-315-00986-2
TABLE DES MATIÈRES
Couverture
4eme de couverture
Copyright
Gouverner par les fake news Avant-propos
1. L’effet pervers des fausses vérités
2. Définir les fake news
3. Les interventions occidentales : les mensonges,
boucliers de la démocratie
3.1. « C’est l’invasion soviétique de l’Afghanistan qui a
conduit à la création… d’Al-Qaïda »
3.1.1. « Les Taliban refusent de livrer Ben Laden »
3.1.2. Un ennemi et des objectifs mal définis

3.2. « Le Darfour : un génocide de 300 000 victimes »


3.2.1. Le contexte
3.2.2. Les milices « Janjaweed »
3.2.3. Les armes chimiques
3.2.4. La guerre des chiffres

3.3. Conclusions pour les interventions occidentales


4. L’Iran
4.1. Le contexte
4.2. « L’Iran est le plus pays le plus dangereux au monde
et en fait beaucoup plus dangereux que l’État
islamique »
4.2.1. L’Iran veut-il détruire Israël ?
4.2.2. Antisémitisme et négationnisme
4.2.3. Le programme nucléaire
4.3. « L’Iran reste un principal promoteur du terrorisme
international »
4.3.1. Le contexte et les attentats du 23 octobre 1983
4.3.2. Le Hezbollah
4.3.3. La guerre des tankers

4.4. « Le général Qassem Soleimani préparait des


attaques imminentes contre les États-Unis »
4.4.1. L’assassinat
4.4.2. La catastrophe du vol PS752

4.5. Conclusions sur la menace iranienne


5. Le terrorisme djihadiste
5.1. Le contexte
5.2. « Le but du terrorisme est juste ça, terroriser les
gens »
5.3. « Les États-Unis ont créé Al-Qaïda »
5.4. « Ben Laden est responsable des attentats du
11 septembre 2001 »
5.5. « Les attentats du 11 septembre 2001 ont été
organisés par Israël »
5.6. « Complotisme – Les alibis de la terreur »
5.6.1. « Les actes terroristes sont organisés par les services de sécurité »
5.6.2. « Les actes terroristes sont une réponse à un complot judéo-croisé
contre l’islam »
5.6.3. « Les actes terroristes sont l’expression d’une volonté d’islamiser le
monde »

5.7. Conclusions pour le terrorisme djihadiste


6. La guerre en Syrie
6.1. Le contexte
6.2. « Le conflit en Syrie a été déclenché en 2011 par la
répression de manifestations pacifiques »
6.3. « Le président Bachar al-Assad est illégitime »
6.4. « Daech est la créature Frankenstein de Bachar »
6.5. « Bachar al-Assad massacre son propre peuple »
6.5.1. La « dictature d’une minorité »
6.5.2. La fiabilité des informations
6.5.3. Les massacres « fabriqués »

6.6. « La France soutient les rebelles modérés »


6.6.1.L’intervention occidentale en Syrie
6.6.2. Distinction entre extrémistes et modérés
6.6.3. L’Armée syrienne libre (ASL)
6.6.4. Les forces kurdes
6.6.5. Les livraisons d’armes et l’appui logistique
6.6.6. Les instructeurs et conseillers militaires occidentaux

6.7. Les photos de « César » et la prison de Saydnaya


6.8. « Le Groupe « Khorasan », menace « imminente »
contre les États-Unis »
6.9. « L’État islamique rêve de recréer le califat
d’Abissidie »
6.10. « Les États-Unis ont créé l’État islamique »
6.11. « Israël a créé l’État islamique »
6.12. « La France est en Irak et en Syrie pour combattre
l’État islamique »
6.12.1. Le contexte
6.12.2. La stratégie et la pertinence de l’action

6.13. « Les Casques blancs […] neutres, impartiaux et


apolitiques »
6.14. « Le régime syrien et la Russie détruisent Alep »
6.14.1. La nature de l’opposition
6.14.2. La stratégie

6.15. « Poutine ne combat pas sérieusement Daech et


l’État islamique, c’est factuellement certain ! »
6.15.1. Les raisons de l’engagement russe
6.15.2. L’intérêt de la Russie
6.15.3. La stratégie russe

6.16. « Le gouvernement syrien utilise des armes


chimiques contre sa propre population »
6.16.1. Le contexte
6.16.2. L’attaque chimique de la Ghouta (21 août 2013)
6.16.3. Les attaques chimiques de 2014-2016
6.16.4. L’attaque chimique de Khan Sheikhoun (4 avril 2017)
6.16.5. L’attaque chimique de Douma (7 avril 2018)
6.16.6. Le règne de la mauvaise foi
6.16.7. Le rôle des « lignes rouges »

6.17. « La Russie met son veto à une résolution de


l’ONU condamnant l’attaque chimique en Syrie »
6.18. Conclusions pour le conflit syrien
7. Les attentats terroristes en France
7.1. Le contexte
7.2. « Ne nous y trompons pas : un totalitarisme a frappé
la France non pas pour ce qu’elle fait, mais pour ce
qu’elle est »
7.2.1. La stratégie des terroristes
7.2.2. La revendication des attentats
7.2.3. Les réactions officielles
7.2.4. Le traitement des attentats par les médias
7.2.5. Les conséquences de la désinformation

7.3. Conclusions pour le terrorisme en France


8. La Russie
8.1. Le contexte
8.2. « Il n’y a jamais eu de promesse que l’Otan ne
s’étendrait pas vers l’Est après la chute du mur de
Berlin »
8.3. « La Russie cherche à provoquer les forces de
l’Otan »
8.4. « La Russie est soupçonnée d’attaques contre des
diplomates américains à Cuba »
8.5. « La guerre hybride de Poutine contre l’Occident »
8.6. « Moscou avait tout intérêt à empoisonner son ex-
espion »
8.6.1. La méthode
8.6.2. Le rôle des services
8.6.3. Les antécédents
8.6.4. L’objectif
8.6.5. La nature et l’origine du poison
8.6.6. Conclusions pour l’affaire Skripal

8.7. La Russie accusée d’avoir payé des talibans pour


tuer des soldats américains
8.8. Conclusions sur la Russie
9. La crise ukrainienne
9.1. Le contexte
9.2. « La Russie envahit la Crimée »
9.3. « La Russie a envahi l’Ukraine »
9.4. Conclusions pour l’Ukraine
10. La cyberguerre et les tentatives d’ingérence
10.1. Le contexte
10.2. « La Russie a tenté d’influencer les élections
américaines »
10.2.1. L’influence des électeurs à travers les réseaux sociaux
10.2.2. La publication des courriels du CND
10.2.3. La pénétration du système de vote électronique
10.2.4. La perception des services de renseignement américains
10.2.5. La collusion entre l’équipe Donald Trump et la Russie
10.2.6. Conclusions pour le Russiagate

10.3. « La Russie a influencé le vote britannique sur le


Brexit »
10.4. « La Russie a tenté d’influencer l’élection de
Macron »
10.5. Conclusions sur les « ingérences russes »
11. La Corée du Nord
11.1. « Les Nord-Coréens n’ont jamais respecté leurs
engagements de cesser de travailler à leur arme
nucléaire »
12. Le Venezuela
12.1. Le contexte
12.2. « Le Venezuela s’enfonce dans la dictature »
12.2.1. Le rôle des États-Unis
12.2.2. Un désastre économique
12.2.3. Le rôle des médias occidentaux
12.2.4. Juan Guaidó et la nature de l’opposition
12.2.5. Le blocage de l’aide « humanitaire »
12.2.6. Le « coup » d’avril 2019

12.3. Conclusions pour le Venezuela


13. Conclusions
13.1. Un problème de renseignement
13.2. Le remède pire que le mal ?
13.3. Un problème de la démocratie
Biographie
Principales publications
Notes dans les tableaux
GOUVERNER PAR LES FAKE
NEWS AVANT-PROPOS
Mises bout à bout, mes notes et analyses établies en
trente-cinq années passées dans le domaine de la sécurité
internationale sur trois continents, au service de la sécurité
et de la paix, dans des cadres nationaux et internationaux,
auraient permis d’épargner un peu plus de 470 000 vies
humaines. Mais on n’a rien fait ! La crainte de s’écarter
des opinions dominantes, les préjugés, le refus de voir un
problème sous un angle différent ont été des échappatoires
commodes, cachant souvent l’incompétence et le manque
de curiosité. C’est ce que l’on nomme « État profond » ou
« État permanent » : une bureaucratie qui vit pour elle-
même et cherche à satisfaire ses propres intérêts, au
détriment de l’intérêt général.
En poste aux Nations unies et à l’Otan, j’ai côtoyé des
militaires de tous pays durant plusieurs crises, sur le
terrain ou au niveau des états-majors (au Congo, au
Soudan, durant les crises libyenne, ukrainienne et
syrienne). J’ai pu constater la faiblesse des échelons
supérieurs de commandement : l’incapacité à comprendre
la logique de l’adversaire, le déficit de culture générale,
l’absence de sensibilité pour la dimension holistique des
conflits, un manque total d’imagination pour trouver des
alternatives à l’emploi de la force afin de résoudre des
problèmes parfois simples, la lâcheté lorsqu’il s’agit de
conseiller le niveau politique en se basant sur les faits et
une absence presque totale du sens des responsabilités.
Les guerres sont gagnées par des soldats, mais
certainement pas par des généraux.
Les diplomates ne sont guère mieux. Généralement plus
cultivés, ils sont souvent corrompus, manquent de courage
et d’imagination. Enfermés dans une réflexion
institutionnelle, ils partagent avec les militaires
l’incapacité de comprendre les phénomènes asymétriques.
Fréquemment victimes complaisantes des rumeurs, ils
privilégient la discipline administrative au bon sens et
règlent les problèmes plus par devoir que par souci
d’efficacité… quitte à « tordre le cou » à la vérité.
Quels sont les faits qui permettent d’affirmer que
« l’État islamique cherche à créer une guerre civile en
France1 » ? Quels sont les faits qui permettaient à Nicolas
Sarkozy d’affirmer que l’Iran « appelle à la destruction
d’Israël2 » ou à Emmanuel Macron d’affirmer que
Vladimir Poutine est « obsédé par les ingérences dans nos
démocraties3 » ou que « la Russie a envahi l’Ukraine4 » ?
Littéralement aucun… mais cela suffit à asseoir une
politique étrangère, à frapper et à tuer des innocents.
En fait, notre perception des événements est très
partielle, et donc partiale. Nous croyons avoir une
information objective et complète, mais ce n’est pas le
cas : de légères omissions, simplifications et autres
distorsions modifient de manière subtile notre façon de
comprendre le monde. Le phénomène est d’autant plus
marqué qu’il est alimenté par l’émotion – c’est le cas du
terrorisme – ou par des craintes assez profondément
ancrées dans les mentalités – par exemple la menace
russe. Ainsi, les suppositions deviennent des certitudes et
les préjugés des réalités, les verbes au conditionnel sont
reformulés à l’indicatif, la prudence des services de
renseignement est ignorée au profit de messages plus
catégoriques. Au point que l’on fustige les services de
renseignement lorsqu’ils apportent des faits qui
contredisent le discours politique5 !
Même la guerre semble échapper à toute rationalité. On
s’y engage sans stratégie ni objectifs précis, détruisant des
sociétés durablement pour des motifs de court terme. Par
analogie, on prête aux autres (comme la Russie, la Syrie
ou l’Iran) la même volonté de s’engager dans des conflits
sans objectifs, simplement par volonté de conquête ou de
gloire… Or, les faits tendent à contredire nos préjugés. On
ne comprend pas la guerre, on ne peut donc pas
comprendre la paix. Avec des simulacres de stratégie, qui
ne sont qu’une suite erratique d’actions tactiques, on
cherche des solutions à nos perceptions, et non à la réalité
du terrain, comme en République démocratique du Congo,
au Darfour ou au Sud-Soudan, accueilli avec
enthousiasme aux Nations unies en 2011, et qui est
aujourd’hui l’un des principaux pourvoyeurs de réfugiés6.
La maltraitance d’un petit chat suscite plus d’émotion
sur les réseaux sociaux que le massacre d’enfants en Irak
par les aviations occidentales… La mort des « 500 000 »
enfants irakiens7 dans les années 1990, ou de 40 000
Vénézuéliens en 2017-20188, à cause des sanctions
occidentales n’a provoqué aucune réaction en Europe :
personne n’est descendu dans la rue, et les responsabilités
n’ont jamais été cherchées ou sanctionnées ! On manifeste
pour les migrants, mais pas contre les frappes occidentales
qui les poussent sur les chemins de l’exil. On manifeste
pour le développement durable, mais on pille la principale
ressource des pays en développement : les hommes. Une
forme moderne du colonialisme, où les victimes sont
complaisantes et participent au pillage. Des millions de
personnes sont descendues dans la rue pour manifester
leur colère face au terrorisme, mais combien ont manifesté
avant que des frappes provoquent ces violences, alors que
l’on en connaissait les conséquences probables ?
La cause de ces dysfonctionnements est une information
le plus souvent délibérément tronquée afin de protéger des
décisions mal réfléchies, qui confortent des postures
individuelles ou répondent à des visions de court terme.
Cet ouvrage n’a pas la prétention d’établir ou de rétablir
des vérités, mais cherche à inspirer un « doute
raisonnable » sur la manière dont nous sommes informés.
Il montre que ce que nous tenons pour des certitudes n’est
qu’un trompe-l’œil souvent grossier : les rapports officiels
et la presse internationale démontrent que l’information
est là, disponible, à condition que l’on se donne la peine
de la chercher. Dans la jungle de l’information, les
services de renseignement ont un rôle essentiel en
fournissant une image objective de la situation, une sorte
de « mètre étalon », qui doit permettre aux décideurs
politiques ou militaires de décider. Nous verrons où ils ont
failli… bien en amont du terrorisme et des guerres…

J. Baud

1. Nicolas Truong, « L’État islamique cherche à déclencher une guerre civile »,


lemonde.fr, 14 novembre 2015
2. Discours du président Sarkozy à la Knesset, Le Figaro, 20 juin 2008
3. « Président Macron on relations with the US, Syria and Russia », Fox
News/YouTube, 22 avril 2018, (12’40’’)
4. Emmanuel Macron, lors de sa conférence de presse à l’issue du G7, le 27 mai
2017 (« Ukraine : Macron promet un échange “exigeant” et sans “concession” avec
Poutine », Europe 1, 27 mai 2017) ; « Poutine – Macron : les dossiers qui
fâchent », BFMTV, 29 mai 2017 ; « Vladimir Poutine : Emmanuel Macron, prêt à
engager un “rapport de force” », Le Point, 29 mai 2017
5. John Bowden, « Senate Democrat says he is concerned intelligence community is
“bending” Soleimani presentations », The Hill, 14 janvier 2020
6. Global Trends – Forced Displacement In 2018, UNHCR, 18 juin 2019
7. Émission 60 Minutes, « Madeleine Albright », newmedia7/YouTube, 5 août 2016.
(En réalité, le chiffre serait plutôt d’environ 130 000 enfants morts.)
8. Mark Weisbrot & Jeffrey Sachs, Economic Sanctions as Collective Punishment :
The Case of Venezuela, Center for Economic and Policy Research, Washington DC,
avril 2019, p. 11
1. L’EFFET PERVERS DES
FAUSSES VÉRITÉS
Un menteur dit : « Je mens ! » Ment-il ?
(Epiménide, 550 av. J.-C.)
Notre perception de l’environnement est tronquée par
des informations qui dissimulent des fausses vérités –
souvent alimentées par des biais culturels – qui tendent à
déplacer notre référentiel de jugement et à fausser notre
grille de lecture.
Le tueur de Christchurch, en mars 2019, a justifié son
massacre de 51 musulmans par la théorie du « grand
remplacement ». Pourtant, en Nouvelle-Zélande, la
population musulmane ne constitue qu’à peine 1 % de la
population totale, alors que les populations maorie et
asiatique représentent respectivement 15 % et 6,5 % de la
population. Ce qui tend à démontrer que ce sentiment de
« grand remplacement » a été généré artificiellement ;
peut-être pas de manière délibérée, mais par incurie et
clientélisme. En associant – volens nolens – les islamistes
aux musulmans on a créé les conditions favorables aux
violences intercommunautaires et donné un vrai sens au
mot « islamophobie ».
Notre vision réductrice des choses tend à générer des
« fausses vérités », qui sont entrées dans la lecture
« normale » des choses et – pour des raisons diverses – ne
sont plus remises en question. On entre alors dans le
domaine des « post-vérités » (en anglais : « post-truth »),
où la réalité devient le produit d’une perception et non
plus celui de faits objectifs. Le problème est que ces
« post-vérités » conditionnent notre manière de voir les
problèmes et de les résoudre.
Les décisions stratégiques occidentales sont basées sur
des suppositions, des préjugés et, dans les meilleurs cas,
des indices, mais très rarement sur des faits avérés.
Lorsqu’en avril 2017, Donald Trump frappe la Syrie avec
59 missiles de croisière, les médias et l’establishment
politique européen applaudissent et suivent le mouvement,
alors qu’il n’y a alors rigoureusement aucun élément qui
justifie un acte de guerre contre un pays souverain, sans
être menacé et sans mandat des Nations unies9.
Dès lors qu’elle est véhiculée par les « médias
traditionnels », l’information devient une « vérité », et ce
d’autant plus si elle confirme nos préjugés. Ironie du sort,
l’action politique ou militaire induite par ces « vérités »
est précisément à l’origine du terrorisme qui nous tue.
Nous créons ainsi nous-mêmes les conditions de notre
insécurité. La majeure partie des victimes causées par le
terrorisme en France entre 1990 et 2017 auraient pu
facilement être évitées si l’on avait voulu comprendre
objectivement les motifs des terroristes. Si ces derniers
sont, à l’évidence, coupables de leurs actes, les politiques,
les journalistes et autres « experts en terrorisme » qui
cherchent à imposer leur propre lecture du phénomène, en
excluant les raisons données par les terroristes eux-mêmes
(sous prétexte de ne pas leur « donner raison ») en
deviennent objectivement des complices. En effet, ils en
faussent la compréhension et provoquent des réponses
inadaptées.
La recherche de la « vérité » est une entreprise
complexe. Les mensonges et les omissions sont les
éléments de base des « mythes fondateurs » : à tort ou à
raison, ils ont souvent permis de créer une base
consensuelle et d’aplanir des conflits potentiels
contribuant ainsi à stabiliser des sociétés et à faciliter le
vivre-ensemble. Bouddha, Moïse, Jésus-Christ, Guillaume
Tell, Jeanne d’Arc et bien d’autres ont probablement
alimenté des « fake news » en leur temps, ils sont pourtant
devenus des références morales ou des symboles d’unité.
Mais ils ont également justifié des massacres, des
génocides et des injustices…
Aujourd’hui, nous prétendons combattre le terrorisme au
nom des « valeurs occidentales » : le respect des Droits
humains ou l’État de droit. Mais est-ce vrai ? Nous
déclenchons des guerres au mépris du droit international,
en mentant aux organisations multilatérales, nous
menaçons de représailles les familles de diplomates
récalcitrants, pratiquons la torture, allons bombarder des
pays souverains sans accord des Nations unies, soutenons
des pays qui commettent des massacres, soutenons des
mouvements djihadistes qui utilisent des femmes et des
enfants comme boucliers humains, nous soutenons les
assassinats conduits par des pays occidentaux contre des
émissaires diplomatiques de pays avec lesquels ils ne sont
pas en guerre, nous acceptons des militaires de forces
armées qui tirent délibérément et impunément sur des
enfants, etc. En juillet 2019, un rapport de la Mission
d’assistance des Nations unies en Afghanistan montre que
les forces de la coalition occidentale tuent plus de civils
que l’État islamique10 !
En novembre 2018, dans une interview à la BBC, Mike
Pompeo présente les sanctions américaines et annonce que
le gouvernement iranien devra faire le bon choix « s’il
veut que son peuple mange11 ». Cette façon de menacer la
population civile afin de contraindre le gouvernement à
agir comme le souhaitent les États-Unis, correspond
précisément à la définition du… terrorisme, à savoir :
L’usage ou la menace de l’usage de la force afin
d’obtenir un changement politique12.
Mais pour justifier ces guerres, il a fallu présenter
l’ennemi comme pire que nous. Par exemple, on parle
volontiers des « forces du régime de Bachar al-Assad13 »
ou « forces loyalistes14 » à la place d’« armée
syrienne15 », laissant entendre qu’il s’agirait d’une faction
et non d’une institution de l’État (les milices chrétiennes
sont des « forces loyalistes »). Lorsqu’on évoque la
Russie, « pouvoir » devient synonyme de
« gouvernement16 », l’armée russe devient les « forces de
Poutine17 », tandis que les « interpellations » deviennent
des « arrestations18 ». On admet ainsi comme des faits
indiscutables que Vladimir Poutine, invariablement
qualifié de « maître du Kremlin19 », est un « dictateur20 »
ou un « autocrate musclé21 », ou que Bachar al-Assad
« massacre son peuple22 », de telle manière qu’il n’est
plus nécessaire de le démontrer. Parlerait-on des « forces
du régime de Macron » ou « du maître de l’Élysée »
déployées sur les Champs-Élysées ? En fait, cette
terminologie n’est pas innocente et fait partie d’un
conditionnement subtil afin de rendre légitimes des
actions occidentales. En 2016, le Centre d’excellence pour
la communication stratégique (STRACOM) de l’Oan,
basé en Lettonie, publie même un document qui cherche à
montrer une parenté entre la stratégie de communication
de l’État islamique et celle du gouvernement russe23 !
Les révélations de documents officiels montrent qu’en
Afghanistan, en Libye, en Syrie ou en Irak les
Occidentaux se sont lancés « tête baissée » dans des
conflits présentés comme indispensables à notre sécurité,
sans stratégie, sans connaissance de l’adversaire et sans en
prévoir les conséquences chez nous. On reste discret sur le
fait que nous avons délibérément créé ces conflits et que
leurs horreurs découlent de notre irresponsabilité. Mais
personne ne réclame que les responsables rendent des
comptes. Même les victimes semblent être consentantes…

9. Voir, par exemple : Frédéric Autran, « Frappes en Syrie : Trump cible


directement le régime de Bachar al-Assad », liberation.fr, 7 avril 2017 ; « Syrie :
Donald Trump met ses menaces à exécution », lefigaro.fr, 7 avril 2017
10. Midyear Update on the Protection of Civilians in Armed Conflict : 1 January to
30 June 2019, United Nations Assistance Mission in Afghanistan (UNAMA),
30 juillet 2019, p. 12 ; Amy Woodyatt & Arnaud Siad, « More civilians are being
killed by Afghan and international forces than by the Taliban and other militants »,
CNN, 31 juillet 2019
11. “Interview With Hadi Nili of BBC Persian”, Michael R. Pompeo – Secretary of
State, Washington DC, 7 novembre 2018 ; Brendan Cole, “Mike Pompeo Says Iran
Must Listen To U.S. ‘If They Want Their People To Eat’”, Newsweek, 9 novembre
2018.
12. Biran Jenkins, conseiller de la RAND Corporation (dans Charles-Philippe
David & Benoît Gagnon, Repenser le Terrorisme, Éditions PUL, Université de
Laval (Canada), 2007, p. 35
13. « Syrie : 71 combattants tués dans des affrontements entre jihadistes et forces
du régime », L’Obs/AFP, 11 juillet 2019 ; Hala Kodmani, « Idlib, ultime creuset du
conflit syrien », liberation.fr, 20 août 2019
14. Voir article « Guerre civile syrienne », Wikipédia
15. Caroline Roux dans l’émission « C dans l’air », « Syrie : le coup de force de
Poutine #cdanslair 28-09-2016 », YouTube, 28 septembre 2016 (09’30’’)
16. « Manifestants arrêtés à Moscou : «On assiste à une crispation du pouvoir
russe» », France24, 29 juillet 2019 (mis à jour le 30 juillet 2019)
17. Jérôme Fenoglio, « Les frontières invisibles de Narva », Le Monde, 14 mai
2014 ; « Vous pensiez à la Syrie ? La 3e Guerre mondiale pourrait plutôt
commencer dans la Baltique (et on y entend justement de plus en plus de bruits de
bottes) », Atlantico.fr, 4 novembre 2016
18. Par exemple : France24, journal télévisé de 13 heures du 3 août 2019
19. Par exemple : Marion Pignot, « Russie : Vladimir Poutine réinvesti maître du
Kremlin ce lundi », 20minutes.fr, 7 mai 2018
20. « Carte blanche au dictateur Poutine », Courrier International, 19 mars 2018
21. Sara Daniel, « A quoi ressemble la Russie sous Vladimir Poutine ? », L’Obs,
8 mars 2018
22. « «Quand on massacre son peuple»: la cinglante réplique de Le Drian à el-
Assad », L’Express, 18 décembre 2017
23. The Kremlin and DAESH Information Activities, NATO Strategic
Communications Centre of Excellence, Riga, octobre 2016
2. DÉFINIR LES FAKE NEWS
Traduite en français par le terme « infox » – qui
combine les mots « information » et « intoxication », et
présuppose que sa finalité est de tromper –, l’expression
« fake news » est un héritage de la campagne électorale de
Donald Trump. Utilisée pour fustiger ses adversaires,
l’expression est rapidement devenue virale et marque le
vocabulaire politique depuis 2016. Pourtant, si l’on
comprend intuitivement sa signification, sa définition
reste imprécise. Est-ce une information falsifiée ?
Transformée ? Inauthentique ? Fausse ? Irréelle ?
Irréaliste ? Inexacte ? Exagérée ? Non documentée ?
Incomplète ? Modifiée volontairement (désinformation)
ou involontairement (mésinformation) ? Résulte-t-elle de
l’ignorance, de la malveillance ou d’une simplification à
but didactique ? À l’inverse, quels critères permettent de
déterminer qu’une information est vraie ? Le nombre de
personnes qui la croient ? Par rapport à quelle norme
décide-t-on qu’une information est vraie ?
Les rumeurs sur l’interdiction des frites en Belgique24
ou sur la mise au point d’un arbre à sushi au Japon25
relèvent à l’évidence davantage de l’humour potache que
d’une volonté de nuisance. Certaines fake news peuvent
être générées par les internautes eux-mêmes. Ainsi, le
succès de Google vient de sa manière de rechercher les
informations : il attribue une valeur de pertinence aux
résultats d’une recherche en fonction du nombre de liens
qui y conduisent, en partant de l’hypothèse que les
internautes font un choix rationnel entre les diverses
réponses qui leur sont proposées. Ainsi, la pertinence d’un
résultat de recherche n’est pas directement liée à son
contenu, mais au nombre de visites des internautes. Dans
un cas extrême, s’ils plébiscitent une réponse stupide
comme résultat de leur recherche, Google la considérera
comme la plus pertinente. Des plaisantins ont utilisé ce
principe pour créer des impostures – appelées « Google
bombing » – en « bombardant » de liens des réponses
loufoques. Ainsi, en tapant « miserable failure » (échec
lamentable), la recherche conduisait inexorablement à
George W. Bush, ou « French military victories »
(victoires militaires françaises) ne donnait pas de résultat,
et proposait de chercher sous « French military defeats »
(défaites militaires françaises)26. Aujourd’hui, Google a
mis en place des mécanismes correctifs qui préviennent de
telles manipulations. Ceci étant, la nature même des
algorithmes n’exclut pas que des situations analogues
puissent être provoquées de manière plus subtile. C’est
l’aspect anecdotique des « fake news ».
Au sommet de la pyramide sont les fake news qui
manipulent les faits de sorte à créer une cohérence factice
autour d’une apparence de vérité, afin de fausser la
perception d’un auditoire et de le pousser à adhérer à une
politique. Elles conduisent à la notion de « post-vérité ».
Ce sont les « vraies » fake news : les plus perverses, les
plus dangereuses, mais les plus difficiles à détecter.
Un examen rapide montre que très peu de faits
vérifiables et irréfutables confirment notre image de pays
comme la Russie, l’Iran, la Syrie, etc. Kadhafi était
probablement un dictateur, mais où sont les charniers des
massacres qu’on lui attribue ? Omar Bachir en était
probablement un aussi, mais où sont les charniers des
400 000 morts du Darfour entre 2003 et 2006 ?… En
ayant créé et accepté ces mensonges sans sourciller, nous
avons généré des centaines de milliers d’autres morts et
une immigration qu’on ne parvient plus à maîtriser…

24. B.T., « Après leurs consœurs belges, les friteries du Nord menacées par la
Commission européenne ?, La Voix du Nord, 19 juin 2017
25. https://www.journaldemourreal.com/des-chercheurs-japonais-developpent-un-
arbre-a-sushis/
26. Patrick Langridge, “The 11 Most Infamous Google Bombs In History”,
www.screamingfrog.co.uk, 18 octobre 2012 ; Barry Schwartz, “George Bush
“Miserable Failure” Google Bomb Back, This Time In Knowledge Graph”, Search
Engine Land, 12 juin 2013
3. LES INTERVENTIONS
OCCIDENTALES : LES
MENSONGES, BOUCLIERS
DE LA DÉMOCRATIE
Bien avant le début des « printemps arabes » de 2010-
2012, les États-Unis avaient un plan pour renverser 7
gouvernements du Proche et Moyen-Orient. En
mars 2007, le général américain Wesley Clark, ancien
Commandant suprême des Forces alliées en Europe de
l’Otan, révèle une conversation qu’il a eue au Pentagone
juste après le « 9/11 » :
Un des généraux […] prend un papier sur son bureau :
« Je viens de recevoir aujourd’hui ce mémo de l’étage du
dessus, du bureau du secrétaire à la Défense, qui décrit
comment nous allons faire tomber 7 pays en cinq ans : en
commençant par l’Irak, la Syrie, le Liban, la Libye, la
Somalie, le Soudan, et en finissant par l’Iran27 ! »
Un peu moins de vingt ans plus tard, tous ces pays sont
en crise ou en guerre. Dans tous, les troubles ont
commencé par des manœuvres d’influence et ont
débouché sur une crise régionale. Toutes ces crises ont
comme point commun l’implication des États-Unis, de la
France et d’Israël ; toutes encourageront le développement
du terrorisme djihadiste et toutes baigneront dans des
mythes soigneusement entretenus par les médias
traditionnels. Toutes suivent le même schéma hégélien.

Exemple :
Principe Exemple : Libye
Venezuela

1 Créer le problème en armant ou - Provoquer des - Paralyser l’activité


provoquant un groupe ou un manifestations en économique par des
parti, et le pousser à adopter une s’appuyant sur les sanctions.
posture violente. islamistes.
- Prévenir toute
- Armer les possibilité de
rebelles financement pour
(clandestinement). répondre à la
précarité de la
situation.

- Accuser le
gouvernement de - Créer l’image
massacre sa d’une dictature sans
population. scrupule.
Générer une réaction dans - Donner l’image
- L’accuser
l’opinion publique et dans la d’employer des d’un gouvernement
2 classe politique par de la mercenaires qui cherche à
désinformation ou en diabolisant « grassement affamer sa
le gouvernement pour le rendre payés ». population en dépit
particulièrement odieux. du bon sens et
- Accuser le empêche l’aide
gouvernement humanitaire
d’inciter au viol internationale.
des femmes.

- Donner l’image
- Adoption d’une d’une opposition
Proposer une solution pour résolution pour la unanime.
protection des Reconnaissance
résoudre le problème (une
civils. d’un président
intervention militaire,
3 l’établissement d’un état alternatif.
- Appuyer
d’urgence, une réduction des matériellement - Proposer de l’aide
libertés ou des droits l’opposition humanitaire.
fondamentaux, etc.) islamiste - Menacer à demi-
(officiellement). mot d’une
intervention militaire.

Tableau 1- Comment se fabrique une crise

3.1. « C’est l’invasion soviétique de l’Afghanistan


qui a conduit à la création… d’Al-Qaïda28 »
Alimenté par la « russophobie » ambiante, le mythe que
l’intervention soviétique en Afghanistan est à l’origine du
djihadisme a la vie dure. Il reste fréquemment évoqué par
des spécialistes en terrorisme, comme Rik Coolsaet29, des
politiciens, comme l’ex-Premier ministre Manuel Valls30
ou des journalistes comme François Clémenceau :
L’une des raisons pour lesquelles on a vu l’émergence
d’Al-Qaïda, c’est parce qu’en Afghanistan les Russes sont
venus envahir ce pays, l’occuper et ont créé en quelque
sorte Al-Qaïda31
Mais c’est faux ! Robert Gates, directeur de la CIA de
1991 à 1993, explique dans ses mémoires, que
l’intervention soviétique était elle-même une réponse à la
tentative américaine de déstabiliser le régime
prosoviétique de Kaboul avec des mouvements djihadistes
plus de six mois plus tôt32.
En avril 1979, deux mois après sa prise de pouvoir en
Iran, l’Ayatollah Khomeiny fait fermer les stations
d’écoute électronique de la CIA TACKSMAN I (à
Behchahr) et TACKSMAN II (à Kabkan). Situées au nord
de l’Iran, elles assuraient la surveillance du sud de
l’URSS. Simultanément, en Afghanistan, la réforme
agraire provoque un mécontentement croissant contre le
président Taraki. Mais malgré ses demandes répétées,
l’URSS refuse d’intervenir pour rétablir l’ordre. Il y a
donc une opportunité pour les Américains d’encourager
une rébellion islamique en Afghanistan afin de provoquer
un renversement de régime et tenir en échec l’influence
soviétique dans la région. Accessoirement, la CIA
envisage d’y redéployer une station d’écoute, qui
reprendrait les tâches des anciennes stations
TACKSMAN.
C’est ainsi que le 3 juillet 1979, le président Carter signe
une directive qui autorise la CIA à appuyer les
moudjahidines en Afghanistan par des opérations
psychologiques clandestines et un soutien matériel. C’est
le début de l’Opération CYCLONE, qui bénéficiera d’un
budget de 4 milliards de dollars33 et permettra à la CIA
d’armer les islamistes afghans. Le même jour, Zbigniew
Brzezinski, conseiller pour la Sécurité nationale, adresse
une note au président Jimmy Carter pour attirer son
attention sur le fait que « cette aide allait entraîner une
intervention militaire des Soviétiques34 ». En
janvier 1998, dans une interview au Nouvel Observateur,
il expliquera :
Nous n’avons pas poussé les Russes à intervenir, mais
nous avons sciemment augmenté la probabilité qu’ils le
fassent35.
En septembre 1979, la brutale montée de la violence
islamiste pousse Hafizullah Amin à prendre le pouvoir à
Kaboul. Mais elle a aussi des effets sur les républiques
méridionales de l’URSS qui sont de tradition musulmane
et en lutte chronique contre le pouvoir de Moscou depuis
les années 1920. Après plusieurs attentats de groupes
islamistes, l’URSS se sentant directement menacée,
décide d’intervenir en Afghanistan en décembre 1979.
Dans un premier temps, elle déploie sa 40e armée au
pied levé, mais configurée pour une guerre
conventionnelle et mal préparée pour un combat de
contre-insurrection ses pertes sont élevées et ses résultats
maigres. Ce qui tend à démontrer que les Soviétiques
n’avaient pas planifié de longue date cette intervention,
mais ils apprennent vite. La 40e armée est totalement
restructurée et reconfigurée : ses unités blindées sont
réduites et son ossature est désormais constituée
d’artillerie (rien ne se déplace plus vite sur le champ de
bataille que le feu), d’unités de transmissions, de petites
unités de forces spéciales (« spetsnaz »), et d’hélicoptères.
Dans un deuxième temps (dès 1983), de nouveaux
concepts opératifs sont appliqués : l’accent est mis sur le
combat aéromobile, avec des tactiques qui ne sont pas
sans rappeler celles de l’armée française en Algérie vingt-
cinq ans plus tôt. L’autonomie des petites unités
indépendantes est accrue et l’intégration opérationnelle
des moyens de combat est améliorée. La capacité à agir
sur la base de l’initiative individuelle – un concept jusque-
là très limité dans l’armée soviétique – est encouragée. La
mise en œuvre du « Complexe Reconnaissance-Frappe »
(RUK), qui raccourcit le circuit décisionnel entre les
unités de combat et les formations d’appui, amène très
rapidement des résultats spectaculaires accompagnés
d’une diminution drastique des pertes36.
L’efficacité de ces nouveaux concepts est telle que les
États-Unis décident dès 1986 de fournir à la résistance
afghane des missiles antiaériens portables Stinger, qui
sont pourtant, à cette époque, un matériel ultramoderne,
très sensible, classifié et partagé avec parcimonie.
Contrairement à ce qu’affirmera plus tard l’Occident, les
Soviétiques ont été considérablement plus efficaces et
plus efficients que l’Otan et les États-Unis. Alors que ces
derniers tenteront de changer la société (sans parvenir à le
faire), les Soviétiques ne cherchent qu’à maintenir le
gouvernement en place : un objectif considérablement
plus raisonnable et qu’ils ont atteint. Comme toujours, le
point faible des militaires occidentaux est l’emploi de la
tactique comme substitut à la stratégie.
La résistance que les Américains soutiennent
politiquement, financièrement et matériellement n’est
qu’un amalgame de groupes épars, mal coordonnés et sans
doctrine unificatrice. Une image aussi disparate que la
Résistance en France dans les années 1940-1942. Les
mouvements d’extrême-gauche côtoient les royalistes, les
chiites travaillent avec les sunnites avec un seul
adversaire : l’occupant soviétique. On ne parle alors ni de
djihad global ni de s’attaquer aux pays occidentaux.
L’objectif n’est alors pas de propager une foi, mais de
renverser un gouvernement jugé corrompu. C’est
pourquoi, une fois de retour dans leurs pays d’origine
(Algérie, Égypte ou Libye), les combattants étrangers
reprendront cette même lutte contre leurs gouvernements
respectifs.
Ce que l’on surnomme « Al-Qaïda » n’est qu’une base
militaire (al‐qa’ïda al‐‘askariyya37) de la résistance
afghane. Elle est démantelée en 1989 : aucun groupe
terroriste de ce nom n’a été créé, ni par Oussama ben
Laden (OBL) ni par quiconque. Il le confirmera lui-même
dans une interview accordée à Al-Jazeera le 21 octobre
2001, peu diffusée en Occident (retirée de YouTube), dont
une transcription est disponible sur le site
Terrorisme.net38. La rumeur selon laquelle OBL aurait été
un agent des Américains est tout simplement fausse : il
n’a été qu’un des multiples bénéficiaires du soutien
américain à travers les services pakistanais, mais les
responsables américains n’ont vraiment connu son
existence que dans les années 199039.
Après le départ des Soviétiques et sans ennemi
fédérateur, l’Afghanistan et sa capitale sont livrés aux
factions rivales qui luttent pour le pouvoir. Les lynchages
et exécutions publiques – parfois avec un luxe de
cruauté – sont quotidiens40. Le problème est que les
Américains ne se sont pas préoccupés de reconstruire un
nouvel Afghanistan, mais simplement de combattre les
Soviétiques. Ainsi, à la différence de la Seconde Guerre
mondiale, les Américains n’ont pas été capables de mettre
en place un « De Gaulle » ou un « Jean Moulin » qui
fédère les efforts de la résistance dans une cohérence
stratégique. En fait, les Taliban rempliront ce rôle, comme
l’État islamique trente ans plus tard en Irak et en Syrie…
les Occidentaux n’ont rien appris !
C’est dans cette atmosphère que les Taliban (« étudiants
en religion ») s’imposent. D’origine sunnite, leur
mouvement apparaît en septembre 1994. Il se veut
fédérateur des différentes ethnies, tendances religieuses,
familles politiques et factions qui avaient fait la résistance
afghane. Parti de la région de Kandahar, au sud du pays, il
conquiert rapidement, pratiquement sans combat,
l’ensemble du pays, à l’exception du nord qui reste alors
dans les mains de l’Alliance du nord, dirigée par le Tadjik
Ahmed Shah Massoud.
Dès leur installation au pouvoir, les Taliban mettent en
place un régime rigoureux, dont l’objectif est de rétablir la
paix civile et l’ordre, supprimer le factionnalisme et
permettre la gestion de l’État. Le régime de la Charia – la
loi islamique – est imposé et appliqué sévèrement. Leur
gouvernement jouit d’un assez large soutien populaire,
principalement parce qu’il apporte une forme de sécurité
et élimine l’anarchie et l’arbitraire qui régnaient avec les
milices. Toutefois il ne parvient pas à obtenir la
reconnaissance internationale qui permettrait un
développement du pays41. L’Occident refuse de traiter
avec le régime ; une intransigeance qui a pour effet de
décrédibiliser la frange modérée du mouvement, favorable
à des réformes en échange d’une reconnaissance
internationale, pour développer le pays.
Les Taliban ne sont pas des « djihadistes globaux », ils
n’ont jamais eu pour objectif de diffuser leur doctrine à
travers le monde. En revanche, ils soutiennent – plus par
conviction religieuse, que par ambition politique ou
territoriale – les efforts des combattants islamistes de la
région42, notamment au Jammu-et-Cachemire. Le conflit
draine alors des combattants islamistes du monde entier,
installés dans les « zones tribales » à la frontière entre
l’Afghanistan et le Pakistan. Ces combattants, capturés à
la fin 2001, début 2002 par les forces spéciales
américaines, constitueront le premier contingent de
prisonniers à Guantanamo ; que les Américains devront
libérer quelques années plus tard… après les avoir
transformés en djihadistes globaux !
En fait, les efforts des Taliban sont absorbés par des
problèmes intérieurs et les rivalités entre les chefs
djihadistes locaux :
Les Taliban et Mollah Omar, en fait, se sont souvent
définis contre les autres leaders afghans qu’ils considèrent
représenter une pensée radicale panislamiste. Les Taliban
se moquaient de ces musulmans, qui comprennent
Gulbuddin Hekmatyar et Abdoul Rassoul Sayyaf, en les
désignant d’« Ikhwanis43 », leur expression pour désigner
les panislamistes radicaux44.
Les frappes américaines d’août 1998 rapprochent les
Taliban des djihadistes panislamistes autour d’une défense
de l’Islam45, sans toutefois les pousser dans le djihad
global. En revanche, elles créeront un sentiment
d’injustice et de lâcheté qui conduira au « 9/11 ».
3.1.1. « Les Taliban refusent de livrer Ben Laden46 »
Depuis le 11 Septembre, les noms d’« Al-Qaïda » et de
Ben Laden sont sur toutes les lèvres, mais quels étaient les
éléments concrets qui permettaient cette affirmation ? En
réalité : aucun. Encore à ce jour, sa culpabilité reste
spéculative et rigoureusement rien ne permet d’affirmer
qu’il était effectivement impliqué dans ces attentats,
comme nous l’avons vu.
Après l’attentat de juin 1996 contre les tours Khobar en
Arabie Saoudite, OBL est expulsé du Soudan sous la
pression des États-Unis. Les premières accusations contre
lui sont formulées le 10 juin 1998, dans un document resté
classifié SECRET, et portent sur son engagement supposé
dans la mort de militaires américains en Somalie en 1993.
Il se réfugie alors en Afghanistan, dans la région de
Kandahar, où il poursuit sa lutte contre la présence
américaine en Arabie Saoudite et organise des camps
d’entraînement pour les combattants du Jammu-
Cachemire. Mais sa liberté d’action n’est pas totale : en
1998, le Mollah Omar, chef des Taliban, lui impose de
n’entreprendre aucun acte terroriste comme condition
pour rester dans le pays47, et rien n’indique qu’il a rompu
cet accord.
Après les attentats du 9 août 1998 contre les ambassades
américaines de Dar es Salam et Nairobi, les Américains se
font plus pressants et demandent son extradition. Pourtant,
aucune preuve n’existe et l’accusation américaine se
fonde uniquement sur des suspicions, elles-mêmes basées
sur sa fatwa de février 1998. Mais en réalité, on n’en sait
rien : sur une note concernant ces attentats, le président
Bill Clinton griffonne à l’intention de Sandy Berger, son
conseiller à la Sécurité nationale :
Sandy, si cet article est correct, la CIA a certainement
exagéré les faits qui m’ont été présentés. Quels sont les
faits48 ?
La position des Taliban est claire : ils sont prêts à le
livrer, mais demandent des preuves de sa culpabilité49.
Les Américains fournissent des éléments, mais la Haute
Cour de justice afghane juge qu’ils ne démontrent pas son
implication et refuse de le livrer. Alors, les Taliban
demandent aux Américains de faire une « proposition
constructive » pour résoudre la crise50. Mais cette
demande ne sera jamais relatée comme telle dans les
médias occidentaux et les Américains n’y répondront pas.
Pourtant, les Taliban cherchent une solution. Le
21 février 2001, ils offrent aux États-Unis de l’extrader en
échange d’un accord sur les sanctions qui touchent le
pays, mais pour des raisons qui n’ont jamais vraiment été
éclaircies par la suite, le gouvernement américain refuse.
Après le 11 Septembre, la question de l’extradition
d’OBL revient sur la table et l’émissaire des Taliban
déclare au chargé d’affaires américain d’Islamabad que si
les États-Unis apportaient des preuves de sa
responsabilité, le « problème pourrait être facilement
résolu51 ».
Mais en réalité, les preuves de l’implication d’OBL
n’intéressent plus vraiment les Américains, car ils avaient
déjà décidé d’intervenir en Afghanistan bien avant le
« 9/11 ». Le 4 septembre 2001, soit exactement une
semaine avant le « 9/11 », la Directive présidentielle de
Sécurité nationale 9 (NSPD9)52 a été soumise au président
George W. Bush pour signature. Classifiée SECRET, elle
est intitulée Vaincre la menace terroriste contre les États-
Unis53, et, dans une annexe classifiée TOP SECRET, elle
demande au secrétaire à la Défense de planifier des
options militaires « contre les cibles des Taliban en
Afghanistan, y compris le leadership, le contrôle de
commandement, la défense aérienne, les forces terrestres
et la logistique54 ». Elle sera approuvée le 25 octobre
2001.
Mais le président doit avoir l’aval du Congrès. Pour
contourner ce problème, le 14 septembre 2001, ce dernier
adopte une Résolution conjointe sur l’Autorisation pour
l’emploi de la force militaire (AUMF), qui stipule…
Que le Président est autorisé à utiliser toute la force
nécessaire et appropriée contre les nations, organisations
ou personnes, dont il détermine qu’elles ont planifié,
autorisé, commis ou aidé les attaques terroristes du
11 septembre 2001, ou hébergé de telles organisations ou
personnes, afin de prévenir tout acte de terrorisme
international futur contre les États-Unis par ces nations,
organisations ou personnes55.
Elle constitue la base légale pour les « guerres
perpétuelles » menées par les États-Unis depuis, et
explique pourquoi l’Irak, le Venezuela et l’Iran seront
accusés plus tard de soutenir le terrorisme international…
Le 7 octobre, alors que les forces américaines sont
prêtes à frapper, le gouvernement afghan offre de juger
OBL, mais le président Bush refuse l’offre56 et déclenche
des bombardements qui, déjà à ce stade, affectent les
populations civiles. Une semaine plus tard, le vice-
Premier ministre afghan, Haji Abdul Kabir, confirme que
les Taliban sont prêts à remettre OBL, si des preuves de
son « implication » (même pas sa « responsabilité ») sont
fournies et en échange d’un arrêt des bombardements.
Cette position est aussi relayée par l’ambassadeur des
Taliban au Pakistan57 ; mais les Américains refusent
d’entrer en matière58. Le journal The Independent affirme
même que le président américain « a refusé de manière
péremptoire de fournir des preuves que M. Ben Laden
était derrière les agressions du 11 Septembre59 » ;
probablement tout simplement parce qu’à ce stade –
comme jusqu’à ce jour – ces preuves n’existaient pas.
En fait, les Américains leur fournissent un dossier60,
dont une copie est adressée à Tony Blair. Le
4 octobre 2001, gouvernement britannique en publie une
synthèse en 70 points, à l’intention du Parlement. La
presse y voit un tissu de « conjectures, suppositions et
affirmations de faits61 » et « presque sans valeur d’un
point de vue juridique62 » : les accusations sont
essentiellement des spéculations sur les attentats de 1998
et très peu concernent le « 9/11 ». On y peut lire, par
exemple, que Ben Laden était impliqué dans le trafic de
drogue (ce qui n’a jamais été le cas, ni de près ni de loin) ;
ce qui servira de prétexte à Tony Blair pour intervenir en
Afghanistan.
Le 16 octobre 2001, les Taliban proposent une nouvelle
fois au gouvernement américain d’extrader OBL, sans
même alors exiger les preuves de son implication, en
échange de l’arrêt des bombardements qui affectent les
populations civiles63. Mais une fois de plus, le
gouvernement américain refuse.
3.1.2. Un ennemi et des objectifs mal définis
En 2019, après 18 ans de guerre, quelque 17 000
militaires encore déployés pour la mission RESOLUTE
SUPPORT de l’Otan, des milliards de dollars dépensés,
près de 200 000 morts et un nombre égal de blessés graves
et des millions de personnes déplacées64, peu de
réflexions ont été faites sur les raisons qui ont poussé
l’Occident à intervenir en Afghanistan. Les Américains,
puis l’Otan, par leur totale incompréhension du théâtre de
guerre et leur incurie, ont créé les conditions pour le
développement d’un djihadisme qui n’existait pas avant
2001.
Aucune puissance étrangère n’a réussi à maîtriser
l’Afghanistan. Toutefois, un examen attentif montre que
les Soviétiques ont su maintenir une meilleure cohérence
opérative65 que l’Otan66. Ils ont gardé le contrôle des
zones politiquement et économiquement importantes du
pays, et ont « abandonné » les autres. À l’inverse, l’Otan
n’a pas été capable de prioriser son engagement et s’est
même aliéné des zones qui lui étaient plutôt favorables.
Qui trop embrasse, peu étreint. En 1987, la CIA évaluait
le coût de l’engagement soviétique à 50 millions de
dollars, soit 75 % de ce que les Américains avaient
dépensé pour le Vietnam67. Après 16 ans de guerre, les
États-Unis ont dépensé environ 1 trillion de dollars – soit
200 fois plus – sans parler du coût humain, pour une
défaite qu’ils n’arrivent pas à gérer68.
Le 7 septembre 2019, Donald Trump annonce qu’il met
fin aux négociations menées depuis 2018 avec les Taliban,
et qui semblaient sur le point d’aboutir à un accord. Il se
justifie en accusant les Taliban de vouloir augmenter la
pression sur les États-Unis avec un attentat deux jours
plus tôt69. Mais ce qu’il ne dit pas, c’est qu’entre avril et
septembre 2019, les frappes américaines ont augmenté de
plus de 50 %, pour atteindre leur plus haut niveau depuis
octobre 201070. En fait, Trump applique la même
« stratégie » qu’avec l’Iran : mettre l’adversaire sous
pression maximale afin de le forcer à négocier. Une
méthode chère aux mafias.
Le 9 décembre 2019, le Washington Post publie environ
2 000 pages de documents déclassifiées sur la guerre en
Afghanistan. Il s’agit d’un dossier établi dans le cadre
d’un projet de retour d’expérience par l’Inspecteur général
spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan (SIGAR),
qui confirme deux choses. La première est que, dès 2001,
les États-Unis n’avaient aucune idée de la raison pour
laquelle ils menaient cette guerre, de la nature de leur
ennemi et de leur objectif. En février 2015, le lieutenant
général Douglas Lute, le « Tsar de l’Afghanistan » à la
Maison-Blanche, avouait en 2015 à propos de la guerre en
Afghanistan :
Nous n’avions pas la moindre idée de ce que nous
entreprenions71.
La seconde est que les dirigeants militaires et politiques
américains ont menti à leur peuple et leur représentation
parlementaire durant 18 ans72. Mais les Américains ne
sont pas les seuls : les autres pays engagés à leurs côtés
ont aussi menti à leurs opinions publiques ! Mais la presse
française ne l’a pas même relevé. Derrière le « bon
boulot » des contingents se cache une absence totale de
stratégie et d’objectif : des militaires sont morts pour rien,
au sens littéral du terme. Le même phénomène se retrouve
aujourd’hui au Sahel. Nous n’avons rien appris : les états-
majors, les parlements et l’opinion publique ont
lamentablement failli par manque d’esprit critique et
d’analyse et continuent…
3.2. « Le Darfour : un génocide de 300 000
victimes73 »
3.2.1. Le contexte
En 2005-2006, l’auteur était chef du Joint Mission
Analysis Center (JMAC) de la Mission des Nations unies
au Soudan (MINUS), la première (et la plus grande)
structure de renseignement stratégique civilo-militaire
mise en place dans une mission de maintien de la paix des
Nations unies. Bien que le Darfour ne fût pas dans le
mandat de la MINUS, il relevait de la responsabilité du
représentant spécial du secrétaire général, responsable de
la coordination des activités des Nations unies dans le
pays.
La crise du Darfour illustre à la fois une des plus
anciennes causes de guerre de l’humanité et un conflit lié
au réchauffement climatique. Depuis de nombreuses
années, le Sahara s’étend vers le sud affectant durement la
fragile zone du Sahel : entre la fin des années 1970 et le
début des années 2000, le désert a progressé de près de
200 kilomètres au Darfour. Il a ainsi progressivement
recouvert le territoire des tribus d’éleveurs nomades – en
particulier les Zaghawa et les Jimir – en les poussant vers
les terres de tribus d’agriculteurs sédentaires, parmi
lesquels les Four (« Dar Four »).
Cette lente migration sans retour ne doit pas être
confondue avec les migrations saisonnières des éleveurs
déplaçant leurs troupeaux du nord au sud et vice versa au
rythme des saisons. Ces dernières sont également sources
de querelles, mais elles sont efficacement gérées par des
mécanismes traditionnels, qui définissent et attribuent des
itinéraires de transhumance.
Au Soudan, comme dans de nombreux pays musulmans,
la terre n’appartient à personne. L’attribution et l’usage
des terres sont régis par des mécanismes traditionnels,
propres à chaque tribu, selon des règles parfois
complexes, appelées hawakir ou hakura. Or, l’arrivée de
nouvelles populations dans des zones où les ressources
naturelles sont rares a bouleversé ces règles, provoquant
des heurts violents qui sont à la base du conflit du
Darfour.
Dès les années 1990, afin d’apaiser la situation et
d’apporter une solution durable, le gouvernement de
Khartoum tente de redéfinir les mécanismes d’attribution
des terres et d’imposer une méthode uniforme sur tout le
territoire du Darfour. Mais cette « intervention » du
gouvernement central enfreint les prérogatives tribales et
provoque des réactions violentes : elle est interprétée
comme une marginalisation des autorités locales, et
certaines tribus s’insurgent contre les nouvelles règles qui
donnent aux nouveaux venus les mêmes droits qu’aux
populations autochtones. Les organisations internationales
et de développement interpréteront la crise « à
l’occidentale » et accuseront Khartoum de délaisser le
Darfour, alors que c’est exactement le contraire…
Le gouvernement soudanais se trouve rapidement isolé
entre ceux qui veulent des compensations pour leurs terres
perdues et ceux qui refusent de modifier l’hawakir
traditionnel. En 2002, Abdul Wahed Mohammed Nour
réunit ces deux sources de mécontentement et crée le
Mouvement de Libération du Darfour (MLD).
C’est le début de la politisation du conflit au Darfour.
Elle n’est pas fortuite et coïncide avec l’adoption d’une
nouvelle stratégie par John Garang, chef du Sudan’s
People Liberation Movement/Army (SPLM/A) au Sud-
Soudan. Il s’agit d’« encercler » le gouvernement de
Khartoum, en créant des foyers insurrectionnels dans
toutes les régions du pays, afin de le forcer à négocier. Il
menace Khartoum depuis l’Est avec sa New Sudan
Brigade (NSB), stationnée en Érythrée. Dès 2001, avec le
soutien États-Unis, il s’associe au MLD (qui devient, en
2003, le Mouvement de Libération du Soudan – MLS) et
commence à armer les rebelles du Darfour pour créer une
menace à l’Ouest. Contrairement à ce que l’on dit
généralement, John Garang n’était pas partisan d’une
indépendance du Sud, mais pour « un pays et deux
nations », en renversant le gouvernement soudanais. Ce
n’est que plus tard, après sa mort et l’avènement de Salva
Kiir, que la tendance séparatiste prendra le dessus au Sud-
Soudan.
Aux tensions tribales entre cultivateurs et pastoralistes
s’ajoutent les « razzias » menées par des groupes
tchadiens et libyens. Surnommés « cattle raiders »
(voleurs de bétails), ils mènent des raids sur plusieurs
centaines de kilomètres pour s’emparer de troupeaux
entiers et les revendre au Tchad. Bien organisés et bien
armés, ils n’hésitent pas à s’attaquer à l’armée. Boko
Haram, qui apparaîtra bien plus tard au Nigeria est la
variante islamiste du même phénomène, que l’on retrouve
dans tout le Sahel.
D’une superficie équivalente à celle de la France, le
Darfour a une population estimée à environ 6 millions de
personnes, principalement établie dans de petits villages
dispersés. Rien ne permet de soutenir la thèse d’un
gouvernement tentant d’éliminer sa population. Un
examen sérieux des actes de violence montre des attaques
dirigées contre des individus, des familles, voire des
parties de village ou des petits hameaux, mais
pratiquement jamais contre des tribus ou des ethnies
entières.
Jusqu’en 2002, les affrontements au Darfour sont perçus
comme un phénomène local. Mais après le « 9/11 », les
Américains pensent que le Sahel est devenu un repaire
privilégié pour les djihadistes. Ils établissent la Trans
Sahara Counterterrorism Initiative (TSCTI)74 qui regroupe
la plupart des pays du Sahel75, où sont déployées des
forces spéciales sous la conduite du Special Operations
Command Europe (SOCEUR) ; et la Combined Joint Task
Force – Horn of Africa (CJTF-HOA), basée à Djibouti
sous l’autorité du Central Command (CENTCOM), pour
couvrir le Nord-Est de l’Afrique. Leur seul point d’ombre
est le Soudan. Dans les années 1990, il avait accueilli
OBL – alors en disgrâce – et les Américains sont
convaincus qu’il est le point faible de leur dispositif. Il
faut donc le mettre sous pression, pour lui faire accepter le
déploiement d’une force militaire au Darfour. Les
accusations et chiffres fantaisistes sur des crimes et autres
massacres au Darfour se multiplient.
Mais après l’Irak et l’Afghanistan, le gouvernement
soudanais craint qu’une mission de maintien de la paix au
Darfour soit le prélude à une opération destinée à le
renverser. En 2004, il accepte cependant le déploiement
d’une mission de maintien de la paix de l’Union africaine
(AMIS) au Darfour. Elle est financée par l’Union
européenne, tandis que l’Otan lui fournit un appui
logistique et y déploie des éléments de renseignement.
Dès le début 2005, des forces spéciales américaines
opèrent clandestinement sur le territoire soudanais, dans la
région du Darfour, afin de détecter d’éventuels groupes
islamistes… et ne trouvent rien.
3.2.2. Les milices « Janjaweed »
Les accusations contre le gouvernement soudanais font
invariablement référence aux milices « Janjaweed ». Mais
ici encore, l’ignorance rencontre la désinformation.
Durant les années 1980-1990, l’armée soudanaise est en
guerre au sud du pays, et ne dispose pas de forces pour
répondre aux violences tribales du Darfour. Le
gouvernement adopte alors la même stratégie que les
Britanniques et les Français en Afrique et en Asie : il arme
les tribus sur lesquelles il peut compter. Malheureusement,
il n’établit pas de mécanismes suffisants pour gérer et
coordonner ces milices, qui échappent ainsi
progressivement à son contrôle pour mener des opérations
complètement indépendantes à caractère tribal. Ces
milices sont connues sous les noms de Murahalin dans le
Bahr el-Ghazal, de Shahama en Abyei et de Janjaweed au
Darfour.
En 1989, afin de reprendre le contrôle de la situation, le
gouvernement crée les Popular Defence Forces (PDF) :
des unités territoriales composées de militaires recrutés
localement, armés, équipés et formés par l’armée. Mal
équipées, dépourvues de matériel lourd et très peu
mobiles, les PDF assurent un rôle essentiellement défensif
et local, tandis que la dimension dynamique du maintien
de l’ordre est dévolue aux troupes du ministère de
l’Intérieur.
Le terme de « Janjaweed » est typiquement darfourien et
désigne un bandit. Alors qu’en Occident on l’associe à des
milices gouvernementales, dans le langage courant il
désigne tout ce qui porte une arme (y compris les rebelles
tchadiens qui viennent se réfugier sur le territoire
soudanais). En fait, le recoupement des témoignages
montre qu’il désigne en premier lieu des bandes
organisées (« cattle raiders ») et des milices tribales
indépendantes, mais aussi les mouvements rebelles eux-
mêmes.
Par ailleurs, des informations précises et confirmées
indiquent que depuis mars 2005 au moins, le
gouvernement soudanais a cessé tout soutien aux milices
tribales. À telle enseigne qu’en 2005, on note de
nombreux accrochages entre des milices « Janjaweed » et
la sécurité soudanaise, jusqu’au siège de sa garnison d’El-
Geneina, durant plusieurs jours.
3.2.3. Les armes chimiques
En 2016, Amnesty International (AI) publie un rapport
qui accuse l’armée soudanaise d’utiliser des armes
chimiques contre les rebelles dans la région du Djebel
Marra76. Ce type d’accusation réapparaît régulièrement
depuis la fin des années 1990, mais aucune des missions
de vérification envoyées sur place n’a pu les confirmer77.
Le rapport d’Amnesty soulève de très nombreuses
questions et le gouvernement allemand a émis des doutes
quant à sa pertinence : le faible nombre de rebelles dans le
Darfour ne semble pas requérir l’emploi de moyens aussi
extrêmes et le petit nombre de « témoins » tend à
conforter ces doutes. De plus, la Mission des Nations
unies au Darfour (MINUAD) affirme ne pas avoir
constaté l’usage d’armes chimiques et qu’aucune victime
n’aurait été traitée dans ses hôpitaux78.
Par ailleurs, les photos de victimes montrent des
symptômes qui s’expliquent par des affections courantes
dans la région79 ; quant à la combinaison d’attaques à
cheval et de bombardements chimiques80, elle semble
pour le moins surréaliste !
Outre le fait que l’on n’a pas trouvé de preuves sur le
terrain, on ne voit pas très bien pourquoi de telles armes
auraient été utilisées au Darfour en 2016, alors qu’on sait
qu’elles sont une justification pour les interventions
internationales, et que les forces armées soudanaises ne
les ont pas utilisées dans des batailles considérablement
plus importantes au sud du pays.
En réalité, on trouve ici le même phénomène que l’on
observe en Syrie : la tentative de certains de provoquer
une intervention militaire occidentale.
3.2.4. La guerre des chiffres
À cause de la superficie du pays, d’une faible mobilité
opérative et de faibles effectifs, les forces soudanaises ne
parviennent pas à maîtriser une situation qui est
considérée comme un problème de sécurité intérieure. Dès
lors, les 12 000 militaires de l’armée régulière stationnés
au Darfour ne sont engagés que très rarement. Les
opérations de contre-insurrection sont normalement
menées par les forces de la sécurité intérieure. Toutefois,
ces dernières – même si elles paraissent importantes –
sont largement sous-équipées en armements et en moyens
de transport, et ne sont pas configurées pour lutter contre
une insurrection. Elles sont regroupées dans les
principales villes du Darfour (El-Fasher, Nyala et El-
Geneina) et patrouillent sur les principaux axes routiers
(entre ces trois villes) sans moyens robustes pour agir
dans l’entre-terrain.
Les « bombardements » massifs de population par les
« Antonovs » alors rapportés par les réfugiés et la presse
sont souvent fallacieux. En 2005, l’armée de l’air
soudanaise compte 5 Antonov-24 et Antonov-26 destinés
au transport, qui ne sont pas équipés pour le largage de
bombes et qui sont déjà largement sollicités pour assurer
la logistique de ses garnisons militaires réparties sur
2,5 millions de km2 et dans des régions qui ne peuvent
souvent être atteintes que par air. Par comparaison, les
Nations unies, pour assurer la logistique de l’UNMIS
(environ 30 000 personnes) dans le même espace, ont
alors une flotte de plus de 50 appareils. L’examen des
incidents rapportés et les observations sur place ne
permettent pas de confirmer l’emploi de ces appareils
pour bombarder des populations civiles. En fait, le mot
« Antonov » est utilisé pour tout ce qui vole, y compris les
hélicoptères Mi-24 (ou plus rarement Mi-8) équipés de
roquettes, utilisés pour combattre les groupes armés.
Les roquettes non guidées air-sol sont habituellement les
munitions qui occasionnent le plus de ratés. Pourtant, des
enquêtes sur le terrain menées par des spécialistes
internationaux du déminage mandatés par les Nations
unies en 2006 et en 2007 constatent que les restes de
munitions les plus fréquemment rencontrés au Darfour
dans les zones de combat sont les grenades à main et les
grenades antichars de RPG-7. Dans certaines zones, on
trouve des restes de roquettes sol-air. Quant aux restes de
bombes aériennes, les équipes envoyées sur les
emplacements des affrontements au début 2006 par
l’ONU n’en ont trouvé aucun !
Tout ceci ne démontre rien, mais permet de jeter un
doute sérieux sur les accusations occidentales de génocide
et de destruction systématique de la population…
Ceci étant dit, après l’intervention occidentale en Libye,
le paysage sécuritaire de la région se modifie
profondément : les armes récupérées de part et d’autre (y
compris celles fournies par des pays européens malgré
l’embargo des Nations unies) se retrouvent au nord du
Soudan/Darfour et alimentent les conflits tribaux aux
confins du Tchad jusqu’au centre du Darfour.
Les affirmations selon lesquelles le gouvernement
tenterait d’« arabiser81 » le Darfour sont tout simplement
fausses. Tout d’abord, le gouvernement n’a jamais
revendiqué une telle politique et on ne voit pas vraiment
quel pourrait être son objectif. Même le conflit Nord-Sud,
que l’on présente volontiers comme une guerre de religion
entre islamiques et chrétiens/animistes, était de nature
tribale. C’est d’ailleurs pourquoi il persiste après
l’indépendance du Sud-Soudan. Au Darfour, les
populations d’origine arabe et africaine se sont
étroitement mélangées avec le temps et il est pratiquement
impossible de les différencier. Sur le plan religieux, et
contrairement au Sud-Soudan, la population est homogène
et presque exclusivement musulmane. En réalité, les
affrontements opposent pêle-mêle Arabes, non-Arabes,
cultivateurs, éleveurs dans toutes les combinaisons
possibles. C’est d’ailleurs cette diversité de « conflits »
qui est la source du problème :
a) Contrairement à une opinion largement répandue en
Occident, l’essentiel des actes de violence est de nature
tribale ou criminelle. Le nombre des mouvements
« politiques » reste très marginal. 3-4 en 2005, ils sont 27
en 2007 en raison de scissions : minés par des rivalités et
querelles internes, ils ne constituent donc pas une menace
réelle pour le gouvernement. Par ailleurs, ils ne
revendiquent pas l’indépendance, mais une plus grande
autonomie régionale.
b) Le gouvernement de Khartoum ne s’est jamais
vraiment doté de moyens conséquents pour lutter contre
des troubles qui sont endémiques dans cette région du
monde. Il s’est borné à traiter la question comme un
problème d’ordre intérieur en s’appuyant sur les rivalités
tribales traditionnelles, sans réelle stratégie anti-
insurrectionnelle, ni structures de conduite adéquates.
Stigmatisé par de nombreuses ONG et l’administration
américaine, le « massacre systématique » des populations
du Darfour par le gouvernement soudanais, à l’image de
ce qui s’était passé au Rwanda dix ans plus tôt, ne trouve
aucune confirmation dans les faits. Le nombre d’études
effectuées sur la mortalité au Darfour témoigne du malaise
qui règne autour des chiffres.
Dès le début de la crise du Darfour, l’Office de
Coordination de l’aide humanitaire (OCHA) des Nations
unies évoque le chiffre de 180 000 morts82. Au début
2005, alors qu’est mise en place la mission des Nations
unies, l’estimation la plus courante est de 200 000 morts.
Durant cette période, où l’auteur a eu une très bonne
visibilité sur la situation et a collaboré avec les principaux
services de renseignements occidentaux : aucun
affrontement majeur n’a eu lieu et l’accès humanitaire est
globalement bon. Pourtant, en 2008, Jan Egeland, alors
coordinateur de l’OCHA affirme que 400 000 est plus
proche de la réalité83. Pourtant, dix ans plus tard, le chiffre
le plus souvent avancé est de 300 000 morts, tout en
restant purement spéculatif. Malgré de nombreuses
rumeurs et les affirmations de quelques ONG
humanitaires, on n’a pas retrouvé de charniers, fosses
communes ou preuves de massacres de cette envergure84.
En fait, ces chiffres sont issus d’estimations et
projections statistiques basées sur des témoignages
invérifiés et invérifiables. Mais cela n’empêche pas la
communauté internationale d’accuser le gouvernement
soudanais de « génocide ». Pour justifier cette accusation,
on joue alternativement sur deux notions : la mortalité due
aux conséquences des violences (manque d’hygiène,
manque d’eau et de nourriture, etc.) et la mortalité due aux
actes de violence eux-mêmes. Voire, on les mélange. En
outre, on minimise délibérément le rôle des acteurs armés
locaux pour attribuer leurs violences au gouvernement.
Entre le début 2005 et la mi-2006, à la demande du chef
de la MINUS, le service de renseignement de la mission
(JMAC) effectue quatre études sur la mortalité violente au
Darfour. Toutes les sources disponibles sont exploitées :
les organisations internationales (comme l’OMS et le
CICR) et non gouvernementales, la mission de l’Union
africaine (AMIS), le service de sécurité de l’ONU (UN
DSS), les services de sécurité soudanais, des services de
renseignements occidentaux et les groupes rebelles eux-
mêmes. Dans la plupart des cas, des documents
photographiques existent ou des rapports circonstanciés
(policiers, médicaux, militaires, et/ou d’organes des droits
de l’Homme). Les résultats sont surprenants :

Période Nombre de morts1(Voir bibliographie)

juin 2004 – mars 2005 400

avril 2005 – juillet 2005 1 200

août 2005 – janvier 2006 500

février 2006 – juillet 2006 400

Total (juin 2004 – juillet 2006) 2500

Tableau 2- Victimes de la violence au Darfour (2004-2006)

Des chiffres sans doute encore trop importants, mais qui


rassemblent toutes les formes de violence, de la simple
criminalité aux escarmouches tribales. Du même ordre de
grandeur que ceux rapportés périodiquement au Conseil
de sécurité85, ils sont très loin de ceux proclamés par les
médias occidentaux… Mais les rapports seront enterrés…
et à la fin 2006, on parle de 400 000 morts86. On est passé
de 200 000 à 400 000 morts en une année et demie. D’où
proviennent-ils ? Pas de réponse !
Quant aux hameaux incendiés, largement évoqués dans
la presse, des informations internes de l’OCHA au Soudan
en 2005 montrent que ce sont les personnes déplacées,
attirées par de meilleures conditions de vie dans les camps
de déplacés des Nations unies, qui brûlent elles-mêmes
leurs cases en « inventant » des attaques, afin de ne pas
être refoulées par les organisations d’entraide.
Le 11 avril 2019, sur France 24, le chroniqueur Gauthier
Rybinski crée littéralement une fable autour de la situation
au Darfour et du pétrole. Affirmant qu’en plus des
300 000 tués, le président Omar Béchir a cherché à
empêcher les rescapés de survivre en empoisonnant les
puits d’eau. Il affirme également que le gouvernement a
délibérément délaissé les populations vivant dans des
zones dépourvues de pétrole87. Pourquoi et dans quel
but ? C’est tout simplement faux : c’est un assemblage
d’informations éparses et non vérifiées en une
construction de type complotiste. De plus, il ne manque
pas de rappeler que le Soudan a été l’un des parrains du
terrorisme international, car il avait hébergé le terroriste
Carlos entre 1991 et 1994. Une accusation qui serait tout
aussi pertinente pour la France qui abrite, depuis près de
50 ans, des terroristes italiens des années 1960-198088.
Comme on le verra plus tard pour la Syrie, l’accusation
d’un génocide au Darfour repose entièrement sur le
postulat que le gouvernement soudanais tente d’éliminer
une partie de sa population… Pour quelles raisons ?
Pourquoi maintenant et pas avant ? Personne n’est en
mesure de le dire ! Certains ont avancé l’explication du
pétrole, mais jusqu’en 200789, l’épicentre des zones de
violence se situait à l’ouest et au nord du Darfour, alors
que les zones pétrolifères se trouvent au sud-est.
En réalité, les problèmes du Darfour sont davantage dus
à l’impuissance du gouvernement soudanais qu’à
l’inverse. Sa bonne foi a systématiquement été rejetée par
un Occident enfermé dans une logique de lutte tous
azimuts contre l’islamisme. Aujourd’hui, une aide
humanitaire pléthorique a attiré les populations du
Darfour dans des camps de réfugiés (exactement comme
au Tchad 25 ans auparavant) créant une population
complètement dépendante de l’aide internationale, où
l’artisanat et les savoir-faire agricoles locaux ont
totalement disparu. D’un habitat fait de petits hameaux
parsemés, la population s’est rassemblée dans des camps
de plusieurs milliers de personnes où la nourriture est
distribuée par la communauté internationale, puis
revendue, donnant naissance à des trafics florissants.
En analysant la question sur la base de préjugés, et des
« reportages touristiques » de philosophes et autres acteurs
de cinéma, nous avons créé des problèmes durables, sans
réduire la violence. Bien au contraire : en créant une
économie mercantile dans les camps de déplacés, où
l’argent circule davantage, on a ipso facto favorisé le
développement d’une criminalité organisée. Il en est
résulté une perte d’influence des mécanismes traditionnels
de gestion de crise tribaux. Tout cela était visible – et
prévisible – en 2005 déjà…
3.3. Conclusions pour les interventions
occidentales
Construite sur des mensonges, la guerre en Irak est un
désastre. Non seulement elle est criminelle, mais elle a été
menée de manière stupide depuis son début : elle a eu
pour seul effet de renforcer le principal ennemi des États-
Unis, l’Iran. En 2019, une étude de 1 300 pages réalisée
par l’US Army à l’initiative du général Ray Odierno,
ancien chef d’État-major de l’armée, conclut :
Au moment de l’achèvement de ce projet en 2018, un Iran
enhardi et expansionniste semble être le seul vainqueur90.
Le Darfour est l’exemple d’une crise que la
communauté internationale – et notamment les
organisations humanitaires – a littéralement créée, sous la
pression des États-Unis. Le problème est que nos
mensonges ont complètement inhibé notre capacité à
apprendre du passé. Ainsi, le « reportage » de Bernard-
Henri Lévy sur la situation au nord du Nigeria, paru dans
Paris Match en décembre 2019, révèle exactement sa
même incompréhension que pour le Darfour. Ses
« conclusions » sont sévèrement critiquées91. Elles se
basent sur une analyse simpliste des événements, qui
semble logique pour quelqu’un qui passe sans transition et
très temporairement des salons parisiens aux réalités
africaines comme un touriste92, mais insuffisante pour
régler le problème.
L’auteur a pu constater personnellement à l’Otan et en
Afghanistan, que les Américains – et a fortiori les
Occidentaux – ne sont tout simplement pas préparés
intellectuellement, culturellement et doctrinalement à
comprendre une autre manière de faire la guerre que la
leur. Une culture générale limitée et des officiers
supérieurs de qualité médiocre expliquent pourquoi leurs
succès militaires ne sont que tactiques et rarement
stratégiques, et acquis à un prix humain et matériel
considérable. Toutes les interventions occidentales ont
suivi le même schéma de désinformation. Pour convaincre
les opinions, on a tronqué les données du problème. On y
a donc apporté des solutions inadaptées.
Les échecs en Afghanistan93, en Irak94, en Libye95, en
Syrie96 et dans la lutte contre le terrorisme étaient
parfaitement prévisibles et sont en grande partie dus à la
rigidité intellectuelle des Occidentaux.

27. Interview à Democracy Now ! (« 1. Gen. Wesley Clark, Democracy Now !


interview, 2007 », Democracy Now !/YouTube, 27 juin 2013). Interview complète :
« General Wesley Clark speaks to Democracy Now ! (March 2, 2007) », YouTube,
30 janvier 2015
28. Pierre Servent, Extension du domaine de la guerre, Robert Laffont, Paris, 2016,
p. 116
29. Rik Coolsaet, Terrorismes et radicalisations à l’ère post-Daech, Revue
internationale de criminologie et de police technique et scientifique, n° 3/19,
Egmont Institute, 10 octobre 2019
30. Interview Émission “envoyé spécial – 13 novembre : ce que l’on n’a pas su
voir”, France 2, 3 novembre 2016 (14’50’’)
31. François Clémenceau dans l’émission « C dans l’air », « Syrie : avantage
Poutine #cdanslair 29-09-2015 », YouTube, 29 septembre 2015 (42’20’’)
32. Robert M. Gates, From the Shadows : The Ultimate Insider’s Story of Five
Presidents and How They Won the Cold War, Simon and Schuster, 20 décembre
2011, p. 608, p. 132.
33. « The CIA›s “Operation Cyclone” – Stirring The Hornet›s Nest Of Islamic
Unrest », Rense.com, 27 février 2010 (rense.com/general31/cyc.htm).
34. Vincent Jauvert, « Brzezinski : « Oui, la CIA est entrée en Afghanistan avant les
Russes… » », Le Nouvel Observateur, 15 au 21 janvier 1998, p. 76
35. Ibid.
36. Lester W. Grau, Mine Warfare and Counterinsurgency : The Russian View,
Foreign Military Studies Office, Fort Leavenworth (KS), 1999.
37. Don Rassler & Vahid Brown, The Haqqani Nexus and the Evolution of al‐
Qa’ida, Harmony Program, The Combating Terrorism Center, West Point, 14 juillet
2011, p. 24.
38. “Document – The unreleased interview with Usamah bin Laden – 21st October
2001”, terrorisme.net, 19 août 2002
39. Câble du Département d’État, « Osama Bin Laden : Taliban Spokesman Seeks
New Proposal For Resolving Bin Laden Problem », 23 novembre 1998, (SECRET)
(Chiffre 5)
40. Selon des témoignages visuels transmis directement à l’auteur.
41. Le gouvernement taliban n’a été reconnu que par l’Arabie saoudite, les Émirats
arabes unis et le Pakistan.
42. Rapport de l’Ambassade américaine d’Islamabad au Département d’État,
22 octobre 1998 (SECRET).
43. NdA : Dans cette région, le terme d’Ikhwani désigne les adeptes des Frères
musulmans.
44. Rapport de l’Ambassade américaine d’Islamabad, op. cit.
45. Ibid.
46. « Les Taliban refusent de livrer Ben Laden », L’Humanité, 20 août 1998 ;
Pascal Riche, « Bush déclare la guerre aux Taliban », Libération, 22 septembre
2001 ; Tensions et conflits : la guerre au terrorisme, 2e cycle du secondaire, Guide
de l’enseignant, École secondaire d’Anjou, Anjou, Québec (Canada)
47. Mark Matthews, « U.S. sets conditions for killing terrorist Cohen says bin
Laden may be hit in line of fire », The Baltimore Sun, 24 août 1998
48. « Sandy – If this article is right, the CIA sure overstated its case to me – what
are the facts ? » cité par David Martosko, “Bill Clinton doubted CIA’s intelligence
on Osama Ben Laden After his own 1998 ‘Wag the Dog’ cruise missile strikes in
Afghanistan and Sudan”, Daily Mail, 19 juillet 2014.
49. Brian Whitaker, “Taliban agreed Bin Laden handover in 1998”, The Guardian,
5 novembre 2001
50. Câble du Département d’État, « Osama Bin Laden : Taliban Spokesman Seeks
New Proposal For Resolving Bin Laden Problem », 23 novembre 1998, (SECRET)
(Chiffres 6-10).
51. « Afghanistan : Taliban Refuses To Hand Over Bin Laden », RFE/RL,
21 septembre 2001 ; Alex Strick van Linschoten & Felix Kuehn, An Enemy We
Created : The Myth of the Taliban / Al-Qaeda Merger in Afghanistan, 1970-2010, C
Hurst & Co Publishers Ltd, 18 janvier 2012.
52. National Security Presidential Directive-9 (NSPD-9)
53. www.fas.org/irp/offdocs/nspd/nspd-9.pdf
54. www.fas.org/irp/offdocs/nspd/nspd-9.htm
55. 2001 Authorization for Use of Military Force (AUMF), S.J.Res 23(107th),
14 septembre 2001
56. « U.S. rejects Taliban offer to try bin Laden », CNN.com, 7 octobre 2001
57. Mollah Abdul Salaam Zaeef, ambassadeur des Taliban au Pakistan, Times,
22 septembre 2001
58. “Bush rejects Taliban offer to hand Bin Laden over”, The Guardian, 14 octobre
2001 ;
59. The Independent, 22 septembre 2001, p. 1.
60. « White House warns Taliban : ‘We will defeat you’ », CNN, 21 septembre 2001
61. The Independent, 7 octobre 2001, p. 7.
62. The Guardian, 5 octobre 2001, p. 23.
63. Rory McCarthy, « New offer on Bin Laden », The Guardian, 17 octobre 2001.
64. Neta C. Crawford, Update on the Human Costs of War for Afghanistan and
Pakistan, 2001 to mid-2016, Boston University, août 2016
65. « La guerre d’Afghanistan (1979-1989) : L’invasion soviétique », Étude
tactique, 13 novembre 2010
66. Dawood Azami, « Why Afghanistan is more dangerous than ever », BBC News,
14 septembre 2018
67. « The Cost of Soviet Involvement in Afghanistan », Intelligence Directorate,
CIA, février 1987
68. Neta C. Crawford, United States Budgetary Costs of the Post-9/11 Wars
Through FY2019 : $5.9 Trillion Spent and Obligated, Watson Institute, Brown
University, 14 novembre 2018
69. « Afghanistan : Trump met fin aux négociations avec les talibans », AFP,
8 septembre 2019
70. Jessica Purkiss, « US strikes in Afghanistan rose by half before Taliban peace
talks collapsed », The Bureau of Investigative Journalism, 11 septembre 2019 ;
Gareth Jennings, « US records highest airstrike rate in Afghanistan for a decade »,
Jane’s Defence Weekly, 27 janvier 2020
71. Interview with Ambassador Douglas Lute, NATO Permanent Rep, former
Director Iraq/ Afghanistan, NSC 2007-2014, Office of the Special inspectior
General for Afghanistan Reconstruction, 20 février 2015
72. Jeff Schogol, « US government officials are encouraged to lie about progress in
Afghanistan, special inspector general says », Task & Purpose, 15 janvier 2020
73. « Le Darfour : un génocide de 300 000 victimes », Euronews, 18 février 2015
74. La TSCTI est alors développée sur la base d’une initiative plus modeste, la Pan
Sahel Initiative (PSI), qui aurait été initiée en novembre 2002, mais dont la mise en
œuvre a été accélérée par l’action du GSPC.
75. À savoir les pays de la PSI : le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad, plus
l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Sénégal, le Ghana et le Nigeria.
76. Scorched Earth :Poisoned Air - Sudanese Government Forces Ravage, Jebel
Marra, Darfur, Amnesty International, 2016
77. Reporting on Conflict in Darfur : The Importance of Access, Research and
Evidence, Chatham House, 28 octobre 2016
78. Dagmar Dehmer, “Berlin questions authenticity of claims Sudan used chemical
weapons”, Der Tagesspiegel, 2 novembre 2016
79. JP Zanders, « Allegation of chemical warfare in Darfur », the-trench.org,
1er février 2017
80. http://darfurconflict2016.amnesty.org/report/7
81. Pawan Haulkory, “Political Islam and Arabization of Sudan as the source of
conflict”, wordpress.clarku.edu/id252-sudan/, 4 novembre 2014
82. Eric Reeves, DARFUR MORTALITY UPDATE : June 30, 2005, 30 août 2005
83. “Death toll of 200,000 disputed in Darfur”, Associated Press/NBCNews.com,
28 mars 2008
84. Rebecca Hamilton & Mary Beth Sheridan, « U.S. Government Cannot Confirm
Mass Graves in Sudan », The Washington Post, 21 juillet 2011
85. Voir « UN Documents for Sudan (Darfur) : Secretary-General’s Reports »
(www.securitycouncilreport.org)
86. DARFUR CRISIS - Death Estimates Demonstrate Severity of Crisis, but Their
Accuracy and Credibility Could Be Enhanced, Report to Congressional Requesters,
United States Government Accountability Office, November 2006 (GAO-07-24)
87. Le Journal de 12 heures, France 24, 11 avril 2019
88. Thibaut Cavaillès, « Salvini veut faire la chasse aux «terroristes» italiens qui
ont trouvé refuge en France », France Inter, 14 janvier 2019 ; Matthieu Lasserre,
« Les terroristes des années de plomb, pommes de discorde dans les relations Italie-
France », La Croix, 12 février 2019 ; Aude Le Gentil, « Qui sont les anciens
terroristes italiens vivant en France et que Rome veut extrader ? », Le Journal du
Dimanche, 13 février 2019.
89. NdA : Dès 2007-2008, la question de la frontière entre le Kordofan et le Bahr
el-Gazal sera une nouvelle source de conflit et de heurts violents entre tribus.
90. Todd South, « Army’s long-awaited Iraq war study finds Iran was the only
winner in a conflict that holds many lessons for future wars », Army Times,
18 janvier 2019
91. « «Au Nigeria, on massacre les chrétiens», le SOS de Bernard-Henri Lévy »,
Paris Match, 5 décembre 2019
92. « VRAI OU FAKE Violences dans le centre du Nigeria : l’analyse de Bernard-
Henri Lévy contestée par les spécialistes », TV5MONDE, 17 janvier 2020
93. Craig Whitlock, « At war with the truth », The Washington Post, 9 décembre
2019 ; R. D. Ward, « Lies, Damned Lies, and Statistics : The Politics of the
Afghanistan Papers », War on the Rocks, 18 décembre 2019 ; Thomas Gibbons-
Neff, « The Lies the Generals Told About Afghanistan », The New York Times,
20 décembre 2019
94. Jared Keller, « America Lost the Iraq War. These Cables Show How. », The
New Republic, 25 novembre 2019
95. Alan Kuperman, « Lessons from Libya : How Not to Intervene », Belfer Center,
septembre 2013 ; Emadeddin Zahri Muntasser & Dr Mohamed Fouad, « How the
West and the UN Failed Libya », Atlantic Council, 3 juillet 2018
96. Deirdre Shesgreen, « Trump’s troop withdrawal caps failed US policy in Syria,
experts say », USA Today, 16 décembre 2019
4. L’IRAN
4.1. Le contexte
L’Iran est un pays traditionnellement bienveillant vis-à-
vis de l’Occident. Ethniquement distincte des Arabes, sa
population est fortement influencée par la culture indienne
et pratique un islam chiite moins strict que l’islam sunnite
de l’Arabie saoudite. L’Iran n’a pas de tradition
d’expansion guerrière et n’a attaqué aucun pays depuis
1798.
Après le renversement du Premier ministre Mohammad
Mossadegh en 1953 par une opération conjointe du MI-6
britannique et la CIA américaine (Opération AJAX), et
jusqu’au début des années 1980, l’Iran est le principal
allié d’Israël et de l’Occident dans la région. Pays
limitrophe de l’Union soviétique, il est alors une pièce
essentielle du dispositif des États-Unis, à la fois pour sa
politique régionale et ses capacités de renseignement.
Malgré cela, l’Iran maintient une politique de sécurité non
alignée : ses armements proviennent à parts égales des
pays de l’Est et de l’Occident : les chars soviétiques T-72
côtoient les chars britanniques Chieftain97.
Dès 1976, la priorité du gouvernement Carter sur les
questions des droits de l’Homme pousse le Shah à
diversifier ses alliances et à accroître sa coopération
militaire avec Israël. Les documents saisis à l’ambassade
américaine de Téhéran en 1979, révéleront même
qu’Israël projetait de vendre un missile nucléaire à l’Iran
(Opération TZOR)98.
En 1979, l’arrivée de Khomeiny au pouvoir n’efface pas
25 ans de coopération avec Israël en matière militaire et
de renseignement. L’Iran a subi une guerre provoquée par
l’Irak et des attaques chimiques menées avec la
bénédiction des États-Unis99 : Israël est alors un allié
précieux « sur les arrières » des pays arabes. De son côté,
Israël voit l’Iran comme une sorte de « contrepoids
stratégique » à la pression arabe et le soutient.
Notamment, il frappe le centre de recherche de Tuwaitha
près de Bagdad (30 septembre 1980), puis la centrale
nucléaire irakienne d’Osirak (7 juin 1981). À cette
époque, l’ennemi d’Israël est l’Irak, qui héberge plusieurs
mouvements palestiniens depuis le milieu des
années 1970.
Les tractations pour la libération des 52 otages de
l’ambassade américaine de Téhéran aboutissent aux
accords d’Alger du 19 janvier 1981, qui stipulent entre
autres que :
Les États-Unis s’engagent à ce qu’à partir de
maintenant, leur politique sera de ne pas intervenir,
directement ou indirectement, politiquement ou
militairement, dans les affaires intérieures de l’Iran100.
… un engagement que les Américains ne respecteront
jamais.
Quelques mois plus tard, afin de financer les Contras
nicaraguayens, le président Reagan autorise secrètement
la vente d’armes à l’Iran. C’est le début de l’« Irangate »,
dans lequel Israël jouera un rôle central en livrant
discrètement les armes à l’Iran. Mais Israël « doublera »
les États-Unis en fournissant à l’Iran des armes non
approuvées. C’est ce qui pousse les Américains à lancer
l’Opération STAUNCH, au printemps 1983, visant à
stopper les livraisons d’armes.
Le 3 juillet 1988, l’Airbus du vol Iran Air 655 est abattu
par un missile mer-air tiré par le croiseur américain USS
Vincennes, causant 290 morts, dont 66 enfants. Les
enquêtes menées plus tard par l’Organisation de l’Aviation
civile internationale (OACI) et la marine américaine
confirmeront que le croiseur se trouvait dans les eaux
territoriales iraniennes et avait bien détecté un avion civil
en phase ascensionnelle. Après avoir nié dans un premier
temps, puis menti en affirmant que l’USS Vincennes était
dans les eaux internationales et que l’Airbus était en piqué
contre le navire, le gouvernement américain a justifié le tir
par une « erreur ». Mais c’était là encore un mensonge : le
capitaine William C. Rogers III s’était convaincu lui-
même qu’il était l’objet d’une attaque par un F-14
iranien101 ! À la fin de son engagement, l’équipage du
navire a été décoré du « Combat Action Ribbon » décerné
aux hommes « ayant activement participé à des actions de
combat », tandis que l’officier chargé de la coordination
du combat aérien a reçu la « Navy Commendation
Medal », accordée pour des « actes héroïques ou
méritoires répétés »102 ! Finalement, la justice
internationale103 condamne les États-Unis à dédommager
les familles des victimes et à présenter des excuses. Mais
le président George H. Bush (père) déclare :
Je ne m’excuserai jamais pour les États-Unis
d’Amérique. Jamais. Peu m’importent les faits104.
… ce que les médias occidentaux omettront de rappeler
après la tragédie du vol d’Ukraine Airlines 752 en
janvier 2020105.
Dès la fin de la guerre froide, l’Iran s’efforce
d’améliorer ses relations avec l’Occident. Sa neutralité
durant la première guerre du Golfe (1990-91), est une clé
du succès de la coalition internationale. Dans cet équilibre
géostratégique en mutation, l‘Iran en profite pour tendre la
main aux Européens, mais sous la pression américaine, ils
ne la saisiront pas.
Après le « 9/11 », le gouvernement du président
Mohammed Khatami a adressé ses condoléances au
peuple américain et a appuyé l’intervention américaine en
Afghanistan. Après l’assassinat de neuf diplomates
iraniens par les Taliban en 1998, les tensions entre deux
pays s’étaient accentuées et l’Iran a apporté un appui non
négligeable aux Américains dans le domaine du
renseignement, au début de l’opération ENDURING
FREEDOM. L’Iran a également financé et entraîné
l’Alliance du Nord d’Ahmed Shah Massoud, qui renverse
les Taliban et s’empare du pouvoir à Kaboul le
14 novembre 2001. En décembre 2001, à la conférence de
Bonn, le négociateur américain James Dobbins remercie
l’Iran d’avoir convaincu ses alliés afghans de rejoindre la
coalition d’unité nationale106… Mais un mois plus tard, le
29 janvier 2002, lors de son discours sur l’état de l’Union,
le Président américain, pour tout remerciement, inclut
l’Iran dans l’« axe du Mal » !
Dès 2001, ce sont les erreurs et le manque de vision
stratégique des Occidentaux qui ont donné à l’Iran son
rôle de puissance régionale, comme le confirme l’ancien
ministre des Affaires étrangères israélien Shlomo Ben-
Ami :
L’Iran a soutenu les États-Unis durant la première
guerre du Golfe, mais a été écarté de la conférence de
Madrid. L’Iran s’est également placé du côté de
l’administration américaine dans la guerre contre les
Taliban en Afghanistan. Et lorsque les forces armées
américaines ont mis l’armée de Saddam Hussein en
déroute au printemps 2003, les Iraniens sur la défensive
ont proposé un « pacte global » qui mettrait tous les points
de contentieux sur la table, de la question nucléaire à
Israël, du Hezbollah au Hamas. Les Iraniens se sont aussi
engagés à ne plus faire obstruction au processus de paix
israélo-arabe. Mais l’arrogance néoconservatrice
américaine – « Nous ne discutons pas avec l’axe du
Mal » – a empêché de donner une réponse pragmatique à
la démarche iranienne107.
En intervenant en Irak en 2003, avec l’appui de la
majorité chiite du pays, les stratèges américains n’ont pas
compris qu’ils créaient un axe continu entre l’Iran et le
Liban, qu’ils ont renforcé en isolant la Syrie après 2005.
Ils ont ainsi généré un sentiment d’encerclement auprès
des monarchies du Golfe, comme en témoigne un message
SECRET de l’ambassade américaine de Ryadh, du
22 mars 2009108. C’est ce qui poussera plus tard l’Arabie
Saoudite et le Qatar à réaffirmer l’influence sunnite à
travers les révolutions, qui ont touché les pays
arabes laïcs. L’Occident les a perçues comme des sursauts
démocratiques, alors qu’elles étaient essentiellement une
réaction de défense des monarchies du Golfe qui se
sentaient menacées. Et ce d’autant plus que l’essentiel de
leurs richesses pétrolières se situe dans des zones où leurs
minorités chiites sont majoritaires.
Au début des années 2000, les relations entre l’Iran et
Israël changent radicalement. L’État hébreu voit le soutien
américain comme une condition sine qua non de sa survie.
Or, ce soutien est fonction des menaces qui pèsent sur lui.
Avec la disparition de l’Irak comme menace principale,
Israël s’aligne sur son protecteur et adopte l’Iran comme
son « ennemi préféré ». Sa paranoïa était infondée dans le
cas de l’Irak, et elle l’est tout autant aujourd’hui pour ce
qui concerne l’Iran.
L’Iran est dans le collimateur des États-Unis, qui veulent
lui imposer un changement de régime109. Le
21 avril 2004, le président George Bush déclare qu’il va
« s’occuper de l’Iran110 ». Ce qui conduit l’Iran à
annoncer en février 2005 qu’il entame des préparatifs pour
lutter contre une éventuelle agression américaine. Selon
Philip Giraldi, ancien cadre de la CIA, les Américains ont
alors un plan pour une attaque nucléaire et
conventionnelle, avec 450 objectifs à détruire en Iran111.
Cette politique peu éclairée crée une spirale de tensions.
Malgré l’opposition au régime des mollahs, l’unité
nationale se renforce en faveur des « durs » et au
détriment des réformateurs : Mahmoud Ahmadinejad
accède ainsi à la présidence, le 3 août 2005.
En 2006, les États-Unis commencent leurs opérations de
subversion en Syrie en vue d’un changement de régime.
Pour Téhéran, la Syrie est une sorte de dernier rempart, le
seul allié de la région capable de lui éviter un
encerclement stratégique : l’axe Damas-Téhéran se
renforce.
En 2007, le président George W. Bush signe un décret
qui autorise des opérations clandestines en Iran112, et le
Congrès vote un crédit de 400 millions de dollars pour
provoquer un changement de régime113. Ces opérations
s’appuient sur les mouvements séparatistes baloutches et
ahwazi iraniens, ainsi que sur d’autres organisations
dissidentes et comprennent un soutien actif (livraison
d’armes et d’équipements, entraînement de troupes, etc.) à
des mouvements terroristes. C’est le cas du Parti de la vie
libre au Kurdistan (PJAK) (sur la liste des mouvements
terroristes du département du Trésor depuis le
4 février 2009114) ou le Modjahedin-e-Khalq (MeK),
pourtant responsable de la mort d’Américains dans les
années 1970, (sur la liste des mouvements terroristes du
département d’État depuis le 10 août 1997115) et cité en
exemple de la connivence de l’Irak avec le terrorisme116 !
Ces opérations coïncident avec une recrudescence des
attentats terroristes en Iran (notamment à Ahvaz, le
12 juin et le 15 octobre 2005 et le 24 janvier 2006), y
compris l’assassinat de scientifiques iraniens, pour
lesquels le gouvernement iranien a confirmé la
responsabilité des États-Unis et de la Grande-Bretagne117.
Après l’arrivée au pouvoir de l’Ayatollah Khomeiny,
(qu’ils n’avaient pas su anticiper) les États-Unis se sont
attachés à convaincre l’opinion publique occidentale que
le pouvoir iranien était irrationnel et hégémonique. Cela a
justifié l’application de sanctions qui n’ont cessé de
s’additionner, jusqu’à devenir une sorte de « bruit de
fond » stérile que les Iraniens ont appris à contourner au
quotidien.
4.2. « L’Iran est le plus pays le plus dangereux au
monde et en fait beaucoup plus dangereux que
l’État islamique118 »
4.2.1. L’Iran veut-il détruire Israël ?
Une légende urbaine largement répandue et entretenue
par la propagande occidentale119 et israélienne est que
l’Iran cherche à « détruire Israël ». Elle a son point de
départ le 26 octobre 2005, lors d’une conférence dont le
thème est « Un Monde sans Sionisme », le président
Mahmoud Ahmadinejad cite l’Ayatollah Khomeiny :
Comme l’a dit l’imam, le régime qui occupe Jérusalem
doit être effacé de la page de l’histoire120.
Mais la phrase est mal traduite par le service de
traduction de l’Agence iranienne d’information (IRNA),
et devient :
Comme l’a dit l’imam, Israël doit être rayé de la carte121.
Pourtant, les commentateurs sérieux reconnaissent
qu’Ahmadinejad n’a jamais dit cela, ni dans l’esprit ni
dans la lettre122. Ainsi, il n’a pas mentionné l’État
d’Israël, mais uniquement son gouvernement (qui, à
l’évidence, ne se raye pas d’une carte !) et ne s’est pas
référé à une notion géographique (« carte »), mais à
l’histoire. Sa citation était d’ailleurs accompagnée de trois
exemples : le régime soviétique, le régime du Shah d’Iran
et le régime de Saddam Hussein. Même l’Institut de
recherche sur les médias au Moyen-Orient (MEMRI),
basé à Washington, confirme cette erreur de traduction123.
Les Iraniens tenteront de rétablir une traduction plus
conforme, mais c’est trop tard…
En 2005, en pleine guerre contre l’« axe du Mal », avec
la résistance chiite en Irak – et la suspicion d’arme
nucléaire en Iran – l’erreur de traduction tombe à pic avec
un impact considérable. Ainsi, le président Nicolas
Sarkozy alors en visite en Israël, déclare :
Ceux qui appellent, de manière scandaleuse, à la
destruction d’Israël trouveront toujours la France face à
eux pour leur barrer la route124.
Elle reste aujourd’hui encore la principale clé de lecture
de la position iranienne pour de nombreux politiciens
occidentaux et alimente un discours catastrophiste, très
largement entretenu par le gouvernement israélien. Elle
est devenue un véritable outil de manipulation qui fait
obstacle à tout dialogue constructif. Alors que la plupart
des médias traditionnels occidentaux continuent à
propager la fausse traduction, comme RT France (que l’on
accuse volontiers d’être favorable à l’Iran)125, rares sont
les médias, qui, comme le Guardian, tentent
régulièrement de la corriger126.
Le régime des mollahs ne fait pas l’unanimité parmi les
Iraniens, généralement favorables à l’Occident, et qui
pourraient fort bien se retourner contre le régime. Mais,
face à ce qui est compris au Moyen-Orient comme une
« croisade » occidentale, envenimée par les frappes
israéliennes répétées contre des unités iraniennes
déployées en Syrie, beaucoup d’Iraniens sentent que leur
pays pourrait être la prochaine cible des États-Unis. Le
gouvernement de Téhéran est ainsi poussé par son opinion
publique dans un « djihad verbal » très mal compris en
Occident. Par sa rhétorique agressive contre Israël, le
pouvoir iranien génère une réaction américaine
suffisamment forte pour entretenir une unité nationale,
sans toutefois donner de prétexte tangible à une
intervention militaire.
Nous sommes tellement habitués à mener des guerres
sans objectifs concrets, que nous prêtons la même sottise
aux autres. Quels pourraient être les objectifs de l’Iran de
se lancer dans une guerre contre Israël ? Sans frontières
communes, sans prétentions territoriales, sans liens
ethniques et sans différends politiques spécifiques, avec
une minorité juive qui n’est pas persécutée, qui se sent
même respectée127 et est représentée au Parlement, on voit
difficilement ce que le gouvernement iranien pourrait
rechercher dans une telle aventure. Sans compter qu’elle
déclencherait sans aucun doute une réaction militaire
occidentale.
Après avoir généré une menace de nature à pousser la
Syrie à demander l’aide de l’Iran, Israël se sent menacé
par lui. Dans l’émission « C dans l’air » du 11 mai 2018,
Mme Mahnaz Shirali accuse l’Iran de provocation, en
affirmant que « l’on sait » que l’Iran était à l’origine
d’une attaque de missiles contre Israël le 10 mai128. C’est
faux. En réalité, il s’agissait d’une riposte syrienne,
consécutive à un tir de missiles israéliens contre le village
de Baath129, qui n’est évoqué à aucun moment dans
l’émission. En fait, les militaires iraniens en Syrie sont
très clairement engagés dans la lutte contre les djihadistes
(en partie armés par Israël) et ne sont ni équipés ni
positionnés pour constituer une menace pour l’État
hébreu. D’ailleurs, le 14 mai 2019, lors d’une
téléconférence avec le Pentagone, le major général
Christopher Ghika, commandant en second de la coalition
occidentale (Opération INHERENT RESOLVE) déclare :
Non, il n’y a pas de menace accrue par la présence de
forces pro-iraniennes en Irak et en Syrie. Clairement, nous
sommes conscients de cette présence ; et nous les
surveillons avec d’autres, parce que c’est notre
environnement. Nous surveillons les milices chiites […]
avec attention ; et si le niveau de menace semble
augmenter, alors nous augmenterons nos mesures de
protection en conséquence130.
4.2.2. Antisémitisme et négationnisme
Peu après la crise des « caricatures de Mohammed » en
Norvège et au Danemark à la fin 2005, le président
Ahmadinejad propose la tenue d’une conférence les 11 et
12 décembre 2006 à Téhéran, intitulée Review of the
Holocaust : Global Vision. Elle avait été précédée, en
février 2006, par un concours de caricatures sur
l’Holocauste, organisé par le journal iranien Hamshahri.
Comme prévu par les Iraniens, la conférence a déclenché
une vague de protestations en Occident.
Or, contrairement à ce qui a été rapporté en Occident,
son objectif n’était pas de contester la réalité de
l’Holocauste. D’ailleurs, y assistaient des juifs orthodoxes
qui ne nient certainement pas la réalité de l’Holocauste,
mais en contestent l’exploitation politique131. Qualifiée
d’« antisémite » et de « révisionniste » dans la presse
occidentale, cette conférence était un piège. Pas contre les
juifs, mais contre les Occidentaux, en mettant en évidence
leurs contradictions sur la liberté d’expression132.
Après les attentats de Charlie Hebdo, en 2015, un
concours de même nature est organisé par le Sarcheshmeh
Cultural Complex iranien133. Trois questions guident alors
les dessinateurs :
1-Si l’Occident ne connaît aucune limite en matière de
liberté d’expression, pourquoi n’autorise-t-il pas les
chercheurs et les historiens à discuter l’Holocauste ?
2-Pourquoi l’oppression des Palestiniens devrait-elle
compenser l’Holocauste ? Des gens qui n’ont joué aucun
rôle dans la Seconde Guerre mondiale ?
3- Nous sommes inquiets pour d’autres holocaustes tels
que l’holocauste nucléaire (holocauste en Irak, en Syrie et
à Gaza) 134.
Comme on le constate, aucune d’elles ne niait le fait
historique de près ou de loin. D’ailleurs, le vainqueur ne
contestait pas l’existence de l’Holocauste, bien au
contraire, puisque – à tort ou à raison – il le comparait à la
situation actuelle des Palestiniens135.
Savoir si ces concours étaient de « bon goût » est hors
de propos ici. En fait, pour l’Iran – comme le pour monde
musulman en général – la réalité de l’Holocauste n’est ni
une préoccupation ni un enjeu. D’ailleurs, en
septembre 2013, le président Hassan Rohani affirme à la
journaliste Christiane Aman de CNN que « le crime
commis par les nazis envers les Juifs et les non-Juifs était
répréhensible et condamnable136 », reconnaissant ainsi la
réalité de l’Holocauste. Pourtant, on continue
régulièrement à qualifier l’Iran de « négationniste137 ».
4.2.3. Le programme nucléaire
Le 6 septembre 2019, Axel de Tarlé ouvre l’émission
« C dans l’air » sur France 5 en affirmant que l’Iran a
repris son programme nucléaire avec l’« objectif non
avoué – détenir la bombe atomique138 ». C’est de la
désinformation.
Après la guerre avec l’Irak, en 1988, l’Iran abandonne
définitivement l’idée d’exporter son modèle de révolution
islamique et cherche à renforcer ses capacités défensives.
Il a subi des attaques chimiques (avec l’aide des
Américains139) et envisage une stratégie défensive basée
sur la dissuasion. Il lance donc le Projet AMAD, un
programme de recherche pour étudier la faisabilité d’une
acquisition de l’arme nucléaire. Il ne s’agit pas d’attaquer
les États-Unis ou Israël, mais de faire face à la menace
irakienne140.
En février 2000, afin de connaître la nature et l’état
d’avancement du projet AMAD, les Américains décident
de mener une opération sous fausse bannière : c’est
l’opération MERLIN141. Ils fournissent à l’Iran les plans
d’un dispositif de mise à feu TBA-480 pour bombe
nucléaire, afin de permettre à la CIA et la NSA de
« tracer » le développement de la bombe. Les plans
comportent d’imperceptibles erreurs pour prévenir la
construction d’une arme fonctionnelle. Mais l’opération se
solde par un échec : les Iraniens se doutent d’une
supercherie et démantèlent tout un réseau de la CIA en
Iran142. Rien ne confirme que l’Iran développe une arme
nucléaire, mais les médias occidentaux continueront à
propager cette désinformation143.
En mai 2005, la Communauté américaine du
renseignement estimait que l’Iran est « déterminé à
développer des armes nucléaires144 ». Mais en
novembre 2007, dans leur Évaluation nationale de
renseignement (NIE), l’Office du directeur du
Renseignement national et le Conseil national du
renseignement révisent leur jugement et confirment que
« Téhéran a arrêté son programme d’armement nucléaire
en automne 2003145 ». Le New York Times écrit :
Malgré des campagnes de diffamation répétées, l’AIEA a
tenu bon et a conclu de manière répétée que depuis 2002, il
n’y a aucune preuve d’un programme d’armes nucléaires
non déclaré en Iran146.
Au début 2012, la CIA et le Mossad s’accordent sur le
fait que l’Iran n’avait jamais pris la décision de construire
l’arme nucléaire147. L’Iran ne constitue donc pas une
menace.
Mais, de l’aveu même des services de renseignement
américains148, on cherche un prétexte pour renverser
Ahmadinejad. C’est pourquoi le Conseil de sécurité
reconduit le régime de sanctions contre l’Iran en
juin 2012149. En septembre 2012, devant l’Assemblée
générale des Nations unies, Benjamin Netanyahu affirme
que l’Iran aurait l’arme nucléaire en été 2013 au plus
tard150. Mais il ment à nouveau : une note du Mossad
adressée quelques semaines plus tard aux services de
renseignement sud-africains affirme que…
l’Iran, à ce stade, ne mène pas les activités nécessaires à
la production d’armes nucléaires151.
Le 14 juillet 2015, les États-Unis, la Russie, la Chine, la
France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Union
européenne (UE) et l’Iran signent l’accord de Vienne
(mieux connu sous son abréviation anglo-saxonne :
JCPOA). En bref, en échange d’une levée des sanctions
occidentales, l’Iran s’engageait à :
- réduire son stock d’uranium enrichi de 97 % et à ne
plus enrichir d’uranium à des fins militaires ;
- limiter le nombre de ses centrifugeuses à 5 060 et à ne
pas moderniser ses installations ;
- cesserles activités de la centrale d’Arak, qui permettait
de produire du plutonium, susceptible d’être
éventuellement utilisé à des fins militaires ;
- accepter les inspections de l’Agence internationale de
l’énergie atomique (AIEA) pour vérifier la mise en œuvre
de l’accord.
Le 16 janvier 2016, l’ONU lève ses sanctions, mais les
signataires du JCPOA traînent les pieds. Malgré que
l’AIEA ait vérifié à 15 reprises que l’Iran respectait le
traité152, les pays occidentaux ne respectent pas leurs
engagements et leurs sanctions ne sont pas levées.
Le 30 avril 2018, dans une mise en scène théâtrale,
Benjamin Netanyahu « révèle » des « archives secrètes »
relatives au programme nucléaire iranien volées
« quelques semaines plus tôt » près de Téhéran. Il prétend
que l’Iran ment et poursuit le développement de l’arme
nucléaire. Mais en réalité, c’est lui qui ment. Les
documents présentés datent de 2002, dix ans avant que la
CIA et le Mossad n’aient conclu que l’Iran n’avait jamais
entrepris de construire une bombe. Par ailleurs, les experts
constatent rapidement que les documents « dévoilés »
avaient déjà été présentés par l’Iran à l’AIEA en…
2005153 et déjà publiés en grande partie en
novembre 2011154 ! Cela n’empêchera pas le député
Meyer Habib de reprendre ce mensonge en juin 2019 sur
RT France155 en utilisant l’expression « État islamique »
pour désigner l’Iran156, afin d’entretenir une
confusion !…
En fait, Netanyahu ne s’adresse qu’à une seule
personne : Donald Trump, qui annonce une semaine plus
tard, le retrait américain du JCPOA et la remise en
vigueur des sanctions157. Il « tweetera » ses raisons, le
10 juillet 2019 :
L’Iran a longtemps secrètement « enrichi », en violation
totale du terrible accord de 150 milliards de dollars signé
par John Kerry et l’administration Obama. Rappelez-vous
que cet accord devait expirer dans quelques années158.
[…]
En quelques mots, il réussit à mentir sur trois points.
Concernant les activités d’enrichissement, il faut rappeler
que pour un usage militaire, l’uranium doit être enrichi à
90 %. Or l’Iran n’a jamais dépassé 20 % avant le JCPOA.
Avec le traité, l’Iran avait accepté de se limiter à 3,67 %
pour une durée de 15 ans ; et dans son rapport du 31 mai
2019, l’IAEA confirme que l’Iran s’est tenu à ces
limites159. D’ailleurs, en janvier 2019, lors de son audition
devant la Commission sénatoriale du Renseignement,
Gina Haspel, directrice de la CIA, confirme que l’Iran a
respecté le JCPOA, contredisant ainsi Trump160.
Quant aux 150 milliards de dollars, il ne s’agit pas de
montants versés par les États-Unis, mais du total des
avoirs iraniens qui devraient être « dégelés », et leur total
est probablement bien inférieur. En août 2015, lors d’un
audit auprès de la commission sénatoriale des Finances,
Adam J. Szubin, sous-secrétaire au Trésor pour le
Renseignement financier et le terrorisme, évaluait ce
montant à « un peu plus de 50 milliards161 ». Encore un
mensonge.
Finalement, en ce qui concerne le calendrier, Donald
Trump semble ne pas avoir lu (ou ne pas avoir compris) le
JCPOA. Il prétend que :
Dans sept ans, cet accord aura expiré et l’Iran sera libre
de créer des armes nucléaires. Ce n’est pas acceptable.
Sept ans c’est demain162.
C’est un autre mensonge. Si certaines dispositions du
traité arrivent effectivement à échéance en 2025
(notamment sur le développement des centrifugeuses), les
clauses les plus significatives (en particulier sur
l’interdiction du développement d’armes nucléaires, de
retraitement de combustible nucléaire ou l’application des
mesures de sauvegarde de l’AIEA) n’ont pas de limite
temporelle163.
En fait, Trump veut renégocier le traité selon ses termes
et, en juin 2019, il offre d’être « le meilleur ami de l’Iran,
s’il renonce à l’arme nucléaire164 ». Une offre que l’Iran
ne peut pas accepter, puisqu’il a déjà renoncé à l’arme
atomique en 2003… Ces manœuvres apparemment
incohérentes, sont probablement moins irrationnelles
qu’elles paraissent. En fait, Trump applique un mécanisme
proposé en 2009 par la Brookings Institution pour
provoquer un changement de régime par la force en Iran :
Le meilleur moyen de minimiser la réprobation
internationale et de maximiser le soutien (même à
contrecœur ou dissimulé) est de ne frapper que si le monde
est convaincu que l’on a offert aux Iraniens une offre
superbe mais qu’ils l’ont rejetée – une offre si bonne que
seul un régime déterminé à acquérir des armes nucléaires,
et pour de mauvaises raisons, la rejetterait. Dans ces
circonstances, les États-Unis (ou Israël) pourraient
présenter leur opération comme menée à regret et non par
colère, et au moins quelques membres de la communauté
internationale concluraient que les Iraniens l’ont
provoquée en refusant un très bon accord165.
Il s’agit de montrer que l’Iran est le « méchant ».
Pourtant, les médias tombent dans le panneau et fustigent
le refus iranien, comme L’Express166 et bien d’autres.
Le retrait des États-Unis et le non-respect du JCPOA par
les Occidentaux ont conduit l’Iran à remettre en question
le cadre qu’il avait accepté. Il faut tout d’abord
comprendre qu’en vertu de l’article IV du Traité de Non-
Prolifération nucléaire (TNP), auquel se réfère le JCPOA,
les pays ont un « droit inaliénable… de développer la
recherche, la production et l’utilisation de l’énergie
nucléaire à des fins pacifiques ». Le problème est que les
États-Unis ne reconnaissent pas ce « droit inaliénable » à
l’Iran (alors qu’ils le reconnaissent à Israël, qui n’est pas
parti du TNP !)
En échange d’un démantèlement des sanctions, l’Iran a
donc accepté de rester très en deçà des limites du TNP, en
renonçant à son droit d’enrichir de l’uranium selon les
termes du TNP, et en ne stockant que 300 kg d’uranium
enrichi à la limite de 3,67 %. Le problème est que le
processus d’enrichissement ne peut pas être interrompu, et
pour maintenir son stock à 300 kg, l’Iran était autorisé à
vendre son uranium enrichi sur le marché. Mais les
nouvelles sanctions américaines lui interdisent l’accès à ce
marché ! Très logiquement, il est donc condamné à
outrepasser les limites du JCPOA et à revenir aux droits
que lui confère le TNP, afin de pousser les Européens à
mettre en œuvre des solutions.
C’est pourquoi, en novembre 2019, l’Iran augmente ses
capacités d’enrichissement d’uranium. La presse française
se déchaîne : l’idée que l’Iran cherche à produire l’arme
nucléaire est propagée. Ainsi, Patrick Cohen sur France 5,
insinue qu’il « s’en rapproche167 ». Quelques jours plus
tard, dans l’émission « C dans l’air », François
Clémenceau surenchérit dans la même direction affirmant
que l’Iran ne voit « plus aucune limite à [sa] volonté
d’enrichir l’uranium pour accéder à ce qui va [lui]
permettre d’avoir la bombe168 ». En réalité, il n’y a aucun
élément concret qui permet d’affirmer que l’Iran a
l’intention de produire l’arme atomique. Le quotidien La
Croix affirme que « l’Iran a réduit un peu plus (…) ses
engagements internationaux en matière nucléaire169 ». Le
Figaro rappelle les termes du JCPOA… mais évite
soigneusement de mentionner l’article 26170, pourtant très
clair :
L’Iran a déclaré qu’il traiterait une telle réintroduction
ou une nouvelle imposition des sanctions spécifiées à
l’Annexe II, ou une telle imposition de nouvelles sanctions
liées au nucléaire, comme des motifs de cessation totale ou
partielle de la mise en œuvre de ses engagements en vertu
du présent JCPOA171.
Ainsi, l’Iran n’a fait que mettre en œuvre une disposition
du JCPOA, qu’il avait incluse parce qu’il savait déjà que
les Occidentaux ne tiendraient pas parole !
Car l’Europe avait de nombreux outils et options –
qu’elle n’a pas utilisés – pour répondre à Trump172, à
commencer par l’application de règles qu’elle avait
adoptées en 1996 pour combattre l’extraterritorialité des
lois américaines173 ; mais elle ne l’a pas fait. Par ailleurs,
d’autres moyens de pression existent, ne serait-ce que le
soutien (plus politique que militaire) aux coalitions en Irak
et en Afghanistan, par exemple. Montrant que, malgré les
déclarations, nos principes et nos valeurs s’effacent devant
nos intérêts…
En janvier 2020, Israël affirme que l’Iran « pourrait
avoir la bombe d’ici la fin de l’année174 ». Mais là aussi,
c’est de la désinformation. Outre le fait que l’Iran n’a pas
enrichi d’uranium à 90 %, la conception d’une bombe
nécessite de convertir cet uranium en une arme, ce que
l’Iran n’a jamais fait, ni n’a acquis les capacités de le
faire. De plus, avant qu’une arme nucléaire soit utilisable,
il faut qu’elle fonctionne ! On se rappelle les débats en
France sur les essais nucléaires pour simplement
maintenir une capacité existante… Par ailleurs, on n’a
jamais démontré que l’Iran avait décidé de se doter de
l’arme nucléaire. On est donc très loin des affirmations
israéliennes…
Mais on n’est pas à une contradiction près, puisque dans
un communiqué officiel du 1er juillet 2019 à propos du
JCPOA, la Maison-Blanche affirme qu’« Il ne fait guère
de doute qu’avant même la conclusion de l’accord, l’Iran
avait violé ses conditions175 » ! Bienvenue en Absurdie !
À la fin avril 2020, le New York Times rapporte que les
États-Unis cherchent à revenir dans l’accord. Non pas par
souci de multilatéralisme, mais pour utiliser une clause du
JCPOA qui permettrait de rétablir les sanctions d’avant sa
signature176…
Face à l’irrationalité occidentale (et israélienne) et en
dépit d’écarts verbaux provocateurs, les dirigeants
iraniens se sont montrés très rationnels dans leurs choix.
Les déclarations spectaculaires contre Israël et les États-
Unis doivent souvent être prises pour ce qu’elles sont :
une rhétorique, qui vise à exprimer une résistance
(« djihad verbal ») et satisfaire une opinion iranienne qui
ne comprend plus la résilience du gouvernement. Parlant
de l’éventualité d’une action nucléaire iranienne, l’ex-
directeur du Mossad, le service de renseignement
stratégique israélien, Meir Dagan, confirme :
Le régime en Iran est un régime très rationnel […] Il n’y
a pas de doute qu’ils sont conscients de toutes les
implications de leurs actions et qu’ils les paieraient très
cher… et je pense qu’à ce stade les Iraniens sont très
prudents sur cette question177.
Notre perception de l’Iran est entretenue par des médias
très influencés par la politique intérieure israélienne, et
qui n’y apportent aucun élément analytique ou critique178.
Benjamin Netanyahu exploite la servilité de certains
journalistes occidentaux, tandis que d’ex-directeurs du
Mossad, comme Efraim Halevy, mettent en garde contre
cette surdramatisation179. En fait, nos médias traditionnels
tendent à devenir des organes de propagande, au même
titre que la Pravda en Union soviétique.
4.3. « L’Iran reste un principal promoteur du
terrorisme international180 »
Parce qu’on ne cherche pas honnêtement à comprendre
les raisons du terrorisme islamiste, on finit par l’associer à
n’importe qui. Ainsi, le 17 janvier 2015, dans l’émission
« On n’est pas couché », Michel Onfray affirme que
« l’Iran s’est réjoui » après l’attentat de janvier 2015
contre Charlie Hebdo181. C’est faux. En réalité, le 9
janvier, le président iranien Rouhani a clairement
condamné le fait que « l’on tue au nom de l’islam182 ».
Mais ce mensonge « conforte » nos préjugés.
Peu après l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, le
nouveau secrétaire à la Défense James Mattis – ex-général
des US Marines et surnommé « Mad Dog » – accuse
l’Iran d’être « le plus grand État soutenant le terrorisme
au monde183 ». Une affirmation qui sera répétée en 2018,
pour justifier le retrait américain du JCPOA et
d’éventuelles frappes en Iran. Ainsi, devant la commission
sénatoriale des Affaires étrangères, Mike Pompeo
déclare :
La question factuelle concernant les relations de l’Iran
avec Al-Qaïda est très réelle. Ils ont accueilli Al-Qaïda, ils
ont autorisé Al-Qaïda à transiter par leur pays. […]
Il ne fait aucun doute qu’il existe un lien entre la
République islamique d’Iran et Al-Qaïda. Point. Point
final184.
Mais Pompeo ment. Le terrorisme djihadiste actuel est
une réponse aux interventions occidentales. C’est
pourquoi il reste essentiellement sunnite. Ainsi, si on ne
peut exclure que des personnes associées à « Al-Qaïda »
aient pu se trouver sur le territoire iranien, c’est à l’insu
des autorités185. L’étude des documents de Ben Laden
découverts à Abbottabad en 2011 confirme l’absence
totale de complicité entre « Al-Qaïda » et l’Iran186.
En réalité, Pompeo cherche à invoquer l’AUMF187, une
législation qui autorise le président à frapper les auteurs
du « 9/11 » sans approbation du Congrès. C’est pourquoi,
en 2003, les États-Unis avaient accusé l’Irak de soutenir
« Al-Qaïda »188. Au total, l’AUMF a servi à justifier 41
opérations militaires dans 19 pays. Dès 2004,
l’administration Bush tente le même stratagème pour
attaquer l’Iran189 et préparer des plans d’attaque190. Dès
son arrivée au pouvoir, Donald Trump continue sur la
même ligne. Inquiet des conséquences d’une politique
irrationnelle, le Congrès cherche à abroger l’AUMF dès
mai 2019. Après l’assassinat du général Qassem
Soleimani, le 3 janvier 2020, la Chambre des
Représentants décide d’abroger l’AUMF le 30 janvier et
adopte une loi obligeant le président à demander
l’autorisation du Congrès pour entrer en guerre contre
l’Iran191. Le Sénat – pourtant à majorité républicaine –
suit le 13 février192.
4.3.1. Le contexte et les attentats du 23 octobre 1983
La principale raison pour lier l’Iran au terrorisme
international est son soutien au Hezbollah libanais. Mais
ces accusations sont plus alimentées par notre ignorance
que par des faits avérés.
L’intervention israélienne de 1982 est à l’origine de la
création du Hezbollah. Après la guerre de 1967 et les
événements de septembre 1970 en Jordanie, quelque
300 000 réfugiés palestiniens se sont installés au Sud-
Liban. Cette présence déstabilise l’économie locale et
affecte la population chiite qui vit en paix avec son voisin
israélien. L’installation du commandement de l’OLP à
Beyrouth et les fréquentes incursions de Feddayin à la
frontière libanaise poussent Israël à intervenir au Liban en
juin 1982. L’Opération PAIX EN GALILEE vise
l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) de
Yasser Arafat.
La population chiite libanaise accueille les Israéliens
avec enthousiasme et « une pluie de grains de riz193 ».
Mais, au lieu de s’appuyer sur cette population et les
dissensions intra-arabes pour lutter contre l’OLP, les
Israéliens combattent indistinctement chiites libanais et
sunnites palestiniens, créant rapidement l’unanimité
contre eux. Le renseignement israélien ne comprend rien à
la situation et les troupes sont prises dans une spirale de
violence194. Il en résulte une réaction négative de la
communauté juive américaine, qui menace de ne plus
soutenir la politique israélienne195. C’est ici que – selon
des sources de renseignement – serait intervenu l’attentat
de la Rue des Rosiers à Paris (9 août 1982), une opération
spéciale destinée recréer une unité autour de la politique
israélienne.
En septembre 1982, après les accords de cessez-le-feu
entre Israël et l’OLP, une Force multinationale de sécurité
(MNF) est déployée à Beyrouth. Elle est basée sur la
Résolution 521 du Conseil de Sécurité, qui prévoit une
aide au gouvernement libanais pour protéger la
population. Dans l’année qui suit, les forces américaines
sont la cible d’une série d’escarmouches attribuées à des
commandos israéliens196. Le 18 avril 1983, un attentat à la
bombe contre l’ambassade américaine à Beyrouth fait 63
victimes. Il sera revendiqué par l’Organisation du Djihad
islamique (ODI).
Le 23 octobre 1983, deux attentats frappent la Force
multinationale de sécurité (MNF) à Beyrouth : le premier
fait 241 morts au quartier général des US Marines, et le
second, deux minutes plus tard, anéantit le « Drakkar »,
tuant 58 parachutistes français. On évoque les motifs les
plus divers, comme la livraison quelques jours plus tôt
d’avions Super-Étendard à l’Irak, par la France. Le
discours officiel accuse Hezbollah et fait des Occidentaux
les victimes du terrorisme iranien. Mais c’est faux : l’Iran
est loin du Liban et les raisons se trouvent dans la manière
dont les Occidentaux interprètent leur mandat. Un sujet
délicat…
La MNF était une force de sécurité, censée être
impartiale, mais les Occidentaux ne l’étaient pas tout à
fait. La France mène des patrouilles conjointes
avec l’Armée libanaise : bien qu’elle ne participe pas à
des opérations de combat, elle devient ainsi un
protagoniste du conflit197. Quant aux Américains, leur
présence est ambiguë. Il faut tout d’abord rappeler que la
législation américaine interdit à un militaire américain
d’obéir à une autre autorité que celle du Président des
États-Unis. Il en résulte des structures de conduite
hybrides dès lors qu’une force américaine se trouve dans
une structure multinationale. Au Liban, parallèlement à
leur participation à la MNF (sous mandat des Nations
unies), les forces américaines appuyaient l’Armée
libanaise. En avril 1983, sans grande consultation au sein
de l’administration, Robert McFarlane, Représentant
spécial du président au Moyen-Orient, fait engager le
cuirassé USS New Jersey au large des côtes libanaises
pour bombarder des villages libanais occupés par
l’opposition – causant environ un millier de victimes
civiles et innocentes. C’est la raison de l’attentat du
23 octobre mené à titre de représailles. Avec une naïveté
très américaine, le commandement américain avait
renoncé à élever le niveau d’alerte de son contingent de la
MNF, afin de souligner qu’ils étaient distincts des forces
américaines qui combattaient par ailleurs au Liban198.
Une subtilité juridique que les terroristes n’ont
manifestement pas saisie. Les Américains feront
exactement la même erreur à Mogadiscio, en Somalie, dix
ans plus tard, et en Afghanistan trente ans plus tard.
Malgré que l’Italie ait fourni des armes à l’Irak durant la
guerre199, son contingent, déployé entre les Américains et
les Français, est resté dans son rôle initial et n’a pas été
ciblé par des attentats. Victor Ostrovsky, ex-agent du
Mossad révélera plus tard que les Israéliens étaient au
courant de cet attentat, mais n’en ont pas informé les
Américains, afin de les pousser à s’engager dans le
conflit200.
Les deux attentats sont immédiatement attribués à l’ODI
(comme l’attentat d’avril), mais ils sont revendiqués par le
Mouvement de la Révolution islamique libre (MRIL)201,
inconnu jusqu’alors. Les Américains l’associent à l’Iran,
mais n’ont aucune preuve : c’est l’ennemi du moment. Ce
n’est que plus tard, afin de mettre le blâme sur une entité
connue, qu’Israël et plusieurs pays occidentaux, dont les
États-Unis et la Grande-Bretagne, accuseront le
Hezbollah, en affirmant qu’il a été fondé en 1982.
En réalité, en 1983, le Hezbollah n’existe pas202 et les
publications sur le terrorisme des années 1982-1984 ne le
mentionnent pas203. C’est pourquoi, à part une poignée de
pays occidentaux, qui alignent leur politique étrangère sur
Washington – et donc sur Israël – la plupart des pays ne le
considèrent pas comme une organisation terroriste. Sa
création est marquée par l’établissement de sa Charte, le
16 février 1985204, alors qu’Israël achève la première
phase de son retrait du Liban205. Avant cette date, aucun
groupe armé libanais ne se réfère ou se définit par rapport
au Parti de Dieu (Hezbollah). Le principal groupe de
résistance chiite est alors l’ODI, une entité floue dont les
contours ne seront jamais connus avec précision, un peu
comme « Al-Qaïda » vingt ans plus tard. Antidater la
création du Hezbollah, permettait d’associer des individus
que l’on soupçonnait liés à l’ODI, comme Imad
Mougnieh206, à une structure identifiable. Les juristes
américains utiliseront le même artifice vingt ans plus tard
avec « Al-Qaïda », afin de pouvoir utiliser leur législation.
Nous y reviendrons.
En septembre 2001, Caspar Weinberger, qui était
secrétaire à la Défense en 1983, affirmait dans une
interview :
(…) Nous ne savons toujours pas qui a effectué l’attentat
à la bombe contre la caserne des Marines à l’aéroport de
Beyrouth, et nous ne le savions certainement pas à ce
moment-là207.
En 2009, le président Obama a été critiqué pour ne pas
avoir mentionné le Hezbollah lors de la commémoration
de l’attentat208. Mais la raison de cette « omission » est
très simple : encore à ce jour, personne ne sait exactement
qui l’a perpétré.
4.3.2. Le Hezbollah
Le Hezbollah est une organisation de résistance créée
durant le départ des Israéliens du Liban en 1985. Son but
est de restaurer l’intégrité du territoire libanais avant
l’intervention de 1982.
Car depuis 1985, les Israéliens n’ont jamais restitué la
totalité des territoires pris durant l’opération.
L’affirmation de Meyer Habib selon laquelle Israël « est
sorti du Liban jusqu’au dernier centimètre carré209 » est
fausse. Israël a conservé le secteur des « Fermes de
Chebaa », un territoire de quelque 25 km2 aux confins
d’Israël, du Liban et de la Syrie ; ainsi que de nombreuses
petites portions de territoire le long de la frontière israélo-
libanaise, derrière la Ligne bleue. Ces minuscules
territoires sont à l’origine de presque tous les incidents
entre les deux pays. Sans compter les frontières maritimes,
qu’Israël a étendues récemment afin d’inclure des réserves
sous-marines d’hydrocarbures nouvellement découvertes !
Il existe plusieurs tracés de la frontière entre le Liban et
Israël : celui de 1923 (pour le partage entre la France et la
Grande-Bretagne), qui a été repris en très grande partie en
1949 pour marquer la frontière « officielle » (« frontière
verte ») ; la ligne de retrait israélien de 1978, et la « Ligne
bleue » du retrait de 2000. Or, ces lignes ne coïncident pas
exactement. Bien que la Ligne bleue ait été tracée avec
l’aide des Nations unies, le Liban en conteste encore 13
secteurs210. En juillet 2006, c’est dans un de ces secteurs,
annexés unilatéralement par Israël, mais considérés
comme libanais, que le Hezbollah a arrêté des soldats
israéliens en patrouille, déclenchant ainsi la guerre
(« Harb Tamouz »). De même, les tunnels découverts en
2018 relient ces secteurs contestés au Liban et non le
« vrai » territoire israélien comme on l’a déclaré.
Naturellement, les médias occidentaux omettent
systématiquement de mentionner ces territoires indûment
annexés211, permettant ainsi de blâmer le Hezbollah.
Présenté en Occident comme terroriste, le Hezbollah est
une organisation complexe. Il comprend une structure
d’entraide sociale, le Mou’assat al-Shahid (« Institution
du martyr »), qui vient en aide aux victimes des
interventions israéliennes, et une structure pour la
reconstruction des infrastructures détruites par Israël, le
Djihad al-Binah (« Effort pour la reconstruction »),
essentiellement financée par l’Iran212. Le Hezbollah avait
reconstruit le réseau routier du Sud-Liban, construit et
géré 5 hôpitaux, 14 cliniques et 12 écoles, avant que les
Israéliens ne les détruisent en 2006.
Sa branche militaire est essentiellement une résistance
territoriale (« al-Muqawamah ») et n’est ni structurée ni
équipée comme une force d’invasion. Israël en a fait
l’amère expérience en 2006 : convaincu que le Hezbollah
est une organisation offensive, son service de
renseignement militaire, l’AMAN, n’avait pas su détecter
le réseau complexe de tranchées et fortins bétonnés
construits pour mener un combat défensif. Les Israéliens
ont ainsi dû battre en retraite, non sans se venger par des
bombardements massifs sur les infrastructures civiles
libanaises. La Muqawamah a été formée avec l’assistance
d’instructeurs des unités Al-Quds. Mieux connus sous le
nom de Pasdaran, ce sont des unités d’élite des Gardiens
de la Révolution iraniens, dont le rôle est d’assurer la
défense territoriale et la lutte contre le terrorisme, un peu à
la manière des troupes du ministère de l’Intérieur russe.
Les États-Unis attribuent également au Hezbollah le
détournement du vol TWA 847 à Beyrouth, qui visait la
libération de 700-800 chiites détenus en Israël en violation
des conventions de Genève213. Mais en fait, personne ne
connaît l’identité des terroristes, qui se revendiquent alors
de l’Organisation des Opprimés de la Terre. À l’époque, la
presse ne parle que de « musulmans chiites214 » et évoque
même la milice Amal, dirigée par Nabih Berri215.
Le 10 mars 2005, moins d’un mois après l’attentat
contre Rafic Hariri, à Beyrouth, dans une résolution
adoptée par 473 voix contre 33, le Parlement européen
« considère qu’il existe des preuves irréfutables de
l’action terroriste du Hezbollah et qu’il convient que le
Conseil prenne toutes les mesures qui s’imposent pour
mettre un terme à cette action216 ». Mais là encore, on
décide sur la seule base de suppositions. En fait, l’enquête
montrera les bonnes relations personnelles entre Hassan
Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah et Rafic Hariri,
qui se sont rencontrés à de nombreuses reprises et ont créé
un comité commun en vue des élections parlementaires de
2005217, rendant l’accusation extrêmement fragile et
purement spéculative218.
Après l’attentat du 18 juillet 2012 à Bourgas (Bulgarie),
qui avait visé des touristes israéliens, le Hezbollah est
immédiatement accusé, sans aucune preuve. La France,
par la voix de son ministre des affaires étrangères, Laurent
Fabius, déclare alors la branche armée du Hezbollah
comme terroriste et demande son inclusion sur la liste des
organisations terroristes de l’UE219, ce qui sera fait en
juillet 2013220. Mais en 2018, l’instruction menée par le
parquet bulgare n’a pas pu mettre en évidence une
implication du Hezbollah, et l’a retiré de l’acte
d’accusation221. Ce qui n’empêche pas la chaîne Arte dans
un documentaire diffusé en 2019, intitulé Le Liban, otage
du Moyen-Orient d’affirmer qu’il est responsable de
l’attentat222 ! On agit en se basant sur des rumeurs, sans
preuve et sans intégrité, afin de justifier des politiques trop
alignées sur celle d’Israël…
En 2012, avec l’apparition de milices sunnites à la
frontière libanaise, le Hezbollah déploie des troupes en
Syrie pour appuyer le gouvernement syrien. Présenté par
les Israéliens comme une menace, ce corps
expéditionnaire n’a pas les capacités de mener de grandes
opérations offensives de manière autonome.
En février 2019, afin de justifier l’ingérence des États-
Unis, le secrétaire d’État Mike Pompeo affirme que le
Hezbollah a une antenne au Venezuela223. C’est un
mensonge. L’accusation est récurrente depuis le début des
années 2000 : des attentats ont effectivement été menés
par un ou des groupe(s) opérant sous le nom de
« Hezbollah ». Mais il s’agissait de groupuscules
marxistes, qui n’avaient aucun lien avec le Liban, ni
même avec l’Islam, et utilisaient selon toute
vraisemblance ce surnom pour brouiller les pistes. Ceci
étant dit, il est probable que le Hezbollah ait des soutiens
en Amérique latine (on évoque souvent le triangle aux
confins du Paraguay, du Brésil et de l’Argentine), mais
aucune activité criminelle directe224.
On évoque les attentats de Buenos Aires en 1992
et 1994 pour illustrer le caractère international du
terrorisme iranien. Sans entrer dans le détail des
enquêtes – entachées de corruption et aux
rebondissements multiples –, mentionnons simplement
que l’enquête des autorités argentines a indiqué « avec
99 % de certitude » que l’explosion du 17 mars 1992 a été
causée par de l’explosif placé à l’intérieur de l’ambassade
israélienne et non par une voiture-bombe qui aurait forcé
l’entrée du bâtiment225. Le gouvernement israélien a
rejeté ces conclusions et le cas est resté non résolu. Quant
à l’attentat du 18 juillet 1994, « aucune preuve de
l’implication de l’Iran » n’a pu être décelée selon l’ex-
ambassadeur américain en Argentine226. En fait, certains
services occidentaux tendent à pointer du doigt Israël ou
les États-Unis : les attentats auraient été liés à la livraison
d’équipements pour la construction d’une centrale
nucléaire en Syrie, et de transfert à l’Iran de la technologie
des missiles Condor 2, développé conjointement par
l’Argentine, l’Égypte et l’Irak. Un accord est signé en
janvier 2013, entre l’Argentine et l’Iran pour établir une
commission d’enquête conjointe. Mais en décembre 2015,
il est dénoncé par le gouvernement Macri, qui déclare –
sous la pression américaine – le Hezbollah « organisation
terroriste »227 en juillet 2019.
En réalité, on n’en sait rien : la responsabilité du
Hezbollah n’a jamais été démontrée et on ne voit pas
vraiment quel pourrait être son objectif en portant le
combat dans cette région du monde. Les accusations
contre le Hezbollah sont plus le fait de politiciens crédules
et manipulables, que d’éléments factuels. Ceci étant, il est
possible que le Hezbollah ait hébergé ou héberge encore
des individus ayant participé à des attentats terroristes
sous d’autres organisations dans les années 1970-1980.
Cela n’en fait pas une organisation terroriste pour autant,
sans quoi les gouvernements américain ou français
pourraient tout aussi bien être qualifiés d’organisations
terroristes !
4.3.3. La guerre des tankers
En 2019, le Golfe persique est le théâtre de plusieurs
incidents contre des navires. Le 12 mai, juste après
l’adoption de nouvelles sanctions économiques
américaines contre l’Iran, quatre navires (Al Marzoqah,
Andrea Victory, Amjad, A Michel) sont la cible de
mystérieux « actes de sabotage » au large du port de
Fujaïrah, aux Émirats arabes unis. John Bolton, le
conseiller à la Sécurité nationale américain, affirme qu’il
s’agissait « presque certainement de mines marines
iraniennes ». En fait, on n’en sait rien. Une mission
conjointe de cinq pays228 effectue une enquête et publie
un communiqué le 6 juin, qui envisage « très
probablement un acteur étatique », mais n’évoque pas
l’Iran229.
Les photos prises par des drones ne permettent ni
d’identifier les personnes, ni ce qu’ils font, ni la nature de
ce qu’ils manipulent, que l’on suppose être une mine
magnétique. Ce qui n’empêche pas le Pentagone
d’attribuer les attaques aux Gardiens de la
Révolution230. Ainsi, les navires auraient été sabotés à
l’aide de mines magnétiques (« limpet mines ») fixées sur
la coque, mais le Pentagone n’a pas d’explication sur la
manière dont elles auraient été posées et par qui.
Le 11 juin, l’Iran libère un ressortissant américain
soupçonné d’espionnage en signe d’apaisement.
Bloomberg constate que la diplomatie tend à reprendre ses
droits231. Mais le 12, une nouvelle attaque est rapportée
dans le détroit d’Hormuz contre un navire norvégien
(Front Altair) et un navire japonais battant pavillon
panaméen (Kokuka Courageous). Une fois de plus, les
auteurs ne peuvent être identifiés. Mais lors d’une
conférence de presse, Mike Pompeo accuse déjà l’Iran :
Selon l’évaluation des États-Unis, la République
islamique d’Iran est responsable des attaques […] Elle se
base sur le renseignement, les armes utilisées, le niveau
d’expertise nécessaire pour exécuter l’opération, les
récentes attaques iraniennes similaires contre la marine
marchande et le fait qu’aucun acteur opérant dans la
région n’a les ressources et la compétence pour une action
si sophistiquée232.
Il évoque pêle-mêle des attentats en Afghanistan (où les
Taliban et les principales factions rebelles sont sunnites,
rappelons-le) et le soupçon que l’Iran ait monté des
missiles mer-mer sophistiqués sur des bateaux de pêche
traditionnels (« dhows ») ! Mais il n’apporte aucune
preuve ou fait. Pourtant, Jeremy Hunt, ministre des
Affaires étrangères britannique déclare :
Nous allons faire notre propre évaluation indépendante,
nous avons nos propres processus pour cela, (mais) nous
n’avons aucune raison de douter de l’analyse des
Américains, et notre instinct est de les croire parce qu’ils
sont nos plus proches alliés233.
À noter que le site du Foreign Office ne retiendra pas
cette dernière remarque. En revanche, il affirme que la
responsabilité de l’Iran est justifiée parce qu’ « aucun
autre acteur, étatique ou non, n’aurait plausiblement pu
être responsable234 ». En clair : « Nous n’avons pas de
preuve ».
Sur France 5, Pierre Servent, expert militaire, illustre
assez bien la manière occidentale d’aborder les choses : il
confirme ne pas avoir de preuves, mais il a la
« conviction » que les attaques contre les pétroliers ont été
menées par les services secrets iraniens. Il ajoute :
Depuis très longtemps, depuis la guerre Irak-Iran, les
Iraniens dans le Golfe persique se sont aménagé des mini
bases secrètes dans des zones où vous avez des bancs de
sable qui affleurent la surface de l’eau […] les Iraniens
auraient, depuis très longtemps, construit dessous ces
zones-là des bunkers étanches de petites dimensions, mais
suffisamment grands pour abriter des équipes de nageurs
de combat sur des semi-rigides extrêmement rapides avec
une capacité de frappe et d’aller-retour235.
C’est le retour des fameuses cavernes d’Oussama ben
Laden en Afghanistan… de la pure fantaisie !
On ne comprend pas vraiment pourquoi l’Iran
attaquerait un navire japonais en juin 2019 : le Premier
ministre japonais Shinzo Abe est alors en visite officielle
en Iran, précisément pour offrir ses services dans la
résolution de la crise et inciter les Américains à revenir
dans le JCPOA. L’Iran n’a alors aucun intérêt à une
opération de cette nature et aucune explication
convaincante n’a été avancée.
De fait, le média d’affaires américain Bloomberg
Opinion tweete que « L’Iran aurait peu à gagner à
attaquer des pétroliers dans la mer d’Oman236 ». Comme
le constate Julian Lee :
Pour un pays qui percevrait d’infimes signes tangibles
d’un assouplissement des sanctions américaines
handicapantes, le moment serait particulièrement mal
choisi. Mais cela s’explique si l’objectif final est de faire
dérailler tout signe de détente entre les deux pays, et de
pousser pour un changement de régime à Téhéran. Celui
qui est derrière ces attaques n’est pas un ami de l’Iran237.
L’observation est pertinente et suggère l’ingérence d’une
puissance tierce. De fait, à chaque signe de
« réchauffement » entre l’Iran et les États-Unis, une
nouvelle « attaque » survient. Une provocation de
l’extérieur est plausible. Complotisme ? Pas vraiment : en
2009, la Brookings Institution avait déjà esquissé un
scénario :
[…] il serait bien préférable que les États-Unis
invoquent une provocation iranienne pour justifier les
frappes aériennes avant de les lancer. Évidemment, plus
l’action iranienne serait scandaleuse, meurtrière et non
provoquée, mieux ce serait pour les États-Unis.
Naturellement, il serait très difficile pour les États-Unis
d’inciter l’Iran à mener une telle provocation sans que le
reste du monde ne détecte la manigance, ce qui la minerait.
(Une méthode qui pourrait avoir du succès serait de
relancer les efforts pour changer clandestinement le
régime dans l’espoir que Téhéran exerce des représailles
manifestes, voire indirectes, qui pourraient alors être
décrites comme un acte d’agression iranien non provoqué)
238.

L’hypothèse d’un acteur tiers, qui pourrait bénéficier


d’un conflit sans en payer le prix, n’est pas incongrue.
Une réponse plausible existe : le Modjahedin-e-Khalq
(MeK). Le MeK (en français, les Moudjahidines du
peuple iranien) est un mouvement d’opposition iranien de
tendance marxiste. Il a aidé les islamistes à renverser le
Shah en 1979, et a servi de prétexte pour accuser Saddam
Hussein de soutenir le terrorisme international239. En
2002, le MeK accuse l’Iran de développer l’arme
nucléaire et rend public des documents qu’il a reçus du
Mossad240 ! Dès 2005, les combattants du groupe sont
formés en Irak par le Joint Special Operations Command
(JSOC) pour mener des attentats en Iran241. Pourtant, il est
sur la liste des mouvements terroristes des États-Unis
depuis 1997 et n’en sera retiré qu’en 2012242, après une
intense campagne de lobbyisme243. Malgré ses nombreux
crimes contre les droits de l’Homme244, ses attentats et
assassinats, le MeK n’est pas considéré comme terroriste
en France ; peut-être, parce qu’Israël l’utilise pour mener
des activités terroristes en Iran, notamment pour
l’assassinat d’ingénieurs nucléaires en Iran entre 2007
et 2010245. L’emploi du MeK par Israël pour mener ses
basses œuvres contre l’Iran a suscité la réprobation aux
États-Unis246, mais a connu un regain d’intérêt avec
l’administration Trump247.
Le 4 juillet 2019, le Grace 1, un pétrolier iranien battant
pavillon panaméen et transportant 2,1 millions de barils de
pétrole, est arraisonné au large de Gibraltar par les
autorités britanniques. Elles soupçonnent que sa cargaison
est destinée à la Syrie et invoquent les sanctions de
l’UE248. Le problème est que si l’UE interdit à ses
membres de fournir du pétrole à la Syrie, elle n’a pas pour
politique de faire respecter les sanctions d’États tiers. Il
apparaîtra que les autorités de Gibraltar ont agi sous la
pression de Washington, 48 heures avant l’événement et
ont élaboré en urgence une loi leur permettant
d’arraisonner le navire249. Finalement, le pétrolier sera
libéré le 15 août, malgré les pressions répétées des États-
Unis, qui iront même jusqu’à tenter de corrompre le
capitaine du navire avec 15 millions de dollars, pour qu’il
livre son navire250.
4.4. « Le général Qassem Soleimani préparait
des attaques imminentes contre les États-
Unis251 »
4.4.1. L’assassinat
L’assassinat du général Soleimani a son origine dans la
revendication par Donald Trump de l’autorité américaine
sur le pétrole irakien, en paiement des investissements
dans le pays ! Afin de faire pression sur l’Irak, Trump
propose à Adil Abdul-Mahdi, Premier ministre, d’achever
la reconstruction de l’infrastructure du pays contre la
cession de 50 % du pétrole. Mais Abdul-Mahdi refuse et
préfère signer un accord avec la Chine en septembre 2019.
Trump lui demande alors d’annuler l’accord, sans quoi il
menace de provoquer des manifestations populaires pour
renverser le régime ; il aurait même menacé d’utiliser des
tireurs des US Marines pour éliminer des manifestants
afin d’envenimer la situation252. Vrai ou pas, il n’en
demeure pas moins qu’en octobre 2019, des
manifestations violentes éclatent à Bagdad, dont les appels
proviennent pour 63 % d’Arabie Saoudite, 5 % des
Émirats, 2 % d’Allemagne et 1 % de Suisse253 et créent
un climat explosif dans le pays.
L’étincelle vient le 27 décembre 2019 : des roquettes de
107mm FAJR-1 de fabrication iranienne frappent la base
militaire K-1, à Kirkuk, qui abrite des unités irakiennes et
américaines dévolues à la lutte contre l’État islamique. Un
mercenaire américain est tué. Les auteurs de l’attaque ne
sont pas connus, mais les États-Unis l’attribuent
immédiatement aux Kataeb Hezbollah (Phalanges du
Hezbollah), une organisation chiite irakienne (sans liens
avec le Hezbollah libanais), représentée au parlement
irakien et qui avait combattu l’État islamique avec les
Kurdes. Le président américain accuse l’Iran et les
Gardiens de la Révolution, et des frappes de représailles
sont menées le 29 décembre en Syrie et contre une base
militaire de son allié irakien, qui abrite des militaires
irakiens et des troupes des Kataeb254. Ces frappes
provoquent des émeutes qui aboutiront à l’intrusion dans
l’ambassade américaine de Bagdad, le 31 décembre,
donnant un prétexte à Trump pour abattre le général
Qassem Soleimani le 3 janvier 2020.
En février 2020, le New York Times révélera que la
décision américaine n’avait fait l’objet d’aucune
consultation avec le renseignement irakien. Elle était
basée sur l’identification des roquettes utilisées comme
étant d’origine iranienne. Mais en fait, l’Iran en avait
fourni à l’Irak pour lutter contre l’État islamique, et on
sait qu’un certain nombre a été volé des dépôts de l’armée
irakienne. Par ailleurs, les indices matériels retrouvés
après l’incident du 27 décembre montrent que les tirs
auraient été effectués par l’État islamique255.
Le 3 janvier 2020, le major général iranien Qassem
Soleimani est éliminé à Bagdad sur l’ordre de Donald
Trump, qui l’accuse de préparer des opérations contre 4
ambassades américaines au Moyen-Orient : une « menace
imminente ». Le renseignement est fourni par Israël256. En
fait, la décision de Trump est basée sur trois éléments257 :
des visites de Soleimani à des milices chiites en Syrie et
en Irak ; une communication dont on ne connaît pas la
teneur auprès du président iranien et qui pourrait tout
aussi bien être une demande de congé ; et le contexte de
tension à Bagdad, où un contractant américain a été tué
lors d’une émeute. L’idée de l’assassinat lui est soufflée
par Richard Goldberg, membre du Conseil national de
sécurité, mais aussi – simultanément – conseiller de la
Fondation pour la défense de la démocratie (FDD)258, un
organe financé par le gouvernement israélien.
Simultanément, les Américains tentent d’abattre Abdoul
Reza Shahlai, dirigeant Houti, au Yémen, mais ils le
ratent259. Cette tentative tend à discréditer la justification
d’une « menace imminente ». Manifestement, l’équipe
présidentielle joue avec les faits, comme en témoigne son
refus de fournir au Congrès les éléments justificatifs260.
Le vice-président Mike Pence affirme même que
Soleimani avait aidé les terroristes à préparer le
« 9/11 »261. Il relaie une légende que les Américains
affectionnent : l’implication de l’Iran. Pourtant, le rapport
de la Commission parlementaire sur le 9/11 constate qu’il
n’y a aucune indication qu’il ait été impliqué :
[…] il existe des preuves solides que l’Iran a facilité le
transit des membres d’Al-Qaïda vers et depuis
l’Afghanistan avant le 11 Septembre […] Nous n’avons
trouvé aucune preuve que l’Iran ou le Hezbollah était au
courant de la planification de ce qui allait devenir
l’attaque du 11 Septembre262.
En clair, on peut lui reprocher la même erreur que
l’Allemagne, bien en deçà de la responsabilité des États-
Unis eux-mêmes (qui savaient, mais n’ont pas agi !). Par
ailleurs, le rapport ne mentionne pas une seule fois
Soleimani.
Donc, comme à leur habitude Trump, Pompeo et Pence
ont menti. Ils tentent de justifier une action illégale selon
le droit américain. En effet, l’Ordre exécutif 12333, signé
par le président Ronald Reagan en 1981263 définit les
rôles et missions de la communauté du renseignement
américain et stipule qu’« aucune personne employée ou
agissant au nom du gouvernement des États-Unis ne sera
engagée, ou ne conspirera pour être engagée dans des
assassinats », formalisant ainsi une politique déjà établie
par le président Gerald Ford en 1976.
Les médias anglo-saxons – toutes tendances
confondues – s’interrogent sur la notion de « menace
imminente », qui a justifié l’assassinat, car elle s’effrite au
fil des jours 264. Le 12 janvier, Mark Esper, secrétaire à la
Défense, affirme à la chaîne CBS n’avoir vu aucun
renseignement sur ces menaces265, comme
l’administration du département d’État . Interrogé sur
266
France 24, quant à la participation d’Israël à l’opération,
le lieutenant-colonel Jonathan Conricus, porte-parole de
l’armée israélienne, s’en sort par une pirouette en
affirmant que l’opération était dirigée par les États-Unis et
qu’Israël n’en faisait pas partie. Ce n’est qu’une partie de
la vérité, car les renseignements sur la « menace
imminente » venaient d’Israël267. Et le 13 janvier, Mike
Pompeo avoue :
Une série d’attaques imminentes étaient planifiées par
Qassem Soleimani, mais nous ne savons pas précisément
quand ni ne savons pas précisément où, mais c’était
réel268.
Le même jour, Donald Trump confesse que cette
« menace imminente » n’est pas le problème, mais plutôt
l’« horrible passé269 » du général !
Il fait allusion à sa prétendue responsabilité dans la mort
de 600 militaires américains en Irak depuis 2003. Une
accusation relayée en France par les médias pro-israéliens,
comme Dreuz.info270. Mais c’est faux : le porte-parole du
Pentagone confesse qu’il « n’a ni étude, ni documentation,
ni données à fournir aux journalistes qui pourraient
confirmer ces chiffres271. » Invérifié, le nombre de 600
n’était d’ailleurs originellement pas attribué à Soleimani,
mais à l’Iran272. Ce qui est aussi un mensonge : il a son
origine en janvier 2007, lorsque le vice-président
américain Dick Cheney cherchait des prétextes pour
frapper l’Iran. Après que les généraux du Joint Chiefs of
Staff (État-major des Armées) lui ont opposé un refus
unanime et catégorique de frapper des capacités nucléaires
iraniennes sur lesquelles il n’existait aucun
renseignement273, Cheney affirme que l’Iran a fourni des
mines directionnelles anti-véhicules (responsables des
morts en question)274. Un nouveau mensonge : les engins
étaient réalisés en Irak275, avec du matériel acheté aux
Émirats arabes unis, comme le confirmait la très sérieuse
Jane’s Intelligence Review276.
En France, les médias sont partagés entre leur haine de
Donald Trump et leur soutien aveugle à sa politique
moyen-orientale, mais le message de l’administration
Trump est relayé assez servilement. Dans l’émission « C
dans l’air » du 3 janvier, le journaliste François
Clémenceau affirme que le général Soleimani est « [un]
personnage central qui affronte les États-Unis en
permanence et depuis très longtemps, pas seulement
depuis le début de la guerre en Irak en 2003 mais
avant277. » En fait, il relaie un tweet de Trump278, mais
c’est de la désinformation. Non seulement l’Iran avait
appuyé les États-Unis en Afghanistan en faisant jouer ses
bonnes relations avec la communauté Hazara, mais il les
avait aidés lors du soulèvement de Herat en 2001 :
Les équipes des opérations spéciales américaines
consistaient des US Army Rangers et de la Delta Force,
sous le commandement du général Tommy Franks du
CENTCOM. Les forces iraniennes consistaient d’agent de
la Force al-Qods sous le commandement du major général
Yahya Rahim Safavi, commandant des Gardes de la
Révolution et le major général Qassem Soleimani,
commandant de la Force al-Qods de l’Iran279.
Le Courrier international titre même Bon débarras280,
sans féliciter ni blâmer les Américains. Ironiquement,
c’est la même position que l’EI dans son magazine de
propagande Al-Naba281 !… En 2015, l’Iran avait appuyé
la coalition internationale en Irak dans sa lutte contre l’EI.
Lors de la reprise de la ville de Tikrīt, les forces soutenues
par l’Iran ont même bénéficié de l’appui aérien américain.
Le magazine Newsweek rapporte les termes du général
Dempsey :
[…] sans l’aide iranienne et les conseils de Soleimani,
l’offensive sur Tikrit n’aurait pas été possible282.
Le rôle de l’Iran baigne dans une atmosphère de
distorsion des faits, alignée sur la rhétorique israélienne.
Ainsi, France 5 affirme qu’en été 2006 le général
Soleimani « combat aux côtés du Hezbollah283 » contre
Israël. C’est faux. Soleimani est alors au Liban durant
quelques jours, comme observateur284, ce qui n’est pas
incongru compte tenu des frappes régulières d’Israël à
l’extérieur de ses frontières, mais il ne participe pas aux
combats (on ne voit d’ailleurs pas pourquoi il l’aurait fait).
Des listes de « crimes » de Soleimani circulent285, mais il
ne s’agit que d’assemblages de rumeurs.
Soleimani a été éliminé avec Abou Mahdi al-Mohandes,
présenté par France 24 comme le « lieutenant » de
Soleimani en Irak286. En réalité, il n’a aucun lien
organique avec les Gardiens de la Révolution iraniens,
mais dirigeait les Unités de Mobilisation populaires
(UMP) irakiennes. Les UMP ont été créées pour suppléer
aux déficiences de l’armée irakienne pour combattre l’État
islamique au nord du pays. Qualifiées de « milices pro-
iraniennes » dans la presse occidentale, on en minimise le
caractère irakien287, mais elles reflètent la composition du
pays : elles incluent une majorité de chiites, avec des
sunnites, des Turkmènes, des Kurdes et des Yazidis.
En fait, le 5 janvier 2020, lors des débats au Parlement
irakien sur le maintien de la présence militaire étrangère,
Adil Abdul-Mahdi, le Premier ministre irakien révélera
que Soleimani était alors en mission diplomatique de
paix : il devait le rencontrer le 3 janvier pour transmettre
la réponse de l’Iran en vue d’un apaisement des tensions
avec l’Arabie Saoudite, négocié par l’Irak. C’est d’ailleurs
pour cette raison qu’il s’était rendu à Bagdad à bord d’un
vol de ligne régulier, et a passé l’immigration avec son
passeport diplomatique, ce qui rend l’idée de la
préparation d’une action clandestine assez peu crédible.
En fait, les services américains étaient très probablement
au courant de cette initiative de paix et opposés à cette
élimination, ce qui expliquerait que le communiqué du
Pentagone du 2 janvier met l’accent sur l’origine
présidentielle de la décision288. Mais aucun média
traditionnel français ne relaie alors cette information.
Le 6 janvier, de manière assez décevante, la déclaration
conjointe de l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne
(signataires du JCPOA) mentionne le « rôle négatif » de
l’Iran au Moyen-Orient, mais pas l’assassinat289.
D’ailleurs, la France ne condamne pas l’assassinat d’un
émissaire en mission diplomatique, mais seulement la
réaction iranienne290. En juillet 2020, l’ONU condamnera
cette attaque qualifiée d’injustifiée et illégale291. En ce qui
concerne le Moyen-Orient, on constate que les médias
traditionnels tendent à suivre une ligne plutôt favorable à
Trump, contrairement aux valeurs et respect du droit
international qu’ils professent.
Quoi que l’on pense du général Soleimani, le problème
ici, est qu’on accepte le principe « la fin justifie les
moyens » : c’est exactement la même réflexion que celle
des terroristes de l’État islamique et cela va à l’encontre
des « valeurs » que nous prétendons défendre. D’ailleurs,
les seuls qui se sont vraiment réjouis de cet assassinat – à
part les Américains et les Israéliens, ce qui n’est pas très
surprenant – sont les djihadistes de la poche d’Idlib, en
Syrie292 et de l’État islamique293. Le site du ministère de
la défense pakistanais évoque même que cette élimination
pourrait conduire à une renaissance de l’État
islamique294 ! Comme à leur habitude, les dirigeants
occidentaux privilégient des politiques de court terme,
basées sur des actions aussi peu réfléchies et
spectaculaires qu’inutiles.
4.4.2. La catastrophe du vol PS752
Assez logiquement, l’assassinat du général Soleimani
déclenche la colère des Iraniens, qui annoncent des
mesures de rétorsion. Les Américains prennent peur et –
le 4 janvier – adressent à l’Iran, par l’entremise de
l’ambassade de Suisse de Téhéran, un message implorant :
Si vous voulez vous venger, vengez-vous
proportionnellement à ce que nous avons fait295.
Le lendemain, Trump tente d’intimider et de dissuader
l’Iran en menaçant d’y « frapper très rapidement et très
durement » 52 objectifs, y compris des biens culturels, qui
ont déjà été choisis296.
Le 8 janvier, un Boeing 737-800 d’Ukraine International
Airlines (PS752) s’écrase peu après son décollage de
Téhéran. Après avoir nié dans un premier temps en être
responsable, l’Iran avoue trois jours plus tard avoir abattu
l’appareil accidentellement avec un missile antiaérien et
s’excuse, en annonçant que les responsables seront punis.
En fait, ce qui s’est passé est certes accidentel, mais –
paradoxalement – n’est probablement pas une erreur
humaine : les opérateurs ont vraisemblablement été
amenés à une situation où ils ne pouvaient plus éviter le tir
du missile. Le 8 janvier, l’Iran mène une série de frappes
contre deux bases américaines en Irak d’où seraient partis
les appareils qui ont tué le général Soleimani.
Parallèlement, le commandement iranien s’attend à une
frappe américaine et place ses forces de défense aériennes
en degré d’alerte « 3 », le plus élevé, appliqué en cas de
guerre. Selon le compte rendu officiel du Commandement
des Gardiens de la Révolution297, l’information selon
laquelle des missiles de croisière auraient été tirés contre
l’Iran se propage. L’origine de l’information est encore
indéterminée, mais pourrait être le résultat de manœuvres
de brouillage (mesures actives) menées par les Américains
dans le cadre d’une activité de reconnaissance298.
De fait, l’enquête menée par le Cyber Space Lab de
l’université de Téhéran montrera que les opérateurs ont
été induits en erreur par une « cyberattaque » contre les
réseaux iraniens299. De fait, en juin 2019, Donald Trump
avait autorisé des « cyberattaques pour neutraliser les
systèmes informatiques du Corps des Gardiens de la
Révolution utilisés pour contrôler les lancements de
roquettes et de missiles »300. Le 8 janvier, il s’agit
vraisemblablement d’une manœuvre plus subtile, qui
utilise l’expérience acquise lors de ces « cyberattaques ».
Ainsi, pour préparer leurs frappes, les Américains ont
appliqué des mesures de reconnaissance électronique afin
d’identifier les réseaux de conduite et la manière dont ils
s’activent, ainsi que les mesures de protection
électroniques de la défense aérienne. Pour ce faire, on
envoie un leurre ou on simule une attaque sous forme
virtuelle pour faire réagir l’adversaire.
C’est probablement ce qui explique que deux heures
avant le crash du PS752, le gouvernement américain a
émis un avis NOTAM (NOtice To AirMen) interdisant
aux avions américains de survoler Téhéran en raison
d’une « potentielle erreur de calcul ou identification301 ».
Cela expliquerait aussi pourquoi les Iraniens auraient tiré
un second missile antiaérien « dans le vide » 23 secondes
après celui qui a abattu le Boeing ; ainsi que la présence
d’appareils furtifs F-35 au-dessus de l’Iran pour faire de la
reconnaissance électronique302.
En fait, ce type de manœuvre ne serait pas nouveau et
était déjà pratiqué régulièrement durant la guerre froide.
C’est ce qui a conduit à la destruction du vol 007 de la
Korean Airlines (KAL007) en septembre 1983 : un avion-
espion américain KC-135 s’était « caché » dans l’« ombre
électronique » du KAL007 afin d’enregistrer les activités
électroniques de la défense aérienne soviétique lors du
survol du Kamchatka ; les Soviétiques ont ainsi abattu un
avion civil en le « confondant » avec l’avion de l’US Air
Force. En septembre 2018, une situation semblable a
conduit la Syrie à abattre un appareil russe derrière lequel
« s’abritait » un avion de reconnaissance israélien303.
En Iran, la situation est techniquement différente, mais
similaire au plan opératif. Alors en phase ascensionnelle,
le PS752 avait la même vitesse qu’un missile de croisière
(environ 400 km/h) et sa distance ne laissait à l’opérateur
que quelques secondes pour réagir. Les communications
étaient apparemment perturbées, obligeant l’officier de
service à prendre lui-même la décision de tirer le missile.
Il ne s’agit donc probablement pas d’une « erreur » du
commandement iranien, mais de la conséquence tragique
due à un faisceau d’indications créées – volontairement ou
non – par les États-Unis en préparant les ripostes
annoncées par Trump. Il est probablement faux d’affirmer
à ce stade que les Américains avaient prévu la catastrophe,
mais ils ont délibérément augmenté la probabilité pour
qu’elle survienne.
Les médias français fustigent le retard des aveux de
Téhéran. Mais évidemment, au contraire de leurs
homologues anglo-saxons, ils ne rappellent pas qu’en
1988, après l’incident du vol Iran Air 655, les Américains
ont menti sur la position de leur navire, sur la trajectoire
de l’appareil, sur le fait que leurs semonces ont été
adressées sur une fréquence militaire inaccessible à
l’équipage de l’appareil, sur le fait qu’ils ont attendu le
jugement d’un tribunal international pour admettre du
bout des lèvres leur erreur, qu’ils ne se sont jamais
excusés et qu’ils ont décoré et promu les
responsables304…
Curieusement, à peine les autorités iraniennes ont-elles
admis leur responsabilité, qu’éclatent de nouvelles
manifestations, qui fustigent les « mensonges » du
gouvernement. Les portraits du général Soleimani – que
des dizaines, voire centaines de milliers de personnes
avaient pleuré la veille – sont tout à coup déchirés dans les
rues. Ce décalage est difficile à expliquer avec certitude.
On peut cependant supposer que les Américains et les
Britanniques s’attendaient à ce que le gouvernement
iranien nie fermement et durablement sa responsabilité305.
Il est ainsi vraisemblable que des « mots d’ordre » aient
été donnés, mais sont arrivés à contretemps, déclenchant
des protestations limitées.
4.5. Conclusions sur la menace iranienne
La menace iranienne est artificielle. Alimentée par un
profond sentiment de revanche des Américains qui
n’avaient pas su anticiper la révolution de 1979, elle sert
aujourd’hui un seul objectif : fracturer l’axe Téhéran-
Damas, créé par l’intervention américano-britannique en
Irak et qui effraie les monarchies du Golfe. Quant à la
menace envers Israël, elle est tout aussi artificielle et n’a
aucun fondement historique. En revanche, elle alimente de
part et d’autre un discours musclé, destiné à créer une
unité nationale à des fins de politique intérieure. Dans ce
contexte, l’instabilité régionale sert Benjamin Netanyahu
qui peine à rassembler une majorité autour de lui pour les
élections de 2019-2020. C’est pourquoi il lance des
provocations répétées contre ses voisins palestiniens,
syriens et l’Iran306.
Les Occidentaux n’ont toujours rien compris à l’Iran et
au fonctionnement du Moyen-Orient : leurs politiques
n’ont eu que des effets contraires à leurs objectifs. Les
sanctions, les actions clandestines directes ou indirectes
avec l’appui de groupes terroristes n’ont fait que resserrer
les rangs de la population. Avec une population iranienne
très pro-occidentale, un changement de régime pourrait
être provoqué presque immédiatement en relaxant toutes
les sanctions sur le pays et en encourageant sa
prospérité… Mais l’Occident est trop enfermé dans ses
préjugés. En mai 2019, alors en visite à Bagdad, Ali
Khamenei, Guide suprême de la Révolution, déclarait :
Grâce soit rendue à Dieu, qui nous a donné des ennemis
aussi stupides307 !
La politique française envers l’Iran est clairement
influencée par les États-Unis et le puissant lobby de
l’opposition iranienne en France. Après l’assassinat du
général Soleimani, alors que les médias anglo-saxons ont
eu une approche critique de l’action américaine, les
médias français sont restés partagés entre des postures
« anti-Trump » et « anti-iraniennes » : en critiquant le
président américain, tout en tendant à justifier l’assassinat.
Sur les plateaux de France 5 ou France 24
n’apparaissent que des représentants de l’opposition
iranienne qui n’apportent qu’une vision partiale du
problème. Sur TV5 Monde, la sociologue Mahnaz Shirali
affirme que sa mort a provoqué « une explosion de joie,
une jubilation parce que Soleimani incarne vraiment la
partie la plus rejetée, la plus critiquée de la République
islamique308 ». C’est faux. Une étude, menée par
l’Université du Maryland en octobre 2019309, affirme que
le général Soleimani était la personnalité la plus populaire
d’Iran, avec 80 % d’opinions favorables ; que 81 % des
Iraniens interrogés pensaient que les Gardiens de la
Révolution avaient accru la sécurité de l’Iran. Malgré les
vidéos de plusieurs villes iraniennes montrant des foules
considérables pour les funérailles du général Soleimani,
elle minimise en prétendant qu’elles ne rassemblent que
« 3 000-4 000310 » personnes. La mauvaise foi jouxte la
désinformation. Par ailleurs, elle évoque l’« assassinat de
1 500 Iraniens dans les rues de Téhéran311 » lors de la
répression des émeutes de la fin 2019. En fait, ce sont les
chiffres propagés par le MeK312 et l’administration
Trump. Les chiffres exacts ne seront probablement jamais
connus, mais Amnesty International évoque plutôt le
chiffre de 300 pour l’ensemble du pays (et pas seulement
la capitale)313.
Mme Shirali affirme que seulement 5 % de la population
soutient le régime. En réalité, ce chiffre est un peu
inférieur à 5 %, mais il est trompeur. L’étude américaine
montre que seulement 42 % des Iraniens pensent qu’avoir
signé le JCPOA était une bonne chose, 74 % approuvent
le dépassement des limites du JCPOA en réponse au
retrait américain et 69 % pensent que les signataires
européens ne rempliront pas leurs obligations. 70 %
pensent que le gouvernement ne devrait plus faire de
concessions et 48 % voudraient que l’Iran s’impose
comme puissance régionale, alors que seuls 42 % pensent
qu’il faudrait avoir une attitude plus conciliante. 92 %
pensent qu’il est important de développer un programme
balistique et 72 % pensent que c’est très important. Une
majorité (68 %) des Iraniens voient leur économie se
dégrader, et condamnent une corruption rampante. Mais
ils l’attribuent aux sanctions des pays occidentaux, dont
l’image se dégrade : des pays comme le Japon, la Russie,
la Chine et l’Allemagne ont une image favorable, alors
que des pays comme la France, la Grande-Bretagne et les
États-Unis ont une image négative. En d’autres termes, les
5 % de soutien cachent que les 95 % restant sont
majoritairement plus extrêmes que le gouvernement, et
qu’il a un grand risque d’être débordé par sa droite.
Cette opposition au gouvernement islamique n’implique
pas qu’elle pense comme nous ou qu’elle souhaite le
renverser. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle – comme
en Syrie314 – les manifestations doivent être provoquées
de l’extérieur grâce aux réseaux sociaux : les États-Unis
ont mis en place tout un dispositif de serveurs et
d’applications pour faciliter la mobilisation des
mécontents en Iran315. Ce qui explique le filtrage
d’Internet effectué par les autorités iraniennes après
l’assassinat de Soleimani.
Malgré des conditions de vie difficiles, le soutien dont
jouit le gouvernement iranien pour une politique plus
ferme à l’égard des Occidentaux reste assez large.
Contrairement aux pays occidentaux, il n’a pas besoin de
se cacher derrière des opérations clandestines : au
contraire, il aurait tout intérêt à montrer qu’il agit, comme
avec ses frappes contre deux bases américaines en Irak.
Ceci pourrait expliquer que les « attaques » contre des
pétroliers dans le Golfe persique n’ont probablement pas
été menées par l’Iran, mais par une puissance tierce, qui
ne veut pas que l’Iran puisse normaliser ses relations avec
la communauté internationale.
Comme pour la « ligne rouge » en Syrie, les journalistes
français – plus que leurs collègues anglo-saxons –
déplorent la réticence à utiliser la violence contre l’Iran.
Ainsi, en janvier 2020, Armelle Charrier affirme sur
France 5 que Trump a fait un « faux pas » en ne frappant
pas l’Iran après la destruction d’un drone américain au-
dessus de son territoire316. Elle y voit un aveu de
faiblesse, qui aurait poussé l’Iran à plus de témérité. Elle
n’a rien compris : cette lecture des relations
internationales à travers des rapports de force et des
politiques musclées est totalement décalée par rapport à la
réalité de la région. C’est exactement pourquoi l’Occident
y enchaîne les échecs.
En fait, le refus de Trump de frapper l’Iran en
septembre 2019 a montré aux Saoudiens qu’il n’était pas
prêt à s’engager dans un nouveau conflit dans la région, et
les a poussés à chercher une solution négociée avec l’Iran.
C’est pourquoi, dans les semaines qui suivent, les
Saoudiens ont entamé un processus de négociations
discrètes par l’entremise de l’Irak et du Pakistan317. C’est
dans ce cadre que le général Qassem Soleimani était en
Irak au début janvier 2020, et c’est pour cette même
raison qu’il a été abattu. En effet, le seul pays qui n’avait
aucun intérêt à ces négociations était Israël… qui alors a
fourni de faux renseignements aux Américains.

97. Voir, par exemple, The Military Balance 1990-1991, International Institute for
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declare it an act of ‘divine intervention’ that will let them regroup in Iraq », Daily
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good news for IS jihadists », BBC News, 10 janvier 2020 ; Jeremy Bowen,
« “L’assassinat de Qasem Soleimani est une bonne nouvelle pour le groupe “État
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career but spark a complex drawn-out conflict », The Independent, 13 novembre
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308. Mahnaz Shirali « Mort de Soleimani : les Américains fédèrent les Iraniens et
leurs alliés contre eux », TV5 Monde, 5 janvier 2020 (00’23’’)
309. Nancy Gallagher, Ebrahim Mohseni & Clay Ramsay, Iranian Public Opinion
under “Maximum Pressure”, Center for International and Security Studies at
Maryland (CISSM), octobre 2019
310. Mahnaz Shirali « Mort de Soleimani : les Américains fédèrent les Iraniens et
leurs alliés contre eux », TV5 Monde, 5 janvier 2020 (01’28’’)
311. Mahnaz Shirali « Mort de Soleimani : les Américains fédèrent les Iraniens et
leurs alliés contre eux », TV5 Monde, 5 janvier 2020 (04’00’’)
312. Iran Protests - Over 1,500 Killed in the Iranian People’s Nationwide Uprising
Names of 504 Martyrs Released, National Council of Resistance of Iran (NCRI),
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313. Negar Mortazavi, « Iran protests : Over 300 killed and thousands arrested in
violent crackdown, Amnesty says », The Independent, 16 décembre 2019
314. Robert Reuel Naiman, « WikiLeaks Reveals How the US Aggressively
Pursued Regime Change in Syria, Igniting a Bloodbath », truthout.org, 9 octobre
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315. Katrina Manson, « US boosts funding of tech companies to help anti-Tehran
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316. Armelle Charrier dans l’émission « C dans l’air », « Iran / États-Unis : un pas
de plus vers la guerre ? #cdanslair 02.01.2020 », France 5/YouTube, 3 janvier 2020
(10’15’’)
317. Farnaz Fassihi & Ben Hubbard, « Saudi Arabia and Iran Make Quiet Openings
to Head Off War », The New York Times, 4 octobre 2019
5. LE TERRORISME
DJIHADISTE
5.1. Le contexte
Depuis la fin des années 1990, les explications
occidentales pour les attentats djihadistes ont comme
point commun de faire systématiquement abstraction de
nos actions. Ainsi, en juin 2017, Hugo Micheron,
chercheur dans le domaine du terrorisme, affirme même
que « DAECH » cherche à « s’immiscer » dans les
législatives britanniques318. À quelles fins ? Mystère…
De la folie individuelle au complot pour dominer le
monde, les « experts » érigent leurs professions de foi et
suppositions, basées sur des informations fragmentaires,
en certitudes. On cherche des explications dans le Coran,
mais on exclut systématiquement ce que les terroristes
nous disent.
Le djihadisme moyen-oriental commence par le
maintien des forces américaines en Arabie saoudite après
la guerre du Golfe (1990-1991), pour surveiller l’Irak.
Cette présence inquiète les autorités saoudiennes car elle
alimente une opposition radicale qui commence à émerger
et menace le régime. En fait, depuis les années 1950, la
présence américaine en Arabie saoudite a fait l’objet de
critiques dans le monde musulman et, déjà en 1960, le
prince Fayçal avait demandé – sans succès – au président
John F. Kennedy de retirer ses troupes de la base de
Dhahran319. En réalité, l’illégitimité de cette présence en
Arabie saoudite est plus une affaire de sensibilité et de
fierté nationale que de religion, mais elle est suffisante
pour provoquer des réflexes djihadistes.
Le 25 juin 1996, un attentat vise les quartiers
d’habitation des forces américaines en Arabie Saoudite,
les tours Khobar, près de Dhahran. Mais les États-Unis
ignorent l’avertissement, et les islamistes augmentent la
pression : le 7 août 1998, deux attentats frappent
simultanément leurs ambassades de Nairobi et de Dar-Es-
Salam.
Les États-Unis répondent par deux groupes de frappes
(Opération INFINITE REACH) qui seront exécutées le
20 août 1998, au moyen de 79 missiles de croisière tirés
depuis des navires situés dans le Golfe persique. Elles
visent quatre camps d’entraînement dans la région de
Khost-Jalalabad (Afghanistan) et le complexe
pharmaceutique Al-Shifa, près de Khartoum (Soudan).
Basées sur des informations non vérifiées et dépassées,
elles ne touchent pas de terroristes, mais causent plusieurs
dizaines de victimes civiles. Au Soudan, selon Werner
Daum, alors ambassadeur d’Allemagne à Khartoum, la
destruction du complexe Al-Shifa – principal centre de
production de médicaments pour le Soudan – aurait causé
« la mort de plusieurs dizaines de milliers de personnes
civiles320 ».
En 1999, un rapport de l’Office of Intelligence and
Counterintelligence (OICI) du Département américain de
l’Énergie estime que ces frappes…
- constituaient une justice douteuse, car elles n’avaient
touché que des innocents ;
- avaient eu une efficacité discutable sur les capacités
opérationnelles d’Al-Qaïda ;
- tendaient à démontrer que les USA avaient peur
d’affronter directement les terroristes ;
- avaient suscité plus de projets terroristes ;
- avaient frappé les Taliban, qui n’avaient probablement
eu aucune responsabilité sur les activités terroristes vu
leur autorité limitée sur le territoire321.
Ces frappes n’ont donc touché que des innocents, qui
n’avaient ni de près ni de loin un lien avec les attentats de
Nairobi et Dar-es-Salam. Mais n’y aura ni excuses ni
dédommagement322. Quelques jours après les frappes, le
magazine The Economist prophétisait que les
bombardements avaient « créé 10 000 nouveaux
fanatiques là où il n’y en aurait eu aucun323 ». Tandis que
Louis Freeh, directeur du Federal Bureau of Investigation
(FBI) déclarait qu’après ces frappes « il y aura[it]
probablement plus d’attaques [terroristes] et plus de
morts324 ».
Rapidement oubliés en Occident, ces bombardements
indiscriminés, menés à grande distance, sans permettre de
parade et sans que leurs auteurs ne s’exposent
physiquement, ont été perçus comme un acte de lâcheté :
Les attaques [de 1998] n’ont pas amélioré l’image de
l’Amérique auprès des moudjahidines que j’ai interviewés,
qui décrivent les missiles Tomahawk comme des armes de
lâches, qui ont trop peur de risquer leur vie au combat ou
de regarder leur ennemi dans les yeux325.
Elles fourniront aux djihadistes le motif et le modèle
pour le « 9/11 », qu’ils considèrent comme « la plus
grande opération spéciale de tous les temps326 ». En effet,
le 6 août 2001, une note de la CIA adressée au président
Bush327 et intitulée Bin Laden déterminé à frapper aux
États-Unis indiquait qu’un attentat se préparait en réponse
aux frappes d’août 1998328.
Comme vingt ans plus tard en France, en minimisant les
conséquences des frappes « aveugles » de 1998 on a
faussé la lecture du terrorisme djihadiste en le faisant
apparaître comme un projet hégémonique, irrationnel et
totalement indépendant de nos actions au Proche- et
Moyen-Orient. On a ainsi ouvert la porte aux théories les
plus fantaisistes.
Les États-Unis – et les autres pays occidentaux qui les
imitent – n’ont pas compris qu’ils sont déjà prisonniers
d’une logique asymétrique. Leur démonstration de force
n’a montré que leur faiblesse aux yeux des islamistes : a)
en manifestant le fait qu’ils n’étaient pas disposés à mettre
en jeu leurs combattants (l’échec somalien est encore
proche) b) parce qu’ils n’avaient pas été capables de
savoir d’où « venaient les coups » et c) parce qu’ils
n’avaient pas pu reconnaître leur erreur. Sans même
mentionner qu’en frappant de manière aveugle des
populations civiles, l’Occident se place dans la même
posture que les terroristes qu’ils veulent combattre. Les
terroristes ont ainsi beau jeu de dénoncer leur non-respect
du droit international : ils s’ingèrent dans les affaires
intérieures des pays ; ils les attaquent sans mandat
international ni raison valable ; ils tentent de s’approprier
des richesses naturelles par la force ; ils pratiquent la
torture, commettent des crimes de guerre et enferment
ceux qui les dénoncent (comme Julian Assange)… Qui
sème le vent récolte la tempête…
5.2. « Le but du terrorisme est juste ça, terroriser
les gens329 »
Les interventions occidentales en Afghanistan et Irak
en 2001 et 2003 apportent une rationalité concrète au
combat des djihadistes. Elles leur offrent une cohérence
stratégique, en plaçant le terrorisme dans une logique de
résistance armée à des invasions clairement illégales et
illégitimes.
Un mois avant le début de la guerre en Irak, le Joint
Intelligence Committee (JIC) britannique adresse une
synthèse datée du 10 février 2003 à Tony Blair, Premier
ministre, qui affirme :
I. La menace d’Al-Qaïda augmentera dès le début de
toute action militaire contre l’Irak. Ils viseront les forces de
la coalition et d’autres intérêts occidentaux au Moyen-
Orient. Des attaques contre les intérêts occidentaux
ailleurs dans le monde sont également probables, en
particulier aux États-Unis et au Royaume-Uni, pour un
impact maximal. La menace mondiale d’autres groupes
terroristes et d’individus islamistes augmentera
considérablement.
[…]
18. Al-Qaïda et les groupes associés continueront de
représenter de loin la plus grande menace terroriste pour
les intérêts occidentaux, et cette menace sera renforcée par
une action militaire contre l’Irak. La menace plus large
émanant des terroristes islamistes augmentera également
en cas de guerre, reflétant l’intensification du sentiment
anti-américain et anti-occidental dans le monde
musulman, y compris parmi les communautés musulmanes
de l’Ouest330.
Ce rapport démontre que l’on savait qu’en s’engageant
dans cette guerre, on générerait une poussée terroriste en
Europe. L’événement charnière est l’attentat de Madrid
(11 mars 2004). L’Espagne, est alors en pleine période
électorale et la population est fortement opposée à une
participation à la guerre en Irak. Les élections amènent
l’opposition au pouvoir, qui décide le retrait d’Irak,
provoquant celui du Honduras.
Ce retrait n’a pas pour but de satisfaire les terroristes
(dont les motivations sont incomprises à ce stade), mais
l’opinion publique, opposée à la guerre avant les attentats.
En fait, les Espagnols ont été dépassés par leur lecture des
attentats et n’ont pas su dissocier l’attentat de leur retrait
dans leur communication stratégique. Involontairement,
les Espagnols ont ainsi fait du « M-11 » une source
d’inspiration pour les djihadistes, qui y voient un succès
stratégique, conceptualisé plus tard sous l’appellation
d’« opération de dissuasion331 ». Il conduira aux attentats
de Londres (7 et 21 juillet 2005)332 et – bien plus tard –
aux attentats de Paris.
C’est pourquoi en 2005, le gouvernement de Tony Blair
cherchera à « déconnecter » les attentats et tentatives
d’attentat de la guerre en Irak, et à présenter les terroristes
comme des victimes de troubles mentaux et sociaux333.
Pourtant, la vidéo de revendication de Mohammed
Siddique Khan334, explique très clairement que l’attentat
du 7 juillet est motivé par la guerre en Irak :
[…] Vos gouvernements démocratiquement élus
perpètrent continuellement des atrocités contre mon peuple
dans le monde entier. Et votre soutien pour eux vous rend
directement responsables, comme je suis directement
responsable de protéger et de venger mes frères et sœurs
musulmans.
Jusqu’à ce que nous nous sentions en sécurité, vous serez
nos cibles, et tant que vous bombarderez, gazerez,
emprisonnerez et torturerez mon peuple, nous n’arrêterons
pas ce combat.
Nous sommes en guerre et je suis un soldat. Maintenant
vous apprécierez vous aussi la réalité de la situation335
[…]
Publiée un an plus tard par la chaîne Al-Jazirah, la vidéo
d’un autre terroriste du 7 juillet 2005, Shehzad Tanweer,
reprend exactement les mêmes thèmes en s’adressant aux
Britanniques :
Vous vous demandez sans doute pourquoi vous méritez
cela. Vous êtes, vous et votre gouvernement, ceux qui,
jusqu’à ce jour, oppressez nos femmes et enfants, nos frères
et nos sœurs, de l’Est à l’Ouest, de Palestine,
d’Afghanistan, d’Irak et de Tchétchénie. Votre
gouvernement a soutenu le massacre de quelque 50 000
innocents à Fallujah […] vous êtes directement
responsables du problème de la Palestine et en Irak
jusqu’à ce jour. […] Nous sommes à 100 % engagés dans
la cause de l’Islam. Nous aimons la mort comme vous
aimez la vie. Nous vous demandons d’arrêter votre soutien
au gouvernement britannique et à la prétendue « Guerre
contre la Terreur ». Demandez-vous pourquoi des milliers
d’hommes sont prêts à donner leur vie pour la cause des
musulmans336 […]
En mars 2003, lors des débats en vue d’une intervention
en Irak, le député écossais Tam Dalyell avait interpellé le
gouvernement britannique :
Y aurait-il un moyen plus efficace d’agir comme un
sergent recruteur pour une jeune génération à travers le
monde arabe et islamique, que de jeter 600 missiles de
croisière – ou n’importe quoi d’autre – sur Bagdad et
l’Irak337 ?
La question était prémonitoire. En 2016, durant
l’enquête parlementaire sur la guerre britannique en Irak,
Mme Eliza Manningham-Buller, directrice générale du
MI5, déclare :
En 2003-2004, nous avons reçu un nombre croissant
d’informations sur des activités terroristes au Royaume-
Uni… notre implication en Irak a radicalisé – faute de
trouver un terme plus adéquat – une partie d’une
génération […] a vu notre engagement en Irak, en plus de
notre implication en Afghanistan, comme une attaque
contre l’islam338.
Questionnée à propos de l’impact de l’intervention en
Irak sur l’accroissement de la menace terroriste, elle
répond :
Je pense que nous pouvons produire des preuves en
raison de la quantité du nombre d’incidents, du nombre de
pistes, du nombre de personnes identifiées, et leur
corrélation avec l’Irak et les déclarations des individus sur
les raisons de leur implication… Je pense donc que la
réponse à votre… question : oui339.
Le 13 avril 2005, dans un rapport classifié TOP
SECRET intitulé Terrorisme international : Impact de
l’Irak, le Joint intelligence Committee britannique
constate :
I. Le conflit en Irak a exacerbé la menace du terrorisme
international et continuera à avoir un impact à long terme.
Il a renforcé la conviction des extrémistes que l’Islam est
attaqué et qu’il doit être défendu par la force. Il a renforcé
la détermination des terroristes déjà prêts à attaquer
l’Occident et motivé ceux qui ne l’étaient pas encore.
[…]
V. L’Irak constituera probablement un facteur de
motivation important pendant encore un certain temps
dans la radicalisation des musulmans britanniques et pour
les extrémistes qui considèrent qu’attaquer le Royaume-
Uni est légitime340.
De fait, on observe que les récents attentats djihadistes
en Europe sont intervenus systématiquement après
l’engagement des pays concernés au sein de la coalition
internationale en Irak et en Syrie :

Premier attentat islamiste


Premier engagement armé en Irak
Pays (revendiqué par l’État
ou en Syrie
islamique)

Irak – 4 décembre 2015


Allemagne Würzburg – 18 juillet 2016
(Décision)

Sydney – 15 au
Australie Irak – octobre 2014
16 décembre 2014

Irak – septembre 2014 Verviers (plan) – 15 janvier


(Retrait en juillet 2015) 2015
Belgique
Reprise en Irak et Syrie –
janvier 2016 Bruxelles – 22 mars 2016

Irak – 7 octobre 2014 (Décision)2


Canada (voir bibliographie) Montréal – 22 octobre 2014

Copenhague – 14 au
Irak – octobre 2014 (Retrait en 15 février 2015
août 2015, puis reprise en
Danemark mars 2016)
1re frappe en Syrie – août 2016 Copenhague – 2 septembre
2016

Espagne Irak – septembre 20143 voir bibliographie) Barcelone – 17 août 2017

Finlande Irak – septembre 20144 (voir bibliographie) Turku – 18 août 2017

Irak – 19 septembre 2014 Paris – 7 au 9 janvier 2015


France
Syrie – 24 septembre 2015 Paris – 13 novembre 2015

Royaume-
Syrie – décembre 20155 voir bibliographie) Londres – 22 mars 2017
Uni
Suède Irak – août 2014 Stockholm – 7 avril 2017

Tableau 3- Causalité entre les engagements armés au Proche- et Moyen-


Orient et les actes terroristes

Ainsi, on sait que les interventions occidentales répétées


contre des pays musulmans créent le sentiment d’une
croisade contre l’Islam. Pourtant, en France, l’idée d’une
causalité entre les actions militaires et les actes terroristes
est vue comme complotiste, comme tente de le démontrer
le documentaire Complotisme : les alibis de la terreur
réalisé par France 3 en 2018341. Le psychiatre Serge
Hefez va même plus loin en évoquant le concept
fantaisiste de « djihad ancestral342 ». On y prétend
également que « l’argument de la légitime défense est au
cœur du discours que tiennent les terroristes sur leurs
propres actions343 ». S’il est vrai que des exécutants,
comme Chérif Kouachi le 9 janvier 2015, affirment agir
par « vengeance », ce n’est pas le cas des théoriciens du
djihad et les publications de l’État islamique, qui réfutent
la « légitime défense » (pour des raisons assez confuses, il
est vrai)344 : leur but est de nous dissuader d’intervenir.
Mais l’Occident a adopté la rhétorique israélienne qui
ôte toute raison au terrorisme, autre que la haine de
l’Occident et de ses libertés, et en fait un phénomène
inéluctable. Il en résulte une forme de négationnisme, dont
l’effet pervers est de nous empêcher de traiter le
terrorisme de manière stratégique. Ainsi, le « 9/11 » a été
perçu comme le début d’une nouvelle guerre. C’était
évidemment faux. Les djihadistes le voient comme une
bataille d’une guerre que les Occidentaux avaient
commencée bien plus tôt :
Le 9/11 n’était ni le début d’une guerre entre les
musulmans et l’Occident ni la fin. C’était simplement un
épisode d’une longue guerre345 […]
À quelques mots près, c’est exactement l’explication
que l’auteur avait donnée à la télévision suisse le
12 septembre 2001… Les actes terroristes s’inscrivent
toujours dans un processus logique, « ne tombent pas du
ciel » et sont fondamentalement prévisibles. Certes, leurs
aspects tactiques (le lieu, le mode d’action, l’objectif
opérationnel, etc.) restent difficiles à anticiper, mais il est
possible de prévoir le déclenchement d’une campagne
d’attentats. Selon Michael Scheuer, ex-chef de l’unité
responsable de la traque d’Oussama ben Laden (OBL) de
1996 à 1999, nos guerres sont la véritable cause du
terrorisme islamiste346.
D’ailleurs, indirectement nous le reconnaissons : c’est la
principale raison pour laquelle les États-Unis déploient
des efforts considérables pour créer des coalitions
internationales. Leur but n’est pas d’avoir de l’aide (car ils
y jouent le rôle principal et paient souvent leurs
partenaires très cher pour obtenir leur participation), mais
de diluer sur l’ensemble des membres de la coalition la
menace terroriste qui résulterait de ces engagements.
Penser que des individus décident de se sacrifier
simplement pour « diviser la France » ou « juste pour
terroriser » relève du nombrilisme, de la naïveté et de la
sottise. En réalité, nous avons adapté à nos situations le
discours israélien, qui place le terrorisme dans une fatalité
qui exclut toute remise en question de nos politiques et de
nos décisions. La conséquence est que – comme Israël –
nous ne traitons pas le terrorisme de manière stratégique
et nous nous limitons au niveau opérationnel. En d’autres
termes, nous lui laissons l’initiative.
5.3. « Les États-Unis ont créé Al-Qaïda »
L’affirmation que les États-Unis ont créé « Al-Qaïda »
est à la fois juste et fausse. Si l’on pense qu’ils ont créé et
financé clandestinement une organisation pour mener des
attentats à travers le monde, alors c’est faux. L’aveu
d’Hillary Clinton sur FOX News et CNN347, souvent
évoqué comme preuve, est un miroir aux alouettes. En
revanche, par ignorance, incompétence et stupidité, ils ont
créé un contexte propice au développement d’une
idéologie djihadiste : « Al-Qaïda » n’est pas le résultat
d’un calcul machiavélique – comme le prétendent les
complotistes – mais d’une manière de faire la guerre
comme il y a un siècle, sans la comprendre.
Après la défaite irakienne de 1991, le stationnement des
forces américaines en Arabie Saoudite inquiète les
autorités saoudiennes, car il alimente une opposition
radicale qui commence à menacer le régime. Pour les
fondamentalistes, le territoire saoudien est considéré
comme sacré, et la présence américaine est considérée
comme une provocation.
OBL est la personnalité la plus médiatisée de cette
tendance et jouera le rôle de « paratonnerre ». En
juin 1996, il est expulsé du Soudan sous la pression des
États-Unis. Il se réfugie en Afghanistan, dans la région de
Kandahar, où il poursuit sa lutte contre la présence
américaine en Arabie Saoudite. Au début 1998, il crée un
mouvement, nommé Front islamique mondial pour le
combat contre les Juifs et les Croisés (Al-Jabhah al-
Islamiya al-‘Alamiyah li-Qital al-Yahud wal-Salibiyyin),
qui regroupe plusieurs groupes djihadistes.
Ses motivations sont énoncées dans une déclaration
(« fatwa ») du 23 février 1998, qui constitue la base
doctrinale de ce que l’on appellera plus tard « Al-Qaïda ».
Les attentats attribués à OBL qui suivront montreront une
grande cohérence stratégique avec cette déclaration, d’où
l’on pouvait déjà dégager les principales revendications
des djihadistes à venir :
- le retrait de la présence américaine du territoire de
l’Arabie saoudite (car des non-croyants ne sauraient
occuper tout ou partie de la terre sacrée d’Arabie) ;
- la levée de l’embargo contre l’Irak, car il est alors
considéré comme une manifestation de l’arrogance
occidentale contre un pays musulman (il ne s’agit pas de
soutenir Saddam Hussein, considéré comme un « traître »
en raison de sa laïcité) ;
- la cessation du soutien à l’État d’Israël, car il est vu
comme un outil pour diviser la nation arabe. (Référence
au plan Yinon, retravaillé par un think tank américain au
profit de Benjamin Netanyahu en 1996, publié sous le titre
A Clean Break348, et qui appelle au morcellement du
Moyen-Orient. Nous y reviendrons).
On n’y trouve ni ambition mondiale d’extension de
l’Islam, ni Califat, ni guerre sainte contre la chrétienté
dans le monde, ni contre le monde occidental, mais
uniquement la résistance contre une présence américaine
au Moyen-Orient, perçue comme envahissante, arrogante
et déstabilisante. Le message était simple, clair et
cohérent, mais il a été volontairement dévoyé dans les
pays occidentaux, afin de cacher les erreurs stratégiques
de leurs interventions.
L’appellation « Al-Qaïda » (qu’OBÉI lui-même n’a
jamais revendiquée) pour décrire cette mouvance
djihadiste naissante, a été créée par les autorités
américaines349. Ni complot ni calcul machiavélique ici,
mais un simple artifice juridique. En janvier 2001, alors
qu’ils s’apprêtaient à juger les auteurs de l’attentat de
février 1993 contre le World Trade Center (WTC), les
États-Unis n’avaient pas de législation antiterroriste. Le
seul instrument disponible était la loi contre la criminalité
organisée (RICO Act350), qui permettait de mettre en
accusation les commanditaires d’actes criminels à
l’étranger, mais seulement si leur organisation avait un
nom351. Or, les protagonistes de l’attentat de 1993
n’avaient pas agi dans le cadre d’une organisation
connue352. Mais on leur prêtait des liens – qui n’ont
jamais été démontrés par la suite – avec OBL. Les juristes
américains ont donc simplement imaginé qu’OBL
conduisait une organisation, qu’ils ont baptisée
arbitrairement du surnom de son ancienne base afghane
(al‐qa’ïda al‐‘askariyya) : « Al-Qaïda353 ».
En 1996, la CIA crée une unité spéciale pour traquer
OBL, la « Ben Laden Issue Station » (et non « Al-Qaïda
Station » !) qui sera démantelée à la fin 2005354. Son chef,
Michael Scheuer, confirme qu’« Al-Qaïda » n’a jamais
existé, mais qu’elle est une manière simple et facilement
compréhensible pour le public de désigner les terroristes
islamistes355. Cette origine obscure a été exploitée par les
complotistes de tous bords. Certains l’ont interprétée
comme la preuve qu’« Al-Qaïda » était une création de la
CIA pour quelque obscur complot, ce qui est faux ; tandis
que d’autres se sont appuyés sur cette « théorie du
complot » pour affirmer qu’il existe une organisation « Al-
Qaïda », ce qui est complotiste et tout aussi faux.
L’appellation d’« Al-Qaïda » a été tellement utilisée en
Occident, qu’elle est devenue un symbole du djihadisme
et un véritable « label », revendiqué ensuite peu à peu par
certains groupes terroristes, plus pour des raisons de
« branding » que d’appartenance structurelle. Ainsi, à
partir de 2005, se généralise l’usage de l’expression
« Qaïdat al-Djihad » (Base du djihad) dans divers pays
pour désigner un noyau de résistance armée. Les
dénominations comme « Al-Qaïda au Maghreb
islamique » (AQMI) ou « Al-Qaïda dans la péninsule
arabique » (AQPA) sont des traductions inexactes,
véhiculées par les pays occidentaux, pour accréditer
l’existence d’une multinationale de la terreur avec ses
« filiales ». Leurs noms réels respectifs sont « Qaïdat al-
Jihad fi’l-Maghrib al-Islamiy – Base du djihad dans le
Maghreb islamique » et « Qaïdat al-Jihad fi’l-Jazirah al-
Arrabiyyah – Base du djihad dans la péninsule arabique »,
qui n’impliquent aucune relation fonctionnelle avec une
structure centrale à l’existence hypothétique356. On a parlé
de « franchises », voire affirmé qu’OBL aurait « perdu la
maîtrise de l’organisation Al-Qaïda357 ». Mais en réalité,
on n’en savait rien. Les documents retrouvés à
Abbottabad lors du raid américain pour éliminer OBL, en
2011, ont montré l’absence de liens fonctionnels ou
structurels entre OBL et les divers groupes djihadistes358.
Pour masquer le fait que nos interventions militaires ont
créé le terrorisme djihadiste, il a fallu littéralement
inventer une organisation tentaculaire aux ambitions
mondiales et inscrites dans le Coran. C’est faux. On a
ainsi perdu une énergie précieuse à chercher des structures
de commandement qui n’existaient pas. Sans comprendre
la genèse, le fonctionnement, la logique et les motivations
du terrorisme, nous n’avons pas pu mettre en place des
stratégies pour le maîtriser. Nous y réagissons de manière
émotionnelle, sans réflexion et sans stratégie : exactement
comme le souhaitent les terroristes. C’est pourquoi le
terrorisme n’a fait que croître, sans qu’aucune guerre ni
aucune technologie ne l’aient stoppé. Nous y avons même
sacrifié (inutilement) les valeurs qui font la grandeur de la
démocratie, comme la liberté individuelle, le droit à la vie
privée, ou la liberté d’expression.
5.4. « Ben Laden est responsable des attentats
du 11 septembre 2001 »
Dans leur émission sur les « mécanismes du
complotisme » sur France-Culture, afin de démontrer que
les thèses alternatives sont complotistes, Roman Bronstein
et Rudy Reichstadt affirment que le « 9/11 » a été
« revendiqué par Al-Qaïda » et « orchestré par Oussama
ben Laden359 ». C’est faux. Depuis 2001, des centaines
d’« experts » soudainement devenus spécialistes en
terrorisme et en renseignement continuent à tenir OBL
pour responsable des attentats. Et pourtant…
Si effectivement, au lendemain des attentats, il
apparaissait que des émules d’OBL étaient les coupables
les plus probables, aucun élément n’est venu confirmer
qu’ils appartenaient à une organisation (« Al-Qaïda ») et
qu’OBL aurait planifié et donné les ordres.
Le 12 septembre 2001, Lord Robertson, secrétaire
général de l’Otan, annonce que – pour la première fois
depuis 1949 – le Conseil de l’Atlantique Nord (CAN) est
prêt à invoquer l’article 5 de sa Charte « s’il est établi que
cette attaque était dirigée depuis l’étranger contre les
États-Unis »360. Il stipule qu’« […] une attaque armée
contre l’une ou plusieurs d’entre elles […] sera
considérée comme une attaque dirigée contre toutes les
parties […] » et autorise l’usage de la force dans le cadre
de l’article 51 de la Charte des Nations unies sur la
légitime défense. Cet article avait été établi pour le cas où
un membre de l’Alliance aurait été victime d’une
agression par un autre État. Mais en 2001, il s’agissait
d’intervenir contre un État, pour répondre à une agression
menée par des individus de nationalité saoudienne, qui
avaient préparé leurs attentats en Allemagne et aux États-
Unis, et dont les liens avec le gouvernement afghan
n’étaient que supposés. Dans cette logique, on aurait tout
aussi bien pu attaquer l’Allemagne ou l’Arabie Saoudite !
Pourtant, à ce stade, rien ne démontre que les attentats
ont été décidés ou dirigés par OBL ou une organisation.
L’explication ne viendra que le 2 octobre 2001. Ce jour-là,
l’ambassadeur Frank Taylor, coordinateur pour le Contre-
terrorisme auprès du département d’État américain,
« briefe » les membres du CAN sur la base d’un câble
SECRET daté du 1er octobre 2001, adressé à toutes les
représentations américaines et dont le contenu ne pouvait
être diffusé que par oral. Lord Robertson en reprend
intégralement un passage dans son communiqué à la
presse, pour justifier la décision d’appliquer l’article 5 de
la Charte361 :
Les faits sont clairs et convaincants. Les informations
présentées mettent en évidence un rôle d’Al-Qaïda dans les
attentats du 11 Septembre. Nous savons que les auteurs de
ces attaques faisaient partie du réseau terroriste mondial
d’Al-Qaïda, dirigé par Oussama ben Laden et ses
principaux lieutenants et protégé par les Taliban362.
Ce n’est qu’en 2009 que ce document sera discrètement
publié par Intelwire363. Comme on pouvait s’y attendre, il
n’apporte aucun élément concret sur l’implication de
l’Afghanistan ou d’OBL, mais uniquement des
conjectures et de vagues extrapolations. D’ailleurs, la
partie III, censée démontrer les liens entre les attentats et
« Al-Qaïda », commence par préciser que « l’enquête sur
ces attaques en est encore à son début » et qu’« il y a
encore des lacunes dans notre connaissance ». Il
n’apporte aucune preuve factuelle, mais uniquement des
éléments circonstanciels. Ainsi, il constate que les
attentats présentent des similitudes avec les attentats
précédents en raison de leur « planification méticuleuse, le
désir d’infliger des pertes massives (y compris des non-
Américains) et des attaques suicide multiples ».
C’est maigre, mais cela suffit à invoquer l’article 5 de la
Charte Atlantique et à s’engager en Afghanistan, dans le
conflit qui sera le plus long de l’histoire américaine.
Comment les membres de l’Alliance ont-ils pu accepter
des affirmations aussi simplistes sur un faisceau d’indices
aussi ténu reste un mystère. L’explication réside
certainement dans l’émotion du moment, mais aussi dans
la sottise et la servilité des gouvernements, ainsi que dans
la faiblesse de leurs services de renseignement, qui
n’avaient aucune visibilité sur le terrorisme djihadiste !
Nous n’avons pas beaucoup évolué depuis.
Dans les faits, nous savons qui a exécuté les
détournements d’avions, mais pas si quelqu’un ou qui leur
a donné l’ordre de le faire. Encore aujourd’hui, la
responsabilité d’OBL n’est qu’une hypothèse. Le
16 septembre 2001, il affirme dans un communiqué :
Après les dernières explosions aux États-Unis, des
Américains me désignent, mais je le nie parce que je ne l’ai
pas fait… Encore une fois, je répète que je ne l’ai pas
fait364…
Naturellement, on peut supposer qu’il tente de se
disculper. Mais dans quel but ? En fait, on a tout lieu de le
croire. Premièrement, parce que la raison d’être du
terrorisme est que ses actions et ses objectifs soient
connus : il s’agit de faire pression pour obtenir quelque
chose. Deuxièmement, parce que le fait d’assumer un acte
(violent ou non) fait partie de l’essence même de la notion
de djihad, puisqu’on est prêt à lui sacrifier sa vie. C’est
d’ailleurs pour cette raison que la plupart des attentats
djihadistes sont « sur-revendiqués » et que certains
terroristes s’attribuent même des attentats dans lesquels ils
n’ont jamais été impliqués365.
D’ailleurs, OBL n’a jamais été formellement mis en
accusation ou inculpé pour le « 9/11 »366. Tout
simplement parce qu’il n’y a aucun élément factuel qui le
lie à cet attentat. C’est pourquoi l’avis de recherche –
publié par le FBI et révisé en novembre 2001 – ne
mentionne pas ce chef d’accusation367.
En avril 2002, Robert Mueller, alors directeur du FBI,
déclare :
Au cours de notre enquête, nous n’avons pas découvert le
moindre morceau de papier – ni aux États-Unis ni dans le
trésor d’informations trouvé en Afghanistan et ailleurs –
mentionnant un quelconque aspect du complot du
11 Septembre368.
En juin 2006, Rex Tomb, chef des relations publiques du
FBI, confirme :
La raison pour laquelle le « 9/11 » n’est pas mentionné
sur l’avis de recherche d’Oussama ben Laden, est que le
FBI n’a aucune preuve qui relie Ben Laden au « 9/11 »369.
La preuve la plus souvent évoquée de sa responsabilité
pour le « 9/11 » est son « aveu » enregistré sur une vidéo
tournée le 9 novembre 2001 et « trouvée » à Jalalabad, le
13 décembre. Une deuxième vidéo, publiée le
27 décembre – apparemment tournée le 19 novembre –
montre un OBL différent, dont la barbe a blanchi (en 10
jours !). Or, ces vidéos, et plusieurs autres qui ont suivi
étaient des impostures, produites par la CIA américaine
afin de le discréditer (y compris de le faire passer pour
homosexuel), ainsi que l’ont admis en 2010 leurs
« auteurs »370.
Tirer la conclusion que le « 9/11 » serait le fruit d’un
complot ourdi par la CIA (ou autre) est très certainement
faux. Mais il nous faut admettre que, contrairement aux
apparences, nous ne savons pas grand-chose de la genèse
du « 9/11 ». La version la plus probable est que les 19
terroristes – avec peut-être d’autres complices encore
inconnus – ont organisé et exécuté ces attentats de leur
propre chef. Ils étaient certainement inspirés par un
militantisme djihadiste et animés par la vengeance des
frappes d’août 1998 contre des populations civiles
innocentes, mais rien ne démontre qu’ils ont été associés à
une organisation centrale. En revanche, comme quinze ans
plus tard avec l’État islamique, la réponse désordonnée et
tactique des Occidentaux a fait d’« Al-Qaïda » un mythe
et une référence pour les attentats à venir.
5.5. « Les attentats du 11 septembre 2001 ont été
organisés par Israël »
La dimension dramatique du « 9/11 » a suggéré que les
attentats avaient fait l’objet d’une planification
sophistiquée de la part d’une organisation puissante. « Al-
Qaïda » est immédiatement « identifiée », mais quelques
éléments, passés discrètement sur les médias, jettent des
soupçons sur Israël. Certains, comme le renouvellement
du contrat d’assurance du World Trade Center (WTC) en
juin 2001 par Larry Silverstein, son nouvel acquéreur,
sont possibles, mais peu probables ; d’autres relèvent de la
rumeur, comme le fait que le personnel juif des tours
aurait été informé à l’avance et ne serait pas allé au travail
ce jour-là. On évoque également des anomalies boursières
juste avant les attentats, mais elles ont été (au moins
partiellement) expliquées par la commission d’enquête du
Congrès371 et ne constituent pas une « preuve »
d’implication.
Comme dans les théories complotistes, on part de la
conclusion et on cherche les éléments qui la corroborent.
Ainsi, l’idée que les attentats ne pouvaient bénéficier qu’à
Israël s’est assez largement construite autour d’une
déclaration de Benjamin Netanyahu, à propos de leur
impact sur les relations israélo-américaines :
C’est très bon… Enfin… Ce n’est pas très bien, mais cela
va générer une sympathie immédiate [pour Israël]372.
D’une part, on ne voit pas quel objectif pourrait justifier
le risque pour Israël de compromettre ses liens avec les
États-Unis. D’autre part, avec le Hezbollah, le Hamas,
l’Iran et la Syrie, l’État hébreu a largement de quoi
conserver le soutien des États-Unis, sans imaginer des
attentats spectaculaires !
Néanmoins, un certain nombre de faits interpellent. Il en
est ainsi des cinq citoyens israéliens, positionnés dans un
parking du New Jersey à 8 heures du matin déjà, qui ont
observé et photographié l’attentat contre le World Trade
Center en « dansant », se félicitant et échangeant des
« high-five373 ». Interpellés le même jour, la police
établira qu’ils étaient venus reconnaître l’emplacement la
veille et que deux d’entre eux figuraient sur la liste
commune de la CIA et du FBI des agents du Mossad
israélien. Un officiel du renseignement américain
affirmera au journal The Forward, qu’ils étaient
considérés en mission pour les services israéliens374.
Après 71 jours de détention et un accord avec Israël, ils
seront expulsés du territoire américain. Quelques
semaines plus tard, ils confesseront sur la télévision
israélienne qu’ils avaient été envoyés à New York afin de
« documenter l’événement375 », suggérant qu’Israël était
au courant des préparatifs d’un attentat.
Dans les jours qui ont suivi les attentats, plus de 60
citoyens israéliens vivant aux États-Unis ont été
interpellés par le FBI. Parmi eux, des militaires actifs et
des individus qui avaient failli au test du détecteur de
mensonges à propos d’activités d’espionnage. Mais rien
ne permet d’affirmer qu’ils étaient impliqués dans les
attentats376.
En janvier 2014, le département de la Justice avait
affirmé que les 76 photos prises par les Israéliens avaient
été détruites. Mais, le 7 mai 2019, le FBI en publie 14, en
vertu du Freedom of Information Act (FOIA)377. Elles
sont fortement caviardées : bien que les visages soient
déjà connus, ils sont masqués afin que l’on ne voie pas
leur expression, que le rapport du FBI décrivait comme
« visiblement joyeuse378 ».
Il est ainsi très probable que les Israéliens aient eu
connaissance d’un attentat possible à New York le
11 Septembre, mais qu’ils en ignoraient les détails. Ce qui
expliquerait pourquoi ils auraient envoyé des agents pour
le « documenter ». Dans cette hypothèse, il n’est pas
impensable que l’information puisse avoir « transpiré »
dans certains milieux d’affaires juifs new-yorkais, même
si aucune indication concrète ne le confirme. Quant à la
question de savoir si les Israéliens en ont informé leurs
homologues américains, elle reste ouverte. Selon The
Telegraph, Israël aurait envoyé deux agents à Washington
en août 2001 pour en discuter, mais cela n’est pas
confirmé du côté américain379.
Ceci étant, un certain cynisme de la part d’Israël n’aurait
pas été nouveau. En 1954, les Israéliens avaient conduit
une série d’attentats terroristes contre leurs alliés
occidentaux en Égypte, afin de les pousser à s’engager au
Proche-Orient (« Affaire Lavon380 »). En 1982, selon des
sources de renseignement, l’attentat de la rue des Rosiers
à Paris du 9 août (le seul attentat qui n’a jamais été
revendiqué par une organisation palestinienne) aurait eu
pour objectif de recréer une unité autour d’Israël, dont les
opérations de « nettoyage » à Beyrouth menaçaient le
soutien de la communauté juive américaine381. En 1983,
selon Victor Ostrovsky, ex-officier du Mossad, les
services israéliens avaient délibérément caché aux
Américains des informations sur les préparatifs de
l’attentat du 23 octobre à Beyrouth, afin de les inciter à
s’impliquer davantage au Liban382.
5.6. « Complotisme – Les alibis de la terreur383 »
En janvier 2018, France 3 diffuse un documentaire
intitulé Complotisme, les alibis de la terreur384, son
propos est d’infirmer les justifications qui placent le
terrorisme djihadiste comme une réponse à un complot
antimusulman. En fait, il démonte deux théories
complotistes :
-l’idée que les actes terroristes sont montés de toutes
pièces par des services occidentaux ;
l’idée que les actes terroristes sont une réponse à un
-
complot judéo-croisé contre l’islam.
… Pour en créer une troisième : l’idée que les actes
terroristes sont l’expression d’une volonté d’islamiser le
monde. À cet effet, le reportage part d’une falsification
fondamentale qui fait du terrorisme une doctrine à part
entière, comme le totalitarisme385, en lui prêtant des
attributs à caractère messianique, complotiste et
apocalyptique « greffés dans la tradition de l’Islam386 ».
C’est faux et intellectuellement peu honnête.
5.6.1. « Les actes terroristes sont organisés par les services
de sécurité »
Le documentaire évoque les théories, parfois
romanesques, qui courent sur le « 9/11 », l’affaire
Mohammed Merah en mars 2012, les attentats de
janvier 2015 à Paris et l’attentat de Strasbourg en
décembre 2018. Disons-le tout de suite : malgré une
gestion de crise parfois étrange, rien n’indique que des
services secrets occidentaux aient été impliqués dans leur
déroulement. Tous entrent dans la logique djihadiste, et
certains ont même fait l’objet d’une analyse après action
par les terroristes eux-mêmes.
Ceci étant, l’idée que des attentats aient été « inspirés »
ou « provoqués » par les services de sécurité n’est pas
incongrue. Une étude de Human Rights Watch de 2014387
constate que les principales opérations terroristes mises à
jour aux États-Unis impliquent des agents du
gouvernement388 ! Jusqu’en 2012, sur 22 tentatives
d’attentat jugées aux États-Unis, 14 – soit deux tiers –
avaient été « provoquées » par le FBI389 !
Développée pour lutter contre la criminalité organisée,
cette pratique (« sting operation ») consiste à infiltrer des
agents et inciter des criminels potentiels à accomplir des
actes illégaux afin de les prendre « la main dans le sac ».
Il s’agit donc de « faire sortir du bois » des terroristes
potentiels, et non de déstabiliser l’État comme le sous-
entendent les théories « complotistes ».
Pratiquée par plusieurs pays occidentaux – dont la
France – c’est essentiellement une dérive bureaucratique
destinée à présenter des résultats, animée par une
mentalité qui place la sécurité au-dessus de l’État de droit.
Elle est hautement discutable au plan moral, éthique et
juridique. Car ce que Conspiracy Watch occulte est qu’elle
a conduit en prison des individus relativement simples
d’esprit, souvent sans emploi, qui n’avaient – à l’origine –
aucune intention de mener des actions violentes, qui
n’avaient aucune aspiration politique ni les contacts pour
monter des attentats et qui ne constituaient aucune menace
pour la sécurité nationale, simplement appâtés par des
sommes allant jusqu’à 250 000 dollars390.
Deux problèmes affectent les services de sécurité. Le
premier est leur mauvaise compréhension du terrorisme
djihadiste, qui les conduit à le traiter comme un acte
criminel « normal » (symétrique). Le second est que
l’éthique tend à s’effacer devant les logiques
bureaucratiques. On cherche plus à « faire du chiffre »
qu’à améliorer la sécurité391. Ainsi, aux États-Unis, une
agente du FBI infiltrée dans un groupe d’activistes
pacifistes, n’ayant pas découvert de projet terroriste a
décidé d’en créer un en tentant de pousser le groupe à
envoyer de l’argent au Front populaire pour la Libération
de la Palestine (FPLP) et aux Forces armées
révolutionnaires colombiennes (FARC)392.
Ceci étant, on constate une claire volonté de la part des
instances sécuritaires de surévaluer la menace terroriste
afin d’étendre leurs droits et privilèges, même au prix de
miner la confiance envers les autorités393.
5.6.2. « Les actes terroristes sont une réponse à un complot
judéo-croisé contre l’islam »
On tente d’expliquer que le terrorisme djihadiste n’a
aucun fondement rationnel et est lié à une paranoïa
inhérente à l’islam. Dans le documentaire de France 3,
Serge Hefez, psychiatre, parle même d’un « djihad
ancestral394 ». Le concept est fantaisiste, mais permet de
présenter le terrorisme comme inéluctable et lié à la nature
même de l’islam.
Il est vrai que les publications de l’État islamique
glorifient les héros de l’époque des Croisades et donnent
une image romanesque de leur combat. Les djihadistes en
tirent un parallèle avec le monde actuel et évoquent
volontiers un « complot croisé ». À leur décharge, il faut
admettre que les mensonges manifestes et l’absence de
motifs réels et valides pour intervenir en Afghanistan, en
Irak ou en Libye tendent à conforter ce discours. Le
langage de ceux mêmes qui les ont déclenchées ne laisse
pas de place au doute :
Le président Bush a juré dimanche « de débarrasser le
monde des malfaisants », et a averti : « Cette croisade,
cette guerre contre le terrorisme, prendra du temps395. »
Or ce n’est pas une simple erreur de vocabulaire ! En
juin 2003, à Charm el-Cheikh, George W. Bush, déclare à
une délégation palestinienne :
Je suis guidé par une mission de Dieu. Dieu m’a dit,
George, va et combat ces terroristes en Afghanistan. Et je
l’ai fait. Alors Dieu m’a dit, George, va et met une fin à
cette tyrannie en Irak. Et je l’ai fait.
En 2009, on apprenait que Donald Rumsfeld, secrétaire
à la Défense, émaillait régulièrement ses messages aux
troupes en Irak de citations bibliques ; une pratique qui lui
avait été soufflée par le major général Glen D. Shaffer,
alors directeur du Renseignement militaire (J2)396.
Quant à Tony Blair, John Burton, qui a travaillé vingt-
quatre ans avec lui, révélait :
La foi chrétienne de Tony fait partie de lui, jusqu’à ses
chaussettes en coton. À l’époque, il était fermement
convaincu que l’intervention au Kosovo, en Sierra Leone
et aussi en Irak faisait partie d’un combat chrétien. Le bien
doit vaincre le mal et rendre la vie meilleure397.
M. Erik Prince, fondateur et directeur de la compagnie
de sécurité privée « Blackwater », qui exécutait les basses
œuvres de l’armée américaine en Irak, et inculpé – mais
jamais condamné – pour les meurtres causés par ses
employés, se déclarait lui-même être un « croisé chrétien
chargé d’éliminer les musulmans et la foi musulmane de
la surface du globe398 ».
Cette notion de « croisade » est relayée au sein des
forces armées américaines par des organisations comme
l’Officer’s Christian Fellowship (OCF) qui rassemble
quelque 17 000 officiers supérieurs et dont le chef, le
lieutenant général Bruce Fister, définit les forces
américaines comme des « ambassadeurs du Christ en
uniforme399 ». Une idée relayée par le lieutenant général
Jerry Boykin, vice-sous-secrétaire à la Défense, qui pense
que George Bush a été choisi par Dieu pour combattre le
terrorisme :
Notre ennemi spirituel sera vaincu seulement si nous
allons le combattre au nom de Jésus400.
En 2011, le Joint Forces Staff College de Norfolk a
même proposé un cours sur la « guerre totale contre
l’Islam », qui soulignait l’invalidité des conventions de
Genève dans ce contexte et préconisait la destruction de
villes comme Médine et La Mecque avec l’arme
nucléaire401. Préparé avec l’aide d’un cabinet de
consultants proches du parti républicain – le Strategic
Engagement Group – le cours a finalement été retiré du
programme en avril 2012, après des plaintes d’élèves402.
En avril, lors d’un séminaire du FBI sur la lutte contre le
terrorisme, un intervenant affirme que combattre « Al-
Qaïda » est une perte de temps et qu’il faut viser l’islam
dans son ensemble403.
Les forces spéciales américaines recrutaient des
volontaires pour l’Irak avec le slogan « Une mission pour
Dieu et pour le Pays404 ». C’est sur l’intervention
d’organisations religieuses modérées, que le Pentagone a
arrêté la distribution de « Paquets de la Liberté » destinés
aux troupes déployées en Irak : des bibles, du matériel de
propagande religieuse en anglais et en arabe, et un jeu
millénariste (« Left Behind : Eternal Forces ») qui met en
scène des « Soldats du Christ 405 ». La firme Trijicon, qui
fournit des dispositifs de visée pour les fusils d’assaut, a
gravé sur les viseurs ACOG fournis à l’armée américaine
des références aux évangiles ; au point qu’en Afghanistan,
ils ont été surnommés « fusils de Jésus »406 !
La perception d’un complot « judéo-croisé » est
évidemment accentuée par des individus comme Bernard-
Henri Lévy, lorsqu’il affirme à propos de la Libye :
« C’est en tant que juif que j’ai participé à cette aventure
politique407 ». Une déclaration à laquelle fait écho Mike
Pompeo qui juge « possible » le fait que Trump ait été
choisi par Dieu pour « aider à sauver le peuple juif de la
menace iranienne408 » !
Évidemment, le reportage de France 3 ne mentionne
rien de tout cela. Pourtant, si l’idée d’un complot est
certainement fausse, le fait que ceux qui ont déclenché les
guerres du Moyen-Orient avaient une Croisade en tête
correspond à une réalité. Dans tous les cas, nous n’avons
jamais mis en place des politiques et une communication
qui puissent conduire à une autre interprétation :
L’empereur des Romains à notre époque, Bush, l’a
annoncé à plusieurs reprises : c’est une guerre de
croisades409.
En filigrane, le reportage de France 3 montre que cette
théorie du complot découle de notre refus de fournir une
explication rationnelle et cohérente au terrorisme. En fait,
il épouse la même rhétorique que le gouvernement
israélien à l’égard des Palestiniens : l’antisémitisme est le
principal moteur du terrorisme djihadiste. C’est tout
simplement faux. Les djihadistes sont très
vraisemblablement antisémites, mais cela ne les empêche
pas de coopérer avec Israël contre le gouvernement syrien.
D’ailleurs, Israël ne perçoit pas l’État islamique comme sa
principale menace, comme nous le verrons.
L’antisémitisme n’est ni une cause ni un déclencheur du
terrorisme djihadiste, même s’il intervient dans le choix
de ses cibles.
En n’ayant jamais été capables d’expliquer nos
interventions militaires en Afghanistan, en Irak, en Syrie
et en Libye, autrement qu’avec des mensonges démontrés,
nous avons créé nous-mêmes la perception d’un complot.
À ceci s’ajoute que ces interventions ne respectent pas le
droit international. Dès lors, comment imaginer que la
communauté musulmane puisse avoir confiance dans
notre bonne foi ? En refusant de comprendre les vraies
raisons qui animent les terroristes, on ne fait que leur
faciliter la tâche…
5.6.3. « Les actes terroristes sont l’expression d’une volonté
d’islamiser le monde »
Le reportage de France 3 reprend une théorie du
complot fréquente, qui place l’antisémitisme et la volonté
d’imposer un ordre islamique mondial au centre de la
détermination des djihadistes :
Un monde où le djihadisme tue tous les jours, rongeant
les bases de nos sociétés ouvertes et démocratiques. Des
assassins qui haïssent nos libertés et qui veulent nous
contraindre à changer notre manière de vivre et
d’envisager l’avenir410.
C’est une manière d’expliquer le « complotisme
djihadiste » par un autre complot et de lier le terrorisme
djihadiste à l’Holocauste411 ! Évidemment, à aucun
moment le reportage de France 3 n’évoque la perception
générée par les conflits en Palestine, en Afghanistan, en
Irak, en Libye ou en Syrie, pourtant systématiquement
évoqués dans les revendications des attentats.
La cause réelle du terrorisme djihadiste est bel et bien
l’interventionnisme occidental. Mais elle est devenue
illisible en raison d’explications assemblées de manière
fantaisiste afin de donner une autre logique à un
phénomène que l’on ne veut pas comprendre :
Fondamentalement quelle est la cause de tout ça ? (…)
Je pense qu’il y a d’autres éléments beaucoup plus
fondamentaux que l’élément assez circonstanciel que
constitue l’engagement de la France et des pays contre
Daech en Syrie et en Irak. (…) J’ai fait une étude en
profondeur sur ces causes. Il faut revenir aux
fondamentaux. On est devant des organisations qui depuis
trente ans, depuis pratiquement Abdul Azzam, ont un
agenda politique fondamental qui est celui d’abattre
l’Occident et nos valeurs. C’est une lutte contre nos
valeurs. C’est ça qui est important, parce qu’ils veulent
substituer leurs valeurs aux nôtres. (…) Aujourd’hui, ce
qu’ils veulent abattre, c’est la démocratie. C’est
incontestable. Parce qu’ils ne peuvent pas l’accepter. La
seule loi acceptable, légitime, c’est la charia412.
Il est vrai que les fondamentalistes reconnaissent la
charia comme la seule loi acceptable, mais cela ne signifie
pas que les islamistes veulent l’imposer à l’Occident.
Pourtant l’idée est persistante. Jean-Frédéric Poisson,
président du Parti chrétien démocrate, proclame qu’il y a
un projet de « faire dominer la charia sur le monde
occidental413 ». C’est faux. Il se fonde sur un document
établi par l’Organisation islamique pour l’Éducation, les
Sciences et la Culture (IESCO) et intitulé Stratégie de
l’Action islamique culturelle à l’extérieur du monde
islamique414, dont l’objectif est de raffermir la conscience
des musulmans émigrés et de les rendre moins
« vulnérables » à la laïcisation des sociétés occidentales. Il
ne s’agit pas d’un projet prosélyte et conquérant, mais de
la volonté de maintenir des normes morales dans la
diaspora musulmane.
En France, probablement à cause d’une culture marxiste
qui teinte la perception de la laïcité toutes tendances
politiques confondues, la pratique religieuse tend à être
perçue comme déstabilisante. Or, assez curieusement, les
observations faites en Grande-Bretagne vont exactement à
l’opposé. En effet, le Service de sécurité britannique
(MI5) constate qu’une identité religieuse bien établie
protège contre la radicalisation violente415.
L’idée d’un complot musulman pour prendre le contrôle
de l’Europe s’est développée ces dernières années, dans le
sillage du livre Eurabia416. Écrit par une juive expulsée
d’Égypte avec sa famille en 1956 après l’affaire Lavon417,
il esquisse un complot arabe qui vise à dominer le monde
occidental. Il est cité en référence par l’extrémiste de
droite norvégien Anders Behring Breivik (qui a tué
77 personnes à Utoya, le 22 juillet 2011), son scénario est
repris par tous les grands mouvements d’extrême-droite
en Europe418 et on en trouve la trace dans le film de
France 3419.
Ce discours très émotionnel et détaché des faits s’est
répandu de l’extrême-droite à l’ensemble du spectre
politique. Ainsi, sur RTL, la députée d’extrême-droite
belge Darya Safai affirme que l’EI cherchait à « conquérir
le monde entier et […] voulait détruire la civilisation
occidentale420 », ce que l’on ne trouve pas dans les écrits
de l’EI. En fait, elle reprend les propos de Manuel Valls,
alors Premier ministre, qui esquissait l’idée d’un complot
islamiste à l’origine du terrorisme :
[…]Nous ne pouvons pas perdre cette guerre parce que
c’est au fond une guerre de civilisation. C’est notre société,
notre civilisation, nos valeurs que nous défendons421.
L’État islamique veut détruire nos démocraties422.
Dans nos sociétés, en Belgique comme en France, nous
avons des milliers d’individus qui sont en prison ou à
l’extérieur qui sont radicalisés et qui veulent imposer au
sein de l’islam leur vision d’un islam politique, radicalisé,
djihadiste et qui représente un danger pour l’islam et qui
représente un danger pour nos valeurs […]423
Si l’on y ajoute la tendance à établir un continuum entre
l’islam et l’islamisme, comme Manuel Valls :
[L’islamisme] ça a à voir avec l’islam […] dire que ça
n’a rien à voir, c’est déresponsabiliser l’islam424.
… ou certains journalistes, comme Mohammed Sifaoui :
Le voile [NdA : hidjab] n’est pas islamique, (…) le voile
est islamiste425
Sans parler des polémiques sur le burkini – qui n’a
jamais été un vêtement islamique et a même été condamné
par l’EI – on a ainsi créé une « vérité officielle »426 qui
fait des musulmans les attaquants de l’Occident. On a tous
les ingrédients pour générer une « peur de l’islam » (en
français, littéralement : islamophobie).
Ainsi, que cela soit voulu ou non, on crée un lien entre
les conséquences de deux phénomènes distincts : la
pratique de la religion et son expression nationaliste,
consécutive à nos interventions au Proche- et Moyen-
Orient. Cette perception sert d’alibi à des politiques
d’immigration clientélistes et mal gérées durant des
décennies, qui ont donné le sentiment d’une « invasion »,
confortant l’idée d’une forme de conquête. Quant aux
réfugiés, on constate qu’en 2018, ils provenaient
principalement d’Afghanistan et de Syrie (deux pays où
l’Occident cherche à provoquer un changement de
régime) et du Sud-Soudan (largement soutenu
financièrement par l’Occident)427…
5.7. Conclusions pour le terrorisme djihadiste
Depuis le « 9/11 », la sécurité est devenue un secteur
économique florissant, dans le prolongement des activités
de l’industrie de l’armement. Le terrorisme est devenu un
alibi commode pour renforcer le contrôle de l’État sur la
vie privée des individus. Les principes que nous avions
défendus contre le communisme durant la guerre froide
sont aujourd’hui oubliés : l’usage de la torture, la fusion
des ressources de l’espionnage extérieur et du
renseignement intérieur ; le retour de la censure et le déni
du droit international nous éloignent toujours plus de la
démocratie.
Aujourd’hui, l’État islamique est devenu un prétexte
pour intervenir au Moyen-Orient. Après avoir été déclaré
vaincu en novembre 2017428, en décembre 2018429 et en
mars 2019430, il reste la principale raison pour le maintien
d’une force multinationale en Irak et en Syrie en 2020.
Lorsque cela ne suffit plus, on crée une menace chiite ou
iranienne. Selon le major général Alex Grynkewich, chef
des opérations et du renseignement de l’opération
INHERENT RESOLVE, la principale menace contre les
forces américaines serait les milices chiites
irakiennes431… qui ont permis la victoire contre l’EI. En
fait, on crée la menace au fur et à mesure afin de
maintenir des troupes sur place. On ne connaît toujours
pas l’adversaire que l’on combat, donc on n’a toujours pas
de stratégie cohérente pour le vaincre ; mais surtout, on
maintient une menace qui n’a plus aucun fondement432…

318. « Daech a voulu s’immiscer dans la campagne électorale britannique explique


Hugo Micheron », franceinfo, 4 juin 2017
319. Gresh Alain, « Les grands écarts de l’Arabie saoudite », Le Monde
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326. Inspire Magazine, n° 7, Fall 2011.
327. Il s’agit d’une note de renseignement journalière appelée Presidential Daily
Brief (PDB). Jusqu’en 2004, elle est réalisée par la CIA avec les contributions de
l’ensemble de la Communauté du renseignement. L’Intelligence Reform and
Terrorism Prevention Act confie cette responsabilité au Directeur national du
renseignement (DNI).
328. La note a été déclassifiée le 10 avril 2004 (« Transcript : Bin Laden
determined to strike in US », CNN.com, 10 avril 2004)
329. Tony Blair, “In full : Blair on bomb blasts”, BBC News, 7 juillet 2005
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Ordered by the House of Commons to be printed 11th May 2006, The Stationery
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352. De fait, les Islamistes considèrent cet attentat comme étant un précurseur du
« terrorisme individuel ». Voir Abu Mu’sab al-Suri, « The Jihadi Experience : The
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Angeles Times, 22 août 2007
406. Les références délibérées à « Jean 8:12 » et « 2 Corinthiens 4:6 » sur les
lunettes de visées Trijicon ACOG ont fait grand bruit aux États-Unis, où la laïcité
est la règle dans les forces armées. (Joseph Rhee, Tahman Bradley & Brian Ross,
« U.S. Military Weapons Inscribed With Secret ‘Jesus’ Bible Codes », ABC News,
18 janvier 2010)
407. Bernard-Henri Lévy : « C’est en tant que juif que j’ai participé à l’aventure
politique en Libye », www.crif.org, 21 novembre 2011
408. Noga Tarnopolsky, « Answering Purim question, Pompeo suggests Trump is
on mission from God to save Jewish people » Los Angeles Times, 22 mars 2019
409. « Les chemins de la victoire », Rumiyah, n° 2, octobre 2016 (muharram 1438),
p. 12.
410. « Complotisme, les alibis de la terreur », YouTube, 24 janvier 2018 (01’40’’)
411. « Complotisme, les alibis de la terreur », YouTube, 24 janvier 2018 (10’20’’)
412. Jean-Louis Bruguière, Le Grand Réferendum, Sud-Radio, 19 avril 2017
413. « «À la page !» Le plan d’islamisation de l’Occident dévoilé par Jean-Frédéric
Poisson ! », YouTube, 28 décembre 2018 (02’10’’)
414. Stratégie de l’Action Islamique Culturelle à l’extérieur du Monde islamique –
Stratégie adoptée par la neuvième Conférence islamique au Sommet tenue à Doha,
Etat du Qatar, 2000, Organisation islamique pour l’Education, les Sciences et la
Culture, 2009
415. Alan Travis, “MI5 report challenges views on terrorism in Britain”, The
Guardian, 20 août 2008
(www.theguardian.com/uk/2008/aug/20/uksecurity.terrorism1). (Consulté le
13 novembre 2016).
416. Bat Ye’or, Eurabia, Éditions Jean-Cyrille Godefroy, Paris, 2006
417. Voir Wikipedia, article « Lavon Affair »
418. Raphaël Liogier, « Le mythe de l’invasion arabo-musulmane », Le Monde
diplomatique, mai 2014, pp. 8-9
419. Jacob Rogozinski dans « Complotisme, les alibis de la terreur », YouTube,
24 janvier 2018 (31’20’’)
420. Darya Safai dans l’émission « C’est pas tous les jours dimanche », RTL-TVI,
8 décembre 2019
421. « Valls : la lutte contre le terrorisme est une « guerre de civilisation » »,
leparisien.fr, 28 juin 2015
422. « Manuel Valls : « Nous détruirons les terroristes, mais il y aura de nouvelles
victimes innocentes » », La Croix, 17 juillet 2016 ; Cécile Amar, « Manuel Valls :
«Nous allons gagner cette guerre» », Le Journal du Dimanche, 17 juillet 2016 (mis
à jour le 21 juin 2017)
423. Arthur Lejeune avec Thomas Gadisseux, « Manuel Valls : «J’ai tout pris pour
les autres», RTBF.info, 8 mars 2018.
424. Manuel Valls, Émission «Grand Jury», RTL, LCI et «Le Figaro», 26 novembre
2017
425. Mohammed Sifaoui dans l’émission « On a tellement de choses à se dire »
« «Le voile n’est pas islamique» mais «islamiste» selon Mohamed Sifaoui », RTL
/YouTube, 25 septembre 2019 (06’30’’)
426. Alain Rebetez, Journal de 19 h 30, Télévision Suisse Romande, 22 mai 2017
427. Global Trends – Forced Displacement In 2018, UNHCR, 18 juin 2019
428. Thomas Liabot, « Défaite de Daech en Syrie et en Irak : 5 questions qui se
posent », Le Journal du Dimanche, 10 novembre 2017 ; Maher Chmaytelli &
Ahmed Aboulenein, « La défaite de l’État islamique proclamée en Irak », Reuters,
9 décembre 2017 ; « Un an après la défaite du groupe terroriste État islamique, que
devient son ex-capitale ? », RTBF, 16 octobre 2018
429. « Donald Trump annonce la défaite du groupe État islamique en Syrie »,
rts.ch, 20 décembre 2018
430. « Syrie.“Défaite territoriale à 100 %” de Daech », Courrier International, 23
mars 2019
431. Jeff Schogol, « US forces in Iraq are facing more attacks from Shiite militias
than ISIS, commander says », Task & Purpose, 22 janvier 2020
432. David Corn & Matt Cohen, « With a War Against Iran Brewing, Don’t Listen
to the Hawks Who Lied Us Into Iraq », Mother Jones, 3 janvier 2020 ; Will Bunch,
« The folks who lied about Iraq and Afghanistan are lying about Iran. We must stop
a new war », The Philadelphia Inquirer, 5 janvier 2020
6. LA GUERRE EN SYRIE
6.1. Le contexte
Le régime syrien est l’héritier des mouvements
nationalistes arabes des années 1950. Il combine
nationalisme et socialisme et suit une évolution
comparable à celle de la Tunisie et de l’Égypte. Dans les
années 1970, il fait face à une révolte organisée par les
Frères musulmans en Syrie (Ikhwan al-Muslimin fil-
Suriya). L’insurrection prend une forme terroriste : le
16 juin 1979, entre 32 et 83 cadets de l’armée syrienne
sont massacrés433. Elle culmine avec une tentative
d’assassinat d’Hafez al-Assad, le 26 juin 1980. Au début
juillet, le gouvernement adopte la loi n° 49, qui punit de
mort les membres de l’Ikhwan, mais accorde la vie sauve
aux repentis434. En octobre 1980, l’Ikhwan crée le « Front
islamique » et s’engage dans un processus révolutionnaire
armé, décrit en novembre 1980 dans un document intitulé
La Révolution islamique en Syrie et sa Charte. Les
tensions communautaires conduisent, en 1982, à un siège
de 27 jours de la ville de Hama, qui aboutira à
l’éradication de l’Ikhwan en Syrie. Le nombre de victimes
n’a jamais été connu avec précision et les estimations
varient entre 5 000435 et 40 000436 dont plus de 2 000
morts parmi les forces de l’ordre. On est alors en pleine
guerre froide : Damas est alignée sur Moscou et la
propagande occidentale force le trait. En réalité, on n’en
sait rien ; mais l’événement laissera l’image d’un régime
brutal, qui persiste jusqu’à aujourd’hui, malgré le
changement de présidents.
Dès la fin de la guerre froide, privée du soutien
économique et politique de l’URSS, la Syrie tente de se
rapprocher de l’Occident. En 1990, elle s’associe à la
coalition occidentale contre l’Irak et déploie 14 500
militaires dans l’Opération DESERT STORM pour
obtenir l’appui des États-Unis pour résoudre la question
du Golan. Mais on n’a pas su (ou voulu) comprendre que
la Syrie était demanderesse et qu’une opportunité existait
pour rétablir des relations normales dans cette partie du
monde.
À la fin des années 1990, sous la présidence de Bill
Clinton, un processus de paix entre la Syrie et Israël est
entamé à l’instigation d’Hafez al-Assad. Mais sa mort en
juin 2000, le début de la seconde Intifada en Israël en
septembre, l’élection du président Bush aux États-Unis en
novembre, puis l’arrivée d’Ariel Sharon au pouvoir en
Israël en mars 2001 et, finalement, le 11 septembre se
conjuguent pour tuer dans l’œuf ces tentatives de paix et
figeront les positions anti-syriennes en Occident.
Bachar al-Assad poursuit les efforts de son père. Après
le « 9/11 », la Syrie coopère activement à la lutte contre
les mouvements islamistes radicaux et djihadistes (« Al-
Qaïda ») avec le commandement des opérations spéciales
américain. Dès 2002, elle renseigne les services
occidentaux sur les activités des Frères musulmans en
Syrie et en Allemagne. Elle participe au programme de
détention secrète de la CIA américaine et accueille les
prisonniers qu’elle lui livre437. La CIA avoue que « la
qualité et la quantité des informations en provenance de
Syrie ont dépassé les attentes de l’Agence » et souligne
que la Syrie « a reçu bien peu en retour438 ».
En janvier 2002, George W. Bush n’inclut pas la Syrie
dans son « axe du Mal ». Le département d’État continue
pourtant à la décrire comme un « État soutenant le
terrorisme », tout en soulignant que la Syrie « n’a plus été
directement impliquée dans les opérations terroristes
depuis 1986439 ». En fait, on lui reproche l’hébergement
des chefs de certains groupes palestiniens marxistes des
années 1970-1980, dont l’importance et l’influence sont
devenues quasi nulles440. Mais le 6 mai 2002, dans une
allocution devant la Heritage Foundation (un think-tank
de la droite conservatrice), John Bolton – alors sous-
secrétaire d’État – ajoute la Syrie à l’axe du Mal de sa
propre initiative441.
En 2003, les États-Unis cherchent à mettre sur pied une
coalition contre l’Irak, mais peinent à trouver des alliés
pour participer aux combats. La Syrie avait participé à la
coalition contre l’Irak en 1990, et le secrétaire d’État
américain Colin Powell, tente de faire pression sur Bachar
al-Assad afin de présenter un allié arabe. Mais, ce dernier
a perçu le risque d’une intervention :
J’ai dit aux Américains comment lutter contre Al-Qaïda
après le 11 septembre. Qu’il ne faut pas faire la guerre.
Qu’il est impossible de lutter contre le terrorisme si vous
êtes en guerre. La guerre ne fait que rendre service aux
terroristes. C’est comme un cancer, au lieu de retirer toute
la tumeur, vous allez la découper. Lorsque vous le
découpez le cancer se propage442.
La Syrie ne s’associe donc pas à la coalition, mais elle
en subit les conséquences : elle accueille entre 1 et
1,5 million de réfugiés irakiens. Ils sont essentiellement
sunnites et en grande partie radicalisés par l’intervention
américano-britannique. Cette présence accentue le
déséquilibre confessionnel du pays et sera exacerbée par
la sécheresse de 2005-2010, qui touche de plein fouet la
population rurale (majoritairement sunnite). C’est sur ce
terreau que se développera la déstabilisation menée dès
2006 par les États-Unis443.
Le 14 février 2005, l’attentat contre l’ex-Premier
ministre libanais Rafic Hariri, à Beyrouth, place –
opportunément – la Syrie dans le collimateur de la
communauté internationale, et précipite son départ du
Liban. Le tribunal international chargé d’instruire
l’attentat accuse la Syrie, avant de se tourner vers le
Hezbollah libanais. Mais ses accusations sont fragiles et
restent invérifiées jusqu’à ce jour. En fait, on a exclu
d’emblée d’autres auteurs probables de l’assassinat et
notamment Israël, qui en est le principal bénéficiaire et
qui est coutumier de ce type d’action contre ses ennemis
et ses amis. Alors que de nombreux éléments techniques
et politiques tendent à démontrer son implication444,
l’enquête ne se dirigera jamais dans cette direction.
Toujours est-il que, depuis 2011, le département d’État ne
mentionne plus l’affaire Hariri dans son rapport annuel sur
la Syrie.
L’idée d’un morcellement de la Syrie émerge en
février 1982, avec le plan Yinon, publié sous l’égide de
l’Organisation sioniste mondiale, sous le titre Une
stratégie pour Israël dans les années 1980445. Sous sa
forme originale, ce « plan » n’a jamais constitué un
élément officiel de la politique israélienne, mais il nous
éclaire sur la manière dont Israël comprend son
environnement stratégique :
La dissolution de la Syrie et, plus tard, de l’Irak en des
zones ethniquement et religieusement uniques, comme au
Liban, est l’objectif premier d’Israël à long terme sur son
front Est, tandis que la dissolution de la puissance militaire
de ces États est un objectif premier dans le court terme. La
Syrie éclatera en fonction de ses structures ethniques et
religieuses en plusieurs États, comme actuellement au
Liban, avec un État chiite alaouite le long de la côte, un
État sunnite dans la région d’Alep, un autre État sunnite à
Damas, hostile à son voisin du nord, et les Druzes qui
établiront leur État, peut-être même dans notre Golan,
dans le Hauran et au nord de la Jordanie. Cette
configuration sera une garantie pour la paix et la sécurité
à long terme et cet objectif est déjà atteignable
aujourd’hui446.
Il servira de base à un autre document établi en 1996 par
un Think Tank américain pour le Premier ministre
israélien, Benjamin Netanyahu, qui esquisse une stratégie
israélienne447 : une déstabilisation de la région, y compris
le renversement des gouvernements irakien et syrien, au
lieu d’une paix générale ; un droit de poursuite et
d’intervention accru dans les territoires palestiniens et une
coopération renforcée avec les États-Unis. Ce plan ne
sera, lui non plus, jamais adopté officiellement par
Netanyahu. Mais ses auteurs, largement représentés dans
le gouvernement Bush, s’en inspireront plus tard pour
façonner la politique américaine au Moyen-Orient448.
D’ailleurs, en juillet 1986, un mémo interne de la CIA
examinait diverses options pour provoquer un changement
de régime en Syrie et avait conclu que « les intérêts
américains seraient mieux servis par un régime sunnite,
contrôlé par des modérés guidés par les affaires449 ».
Dès 2005, les administrations Bush, puis Obama,
financent des groupes d’opposition et des activités
clandestines en Syrie450. L’interview de Bachar al-Assad
par Christiane Amanpour, journaliste vedette de CNN,
montre que le projet de déstabiliser la Syrie était alors
ouvertement connu et discuté451 :
AMANPOUR : Monsieur le président, vous savez que la
rhétorique du changement de régime vous vise depuis les
États-Unis. Ils recherchent activement un nouveau
dirigeant syrien. Ils accordent des visas et des visites aux
politiciens de l’opposition syrienne. Ils parlent de vous
isoler diplomatiquement et, peut-être, d’un coup d’État ou
de l’effondrement de votre régime. Qu’en pensez-vous ?452
En renversant Saddam Hussein, les Américains ont créé
un espace chiite continu entre l’Iran et le Hezbollah
libanais. Les Israéliens y voient la raison de leur échec au
Liban en 2006, plus que leur gestion désastreuse des
opérations. L’idée d’interrompre cet espace émerge et
aboutit à une stratégie commune entre les États-Unis et
Israël, adoptée en 2007 et dévoilée par le journaliste
américain Seymour Hersh – très proche des milieux
militaires et du renseignement – afin de renverser les
régimes iranien et syrien en utilisant les milices sunnites
irakiennes453.
Des messages diplomatiques entre l’ambassade
américaine de Damas et Washington, publiés par
WikiLeaks, témoignent des efforts de l’administration
américaine pour déstabiliser le gouvernement syrien dès
2006454, en esquissant toute une série d’opérations
possibles pour soutenir une stratégie de subversion dont
l’objectif est de créer une situation qui mette « Bachar
personnellement dans une situation d’anxiété, qui le
pousse à agir de manière irrationnelle455. » Il s’agissait
donc de pousser Bachar al-Assad à commettre des crimes,
afin d’en prendre prétexte pour intervenir.
En 2006 le gouvernement américain commence à
financer le Mouvement pour la justice et le
développement (MJD), une organisation d’opposition à
l’intérieur et à l’extérieur de la Syrie. Entre 2006 et 2010,
les États-Unis dépensent 6,3 millions de dollars pour
financer Barada TV, une chaîne de télévision destinée à
propager des informations dirigées contre le régime et
6 millions de dollars de plus sont utilisés pour former des
journalistes syriens et des activistes456. Basée à Londres,
elle commence à diffuser des messages destinés à soutenir
un renversement du régime dès avril 2009. Elle jouera un
rôle essentiel en 2011 par sa couverture des émeutes du
début de la révolution et ses messages destinés à
enflammer l’opinion publique en diffusant des fausses
informations sur la réaction des forces de l’ordre
syriennes, relayées par les médias occidentaux457.
En avril 2009, l’ambassadeur américain à Damas fait
part de ses doutes sur la capacité des États-Unis à
maîtriser les mouvements d’opposition en Syrie, dans un
câble secret envoyé à Washington :
Avec la réévaluation de la politique à l’égard de la Syrie,
et avec l’effondrement apparent de la principale
organisation d’opposition syrienne extérieure458, une
chose apparaît clairement : la politique américaine devrait
moins insister sur un « changement de régime » et aller
davantage vers un encouragement à un « comportement de
réformes ». Si cette hypothèse se confirme, alors une
réévaluation des programmes actuels de soutien aux
factions antigouvernementales à l’intérieur et à l’extérieur
de la Syrie pourrait s’avérer plus productive459.
Il fait part de ses inquiétudes sur le fait que les services
de renseignement syriens se doutent du soutien de
Washington à l’opposition :
Jusqu’à quel point le renseignement [syrien] a compris
que le financement du gouvernement américain entre en
Syrie et par quelles organisations, n’est pas clair. […] Ce
qui est clair, cependant, est que la Sécurité s’intéresse
toujours davantage à cette question460.
Ce qui jette un doute sur la sincérité – ou l’ignorance –
d’Alain Juppé, en janvier 2012, qui répond aux
accusations sur l’implication occidentale en affirmant
qu’Assad est dans le « déni de réalité461 ». Pourtant, à la
même époque, après une entrevue avec des officiers
américains et des officiers de liaison français et
britannique au Pentagone, un représentant du think-tank
américain Stratfor rapporte que des forces spéciales –
« manifestement » de France, Grande-Bretagne, États-
Unis et Turquie – forment des rebelles sur le territoire
turc462.
Les Américains – et certains milieux intellectuels
français – ont tenté d’associer le gouvernement syrien et
la montée du terrorisme au Moyen-Orient. Une idée
largement propagée par les milieux pro-israéliens, comme
l’Investigative Project Terrorism (IPT), dirigé par Steven
Emerson :
Trois Américains – Laurence Michael Foley, Sr., Keith
Matthew Maupin et Kristian Menchacha – ont été tués
dans des attaques séparées par des membres du groupe
terroriste dirigé par Zarqawi en Irak et en Jordanie. En
avril 2011, les familles des victimes ont déposé une plainte
contre la République arabe syrienne, son président Bachar
al-Assad, le Service de renseignement militaire syrien et
son ex-chef, Assif Sahwkat, qui a été tué lors d’une attaque
suicide en 2012 à Damas. Le témoignage d’experts et des
preuves montrent la complicité du gouvernement syrien en
aidant des groupes terroristes comme celui de Zarqawi en
leur permettant de « circuler librement dans des pays
voisins, comme l’Irak et la Jordanie, dans le but exprès de
tuer des Américains463. »
Il est difficile de ne pas voir de telles déclarations
comme une expression d’imbécillité et de mauvaise foi.
En réalité, afin de ne pas devenir un sanctuaire pour la
résistance irakienne et donner aux Américains un prétexte
pour intervenir en Syrie, les Syriens ont accédé à leur
demande de fermer la frontière. De nombreux djihadistes
se trouveront ainsi sur le territoire syrien comme réfugiés,
comme dix ans plus tard la grande majorité des réfugiés
« syriens » en Europe…
6.2. « Le conflit en Syrie a été déclenché en 2011
par la répression de manifestations
pacifiques464 »
Il est devenu commun de présenter Bachar al-Assad
comme un criminel, dont l’objectif serait d’éliminer sa
propre population. Pourtant, durant la décennie
précédente, les manifestations qui ont impliqué une
réponse « musclée » des forces de l’ordre, n’ont eu qu’un
bilan comparable à celui de la crise des « Gilets jaunes »
en France. Selon un rapport d’Human Rights Watch, les
manifestations kurdes entre 2005 et 2009, ont été
réprimées par des gaz lacrymogènes et l’intervention
d’unités anti-émeute, avec de nombreuses arrestations,
mais – malgré la mort de trois manifestants en
mars 2008 – on est très loin de la répression décrite par les
médias occidentaux en 2011465.
On évoque parfois le massacre de Qamishli, en zone
kurde, qui avait fait une cinquantaine de morts en
mars 2004. Pourtant, il ne s’agissait pas d’une
manifestation contre le gouvernement, mais d’une
altercation entre supporters de football qui a dégénéré :
beaucoup étaient entrés dans les tribunes avec des armes.
Selon les témoins, des heurts entre partisans de Saddam
Hussein et pro-américains ont dégénéré après qu’une
radio locale a annoncé que des enfants y avaient trouvé la
mort. Mais selon les organisations de droits de l’Homme,
les témoignages semblent confirmer que les forces de
l’ordre n’étaient pas intervenues avec des armes à feu,
mais avec les gaz lacrymogènes et moyens anti-émeute
habituels466.
Ainsi, on voit mal pourquoi, en plein « printemps
arabe », dans une période très tendue au Proche-Orient et
à un moment où il était prévisible que la situation
dégénère, le président syrien aurait tout à coup changé de
tactique et décidé d’utiliser la violence pour réprimer des
manifestations pacifiques.
La réponse est en Occident : après la Libye, les États-
Unis et la France ont déjà un œil sur la Syrie. Avec le
début des prétendues « révolutions citoyennes » de 2010-
2012, les intérêts saoudiens et américains semblent alors
se rejoindre. Le caractère planifié de la révolution
syrienne – et l’absence de dimension populaire – est
confirmé par Roland Dumas, ancien ministre des Affaires
étrangères, qui déclare en 2013 avoir été contacté par les
services secrets britanniques, deux ans avant la crise
syrienne, en vue d’une opération destinée à renverser le
gouvernement. Ainsi, en 2010, se préparait déjà en
Grande-Bretagne, avec les États-Unis, une insurrection
visant à mettre au pouvoir une faction dissidente de
l’armée syrienne467. En fait, il s’agit d’éléments
islamistes, liés au mouvement des Frères musulmans
syriens ; car le gros de l’armée syrienne – en majorité
sunnite – est resté fidèle à Bachar al-Assad.
En Occident, on parle d’une insurrection populaire.
C’est faux. En Syrie, le mécontentement ne suffisait pas à
déclencher une insurrection. C’est pourquoi, à la
différence des autres pays arabes, la révolution syrienne a
été pilotée depuis l’extérieur du pays dès son début. Il en
est ainsi de l’Armée syrienne libre (ASL) – émanation des
Frères musulmans syriens réfugiés en Turquie – soutenue
par des services spéciaux turcs, américains et français.
C’est pourquoi il y a un énorme nombre de combattants
étrangers, dont beaucoup sont parvenus en Syrie avec
l’aide des services occidentaux, bien avant l’émergence de
l’État islamique. Comme les Kurdes, dont le gros des
Unités de protection du peuple (YPG) vient de Turquie et
d’Irak. En 2014, les combattants étrangers sont déjà
presque 75 000468. Si on y ajoute les rebelles sunnites
venus d’Irak en 2003-2005, on constate que la dimension
« populaire » de la rébellion syrienne est très relative. Dès
la chute de Kadhafi, les rebelles libyens ont contacté
l’opposition syrienne pour lui fournir des armes469 et des
troupes470. En 2012, un compte de financement
participatif pour la révolution syrienne est même ouvert
sur la plateforme Kickstarter471.
Par ailleurs, les médias occidentaux restent discrets sur
le fait, qu’au contraire des révolutions tunisienne et
égyptienne (qui avaient débuté dans les grandes villes,
grâce aux étudiants et aux réseaux sociaux), la révolution
syrienne a commencé dans les campagnes (« Rif
Dimachq ») et dans les zones populaires suburbaines
(« shaabi »), sans le support des réseaux sociaux. Ce qui
indique qu’il y avait d’autres canaux pour mobiliser les
insurgés et que leur public-cible ne se situait pas dans les
villes, mais en zones rurales, majoritairement sunnites.
C’est ce qui explique que le gouvernement syrien n’a pas
ressenti le besoin d’interrompre l’accès à Internet et aux
réseaux sociaux.
Symptomatiquement, sur la page Facebook de la
révolution syrienne, le point de départ de l’insurrection est
placé au 18 janvier 2011472, c’est-à-dire deux mois avant
les manifestations de Daraa, indiquant qu’elles n’étaient
pas aussi spontanées que les médias occidentaux ont voulu
le faire croire. Présentées en Occident comme
« pacifiques », ces manifestations ont été en réalité
particulièrement violentes du fait des manifestants, ainsi
que le rapporte alors le journal israélien Arutz Sheva473.
D’ailleurs, un djihadiste confessera plus tard au magazine
TIME, que le groupe islamiste Ahrar al-Sham avait
commencé à former ses phalanges, juste « après la
révolution égyptienne » et bien avant le début officiel de
la révolution en Syrie474.
Malgré les condamnations sans équivoque de la Syrie,
on connaît mal le détail des premières semaines de
l’insurrection. Alors que les morts sont systématiquement
attribuées au gouvernement, les informations disponibles
tendraient plutôt à incriminer l’opposition. Le Père jésuite
néerlandais Frans van der Lugt475, qui vit en Syrie depuis
les années 1960, est un témoin oculaire des premières
manifestations de 2011 en Syrie. Il écrit :
Dès le début, les manifestations n’étaient pas purement
pacifiques. Dès le début, j’ai vu des manifestants armés
marchant avec les autres manifestants, et qui ont tiré sur
les policiers en premier. Très souvent, la violence des
forces de sécurité a été une réaction à des actes de
violence brutaux de la part des rebelles476.
La stratégie utilisée est très « occidentale ». Des
provocateurs au sein des manifestants cherchent à
éliminer des agents des forces de police, afin de pousser à
une escalade de la répression, dans le but de générer une
insurrection populaire et d’en faire porter la responsabilité
au gouvernement :
De plus, dès le début il y a eu le problème des groupes
armés, qui sont aussi partis de l’opposition… L’opposition
de la rue est beaucoup plus forte que toute autre forme
d’opposition. Et cette opposition est armée et emploie
fréquemment la brutalité et la violence, de sorte à en faire
porter la responsabilité au gouvernement. De nombreux
représentants du gouvernement ont été torturés et tués par
eux477.
Pourtant, le gouvernement syrien montre une grande
retenue dès le départ. En septembre 2011, le groupe
d’analyse américain Stratfor, souvent considéré comme
une émanation de la CIA et spécialisé dans l’analyse
stratégique des conflits, écrivait à propos de la situation en
Syrie :
L’opposition doit trouver une manière de maintenir le
discours du « Printemps arabe », et il faut s’attendre donc
à un flot d’informations sur la brutalité du régime et de la
valeur de l’opposition. Bien qu’il soit certain que des
manifestants et des civils aient été tués, il n’y a pas
d’information évidente sur une brutalité massive, comme il
y avait eu en 1982 ou dans d’autres remises à l’ordre de la
région. Stratfor n’a décelé aucun signe d’usage d’armes
lourdes pour massacrer des civils ou créer des dégâts de
combat significatifs, bien que des mitrailleuses de 12,7 mm
montées sur des véhicules blindés aient été utilisées pour
disperser la foule478.
Le 4 février 2012, alors que le Conseil de Sécurité
s’apprête à voter une résolution demandant la démission
du président Assad, la presse rapporte le massacre de 260
civils à Homs479. Mais le même jour, le Guardian de
Londres ne mentionne « que » 217 morts480, et la BBC
55481. Pourtant, dans sa chronologie des événements
établie en 2016, l’Office français de protection des
réfugiés et apatrides (OFPRA) retient le nombre de 260
sans exprimer la moindre réserve482 : il faut dramatiser la
situation.
En fait, au début 2012, Homs est aux mains de deux
phalanges, qui appartiennent « officiellement » à l’ASL,
dont la Phalange al-Farouq (anciennement « milice de
Baba Amr »). En mars 2012, l’un de ses « exécuteurs » se
confesse à un journaliste du Spiegel et explique comment
la milice torture et élimine les civils favorables au
gouvernement483. Il confirme ainsi les accusations de
l’Église orthodoxe chrétienne de Syrie, qui rapporte une
épuration ethnique de la population chrétienne de la ville,
favorable au régime syrien484. Le problème est que cette
phalange est alors soutenue par la France, mais les médias
français n’en parleront pas.
En février 2012, Robert Ford, l’ambassadeur américain
en Syrie, publie sur Facebook une note intitulée Escalade
des opérations de sécurité à Homs485 accompagnée de
photographies aériennes présentant le déploiement de
l’artillerie syrienne pour pilonner les manifestations dans
cette ville réputée très antigouvernementale. Elle a pour
but de prouver que le gouvernement s’attaque
délibérément à la population civile avec des moyens
d’artillerie. Or, l’examen de ces images montre que toutes
les photos représentent des unités déployées dans leurs
casernes ou sur des terrains d’exercice non loin de la ville.
Les taches décrites comme des « cratères d’obus », sont
en fait des zones brunâtres dans des terrains de sport, que
l’on trouve aussi sur l’imagerie antérieure de Google
Earth486. Il s’agit donc purement et simplement de
désinformation.
En fait, sous le couvert d’une révolution populaire,
l’objectif est le démembrement de la Syrie, afin de réduire
l’influence iranienne, générée par la guerre américaine en
Irak, et garantir la sécurité d’Israël. Le problème est que
les Occidentaux n’ont pas compris la complexité du
contexte : les « rebelles modérés » qu’ils soutiennent sont
en fait des islamistes dès le début. On le constatera un peu
tard en octobre 2019, lors de l’intervention turque, qui
s’appuie sur ces éléments pour combattre les Kurdes. En
minimisant ces erreurs de jugement, les médias
occidentaux ont très largement contribué au
développement de la violence dans la région et à
l’apparition de l’État islamique.
6.3. « Le président Bachar al-Assad est
illégitime »
L’image que nous avons de la Syrie est celle d’un État
totalitaire. Elle a été façonnée au cours de la guerre froide
sous la dictature d’Hafez al-Assad, père de Bachar, et
nous est surtout parvenue à travers le prisme d’Israël, qui
s’efforce de donner de ses voisins une image menaçante.
Mais la réalité est plus nuancée.
Arrivé au pouvoir un peu malgré lui, Bachar al-Assad
n’est pas l’homme sanguinaire que l’on décrit
habituellement. Avec une formation de médecin ayant
étudié et vécu en Occident, il cherche immédiatement à
dépoussiérer et réformer le régime dont il a hérité, et avec
lequel il doit fonctionner. Il développe la numérisation de
la société syrienne et l’accès aux réseaux sociaux. Au
début des années 2000, ses efforts pour poursuivre les
tentatives d’ouverture initiées par son père sont réels487.
Mais le contexte international ne lui est pas favorable, et
le monde est dominé par des dirigeants « va-t-en-guerre »
et à la rationalité douteuse : Ariel Sharon en Israël,
Georges W. Bush aux États-Unis, Tony Blair en Grande-
Bretagne.
Un Marine américain, qui a séjourné en Syrie avant le
conflit nous donne une image diamétralement différente
de celle que les médias nous assènent aujourd’hui488.
D’ailleurs, depuis le début du conflit, les médias
traditionnels ignorent la population qui vit –
volontairement – dans les zones gouvernementales. Ceci
étant, la Syrie n’est pas un État démocratique au sens où
nous l’entendons en Europe et nécessite sans doute des
réformes, tout comme la Tunisie et l’Égypte. Mais elle
n’est pas non plus une tyrannie méthodique et impitoyable
comme l’Europe en a connu au début du XXe siècle.
Dès le début des révoltes en Tunisie et en Égypte,
l’éventualité d’une contagion en Syrie est évoquée. En
janvier 2011, une page Facebook intitulée Syria
Revolution 2011 est créée par les Frères musulmans
(depuis la Suède489) et annonce des « Journées de colère »
les 4 et 5 février. Le gouvernement réagit en coupant
l’accès à Facebook. Mais le succès de l’appel est limité :
les participants scandent davantage des refrains contre le
régime libyen que contre le gouvernement syrien490.
L’accès à Facebook est rétabli le 8 février 2011 et les
réseaux sociaux fonctionneront normalement, sans
interruption, depuis. L’opposition tente une nouvelle
action au début mars, mais sans réel succès, comme le
rapporte le magazine américain TIME :
Même les critiques s’accordent sur le fait qu’Assad est
populaire et proche de l’immense cohorte de jeunes du
pays, à la fois émotionnellement, idéologiquement et,
naturellement, en âge491.
La journaliste confirme sa constatation dans un autre
article :
(…) Bien qu’il y ait eu des appels sur Facebook pour des
manifestations en Syrie, la jeunesse du pays, qui constitue
la majorité des 22 millions de citoyens du pays (65 % en
dessous de 30 ans), a pour une grande part ignoré les
activistes d’Internet492.
En février 2012, face au durcissement de la situation, la
Russie propose aux pays occidentaux un plan qui prévoit
le départ de Bachar al-Assad, en trois points. Il est discuté
par Vitalii Churkin, ambassadeur russe auprès des Nations
unies, et Martti Ahtisaari, Prix Nobel de la paix et ex-
président finlandais493 :
Un : nous ne devons pas donner d’armes à l’opposition.
Deux : nous devons mettre en place un dialogue entre
l’opposition et Assad maintenant. Trois : nous devons
trouver une façon élégante pour qu’Assad se retire494.
Il y avait donc dès le début une solution pour le départ
de Bachar al-Assad sans passer par la violence. Mais les
Occidentaux refusent : leur objectif n’est pas de remplacer
Bachar al-Assad, mais de démanteler la Syrie, qu’Israël –
et donc les États-Unis – perçoit comme un bastion avancé
de l’Iran. Il leur faut donc insérer dans l’axe Téhéran-
Beyrouth un obstacle sunnite. Ils cherchent ainsi à
militariser le conflit en distribuant clandestinement des
armes aux militants sunnites495. C’est ce qui explique le
soutien d’Israël aux islamistes syriens et ses bonnes
relations avec l’État islamique, comme nous le verrons
plus bas.
En 2013, sur la base d’enquêtes menées par des
organisations humanitaires indépendantes, l’Otan elle-
même constatait que Bachar al-Assad bénéficiait du
soutien de 70 % de la population syrienne, essentiellement
parce que les islamistes se sont approprié la révolution
soutenue par les Occidentaux496. La raison pour laquelle,
les Occidentaux – États-Unis et France en tête – sont
réticents à une élection populaire pour trouver un
successeur à Bachar al-Assad, est que ce dernier pourrait
bien gagner une telle élection497 !
Cela pourrait expliquer – au moins en partie – le jeu
pervers mené par la France et les États-Unis, qui ont tout
fait pour vider la Syrie de ses éléments chiites et chrétiens,
généralement favorables au régime, en soutenant les
milices islamistes sunnites et l’ASL, bras armé des Frères
musulmans de Syrie. Cela explique probablement aussi
pourquoi, lors de la présidentielle syrienne du 3 juin 2014,
la France, l’Allemagne et la Suisse ont interdit aux
ressortissants syriens de participer au scrutin dans les
ambassades498. Malgré l’incongruité d’un tel scrutin
organisé dans un pays en guerre (même si, à cette époque,
le gouvernement maîtrise la majeure partie des zones
habitées du pays), on peut s’étonner du manque de
confiance des démocraties occidentales dans la
clairvoyance du peuple syrien, particulièrement sur le
territoire européen, hors de portée des pressions du
pouvoir.
6.4. « Daech est la créature Frankenstein de
Bachar »499
Après les attentats de Paris en janvier et novembre 2015,
le gouvernement français répétera à l’envi que l’État
islamique (EI) est un allié du régime du président Bachar
al-Assad, voire a été créé par lui500. En janvier 2014 déjà,
Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères
affirmait à Genève :
Je crois qu’il y a une alliance objective entre M. Bachar
al-Assad et les terroristes. Une alliance objective,
pourquoi ? C’est le revers et l’avers d’une même
médaille501.
Le 22 août 2014, s’exprimant sur l’EI, il affirme à Jean-
Jacques Bourdin sur BFMTV :
Son objectif, c’est non seulement de réaliser un califat,
c’est-à-dire de contrôler à la fois l’Irak, la Syrie, la
Jordanie, le Liban, la Palestine ; mais de tuer, d’éliminer
tous ceux qui ne pensent pas comme lui. Et donc, quand on
dit l’Irak c’est important… Oui, mais c’est une menace sur
toute la région, sur l’Europe et c’est une menace sur le
monde. […]
L’État islamique est né largement en Syrie et monsieur
Bachar el-Assad l’a aidé à naître, puisqu’un certain
nombre de dirigeants de l’État islamique sont des gens qui
étaient prisonniers et que Bachar al-Assad a libérés. Ils
sont nés en Syrie. En particulier ils se sont développés
dans une ville qui s’appelle Raqqa. Ensuite, en vertu de
leur théorie du Califat, ils sont venus en Irak ; et là ils ont
mis en déroute l’armée irakienne502.
Il ment de bout en bout. En fait, il prépare l’opinion
publique à l’intervention française en Syrie. On sait déjà,
à cette époque, qu’elle provoquera des actes terroristes en
métropole, mais il faut que l’enjeu soit à la hauteur du
risque encouru.
Cette théorie sera reprise par Bernard-Henri Lévy503 en
2015, et par le politologue Frédéric Encel, qui suggère que
le gouvernement syrien soutient l’EI504. Certains vont
même plus loin et imaginent des scénarios alambiqués,
expliquant la création de l’EI islamique comme un
« contre-feu » face à l’opposition syrienne505. En 2017,
Jean-Yves Le Drian, alors ministre des Affaires
étrangères, déclare :
Quand on a été le premier à libérer les djihadistes de
Daech, on ne donne pas de leçons506.
En réalité, toutes ces accusations reposent sur une
méthode qui relève du complotisme507 : on assemble des
faits de telle manière à ce qu’ils correspondent à un
message. En l’occurrence, il s’agit des amnisties décrétées
en mars, mai et juin 2011 par le gouvernement syrien,
concernant quelque 1 000 prisonniers politiques (en
majorité islamistes). Pour l’« expert » Pierre Servent, cette
libération avait pour but de « faire peur aux Occidentaux,
afin qu’ils n’arment pas la rébellion508 »(!) Non
seulement c’est idiot, mais ce n’est ni plus ni moins que
de la désinformation. D’ailleurs, si l’on suit cette logique
complotiste, on comprend mal pourquoi un régime qui
chercherait à éliminer si ouvertement sa propre population
civile serait si tatillon pour placer son crime dans un cadre
légal ! Ceci étant, ce n’est pas qu’en France que cette
théorie complotiste s’est développée. Des magazines
comme Newsweek, Der Spiegel ou The Independent, qui
ont pourtant pignon sur rue, le prétendent également509.
En réalité, le gouvernement syrien n’a pas fait autrement
que Mouammar Kadhafi en mars 2010510, le
gouvernement tunisien en janvier 2011511, le président
Moubarak en Égypte en février 2011512. Il s’agit
simplement d’une tactique récurrente des régimes
autoritaires face à un mouvement révolutionnaire : libérer
des prisonniers politiques en signe d’apaisement, afin de
faire baisser la tension.
En Syrie, il s’agissait de l’une des nombreuses
concessions et mesures d’apaisement (comme
l’autorisation du port du niqab et la fermeture de
casinos513) adoptées par le gouvernement au début 2011
pour tenter de calmer la situation. Elle s’est faite dans le
cadre d’une amnistie générale réclamée par
l’opposition514. La raison pour laquelle il y avait tant
d’islamistes parmi les prisonniers libérés est tout
simplement parce qu’il n’y avait pas d’opposition laïque.
Mais prises trop tard, ces mesures ont été débordées par la
dynamique de la rébellion. Un phénomène qui n’est pas
sans rappeler – toutes proportions gardées ! – la réaction
du président Macron pour calmer les « Gilets jaunes », en
décembre 2018, ou les mesures adoptées par le
gouvernement de Hong Kong pour calmer les émeutiers.
Ces décisions doivent être prises avant que la rébellion
atteigne un seuil critique, sous peine d’être totalement
inefficaces. C’est là le rôle d’un renseignement
stratégique…
Ce que cachent les « experts » est qu’en Syrie, comme
en Libye515, une fois libérés, ces islamistes ont été
promptement récupérés et armés par les services spéciaux
occidentaux516 pour constituer l’ossature d’une opposition
armée. C’est le cas de l’Ahrar al-Sham et du Jaïsh al-
Islam, que John Kerry désigne comme affiliés au Jabhat
al-Nosrah et à l’État islamique517 (et qui commettent les
mêmes atrocités, comme nous le verrons plus bas), mais
que les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France
refuseront de mettre sur la liste des organisations
terroristes des Nations unies518.
Par ailleurs, rappelons qu’en 2011 « Daech » n’existait
pas, et son prédécesseur (« État islamique d’Irak ») était
confiné en Irak. En mars 2007 déjà, le Joint Intelligence
Committee (JIC) britannique affirmait qu’il était le
résultat de la politique occidentale en Irak519. En Irak,
comme en Afghanistan, la résistance (sunnite) contre
l’occupation étrangère, s’est muée en une résistance
contre le gouvernement (chiite) mis en place par les
Américains.
La militarisation de la révolution syrienne par les
Occidentaux a forcé le gouvernement à concentrer ses
forces à l’ouest du pays. Il en a résulté un vide sécuritaire
à l’Est, qui a permis la jonction des forces islamistes
irakiennes et syriennes, et la transformation de l’« État
islamique en Irak » en un « État islamique en Irak et au
Levant ». Il suffit de consulter une carte dynamique de la
guerre en Syrie520 pour constater que l’État islamique
s’est développé à partir de l’Irak et de la frontière turque
et s’est implanté sur le territoire syrien dans le sillage des
groupes armés, comme l’Armée syrienne libre (ASL),
soutenus par la France et les États-Unis521.
Repris par la Commission d’enquête du Parlement
britannique (Rapport Chilcot), le rapport du JIC dément
donc ex ante les affirmations mensongères de Laurent
Fabius. Ce qui confirme qu’il cherchait à tromper
l’opinion.
Les accusations de collusion entre l’EI et le
gouvernement syrien sont purement et simplement des
mensonges, qui désinforment la population française, afin
d’occulter l’illégalité des actions françaises en Syrie. Elles
se fondent sur la rhétorique israélienne et, plus
concrètement, sur une infographie de 2014, produite
conjointement par la chaîne d’information américaine
CBS et le Jane’s Terrorism & Insurgency Center (JTIC) de
Londres, qui tend à montrer que le gouvernement syrien et
l’EI « s’ignorent » mutuellement. Elle prétend que
seulement 6 % des opérations antiterroristes syriennes
concerneraient l’EI, tandis que 13 % seulement des
attaques de l’EI toucheraient les forces gouvernementales
syriennes, ce qui démontrerait une connivence522.
Reprise dans un « debunkage » de franceinfo523, cette
infographie est un parfait exemple de désinformation et de
manipulation. Premièrement, elle omet un grand nombre
d’acteurs dans le terrain, laissant supposer qu’il n’y a pas
d’autre opposition islamiste que l’EI. Cette représentation
empêche de voir et de comprendre la priorisation très
logique du gouvernement syrien. La dure réalité apparaîtra
en octobre 2019, lorsque ces islamistes commenceront à
attaquer les Kurdes alliés des Occidentaux.
Deuxièmement, elle laisse supposer que les seuls acteurs
armés non étatiques sont l’ « opposition démocratique » :
c’est faux ! Il y a un très grand nombre de milices locales
et villageoises d’autodéfense qui ne sont pas
gouvernementales, mais chrétiennes, assyriennes, chiites,
alaouites, etc. qui sont souvent, par la force des choses, au
contact direct de l’État islamique. Les ignorer est une
réduction malhonnête du problème.
Troisièmement, il suffit de revenir à notre carte
dynamique524 pour constater que le gouvernement syrien
combat effectivement l’État islamique. Mais à la
différence des Occidentaux, qui frappent en fonction des
opportunités, il opère méthodiquement. En partant des
zones alaouites où il était acculé, il effectue un large
mouvement « de balai » d’ouest en est, avec l’objectif
premier de maintenir un couloir ouvert entre la
Méditerranée et Damas, pour garantir son
approvisionnement.
Il est également important de comprendre que l’EI est
moins en guerre contre les autres factions djihadistes,
qu’en compétition avec elles. Tous les groupes djihadistes
ont la même origine et la même finalité : une résistance à
l’influence occidentale. D’ailleurs, alors que l’on
prétendait que l’État islamique « faisait ouvertement la
guerre525 » à « Al-Qaïda », les attentats de Paris de
janvier 2015 montraient précisément une coopération
entre ces groupes. Même si ces rivalités se sont parfois
localement traduites par des combats (pour des raisons
souvent plus personnelles qu’idéologiques), il y a le plus
souvent une congruence entre ces groupes, qui se prêtent
ou se louent mutuellement leurs armes lourdes selon les
besoins526.
6.5. « Bachar al-Assad massacre son propre
peuple »
Dès le début de la crise syrienne, comme il l’avait fait en
Afghanistan, en Irak et en Libye, l’Occident tente de
propager l’idée que le président Bachar al-Assad a une
obsession pour détruire son peuple. Dans quel but ?
Pourquoi « seulement » en 2011 et pas avant ? Pas de
réponse.
On retrouve des similitudes avec les arguments qui
cherchent à justifier que le gouvernement syrien utiliserait
ses armes chimiques – très « coûteuses » politiquement –
pour tuer des femmes et des enfants plutôt que des
combattants ! C’est une absurdité et une manipulation
destinée à alimenter l’idée que l’intervention occidentale
est légitime et que la solution passe inéluctablement par
un renversement du gouvernement en place. Cette posture,
qui a créé l’idée d’une « bonne violence » et d’une
« mauvaise violence », n’a fait qu’encourager des crimes
« sous fausse bannière » destinés à faire porter à l’armée
syrienne la responsabilité de massacres.
En juillet 2012, un journaliste de la BBC tweete que
l’aviation syrienne bombarde la population civile à Alep-
Est, et précise dans un article, qu’il s’agit de MiG
« fabriqués en Russie », tandis que les victimes ont été
transportées vers les divers hôpitaux de la ville. Il
n’indique ni source, ni document prouvant son
affirmation527. La presse occidentale s’engouffre dans
l’opportunité de s’attaquer au gouvernement syrien. Le
quotidien britannique The Telegraph commente :
Des avions de combat auraient bombardé Alep, la
deuxième ville de Syrie, si cela est confirmé, ce serait la
première fois que les forces d’Assad utiliseraient l’aviation
contre des civils528.
En réalité, il s’avérera qu’il ne s’agissait pas de « MiG »
de combat, mais de Su-25 ou d’Aero L-39 (qui se
ressemblent, mais dont la silhouette est radicalement
différente de celle des MiG), qui ne sont pas équipés de
bombes et n’ont pas attaqué les populations civiles529. En
fait, la BBC tente de répéter avec la Syrie la manipulation
qui a conduit la France puis la Grande-Bretagne à
intervenir en Libye.
Par ailleurs, on peut constater le silence des médias
traditionnels sur les massacres par les milices sunnites et
kurdes des minorités syriaques, chiites, chrétiennes,
alaouites, kurdes, assyriennes, ismaéliennes et autres530.
Elles sont soutenues par le gouvernement syrien et malgré
les dénonciations d’Amnesty International531, on évite les
discours qui affaibliraient les rebelles.
6.5.1. La « dictature d’une minorité »
Il faut rappeler ici que la Syrie est le berceau des plus
anciennes formes de chrétienté, où coexistent en harmonie
depuis des siècles des communautés très diverses, dont
certaines sont parvenues à accommoder les cultes
musulmans et chrétiens.
Le pouvoir détenu par la minorité alaouite (12 % de la
population) est perçu en Occident comme l’oppression
d’une minorité sur la majorité532. La réalité est très
différente. Au début du XXe siècle, ce sont les Français
qui ont promu cette petite communauté, pauvre et sans
influence, dans les rouages du pouvoir. Non par altruisme,
mais par pragmatisme. En fait, ils ont adopté une solution
assez répandue en Afrique et au Moyen-Orient, dans des
environnements (locaux ou nationaux) où plusieurs
grandes communautés s’affrontent. Elle consiste à laisser
le pouvoir à une minorité qui n’est pas en mesure de
s’imposer par la force contre les autres, et sera contrainte
à une certaine neutralité dans la gestion des affaires. Un
tel système permet de limiter le risque de luttes pour le
pouvoir et – en théorie au moins – de lutter contre la
corruption, qui tend à favoriser les ethnies dominantes. À
l’époque, en Syrie, il s’agissait de créer un équilibre entre
les musulmans sunnites – nombreux, mais avec un niveau
d’éducation relativement bas – et les chrétiens – moins
nombreux, mais avec une éducation supérieure.
Des systèmes analogues fonctionnaient en Libye et en
Irak, où Mouammar Kadhafi533 et Saddam Hussein534
n’étaient pas issus des tribus les plus importantes, de sorte
à maintenir l’équilibre entre les grandes tribus. Une
logique radicalement différente de la logique
occidentale… que l’on tente d’appliquer dans ces pays et
qui contribue au désastre actuel.
En Syrie, la tête de l’État est alaouite, mais la plupart de
ses ministres – dont le ministre de la Défense – sont
sunnites, comme le gros des forces armées elles-
mêmes535. Si vraiment la petite communauté alaouite
imposait sa volonté par la force comme on le prétend en
Occident, il y a déjà longtemps qu’il y aurait eu un coup
d’État militaire. Or, les forces armées sont restées
remarquablement loyales au régime. Comme l’ont relevé
Henry Kissinger et Zbignew Brzezinski, le soutien
populaire dont jouit Bachar al-Assad est considérablement
plus élevé que ce que prétendent les médias536. En fait, la
légitimité de nos interventions – et d’un éventuel
renversement du pouvoir – repose entièrement sur le
postulat que le président syrien n’a pas de soutien
populaire537.
6.5.2. La fiabilité des informations
Afin de justifier son intervention en Syrie, le
gouvernement français a simplifié à l’extrême la situation
sur le terrain, en séparant les acteurs en deux catégories
principales : le gouvernement et les opposants, qui se
subdivisent en l’État islamique (« Daech »), les islamistes
modérés et les Kurdes. L’opposition étant considérée par
définition comme légitime, et la guerre ayant été
provoquée par le gouvernement syrien, toutes les pertes
lui sont ainsi attribuées.
Très tôt, l’absence de chiffres précis et fiables sur le
nombre total de victimes du conflit syrien devient un outil
politique en Amérique et en Europe. Assez logiquement,
le gouvernement syrien ne fait pas d’annonce sur ses
pertes afin de ne pas démoraliser ses troupes et l’absence
de présence internationale rend l’évaluation du nombre
des morts extrêmement hasardeuse, ouvrant ainsi la porte
à la propagande et la désinformation.
En fait, dès le début, la principale source d’information
des Occidentaux est l’Observatoire syrien des droits de
l’homme (OSDH). Un nom ambitieux qui cache une
réalité bien modeste. Basé dans un appartement de deux-
pièces à Londres, l’OSDH est géré par un seul individu,
Rami Abder Rahman, ancien opposant sunnite au régime
syrien, qui tient une boutique de vêtements538. La qualité
relative des informations de l’OSDH est relevée par
l’ancien chef du renseignement de sécurité de la DGSE,
Alain Chouet539 :
Si vous vous informez sur la Syrie par les médias écrits et
audiovisuels, en particulier en France, vous n’aurez pas
manqué de constater que toutes les informations
concernant la situation sont sourcées « Observatoire syrien
des droits de l’homme » (OSDH) ou plus laconiquement
« ONG », ce qui revient au même, l’ONG en question étant
toujours l’Observatoire syrien des droits de l’homme.
L’Observatoire syrien des droits de l’homme, c’est une
dénomination qui sonne bien aux oreilles occidentales dont
il est devenu la source d’information privilégiée voire
unique. Il n’a pourtant rien à voir avec la respectable
Ligue internationale des droits de l’homme. C’est en fait
une émanation de l’Association des Frères musulmans qui
est dirigée par des militants islamistes dont certains ont été
autrefois condamnés pour activisme violent, en particulier
son fondateur et premier président, M. Ryadh el-Maleh.
L’OSDH s’est installé à la fin des années 1980 à Londres
sous la houlette bienveillante des services anglo-saxons et
fonctionne en quasi-totalité sur fonds saoudiens et
maintenant qataris540.
L’absence totale d’analyse et de capacité de
recoupements n’a absolument pas dérangé les médias et
services de renseignement des pays occidentaux, qui ont
quantifié de manière invérifiable la répression du
gouvernement de Bachar al-Assad, justifiant ainsi leur
politique à l’égard du régime. La députée démocrate Tulsi
Gabbard, membre de la Commission des services armés
de la Chambre des représentants et candidate à la
présidentielle de 2020, souligne :
Les histoires que l’on raconte sur Assad actuellement
sont les mêmes que ce que l’on racontait sur Kadhafi, sont
les mêmes que l’on racontait sur Saddam Hussein, par
ceux qui défendaient les États-Unis pour renverser ces
régimes. Si cela devait arriver en Syrie, nous finirions par
avoir une situation de beaucoup plus grandes souffrances
encore, beaucoup plus de persécutions de minorités
religieuses et de chrétiens en Syrie, et notre ennemi
deviendrait considérablement plus puissant541.
Au Conseil de sécurité des Nations unies, la discussion
est bloquée. La Russie et la Chine, qui s’étaient senties
trompées en 2011 par la France et ses alliés occidentaux
avec la Résolution 1973 sur la Libye, ne sont plus
disposées à accepter des interventions sans stratégie de
long terme et la politique occidentale du fait accompli, qui
se solde par le chaos, comme en Libye. D’autant plus que
les commentaires de Laurent Fabius en août 2012 laissent
peu de place à l’imagination et montrent clairement que
l’objectif de la France est de renverser le pouvoir syrien :
Le régime syrien doit être abattu, et rapidement […]
Bachar al-Assad ne mériterait pas d’être sur la terre542.
La presse française s’est volontiers déchaînée contre la
Russie et ses « vetos », mais est restée étonnamment
silencieuse sur la désinvolture avec laquelle les
Occidentaux ont appliqué les décisions du Conseil de
sécurité sur la Libye, qui a conduit aux blocages sur la
question syrienne.
6.5.3. Les massacres « fabriqués »
Dès le début de la guerre, l’objectif des Occidentaux
n’est ni la démocratie ni les droits de l’Homme, mais le
renversement du gouvernement syrien. Il s’agit donc de le
représenter comme sanguinaire et sans pitié pour sa propre
population.
En août 2011, les médias rapportent que le
gouvernement syrien a coupé l’électricité des incubateurs
de la maternité de Hama, causant la mort de plusieurs
dizaines de bébés (les chiffres varient selon les médias).
Les médias du Golfe s’en donnent à cœur joie543 et sont
relayés par les médias occidentaux, comme le Daily
Mail544 ou CNN, sans analyse545. Mais les photos des
« victimes » ne sont rien d’autre que des bébés dormant
paisiblement dans une maternité du Caire546. L’affaire
ressemble étrangement aux accusations contre l’armée
irakienne à Koweït City, en 1990, mais aucun média
occidental ne réagit…
Le 25 mai 2012, le massacre d’al-Houla, près de Homs,
est attribué au gouvernement syrien. Dans un premier
temps, on évoque 300 morts, mais le chiffre est ramené à
108, puis à 92547, dont 49 enfants. Le communiqué de
presse des Nations unies du 27 mai parle de
« bombardements et d’attaques menés par l’artillerie et
les chars » ainsi que du « meurtre de civils tués à bout
portant548 », suggérant la responsabilité des militaires
syriens. Le gouvernement dément toute implication et
accuse des groupes terroristes.
Pour les médias occidentaux, la chose est entendue : le
gouvernement est responsable. Franceinfo répète
servilement les informations publiées par l’Observatoire
syrien des droits de l’homme549 et publie une vidéo de
l’événement. Mais en fait, on n’y voit pratiquement rien :
aucun lieu, aucun personnage, aucun armement ou date
n’est identifiable550. Les quotidiens Le Monde et La
Croix551 relatent l’événement en évitant d’accuser
directement le gouvernement syrien, mais en suggérant
qu’il en est l’auteur552. Le 30 mai, la Radio-Télévision
belge est beaucoup moins nuancée et désigne très
clairement le gouvernement syrien comme coupable553.
Sur son blog, le journaliste Georges Malbrunot évoque
une vengeance du gouvernement syrien pour une tentative
d’empoisonnement du beau-frère d’Assad ; Pourquoi à
Houla ? Mystère554 !…
Le 8 juin, sur ABC News, la journaliste américaine
Christiane Amanpour se réfère à une personnalité syrienne
« haut placée » pour affirmer :
Ce qui apparaît est une campagne de nettoyage ethnique.
Le président syrien exploite ces massacres pour expulser
les populations qui lui sont déloyales et renforcer le
contrôle de ce qui pourrait devenir une Syrie divisée555.
La culpabilité du gouvernement syrien conforte le
discours officiel, que les médias traditionnels répètent
sans le vérifier. Dans le doute, le rapport des observateurs
de l’ONU accuse les « milices progouvernementales »
(« Shabiha »).
Comme plus tard, les accusations contre le
gouvernement sont circonstancielles : on le tient pour
responsable, parce qu’il est le seul à disposer d’armes.
Mais c’est faux : les États-Unis (opération TIMBER
SYCAMORE) et la France fournissaient déjà des armes
aux rebelles sunnites en mai556. Par ailleurs, dans une
interview du 12 février à la BBC, Hillary Clinton
confirme que des organisations considérées comme
terroristes par les États-Unis – comme « Al-Qaïda » et le
Hamas – coopèrent avec l’opposition qu’ils appuient, au
risque de créer une guerre civile557.
Le massacre d’al-Houla est un événement majeur, car il
donne le ton de la rhétorique occidentale sur un
gouvernement « sanguinaire », qui est « l’assassin de son
peuple558 ». Le Conseil des Droits de l’Homme condamne
le gouvernement syrien et plusieurs pays comme
l’Allemagne, la Belgique, les États-Unis, la France, la
Grande-Bretagne, l’Italie et la Suisse expulsent les
diplomates syriens de leurs territoires ou les déclarent
« persona non grata »559. Les États-Unis et la France
évoquent une intervention militaire, et on met de l’huile
sur le feu afin d’en paver la voie.
Mais au début juin, Rainer Hermann, journaliste de la
Frankfurter Allgemeine Zeitung, fait ce que ses confrères
occidentaux n’ont pas fait : il enquête. Il interroge des
témoins (membres de l’opposition pacifique au
gouvernement Assad560) et constate que toutes les
victimes d’Al-Houla (une zone essentiellement sunnite)
sont alaouites ou des sunnites convertis au chiisme ; or, il
semblerait surprenant que le gouvernement s’attaque aux
minorités qui le soutiennent. En fait, le massacre se serait
déroulé durant l’attaque d’une caserne de l’armée par les
rebelles sunnites561.
Le 12 juillet, sur demande de parlementaires du
Bundestag pour des éclaircissements, le gouvernement
fournit une réponse élaborée par le service de
renseignement extérieur (BND) :
Les victimes de l’événement de Houla ont été tuées
principalement au moyen d’armes blanches [littéralement :
de coupe et d’estoc], ainsi que d’armes à feu, à courte
distance. Aucune trace d’armes de gros calibre (artillerie,
etc.) n’a été constatée562.
Ainsi, les services allemands ne confirment pas l’usage
d’armes lourdes mentionné par l’ONU, ce qui n’est pas
très surprenant puisque les observateurs ne se sont pas
rendus sur place pour leur rapport563. Quant à la
participation des milices Shabiha, le rapport du BND
avoue que les informations disponibles « ne permettent
pas d’en tirer des conclusions sur leur implication »564.
Six semaines après avoir rompu ses relations
diplomatiques avec la Syrie, le gouvernement allemand
admet qu’« à ce stade, les auteurs ne peuvent pas être
clairement identifiés565 ».
Dès le lendemain de l’attaque circulent des vidéos
montrant les victimes d’al-Houla et d’un village voisin,
tuées à l’arme blanche. Alastair Crooke, ex-officier de
renseignement britannique déclare :
[…] la méthodologie de ce type de meurtre – des
décapitations, des égorgements, d’enfants aussi, ainsi que
la mutilation des corps – n’est pas une caractéristique de
l’islam levantin, ni de la Syrie, ni du Liban, mais de ce que
l’on a vu dans la province irakienne d’Anbar. Cela semble
donc indiquer des groupes associés à la guerre en Irak
contre les États-Unis, qui sont peut-être rentrés en Syrie,
ou peut-être d’Irakiens qui sont venus d’Anbar pour y
prendre part… Mais tout ce processus de mutilation va
tellement à l’encontre de la tradition de l’islam levantin
que je pense très difficile de penser que cela vienne de
soldats, ou d’autres qui auraient voulu se venger566 […]
On peut en déduire que la majorité des victimes a été
causée par les rebelles dits « modérés », mais les médias
traditionnels occidentaux évitent le sujet. Il semble donc
que les victimes aient plutôt été le fait de rivalités
communautaires voire de règlements de comptes de
caractère criminel567.
La fragilité du rapport des Nations unies et des
conclusions occidentales conduit certains médias à revoir
leur jugement sur le massacre. Le 7 juin, Jon Williams,
éditorialiste de BBC World News fait marche arrière et
publie un article qui encourage à plus de prudence et de
circonspection en rapportant des événements, dont on ne
connaît pratiquement rien568. Le même jour, Paul Danahar
écrit :
À Damas, de nombreux diplomates, responsables
internationaux et opposants au président Assad ont le
sentiment que son régime ne serait plus en mesure de
contrôler de manière permanente et complète les quelques
groupes de milices accusés d’avoir massacré des civils. Le
monde a vu le conflit syrien en termes très noirs et blancs
au cours des 15 derniers mois. Il doit maintenant admettre
qu’il y a des nuances de gris qui apparaissent569.
Les observateurs des Nations unies devront cesser leurs
activités, puis se retirer, en raison des rebelles qui les
menacent. L’ancien ambassadeur britannique Oliver Miles
déclare sur Al-Jazirah :
Jusque très récemment, il était possible de croire qu’il
s’agissait du simple cas d’un gouvernement tyrannique
contre qui résistaient des manifestants. Mais ce n’est plus
possible de le voir en ces termes570.
Le 12 juillet, l’Histoire se répète à Tremseh. Le
prédicateur Hani Ramadan y voit même des « fruits du
sionisme571 ». En fait, les médias occidentaux ont créé des
certitudes à partir de suspicions en écartant les
informations qui n’entraient pas dans leurs préjugés. Mais
les réels auteurs du massacre d’al-Houla resteront
vraisemblablement inconnus, alors que les faisceaux
d’indices et les intérêts en jeu tendent à montrer la
responsabilité de l’opposition armée, notamment l’Armée
syrienne libre (ASL), qui était dominante dans ce secteur.
L’idée que Bachar al-Assad massacre son peuple se
retrouvera dans la question des armes chimiques que nous
verrons plus bas. Elle se retrouvera au début 2020, lorsque
l’armée syrienne s’engage dans la reconquête de la zone
d’Idlib, dans laquelle les rebelles s’étaient repliés. En
février 2020, dans le journal Le Temps, Agnès Levallois
accuse le gouvernement syrien et la Russie de ne pas avoir
respecté l’accord de Sotchi (17 septembre 2018) qui
devait faire de la poche d’Idlib une zone démilitarisée572.
Comme d’habitude, son jugement se base plus sur des
préjugés que sur les faits.
6.6. « La France soutient les rebelles modérés »
6.6.1.L’intervention occidentale en Syrie
Le discours officiel prétend que les pays occidentaux
(essentiellement les États-Unis et la France) sont en Syrie
pour soutenir le combat de la démocratie et des droits de
l’Homme contre la dictature et la tyrannie. La réalité est
plus nuancée.
L’engagement des États-Unis est une conséquence de
leurs erreurs en Irak, comme nous le verrons. Mais les
raisons de la France s’expliquent mal, si ce n’est par une
tentative de faire rebondir la popularité du gouvernement,
car des frappes contre la Syrie sont étudiées dès 2012,
bien avant l’apparition de l’État islamique573. Par ailleurs,
comme nous l’avons vu, un changement de régime était
possible sans violence574. Mais les Occidentaux semblent
réticents à une transition démocratique. Pas seulement
parce qu’elle pourrait bien donner la victoire à… Bachar
al-Assad575, mais parce que leur objectif n’est pas
d’installer la démocratie en Syrie, mais de morceler son
territoire en petites entités antagonistes, incapables de
s’allier contre Israël, cassant ainsi l’axe Téhéran-
Beyrouth.
Les efforts pour instaurer un État kurde au nord-est du
pays (dans des zones qu’ils n’ont jamais occupées
historiquement), et une zone islamiste au sud-est, afin de
confiner les populations chiites, alaouites et chrétiennes à
l’ouest du pays, suivent les grandes lignes du plan Yinon
israélien. C’est ce qui expliquerait le soutien israélien à
l’opposition islamiste, y compris l’État islamique (EI)576.
Cette stratégie place les pays occidentaux dans des
relations triangulaires, qui déstabilisent le pays, au
détriment des minorités chrétiennes, comme l’avaient
prophétisé très tôt des organisations américaines et
européennes :
Le problème pour la Syrie est que s’il y a des
interférences de gouvernements étrangers, ce sont les
chrétiens et les autres minorités qui en souffriront le
plus577.
Aux États-Unis, c’est le pouvoir politique qui a poussé à
la guerre, alors que les militaires – et la population –
étaient globalement opposés à une intervention. En
juillet 2013, dans une présentation au Congrès, le général
Martin E. Dempsey, chef de l’état-major conjoint,
recommandait de ne pas intervenir dans le conflit syrien et
affirmait que les tentatives de renverser Assad ne
pourraient qu’amener une détérioration de la situation
sécuritaire578. L’analyse confidentielle sur laquelle il
s’appuyait confirmait que l’aide fournie aux rebelles
« modérés » s’était transformée en une aide aux
mouvements djihadistes radicaux comme le Jabhat al-
Nosrah et l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL)579.
Ainsi, les Occidentaux combattent les djihadistes en
Afghanistan, mais deviennent leurs alliés objectifs en
Syrie, pour renverser le gouvernement580. Au début, la
France581 et les États-Unis582 tendent à encourager – voire
soutiennent – ceux qui veulent aller combattre en Syrie.
Ceux-ci ne deviendront un problème que deux ans et demi
plus tard, après l’apparition de l’EI.
En décembre 2017, la BBC diffuse un reportage sur les
programmes britanniques d’assistance à l’opposition
syrienne, notamment pour la formation d’une « police
syrienne libre » ; dont il ressort que non seulement les
fonds versés repartaient directement vers des groupes
djihadistes, comme le Nour al-Din al-Zinki à Alep, mais
aussi que les policiers ainsi formés devaient être
approuvés par le Jabhat al-Nosrah583. Malgré les
dénégations des organes chargés de la gestion de ces
programmes584, le gouvernement décide en août 2018 de
cesser ces activités585.
En juin 2018, afin de mettre en place une politique à
l’égard de ses alliés occidentaux engagés en Syrie, le
parlement allemand a demandé une étude de la situation
juridique des différents acteurs du conflit586. Il en ressort
sans aucune équivoque que le seul pays dont
l’engagement est conforme au droit international est la
Russie. La légitime défense (article 51 de la Charte des
Nations unies) invoquée par les États-Unis et la France ne
s’applique pas ici (sans même mentionner qu’ils s’étaient
engagés bien avant l’apparition de l’EI en Syrie), en
particulier en raison du caractère non étatique des
terroristes, et qu’il s’agit donc d’une responsabilité de la
Syrie. Quant aux frappes israéliennes de « défense
anticipée587 » en Syrie contre les positions du Hezbollah,
des forces iraniennes ou syriennes, elles ne sont
explicables que par la volonté d’Israël de maintenir une
tension dans la région, probablement à des fins
électoralistes.
Ainsi, non seulement les Occidentaux interviennent au
mépris du droit international et du droit de la guerre, mais
ils ont été dépassés – dès la fin 2012 – par la situation
qu’ils avaient créée. Aveuglés par l’objectif de renverser
le gouvernement syrien, ils ont progressivement été
conduits à soutenir délibérément les islamistes, au risque
de provoquer l’apparition de l’EI. Cette dernière résulte de
l’incurie des gouvernements occidentaux, et était
prévisible… et prévue, comme nous le verrons plus
bas588.
6.6.2. Distinction entre extrémistes et modérés
Dès le début de la crise syrienne, l’aide occidentale a été
justifiée par le caractère « modéré » des rebelles et la
volonté du gouvernement syrien d’« éliminer toute
opposition589 » par la force. Les « experts » qui
interviennent sur la question syrienne entretiennent de
manière assez systématique un flou entre « opposition » et
« opposition armée » 590. Or, contrairement à ce qu’ils
affirment, le gouvernement ne combat pas militairement
toute l’opposition, mais uniquement l’opposition armée.
On occulte souvent que de nombreuses milices
« loyalistes » ne partagent pas la position du
gouvernement, mais sont opposées aux djihadistes.
Dès le début de la révolution, l’influence des islamistes
est déterminante. Les atrocités591, les décapitations de
chrétiens592 placent les Occidentaux au cœur d’un
« ménage à trois », où ils ne sont plus en mesure de
choisir leurs partenaires et à qui fournir des armes. Les
services occidentaux n’ont qu’une visibilité limitée sur le
terrain et privilégient l’efficacité aux valeurs. Un
phénomène accentué par la totale mécompréhension des
réalités du terrain par les politiques occidentaux593.
Comme en Libye, les Occidentaux n’ont pas compris les
dynamiques qui lient les protagonistes du conflit. En
septembre 2014, la bataille de Kobane (Aïn al-Arab) a été
vue comme un succès des frappes occidentales. Or, si
effectivement ces dernières ont permis aux Kurdes de se
dégager temporairement de la menace islamiste, elles ont
également eu comme effet stratégique de donner aux
factions rivales islamistes (en particulier le Jabhat al-
Nosrah et l’EI) un ennemi commun et les ont conduites à
unir leurs forces594. L’année suivante, les discours
enflammés de François Hollande et de Manuel Valls
auront exactement le même effet et offriront une
propagande inespérée pour l’EI.
En août 2012, France 24 publie un article sur l’ASL, qui
affirme d’emblée que
deux armées s’affrontent actuellement en Syrie : les
forces régulières d’un côté, fidèles au président Bachar al-
Assad, et l’Armée syrienne libre (ASL) de l’autre, une force
au départ principalement constituée de déserteurs, qui
soutient la révolution595.
C’est un mensonge. Non seulement on cache l’existence
des forces islamistes, mais on entretient l’idée d’une ASL
« modérée ». Pourtant alors que ses dérapages indiquent
une influence croissante des islamistes en son sein596. Par
ailleurs, selon un rapport SECRET de la DIA, daté du
5 août 2012, l’insurrection est dirigée par les salafistes, les
Frères Musulmans et Al-Qaïda en Irak597 (qui deviendra
l’EI). Charles Shoebridge, spécialiste du terrorisme de la
police métropolitaine de Londres, constatera :
Au cours des premières années de la crise syrienne, les
gouvernements américain et britannique, et les principaux
médias occidentaux, presque universellement, ont présenté
les rebelles syriens comme modérés, libéraux, laïcs,
démocratiques, méritant ainsi le soutien de l’Occident.
Étant donné que [ce rapport] contredit totalement cette
évaluation, il est significatif que les médias occidentaux,
aujourd’hui, l’ignorent presque entièrement, malgré son
immense importance598.
Bien avant l’apparition de l’EI en Syrie, la France et les
États-Unis avaient militarisé le « printemps syrien » en
soutenant militairement des factions, qui n’étaient déjà
plus « modérées » et loin de représenter des valeurs
humanistes. Le 12 décembre 2012, lors d’une conférence
de presse, le ministre des Affaires étrangères français
Laurent Fabius déclarait599 regretter que les États-Unis
aient porté le Jabhat al-Nosrah600 sur la liste des
organisations terroristes601 !
Le problème est que les combattants « modérés »
désertent leurs unités pour grossir les rangs des milices
islamistes plus déterminées et plus combatives. Le terme
« modéré » devient simplement un paravent pour légitimer
un soutien verbal, politique ou matériel à l’opposition.
Dans les pays anglo-saxons, les « think-tanks »
indépendants et les milieux académiques ont une lecture
plus critique et plus réaliste de la situation. En
décembre 2015, un rapport de la fondation britannique
« Tony Blair » relève l’impossibilité d’une distinction
entre « modérés » et « extrémistes » :
Cela montre que toutes les tentatives des puissances
internationales pour distinguer entre « modérés »
acceptables et « extrémistes » inacceptables sont
incohérentes. Les superpositions sont sans fin. Lors d’une
bataille à Jisr al-Shughour cette année, les forces du Front
al-Nosrah ont été utilisées comme troupes de choc, avec un
appui de feu par des rebelles soutenus par l’Occident.
Parallèlement, un groupe de l’Armée syrienne libre, vérifié
et soutenu par les États-Unis, a été rapporté comme ayant
menti à propos de sa collaboration avec le Front al-
Nosrah602.
Les Occidentaux (comprendre : les États-Unis et la
France) tendent à maintenir la fiction d’une opposition
laïque en Syrie afin de justifier leur volonté de renverser
le gouvernement. Mais aux États-Unis, le soutien aux
« rebelles » syriens suscite les interrogations du Congrès,
comme celles du sénateur républicain Rand Paul :
Il y a une grande ironie ici, dans le sens où si vous
vouliez croire à une définition élargie de l’Autorisation de
l’usage de la force militaire [AUMF] de 2001603, qui
autorise de combattre Al-Qaïda et les forces qui lui sont
associées… Eh bien, Al-Qaïda et ses forces associées
s’opposent à Assad. Donc, en admettant une définition
large de l’AUMF de 2001, vous pourriez croire que vous
pourriez effectivement soutenir Assad avec des armes.
L’AUMF original justifierait, en fait, de donner des armes
à Assad. Je ne dis pas ça, mais je dis que vous donnez des
armes à la partie qui se bat contre Assad qui comprend des
éléments d’Al-Qaïda. Il y a une grande ironie ici. Je dis
également que dans notre précipitation à nous engager en
Syrie, vous pouvez être amené à donner des armes aux
rebelles islamiques qui tuent des chrétiens. Il y a environ
entre un et deux millions de chrétiens en Syrie. Ils ont été
largement protégés par Assad. Je ne dis pas qu’Assad est
un type bien. Je dis qu’ils ont été une minorité protégée par
Assad les durant des décennies […]604.
De fait, les combattants étrangers ont afflué vers la Syrie
bien avant l’apparition de l’EI605. Certains journalistes606
et parlementaires607 ont constaté qu’au début de la guerre,
le gouvernement français aurait même plutôt eu tendance
à les encourager à se rendre en Syrie. L’objectif est alors
de renverser Bachar al-Assad, mais les Occidentaux sont
rapidement dépassés. Les décapitations et autres atrocités
associées à une stricte application de la Charia
apparaissent bien avant l’EI608, avec la « bénédiction » (et
l’aide) des Occidentaux. En 2013, Didier Reynders, alors
ministre des Affaires étrangères belge, déclarait :
[…] Si d’autres sont dans des groupes terroristes,
djihadistes, il faudra les poursuivre sur base de la loi sur
le terrorisme, […] mais il y en a peut-être d’autres qui vont
s’engager par idéal à côté de l’armée syrienne de
libération, que nous soutenons. On leur fera peut-être un
monument dans quelques années, ceux-là, donc je souhaite
vraiment qu’on examine au cas par cas, qu’on ne fasse pas
d’amalgame en la matière609.
Dès la fin 2014, la virulence du discours occidental
(notamment français) contre l’EI en fait le principal
porteur du combat djihadiste et contribue au recrutement
de ses combattants. D’après un rapport des Nations unies,
le nombre de combattants volontaires étrangers augmente
de 71 % entre l’été 2014 et mars 2015610. Dans un
premier temps, les combattants islamistes quittent leurs
phalanges pour le rejoindre. L’EI « phagocyte » ainsi les
autres groupes sans combat et s’étend rapidement.
Dès la fin 2014, les frappes occidentales ont des effets
inattendus : les combattants quittent l’EI pour rejoindre
d’autres factions. Ce qui apparaît comme un succès ne
l’est pas : ils ne rejettent pas l’EI, mais cherchent à
augmenter leurs chances de survie. Les pratiques barbares
qui semblaient propres à l’EI tendent ainsi à se généraliser
et déclenchent une véritable surenchère dans la violence.
La stratégie occidentale du « diviser pour régner » tend à
provoquer un éparpillement des groupes armés, mais une
plus grande homogénéité de leurs comportements. Les
rivalités partisanes (« hizbiyya ») ne sont plus doctrinales,
mais deviennent des combats de chefs. Une stratégie mal
pensée qui ne résout rien et empire la situation.
Le 19 février 2015, Américains et Turcs s’accordent
pour coordonner la formation des rebelles syriens dans la
base turque de Kirsehir, avec le double objectif de lutter
contre l’EI et de changer de régime en Syrie611. Mais ils
ne comprennent pas la nature de ces rebelles. La « 30e
Division », réputée « modérée », armée, formée et
soutenue par les États-Unis, rejoint les rangs du Jabhat
Fath al-Sham (ex-Jabhat al-Nosrah) en septembre 2015,
juste après avoir quitté sa base turque612. D’ailleurs, en
2016, le Jabhat Fath al-Sham considère que les
Occidentaux sont de son côté613. À Alep-Est, il s’avérera
que tous les groupes armés – soutenus verbalement et
militairement par les Occidentaux – sont islamistes. Mais
l’Occident appuie également d’autres milices, dont seules
certaines peuvent être mentionnées ici, pour des raisons de
confidentialité :
- la Phalange Omar al-Farouq (Katibat Omar al-
Farouq), dont le commandant Abou Sakkar mangeait le
cœur encore chaud des soldats syriens abattus614 ;
- la Brigade Fursan al-Haqq (Liwa Fursan al-Haqq), qui
pratique des enlèvements contre rançon ;
- laBrigade Dawoud (Liwa Dawoud), qui avait enlevé le
journaliste américain James Foley, avant de le remettre à
l’EI615 ;
- l’Armée de l’Islam (Jaïsh al-Islam) – soutenue par
l’Arabie saoudite, les États-Unis et la France – qui
enferme des chrétiens dans des cages montées sur des
véhicules, afin de les exposer comme boucliers humains
mobiles contre les frappes occidentales et russes616 ;
- la Phalange Khalid Bin al-Walid (Katibat Khalid Bin
al-Walid), soutenue et armée par la France et qui fait
partie de l’EI depuis 2014617 ;
- le Tajammu Fastaqim Kama Umirt, qui, lors du siège
d’Alep-Est en 2016, affirmait qu’il ne se séparerait pas
des islamistes du Jabhat Fath al-Sham (anciennement :
Jabhat al-Nosrah)618 ;
- le Mouvement Nour al-Din al-Zinki, qui a reçu des
missiles antichars TOW619 et dont certains membres – qui
font également partie des « Casques blancs » –
apparaissent sur des vidéos montrant la décapitation
d’enfants au couteau620 ;
- le Mouvement des Aigles du Levant (Harakat Ahrar al-
Sham), qui massacre des femmes et des enfants à Zara621
et affame la population civile à Madaya pour faire des
profits avec l’aide alimentaire humanitaire fournie par la
communauté internationale622.
Pratiquement tous ces groupes se retrouveront dans la
poche d’Idlib dès la fin 2016, protégés par la coalition
internationale. Les crimes des rebelles « modérés » sont
systématiquement dissimulés par la propagande
occidentale, comme France 24, où la journaliste Vanessa
Burggraf tente de faire taire Bassam Tahhan, de l’Union
des patriotes syriens, alors qu’il les dénonce623. En 2019,
les Kurdes paieront cher le dilettantisme des journalistes
occidentaux…
Ironiquement, au début 2019, après la « défaite »
officielle de l’État islamique en Syrie, la France
rechignera à réclamer « ses » combattants. En fait, on
craint des situations comme à Londres en juin 2015, où
Bherlin Gildo, un « terroriste » suédois jugé pour avoir été
un « combattant étranger » en Syrie a vu son procès
stoppé, car la phalange dans laquelle il opérait était armée
et soutenue par… la Grande-Bretagne624 !
6.6.3. L’Armée syrienne libre (ASL)
Dès son début, la révolution syrienne est différente des
insurrections tunisienne et égyptienne. Après de
nombreuses concessions politiques et sociales du
gouvernement, les revendications initiales en faveur d’une
démocratisation du régime sont rapidement abandonnées,
pour se concentrer – dès le 7 avril 2011 – sur le
renversement du pouvoir. À la fin juillet 2011, la création
de l’ASL par d’ex-officiers de l’armée syrienne avec
l’appui des Frères musulmans exilés en Turquie625, et son
armement par les États-Unis et la France annoncent la
militarisation et l’escalade du conflit.
Son commandement est basé en Turquie et maîtrise mal
les situations opératives et tactiques en Syrie même. Une
étude de l’Institut américain pour l’Étude de la guerre,
publiée en mars 2012 sur la base d’observations effectuées
à la fin 2011, émet des doutes sur sa réalité : ses « unités »
revendiquent des actions qui le sont aussi par d’autres
groupes rebelles (islamistes) ou dans des zones où aucune
activité rebelle n’est connue626. Ses milices n’ont qu’une
existence éphémère et leur taux de désertion est très
important ; le plus souvent au profit de groupes
salafistes627.
Dès 2011, les médias occidentaux tentent de faire croire
que la rébellion est contrôlée par l’ASL. C’est faux628.
Pour plusieurs raisons. La première est que l’ASL reste
floue : c’est essentiellement un état-major, revendiqué par
des entités différentes ; on ne connaît pas moins de 9
structures différentes qui revendiquent la même
appellation629. Ensuite, ses « unités » sur le terrain sont le
plus souvent indépendantes de toute structure de
commandement et se comportent comme des milices630 ;
ce qui explique le grand nombre d’atrocités. Quant à leur
caractère « modéré », il apparaît dès le début, que les
quelques unités de l’ASL opérationnelles ne doivent leur
« efficacité » qu’au fait qu’elles s’adossent aux groupes
djihadistes. Nous y reviendrons.
Très rapidement, les informations sur les exactions de
l’ASL contre la population civile se multiplient. Ses
combattants égorgent des familles chrétiennes, comme en
témoigne Sœur Agnès-Mariam de la Croix, une religieuse
basée en Syrie631. Elle mène des attentats terroristes à la
voiture-bombe, comme s’en vante ouvertement son chef,
le colonel Riad al-Asaad en 2012632, et dérive rapidement
vers l’islamisme633.
Le 18 juillet 2012, un attentat à la bombe tue Daoud
Rajha, ministre de la Défense, à Damas. Il est revendiqué
par l’ASL et par la Liwa al-Islam, un groupe islamiste.
Mais la presse traditionnelle, qui tend à relayer le message
gouvernemental, comme France 24634 ou l’Express635,
omet de mentionner la revendication ; Le Monde va même
plus loin en suggérant qu’il puisse s’agir d’une
« manipulation » organisée par le gouvernement
syrien636 !
Depuis la mi-2012 au moins, on sait que l’ASL est
dominée par les islamistes637 et que les armes
occidentales arrivent systématiquement dans les mains des
djihadistes638. D’ailleurs, plusieurs unités de l’ASL
modifient leurs logos et adoptent une symbolique
islamiste pour avoir une meilleure visibilité auprès des
bailleurs de fonds saoudiens et qatari639. Assez
rapidement, l’ASL soutenue et armée par les Occidentaux
se rend coupable de crimes qui annoncent ceux de l’État
islamique640.
En 2012, le très conservateur Conseil des relations
extérieures américain le rapporte :
Les rebelles syriens seraient infiniment plus faibles
aujourd’hui sans Al-Qaïda dans leurs rangs. Dans
l’ensemble, les bataillons de l’Armée syrienne libre (ASL)
sont fatigués, divisés, chaotiques et inefficaces. Se sentant
abandonnées par l’Occident, les forces rebelles sont de
plus en plus démoralisées lorsqu’elles sont confrontées à
l’armée professionnelle du régime d’Assad et son meilleur
équipement. Les combattants d’Al-Qaïda, cependant,
peuvent aider à améliorer le moral. L’apport des
djihadistes apporte la discipline, la ferveur religieuse,
l’expérience du combat en Irak, le financement des
sympathisants sunnites dans le Golfe et, surtout, un effet
mortel. Bref, l’ASL a besoin d’Al-Qaïda maintenant641.
En réalité, les services occidentaux déployés sur le
terrain pour soutenir les groupes rebelles ne les
connaissent pas :
Il y a de fausses brigades de l’Armée syrienne libre qui
prétendent être des révolutionnaires et qui revendent sur le
marché les armes qu’elles reçoivent642.
Au début 2013 déjà, l’ASL n’est plus qu’une façade643
et même l’Otan considère que seuls les islamistes
combattent Assad644. Le Pentagone s’inquiète de la
présence croissante d’islamistes radicaux avec l’ASL et y
voit poindre un problème régional645. Des photos de
combattants de l’ALS et de l’État islamique en Irak et au
Levant côte à côte à Raqqa en 2013 confirment cette
coopération646. Pourtant, le mythe des « rebelles
modérés » persiste, car il légitime la politique occidentale
en Syrie.
Obnubilés par le renversement de Bachar al-Assad, les
médias occidentaux soutiennent l’ASL. Réfugiée dans la
poche d’Idlib et protégée des attaques russes et syriennes,
l’ASL – rebaptisée Armée nationale syrienne (ANS) –
s’allie avec la Turquie lors de son offensive en
octobre 2019. Les « experts » de « C dans l’air » la
présentent comme des « supplétifs » de l’armée turque, et
un « officiel » du département de la Défense américain
qualifie ses milices de « détraquées et pas fiables647 ».
Pourtant, 21 des 28 milices qui la composent ont été
formées, soutenues, armées et protégées par les
Occidentaux (y compris la France et la Belgique)648! Au
grand dam des Occidentaux, ce sont précisément elles qui
ont massacré l’activiste kurde Havrin Khalaf… C’est
aussi dans cette poche d’Idlib protégée par les
Occidentaux, que se cachait Abou Bakr al-Baghdadi, chef
de l’EI !
6.6.4. Les forces kurdes
Comme l’étymologie de leur nom l’indique, les Kurdes
sont un peuple essentiellement nomade jusqu’au
lendemain de la Première Guerre mondiale. Le territoire
que le traité de Sèvres de 1920 prévoyait de leur attribuer
était à environ 50 km au nord de la frontière syrienne649.
Leur implantation en Syrie date de la fin des années 1970,
alors réfugiés de Turquie, puis d’Irak, dès 2003-2005.
Ethniquement proches des Perses, ils ne sont donc pas
originaires de cette région et occupent une mince bande le
long de la frontière turque qui leur sert de sanctuaire650.
Ainsi, contrairement à ce que prétendent certains, ces
territoires ne leur « appartiennent » pas : ils n’en sont que
les occupants.
Durant la guerre froide, la Syrie soutient le Parti des
Travailleurs kurdes (PKK) contre la Turquie. Mais à la fin
des années 1990, elle cherche à se rapprocher des États-
Unis qui sont prêts à soutenir une normalisation avec
Israël. Elle interdit alors le PKK, que les États-Unis
viennent de porter sur la liste des organisations
terroristes651 et signe l’accord d’Adana avec la Turquie le
20 octobre 1998. La Syrie s’engage à empêcher les
incursions kurdes à travers la frontière et la Turquie est
autorisée à intervenir sur le territoire syrien contre le
PKK652. Il prendra toute son importance vingt ans plus
tard.
En 2003, le PKK structure sa présence en Syrie en y
créant le Parti d’union démocratique (Partiya Yekîtiya
Demokrat – PYD). En 2012, il crée sa branche armée, les
Unités de protection du peuple kurde (YPG). Dès 2013,
profitant du cessez-le-feu avec le gouvernement turc, il
déplace des combattants vers la Syrie pour renforcer les
PYD/YPG.
En 2014, la bataille de Kobane révèle les combattants
kurdes. Les Occidentaux décident de les soutenir et de les
armer à la place de l’opposition syrienne « modérée », qui
n’a pas été le catalyseur espéré d’un soulèvement général
contre Bachar al-Assad. Les YPG deviennent alors les
« boots on the ground » (« troupes au sol »), que la
Coalition ne veut pas déployer. Leur doctrine est marxiste,
mais leur approche laïque de la société en fait des alliés
précieux et fiables. Elles seront renforcées par des
combattants français d’extrême-gauche (certains liés aux
« zadistes » de Notre-Dame-des-Landes)653.
Le problème est que l’Union européenne654 et l’Otan655
considèrent aussi le PKK comme une organisation
terroriste. Non par simple idéologie, mais parce qu’il tue :
avec 110 attentats meurtriers, entre 2003 et 2013 selon la
Global Terrorist Database656, il constitue la principale
menace intérieure en Turquie. En soutenant sa branche
syrienne, la France et les États-Unis montrent clairement
un manque de cohérence et de loyauté envers leur allié. À
la recherche d’une solution politique, le gouvernement
turc engage des négociations secrètes en Norvège657, que
le PKK rompt en 2011. Un cessez-le-feu est conclu en
mars 2013, mais est à nouveau rompu par le PKK en
juillet 2015658. En fait, revigoré par le soutien franco-
américain en Syrie, le PKK reprend la lutte armée.
Entre 2014 et 2016, le PKK mène 226 attaques
meurtrières en Turquie ; dix fois plus que l’EI, qui n’en
mène « que » 21659. C’est pourquoi la décision américaine
de fournir des armes aux Kurdes en mai 2017 inquiète la
Turquie, qui voit ces liaisons dangereuses contraires à
l’esprit de l’alliance atlantique.
Pour rassurer leur allié, les États-Unis précisent que
cette collaboration est de nature « temporaire,
transactionnelle et tactique660 ». En d’autres termes, elle
devait être basée sur des échanges de services (non sur des
valeurs) et reste limitée à certains domaines. Par ailleurs,
ils promettent de reprendre les armes après la défaite de
l’EI. Ce qu’ils ne feront pas661. Sur les conseils de l’US
Special Operations Command, l’YPG s’allie avec d’autres
groupes et adopte alors l’appellation de Forces
démocratiques syriennes (FDS), pour masquer ses liens
avec le PKK et son bras armé, le Hêzên Parastina Gel
(HPG)662. Les photos et vidéos de militaires américains
arborant les insignes des YPG déclenchent des
protestations officielles de la Turquie663, et sont retirées
de YouTube664.
En décembre 2018, Donald Trump déconcerte l’Europe
en annonçant le retrait des forces américaines de Syrie. En
fait, on est en pleine « trumpophobie ». En avril 2016, le
sénateur républicain Lindsey Graham, avait qualifié la
collaboration avec les Kurdes de « l’idée la plus stupide
du monde665 » car elle froissait l’allié turc ; exactement
les mêmes mots qu’il utilise en décembre 2018, pour
qualifier la décision de Trump d’abandonner les
Kurdes666. Il n’y a donc aucune stratégie, mais seulement
de la politique politicienne.
Même problème en Europe. Une fois de plus, l’émission
« C dans l’air », sur France 5, joue son rôle de caisse de
résonance du discours officiel. Seul le journaliste Jean-
Dominique Merchet fait preuve d’honnêteté intellectuelle
en rappelant que l’intervention en Syrie n’était pas
populaire667 et que le président ne fait qu’appliquer son
programme électoral668. Trump suspend alors sa décision.
Contrairement à ce qu’affirmera Patrice Franceschi plus
tard, il ne « rétropédale669 » pas, mais donne du temps à
ses alliés (dont la France) pour prendre les dispositions
nécessaires670. Ce qu’ils ne feront pas : ils n’envoient pas
de troupes ni n’établissent aucun mécanisme ou accord
avec les Kurdes, pour fournir des garanties à la Turquie
après le retrait.
En octobre 2019, les Turcs interviennent en Syrie dès le
départ des Américains (opération SOURCE DE PAIX),
afin de repousser les milices kurdes à 30 km de la
frontière turque, déclenchant un tonnerre de protestations.
Les médias parlent d’un « prétexte671 », et évitent
soigneusement d’évoquer l’accroissement du terrorisme
kurde au sud de la Turquie et les quelque 3 000 morts672
qu’il a causées entre juillet 2015 et juillet 2017 en
Turquie. Au Parlement européen, la députée Frédérique
Ries parle d’une « opération illégale673 ». Mais c’est
inexact : elle oublie l’accord d’Adana, qui explique les
réactions molles de la Syrie et de la Russie674.
L’administration Trump tente de faire croire que le
PKK/HPG est distinct du PYD/YPG675. Un mythe
soigneusement entretenu en Occident, notamment en
France, où la lutte du peuple kurde est très populaire676.
Jouant sur les mots, le député belge Georges Dallemagne
affirme que le PYD n’opère pas en Turquie677. C’est
inexact : les YPG et l’HPG ont la même structure de
commandement, partagent et échangent leurs combattants
de part et d’autre de la frontière, selon les besoins, comme
le rapporte le Washington Post678. D’ailleurs, après la
reprise de Raqqa, les YPG ont immédiatement hissé au
centre de la ville le drapeau du PKK et des portraits
d’Abdullah Oçalan, chef commun du PKK/HPG et du
PYD/YPG679. Les témoignages de commandants du
PKK680 sont confirmés par le Rapport annuel
d’EUROPOL de 2016, qui constate que les deux
organisations sont liées681, comme l’ont montré les
arrestations de militants du PKK en Espagne682. Le
28 avril 2016, auditionné par la Commission sénatoriale
des Services armés, Ashton Carter, alors secrétaire à la
Défense américain, confirme que les PYD/YPG sont liés
au PKK683.
Avant la chute de l’EI, les Kurdes et la garnison syrienne
de Qamishli coexistaient sans frictions majeures. Dès lors,
en octobre 2019, les FDS auraient aisément pu transférer
la garde des prisonniers djihadistes à l’armée syrienne. Or,
ils ne l’ont pas fait, préférant utiliser ces prisonniers pour
faire pression sur les Occidentaux684.
En fait, on joue sur l’éventuelle résurgence de l’EI pour
inciter les États-Unis à rester : leur présence est illégale
aux yeux du droit international, sa seule justification
légale est la loi AUMF 2001685. C’est pourquoi, le repli
des militaires américains sur la zone pétrolifère de Deir
ez-Zor devient illégal à tous les points de vue. L’écrivain
Patrice Franceschi affirme – sans fournir d’élément de
preuve – avoir « vu […] en permanence, un soutien turc »
aux combattants de l’EI pendant 7 ans686. La Turquie
aurait donc aidé l’EI qui a mené 21 attentats et causé 319
morts sur son territoire entre 2014 et 2017687 ? À quelles
fins ? Et pourquoi l’EI aurait-il attaqué un allié aussi
précieux ? Pas d’explications. En fait, il base son
accusation sur la proximité entre Erdogan et les Frères
musulmans… qui sont considérés comme les « rebelles
modérés » en Syrie !…
On cherche à dramatiser la situation : Caroline Fourest
affirme de manière théâtrale que les Kurdes « se sont
sacrifiés pour nous défendre688 » contre l’EI, Patrick
Cohen affirme qu’« eux seuls se sont portés en première
ligne pour affronter les djihadistes689 ». C’est faux : ils se
sont battus pour deux raisons. Premièrement, parce que de
très nombreux jeunes kurdes avaient rejoint les rangs de
l’EI et menaçaient leur propre peuple690. Deuxièmement,
ils attendent de l’Occident qu’il leur attribue les territoires
pris aux populations autochtones syriennes : le « Rojava »,
à l’Est de l’Euphrate691.
D’ailleurs, alors que les interventions turques à l’ouest
de l’Euphrate, en 2016 (Opération BOUCLIER DE
L’EUPHRATE) et 2018 (opération RAMEAU
D’OLIVIER) n’avaient pas déclenché de réactions, les
médias français se déchaînent en octobre 2019.
L’explication est que l’opération SOURCE DE PAIX
concerne l’est de l’Euphrate ; une zone où les
néoconservateurs américains cherchent à créer un État
kurde, afin de morceler la Syrie. Les Occidentaux
craignent une alliance entre les Kurdes et le gouvernement
syrien, qui lui permettrait de restaurer l’intégrité du
pays692. Car les Kurdes n’étaient pas vraiment opposés au
gouvernement de Bachar al-Assad. En avril 2011, il avait
accordé la citoyenneté syrienne à 300 000 Kurdes
apatrides693, et en 2012, il a conclu avec le PYD/YPG un
pacte informel de non-agression694. En octobre 2019,
leurs objectifs convergent pour lutter contre les djihadistes
soutenus par les pays occidentaux (y compris l’État
islamique)695.
Selon Bernard-Henri Lévy, les Kurdes auraient une
« culture démocratique assez unique696 ». Pourtant, n’en
déplaise à Patrick Cohen697, ils « ne sont pas des
anges698 ». Ils recrutent des enfants mineurs699,
spécialement dans la région de Kobane, et les utilisent
comme combattants de première ligne700. Au point que
dans les zones assyriennes chrétiennes, cette pratique a
conduit à la fermeture d’écoles701. En fait, les Kurdes ne
sont pas majoritaires dans les territoires qu’ils contrôlent
militairement. Afin de l’être, ils s’approprient de force des
terres qu’ils n’ont jamais occupées auparavant702, en
pratiquant un nettoyage ethnique en expulsant les
populations assyriennes chrétiennes703 et arabes704 et
torturant les enfants qu’ils capturent705. En France, les
médias et les autorités ferment les yeux sur ces exactions.
Mais ce n’est pas le cas du Parlement britannique qui s’est
inquiété à plusieurs reprises de la situation des populations
chrétiennes dans les zones occupées par les Kurdes706.
C’est pourquoi, le 9 octobre, le Conseil Mondial des
Araméens a applaudi le départ américain et l’arrivée de
l’armée turque, qui les libère des Kurdes et de leurs
exactions707.
Le problème est l’absence totale de stratégie
d’ensemble. En voulant lutter contre le gouvernement
syrien sur tous les fronts, les Occidentaux n’ont pas su
anticiper les problèmes, à la différence du gouvernement
syrien708. Le problème ici n’est pas que l’on se retire du
conflit, mais qu’on y soit entré !
6.6.5. Les livraisons d’armes et l’appui logistique
Au début 2012, le président Obama signe un décret
présidentiel SECRET, qui autorise la CIA à fournir des
armes aux rebelles syriens. Il établit également un centre
de commandement secret situé à Adana (Turquie), d’où
est coordonné l’appui à l’opposition syrienne709. Des
transports organisés par la CIA et exécutés par des
appareils saoudiens, croates, jordaniens et américains vers
la base aérienne turque d’Esenboga, acheminent des
centaines de tonnes de matériels et d’armes aux rebelles
syriens. Ces livraisons s’accroissent dès novembre – après
les élections présidentielles – et comprennent des armes
collectives antichars et des missiles portables antiaériens
en provenance de Libye710.
Mais les Européens ne sont pas en reste. En mai 2011711,
l’Union européenne décrète un embargo sur les armes à
destination de la Syrie, que la France et la Grande-
Bretagne cherchent à faire lever en mars 2013712. Afin de
rassurer l’opinion publique, le président Hollande
affirme :
Il ne peut y avoir de livraison d’armes à la fin de
l’embargo […] s’il n’y a pas la certitude que ces armes
seront utilisées par des opposants légitimes et coupés de
toute emprise terroriste […] Pour l’instant, nous n’avons
pas cette certitude.
Et il ajoute :
Aujourd’hui, il y a un embargo, nous le respectons […]
[mais cette règle est] violée par les Russes qui envoient des
armes à Bachar al-Assad, c’est un problème713.
Mais il ment. En mai 2014, il avouera que la France a
commencé à livrer des armes aux rebelles syriens dès
2012, violant ainsi l’embargo sur les armes de l’UE714.
En septembre 2012, un rapport SECRET/NOFORN715
de la Defense Intelligence Agency (DIA) détaille les
livraisons aux rebelles syriens à partir de la Libye en
août : 500 fusils à lunette, 100 lance-roquettes antichars
avec trois coups chacun et 400 obusiers de 125 et
155 mm. Des milliers de tonnes de munitions et
d’armements sont livrées à la rébellion syrienne716,
malgré le fait que l’on sache que les armes arrivent
directement dans les mains des djihadistes717. En
mai 2013, les Américains leur fourniront même 4 lance-
fusées multiples du type BM-21 GRAD, avec 20 000
roquettes de 122 mm718.
Au début 2014, les Américains annoncent officiellement
qu’ils livreront des missiles antichars BQM-71 TOW-2 à
certains groupes « modérés » et « soigneusement
choisis ». L’apparition de ces missiles sur le théâtre
d’opérations syrien soulève quelques questions. Non
seulement, il est aujourd’hui démontré que certains de ces
missiles (d’une portée utile de 4,2 km) ont été engagés
régulièrement depuis le territoire turc par-dessus la
frontière contre des positions fortifiées et des blindés
syriens, mais encore les unités rebelles qui les ont reçus –
déclarées « modérées » par les Américains, comme le
Harakat al-Hazm – collaborent régulièrement avec des
formations rebelles considérablement plus radicales,
comme le Jabhat al-Nosrah, à qui elles prêtent leurs
armes. Au début 2015, à la suite d’un différend, al-Hazm
est absorbé par le Jabhat al-Nosrah, qui s’empare alors des
missiles américains. Les missiles antichars français
MILAN subiront un sort analogue719.
En fait, les Occidentaux connaissent très mal les
dynamiques qui animent le conflit syrien. Sur nos
plateaux de télévision, des « experts » soutiennent des
rebelles qui sont de véritables criminels de guerre en série,
tandis que les autorités fournissent des armes qui passent
de main en main selon la règle du plus offrant. Or, on sait
depuis 2012 que la rébellion est instable et que les armes
fournies aux « modérés » sont parvenues à l’État
islamique720.
6.6.6. Les instructeurs et conseillers militaires occidentaux
Dès 2011, la France se joint aux efforts américains,
israéliens, saoudiens et qataris pour déstabiliser la Syrie.
L’ex-agent de la CIA Philip Giraldi, vice-directeur du
Council for National Interest, rapporte que :
Les instructeurs des forces spéciales françaises et
britanniques sont sur le terrain, et prêtent main-forte aux
rebelles syriens, tandis que la CIA et les opérations
spéciales américaines fournissent les moyens de
communication et de renseignement pour soutenir la cause
des rebelles, en permettant aux combattants d’éviter les
zones où se concentrent les soldats syriens721.
En mars 2012, des journaux libanais évoquent la capture
par l’armée syrienne de 13 militaires français dans le
quartier de Baba Amr à Homs722, jusqu’alors tenu par les
phalanges Al-Farouq et Khalid Bin al-Walid, qui font
alors partie de l’ASL et sont soutenues par la France. Elles
rejoindront plus tard les rangs djihadistes, puis de l’EI.
En juin 2016, Radio Free Europe/Radio Liberty rapporte
que les États-Unis ont demandé à la Russie d’éviter de
frapper le Jabhat al-Nosrah723 ; une demande déjà
formulée par les rebelles « modérés » en février 2016724.
En France, aucun média traditionnel ne relaiera cette
information : elle nuirait au discours officiel. Il s’agit de
privilégier l’objectif principal : renverser le gouvernement
syrien.
Le 19 décembre 2016, lors d’une conférence de presse,
l’ambassadeur syrien aux Nations unies donne les noms
de 14 officiers de renseignement étrangers qui ont été
encerclés à Alep-Est par les forces spéciales syriennes.
Parmi eux, on compte 1 officier américain, 1 Israélien, 1
Turc et 8 Saoudiens725. Ainsi, des officiers occidentaux
auraient soutenu des rebelles, qui – rappelons-le – ont tous
rejoint les rangs des djihadistes.
Comme en Libye, le soutien de l’Occident à l’opposition
syrienne n’a amené ni une moralisation du conflit, ni un
plus grand respect du droit de la guerre, ni un apport des
valeurs qu’il proclame : les groupes dits « modérés » n’ont
guère plus de considération pour les droits de l’Homme
que les autres726. Comme le confesse un combattant
rebelle :
Ils nous ont entraînés à tendre des embuscades à des
véhicules ennemis du régime et à couper les routes […] Ils
nous ont également formés à attaquer des véhicules, à les
fouiller, à trouver des informations, des armes ou des
munitions et à achever les soldats encore vivants après une
embuscade727.
… ce qui tend à démontrer que ce ne sont ni nos valeurs
ni nos principes qui motivent l’engagement occidental.
Pourtant, la presse occidentale traditionnelle –
particulièrement en France – reste très peu critique sur cet
engagement et ses modes opératoires. D’ailleurs,
pratiquement tous les candidats à la présidentielle de 2017
se sont prononcés clairement pour un retrait de Syrie ou
pour dénoncer l’inefficacité de la coalition internationale
dans la crise syrienne, sauf… Emmanuel Macron.
6.7. Les photos de « César » et la prison de
Saydnaya
Dès 2011-2012, les États-Unis et la France ont l’objectif
avoué de renverser le gouvernement syrien. Mais, à ce
stade, leur action reste clandestine (fourniture d’armes,
financement et formation des rebelles) et rien ne leur
permet d’intervenir ouvertement sans une résolution du
Conseil de Sécurité des Nations unies. Il s’agit donc pour
eux de démontrer d’une part que les rebelles combattent
pour une cause juste, et d’autre part que le gouvernement
syrien massacre son propre peuple, afin de justifier une
intervention extérieure en vertu de la « responsabilité de
protéger » (R2P).
Le 10 juin 2014, le ministre des Affaires étrangères
Laurent Fabius adresse message vidéo aux participants à
la réunion du Conseil des droits de l’Homme à Genève. Il
présente alors un rapport sur les crimes commis dans les
prisons syriennes. Ses allégations s’appuient sur 53 275
photos de quelque 11 000 détenus728, dont on affirme
qu’ils ont été torturés par le gouvernement. Ces fichiers
auraient été fournis par un ex-agent de la sécurité
syrienne, connu sous le nom de code « CESAR ». Alors
au service du gouvernement syrien, il aurait été chargé de
photographier les morts dans les prisons syriennes et
aurait emporté les clichés lors de son exil vers l’Europe en
juillet 2013. Afin de le protéger, sa véritable identité n’a
jamais été dévoilée729. Pourtant, le nombre d’officiers de
la sécurité syrienne qui ont eu la même mission est
probablement assez réduit, donc si CESAR est réellement
ce qu’il prétend être, le gouvernement syrien doit le
connaître. Sa réalité reste ainsi sujette à caution.
Les photos sont accompagnées d’un rapport élaboré par
le cabinet d’avocats londonien Carter-Ruck & Co, et
financé par le Qatar (qui soutient l’opposition syrienne
djihadiste). Publiées le 20 janvier 2014 par CNN et le
quotidien britannique The Guardian, deux jours avant
l’ouverture des négociations de paix sur la Syrie à
Genève730. Elles contribueront à discréditer le
gouvernement syrien et à l’échec des négociations.
En 2014-2015, plusieurs médias (entre autres,
L’Express, Franceinfo et Le Soir) accréditent les photos
de CESAR en affirmant qu’elles ont été authentifiées,
notamment par le FBI américain731, et fustigent le
gouvernement syrien qui aurait nié leur authenticité. C’est
inexact et ces médias mentent par omission. En fait, le
FBI n’a fait qu’affirmer que les photos ne sont pas des
montages, mais il n’a pas été en mesure d’en certifier
l’origine ni les circonstances dans lesquelles ont été
acquises732.
Même si Laurent Fabius les qualifie d’« irréfutables »
les documents posent question. Au début décembre 2014,
un rapport établi par Human Rights Watch (HRW)
démontre que 24 568 images (soit 46 %) représentent des
militaires et des policiers syriens morts au combat ou à la
suite d’attentats. On est donc assez loin de la torture dans
les geôles syriennes. Les 28 707 photos restantes portent
sur 6 786 individus qu’HRW « considère » comme
décédés en détention ; mais dont 27 seulement avaient pu
être identifiés sur la base des déclarations de la famille, et
qui pourraient donc avoir été effectivement torturés dans
les geôles syriennes733. Mais là encore, des questions
subsistent car un certain nombre de cas de tortures avaient
été externalisés en Syrie par les États-Unis avant 2011…
Par ailleurs, on constate qu’un certain nombre de victimes
portent le même numéro de matricule ou – à l’inverse – le
même cadavre est enregistré sous plusieurs numéros.
À la mi-décembre 2014, Human Rights Investigations
(HRI) relève un certain nombre d’incohérences et constate
que seulement 26 948 images ont été fournies par
CESAR, le reste provenant d’autres sources imprécisées.
Depuis, l’affaire semble être restée au point mort.
Toujours est-il que la communauté internationale n’a pas
été en mesure d’authentifier les photos, ainsi que l’avoue
Amnesty International734, ni de contacter le mystérieux
CESAR735. On ne connaît donc pas le « fin mot » de
l’histoire.
Il semble cependant assez étrange qu’un gouvernement
cherche à enregistrer ses propres crimes ! En fait, il est
plus plausible que le gouvernement ait voulu documenter
les effets du terrorisme et les méthodes de la rébellion, et
qu’une partie des photos provienne de ces archives. Les
autres photos viennent vraisemblablement de services de
renseignements occidentaux ou israéliens et pourraient
avoir été prises en Syrie et en Irak.
Quelle que soit la nature des victimes, il s’agit
possiblement d’une opération de manipulation destinée à
provoquer une intervention internationale, comme
Benghazi en 2011. Finalement, elle ne parviendra pas à
convaincre, et les États-Unis devront inventer le groupe
« Khorasan », pour tenter de forcer la main du Congrès,
avant que l’apparition de l’EI leur fournisse le prétexte
pour intervenir. C’est probablement pourquoi l’affaire
CESAR a été rapidement oubliée.
Le 2 septembre 2019, le journaliste Michel Apathie, sur
LCI, interpelle le député Thierry Mariani à propos de sa
récente visite en Syrie à proximité de la prison de
Saydnaya. Le même jour et sur la même chaîne, le
journaliste Thierry Moreau questionne Nicolas Bay sur le
même sujet. Ils font référence à un rapport d’Amnesty
international publié en février 2017, qui prétend que le
gouvernement syrien aurait pendu et « exterminé » entre
5 000 et 13 000 prisonniers entre septembre 2011 et
décembre 2015. Naturellement, Michel Apathie ne
mentionnera que le chiffre supérieur de ce qui n’est
qu’une estimation, car la méthodologie qui conduit à ces
chiffres est expliquée dans le rapport lui-même :
Pendant les quatre premiers mois, il était habituel
d’exécuter entre sept et vingt personnes tous les dix à
quinze jours. Au cours des 11 mois suivants, entre 20 et 50
personnes ont été exécutées une fois par semaine,
généralement le lundi soir. Au cours des six mois suivants,
des groupes de 20 à 50 personnes ont été exécutés une ou
deux fois par semaine, généralement le lundi et/ou le
mercredi. Les témoignages de détenus suggèrent que les
exécutions ont eu lieu à un rythme similaire - voire
supérieur - au moins jusqu’en décembre 2015.
Ce qui conduit au calcul suivant :
Si entre sept et vingt personnes étaient tuées tous les dix
à quinze jours de septembre à décembre 2011, le nombre
total serait de 56 à 240 personnes pour cette période. Si
entre 20 et 50 personnes étaient tuées chaque semaine
entre janvier et novembre 2012, le chiffre total se situerait
entre 880 et 2 200 pour cette période. Si entre 20 et 50
personnes étaient tuées au cours de 222 séances
d’exécution (en supposant que les exécutions aient lieu
deux fois par semaine et une fois par semaine) entre
décembre 2012 et décembre 2015, le nombre total se
situerait entre 4 400 et 11 100 pour cette période. Ces
calculs donnent un chiffre minimal de 5 336, arrondi au
millier le plus proche de 5 000, et de 13 540, arrondi au
millier le plus proche de 13 000736.
Ces chiffres ne sont donc qu’une suite de spéculations et
d’extrapolations basées sur des « si », qu’aucun fait ne
vient confirmer. Le manque de rigueur, d’éthique et de
professionnalisme des journalistes devient évident et
jouxte le complotisme.
D’autant que les sources d’Amnesty sont pour le moins
discutables : pratiquement toutes les interviews ont eu lieu
en Turquie et par téléphone avec des « témoins » basés en
Europe, en Jordanie et aux États-Unis. En outre, Amnesty
n’a pu identifier que 95 individus qui ont peut-être été
dans la prison, parmi lesquels 59 qui auraient été
transférés ailleurs, et 36 qui auraient peut-être été
exécutés, mais on n’en sait rien737. On est donc très loin
des faits.
Cela n’empêche pas la presse occidentale comme Le
Monde738, la Radio-Télévision Suisse739, Jeune
Afrique740, France 24741, Courrier international742, La
Presse du Canada743 ou La libre744 de Belgique de
présenter des certitudes et de se caler sur le chiffre de
13 000. L’Express ira même plus loin en affirmant « pas
moins de 13 000745 » : la propagande au service de la
politique politicienne…
Le rapport présente également quelques incohérences,
comme les photos-satellite d’un cimetière militaire appelé
« Cimetière des Martyrs », un nom étrange pour y enterrer
des victimes qui seraient ennemies du régime ! Par
ailleurs, le rapport affirme que les sentences de mort
doivent être approuvées par le Grand Mufti de Syrie ; ce
qui est en contradiction avec la Constitution syrienne, qui
est laïque, et n’est confirmé par aucun document. Cette
référence incongrue au Grand Mufti, au moment où le
Grand Mufti de Jérusalem réapparaît dans les médias
israéliens, suggère que l’on tente alors de créer un
parallèle entre la Syrie et l’Allemagne nazie. Une sorte de
point Godwin…
En réalité, on ne sait rien : le rapport est un assemblage
de suppositions et de rumeurs sur base de préjugés.
Comme le rapport CESAR, son apparition, juste avant un
« round » de négociations de paix à Genève746, impose
une certaine prudence, que les fauteurs de guerre ignorent
délibérément.
6.8. « Le Groupe « Khorasan », menace
« imminente » contre les États-Unis »
Dès 2012, les États-Unis cherchent un prétexte pour
intervenir en Syrie et soutenir l’ASL par des frappes. Mais
après les mensonges pour attaquer l’Irak en 2003, une
telle décision est délicate. L’article 1er de la Constitution
américaine établit que seul le Congrès a autorité pour
déclarer la guerre ; mais l’article 2, autorise le président à
répondre militairement à une menace « imminente » ou
« soudaine », et lorsque le temps manque. Afin de pouvoir
répondre au terrorisme sans ces contraintes, la loi sur
l’Autorisation de l’usage de la force militaire (AUMF) a
été adoptée en 2001. Elle deviendra l’outil privilégié des
États-Unis pour justifier ses interventions.
Le 22 juin 2014, interrogé sur l’émergence de l’État
islamique lors d’une conférence de presse, le président
Obama déclarait qu’il pourrait constituer une menace dans
le « moyen et long terme », mais qu’il ne constituait, ni
une menace immédiate ni une condition nécessaire et
suffisante pour que les États-Unis s’engagent dans des
opérations militaires extérieures sans l’accord du
Congrès747. Le 10 juillet 2014, témoignant devant le Sénat
américain, Jeh Johnson, secrétaire à la sécurité du
territoire748, déclarait que « les États-Unis n’avaient pas
connaissance d’une menace particulière de l’État
islamique sur le territoire américain749 ». Son avis sera
confirmé quelques jours plus tard, début septembre, par le
directeur du Centre national de contre-terrorisme750
américain, Matthew Olsen751. L’EI ne constitue donc pas
une menace suffisante pour que le Congrès accepte une
intervention.
C’est alors qu’apparaît de manière très opportune dans
les médias un groupe terroriste d’une virulence encore
inconnue :
Alors que l’État islamique attire l’attention, un autre
groupe d’extrémistes en Syrie – un mélange de djihadistes
expérimentés d’Afghanistan, du Yémen, de la Syrie et
d’Europe – constitue une menace plus directe et plus
imminente pour les États-Unis, travaillant avec des
fabricants de bombes yéménites pour viser l’aviation
américaine, affirme un officiel américain. Au centre est une
cellule connue comme le groupe Khorasan, un groupe de
vétérans de combattant d’Al-Qaïda d’Afghanistan et du
Pakistan qui ont été en Syrie pour se connecter avec la
filiale d’Al-Qaïda, le Front al-Nosrah.
Les militants de Khorasan ne sont pas allés en Syrie
principalement pour combattre le gouvernement du
président Bachar al-Assad, affirme l’officiel américain.
Mais ils ont été envoyés par le chef d’Al-Qaïda, Aïman al-
Zawahiri, pour recruter des Européens et des Américains,
dont le passeport leur permet de s’embarquer dans des
avions américains sans attirer l’attention des membres de
la sécurité.
De plus, selon des analyses classifiées du renseignement
américain, les militants de Khorasan ont travaillé avec les
constructeurs de bombes d’Al-Qaïda au Yémen, afin de
tester de nouvelles méthodes pour faire passer des
explosifs à travers la sécurité des aéroports. La crainte est
que les militants de Khorasan fournissent ces explosifs
sophistiqués à leurs recrues européennes, afin qu’elles
puissent les introduire dans des vols vers les États-Unis752.
Quelques jours plus tard, CBS News rapporte :
L’État islamique d’Irak et du Levant (EIIL) peut bien
dominer les affiches et capter l’attention avec sa
propagande prolifique, mais Bob Orr de CBS News écrit
sur un autre groupe en Syrie – un dont peu ont entendu
parler parce que l’information le concernant a été tenue
secrète – qui est considéré comme un problème urgent. Des
sources ont confié à CBS News que des agents et experts
en explosifs de l’ancien réseau d’Al-Qaïda d’Oussama ben
Laden pourraient représenter à nouveau une menace
immédiate pour les États-Unis.
Les sources confirment que la cellule d’Al-Qaïda est
appelée « Khorasan » […]
Selon un membre de la CIA, la menace posée par le
nouveau groupe syrien est plus dangereuse que l’ISIL753.
Le 20 septembre, on apprend que le groupe Khorasan est
dirigé par Muhsin al-Fadhli (un islamiste proche d’OBL),
qui aurait participé à la préparation des attentats du
« 9/11 »754, et aurait financé l’opération contre le navire
français M/V Limburg en 2002. Vétéran de la guerre en
Tchétchénie et d’Afghanistan, Al-Fadhli sera tué lors
d’une frappe américaine, le 8 juillet 2015, à l’âge de 33
ans ; ce qui signifie qu’il aurait déjà été un « senior » dans
la hiérarchie d’« Al-Qaïda » à vingt ans à peine, avec des
collègues ayant deux à trois fois son âge. Possible, mais
douteux.
On attribue au nouveau groupe l’utilisation de
« vêtements explosifs »755. Le renseignement américain lui
prête une « aspiration » à commettre un attentat
semblable à celui du « 9/11 » et suggère une relation avec
le Pakistan, l’Afghanistan et l’Iran756. Le fait que l’Iran
(chiite) soit associé au Pakistan et l’Afghanistan dans un
projet djihadiste de nature essentiellement sunnite ne
semble pas perturber les experts. C’est pourtant sur cette
base qu’à la surprise générale757, le 23 septembre 2014, le
président Obama déclenche les frappes aériennes sur le
territoire syrien :
La nuit dernière, nous avons également mené des
attaques pour détruire les complots contre les États-Unis
par des agents expérimentés d’Al-Qaïda, connus sous le
nom de groupe Khorasan. Une fois de plus, il doit être
clair pour quiconque chercherait à comploter contre
l’Amérique et pour faire du mal aux Américains, que nous
ne tolérerons pas des sanctuaires pour les terroristes qui
menacent notre peuple758.
Il se place ainsi dans une situation de légitime défense
en suggérant par-là que la Syrie accordait des sanctuaires
pour des terroristes préparant des actions contre les États-
Unis. Le Washington Post, citant des sources du
Pentagone, mentionne que le groupe était prêt à mettre en
œuvre des frappes « imminentes » contre l’Europe ou les
États-Unis759.
Pourtant, le même jour, des doutes apparaissent et le
magazine Foreign Policy s’interroge :
Quel renseignement concret – s’il y en a – a permis aux
États-Unis de frapper maintenant ? Les officiels qui ont
parlé aux journalistes au sujet des frappes en Syrie n’ont
apporté aucune information sur un complot particulier. Ils
n’ont pas non plus expliqué pourquoi la menace actuelle,
qui aurait été décrite aux membres du Congrès il y a une
année, est plus dangereuse maintenant qu’au mois de
juillet, lorsque les efforts de Khorasan pour recruter des
Occidentaux avaient conduit à renforcer les contrôles de
sécurité dans certains aéroports étrangers avec des vols
directs vers les États-Unis760.
L’article cite même un officiel de la lutte antiterroriste
américaine :
Khorasan à l’intention de frapper, mais nous ne savons
pas si leurs capacités sont à la hauteur de leurs désirs761.
Rapidement, l’affaire se dégonfle. Le New York Times
rapporte que le groupe (qui avait pourtant préparé des
attaques imminentes) n’avait aucune cible définie ni
même de plans concrets762. CBS News surenchérit :
James Comey, le directeur du FBI, et le contre-amiral
John Kirby, porte-parole du Pentagone, ont chacun
reconnu que les États-Unis n’avaient pas de
renseignements précis sur le lieu ou la date choisie par la
cellule, connue sous le nom de groupe Khorasan, pour
attaquer une cible occidentale.
Nous pouvons débattre du fait qu’il fallait ou non les
frapper et si cela était trop tôt ou trop tard […] Je ne pense
pas qu’il faille discuter du fait que c’étaient de mauvais
garçons763.
À la fin septembre 2014, un article dans la National
Review confirme :
Vous n’avez jamais entendu parler d’un groupe appelé
Khorasan parce qu’il n’y en a jamais eu. C’est un nom
créé par l’administration, qui avait calculé que
Khorasan – une région située dans la région frontalière de
l’Iran et de l’Afghanistan – avait suffisamment de liens
avec le contexte djihadiste pour que personne ne remette
en question la parole du Président764.
Finalement, le 2 octobre 2014, moins de dix jours après
le début des frappes en Syrie, le vice-président Joe Biden,
lors d’une allocution à l’université de Harvard, souligne
l’absence de menace existentielle :
La menace posée par l’extrémisme violent est réelle. Et
je veux dire ici sur le campus de l’université de Harvard :
notre réponse doit être très sérieuse, mais nous devons la
garder en perspective. Les États-Unis font aujourd’hui face
à des menaces qui exigent une attention. Mais nous ne
faisons pas face à des menaces existentielles par rapport à
notre mode de vie ou notre sécurité. Permettez-moi de
répéter : nous ne faisons face à aucune menace
existentielle – aucune – par rapport à notre mode de vie ou
notre sécurité. Vous avez deux fois plus de risque d’être
frappé par la foudre, que d’être touché par un événement
terroriste aux États-Unis765.
Ainsi, le groupe « Khorasan » n’a été qu’une invention
américaine. Mais contrairement à ce que suggère Thierry
Meyssan dans son ouvrage Sous nos yeux766, il n’a jamais
existé physiquement. Comme les armes de destruction
massive irakiennes douze ans plus tôt, il n’a été qu’un
prétexte créé de toutes pièces pour justifier une
intervention militaire en Syrie. Ce qui démontre qu’en
2014, peu après son apparition, l’État islamique ne
constituait pas une menace pour l’Occident et, dans tous
les cas, une menace insuffisante pour que le Congrès
autorise une intervention en Syrie. Par ricochet, le prétexte
invoqué en 2014 par le gouvernement Hollande pour
mener des frappes en Irak, puis en Syrie, était tout aussi
fallacieux, comme nous le détaillerons plus bas.
Le 12 janvier 2015, six mois après l’évocation de ce
groupe fantôme, apparaît au Pakistan un groupe appelé
« Province de Khorasan ». Créé à partir d’une dissidence
des Taliban, il n’a rien à voir avec le groupe « Khorasan »
et se rallie à l’État islamique. Il est porté sur la liste
américaine des mouvements terroristes étrangers, le
16 janvier 2016…
6.9. « L’État islamique rêve de recréer le califat
d’Abissidie767 »
L’idée que les islamistes utilisent le terrorisme pour
servir un projet d’expansion mondiale a très été propagée
par milieux néoconservateurs américains dès 2001.
Largement reprise par les politiques et les médias
occidentaux, elle est devenue une « post-vérité », dont le
but est de masquer la seule vraie raison qui a été répétée
de manière systématique par les groupes terroristes depuis
les années 1990, mais que l’on cherche à dissimuler : les
interventions occidentales au Moyen- et Proche-Orient.
Les 10 et 11 septembre 2006, la chaîne de télévision
américaine ABC diffuse un docudrame en deux parties,
The Path to 9/11, qui retrace la genèse des attentats et sera
repris par un grand nombre de médias à travers le
monde768. Il comporte de nombreuses approximations et
erreurs manifestes dont la plus notable est une « fatwa »
prétendument écrite par OBL comprenant notamment la
phrase suivante :
Il n’y aura pas de place pour la négociation tant que
l’Amérique ne se convertira pas à l’Islam769.
Suggérant ainsi qu’OBL aurait déclaré une « guerre
sainte » contre les États-Unis, jusqu’à ce qu’ils soient
convertis à l’Islam… une idée qui n’apparaît dans aucune
de ses fatwas770.
Sous prétexte de ne pas encourager leur propagande, les
médias occultent systématiquement les explications des
terroristes eux-mêmes. Il en résulte une opacité sur leurs
motifs réels, qui a généré une confusion entre Islam et
islamisme. Il en est résulté une crainte de l’islam (en
français : islamophobie) qui a creusé le fossé entre
communautés, particulièrement en France.
En 2012, le rapport annuel sur le terrorisme de la police
européenne EUROPOL, dans son édition de 2013, (donc
portant sur 2012, avant les frappes occidentales en Syrie)
constate que les aspirations de l’État islamique d’Irak
(EII) sont exclusivement locales :
L’État islamique en Irak771 a accentué la nature locale
de son combat et a délibérément abandonné l’idéologie et
l’empreinte d’Al-Qaïda et son djihad global772.
En avril 2013, après s’être engagé dans l’est de la Syrie,
et avoir soutenu le Jabhat al-Nosrah, l’EII tente de
l’absorber et prend le nom d’État islamique en Irak et au
Levant (EIIL) (Dawlah al-Islamiyyah fi’l-Eiraq wal-
Sham)773. Les relations entre les deux groupes
connaissent des hauts et des bas. En mars 2014, Ayman al-
Zawahiri – considéré comme le successeur d’OBL –
désapprouve la création d’un Califat et consacre leur
division. Il y aura encore une brève tentative de fusion à la
fin juin 2014774, juste avant que l’EIIL devienne
simplement l’État islamique (EI) (Dawlah al-Islamiyyah),
le 29 juin. Sur le plan opérationnel, les deux groupes sont
essentiellement divisés par des rivalités de personnes,
même si la propagande de l’EI évoque des divergences
dans l’application du Coran. Mais, comme le précise
Abou Mohammed al-Jaulani, chef du Jabhat al-Nosrah :
En tout cas, l’État islamique en Syrie sera construit par
tout le monde, sans exclusion d’aucune partie ayant
participé au djihad et au combat en Syrie775.
La crainte exprimée par certains d’un Califat, qui
s’emparerait de tout le pourtour de la Méditerranée en
lançant de vastes opérations militaires, n’a pas de
fondement. En fait, cette idée a émergé au sein du
gouvernement américain. En septembre 2004, à Lake
Elmo, le vice-président Dick Cheney émet pour la
première fois la notion d’un Califat qui menacerait
directement l’Europe occidentale et qu’il attribue alors à
« Al-Qaïda » :
Ils parlent de vouloir rétablir ce que vous pourriez
appeler le Califat du septième siècle. C’est comme le
monde était organisé il y a 1200-1300 ans, alors que
l’Islam ou les musulmans contrôlaient tout du Portugal et
l’Espagne à l’Ouest ; à travers la Méditerranée jusqu’à
l’Afrique du Nord ; toute l’Afrique du Nord ; le Moyen-
Orient ; jusque dans les Balkans ; les républiques d’Asie
centrale ; la pointe sud de la Russie ; une bonne partie de
l’Inde ; et jusqu’à l’Indonésie moderne. Dans un sens, de
Bali et Djakarta à un bout jusqu’à Madrid à l’autre776.
L’idée est reprise dans un rapport du Conseil national du
renseignement (CNI) américain – un conseil consultatif,
qui fait partie de la Communauté du renseignement –
publié en décembre 2004. Intitulé « Modélisation du Futur
du Monde », il présente quatre scénarios pour l’évolution
possible du monde à l’horizon 2020, parmi lesquels la
reconstitution du Califat. Ce rapport, qui n’est qu’une
hypothèse, sera cependant présenté par le gouvernement
Bush – et en premier lieu par le secrétaire à la Défense
Donald Rumsfeld – comme étant l’objectif d’« Al-
Qaïda777 » :
Ils ont constaté que la grande résonance de l’usage du
mot « califat » [a] un impact de terreur presque instinctive.
On trouve sur le Net une carte attribuée à l’État
islamique, représentant sa vision d’un Califat s’étendant
sur toute la moitié nord du continent africain, l’Asie de la
Méditerranée à l’Inde, l’Espagne, les pays d’Europe
centrale et les Balkans778. Business Insider confirme que
cette carte est une fantaisie779. Elle a été reprise du
compte Twitter de l’organisation néoconservatrice
American Third Position (A3P)780 et publiée le 3 juillet
2014 par la chaîne américaine ABC News afin d’illustrer
la progression attendue de l’EI781. Aucun élément ne la lie
effectivement à une planification de l’État islamique. Elle
est utilisée par les milieux d’extrême-droite et les services
de renseignements pour exagérer la menace terroriste ;
comme le directeur des services de renseignements
suisses, Markus Seiler, le 4 mai 2015, afin de justifier le
besoin d’une loi sur le renseignement plus intrusive782…
En janvier 2018, dans un documentaire diffusé sur
France 3 et intitulé Complotisme, les alibis de la
terreur783, le philosophe Jacob Rogozinski affirme :
Le djihadisme est aussi un mouvement qui vise la
souveraineté, le pouvoir mondial. Il y a derrière un rêve,
un rêve fou sans doute, mais un rêve de créer un califat,
qui serait un califat mondial, qui va s’emparer de Rome,
qui va s’emparer de l’Europe, qui vaincra l’Amérique, qui
établira un réseau mondial de vrais croyants, unis derrière
un pouvoir souverain absolu784.
On dénonce un complotisme par un autre complotisme.
C’est absurde et peu honnête. Que l’EI d’aujourd’hui ait
fait du Califat abbasside du IXe siècle (et non du Califat
d’Abissidie – qui n’a jamais existé !) un modèle mythique,
c’est indéniable. Il est également probable que certains
caressent l’idée de le reconstituer, mais que l’EI utilise
l’action terroriste à cette fin est faux : il n’a jamais
prétendu vouloir imposer l’islam à l’Occident au moyen
du terrorisme. Lui attribuer des ambitions globales ne sert
qu’à détourner son message de fond : faire cesser les
interventions dont il est la cible. Par ailleurs, en admettant,
par hypothèse, qu’il ait le projet de reconstituer ce Califat,
son action devrait se concentrer en premier lieu sur le
monde musulman lui-même, Arabie Saoudite en tête, et
non les pays occidentaux – comme la France, l’Allemagne
ou la Suède – qui n’en ont jamais fait partie.
En France, s’est installé un communautarisme basé sur
la confusion entre deux processus distincts :
- l’extension de la terre d’islam (Dar al-Islam), qui
s’effectuera le plus sûrement sans violence, à travers
l’émigration, dans un processus déjà amorcé il y a
plusieurs décennies. C’est d’ailleurs de cette manière que
l’Islam s’est répandu en Afrique du Nord entre le VIIe et
le IXe siècle. Une approche basée sur des dynamiques
opportunistes et une certaine candeur de la société
occidentale, qui a servi les intérêts des partis et
organisations de gauche européennes. Elle sera le résultat
de flux migratoires et d’investissements croissants des
monarchies du Golfe dans les pays occidentaux. C’est un
processus qui passe plus sûrement par le financement de
clubs de football que par le terrorisme :
- l’utilisation du terrorisme pour pousser les pays
occidentaux à abandonner leurs interventions militaires
dans les pays musulmans. C’est ce que les théoriciens du
djihad appellent « opérations de dissuasion », qui est en
exacte cohérence avec le sens du mot « djihad », pris dans
son sens militaire. Ils savent qu’on ne subjugue pas un
pays par le terrorisme, mais on peut infléchir sa politique.
D’une manière générale, les théories révolutionnaires qui
prônent l’usage du terrorisme en font un « détonateur »
pour déclencher des actions plus larges. Or, avec les
djihadistes, on ne trouve pas de « masse critique »
révolutionnaire capable de générer la création d’un État
dans le prolongement d’une campagne terroriste, pas
même en Irak, en Libye ou en Syrie. D’ailleurs, même
dans ces pays, les pays occidentaux ont dû prendre le
relais des djihadistes pour constituer la masse critique qui
manquait pour amorcer un processus révolutionnaire. A
fortiori, cette masse critique n’existe pas en Occident,
malgré des sympathies pour l’EI.
Par ailleurs, l’extension de l’EI en Afrique n’est pas le
produit d’une colonisation venant de Syrie, mais d’un
ralliement de groupes islamistes orphelins (parfois créés
par l’action occidentale, comme en Libye ou dans le
Sahel) en quête d’une légitimité (comme en Tunisie, en
Libye ou en Égypte). Un phénomène identique à ce que
l’on avait observé avec « Al-Qaïda » dix ans plus tôt.
L’image d’un islamisme à la conquête de son passé n’est
rien d’autre qu’un mensonge pour masquer un terrorisme
qui résulte de politiques interventionnistes mal réfléchies.
6.10. « Les États-Unis ont créé l’État islamique »
Comme on l’avait déjà vu après les attentats du
11 septembre 2001 avec « Al-Qaïda », la création de l’État
islamique (EI) (al-Dawlah al-Islamiyyah) est souvent
expliquée par un plan machiavélique concocté entre
Washington DC et Tel-Aviv pour des raisons aussi
diverses qu’obscures. À l’appui de cette théorie, on
rappelle qu’Abou Bakr al-Baghdadi était incarcéré en
Irak, dans la prison de Camp Bucca, en Irak, considérée
comme une « académie » du djihadisme, et qu’il a été
libéré par les Américains (à dessein) en décembre 2004.
C’est l’illustration parfaite d’une théorie complotiste,
créée à partir d’éléments connus et vérifiables, mais
interprétés et assemblés de manière à créer une image
artificielle.
Après le renversement de Saddam Hussein avec l’aide
de l’opposition chiite, les Américains n’ont pas été
capables de mettre en place un État qui rassemble
harmonieusement les différentes composantes de la
société irakienne. Ils se voient comme des « libérateurs »
et ne comprennent pas que leur simple présence crée un
mouvement de résistance785. Ils n’avaient pas prévu qu’en
donnant le pouvoir à la majorité chiite du pays ils allaient
déclencher la résistance sunnite qui aboutira à « Al-
Qaïda » et ses variantes jusqu’à l’EI. Dès la fin 2003, on
observait déjà un afflux de centaines de djihadistes
étrangers vers l’Irak, comme le confirme Oussama
Kashmoula, gouverneur de la province de Ninive :
Maintenant, l’Irak est ouvert à tous les terroristes […]
Nous avons arrêté des Iraniens, des Jordaniens, des
Palestiniens, des Algériens – je n’en connais pas le
nombre786.
L’International Herald Tribune note alors qu’il ne s’agit
pas d’un flux coordonné, mais de l’addition d’initiatives
individuelles787, exactement comme dix ans plus tard en
Syrie.
Pour faire face à cette situation, les Américains se
lancent hâtivement dans la reconstitution des forces de
sécurité. Entre juin 2004 et septembre 2005, ils distribuent
dans la précipitation quelque 185 000 fusils d’assaut
AKM/AK-47, 170 000 pistolets, 215 000 gilets pare-
balles et 140 000 casques. Jusqu’en décembre 2004, les
armes n’ont fait l’objet d’aucun enregistrement (!). Au
total, 110 000 fusils d’assaut et plus de 80 000 pistolets
ont été disséminés, sans que l’on sache à qui ils ont été
distribués788. En fait, ils ont travaillé comme des
amateurs : en Afghanistan, ils ont perdu la trace de
quelque 465 000 armes légères distribuées aux forces
armées afghanes et autres factions « amies », selon un
rapport de l’Inspecteur-général spécial pour la
Reconstruction de l’Afghanistan, publié en juillet 2014789.
La « stratégie » du général Petraeus, appliquée dès 2007,
basée sur le financement de milices sunnites locales a
souvent été qualifiée de « solution novatrice ». Il n’en est
rien. Exploiter les rivalités et loyautés locales pour régler
des problèmes d’insurrection est vieux comme le monde
et avait déjà été utilisé avec succès au Vietnam et au Laos
par les Français, puis par les Américains. La différence –
et non des moindres – est qu’en Irak les loyautés ne
s’articulent plus autour d’une idéologie politique, du
pouvoir des tribus ou de l’argent, mais autour de rapports
de force entre communautés religieuses voire tribales, ce
que les stratèges américains n’ont pas compris. Ainsi,
dans leur volonté de « diviser pour régner » les États-Unis
ont distribué très libéralement des armes à divers groupes
armés sunnites, qui seront connus collectivement sous le
nom de « Mouvement du Réveil » ou des « Fils d’Irak ».
Ceux-là mêmes qui constitueront la base de ce qui
deviendra plus tard l’État islamique.
À ceci s’ajoute l’idée de fractionner les pays de la région
et d’y maintenir une instabilité permanente afin de
contribuer à la sécurité d’Israël ; mais elle n’inclut
vraisemblablement pas la création de groupes terroristes
internationaux, même si le développement de l’EI sur le
territoire syrien a commodément servi les intérêts des
États-Unis, de la France et d’Israël, comme nous l’avons
vu.
Ainsi, l’affirmation que les États-Unis ont délibérément
créé une organisation appelée « État islamique » vouée au
terrorisme, à des fins de politique étrangère, relève
certainement du complotisme. En revanche, si l’on admet
que les États-Unis et leurs alliés occidentaux se sont
trouvés débordés par une situation qu’ils ont eux-mêmes
créée, et que leurs stratégies ont favorisé l’émergence de
groupes armés particulièrement brutaux, alors on est
proche de la vérité.
L’EI a ses racines en Irak, dans le Groupe de l’unicité et
du djihad (Jama’at al-Tawhid wal-Djihad) apparu le
24 avril 2004, comme groupe de résistance à l’occupation
américaine. Cette origine irakienne, aujourd’hui déniée
par le gouvernement français qui cherche à attribuer
l’émergence de l’EI à Bachar al-Assad, est pourtant
clairement assumée par les islamistes eux-mêmes, comme
l’affirmait Abou Moussab al-Zarqawi en
septembre 2004790:
L’étincelle est apparue ici en Irak et sa chaleur
continuera à se développer – si Allah le permet – jusqu’à
ce qu’elle brûle les Croisés à Dabiq791.
Le 17 octobre de la même année, le groupe décide de se
donner une base plus large et prend le nom d’Organisation
de la base du djihad en Mésopotamie (OBDM) (Tanzim
Qaïdat al-Djihad fi Bilad al-Rafidaïn). Le mot « base »
(« Qaïdah ») est alors immédiatement interprété comme
une déclaration d’affiliation à « Al-Qaïda ». Pourtant, sa
genèse et ses objectifs sont différents des revendications
initiales d’OBL : il ne s’agit plus de forcer les États-Unis à
quitter la terre sainte d’Arabie saoudite, mais d’une
résistance contre une occupation militaire. En
janvier 2006, le chef de l’OBDM, Abou Moussab al-
Zarqawi, élargit son groupe en y intégrant divers groupes
sunnites, créant ainsi le Conseil consultatif des
moudjahidines en Irak (Majlis Shura al-Moudjahidin fi’l-
Eiraq). En octobre 2006, quatre mois après la mort d’Al-
Zarqawi, son successeur, Abou Hamza al-Mouhajir,
intègre ses forces dans un groupe nouvellement créé et
dirigé par Abou Omar al-Baghdadi : l’État islamique
d’Irak (EII) (Dawlat al ‘Eiraq al-Islamiyyah).
L’idée sous-jacente à la création de l’EII était de
dépasser les querelles tribales et de fédérer sous une seule
bannière – celle du djihad – les divers groupes armés qui
se dispersaient dans des querelles personnelles ; une
dynamique que les Taliban avaient utilisée avec succès en
1996, et que l’EI utilisera en Syrie, en « phagocytant » les
autres groupes armés islamistes. Ce que confirme un
rapport du Joint intelligence Committee (JIC), où le
responsable des analyses de renseignement pour le
gouvernement britannique déclarait en juillet 2006 :
L’étiquette « djihadiste » devient de plus en plus difficile
à définir : dans de nombreux cas, la distinction entre
nationalistes et djihadistes est floue. Ils partagent de plus
en plus une cause commune, étant unis par la violence
sectaire chiite792.
En mars 2007, le JIC confirmait que la résistance à
l’invasion américaine était bel et bien à l’origine de
l’établissement de l’EII (« Al-Qaïda en Irak »), qui
deviendra l’EI :
Les commandos-suicide ne manquent pas. AQ-I [Al-
Qaïda en Irak] recherche des attaques très médiatisées.
Nous estimons qu’AQ-I essayera d’étendre sa campagne
sectaire chaque fois que cela sera possible : les attentats-
suicides à la bombe à Kirkouk ont fortement augmenté
depuis octobre, date à laquelle AQ-I a déclaré la création
de « l’État islamique d’Irak » (y compris Kirkouk)793.
On connaissait donc parfaitement bien la mécanique de
la radicalisation djihadiste, mais, pour des raisons
politiciennes, on a refusé d’en tenir compte. Le
gouvernement français fera exactement la même erreur
dix ans plus tard. D’ailleurs, la carte dynamique de la
guerre en Syrie montre que l’EI s’est développé à partir
d’un changement d’allégeance progressif, mais rapide, de
l’opposition soutenue par les États-Unis et la France794.
Le « débunkage » proposé par Radio France en
juin 2018 dément – à juste titre – la responsabilité
américaine, mais sur la base de faux arguments. Marie
Peltier, de l’Université de Bruxelles, explique bien que
« DAECH » a ses origines en Irak, mais elle évite
soigneusement de préciser qu’il s’agissait d’une résistance
à l’intervention occidentale, visant les États-Unis au
premier chef, mais aussi ceux qui les ont appuyés par la
suite, comme la France et la Belgique, par exemple. Par
ailleurs, elle affirme que les États-Unis n’auraient pas les
moyens de créer une organisation terroriste dans un pays
étranger. C’est évidemment faux, puisqu’ils ont créé, armé
et soutenu l’opposition armée islamiste en Syrie, qui
s’intégrera plus tard dans l’EI795.
Ce que n’a pas compris (ou ne veut pas dire)
Mme Peltier est que la situation de l’État islamique en
Irak et au Levant (EIIL ou « DAECH ») n’est pas
symétrique : en Irak, il menace la stabilité du
gouvernement central de Bagdad et l’embryon d’État
kurde mis en place par les États-Unis et leurs alliés
occidentaux ; alors qu’en Syrie, il constitue un allié utile
pour lutter contre le « régime » de Bachar al-Assad.
En Syrie, l’intérêt des Occidentaux était d’avoir une
force rebelle suffisamment puissante, violente et radicale,
pour provoquer une réponse brutale du gouvernement, et
ainsi justifier son renversement ou le forcer à négocier. Ils
ont donc observé l’émergence de l’EI, avec
machiavélisme, mais surtout par naïveté et incompétence,
et l’ont délibérément laissé se développer en pensant que
cela servirait leurs objectifs. Sans en mesurer les
conséquences… D’ailleurs, John Kerry l’a avoué lui-
même en automne 2016 :
Et nous savions qu’il [DAECH] grandissait. Nous
observions. Nous avons vu que DAECH devenait de plus
en plus puissant et nous pensions qu’Assad était menacé.
Nous pensions cependant que nous pourrions
probablement faire en sorte qu’Assad négocie ensuite. Au
lieu de négocier, il a demandé de l’aide à Poutine796.
Ainsi, ni les États-Unis ni la France n’ont « créé » l’EI.
Mais ils ont tout fait pour qu’il se développe afin de servir
opportunément leurs intérêts immédiats797. C’est ce qui
explique la confession du lieutenant-général Michael
Flynn, ex-Commandant du Commandement conjoint des
opérations spéciales (USSOCOM) (2004-2007) et
Directeur de la DIA à cette époque :
Je pense que c’était une décision délibérée [du
gouvernement]798 !
Par ailleurs, les Américains savaient dès le début que
l’EI était financé et soutenu matériellement par l’Arabie
Saoudite et le Qatar : dans un courriel du 19 août 2014
envoyé par John Podesta à Hillary Clinton, puis publié par
Wikileaks en 2016, on peut lire :
Nous devons utiliser nos ressources diplomatiques et nos
services de renseignement traditionnels pour faire pression
sur les gouvernements du Qatar et de l’Arabie saoudite,
qui fournissent un soutien financier et logistique clandestin
à l’EIIL et à d’autres groupes sunnites radicaux de la
région799.
Cela n’est pas complètement nouveau, car le Qatar avait
déjà armé les islamistes en Libye. Toutes ces informations
étaient connues. Mais, évidemment, on ne mord pas la
main qui vous nourrit : le Qatar et l’Arabie saoudite sont
alors respectivement le premier et le troisième client de la
France en matière d’armements !
La responsabilité des Occidentaux par rapport à
l’émergence de l’EI en Syrie est claire. Toutefois, elle
n’est pas le produit d’une intelligence supérieure (ce qui
serait un complot !), mais au contraire celui de leur
incapacité à gérer la situation issue de la décomposition de
l’État irakien.
Juste après les attentats de janvier 2015, certains
commentateurs sur les réseaux sociaux avaient relevé que
la virulence du discours français contre l’EI risquait de le
promouvoir au rang de principal défenseur de l’Islam
contre l’agression occidentale. Ils avaient raison, comme
le confirme lui-même Abou Bakr al-Baghdadi, chef de
l’EI :
L’énormité des forces amassées pour combattre l’État
islamique témoigne de sa force et qu’il est sur le bon
chemin800.
Par ignorance ou par dessein, on refuse de comprendre
que la guerre contre le terrorisme est de nature
asymétrique. En cachant les messages de l’EI, les médias
n’ont fait que renforcer sa notoriété et ont affecté
dramatiquement notre compréhension du djihadisme.
Nous appliquons ainsi des stratégies basées sur des
rapports de force, qui fonctionnent avec les gangs
criminels, mais ont un effet inverse dans un contexte
djihadiste.
En conclusion, les Américains se sont engagés contre
l’EI parce qu’il menaçait de déstabiliser l’Irak, avec l’idée
de le « pousser » en Syrie et d’affaiblir le pouvoir
alaouite. La France n’avait aucune raison de s’impliquer
ouvertement en Irak, mais elle l’a fait avec le secret
souhait de basculer à un moment donné vers la Syrie, où
elle opérait déjà clandestinement, afin d’en renverser le
gouvernement. Comme on pouvait parfaitement le
prévoir, le terrorisme lui a donné cette opportunité, au prix
de plus de 250 victimes en métropole. Il est d’ailleurs
surprenant que les citoyens et les associations de victimes
ne se soient pas retournés contre les véritables
responsables de cette situation : ceux qui ont pris ces
décisions, en refusant de faire jouer les mécanismes
démocratiques pour s’engager dans des aventures, dont on
savait qu’elles mettraient en jeu la vie d’innocents.
6.11. « Israël a créé l’État islamique »
On a présenté l’État islamique (EI) comme poussé par
une vocation messianique, en lutte contre les
« mécréants », dévolu à la reconstruction du califat
abbasside et –bien entendu – antisémite. Pourtant, malgré
son implication dans le conflit syrien, Israël est épargné
par l’EI. Il n’en faut pas beaucoup plus pour en tirer la
conclusion qu’il y a une connivence entre les deux, et en
déduire les théories complotistes les plus diverses.
Dans la partie simpliste du spectre des théories du
complot, certains évoquent la similitude entre « ISIS »,
l’abréviation anglaise de l’EI, et « ISIS » (« Israeli Secret
Intelligence Service »)801… d’autant plus stupide
qu’aucune des deux abréviations n’est officielle ! Le
niveau suivant est l’affirmation selon laquelle le chef de
l’EI, Abou Bakr Al-Baghdadi, aurait, en fait, été un agent
israélien, dont le vrai nom serait Simon Eliott. Attribuée à
Edward Snowden, l’information vient en fait d’un « post »
sur Facebook, sans source indiquée. Les Israéliens
chercheraient ainsi à créer un chaos et une partition du
territoire syrien. Qu’ils aient un tel objectif, c’est plus que
probable, comme nous le verrons, mais qu’ils aient choisi
cette méthode pour y parvenir n’est qu’une allégation
gratuite.
Il n’en demeure pas moins que la relation entre l’EI et
Israël est ambiguë. En septembre 2014, le gouvernement
israélien proclame que l’EI et le Hamas partagent la même
idéologie802 afin de justifier la brutalité de son
intervention à Gaza au mois d’août. Mais, lorsque les
Occidentaux se mobilisent contre l’EI, Israël se montre
peu empressé. En août 2015, l’armée israélienne plaçait
l’Iran et la Syrie au premier rang de ses menaces, suivis
par le Hamas et le Hezbollah, tandis que l’EI n’était
mentionné qu’en fin de liste, sous la rubrique « et autres »
et plus du tout dans le reste du document803.
En janvier 2016, Moshe Ya’alon, ministre de la Défense,
affirme :
En Syrie, si j’avais le choix entre l’Iran et l’État
islamique, je choisirais l’État islamique804.
Cinq mois plus tard, lors d’une conférence à Herzliyya,
le major général israélien Herzi Halevy, chef du
renseignement militaire (AMAN), déclare qu’Israël ne
souhaite pas une situation où :
[…] l’EI a été vaincu, il a été contenu, son influence a
été réduite ; les superpuissances ont quitté la zone et nous
sommes coincés avec des forces radicales avec le
Hezbollah et l’Iran805 […]
Le 27 novembre 2016, sur les hauteurs du Golan, à la
frontière syrienne, une patrouille israélienne est prise à
partie par des djihadistes de la Brigade des Martyrs de
Yarmouk (Liwa Shuhada al-Yarmouk) associée à l’EI806.
Contrairement à sa politique habituelle, Israël ne riposte
pas. L’incident est relevé par le magazine Le Point807…
Mais évidemment, quelques mois plus tard, en avril 2017,
il omettra de mentionner que l’EI se serait excusé auprès
de l’État hébreu en affirmant l’avoir frappé par erreur,
selon le Times of Israël808.
Par ailleurs, on peut observer que la poche de l’EI qui
s’est développée à la frontière israélo-syrienne entre 2017
et 2018, n’a subi aucune frappe occidentale809. Grâce à
des accords locaux, elle a même repris la responsabilité de
territoires de groupes « modérés », notamment dans le
secteur de Daraa en juillet 2018. En fait, Israël coopère
avec des mouvements islamistes comme le Jabhat al-
Nosrah ou même l’EI : il a armé et financé au moins 12
groupes djihadistes, payé leurs combattants 75 dollars par
mois, leur a fourni des armes, ainsi que des fonds pour
acquérir des matériels au marché noir. Son objectif est de
tenir les milices prosyriennes éloignées de la frontière
israélienne810.
Cette mansuétude à l’égard des islamistes tend à
confirmer l’hypothèse d’une politique délibérée pour
maintenir le territoire syrien dans un équilibre instable
dans le moyen et long terme. Pour Israël, l’EI est un
rempart contre l’influence iranienne et un allié dans la
lutte contre le Hezbollah. Ce que confirme un think-tank
israélien – financé (entre autres) par l’Otan dans le cadre
de son Dialogue méditerranéen811 – dans un rapport
intitulé La destruction de l’État islamique est une erreur
stratégique, où il postule que l’État islamique « peut être
un instrument utile pour affaiblir le plan ambitieux de
Téhéran visant à dominer le Moyen-Orient812 ». On se
situe dans la continuité intellectuelle du rapport Yinon…
Ainsi, si Israël n’a certainement pas créé l’EI, il n’en
bénéficie pas moins de sa présence et d’une sorte
d’alliance officieuse et informelle.
D’ailleurs, l’EI a même déclaré la guerre au Hamas
palestinien parce qu’il ne combat pas pour la religion mais
pour une terre813 !… Ce qui met en évidence les « infox »
propagées par les médias traditionnels, comme le Figaro,
relayant les propos d’Anne-Clémentine Larroque, qui met
pêle-mêle tous les groupes islamiques dans le même
panier814. Ce qui confirme bien – en creux – que le conflit
israélo-palestinien n’a rien à voir avec la religion, mais est
de nature strictement territoriale.
Ironiquement, ce que nous voyons comme une menace
quasi existentielle en Europe, est perçu comme
insignifiante en Israël. C’est logique, les Israéliens ont
compris que si on le laisse tranquille, l’EI ne constitue pas
une menace essentielle. C’est très simple : il suffisait
d’écouter ce que les services britanniques disaient depuis
2005… Alors qu’en Occident – et en France en
particulier – on a tendance à frapper durement tous ceux
qui auraient pu, d’une manière ou d’une autre, approuver
ou même expliquer815 l’action de l’EI, un pragmatisme
beaucoup moins scrupuleux prévaut en Israël…
6.12. « La France est en Irak et en Syrie pour
combattre l’État islamique »
6.12.1. Le contexte
Dans la foulée du conflit libyen, la France et les États-
Unis commencent à soutenir clandestinement la révolution
qui s’amorce en Syrie. De fait, selon le général
Dominique Delawarde816, des frappes sur la Syrie avaient
déjà été planifiées dès janvier 2012817, soit plus de deux
ans avant l’apparition de l’État islamique (EI) en Syrie, à
la fin juin 2014 !
Élu président en mai 2012, François Hollande voit sa
popularité dégringoler assez rapidement et de manière
spectaculaire. En janvier 2013, cependant, l’intervention
au Mali (Opération SERVAL) semble apporter un répit à
cette chute. Mais le gouvernement continue à chercher un
prétexte crédible pour intervenir officiellement et
renverser Bachar al-Assad. En août, il tentera d’exploiter
l’attaque chimique de Ghouta pour justifier une
intervention armée. Mais la France n’a pas les capacités
d’agir de manière indépendante et Barack Obama ne
s’engage pas : une opinion publique peu favorable et les
doutes de ses services de renseignement sur la paternité de
l’attaque compromettent une approbation du Congrès. En
l’absence d’une menace avérée, les Américains créent de
toutes pièces le « Groupe Khorasan » afin de justifier un
engagement en « légitime défense ».
6.12.2. La stratégie et la pertinence de l’action
La guerre contre l’EI n’est qu’un prétexte. L’objectif
initial des Occidentaux n’était pas de combattre l’EI, mais
de renverser le gouvernement syrien. L’apparition et la
montée en force de l’EIIL sont le résultat de l’intervention
américaine en Irak. C’est parce qu’il menaçait les fragiles
États irakien et kurde mis en place par les Américains, que
les États-Unis ont formé leur coalition internationale.
Dans un deuxième temps, c’est parce que les Occidentaux
étaient inefficaces contre l’EI en Syrie, que la Russie a dû
intervenir. Ce n’est qu’après les attentats de 2015 que la
France a placé le groupe terroriste au centre de son
discours officiel et s’en est servi comme prétexte pour
poursuivre son objectif de renverser le pouvoir syrien.
En fait, la situation de l’État islamique en Irak et au
Levant (EIIL) est dissymétrique : en Irak, il perturbe
l’installation d’un gouvernement mis en place par les
États-Unis et leurs alliés occidentaux, alors qu’en Syrie,
l’EI est un allié utile pour lutter contre le « régime » de
Bachar al-Assad et l’influence iranienne. Il est donc traité
de manière différenciée sur les deux théâtres. D’ailleurs,
en août 2016, le Begin-Sadat Center for Strategic Studies
(BESA), un think-tank israélien (financé entre autres par
le Canada, les États-Unis et l’Otan), publie un papier qui
explique que la destruction de l’État islamique serait une
« erreur stratégique » et que coopérer avec la Russie
contre l’EI est une « folie stratégique » qui ne fait que
« renforcer l’axe Moscou-Téhéran-Damas818 ». Mais
évidemment, les médias européens évitent ce sujet délicat.
Un « rapport d’information » SECRET de la Defense
Intelligence Agency (DIA) américaine sur la situation en
Syrie, daté du 5 août 2012, identifie clairement l’avantage
de soutenir les islamistes syriens et ce, malgré les risques
de voir apparaître un État islamique :
Si la situation le permet, il y a la possibilité d’établir une
principauté salafiste déclarée ou non dans l’Est de la Syrie
(Hasaka et Deir ez-Zor), et c’est exactement ce que veulent
les pays qui soutiennent l’opposition afin d’isoler le régime
syrien, qui est considéré comme la profondeur stratégique
de l’expansion chiite (Irak et Iran)819.
La clé de cette stratégie est une partition de la Syrie,
dont il existe plusieurs modèles. La plus fréquemment
évoquée est celle d’un éclatement de la Syrie en un État
kurde au nord-est, un État sunnite au sud-est et un État
chrétien-alaouite à l’ouest du pays, sur la côte. Elle
rappelle le Plan Yinon de 1982, déjà évoqué, et explique
la convergence des stratégies occidentale et israélienne.
Cette idée est connue, mais on cache qu’elle a son origine
en Israël. On l’attribue même au gouvernement syrien820,
comme Le Figaro821 ! France 24 va plus loin en affirmant
qu’il s’agit du « Plan B » de Bachar al-Assad822. Mais
c’est un mensonge : le dirigeant syrien n’a jamais évoqué
une partition de son pays, mais au contraire, cherche à
restaurer son intégrité823. D’ailleurs, la reprise de son
territoire dès 2013 en témoigne. En fait, la notion de
« Plan B », est celle du gouvernement Obama : John
Kerry, alors secrétaire d’État, l’évoque lors d’une audition
auprès de la Commission sénatoriale des Affaires
étrangères en février 2016824. Elle est reprise par le
secrétaire d’État Rex Tillerson à l’université de Stanford,
le 17 janvier 2018, en cohérence avec la stratégie
opérationnelle de la coalition825.
Cela explique pourquoi, durant la prise de Mossoul en
2016, la coalition avait laissé un couloir libre pour que les
combattants de l’État islamique puissent rejoindre la
Syrie826. Le site Airwars.org recense les actions aériennes
de la coalition internationale au Moyen-Orient et leurs
victimes827. Si l’on superpose la carte des frappes
occidentales et celle des territoires encore tenus par l’EI
publiée par la BBC828, on constate qu’il n’y a eu aucune
frappe dans les zones de regroupement de l’EI dans le
sud-est de la Syrie et que la coalition a manifestement
cherché à le « canaliser » vers cette zone. D’ailleurs, elle
est étrangement inactive lorsqu’il s’agit d’empêcher le
groupe de pousser vers Damas829. Parfois même, la
coalition occidentale frappe l’armée syrienne ou les forces
alliées chrétiennes qui lui font face.
L’exemple le plus connu a eu lieu le 17 septembre 2016,
lorsque des avions américains, australiens830, danois et
britanniques de la coalition internationale rompent le
cessez-le-feu négocié avec la Russie et frappent durant 45
minutes la base aérienne syrienne de Deir ez-Zor, tuant
plus de 80 militaires syriens. La garnison de la base est
dirigée par un général druze et protège la ville (sunnite),
qui est alors encerclée depuis plus de deux ans par l’EI, à
l’exclusion de toute autre formation rebelle. Les frappes
occidentales permettent à l’EI de s’emparer des hauteurs
de Djabal al-Tharda, qui dominent la base, rendant
l’approvisionnement aérien de la base et les frappes
syriennes sur les assiégeants presque impossibles831.
Plus tard, les Américains expliqueront qu’il s’agissait
d’une simple erreur832. Pourtant l’excuse est cousue de fil
blanc. Tout d’abord parce que les Américains ont fait
exactement la même « erreur » quelques mois plus tôt833.
Ensuite, parce que des irrégularités mises en évidence par
le rapport d’enquête de l’US Central Command834 et
l’Association des vétérans du renseignement, montrent
que :
- les Américains ont induit en erreur les Russes sur les
emplacements ciblés, de sorte que les Russes n’ont pas pu
informer les Syriens qu’ils étaient visés ;
- les responsables du ciblage ont ignoré les analyses de
renseignement qui avertissaient que les positions visées
étaient syriennes et non de l’État islamique ;
- on est passé brusquement d’un processus de ciblage
planifié à un mode de « ciblage dynamique » (ou « tir
d’opportunité ») avec un choix des cibles non planifié835.
Comme le constatent les Nations unies, dès la fin 2017,
les frappes occidentales ont simplement forcé les
combattants de l’EI à « se fondre » dans le paysage836 et à
poursuivre leur combat au sein d’autres groupes militants.
C’est aussi ce qui explique la « radicalisation » des
rebelles « modérés » protégés et soutenus par les
Occidentaux.
Entre décembre 2018 et mars 2019, Donald Trump a
annoncé pas moins de 16 fois837 la défaite de l’État
islamique. Pourtant, on le considère encore comme une
menace838. Dans son rapport au Congrès, l’Inspecteur
général de l’opération INHERENT RESOLVE déclare
que l’EI aurait, en fait, entre 14 000 et 18 000
« membres » et « combattants » (sans qu’il soit possible
de distinguer entre les deux839). Mais ces chiffres sont
basés sur des informations de presse et le brigadier
général Yahya Rassoul, porte-parole de l’État-major
conjoint de l’opération, affirme qu’ils sont « grandement
exagérés » et que :
Les éléments de l’État islamique dans ces zones [NdA :
Irak et Syrie] ne dépassent pas quelques dizaines [de
personnes] déployées en petits groupes de trois à cinq
militants840.
En janvier 2015, après l’attentat contre Charlie Hebdo,
François Hollande déclarait :
On peut assassiner des hommes, des femmes, on ne tue
jamais leurs idées, au contraire841.
Il avait raison, mais il n’a pas su intégrer cette réflexion
dans une stratégie cohérente contre l’EI. Résultat : sa
stratégie est directement responsable des attentats que la
France a subis. Finalement, Abou Bakr al-Baghdadi est
éliminé le 27 octobre 2019 dans la poche d’Idlib,
contrôlée par les milices formées par les forces spéciales
de la Coalition et dans une zone que les Occidentaux ont
tout fait pour protéger des actions de l’armée
syrienne842…
6.13. « Les Casques blancs […] neutres,
impartiaux et apolitiques843 »
En 2014, la majeure partie des informations sur les
zones rebelles provient d’une organisation non
gouvernementale humanitaire syrienne qui se déclare
indépendante : les « Casques blancs » (White Helmets).
Reçus et ovationnés par l’Assemblée nationale à Paris en
2016, ils bénéficient d’un soutien appuyé de la France
(notamment du ministre des Affaires étrangères Ayrault et
du président François Hollande), qui a soutenu leur
candidature au prix Nobel de la paix en 2016844.
Utilisant le même logo et le même uniforme que la
sécurité civile syrienne (fondée en 1953 et opérant dans
toute la Syrie), les « Casques blancs » ne sont pas
reconnus par l’Organisation internationale de protection
civile (OIPC)845 et ne répondent pas au numéro
téléphonique d’urgence (le « 113 ») de la sécurité civile
officielle, accessible dans toute la Syrie.
Ils ont été créés en mars 2013 en Turquie846 par James
Le Mesurier, un ex-militaire britannique. Leur structure de
financement comprend la « Syria Campaign », l’ONG
Mayday Rescue basée aux Pays-Bas et la firme
Chemonics, financée par USAID847, qui recueillent les
fonds des donateurs et les redistribuent sur le terrain. Ses
principaux bailleurs de fonds sont les Pays-Bas avec
€4 millions (2015)848, le Royaume-Uni avec
£38,4 millions (mai 2918)849 et les États-Unis avec
$33 millions (mai 2018)850. Ce qui ne l’empêche pas de
prétendre qu’elle est « farouchement indépendante et n’a
accepté aucun financement de gouvernements, de sociétés
ou de quiconque directement impliqué dans le conflit
syrien851 » !
Le 18 avril 2016, malgré ces prestigieux parrainages,
Raed Saleh, chef des Casques blancs est refoulé à son
arrivée à l’aéroport Dulles de Washington DC852. Il n’a
pas pu assister au dîner de l’organisation InterAction, qui
devait honorer le travail de son organisation : son visa
d’entrée aux États-Unis a été révoqué car il pouvait
représenter un risque de sécurité853 ! En février 2017, un
film documentaire sur les Casques blancs est primé aux
Academy Awards, mais Raed Saleh ne pourra pas non
plus assister à la remise des prix. Officiellement, en raison
de la situation en Syrie854.
En réalité, les Casques blancs n’opèrent que dans les
zones hostiles au gouvernement syrien et aux mains du
Jabhat al-Nosrah855. De nombreuses vidéos montrent
certains de ses membres participant à la décapitation du
petit Abdullah Issa par des militants du Mouvement Nour
al-Din al-Zinki856, ou avec armes et drapeau islamiste à la
main. La journaliste britannique Vanessa Beeley a posté
sur YouTube des vidéos montrant des Casques blancs
participant à la fabrication des « Mortiers de l’Enfer », qui
projettent des « bombes-barils »857. Juste après la reprise
d’Alep-Est, le jeune coopérant français Pierre le Corf,
visite le quartier général des Casques blancs et constate la
collusion avec le Jabhat al-Nosrah858. Cela n’empêche pas
Agnès Levallois, sur France 5, de souligner le caractère
« tout à fait remarquable » de l’organisation859… qui sera
alliée de la Turquie lors de son offensive d’octobre 2019
contre les Kurdes syriens !
En mars 2018, le président Trump décide de geler les
200 millions de dollars destinés au financement des
mouvements rebelles syriens, y compris les Casques
blancs860. La décision prend effet au début mai. Toutefois,
en juin, il fait marche arrière au nom de la collaboration
avec les services de renseignement britanniques et
français et libère 6,6 millions de dollars pour les Casques
blancs861. En juillet 2018, acculés à la frontière du Golan,
422 membres des Casques blancs avec leurs familles sont
discrètement exfiltrés de Syrie par la Grande-Bretagne et
certains alliés, avec l’aide de la Jordanie et d’Israël, afin
de les soustraire à l’avance des forces syriennes862. En
écho au communiqué officiel de son ministère des affaires
étrangères863, l’ex-ambassadeur britannique en Syrie
(2003-2006) suggère qu’il y a probablement des craintes
qu’ils puissent être interrogés et fournir des informations
sur les attaques chimiques864.
La coopération entre les Casques blancs et des groupes
djihadistes est assez largement vue comme
« conspirationniste » en Occident865. Pourtant l’examen
des comptes Facebook de 65 membres des Casques blancs
montre leurs liens étroits avec le Jabhat al-Nosrah, le
Jound al-Aqsa, l’Ahrar al-Sham, le Jaïsh al-Islam et l’État
islamique866. Le gouvernement français devrait expliquer
quel côté il soutient en réalité dans cette guerre…
En 2018, les Pays-Bas décident de cesser leur aide aux
rebelles syriens et aux Casques blancs après leur avoir
versé un montant total d’environ €12,5 millions. Dans un
rapport d’évaluation présenté au Parlement le
7 septembre, le ministère des Affaires étrangères souligne
que les sommes versées aux Casques blancs n’ont aucune
traçabilité dans le terrain et ont vraisemblablement été
utilisées pour acquérir des armes. Par ailleurs, les Pays-
Bas ont jugé « inacceptables » les groupes que
l’organisation soutient sur le terrain : c’est le premier pays
occidental qui reconnaît que ses efforts ont soutenu des
activités illégales et criminelles867. Mais aucun média
traditionnel français ne relaie la décision néerlandaise.
A la fin 2019, Le Mesurier découvre une affaire de
détournement de fonds au sein des Casques blancs868. Le
11 novembre 2019, il est trouvé mort au bas de son
immeuble à Istanbul869. Sa mort reste inexpliquée, mais
les médias traditionnels britanniques tentent de réécrire sa
biographie en effaçant ses liens avec les services de
renseignement et Mayday Rescue870…
6.14. « Le régime syrien et la Russie détruisent
Alep »
La reconquête d’Alep-Est a été très largement présentée
en Occident comme un combat brutal contre des rebelles
modérés, victimes du gouvernement syrien. À aucun
moment on n’évoque le fait qu’en 2012, au début de la
présence rebelle dans la ville, alors qu’il n’y avait pas
encore de combats, près de 600 000 habitants, soit la
majeure partie de la population, se sont déplacés vers
Alep-Ouest préférant le gouvernement de Bachar al-Assad
aux rebelles soutenus par l’Occident871.
6.14.1. La nature de l’opposition
En septembre 2016, France 5 consacre une émission « C
dans l’air » à la situation d’Alep872. À entendre les
« experts » présents, c’est la société civile qui s’oppose au
gouvernement syrien. Selon Agnès Levallois, les forces en
présence en Syrie se répartissent entre les milices de
Bachar al-Assad, l’opposition et l’État islamique873 !
Comme l’État islamique n’est pas présent à Alep-Est, ne
restent que les « milices de Bachar » et l’opposition
modérée. Cela correspond à un discours communément
admis sur la Syrie, qui vise à minimiser systématiquement
l’importance des groupes djihadistes, afin de présenter une
opposition plus « acceptable » et d’ôter toute légitimité à
l’action gouvernementale. Ainsi, en octobre 2016, Staffan
de Mistura, l’envoyé spécial des Nations unies pour la
Syrie, affirme que le Jabhat Fath al-Sham rassemble au
plus 900 combattants (soit environ 11 % des capacités
rebelles) à Alep-Est874. C’est de la désinformation. En
2012 déjà, le journaliste américain James Foley (qui sera
assassiné par l’État islamique quelques jours plus tard)
constatait :
Alep, une ville d’environ 3 millions d’habitants, était
autrefois le cœur financier de la Syrie. Alors que la
situation continue de se détériorer, de nombreux civils
perdent patience face à l’opposition de plus en plus
violente et méconnaissable – qui est gangrenée par les
luttes intestines et le manque de structure, et profondément
infiltrée par les combattants étrangers et les groupes
terroristes875.
Le 9 septembre 2016, Américains et Russes concluent
un cessez-le-feu pour Alep-Est. Il n’a pas été négocié avec
toutes les parties, et les Américains – contrairement aux
Russes – veulent le garder secret876. Un de ses objectifs
est de séparer les rebelles « modérés » des groupes
islamistes associés à « Al-Qaïda », notamment l’Armée de
la Conquête (Jaïsh al-Fatah), (composée à 90 % du Jabhat
Fath al-Sham et de l’Ahrar al-Sham, un autre groupe
djihadiste), ainsi que d’encourager le départ des civils
hors de la zone des combats.
Pour les Américains, l’objectif est de « récupérer »
l’« opposition modérée » afin de poursuivre la lutte contre
le régime. Le mensonge d’une « opposition modérée » à
Alep-Est apparaît dix jours après la signature de l’accord,
lorsque Mohammed al-Ghazi, chef du Tajammu Fastaqim
Kama Umirt (alors composante de la prétendue « Armée
syrienne libre » modérée) annonce que son groupe ne se
séparerait pas des islamistes du Fath al-Sham877. Mais ce
n’est pas une surprise, car en avril déjà, le colonel Steve
Warren, porte-parole américain de l’Opération
INHERENT RESOLVE, constatait qu’Alep-Est était aux
mains des islamistes du Jabhat Fath al-Sham
(anciennement : Jabhat al-Nosrah)878.
D’ailleurs, en janvier 2017, à l’issue du processus de
séparation, toutes les milices rebelles d’Alep-Est se sont
finalement regroupées sous l’autorité du Hayat Tahrir al-
Sham (Assemblée de la Libération du Levant) et du
Harakat Ahrar al-Sham (Mouvement des Hommes libres
du Levant)879, évacués dans la zone d’Idlib. Tous deux
sont considérés comme des mouvements terroristes
associés à « Al-Qaïda » avec d’innombrables crimes de
guerre à leur bilan880. Ainsi, contrairement à ce que
prétendaient les « experts » de « C dans l’air », il n’y avait
pas de « modérés » parmi les combattants d’Alep-Est.
6.14.2. La stratégie
Lors d’une émission consacrée à la situation d’Alep, sur
France 5 une « experte » prétend que le but du
gouvernement syrien est d’affamer la population et de la
détruire afin de vider la ville de ses habitants, une
« stratégie dont les Russes ont l’habitude » (!!)881. C’est à
la fois idiot et faux.
Bien évidemment, elle omet de mentionner que dans des
villages chiites comme Foua, Kefraya, Madaya ou Homs,
assiégés depuis des années, les rebelles confisquent l’aide
humanitaire qui arrive dans la ville, pour la revendre « au
prix fort » afin d’acheter armes et munitions. Après la
prise d’Alep-Est, on découvrira dans les locaux des
Casques blancs et du Jabhat al-Nosrah de vastes dépôts de
nourriture et de médicaments ainsi soustraits à la
population882. Par ailleurs, elle ne mentionne pas les
efforts de l’armée syrienne pour larguer de la nourriture à
la population civile assiégée afin de contourner les postes
de contrôle rebelles883.
Nos « experts » omettent également de mentionner que
le gouvernement a négocié plus de 13 accords avec des
factions rebelles entre 2014 et 2017 afin d’évacuer les
populations encerclées et les sortir de zones de combat884.
À Alep-Est, les corridors humanitaires que le
gouvernement a tenté de mettre en place depuis l’été 2016
afin de permettre l’évacuation des civils, sont présentés
par Hala Kodmani comme un piège pour abattre ceux qui
oseraient essayer de quitter la zone rebelle885. Mais
évidemment, elle ne précise pas que ce sont les rebelles
eux-mêmes qui ont refusé ces corridors886 et qu’ils – et
non le gouvernement – ont placé des tireurs d’élite pour
décourager les fuyards : les civils sont « simplement » une
protection contre les bombardements de l’armée
syrienne887.
Notre « experte » ne sait pas encore qu’en
décembre 2016, ce seront ces mêmes combattants
« modérés » qui mettront le feu aux autobus qui devaient
transporter les civils évacués des villages de Foua et
Kefraya vers Alep888. Et ce seront encore les mêmes qui,
en avril 2017, feront exploser les autobus de femmes et
d’enfants chiites sur le même trajet, faisant 126 morts889 ;
un attentat qui sera qualifié de « couac » (!) par le
journaliste Dan Cohen de CNN890.
Agnès Levallois prétend que ce sont les Russes qui
mènent la bataille, mais c’est factuellement faux : c’est
clairement l’armée syrienne aux côtés de milices
progouvernementales qui est en première ligne, tandis que
l’aviation russe ne fait que leur fournir l’appui aérien,
conjointement avec l’aviation syrienne. Ce n’est qu’après
la prise d’Alep-Est que l’on verra des militaires russes,
notamment pour distribuer de la nourriture à la population
libérée, puis dans les opérations de déminage et de
dépollution de la ville.
Nos « experts » de « C dans l’air » affirment que
l’armée syrienne détruit des hôpitaux afin que les civils ne
puissent plus être soignés et soient obligés de quitter la
ville (probablement pour être abattus par les tireurs
d’élite ?). La destruction des hôpitaux par le
gouvernement semble être un thème récurrent dans la
propagande en faveur des rebelles, Ainsi l’hôpital
d’Andan, à Alep-Nord aurait été détruit le 3 février 2016
par une frappe russe891, mais il a tout de même pu être
endommagé par des frappes ultérieures en juillet892. Il en
est de même pour le « dernier hôpital pédiatrique »
d’Alep, « détruit » par l’aviation syrienne en juin 2016893,
mais probablement insuffisamment pour cesser de
fonctionner, puisqu’il est partiellement détruit à la fin
juillet894. De même, en mai 2016, plusieurs médias
occidentaux annoncent la mort de Mohammed Wassim
Mo’az, le « dernier pédiatre » d’Alep-Est895, lors d’une
frappe syrienne. Mais en août, 15 médecins d’Alep-Est,
parmi lesquels 6 pédiatres, adressent une lettre ouverte au
président Obama896.
Selon Vanessa Beeley, une journaliste britannique
indépendante qui a fait plusieurs séjours de longue durée
en Syrie et à Alep, le gouvernement syrien aurait même
payé des médecins pour s’établir à Alep-Est, afin de
renforcer le personnel médical897.
Rien que de très tristement banal dans ce conflit, si ce
n’est que ces djihadistes étaient conseillés par des
militaires occidentaux, dont certains auraient été capturés
par les forces syriennes lors de la reprise d’Alep-Est. Le
19 décembre 2016, lors d’une conférence de presse,
l’ambassadeur syrien aux Nations unies donne les noms
de 14 officiers de renseignement étrangers qui ont été
encerclés à Alep par les forces spéciales syriennes. Parmi
eux, on compte 1 officier américain, 1 israélien, 1 turc et 8
saoudiens898. En fait, il précise une information donnée
par l’association des vétérans de l’armée américaine, selon
laquelle 62 Turcs, 22 Américains, 21 Français, 16
Britanniques et 7 Israéliens auraient été capturés par les
Syriens899. Ils n’étaient probablement qu’encerclés à ce
stade et non « capturés », mais le problème reste le
même : des officiers occidentaux auraient soutenu des
factions djihadistes à Alep-Est. C’est d’ailleurs ce qui
aurait provoqué l’adoption en urgence de la Résolution
2328 par le Conseil de Sécurité des Nations unies, afin de
garantir le bon traitement des rescapés d’Alep-Est900.
En ayant déterminé une fois pour toutes que le
« méchant » était Bachar al-Assad, tout le reste devient
acceptable et accepté… y compris les atrocités, que l’on
évite soigneusement de condamner, afin de préserver la
cohérence du discours officiel.
En résumé, nous sommes très mal informés sur la réalité
du terrain, et les médias traditionnels n’en présentent
délibérément qu’une partie. Nous avons mis le projecteur
sur l’émission « C dans l’air » de France 5, mais elle n’est
évidemment pas la seule à présenter une image déformée
de la réalité. Les « experts » n’expriment que des
professions de foi et se font les avocats de groupes qu’ils
ne connaissent pas réellement, avec un discours qui
confirme de discours gouvernemental.
6.15. « Poutine ne combat pas sérieusement
Daech et l’État islamique, c’est factuellement
certain901 ! »
6.15.1. Les raisons de l’engagement russe
Dès son début, l’engagement de la Russie fait l’objet de
virulentes critiques de la part des membres de la coalition,
France et États-Unis en tête, qui cherchent à démontrer
que l’intervention russe n’est pas légitime. Dans un
premier temps, on tente d’expliquer ses motivations par
une volonté expansionniste902 en ressuscitant le vieux
mythe de l’objectif de recréer la Grande Russie903. Dans
un deuxième temps, en prétendant qu’elle ne vise pas
l’État islamique (EI)904. Certains « experts » s’étonnent
même que la Russie n’ait pas participé aux frappes contre
l’État islamique en Irak905. C’est de la manipulation, car
l’État islamique était initialement un problème irakien,
créé par les États-Unis et leur gestion déplorable de la
reconstruction de l’État irakien.
En réalité, c’est l’inefficacité des Occidentaux à
combattre l’EI qui est à l’origine l’intervention russe. En
février 2016, Alexander Yakovenko, ambassadeur de
Russie en Grande-Bretagne, révèle que la décision
d’intervenir en Syrie a été prise en été 2015, lorsque l’EI
atteint la ville de Palmyre. La coalition occidentale
prévoyait que l’EI entrerait dans Damas en octobre, et que
les États-Unis pourraient ainsi instaurer une zone
d’exclusion aérienne au-dessus de la ville. C’est pour
empêcher cette situation, qui aurait livré la capitale aux
djihadistes, que les Russes sont intervenus906. Ainsi, la
coalition occidentale a laissé l’EI se développer, dans
l’espoir qu’il deviendrait une menace pour le
gouvernement syrien telle qu’il soit obligé de négocier,
comme le confirme John Kerry, le secrétaire d’État
américain :
La raison pour laquelle la Russie s’est impliquée est que
l’EI s’est renforcé. DAECH menaçait d’atteindre Damas et
c’est pourquoi la Russie est intervenue. Parce qu’ils ne
voulaient pas d’un gouvernement de DAECH et qu’ils
soutenaient Assad.
Et nous savions qu’il [DAECH] grandissait. Nous
observions. Nous avons vu que DAECH devenait de plus
en plus puissant et nous pensions que Assad était menacé.
Nous pensions cependant que nous pourrions
probablement gérer, qu’Assad négocierait ensuite. Au lieu
de négocier, il a demandé de l’aide à Poutine907.
De fait, entre août 2014 et mars 2017, la coalition
occidentale a mené un nombre cumulé de 6 000 frappes
sur cinq sites : Kobané, Manbij, Hasakah, Mossoul et
Sinjar. Mais, en décembre 2016, lorsque l’armée syrienne
et les forces aériennes russes étaient concentrées sur la
reprise d’Alep-Est, la coalition occidentale a délibérément
laissé l’État islamique reprendre Palmyre, secteur où l’on
ne totalise que 28 frappes pour la période 2014-2017908 !
D’ailleurs, le 24 mars 2016, la réponse embarrassée de
Mark Toner, porte-parole du département d’État, à la
question de savoir s’il fallait se réjouir de voir l’EI
repoussé à Palmyre, confirme l’ambiguïté des
Occidentaux909.
L’examen des cartes montre que les frappes occidentales
(y compris françaises et belges) ne visent alors l’EI que
dans la mesure où il menace les autres forces rebelles
(soutenues par l’Occident), et lorsqu’il n’est pas au
contact de forces alliées au gouvernement syrien910. On
observe que c’est entre la fin 2014 et septembre 2015,
avec le début des frappes de la coalition occidentale en
Syrie, que l’extension territoriale de l’EI a été la plus
rapide. Ce n’est qu’à partir de la fin 2015, après le début
de l’intervention russe, que son territoire a commencé à se
contracter911. D’ailleurs, à la fin septembre 2015, la
Russie propose la création d’une coalition élargie pour
lutter contre l’EI, boudée par les Occidentaux.
Surnommée Coalition RSII (Russie-Syrie-Iran-Irak), elle
établit un centre d’échange de renseignement à Bagdad912.
Alors que depuis la fin 2017, l’État islamique est
confiné dans des poches de résistance dans le gouvernorat
de Homs, on constate une baisse radicale des frappes
occidentales. Depuis décembre 2017, après les succès du
gouvernement syrien contre les rebelles islamistes, dont
l’EI, la coalition internationale a mené 22 frappes par
mois en moyenne (soit moins d’une frappe par jour). Par
comparaison, dans la même période, l’aviation russe a
mené une moyenne de 215,5 frappes par mois, c’est-à-dire
environ 7 frappes par jour913.
Dès le début de l’intervention russe, les États-Unis et la
France se sont empressés d’évoquer son caractère
déstabilisant. En réalité, en Syrie, elle n’a déstabilisé que
leurs ambitions dans la région, car contrairement à
l’approche occidentale, elle n’est pas basée sur le modèle
d’un « ménage à trois ». Les Occidentaux ont une
propension à mélanger les genres et à créer des situations
inextricables, avec des alliances opportunistes et
temporaires, dominées par la recherche de succès
tactiques.
6.15.2. L’intérêt de la Russie
Penser que l’engagement russe en Syrie vise simplement
à conserver sa base militaire de Tartous est un peu
simpliste. Les médias sont amnésiques : la russophobie
ambiante leur fait commodément oublier que le
7 octobre 2007, les islamistes tchétchènes ont
formellement créé l’Émirat du Caucase914. Son ralliement
à l’EI, le 23 juin 2015, a été déterminant dans la décision
russe de s’engager en Syrie915.
En Syrie, la Russie a l’avantage de la clarté et de la
cohérence stratégique. Sur le plan du droit international, à
la différence des Occidentaux, elle intervient légalement
en vertu d’une demande d’assistance du gouvernement
syrien. Un accord secret passé entre les deux pays le
26 août 2015 définit les modalités de cette assistance.
D’ailleurs, en mars 2016, après avoir rendu l’avantage à
l’armée syrienne, Vladimir Poutine a ordonné un retrait
partiel de son contingent916.
Les Tchétchènes ont fourni l’ossature intellectuelle et
militaire de l’État islamique. Afin d’expliquer les succès
de l’État islamique, on a évoqué une alliance entre les
djihadistes et les anciens militaires de l’armée de Saddam
Hussein917. C’est un autre mensonge. Que d’anciens
militaires irakiens soient parmi les combattants de l’EI est
très probable, mais ce n’est pas la question : l’armée
irakienne était formée pour une guerre
« conventionnelle » ; c’est la raison pour laquelle elle a pu
être défaite aussi rapidement en 1991 et en 2003. Par
ailleurs, l’armée irakienne avait une structure de conduite
très centralisée et verticale, alors que celle de l’État
islamique était au contraire plus décentralisée, avec des
hiérarchies plus « plates ». En fait, on tente de justifier a
posteriori les accusations de collusion entre « Al-Qaïda »
et le gouvernement irakien de 2003, et de masquer l’échec
de la formation aussi exorbitante qu’inefficace donnée par
l’Otan à l’armée irakienne entre 2004 et 2011.
Un examen attentif des tactiques utilisées par l’EI
montre qu’elles n’ont rien à voir avec celles de l’ex-armée
irakienne, mais sont dérivées de celles développées par les
djihadistes lors des guerres de Tchétchénie et en Afrique
du Nord. Avec plus de 4 000 combattants, le contingent
tchétchène constitue l’une des plus importantes structures
organisées de l’EI. Comme le constate le Centre de lutte
contre le terrorisme de l’académie militaire de West-Point,
son expérience en matière de combat de guérilla a été très
utile pour former les combattants et apporter de nouvelles
techniques de combat et d’attentats au Proche-Orient918.
Ainsi, pour la Russie, la Syrie constitue une sorte de
glacis qui lui permet de combattre l’EI tout en le
maintenant éloigné des frontières nationales. Une situation
très différente de celle de la France, qui n’était pas
concernée par la menace de l’EI avant d’aller le frapper.
À condition de sortir des analyses superficielles et
émotionnelles, on constate une remarquable cohérence de
l’approche russe, que l’on ne trouve pas en Occident. En
ce qui concerne le Proche-Orient, les principaux axes de
sa stratégie sont : 1) attaquer des groupes terroristes
islamiques où ils vivent, plutôt que d’attendre qu’ils
attaquent la Russie ; 2) éviter la prise de contrôle de la
Syrie par un groupe terroriste qui, selon elle, serait le
résultat le plus probable du renversement violent du
régime d’Assad ; 3) soutenir un régime qui lui a permis
une présence militaire ; 4) soutenir le principe selon lequel
les régimes au pouvoir ne devraient pas être renversés par
des forces extérieures ; 5) élargir son rôle au Moyen-
Orient et 6) contester l’unilatéralisme des États-Unis dans
le système international919.
6.15.3. La stratégie russe
À première vue, on pourrait croire que les forces
aériennes russes et coalisées ont des approches similaires
et mènent des frappes en appui des forces au sol qu’elles
soutiennent : l’Armée syrienne, les forces chiites et les
forces chrétiennes pour les Russes ; les rebelles syriens et
kurdes pour la coalition occidentale. Mais la réalité est
plus subtile, car en réalité, pour la coalition occidentale,
l’État islamique est aussi un allié qui ne dit pas son nom
dans la lutte contre le gouvernement syrien.
À la différence des Occidentaux, qui opèrent dans une
forme de « ménage à trois », la Russie est dans une
relation binaire avec ses alliés. En s’appuyant sur la
défense de l’État légal, elle a ainsi pu adopter une
stratégie plus systématique et synchroniser ses frappes
avec des opérations terrestres dans une cohérence
opérative. En fait, la Russie est le seul pays à respecter à
la lettre la Résolution 2254 du Conseil de Sécurité des
Nations unies, et en particulier son chiffre 8 :
[Le Conseil de Sécurité] Demande aux États membres,
comme il l’a déjà fait dans sa résolution 2249 (2015), de
prévenir et de réprimer les actes de terrorisme commis en
particulier par l’État islamique d’Irak et du Levant (EIIL,
également connu sous le nom de Daech), ainsi que par le
Front el-Nosrah et tous les autres individus, groupes,
entreprises et entités associés à Al-Qaïda ou à l’EIIL, ainsi
que les autres groupes terroristes qu’il a désignés comme
tels ou qui pourraient par la suite être considérés comme
tels (…), et d’éliminer le sanctuaire qu’ils ont créé sur une
grande partie des territoires de la Syrie, et note que le
cessez-le-feu susmentionné ne s’appliquera pas aux actions
offensives ou défensives dirigées contre ces individus,
groupes, entreprises et entités920[…]
Les frappes russes contre les islamistes, témoignent
d’une planification en fonction d’objectifs opératifs
clairs ; alors que les frappes de la Coalition sont davantage
dictées par l’opportunité et ne s’intègrent pas dans un plan
d’ensemble interarmées. Ainsi, ces dernières ont
soigneusement évité de frapper le pétrole de l’EI, alors
que l’on savait qu’il s’agissait de sa principale source de
revenu921s. En novembre 2015, Michael Morell, ex-vice-
directeur de la CIA, explique qu’il s’agissait de maintenir
une infrastructure en vue de la reconstruction du pays et
de protéger l’environnement(!)922! Ce seront finalement
les Russes qui s’y attaqueront à la fin 2015.
Sur le plan opératif, l’engagement russo-syrien a été
méthodique : partant de l’ouest du pays, il a poussé vers
l’est, en évitant de laisser des poches rebelles sur ses
arrières. À l’inverse, la démarche des forces coalisées,
avec une action aérienne au profit de multiples acteurs, est
moins systématique et moins durable.
L’action russe en Syrie a également eu un impact
régional significatif. Alors que les interventions
occidentales répondent manifestement à leurs propres
intérêts nationaux, l’engagement de la Russie est fondé
sur un intérêt qu’elle partage avec la Syrie. Dès lors, sa
crédibilité est considérable. Au point que l’Irak commence
à se tourner vers la Russie dans sa lutte contre l’État
islamique923 ; une évolution qui est à rapprocher de son
refus catégorique d’accepter un déploiement terrestre
américain sur son sol924.
6.16. « Le gouvernement syrien utilise des armes
chimiques contre sa propre population925 »
6.16.1. Le contexte
Le 7 juin 1981, Israël détruit la centrale nucléaire
irakienne d’Osirak par un raid aérien (opération OPERA).
L’action est déclarée contraire au droit international et en
violation de la Charte des Nations unies, et pousse le
Conseil de sécurité des Nations unies à adopter la
Résolution 487. Elle enjoint à l’État hébreu de placer « ses
installations nucléaires sous les garanties de l’Agence
internationale de l’énergie atomique » (AIEA)926. Mais
Israël refuse de l’appliquer.
La Syrie comprend alors que grâce à la protection
américaine, Israël dispose indirectement d’une « capacité
de seconde frappe », qui en fait le seul pays du Moyen-
Orient virtuellement capable de déclencher un conflit
nucléaire. La menace est donc sérieuse et confirmée par
des attaques israéliennes régulières sur le territoire syrien.
La Syrie cherche donc à doter d’une capacité de
dissuasion. Mais, contrairement à Israël, elle est signataire
du Traité de non-prolifération nucléaire et respecte les
clauses de sauvegarde de l’AIEA. C’est pourquoi elle se
tourne alors vers l’arme chimique, que l’on appelle alors
aussi la « bombe atomique du pauvre ».
Inspirée de la doctrine soviétique, sa doctrine militaire
n’a jamais considéré l’arme chimique comme un moyen
de combat « normal », mais comme une arme de
destruction massive et de dernier recours, ainsi que le
confirme un rapport TOP SECRET de la CIA de 1985,
déclassifié en 2011927. Selon cette doctrine, les armes
chimiques sont utilisées sur les axes d’opérations
majeures, en appui d’un effort principal.
Sur le plan stratégique, dans une logique de dissuasion,
la Syrie entretient un discours ambigu sur ses capacités
réelles, tout en affirmant, en juillet 2012, qu’elles ne
seraient utilisées qu’en cas « d’agression extérieure928 ».
D’ailleurs, la Syrie n’a accédé à la Convention sur
l’interdiction des armes chimiques (CIAC) en
septembre 2014, qu’après avoir reçu de la Russie,
l’engagement qu’elle lui fournirait une protection contre
les ambitions offensives d’Israël.
6.16.2. L’attaque chimique de la Ghouta (21 août 2013)
Assez rapidement après le début de l’insurrection en
Syrie, l’idée que le régime syrien pourrait utiliser des
armes chimiques émerge en Israël. Il n’y a aucune
indication concrète, mais Israël considère ces armes avec
méfiance, car ses interventions régulières sur le sol syrien
pourraient bien un jour constituer la goutte d’eau qui ferait
déborder le vase.
À ce stade, les craintes des services de renseignement
occidentaux se dirigent plutôt vers les rebelles. En effet,
dès leur prise de pouvoir en 2011, les nouveaux dirigeants
libyens fournissent aux insurgés syriens des armes et des
combattants, qui transitent par la Turquie929 avec l’aide
explicite de pays de l’Otan930. Mais des rumeurs
persistantes évoquent alors l’arrivée en Syrie d’armes
chimiques en provenance d’un dépôt capturé par les
islamistes en septembre 2011931 dans le sud de la
Libye932. Déjà en février 2011, le Washington Post
craignait que ces armes arrivent dans les mains de
terroristes933. Le Guardian rapporte avec inquiétude que
la Libye possédait 25 tonnes d’ypérite et environ 1 400
tonnes de précurseurs pour des armes chimiques qui
n’avaient pas encore été détruites : abandonnés, ils
peuvent constituer un problème de sécurité régionale s’ils
tombent « entre les mains de militants islamistes ou de
rebelles actifs en Afrique du Nord934 ». Sur les réseaux
sociaux, des photos montrant les rebelles syriens
distribuant des masques à gaz apparaissent bien avant que
la communauté internationale n’évoque cette menace de la
part du gouvernement syrien. En juin 2012, RT (Russia
Today) évoque même l’éventualité d’attaques chimiques
par les rebelles dans le but de provoquer une intervention
occidentale935.
En juillet 2012, la situation se dégradant, le
gouvernement évacue les stocks d’armes chimiques
menacées par la rébellion936. Mais la nature secrète de
l’opération ouvre la porte à toutes les spéculations et la
rébellion accuse le gouvernement de vouloir engager ses
armes chimiques937. De son côté, Israël craint qu’elles ne
tombent dans les mains de ses ennemis938. Le lendemain,
afin de rassurer l’opinion, le ministère des Affaires
étrangères syrien organise une conférence de presse lors
de laquelle son porte-parole précise que des armes
chimiques « si elles existent » ne seraient jamais utilisées
contre le peuple syrien, mais « contre une agression
extérieure939 ». Radio Free Europe/Radio Liberty (qui
avait été créée par la CIA en 1949) rapporte que la Syrie
promet de ne pas utiliser ses armes chimiques contre les
Syriens940, et deux jours plus tard, Voice of America qu’il
est peu probable que la Syrie utilise ses armes
chimiques941. Mais les Européens cherchent à donner une
image beaucoup plus inquiétante de la Syrie. Reuters
déclare qu’elle pourrait « utiliser des armes chimiques
contre des étrangers942 » (laissant supposer qu’il pourrait
aussi s’agir de combattants étrangers). Même chose en
France, où certains médias traditionnels titrent qu’elle
« menace d’utiliser des armes chimiques »943. En fait, il
s’agit de donner une image « noir/blanc » de la situation et
de pousser les Occidentaux à intervenir.
C’est alors qu’intervient la « ligne rouge », définie par le
président Obama, le 20 août 2012, lors d’une conférence
de presse. On l’évoque comme un avertissement au
gouvernement syrien. Mais c’est une « infox » ! En fait,
Obama s’adresse plus largement à tous les acteurs du
conflit :
Question : Monsieur le Président, pourriez-vous nous
dire où en sont vos dernières réflexions sur la situation en
Syrie et, en particulier, si vous envisagez d’engager les
forces américaines, ne serait-ce que pour la sécurité des
armes chimiques et si vous êtes confiant sur le fait que les
armes chimiques sont en sécurité ?
Réponse : (…) Je n’ai pour l’instant pas donné d’ordre
pour un engagement militaire dans cette situation. Mais
votre question au sujet des armes chimiques et biologiques
est cruciale. C’est un problème qui ne concerne pas
seulement la Syrie ; cela concerne nos alliés proches dans
la région, y compris Israël. Cela nous préoccupe. Nous ne
pouvons pas avoir une situation où des armes chimiques
ou biologiques tombent dans les mains de mauvaises
personnes.
Nous avons été très clairs envers le régime Assad, mais
aussi envers d’autres acteurs sur le terrain, qu’une ligne
rouge pour nous est que nous commencions à voir tout un
tas d’armes chimiques se déplacer ou être utilisées. Cela
changerait mon calcul. Cela modifierait mon équation944.
Les Américains savent que l’insurrection est alors
dominée par les islamistes945 et leur souci est la capacité
du gouvernement syrien à assurer la sécurité des armes
chimiques afin d’éviter qu’elles tombent entre leurs
mains. D’ailleurs le lendemain, questionné sur la
définition de la « ligne rouge » lors d’un point presse, le
porte-parole de la Maison-Blanche confirme :
Comme le président l’a dit hier à propos de la Syrie,
nous surveillons de très près les stocks d’armes chimiques
syriennes ; que toute utilisation ou tentative de
prolifération liée à ces armes chimiques serait quelque
chose de très sérieux et une grave erreur.
Le régime syrien a d’importantes obligations
internationales en matière de gestion de ses armes
chimiques. Et ceux qui assument cette responsabilité seront
comptables de leurs actes et devront respecter ces
obligations internationales946.
Ainsi, le président Obama s’adressait à tous les acteurs
du conflit syrien et ne pensait apparemment pas, à ce
stade, que le gouvernement avait l’intention d’utiliser ses
armes chimiques contre la rébellion. D’ailleurs, à la même
période, il refuse de fournir des masques de protection aux
rebelles de peur qu’ils utilisent des armes chimiques947.
C’est pourquoi l’année suivante à Stockholm, il niera
avoir défini une ligne rouge de la manière dont elle a été
interprétée dans le monde :
Je n’ai pas défini de ligne rouge. Le monde a défini une
ligne rouge948.
Ce sont donc les médias – en France notamment – qui
ont triché et tronqué le message du président américain.
Ils en ont faussé la lecture, et ainsi probablement incité à
l’emploi d’armes chimiques. De fait, la déclaration du
20 août sera assez rapidement suivie de rapports non
confirmés sur l’emploi d’armes chimiques en Syrie.
Le 3 décembre 2012, Hillary Clinton et Obama lancent
un avertissement à la Syrie949, qui répond le même jour
par un communiqué :
En réponse aux déclarations du secrétaire d’État
américain, qui a mis en garde la Syrie contre l’utilisation
d’armes chimiques, la Syrie a insisté à plusieurs reprises
sur le fait qu’elle n’utiliserait pas ce type d’armes, si elles
étaient disponibles, contre sa population quelles qu’en
soient les circonstances950.
L’explication de cet échange vient le 29 octobre 2013,
dans le Washington Post, qui publie l’extrait d’un rapport
de 178 pages classifié TOP SECRET sur le budget des
services de renseignement, révélé par Edward Snowden. Il
dévoile l’existence d’un réseau de capteurs déployé à
proximité des sites de stockage d’armes chimiques en
Syrie, qui envoient en temps réel des données aux
satellites du National Reconnaissance Office (NRO),
responsable du renseignement satellitaire. Elles alimentent
les systèmes d’alerte américains et israéliens, afin de
permettre une réponse immédiate en cas de préparatifs
d’attaques chimiques951.
Or, en décembre 2012, les capteurs avaient détecté des
activités à proximité de certains sites d’armes chimiques,
mais n’avaient permis d’en déterminer ni la nature ni les
auteurs. En fait, après un siège de plusieurs mois, le
Jabhat al-Nosrah, appuyé par les phalanges Muhajiri al-
Sham, Majlis Shura al-Mujahideen et al-Battar, s’empare
de la base militaire de Darat Izza, au nord-ouest d’Alep,
qui comprend, outre des armes lourdes, un dépôt d’armes
chimiques952. Le 8 décembre, le gouvernement syrien
informe les Nations unies953 que le Jabhat al-Nosrah s’est
en outre emparé d’une usine chimique à Al-Safira, au sud-
est d’Alep, avec près de 200 tonnes de chlore. À la même
époque, CNN rapporte que les Américains formaient les
rebelles syriens au stockage des armes chimiques954 ; ce
qui tend à confirmer le souci d’Obama et de ses
services955. Mais en France, les médias traditionnels et les
organes officiels ne diffuseront pas l’information…
l’ennemi est alors Bachar al-Assad, même si cela permet
de renforcer les djihadistes. D’ailleurs, aucune des
« évaluations nationales » publiées plus tard par le
gouvernement français ne mentionnera que les rebelles
avaient des capacités chimiques, comme nous le verrons.
La première grande « attaque » (confirmée), après
l’avertissement d’Obama est celle de Khan al-Assal, le
19 mars 2013. À ce stade, malgré les accusations des
gouvernements français et américain contre l’armée
syrienne, l’usage d’armes chimiques par les rebelles ne
fait guère de doute : le « village est alors sous le contrôle
du gouvernement 956 » et des militaires syriens font partie
des victimes. Le gouvernement syrien saisit les Nations
unies et l’Organisation pour l’interdiction des armes
chimiques (OIAC) pour demander une commission
d’enquête internationale… un fait que les médias
occidentaux, comme BFMTV et France 5 – qui ont
pourtant diffusé plusieurs émissions sur ce sujet – ont bien
évidemment passé sous silence…
Le 6 mai 2013, Mme Carla del Ponte, membre de la
Commission d’enquête des Nations unies sur la Syrie957,
déclare à la BBC à propos des attaques de mars et
avril 2013 à Khan al-Assal958 :
En particulier le neurotoxique : il apparaît à notre
enquête qu’il a été utilisé par les opposants, par les
rebelles. Et nous n’avons pas, pas d’indication du tout que
le gouvernement, la Syrie, l’autorité du gouvernement
syrien a utilisé des armes chimiques959.
Le 9 juillet 2013, Vladimir Churkin960, ambassadeur de
la Russie auprès des Nations unies, présente un rapport
d’une centaine de pages qui confirme les accusations des
Nations unies961 : l’analyse des échantillons récupérés à
Khan al-Assal par un laboratoire agréé par l’OIAC met en
évidence l’absence de stabilisateur, que l’on trouve dans
les armes chimiques d’ordonnance. De plus, on a utilisé
un missile Bashair-3, fabriqué artisanalement par la
brigade rebelle Bashair al-Nasr962. Curieusement, cet
événement, qui devrait inspirer un doute raisonnable, ne
sera mentionné dans aucun document d’analyse américain
ou français publié par la suite. Mais dans l’émission « C
dans l’air » du 23 août 2013, cela n’empêchera pas
Frédéric Encel d’évoquer cette attaque comme un
précédent pour accuser le gouvernement syrien pour
l’incident de la Ghouta963.
Le 30 mai 2013, un bidon de 2 kg de produit toxique
chimique de type Sarin est découvert par les forces de
sécurité turques, à Adana964, dans l’appartement d’un
islamiste syrien affilié au Jabhat al-Nosrah965 un des
groupes rebelles alors soutenus par les États-Unis, Israël
et la France (!)
Le 20 juin, un rapport SECRET de la Defense
Intelligence Agency (DIA) américaine décrit les capacités
chimiques des islamistes et confirme que le Jabhat al-
Nosrah dispose d’une capacité de production et d’emploi
de neurotoxiques du type sarin966 :
Jusqu’à maintenant, la communauté du renseignement
s’est concentrée presque exclusivement sur les stocks
d’armes chimiques en Syrie ; le Front al-Nosrah tente
maintenant de créer ses propres armes chimiques […] La
relative liberté opérationnelle du Front al-Nosrah en Syrie
nous amène à estimer que les aspirations du groupe en
matière d’armes chimiques seront difficiles à combattre
dans le futur967.
Ainsi, l’hypothèse que les rebelles syriens aient reçu des
Occidentaux des armes chimiques, ou tout au moins que
ces derniers aient fermé les yeux sur la constitution d’une
telle capacité est réaliste. Dans une interview donnée le
10 juin 2013 à la chaîne de télévision Al-Jazeera, le
colonel Abd al-Basset al-Tawil, commandant du Front
nord de l’Armée syrienne libre (ASL), donnait un mois à
l’Occident pour fournir des armes lourdes à l’ASL, sans
quoi il dévoilerait la vérité sur les armes chimiques968 :
[…] En toute sincérité, nous voudrions un État civilisé
avec la loi islamique. Laissez-moi vous donner un
exemple : nous voulons pour notre armée une claire nature
islamique. Je donne à la communauté internationale un
mois pour donner aux rebelles et à l’ASL les armes et les
munitions de sorte que nous puissions vaincre ce régime
criminel. Nous leur donnons un mois. Si nous voyons que
la communauté internationale continue à ignorer notre
révolution, nous révélerons toutes les preuves que nous
avons [sur l’emploi des armes chimiques]. Je pense que
vous comprenez très bien ce que je veux dire.
Coïncidence ou non, neuf jours plus tard, la presse
rapportait que les rebelles recevaient leurs premières
armes lourdes969… Le 7 juillet, comme pour confirmer le
rapport de la DIA, l’armée syrienne découvre à Banias un
laboratoire clandestin destiné à la fabrication de toxiques
chimiques, où sont entreposés 281 fûts contenant
« suffisamment [de toxique] pour détruire le pays
entier970 ».
Deux mois plus tard, dans la nuit du 20 au 21 août 2013,
intervient l’attaque chimique de la Ghouta. À la différence
des attaques précédentes, elle touche une zone sous
contrôle rebelle.
La presse et les gouvernements occidentaux diffusent
l’information sans analyse : L’Express, le Point, le
Journal du Dimanche, BFMTV ou Franceinfo rapportent
les propos de Laurent Fabius, qui y voit un « massacre
chimique »971. C’est le prétexte que cherchaient les
gouvernements occidentaux pour frapper le gouvernement
syrien, bien que rien n’indique la responsabilité de Damas.
Pour donner de la crédibilité à l’événement – dont
beaucoup doutent, à ce stade – Le Figaro le justifie par la
présence d’un commando de 300 combattants israéliens,
jordaniens et de la CIA venant de Jordanie : une
information reprise par la plupart des médias traditionnels,
comme France 24972… Mais en fait, personne n’a vu ce
commando et on n’en trouvera aucune trace par la suite :
il faut une « agression extérieure » pour expliquer l’usage
d’armes chimiques. C’est de la désinformation.
Le Premier ministre britannique David Cameron
ordonne le prédéploiement d’une escadrille à Chypre.
Mais le 29 août, le Parlement britannique refuse de
participer aux frappes. Le même jour, Obama affirme la
culpabilité du gouvernement syrien, mais ses « services »
sont sceptiques973. Ils émettent assez rapidement
l’hypothèse que cela soit une opération « sous fausse
bannière » visant à incriminer le président Bachar al-
Assad974. En effet, leur réseau de capteurs n’a détecté
aucune activité aux abords des dépôts d’armes chimiques
avant l’attaque975. Le général Martin E. Dempsey, Chef
du Joint Chiefs of Staff (JCS) 976 doute que la Maison-
Blanche ait des réelles preuves de la culpabilité du
gouvernement syrien, et demande plus de renseignements
concrets à la DIA.
En fait, le Pentagone est globalement opposé à une
intervention et tente de convaincre le président Obama,
mais il se heurte à la rigidité de l’administration. En
juillet 2013, lors d’une présentation à la Commission
sénatoriale des Forces armées, Dempsey déconseille une
intervention, car les tentatives de renverser Assad ne
peuvent que détériorer la situation977. Il s’appuie sur une
note confidentielle qui confirme que l’aide apportée aux
rebelles « modérés » est devenue une aide aux
mouvements djihadistes radicaux comme le Jabhat al-
Nosrah et l’État islamique en Irak au Levant (EIIL)978.
Durant l’été 2013, le JCS a même pris l’initiative de
partager du renseignement sur l’EIIL avec les services
allemands, russes et israéliens, dans l’espoir qu’il
trouverait son chemin vers le gouvernement syrien979.
Par ailleurs, le contexte opérationnel ne justifie pas
l’emploi d’armes chimiques par l’armée syrienne. Leurs
effets tactiques sont difficiles à prévoir et lourds de
conséquences stratégiques. Avec la « ligne rouge »
d’Obama il aurait fallu que le gouvernement soit
réellement acculé pour les utiliser. Or, en juillet, le général
Dempsey980 avait confirmé que Bachar al-Assad avait
repris l’avantage en mai 2013 et n’était pas aux abois981.
À moins d’être « complotiste », on ne voit pas vraiment
pourquoi l’armée syrienne aurait délibérément ciblé des
populations civiles sur un secteur qui n’a aucune
importance stratégique. De plus, une telle attaque par le
gouvernement, à quelques kilomètres seulement de
Damas, le jour même de l’arrivée d’une mission des
Nations unies chargée d’enquêter – à sa demande – sur
l’incident de Khan al-Assal, aurait été particulièrement
peu avisée !
Le 30 août 2013, Barak Obama et John Kerry présentent
une synthèse de la Maison-Blanche982, qui affirme que les
préparatifs de l’attaque avaient déjà été détectés trois jours
auparavant. Elle déclenche la colère de l’opposition
syrienne. Dans Foreign Policy, Razan Zaitouneh, activiste
syrien, lance qu’il « est incroyable qu’ils n’aient rien fait
pour avertir les gens ou essayer d’arrêter le régime avant
le crime983 ! » Il s’ensuit une polémique qui contraint
l’Office du directeur du renseignement national (ODNI) à
avouer qu’en réalité, aucun indice n’avait été détecté
avant l’incident et que le rapport a été élaboré après-coup
sur la base d’éléments que l’on pensait liés à l’attaque. Par
la suite, des membres des services américains avoueront
que la note ne reflétait pas les rapports fournis par les
services de renseignements984. C’était donc de la
désinformation.
Pour engager les forces armées en Syrie, le président
doit avoir l’aval du Congrès. Une synthèse de
renseignement est donc fournie aux parlementaires. Elle
n’est basée que sur des informations tirées des réseaux
sociaux, et les membres de la Commission du
Renseignement de la Chambre des Représentants
déclareront que « cela ne prouve rien du tout985 ». Ils
demandent plus de renseignements, mais il n’y en aura
pas986.
Après « l’attaque », les services de renseignement russes
recueillent des échantillons de toxiques et les transmettent
aux services britanniques pour les faire analyser au centre
de Porton Down. Ce dernier confirmera la présence de
sarin. Parallèlement, la DIA américaine compare la
« signature » des échantillons à celles de la base de
données de l’OIAC, tandis que le gouvernement syrien
fournissait les données complémentaires sur les armes en
sa possession. Lorsque l’état-major de la Défense
britannique communique les résultats des analyses à la
DIA, un responsable britannique déclare « nous avons été
piégés987 ! » : les échantillons ont la même « signature »
que les toxiques en possession des rebelles988. De son côté
la CIA, qui a analysé la situation séparément, arrive à la
même conclusion : les attaques ne viennent pas du
gouvernement syrien. Dans cette situation, le Congrès
n’allait certainement pas donner son accord pour engager
des frappes contre la Syrie989 et James Clapper, directeur
du renseignement national, dissuade Obama de s’engager
dans des frappes990. Obama suivra son conseil991 et
laissera le gouvernement français seul à réclamer une
intervention992.
Le recul de Washington laisse un goût amer en France,
où on y voit une « trahison ». Dans l’émission « C dans
l’air » du 29 septembre 2015, Pierre Servent parlera d’un
président qui « reniait sa parole » conduisant ainsi à
l’« affaiblissement des États-Unis993 ». Un an plus tard,
dans la même émission, tandis qu’Agnès Levallois affirme
que la « parole de la première puissance internationale
[…] a perdu tout sens994 », le journaliste Frédéric Encel
qualifiera cette « reculade » d’« erreur
catastrophique »995. Une idée reprise par Nicole Bacharan
en juillet 2019, qui affirme qu’après cette « reculade »
Obama a été « balayé » de la scène internationale996 ; puis
par Wassim Nasr en octobre 2019 pour expliquer le
désastre de la politique américaine997. Ainsi, le
18 avril 2018, dans l’émission « C dans l’Air », le général
Vincent Desportes affirme :
Il faut que les nations puissent être crédibles et être
craintes. On sait bien que la première conséquence de la
non-intervention américaine en 2013, a été la saisie de la
Crimée par M. Poutine en 2014998.
Leur lecture de la guerre en Syrie reflète assez bien
l’état d’esprit qui règne alors en France, plus aligné sur
Tel-Aviv que Washington. Elle suit une logique qui date
de la Première Guerre mondiale : frapper est une manière
de montrer sa puissance, quels que soient les conditions
ou le résultat. Une lecture très occidentale bien éloignée
de celle du Moyen-Orient, et qui a stimulé le terrorisme
depuis un quart de siècle… En réalité, ce n’est pas l’action
en soi qui rend crédible, mais son adéquation avec la
réalité : c’est ce qui a coûté la crédibilité des États-Unis en
2003. En août 2013, le « recul » d’Obama était une
victoire du renseignement, et donc une force.
En France, on se persuade de la culpabilité de la Syrie.
Le 2 septembre, le secrétariat général de la Défense et de
la Sécurité nationale (SGDSN) publie une Synthèse
nationale de renseignement déclassifié. Une démarche peu
courante. Elle est élaborée à partir de rapports fournis par
la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE) et
la Direction du Renseignement militaire (DRM), et vise à
justifier une intervention en Syrie. Après une analyse très
sommaire, elle conclut :
Il est clair, à l’étude des points d’application de
l’attaque, que nul autre que le régime ne pouvait s’en
prendre ainsi à des positions stratégiques pour
l’opposition.
Nous estimons enfin que l’opposition syrienne n’a pas les
capacités de conduire une opération d’une telle ampleur
avec des agents chimiques. Aucun groupe appartenant à
l’insurrection syrienne ne détient, à ce stade, la capacité
de stocker et d’utiliser ces agents, a fortiori dans une
proportion similaire à celle employée dans la nuit du
21 août 2013 à Damas. Ces groupes n’ont ni l’expérience
ni le savoir-faire pour les mettre en œuvre, en particulier
par des vecteurs tels que ceux utilisés lors de l’attaque du
21 août999.
Malgré l’absence d’éléments probants, elle génère une
sorte de ferveur, et pseudo-intellectuels et stratèges de tout
poil se succèdent dans les médias pour réclamer une
intervention.
À part des éléments circonstanciels, la note du SGDSN
n’apporte aucun élément factuel – par exemple du
renseignement satellitaire ou d’origine
électromagnétique – confirmant l’accusation. Elle est
accompagnée de six vidéos postées sur le site du ministère
de la Défense1000. Comme la note de la Maison-Blanche
quelques jours plus tôt, elle se base essentiellement sur les
informations diffusées par les rebelles sur les réseaux
sociaux. Une ONG syrienne en a montré les incohérences.
Ainsi, certaines scènes ont été simplement « empruntées »
au massacre de Rabiha al-Adawiya… en Égypte, quelques
semaines plus tôt ; des infirmières font des injections à des
« cadavres », tandis que les mêmes victimes sont filmées
en plusieurs endroits différents. La majorité des victimes
sont des enfants (la plupart habillés, alors que l’attaque
s’est déroulée dans la nuit), bien que les civils aient été
évacués de la zone depuis plusieurs mois déjà. De plus,
leurs parents semblent absents des victimes et des
survivants1001. D’ailleurs, les vidéos sont retirées du site
peu après leur « débunkage ».
Le nombre de 1 429 victimes évoqué par John Kerry
interpelle les parlementaires américains : sa précision
suggère un décompte exact des corps ; or, il n’en est rien
et son origine reste encore aujourd’hui obscure1002. La
synthèse des services français évoque entre 281 et 1 500
victimes, tandis que Médecins sans Frontières – qui était
sur place – en dénombre alors 3551003. Selon le bureau de
l’ASL à Paris, le bilan s’élèverait même à 1 729 morts1004.
Au final, le nombre exact des victimes restera inconnu,
mais on ne retient que le nombre de 1 500 victimes1005.
Bien que totalement spéculatif, personne ne cherche
vraiment à le contester : il s’agit de décrédibiliser le
gouvernement syrien.
Sur le plan technique, l’accusation française se fonde sur
les caractéristiques des roquettes d’artillerie de 122 mm de
l’armée syrienne, dont la portée maximale est de 20 km.
Mais les restes de roquettes retrouvés à la Ghouta sont de
fabrication locale, et ne sont pas compatibles avec les
armes de l’armée syrienne1006. Le Massachussetts
Institute of Technology (MIT) de Boston a pu établir que
ces roquettes, plus lourdes, ont une balistique totalement
différente avec une portée maximale de 2,5-3 km, et n’ont
donc pu être tirées que depuis les zones alors occupées par
les rebelles1007. Ces conclusions seront confirmées plus
tard par d’autres analyses techniques1008.
Par ailleurs, la note du SGDSN affirme l’origine
gouvernementale du sarin utilisé en se basant sur des
échantillons trouvés à Jobar et à Saraqeb en avril 2013. Le
problème est que dans ces deux cas, l’OIAC n’avait pas
été en mesure de confirmer que l’agent toxique était
d’origine gouvernementale1009. Par ailleurs, elle occulte
totalement le fait que le 24 août à Jobar, les armes
chimiques ont été utilisées contre l’armée syrienne1010, et
donc que les rebelles ont des armes chimiques. Dans son
rapport du 12 février 2014, la Commission d’enquête du
Conseil des droits de l’homme des Nations unies confirme
les similitudes entre les toxiques de la Ghouta et ceux
engagés contre l’armée syrienne à Kahn al-Assal en
mars 2013 :
Concernant l’incident survenu à Khan Al-Assal le
19 mars, les agents chimiques utilisés lors de cette attaque
portaient les mêmes caractéristiques uniques que ceux
utilisés à Al-Ghouta1011.
À l’évidence, le gouvernement tente de tromper son
opinion en faveur d’une intervention en Syrie. Le
journaliste belge Pierre Piccinin a été retenu comme otage
en Syrie et libéré le 8 septembre 2013. Il affirme avoir
alors surpris une conversation entre deux officiers rebelles
confirmant leur responsabilité dans l’attaque
chimique1012. Mais ce témoignage de première main se
perdra dans la désinformation ambiante…
Aucun média occidental n’évoque non plus le sort de
200 femmes et enfants enlevés dans la région de Lattaquié
entre le 4 août et le 18 août 20131013, par différentes
milices (parmi lesquelles Ahrar al-Sham, l’État islamique
en Irak et au Levant, le Jabhat al-Nosrah, le Jaïsh al-
Muhajirin wal-Ansar, le Suqur al-Izz, alors soutenues par
l’Occident) et qui n’ont jamais été retrouvés1014. Or, on
soupçonne fortement que les « victimes » de Ghouta
étaient ces enfants alaouites, « sacrifiés » pour la cause
rebelle. De fait, certains individus, qui avaient été capturés
par des groupes rebelles auparavant, ont été identifiés sur
les vidéos mises en ligne le 21 août1015.
Le 27 août 2013, dans le « Grand Journal » de Canal
Plus, à la question « Et il n’y a rien d’autre de possible
que la guerre ? » Bernard-Henri Lévy répond : « Mais
tout a été tenté ! » C’est évidemment faux. Le
9 septembre, lors d’une conférence de presse, interrogé
sur la manière de sortir de la crise, John Kerry, alors
secrétaire d’État, répond :
(Bachar al-Assad) pourrait remettre toutes ses armes
chimiques à la communauté internationale la semaine
prochaine… Mais il n’est pas sur le point de le faire, et
cela ne peut pas être fait, évidemment1016 !
Le lendemain, le président russe Vladimir Poutine
surprend la diplomatie occidentale en proposant tout
simplement le démantèlement des capacités chimiques de
la Syrie, sur la base de discussions qu’il avait déjà eues
avec Assad en 2012. Le 14 septembre 2013, la Russie et
les États-Unis concluent un accord pour détruire les armes
chimiques syriennes sous supervision internationale, et la
Syrie accède à la CIAC. On n’avait donc pas « tout
tenté » !
L’initiative russe a pris de court les « va-t-en-guerre »
américains et français. Symptomatiquement, elle
rencontre l’opposition des rebelles1017, qui voient ainsi
s’éloigner la perspective d’une intervention occidentale.
Le 13 décembre 2013, les Nations unies publient un
rapport qui confirme que des armes chimiques ont été
utilisées, mais n’en détermine pas les responsabilités, car
ce n’est pas son mandat1018. L’Occident affirme beaucoup,
mais démontre peu ; tandis que les faits connus tendent
plutôt à accuser les rebelles. En outre, le contexte montre
que seuls les rebelles ont un intérêt à créer une situation
pouvant provoquer une intervention internationale,
comme en Libye en 2011.
Quant à la France, deux conclusions possibles
s’imposent : soit les « services » n’avaient pas les
éléments de renseignement pour appuyer une décision
politique et militaire, et leur conclusion est alors la
démonstration d’un déficit analytique flagrant ; soit leur
synthèse ne reflète pas l’état effectif de leurs
connaissances, mais a été rédigée pour influencer
l’opinion publique, et ainsi « légitimer » une intervention
illégale aux yeux du droit international et illégitime au
plan stratégique.
Alors qu’aux États-Unis, de nombreux journalistes et
médias ont tenté de comprendre la nature réelle des
événements, on constate que ces incohérences n’ont pas
eu de résonance dans les médias français, qui se sont
bornés à refléter la position du gouvernement.
6.16.3. Les attaques chimiques de 2014-2016
Le 23 juin 2014, M. Ahmet Üzümcü, directeur général
de l’OIAC, confirme dans un communiqué que le dernier
convoi d’armes chimiques a quitté la Syrie1019. Le
1er octobre 2014, l’OIAC annonce officiellement que les
armes chimiques ont quitté la Syrie, que la Mission
conjointe de l’OIAC et des Nations unies a rempli son
mandat et que le gouvernement syrien a rempli ses
obligations1020. Quant à la destruction des toxiques eux-
mêmes, elle sera annoncée comme achevée en
janvier 20161021.
Pourtant, on continue à observer l’emploi d’agents
chimiques. Il s’agit le plus souvent de chlore (qui n’est
pas considéré comme une « arme » chimique à
proprement parler), mais aussi de phosgène, d’ypérite, et
parfois de neurotoxiques (sarin). Le secrétaire d’État John
Kerry se déclare « absolument certain » de l’emploi
d’armes chimiques par le gouvernement syrien contre sa
population1022. Pourtant, les enquêtes de l’OIAC n’ont pas
permis de confirmer l’usage de chlore par l’armée
syrienne1023. En revanche, elles confirment l’usage de
phosgène et de chlore entre forces rebelles1024. Un rapport
confidentiel de l’OIAC, publié le 29 octobre 2015
confirme même l’usage de « gaz moutarde » – nom
courant de l’ypérite1025 – par les rebelles1026. Mais en
France et en Belgique – plus qu’aux États-Unis – les
médias, comme Le Monde1027, La Libre de Belgique1028
ou la RTBF1029, ignorent tout simplement les cas où les
indices convergeraient de manière trop évidente sur les
rebelles.
En réalité, les rebelles cherchent à provoquer une
intervention de la coalition occidentale pour renverser le
gouvernement. Clairement, ils disposent d’armes
chimiques, même si elles sont rudimentaires. En
novembre 2016, le New York Times cite un rapport de
l’IHS Conflict Monitor de Londres, qui constate que l’État
islamique a utilisé plus de 50 fois des armes chimiques en
Irak, infirmant ainsi les « analyses » d’ « experts » qui
interviennent sur les chaînes publiques américaines,
françaises et belges en 2017 pour affirmer l’inverse et
condamner sans équivoque le gouvernement syrien1030 !
Aveuglés par le discours officiel contre le gouvernement
syrien, ils ont tout simplement délibérément exonéré les
terroristes. Démontrant ce que nous avons déjà constaté :
la lutte contre l’État islamique est à géométrie variable, et
on le soutient lorsqu’il concourt à l’objectif de renverser
le gouvernement syrien.
6.16.4. L’attaque chimique de Khan Sheikhoun
(4 avril 2017)
Le 4 avril 2017, à Khan Sheikhoun, un incident
chimique provoque la mort de plusieurs dizaines de civils,
dont de nombreux enfants. La nature de l’attaque n’est pas
claire. En fait, le seul élément incriminant le
gouvernement syrien est une frappe effectuée par un
appareil de type Su-22, venant de la base de Shayrat, à
l’heure approximative de l’attaque chimique.
Sur le terrain, l’offensive des rebelles sur Homs est
stabilisée et un bombardement chimique dans la région
d’Idlib n’a pas de sens au niveau opératif. Depuis la
reprise d’Alep-Est, la situation du gouvernement syrien
s’est globalement améliorée, car il a pu redistribuer ses
forces pour lutter plus efficacement contre l’État
islamique et le Hayat Tahrir al-Sham (ex-Jabhat al-
Nosrah)1031.
Comme en 2013, le gouvernement syrien est loin d’être
dans une situation désespérée et n’a aucun intérêt à courir
le risque d’une intervention occidentale. Le 31 mars 2017,
moins d’une semaine avant l’« attaque », Rex Tillerson, le
secrétaire d’État américain, avait déclaré que Bachar al-
Assad n’était pas un obstacle à la paix et que son sort
devait être l’affaire du peuple syrien. De plus, le 5 avril
une conférence sur la Syrie était prévue à Bruxelles.
Naturellement, au lendemain de la frappe,
l’ambassadrice américaine Nikki Haley accuse la Syrie et
la Russie devant le Conseil de Sécurité. Le 6 avril, sur
France 5, Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, assure que
« sur l’utilisation d’armes chimiques, il n’y a aucun
doute » et affirme que « Bachar al-Assad a utilisé des
armes chimiques pour attaquer des civils1032 ». Olivier
Lepick, « expert » en armes chimiques, affirme qu’il n’y a
aucun doute sur la nature de l’arme utilisée et juge
l’explication russe « indigne »1033. (En octobre 2001, il
avait déjà affirmé à la télévision suisse face à l’auteur du
présent ouvrage1034, que l’attaque à l’anthrax aux États-
Unis ne pouvait être le fait que d’un acteur étatique1035,
suggérant que l’Irak aurait pu en être l’instigateur ; alors
que l’on savait déjà que c’était faux) ! Quant à Agnès
Levallois, elle affirme que Bachar al-Assad utilise l’arme
chimique afin de ne pas participer à un processus de
négociation, qu’il associe à la fin de son régime1036.
En réalité, à ce stade, on n’en sait rien. Les accusations
des « experts » ne sont que circonstancielles, basées sur le
fait que la Syrie a possédé des armes chimiques. Ils
réfléchissent comme Donald Trump, qui déclenche des
frappes contre la base aérienne de Shayrat le 7 avril.
Pourtant, il n’a aucune preuve ou élément concluant1037,
comme le montre une note de la Maison-Blanche du
11 avril, qui se limite à réfuter les arguments russes et
syriens1038.
Les jours suivants, le professeur Theodore A. Postol1039,
du Massachussetts Institute of Technology (MIT), publie
une série d’articles qui démontrent que la note de la
Maison-Blanche n’est basée que sur des éléments, dont on
peut raisonnablement penser qu’ils ont été
« arrangés »1040. La responsabilité de Bachar al-Assad
peut décemment être mise en doute.
Le 26 avril 2017, le ministère des Affaires étrangères
français publie une « évaluation nationale » qui accuse le
gouvernement syrien. Elle s’appuie sur la présence de
composants chimiques similaires à ceux observés dans
une grenade à main artisanale utilisée à Saraqeb, en
avril 2013, que la France avait alors attribuée au
gouvernement syrien1041. Pourtant, un rapport des Nations
unies du 12 décembre 2013 constate que l’on n’a aucune
certitude sur la provenance de la munition de Saraqeb1042.
En juillet 2013, Moses Brown avait publié la photo d’une
fusée de grenade identique à celle de Saraqeb, trouvée à
Alep, dans une base du Jabhat al-Nosrah1043. Par ailleurs,
les éléments chimiques sur lesquels il s’appuie, à savoir la
présence d’hexamine et de diisopropyl
methylphosphonate (DIMP) ne prouvent rien, comme le
démontre le professeur Postol1044.
En affirmant que les rebelles n’ont pas de moyens
d’engager des neurotoxiques (paragraphe 3.a.1), la note
d’évaluation est simplement mensongère. Outre la
grenade mentionnée plus haut, on sait que le Jabhat al-
Nosrah s’est emparé de stocks d’armes chimiques avant
qu’ils soient démantelés par le gouvernement syrien en
2013-2014 (voir ci-dessus). Par ailleurs, le 11 juin 2014,
les djihadistes se sont emparés d’un vieux stock d’armes
chimiques à Muthanna (Irak)1045 ! Un rapport des Nations
unies du 13 décembre 2013 sur l’emploi d’armes
chimiques en Syrie indique au moins trois occurrences
(19 mars, 24 août et 25 août 2013) où des armes
chimiques neurotoxiques ont été utilisées par les rebelles
contre l’armée syrienne1046. En outre, on sait que les
islamistes disposaient d’une capacité de production et
d’engagement des armes chimiques, comme le confirme
John Parachini, ex-directeur de l’Intelligence Policy
Center de la RAND Corporation1047.
Quant au chlore, on sait qu’en août 2012, le Jabhat al-
Nosrah1048 s’est emparé de l’unique fabrique de gaz au
chlore syrienne, dans les environs d’Alep1049. En
décembre 2016, les forces syriennes ont découvert à Alep-
Est de grandes quantités de chlore en provenance d’Arabie
Saoudite. Ainsi, contrairement aux allégations françaises,
les rebelles sont en possession d’armes chimiques qu’ils
ont produites (et stockées) eux-mêmes, comprenant du
sarin, du chlore, du phosgène1050 et de l’ypérite. Le
29 octobre 2015, trois rapports CONFIDENTIEL de
l’OIAC rapportent l’emploi d’armes chimiques
(notamment de l’ypérite et du chlore) par les rebelles la
même année1051.
L’évaluation nationale évoque l’emploi d’armes
chimiques binaires. Mais ce n’est pas exact. Dans les
armes binaires, l’agent toxique est conditionné sous forme
de deux produits inoffensifs, dans des réservoirs séparés,
avec une petite charge explosive. Durant le vol, un
mécanisme les mélange afin de produire le neurotoxique
qui sera disséminé par l’explosion. L’avantage d’une telle
munition est qu’elle peut être manipulée de manière
relativement sûre. Son inconvénient est une efficacité très
faible, car le mélange n’est jamais optimal. C’est pourquoi
les États-Unis ont abandonné cette technologie au début
des années 1990. On suppose que la Russie a travaillé sur
cette technologie. Quant à la Syrie, on n’en sait rien. Il
s’agirait plutôt de produits stockés séparément et
mélangés au moment du remplissage des munitions juste
avant une mission : un processus lent, fastidieux et
détectable. Or, aucune mission indépendante n’a été en
mesure de recueillir des échantillons de toxique sur place :
on est donc dans le domaine des conjectures.
L’analyse militaire de la situation au 4 avril 2017 est
présentée manière assez sommaire. Ce jour-là, la ligne de
front se trouvait à 22-28 kilomètres de Khan Sheikhoun.
Dans ces conditions, on comprend assez mal pourquoi la
Syrie utiliserait des armes de « dernier recours »
exclusivement contre des civils (femmes et enfants), au
risque de se mettre à dos la communauté internationale,
alors qu’on épargnerait les forces djihadistes.
L’évaluation est accompagnée d’une annexe qui
répertorie quelque 130 attaques chimiques enregistrées en
Syrie. Mais, sous des apparences de neutralité
scientifique, la liste est trompeuse :
- elle omet de nombreuses attaques déjà répertoriées par
les Nations unies1052. Notamment celles qui peuvent être
assez clairement attribuées aux rebelles parce qu’elles
ciblaient des militaires syriens :
- elle ignore également les attaques menées par des
groupes rebelles soutenus par la France et les États-Unis,
comme celle de Sheikh Maqsoud (Alep-Est), pour laquelle
le Jaïsh al-Islam a lui-même reconnu sa
responsabilité1053 !
- elle n’attribue que 3 attaques chimiques à l’État
islamique. Sur cette base, la chaîne d’information belge
VRT affirmera que le gouvernement syrien est
responsable de 98 % des attaques chimiques1054 !
Pourtant, en novembre 2016, le New York Times rapportait
que le groupe en avait mené 52, dont environ 30 % en
Syrie1055…
- elle attribue l’attaque du 30 octobre 2016 à al-
Hamadaniyah (Alep-Ouest)1056, au « régime » syrien alors
qu’elle visait une zone gouvernementale. L’armée
syrienne se tirerait-elle donc dessus ?
Par ailleurs, il n’y a aucune analyse contextuelle. Quel
serait l’intérêt du gouvernement syrien de créer une telle
provocation, contre des populations amies, juste après les
déclarations américaines ne plus cibler le gouvernement,
deux jours avant une conférence sur la Syrie et alors que
la situation opérationnelle dans la région d’Idlib-Hama lui
est plutôt favorable ? Par ailleurs, dans ce secteur, la
population civile est essentiellement composée de
chrétiens levantins et chiites jaafari… Bachar al-Assad
attaquerait-il donc la partie de la population qui lui est la
plus favorable ?
Le 29 juin, le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-
ONU (JIM) publie son rapport sur l’incident1057 et en
attribue la responsabilité au gouvernement syrien, malgré
le fait que les enquêteurs n’ont pas eu accès à des
informations directes et se sont essentiellement basés sur
des témoignages. La Russie1058 et plusieurs organisations
ont trouvé des incohérences et des « oublis » dans ce
rapport, jugé peu professionnel1059. C’est pourquoi la
Russie voudra remplacer le JIM par un autre mécanisme,
plus rigoureusement subordonné au Conseil de Sécurité ;
ce que les Occidentaux considéreront comme de
l’obstruction. Nous y reviendrons.
Une fois de plus, la version occidentale est bancale. En
fait, la version la plus probable et la plus cohérente de
l’incident est probablement celle proposée le 25 juin par le
journaliste américain Seymour Hersh, dans le journal
allemand Die Welt1060. Basée sur des confidences issues
de la DIA, le service de renseignement militaire
américain, elle tend à confirmer la version syrienne et
russe, et illustre le profond fossé entre les militaires et la
Maison-Blanche.
Avant la frappe du 4 avril, les Russes avaient partagé
avec la coalition occidentale les données du vol du SU-22,
afin d’éviter toute collision. Ils avaient même
communiqué l’objectif de la mission : un immeuble de
deux étages dans lequel des cadres des deux plus
importants groupes djihadistes – Ahrar al-Sham et le
Jabhat al-Nosrah – devaient se rencontrer pour coordonner
leur action. Les Russes ont été précis, afin de permettre
aux agents de la CIA, qui conseillent ces groupes, de
s’éloigner. Après la frappe syrienne, l’évaluation
américaine des dommages constate que l’explosion de la
bombe de 250 kg a été suivie par des explosions
secondaires de fertilisants, insecticides et autres produits
chimiques stockés par les rebelles dans le bâtiment et ses
environs immédiats. Ce sont les émanations de ces
produits chlorés ou organophosphorés qui ont causé des
victimes avec des symptômes similaires à ceux du chlore
ou du sarin.
Il est vraisemblable que ces produits chimiques étaient
stockés en vue d’être utilisés ultérieurement, comme
tendrait à le démontrer la livraison de masques à gaz au
Dr Shajul Islam le 1er avril1061. Ce médecin s’est établi à
Khan Sheikhoun, après avoir été soupçonné par le
gouvernement britannique d’avoir participé à
l’enlèvement de deux journalistes en 2012, puis relaxé
pour manque de preuves1062.
Le problème est qu’avant la frappe, les services français
ont intercepté un message des Syriens qui évoque une
arme « spéciale ». Obnubilés par l’usage possible d’armes
chimiques, ils l’interprètent comme une « bombe
chimique ». Or, il s’agit d’une bombe conventionnelle,
mais téléguidée, fournie par les Russes pour la
circonstance, et qui nécessite l’adaptation de certaines
procédures. Selon un officier de renseignement américain,
c’est comme ça que serait né le « conte de fées » de
l’emploi d’armes chimiques à Khan Sheikhoun. Les
services de renseignement ont immédiatement compris la
situation et tenté de l’expliquer à Donald Trump. Mais ce
dernier n’a pas voulu écouter et a ordonné des frappes de
représailles du 7 avril1063. Dans le magazine américain
Newsweek, un ex-contractant des services de
renseignement américains explique la fragilité et les
contradictions dans les accusations contre Bachar al-
Assad et les raisons qui ont poussé Donald Trump à
frapper1064. En septembre 2017, le journaliste Gareth
Porter constate que les faits rapportés par Seymour Hersh
correspondent avec les observations effectuées sur le
terrain1065.
En France, la présidence d’Emmanuel Macron était
annonciatrice d’une approche plus réfléchie de
l’engagement au Moyen-Orient. En février 2018,
soulignant la détermination de la France à frapper la Syrie
en cas d’utilisation « avérée » d’armes chimiques contre la
population syrienne, il déclarait :
Mais aujourd’hui nous n’avons pas de manière établie
par nos services la preuve que des armes chimiques
proscrites par les traités ont été utilisées contre les
populations civiles1066.
Laissant ainsi entendre que les services français
n’avaient toujours pas d’éléments probants confirmant
l’utilisation d’armes chimiques par le gouvernement
syrien. L’affirmation faisait écho à la déclaration du
secrétaire d’État à la Défense américain James Mattis, qui
déclarait le même mois, que les États-Unis n’avaient
aucune preuve de l’utilisation d’armes chimiques par la
Syrie, y compris en 2013 et en 20171067, tout en évoquant
la possibilité d’une riposte américaine en cas
d’incartade1068.
Mais l’objectif n’est pas la paix : c’est le renversement
du gouvernement et la partition de la Syrie.
6.16.5. L’attaque chimique de Douma (7 avril 2018)
Au début février 2018, l’étau se resserre sur les rebelles
de la Ghouta orientale. Les frappes syriennes se
concentrent apparemment sur l’infrastructure
hospitalière : « 13 hôpitaux visés en 48 heures », selon
Patrick Cohen sur France 51069. Bernard Guetta,
journaliste invité, affirme qu’il n’y a aucune présence de
l’État islamique dans le secteur (ce qui est vrai), mais
suggère – avec Cohen – que le gouvernement ment en
prétendant qu’il y a des djihadistes. C’est faux : ils
omettent de dire que la zone est tenue par le Faylaq al-
Rahman, l’Ahrar al-Sham et le Jaïsh al-Islam1070, des
groupes djihadistes, dont John Kerry affirmait qu’ils
avaient commis des « crimes choquants (…) contre des
civils innocents, des journalistes et des enseignants1071 »,
et qui retiennent alors la population civile en otage.
Ironiquement, ces « rebelles » que les journalistes tentent
de protéger seront les bourreaux des Kurdes en
octobre 2019… Nous y reviendrons.
Le 4 avril 2018, le président Donald Trump annonce
qu’il a décidé de retirer les troupes américaines de
Syrie1072. Le même jour, Steve Cox, candidat indépendant
de Californie aux élections du Congrès, tweete :
Si, après cette annonce, nous nous retrouvons avec des
gros titres annonçant une nouvelle attaque au gaz par
Assad contre son propre peuple, n’y croyez pas.
Il est peut-être un tyran, mais ce n’est pas un idiot. Le
fait que les États-Unis quittent son pays est bon pour lui et
une attaque au gaz empêche[rait] le départ des États-
Unis1073.
Trois jours plus tard – et un an après l’incident de Khan
Sheikhoun – une « attaque chimique » est rapportée dans
le secteur de Douma (à l’Est de la Ghouta), dans la zone
tenue par le Jaïsh al-Islam. Les réseaux sociaux diffusent
les images de ce qui apparaît comme les suites d’une
attaque chimique : des femmes et des enfants semi-
inconscients et des scènes de décontamination sommaire à
l’eau. La Russie et la Syrie démentent l’usage d’armes
chimiques.
À New York, au Conseil de Sécurité, les États-Unis, la
France et la Grande-Bretagne réagissent et accusent – une
fois de plus – le gouvernement syrien d’utiliser des
toxiques contre sa propre population et envisagent des
représailles. L’ambassadeur français François de Lattre
accuse même la Russie. Grande honnêteté intellectuelle,
car à ce stade, il n’en sait rien : il n’a aucun autre élément
que ceux provenant des « Casques blancs ». L’attaque
même n’est pas avérée.
Le 10 avril, certains médias la qualifient encore de
« présumée »1074. Pourtant, sur France 5, Patrick Cohen
qualifie de « révisionnistes » ceux qui remettent en
question la réalité de l’attaque chimique1075 et Bernard-
Henri Lévy déplore que l’Occident n’ait pas frappé plus
tôt la Syrie alors qu’on « avait le droit pour nous, on avait
l’humanité, on avait la situation militaire… 1076 ».
Curieuse notion du droit et de l’humanité : on accuse sur
la base de seuls préjugés.
Le 12 avril, sur TF1, le président Emmanuel Macron
affirme détenir « des preuves que des armes chimiques ont
été utilisées par le régime de Bachar al-Assad1077 ». Mais
le même jour, James Mattis, secrétaire à la Défense
américain, déclare que les Américains n’ont pas de
preuves et sont encore à leur recherche1078. Très
probablement, Macron ment. Incidemment, les vidéos de
cette interview sur TF1 et sur BFM TV sont retirées de
YouTube1079. Il est évident qu’à ce moment, les services
de renseignement occidentaux sont démunis et les
accusations contre le gouvernement syrien n’ont aucune
base solide. Un excellent débunkage des mensonges du
discours officiel est présenté par « TroubleFait » sur
YouTube1080.
Le 13 avril, La Maison-Blanche publie un communiqué
de presse affirmant que le gouvernement syrien a utilisé
des toxiques de type Sarin à Douma1081. C’est avec ces
certitudes, mais sans preuve de la responsabilité effective
du gouvernement syrien, que les États-Unis, la France et
la Grande-Bretagne mènent conjointement des frappes, le
13 au 14 avril 20181082. Les experts de l’OIAC mandatés
pour enquêter sur l’incident de Douma arrivent à Damas
le lendemain des frappes (!), démontrant que l’on avait
bombardé sans aucun élément concret. Ils commenceront
leur travail de collecte d’échantillons le 21.
Les frappes ciblent une ancienne base de stockage de
missiles, un bunker de commandement et le Syrian
Scientific Studies and Research Center (Centre d’études et
de recherche scientifique – CERS) de Barzeh près de
Damas. Le journal La Croix le rebaptise pour la
circonstance « Centre de recherche et développement
d’armes chimiques et biologiques1083 », alors qu’il n’a
jamais porté cette dénomination, mais il faut dramatiser
l’image du « méchant »…
On est dans le domaine des actions d’influence, dont le
but est de justifier un crime contre le droit international.
Car le CERS fait l’objet d’une surveillance régulière de
l’OIAC depuis novembre 2016 : la première inspection,
tenue en 2017, n’avait relevé aucune activité illégale1084.
Une deuxième inspection, à la fin 2017, avait confirmé
que la Syrie avait détruit ses armes chimiques1085 et
renouvelle sa conclusion le 23 mars 20181086. Malgré
quelques questions restées sans réponse1087, le
gouvernement syrien a transmis aux inspecteurs des
informations considérées comme complètes et aucune
activité illicite n’avait été constatée. Par ailleurs, si des
doutes avaient subsisté, les trois puissances occidentales
auraient pu demander une inspection approfondie de
l’installation, ce qu’ils n’ont pas fait.
En outre, le bon sens semblerait indiquer que bombarder
une installation qui fabrique des armes chimiques
exposerait la population civile à un désastre, comme le
relève un employé du CERS au lendemain des
frappes1088. On a donc menti du début à la fin, et frappé
sans raison.
C’est probablement cette absence de motifs clairs qui
pousse le gouvernement français à se justifier a posteriori
avec une nouvelle « évaluation nationale1089 ». Publiée
par le ministère des Affaires étrangères, elle expose 3
raisons pour l’engagement d’armes chimiques par l’armée
syrienne1090 :
- les armes chimiques permettent de déloger des
combattants terrés dans des abris ;
- punir les populations civiles pour leur soutien aux
rebelles et démontrer que toute résistance est inutile ;
- depuis 2012, les forces syriennes utilise(raie)nt des
armes chimiques conjointement avec des armes
conventionnelles.
Elle conclut :
La France estime donc (1) que, sans doute possible, une
attaque chimique a été conduite contre des civils à Douma
le 7 avril 2018, et (2) qu’il n’existe pas d’autre scénario
plausible que celui d’une action des forces armées
syriennes dans le cadre d’une offensive globale dans
l’enclave de la Ghouta orientale1091.
C’est de la désinformation. En effet, le secteur de
Douma est alors sous le contrôle du Jaïsh al-Islam, un
groupe financé et soutenu par la coalition occidentale et
l’Arabie Saoudite1092, qui avait déjà été accusé en
avril 2016, d’utiliser du chlore pour attaquer des forces
kurdes à Alep-Est1093 et qui avait reconnu sa
responsabilité1094. La presse britannique évoque ce
précédent1095, mais pas les médias traditionnels français.
Ce qui signifie que la note ment en affirmant que :
Les services français ne disposent d’aucune information
permettant d’étayer la thèse selon laquelle les groupes
armés dans la Ghouta auraient cherché à se procurer ou
auraient disposé d’armes chimiques1096.
Les seuls éléments de preuve mentionnés dans la note
sont issus des réseaux sociaux et proviennent de deux
ONG, qualifiées d’« habituellement fiables » : la Syrian
American Medical Society (SAMS) et l’Union des
organisations de secours et soins médicaux (UOSSM).
Toutes deux sont financées par des pays occidentaux
(notamment les États-Unis, la France ou la Suisse). La
première serait dirigée par des membres des Frères
musulmans1097, tandis que la seconde est proche de
l’Armée syrienne libre, aujourd’hui aux mains des
djihadistes, rappelons-le. Après la reprise d’Alep-Est,
Pierre Le Corf, jeune humanitaire français, avait montré
que ces deux organisations occupaient le même bâtiment
que le Jabhat al-Nosrah et l’Ahrar al-Sham1098.
Les sources du document sont « ouvertes », donc les
mêmes que celles du Monde1099 ou du Figaro1100. Les
photos de victimes d’armes chimiques publiées dans
l’« évaluation nationale » ont été transmises « par une
source » d’origine invérifiable (et probablement
invérifiée). Elles montrent des victimes en difficulté
respiratoire, avec de la mousse aux lèvres. Des symptômes
qui ne sont pas compatibles avec les toxiques évoqués à
Douma, comme l’enquête de l’OIAC le démontrera plus
tard1101. Par ailleurs, toutes les accusations relatives à la
nature des toxiques, leur emploi et la responsabilité du
gouvernement syrien sont formulées au conditionnel.
Ainsi, les frappes contre la Syrie ont été justifiées avec
des informations non confirmées, de sources invérifiées et
qui se sont révélées fausses par la suite !…
En Grande-Bretagne, le Guardian rapporte les
affirmations de médecins sur le terrain qui évoquent des
symptômes correspondant aux effets de toxiques
organophosphorés, dont le sarin fait partie1102. Le Sun va
plus loin en affirmant qu’il s’agit d’une attaque au gaz
sarin faisant 70 victimes1103. Dans les émissions « C dans
l’air » du 10 et du 14 avril, sur France 5, Pierre Servent
affirme que l’armée syrienne aurait mélangé du chlore et
du sarin, afin d’en combiner les effets1104. Mais il n’a pas
le monopole de la désinformation : Raphaël Pitti, médecin
de l’UOSSM, par la voix de BFM TV affirme qu’une
« substance a été ajoutée au chlore (…) potentiellement
du gaz sarin1105 », tandis que la Maison-Blanche affirme
que le « régime syrien » a utilisé des armes au chlore et au
sarin1106. C’est tout simplement farfelu.
En 1955 déjà, dans un rapport SECRET, un laboratoire
militaire américain démontrait l’incompatibilité des deux
toxiques : le chlore étant un décontaminant pour des
neurotoxiques comme le sarin, les effets de ce dernier
auraient été totalement inhibés. Par ailleurs, la
combinaison des deux toxiques serait trop acide pour être
conservée dans des conteneurs métalliques1107 !…
Ceci étant dit, même si le sarin n’est pas considéré
comme un agent persistant, sa volatilité est aléatoire et sa
virulence impose à un attaquant de porter une protection,
même minimale. Or, à Douma, au moment où les
« toxiques chimiques » auraient été engagés, aucun
préparatif particulier n’a été observé auprès des troupes
syriennes, qui n’étaient pourtant qu’à 400 mètres des
zones « touchées »1108… pas vraiment optimal !
Le lendemain des frappes sur les « installations de
production et de stockage d’armes chimiques », aucune
émanation toxique n’est décelée. Les personnels de la
sécurité civile et les civils circulent sans aucune
protection, comme le journaliste Seth Doane de CBS
Weekend News1109. D’ailleurs, dans un mélange
d’inconscience et de volonté de tromper, Arwa Damon,
journaliste de CNN en Syrie, va même jusqu’à renifler (!)
des objets « exposés aux toxiques chimiques » afin de
confirmer l’attaque1110 !… Démontrant ainsi sans le
vouloir (et par sottise), qu’il n’y avait strictement rien à
craindre de ces objets « contaminés ».
Dans l’émission « C dans l’air » du 14 avril, Pierre
Servent affirme que les armes chimiques sont utilisées
pour déloger des combattants. C’est vrai dans certaines
circonstances, mais pas ici ! Il ne connaît manifestement
rien au sujet. En effet, le chlore est un gaz relativement
dense et lourd, qui « stagne » dans les espaces confinés et
en contrebas (caves et souterrains) où l’air circule mal1111.
C’est pourquoi il avait été utilisé lors de la Première
Guerre mondiale, afin qu’il « s’écoule » dans les
tranchées. Durant la guerre d’Algérie, l’armée française
délogeait les combattants de l’ALN dans les grottes en
utilisant du chlore improvisé avec de l’eau de Javel et du
détartrant1112. Lorsque l’adversaire est situé dans les
étages supérieurs pour mener un combat de harcèlement
contre les troupes dans les rues (par exemple, des snipers),
l’usage de chlore n’a pas vraiment de sens, car il se
dissipe rapidement vers les étages inférieurs. Or, à
Douma, en avril 2018, l’armée syrienne a repris tout un
réseau de souterrains (qui pouvaient même accueillir des
véhicules) sans utiliser un seul projectile chimique ou de
chlore1113 !
Comme les « attaques » précédentes, on constate que les
« victimes » ne sont que des femmes et des enfants,
qu’elles n’ont lieu que dans les zones où l’armée syrienne
a du succès, qu’elles ne touchent ni les journalistes, ni les
combattants, ni les « casques blancs », et que leurs effets
sont simplement neutralisés avec de l’eau ! En d’autres
termes : le gouvernement syrien aurait utilisé des armes
tactiquement inappropriées, au mauvais endroit et en
quantité insuffisante (seulement deux projectiles), dans le
seul but d’attirer l’attention de la communauté
internationale ?
De plus, il préférerait viser la population civile que les
combattants ? L’évaluation nationale affirme qu’il s’agit
de « punir les populations civiles présentes dans les zones
tenues par des combattants opposés au régime, et de
provoquer sur elles un effet de terreur et de panique
incitant à la reddition1114 », un argument repris par la
journaliste Hala Kodmani1115. Sur France 5, Pierre
Servent explique que Bachar al-Assad « veut marquer que
c’est lui qui gagne1116 » ! Ce sont des affirmations
totalement gratuites, basées sur aucun fait démontrable.
Dans ce cas, pourquoi n’a-t-il pas utilisé d’armes
chimiques sur les villes de Zabadani et Madaya aux mains
des djihadistes depuis 2011 ?
En fait, au début 2018, lors de la progression des forces
syriennes dans la Ghouta, le Jaïsh al-Islam est le seul
groupe rebelle à refuser un accord avec le gouvernement.
Il peut adopter cette position intransigeante grâce aux
civils qu’il utilise comme otages et boucliers humains1117 ;
un aspect totalement occulté par les médias français. Dans
un reportage de CBS Evening News, le reporter Seth
Doane interroge une Syrienne, qui confirme que les
rebelles ont empêché les civils de quitter la zone des
combats1118. Le reportage est montré le 22 avril 2018 dans
l’émission « C Politique », mais sans cette séquence, qui
est coupée par les « vérificateurs de faits » de France
51119 ! Par ailleurs, l’évaluation nationale et les « experts »
de France 5 et France 241120, passent sous silence la
longue histoire du groupe en matière de violation des
droits humains. Déjà en 2015, il avait enfermé des civils
(assyriens et chrétiens) dans des cages montées sur des
véhicules déployés sur les endroits susceptibles d’être
frappés par l’aviation syrienne1121. En 2017, il a capturé
entre 3 500 et 5 000 otages1122 à Adra al-Omalia – ville
alaouite voisine de Douma – pour les utiliser comme
monnaie d’échange1123 : ce sont des boucliers humains au
sens premier du terme. Enfin, en août 2013, le Jaïsh al-
Islam était déjà le principal groupe rebelle à la
Ghouta1124…
Ainsi, l’explication selon laquelle Bachar al-Assad
chercherait « punir les populations civiles », comme le
prétend la note du gouvernement Macron, ou à
« terroriser les enfants » comme l’affirme Bernard-Henri
Lévy1125, apparaît particulièrement absurde dans ce
contexte. C’est tout simplement de la désinformation. Au
contraire : durant l’incident de Douma, le gouvernement
syrien était dans un processus de négociation avec le Jaïsh
al-Islam afin de faire libérer les civils retenus en otages.
C’est le résultat de cette négociation qui pousse le groupe
à se retirer de Douma, et non la prétendue attaque
chimique : le 8 avril, Reuters annonce que le groupe est
autorisé à quitter la ville en échange de la libération des
3 500 otages1126. Le 9, à Douma, cette libération est
largement médiatisée par le gouvernement – comme les
libérations précédentes – à des fins de propagande1127. Le
gouvernement n’avait donc aucun intérêt à mener une
attaque chimique contre une population dont la libération
pourrait servir sa popularité ! Naturellement, les médias
français qui soutiennent le terrorisme djihadiste ne
montreront pas les images de ces libérations…
La discrétion des médias sur le Jaïsh al-Islam s’explique
difficilement par l’éthique. Il s’agit plutôt d’éviter de jeter
une lumière trop crue sur les « rebelles » que soutiennent
les pays occidentaux. En effet, en mai 2016, la France et
ses alliés se sont opposés à ce que le Jaïsh al-Islam soit
porté sur la liste des mouvements terroristes des Nations
unies1128… et le groupe sera l’un de ceux qui commettront
des crimes contre les Kurdes en octobre 20191129 ! Mais,
une fois de plus, les médias français ignoreront
superbement les contradictions de la politique française
dans la région.
Nos « experts » et « journalistes » ont créé des faits à
partir de leurs propres préjugés. Les accusations
occidentales reposent exclusivement sur le postulat que le
gouvernement syrien serait le seul acteur à avoir accès à
des armes chimiques, et qu’il est le seul à pouvoir les
projeter. C’est évidemment faux, car l’usage d’armes
chimiques (notamment du chlore) a été rapporté à de
nombreuses reprises en Irak et en Syrie lors de combats
entre factions1130. Lorsque Pierre Servent affirme que seul
le gouvernement syrien dispose de moyens de projection
des armes chimiques, c’est également faux, car les
rebelles utilisent des mortiers lourds qu’ils fabriquent eux-
mêmes1131.
En fait, à Douma, la réalité même d’une attaque est
sujette à discussion : la Russie, qui avait des agents sur
place, affirme qu’aucune attaque n’a eu lieu, ni de la part
des insurgés, ni de la part du gouvernement. Le journaliste
britannique Robert Fisk, du journal The Independent,
recueille le témoignage sur place d’un médecin de
l’hôpital de Douma qui confirme qu’il n’y a eu aucune
attaque chimique1132, mais que les bombardements ont
provoqué des nuages de poussière et rendu l’atmosphère
irrespirable dans les souterrains où s’était réfugiée la
population civile ; ce qui expliquerait pourquoi les réseaux
sociaux ne montrent que des femmes et des enfants1133.
Son reportage est corroboré par Pearson Sharp, un
journaliste américain travaillant pour One America News
Network (une chaîne d’information considérée comme
plutôt favorable à Donald Trump), qui s’est rendu sur
place dans les jours qui suivent la prétendue attaque
chimique. Il affirme qu’il n’a pas pu trouver une seule
personne à Douma qui ait entendu parler d’une attaque
chimique et que les civils interrogés pensent qu’il s’agit
d’une mise en scène des islamistes pour obtenir une
intervention occidentale1134.
Ainsi, les rebelles ne se sont pas « autogazés », comme
ironise de manière mensongère Jean-Yves le Drian,
ministre des Affaires étrangères1135. Ils ont simplement et
opportunément su exploiter un non-événement pour
« créer » une situation susceptible de provoquer une
intervention étrangère. Les images vues sur les réseaux
sociaux ne sont probablement pas des « montages », mais
une surdramatisation destinée à induire en erreur.
Le 15 avril 2018, le communiqué final du Sommet de la
Ligue arabe reste très nuancé sur la responsabilité
syrienne dans l’incident de Douma :
Nous condamnons fermement l’utilisation d’armes
chimiques contre la nation syrienne amie et exigeons la
tenue d’une enquête internationale indépendante et
l’application du droit international à l’égard de ceux dont
la responsabilité dans l’utilisation d’armes chimiques sera
prouvée1136.
Mais l’article du Figaro sur le sommet ne reflète pas
cette prudence et s’inspire uniquement de la déclaration
personnelle du délégué de l’Arabie saoudite, qui souligne
le caractère « criminel » de l’engagement d’armes
chimiques en laissant entendre qu’il aurait été le fait du
gouvernement syrien1137. Sur France 5, dans l’émission
« C dans l’air » du 18 avril, aucun des experts présents ne
relève la prudence de la Ligue arabe ni n’évoque la
possibilité de scénarios alternatifs à la « version
officielle »1138. Les questionnements de certains députés
de l’Assemblée nationale sont même traités avec
condescendance, comme un manque de solidarité.
Aux États-Unis, le sénateur républicain Rand Paul, de la
commission des Affaires étrangères, interrogé sur CNN
sur l’opportunité de prendre des sanctions contre la Russie
après l’attaque, répond :
Avant de parler de sanctions, il faudrait tout d’abord
démontrer que la Russie est complice de cette attaque. En
fait, sur cette question, je vois cette attaque et je pense :
soit qu’Assad doit être le dictateur le plus stupide de la
planète, soit qu’il ne l’a pas faite. Il me faut des preuves
qu’il l’a fait. Les agences de renseignement prétendent les
avoir ; mais réfléchissez un peu ! Est-ce que c’est logique :
il est en train de gagner la guerre depuis ces dernières
années ; la seule chose qui pourrait galvaniser le monde
pour attaquer Assad directement serait une attaque
chimique1139 […]
Mais personne ne tente de comprendre quelle pourrait
être la logique du gouvernement syrien. Dans Libération,
Luc Mathieu fustige la désinformation russe :
Après l’attaque du 7 avril à Douma, le Kremlin a inondé
les médias de fausses informations. En novembre, il avait
déjà bloqué le seul mécanisme de l’ONU susceptible
d’enquêter1140.
Le mécanisme de vérification est lui aussi l’objet de
désinformation et nous y reviendrons plus bas. Il n’en
demeure pas moins que le « blocage » russe n’empêche
manifestement pas l’envoi sur place d’une mission
d’établissement des faits (MEF) le 12 avril. Sur place, la
mission ne peut accéder immédiatement au site. Le
16 avril, dans une allocution au Parlement britannique,
Theresa May accuse les gouvernements syrien et russe
d’empêcher les enquêteurs de l’OIAC d’accéder à la zone
touchée1141. Mais elle ment : c’est la décision de l’officier
du Département de la Sécurité et de la Sûreté des Nations
unies (UNDSS) sur place1142, en accord avec les autorités
syriennes et la police militaire russe. Cette version est
confirmée dans une communication du directeur général
de l’OIAC du 18 avril1143 et dans le rapport intermédiaire
des enquêteurs1144. Cela n’empêche pas Libération de
reprendre l’accusation le 3 mai1145.
Le 26 avril, une conférence de presse est organisée au
siège de l’OIAC, à La Haye, avec le jeune Hassan Diab
(11 ans), prétendument « gazé » et que l’on avait
abondamment vu sur les réseaux sociaux. Mais les médias
traditionnels français ignorent tout simplement
l’événement, tandis qu’un diplomate français le qualifie
de « mascarade obscène1146 » !
Le 6 juillet, l’OIAC publie le rapport intermédiaire de la
MEF, qui n’a trouvé aucune trace de neurotoxiques dans
l’environnement ou le sang des victimes supposées1147.
En revanche, il évoque des traces éparses de chlore (sans
conclure qu’il a pu être utilisé comme arme, car le chlore
se trouve dans de très nombreux produits d’usage
courant)1148. À ce stade, les traces de chlore sont encore
en cours d’examen.
Mais cela n’empêche pas la BBC britannique de titrer
sur son site, le lendemain : L’attaque en Syrie était du
chlore… une fausse information modifiée quelques heures
plus tard en un texte un peu plus proche de la vérité :
Guerre en Syrie : « Chlore possible » sur le site de
l’attaque de Douma1149. Par ailleurs, elle affirme une forte
présomption d’engagement d’armes chimiques sur des
objectifs, où l’OIAC n’a pas pu constater qu’elles ont
effectivement été utilisées1150.
En février 2019, Riam Dalati, journaliste à la BBC,
affirme que la scène qui a circulé sur les réseaux sociaux,
montrant des femmes et des enfants en train d’être
« décontaminés » dans l’hôpital de Douma, n’était qu’une
mise en scène et qu’il n’y a eu aucune victime d’armes
chimiques dans cet hôpital. Il reste cependant évasif sur la
question de savoir ce qui s’est réellement passé1151.
Le 1er mars 2019, l’OIAC publie son rapport final1152,
qui confirme son rapport intermédiaire. Rien de
réellement concluant n’apparaît : il est possible que du
chlore ait été utilisé, mais aucune autopsie n’a pu être
effectuée et la mission n’a pas observé de symptômes qui
permettraient de confirmer l’usage d’armes chimiques.
L’absence de traces de neurotoxiques (sarin) est
confirmée1153 :
Aucun agent neurotoxique organophosphoré, ni leurs
produits de dégradation ou impuretés de synthèse n’ont été
détectés dans les échantillons environnementaux analysés
en priorité pour l’analyse ou dans les échantillons de
plasma provenant de victimes présumées1154.
Par conséquent, les allégations des « experts » et de
l’évaluation nationale du gouvernement français1155
étaient des mensonges purs et simples. Les gouvernements
américain, britannique et français, ainsi que les médias qui
ont relayé aveuglément leur discours, ont menti afin de
couvrir un crime de guerre.
Quant au chlore, des traces en ont été détectées à de
nombreux endroits, mais leur nature indique qu’il pourrait
tout aussi bien s’agir de produits de nettoyage. Dans la
chambre où un cylindre jaune reposait sur un lit (dont la
valve est intacte, après avoir traversé un plafond en
béton), aucune trace de chlore n’a été détectée, excepté
sur une latte de bois1156. Par ailleurs, un cylindre
semblable a été repéré par les enquêteurs dans un atelier
des rebelles non loin de là1157.
Mais l’affaire n’est pas close, car en mai 2019, un
document est « fuité », qui analyse les deux sites où l’on a
retrouvé les cylindres jaunes. Il s’agirait d’un document
faisant partie d’une annexe technique au rapport de
l’OIAC, qui n’aurait pas été publiée en raison de vues
divergentes au sein de l’organisation. L’OIAC a confirmé
que le document est authentique, mais elle ne précise pas
son statut. Son auteur, Ian Henderson, conclut :
En résumé, les observations sur les lieux des deux sites,
ainsi que les analyses ultérieures, suggèrent qu’il y a une
probabilité plus élevée que les deux cylindres aient été
placés manuellement à ces deux emplacements plutôt que
d’avoir été largués1158.
Dans un premier temps, afin de minimiser son
témoignage, Fernando Arias, directeur général de l’OIAC,
affirme qu’Henderson n’est qu’un employé occasionnel de
l’OPCW, qui n’a pas fait partie de la MEF, mais a mené
une enquête indépendante1159. C’est faux, des documents
révélés en mai 2020 prouvent qu’Ian Henderson faisait
bien partie de la Mission, mais son nom n’apparaissait pas
dans les documents initiaux, car il était prévu pour une
autre mission1160. En fait, les rapports officiels de l’OIAC
ont été manipulés et on a écarté les informations qui
auraient pu contredire le discours officiel occidental,
suscitant de nombreux travaux de recherches pour rétablir
la vérité1161.
Le 28 mai, le directeur de l’OIAC adresse une lettre aux
pays membres de l’organisation où il exprime ses
inquiétudes par rapport au fait que des documents soient
« fuités », sans en discuter le fond1162. Le
23 octobre 2019, un lanceur d’alerte de l’OIAC
(probablement, un « révisionniste1163 »), confirme lors
d’une conférence de presse qu’il n’y a eu aucune attaque
chimique à Douma : les mesures qu’il avait effectuées sur
place montraient que les taux de chlore
étaient comparables et même inférieurs à ceux donnés
dans les directives de l’Organisation mondiale de la santé
sur les niveaux autorisés recommandés de trichlorophénol
et d’autres produits chimiques organiques chlorés dans
l’eau potable 1164.
… et même inférieurs à ceux mesurés à l’extérieur des
bâtiments ! Mais ses observations ont été délibérément
ignorées dans les rapports de l’OIAC, manifestement sous
la pression des États-Unis. Le courriel qu’il a adressé le
22 juin 2018 à son supérieur, l’ambassadeur Robert
Fairweather, est publié par Wikileaks le
23 novembre 2019. Il y fait part de ses « sérieux soucis »
devant le fait que les rapports de l’organisation ont été
falsifiés (« doctored ») pour conforter le discours
occidental contre le gouvernement syrien1165.
L’information est relayée par BBC News ainsi que
plusieurs médias et ONG anglo-saxons1166, mais pas par
les médias français.
En décembre 2019, WikiLeaks publie plusieurs
documents montrant que l’OIAC a délibérément falsifié
son rapport sur Douma à la demande des États-Unis et a
ordonné à tous ses collaborateurs de détruire les
informations qui contrediraient le rapport. Notamment, il
révèle le compte rendu d’une réunion interne de
toxicologistes qui affirment que les symptômes observés
sur les vidéos ne sont pas cohérents avec les toxiques
mentionnés dans les rapports et qu’il n’est pas possible de
les rattacher à des toxiques connus. Mais ces remarques
n’apparaîtront pas dans le rapport final1167.
Ainsi, il apparaît qu’il ne s’est tout simplement rien
passé à Douma, mais que les djihadistes ont habilement su
« créer l’événement », avec la complicité des médias
occidentaux. L’événement de Douma tend à montrer deux
choses : d’une part, que les politiciens mentent afin de
couvrir l’attaque sans raison et sans mandat des Nations
unies de pays souverains ; d’autre part, que les services de
renseignement ne sont pas capables d’évaluer la situation
sur le terrain…
Journalistes et politiciens pleurnichent sur des actes
terroristes et des drames humanitaires qu’ils ont créés par
dogmatisme… En réalité, personne ne s’intéresse à une
solution en Syrie : il s’agit simplement de fracturer la
Syrie pour satisfaire Israël, et de distraire leurs opinions
publiques des problèmes intérieurs qu’ils ne parviennent
pas à gérer. En avril 2018, les gouvernements américain,
français et britannique sont confrontés à une crise de
crédibilité à domicile. En France, les réformes proposées
par le gouvernement suscitent des manifestations et
grèves ; en Grande-Bretagne, la mise en place du Brexit,
le scandale Windrush, les mensonges d’Amber Rudd
devant une commission parlementaire secouent le
gouvernement de Theresa May ; et aux États-Unis,
Donald Trump tente d’asseoir la crédibilité de sa politique
étrangère notamment à l’égard de la Corée du Nord qui le
« nargue ». Pour les trois, la tentation est grande de
chercher des « succès » à l’extérieur du pays, à la fois
pour montrer leur détermination et distraire leurs opinions
publiques.
6.16.6. Le règne de la mauvaise foi
En avril 2017, François Asselineau, candidat à la
présidence, exprime sur Franceinfo ses doutes quant à
l’exactitude des informations concernant les attaques
chimiques en Syrie et suggère le dialogue et la retenue. Il
est violemment pris à partie par le journaliste Jean-Michel
Aphatie et quelques confrères qui affirment sans nuance la
culpabilité du pouvoir syrien et prônent le droit à
intervenir, tandis qu’un bandeau « Asselineau, candidat
des conspirationnistes ? » est affiché à l’écran1168. C’est
un exemple d’exploitation politicienne de faits
discutables, que l’on tient pour des certitudes. Une
absence totale d’honnêteté intellectuelle permet de
justifier notre violence et sert des ambitions peu
avouables. On ne tente pas de comprendre les événements
à partir des faits, mais en fonction de nos préjugés.
D’ailleurs, l’attaque chimique du 24 novembre 2018
contre les civils de la ville d’Alep, alors aux mains du
gouvernement, est à peine évoquée dans la presse
francophone : elle contredit le discours officiel. Les
médias créent alors le doute : le quotidien La Croix
suggère qu’il s’agit d’une manœuvre des « médias
progouvernementaux »1169 et Paris Match persiste dans la
logique que seul le gouvernement possède des armes
chimiques1170. On est aux racines du complotisme !
Sur le plateau de « C dans l’air », on « invente » ainsi
littéralement une « doctrine de Bachar al-Assad », qui
consisterait à terroriser la population sunnite (64 % de la
population) afin de la remplacer par des « populations
étrangères à la Syrie »1171… La théorie du « Grand
Remplacement », version syrienne ! Non seulement ce
discours a toutes les caractéristiques du
conspirationnisme, mais – ironiquement – il relaie
exactement la propagande de l’État islamique1172 !
En 2017, Pedro Agramunt, président de l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), est
contraint à la démission pour s’être rendu en Syrie avec
des parlementaires russes1173 et avoir été pris « en photo,
à côté d’une personne qui a gazé sa propre
population1174 »… un fait qui n’est pas même avéré !
La mécanique de la désinformation qui fait d’une
hypothèse une réalité peut avoir des répercussions
inattendues. Il en est ainsi d’un tweet du 15 avril 2018,
d’Alain Jakubowicz, président d’honneur de la LICRA,
qui relie les questionnements sur l’incident de Douma aux
chambres à gaz de l’Holocauste :
Quand le #FN demande des preuves de l’utilisation
d’armes chimiques contre les populations civiles en #Syrie
ça me fait penser aux négationnistes qui demandent la
preuve de l’existence des chambres à gaz1175.
Un point Godwin pour risquer de totalement
décrédibiliser la question de l’Holocauste et ainsi donner
raison à ceux qui doutent… Car en janvier 2020, Ian
Henderson est auditionné par le Conseil de Sécurité et
confirme « qu’il n’y a pas eu d’attaque chimique » à
Douma1176… L’arroseur arrosé, mais inspirant…
6.16.7. Le rôle des « lignes rouges »
Par leur crédulité, les Occidentaux ont incité les
islamistes à répéter ce qui avait si bien fonctionné avec
BHL en Libye, et à engager des armes chimiques afin de
les pousser à renverser le gouvernement par des frappes
aériennes. Dans un tel contexte, la définition d’un seuil
pour une intervention donne aux partisans de l’usage de la
violence les éléments d’un scénario pour la provoquer.
D’ailleurs, en octobre 2019, certains médias, comme
l’Obs, tenteront le même stratagème contre la Turquie (qui
n’est pas considérée comme un pays disposant d’armes
chimiques) 1177.
Un examen de la carte des opérations montre que si les
Occidentaux avaient raison, le gouvernement éviterait
systématiquement d’utiliser ses armes chimiques dans ses
axes d’efforts principaux et dans les secteurs d’importance
stratégique. Ainsi, Palmyre aurait été un terrain idéal pour
ces armes, qui font peu de dégâts et s’attaquent aux
combattants sans détruire les infrastructures. Pourtant, lors
de sa reprise par l’État islamique en décembre 2016,
l’armée syrienne n’y a engagé que des moyens
conventionnels, malgré une pression stratégique
supérieure à celle de Ghouta, de Douma ou de Khan
Sheikhoun. Et ce, d’autant plus que la coalition
occidentale – qui avait détecté la contre-offensive de
l’État islamique – s’était abstenue de frapper ! Le
gouvernement syrien n’utiliserait ses armes à vocation
stratégique que dans des secteurs où il maîtrise la situation
avec des forces conventionnelles ? À seule fin de
provoquer les Occidentaux ?… cela n’a aucun sens.
On constate que parmi les quelque 3001178 incidents
impliquant des armes chimiques en Irak et en Syrie, seuls
trois ont déclenché des réactions occidentales, assorties de
menaces et/ou d’interventions directes. Pourquoi les
autres n’ont-ils pas eu les mêmes effets ? Tout simplement
parce qu’ils étaient dirigés contre les forces syriennes (ou
kurdes) et menés par des forces rebelles alliées de la
coalition, et que les relever aurait ipso facto remis en
question les accusations contre Bachar al-Assad.
Les trois cas qui ont bénéficié d’une surexposition
médiatique présentent le même enchaînement, visant à
provoquer une intervention occidentale de type
« libyen » :

Élément déclencheur Événement Déroulement le plus probable

Attaque de la population
Annonce d’une intervention en Ghouta
civile par les forces rebelles
cas de franchissement d’une (21 août
(attaque « sous fausse
« ligne rouge » (20 août 2012) 2013)
bannière »)

Déclaration de Donald Trump Exploitation par les rebelles


Khan
selon laquelle le renversement d’un incident imprévu
Sheikhoun
du régime syrien n’est plus une (destruction d’un stock de
(4 avril
produits chimiques destinés à
priorité (30 mars 2017)6 (voir p. 398) 2017)
un usage indéfini)

Annonce du président Donald Exploitation opportuniste des


Douma
Trump de retirer les forces effets mécaniques de tirs
(7 avril
américaines de Syrie (4 avril d’artillerie, qui n’impliquent
2018)
2018)7 (voir p. 398) aucune arme chimique

Tableau 4- Scénarios probables des 3 incidents chimiques en Syrie les plus


médiatisés en Occident.
En France, les médias traditionnels et gouvernementaux
semblent avoir systématiquement poussé vers un usage de
la violence, qui a finalement profité aux islamistes.
6.17. « La Russie met son veto à une résolution
de l’ONU condamnant l’attaque chimique en
Syrie1179 »
Le 5 avril 2017, au lendemain de l’incident de Khan
Sheikhoun, la France, la Grande-Bretagne et les États-
Unis, proposent au Conseil de Sécurité une résolution qui
condamnerait le gouvernement syrien. Ils se heurtent au
veto de la Russie qui argumente qu’à ce stade, aucune
enquête sérieuse ne permet d’affirmer qu’elle en soit
responsable. Le quotidien Le Monde précise même que
« c’est la huitième fois depuis le début de la guerre en
2011 que Moscou bloque toute action de l’ONU contre
son allié syrien1180 ».
L’enjeu est important, car cette résolution aurait ouvert
la porte à une intervention militaire contre la Syrie dans le
cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies,
comme l’avait prévu le chiffre 21 de la Résolution 2118
adoptée en 2013, sur la destruction des armes chimiques
syriennes :
[…] qu’en cas de non-respect de la présente résolution, y
compris de transfert non autorisé ou d’emploi d’armes
chimiques par quiconque en République arabe syrienne, il
imposera des mesures en vertu du Chapitre VII de la
Charte des Nations unies ;
À l’évidence, la Russie protège son vieil allié syrien,
mais cela n’explique pas tout. En 2011, la Russie et la
Chine n’avaient pas usé de leur droit de veto pour la
Résolution 1973, qui visait à protéger les civils en Libye.
Mais les Occidentaux avaient outrepassé leur mandat pour
attaquer et renverser le président Kadhafi, créant ainsi le
chaos dans la région. La Russie et la Chine sont devenues
méfiantes face à la répétition d’interventions occidentales
mal pensées, sans objectifs stratégiques clairs et mettant
en œuvre des moyens disproportionnés par rapport à la
situation. Elles ont compris qu’en l’absence d’un
contrepoids stratégique, l’Occident a progressivement pris
ses aises avec le droit international et l’usage de la force et
génère de l’instabilité afin de satisfaire ses propres
intérêts. Leur position est d’intervenir uniquement à la
demande expresse des pays concernés (conformément à la
Charte des Nations unies) et d’éviter la participation aux
coalitions menées par les Occidentaux. Une véritable
guerre de l’information s’engage alors sur l’usage du droit
de veto par la Russie.
Mais, à ce stade, il y a deux questions :
a) la prorogation du mandat du Mécanisme d’Enquête
conjoint OIAC-ONU (JIM) créé en août 2015. Le mandat
du JIM arrive à échéance le 17 novembre 2017 ; mais les
Américains veulent le prolonger en avril 2017 déjà, alors
que la Russie veut d’abord voir le rapport d’enquête sur
Khan Sheikhoun, attendu pour le 26 octobre. Finalement,
le vote au Conseil de Sécurité aura lieu le
24 octobre1181…
b) la création d’un nouveau dispositif d’enquête. Le
problème est que la mission d’établissement des faits de
l’OIAC « n’est pas habilitée à tirer des conclusions
concernant la question de savoir à qui imputer la
responsabilité de l’emploi d’armes chimiques 1182 ». Les
États-Unis préféreraient avoir un dispositif qui détermine
les responsabilités.
Le 10 avril 2018, les médias occidentaux1183 fustigent le
veto russe à une proposition américaine de résolution.
Pourtant, cette semaine-là, trois propositions de résolution
ont été soumises au Conseil de Sécurité (CS) des Nations
unies, toutes stoppées par un veto1184 :
- une proposition américaine prévoit la constitution
d’une commission indépendante du CS, qui pourrait
« identifier dans toute la mesure possible les personnes,
entités, groupes ou gouvernements qui ont perpétré,
organisé ou commandité » des attaques chimiques, sans
aller sur place ;
- Deux propositions russes : la première prévoyait la
constitution d’une commission d’enquête sous l’autorité
du CS, qui en aurait nommé les experts afin de travailler
« sur la base d’éléments de preuve crédibles, vérifiés et
corroborés, recueillis lors de visites sur site », lui
permettant de déterminer les responsabilités ; et la
seconde proposait l’envoi d’une commission d’enquête de
l’OIAC.
Le problème de la proposition américaine est qu’elle
maintient les inspecteurs hors du regard du CS, ouvrant la
porte à une manipulation. Les propositions russes, en
gardant l’autorité des Nations unies, auraient eu
l’avantage de permettre une approche impartiale de
l’évaluation de la situation et d’une éventuelle
condamnation des coupables. Mais personne n’évoque les
deux vetos américains.
Les médias occidentaux cherchent à faire porter le poids
de l’inaction internationale sur la Russie seule.
L’interview d’Adrien Quatennens par Jean-Jacques
Bourdin sur BFM TV est un excellent exemple de
manipulation. Le journaliste tente littéralement de
déstabiliser son invité en le bombardant de questions à un
rythme rapide. En réalité, Bourdin ne connaît pas son sujet
et cherche simplement à « démontrer » la responsabilité
russe1185 : il ment en omettant délibérément de
mentionner les propositions russes et affirme exactement
l’inverse de ce qui s’est passé au CS.
La seule présentation honnête de cette question est
donnée le 12 avril 2018 par Corinne Galacteros, sur
RMC1186… mais elle ne recevra pratiquement aucun écho
dans la presse traditionnelle. En fait, il ne s’agit pas de
connaître la vérité, mais de condamner le régime syrien.
C’est de la manipulation.
6.18. Conclusions pour le conflit syrien
En mars 2016, Alain Juillet, ex-directeur du
Renseignement de la DGSE, explique le conflit syrien par
une rivalité entre des projets qatari et iranien de gazoducs
à travers la Syrie1187. C’est faux. Les tentatives de
déstabilisation de la Syrie ont débuté bien avant ces
projets (2009). Par ailleurs, le projet qatari était dépendant
du projet NABUCCO, financé par l’UE et mis en
veilleuse, tandis que son principal adversaire était l’Arabie
Saoudite1188, qui n’a pas autorisé la construction du
gazoduc sur son territoire1189.
Les Occidentaux sont entrés dans le conflit syrien avec
l’objectif avoué de renverser le gouvernement légal et sont
entrés en Syrie en violation de la Charte des Nations
unies. Il leur faut donc trouver une légitimité à ces
interventions. Dans un premier temps, ils se sont
convaincus eux-mêmes que la révolution était mue par
une aspiration démocratique… Comme en Libye1190, on a
trompé l’opinion publique sur la nature des manifestations
qui ont déclenché la crise, sur la nature des rebelles que
l’on soutient, sur les objectifs que l’on cherche à atteindre
et sur les intérêts que l’on défend.
Dans un deuxième temps, les Occidentaux s’aperçoivent
qu’ils ont joué avec le feu et que, comme en Libye, la
révolution est essentiellement islamiste et que les forces
dites « modérées » étaient dès le début sous le contrôle
des islamistes… avec un bémol : l’émergence de l’État
islamique et le débordement du conflit en une campagne
terroriste qui les touche directement. Renverser le
gouvernement syrien devient plus compliqué. La
désinformation suit exactement le même schéma qu’en
Irak : la présence et l’usage d’armes interdites, la
connivence avec des mouvements terroristes et les
massacres de civils. On ne produit jamais de preuves
factuelles, mais uniquement circonstancielles. On masque
l’information qui dérange et qui remettrait en question le
discours officiel.
En janvier 2012, le ministre de la Défense israélien
Ehud Barak prédisait que Bachar al-Assad serait renversé
en quelques semaines1191. Preuve qu’un proche voisin de
la Syrie – dont les services de renseignement sont
considérés par certains comme les meilleurs du monde –
connaît très mal son propre environnement géostratégique.
La faiblesse de la position occidentale au Moyen-Orient
est qu’elle s’appuie sur des relations triangulaires. Or,
notre esprit cartésien s’accommode fort bien de relations
du type « les amis de mes amis sont mes amis » mais a
plus de difficultés à résoudre l’équation lorsqu’un ennemi
est dans le triangle, à la différence de l’esprit oriental. On
a pu le constater en octobre 2019, lors de l’intervention
turque en Syrie. Notre tendance à réduire ces situations à
une succession de relations bilatérales, avec « des gentils
et des méchants » nous conduit à l’opposé d’une approche
holistique.
Pourquoi le président Assad s’en prendrait-il à sa
population maintenant ? Pourquoi son armée, qui est
essentiellement sunnite continue-t-elle à le soutenir ?
Pourquoi, lorsque les rebelles se sont emparés d’Alep-Est,
plus d’un demi-million d’habitants ont-ils préféré
déménager pour se placer sous la protection du
gouvernement dans Alep-Ouest ? Pourquoi Bachar al-
Assad qui « cherche à éliminer son peuple » le laisse-t-il
communiquer vers l’extérieur par Internet ? Pourquoi la
majorité des personnes déplacées ne vont pas s’établir en
zone rebelle, mais restent dans les zones contrôlées par le
gouvernement ?
Les Occidentaux se trouvent aujourd’hui pris au piège
de leur propre désinformation. Malgré ce qui a été raconté
sur Bachar al-Assad, il apparaît aujourd’hui
incontournable pour discuter d’un processus de paix. Et
même s’il devait disparaître, personne ne sait qui pourrait
le remplacer, car les personnes les plus charismatiques de
la région sont sans doute des islamistes : le remède serait
ainsi pire que le mal, comme cela a été le cas en Libye. Le
problème est qu’à force de désinformation, on a rendu le
dialogue avec Bachar al-Assad quasi impossible.
Les préjugés favorisent l’opposition syrienne, mais la
logique, la doctrine et les faits matériels tendent à montrer
la bonne foi du gouvernement syrien, même si tout n’est
pas clair. Le problème ici est qu’en prenant des décisions
sur des éléments vagues et spéculatifs, les gouvernements
occidentaux ont clairement envenimé une situation et joué
de manière inconsidérée avec la vie de leurs concitoyens
et le droit international. Si les populations occidentales
demandaient des comptes à leurs dirigeants et ceux qui les
conseillent, avec la menace d’être traduits en justice, les
décisions politiques seraient sans doute beaucoup plus
mesurées et en adéquation avec les faits avérés. À défaut,
on donne raison à l’État islamique, qui déclare dans une
vidéo que la population française se préoccupe plus de son
bien-être, de ses heures supplémentaires et de ses RTT,
que de savoir que ses impôts servent à financer des
guerres qui n’avaient pas lieu d’être1192.

433. Les chiffres concernant ce massacre sont controversés. Voir Patrick Seale,
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440. Dès l’édition 2012 des rapports annuels du Département d’État sur le
terrorisme, les liens avec la résistance palestinienne ne sont plus mentionnés, et ont
été remplacés par ceux avec le Hezbollah libanais (qui n’est pas reconnu comme
terroriste par une très grande majorité de pays).
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475. Le père Frans van der Lugt a été assassiné le 7 avril 2014 à Homs, car il
refusait de remettre aux islamistes (modérés !) les biens que lui avaient confié des
Syriens (Eva Bartlett, conférence à l’église orthodoxe syrienne de St. Matthew,
West Roxbury, MA, 11 décembre 2016)
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déclaration du ministre, en raison du manque de clarté des citations évoquées dans
la presse, nous laisserons le lecteur juge. (Le Monde, 13 décembre 2012, op.cit.)
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plotted attack against U.S. with explosive clothes », CNN, 24 septembre 2014.
756. Eli Lake, « Al Qaeda Plotters in Syria ‘Went Dark’U.S. Spies Say », The Daily
Beast, 23 septembre 2014.
757. Brett LoGiurato and Jeremy Bender, « Meet The Khorasan, The Terrorist
Group That’s Suddenly A Bigger Threat Than ISIS », Business Insider, 23
septembre 2014
758. « Statement by the President on Airstrikes in Syria », The White House, Office
of the Press Secretary, 23 septembre 2014.
759. Terrence McCoy, « Targeted by U.S. airstrikes : The secretive al-Qaeda cell
was plotting an imminent attack », The Washington Post, 23 septembre 2014.
760. Shane Harris, « We’re Not Sure Their Capabilities Match Their Desire »,
Foreign Policy, 23 septembre 2014.
761. Ibid.
762. Mark Mazzetti, « A Terror Cell That Avoided the Spotlight », The New York
Times, 24 septembre 2014.
763. CBS News, « U.S. offers more nuanced take on Khorasan threat », Associated
Press, 25 septembre 2014
764. Andrew C. McCarthy, “The Khorosan Groups Does Not Exist”, National
Review, 27 septembre 2014.
765. “Biden at Harvard : America « Faces No Existential Threat » From Islamic
Terrorism”, YouTube, 5 octobre 2014 (https://www.youtube.com/watch?
v=dOZfom5rI2U)
766. Thierry Meyssan, Sous nos yeux : Du 11 Septembre à Donald Trump…,
Éditions Demi-lune, Paris, 21 mars 2017
767. Vincent Georis, « L’État islamique, enfant du chaos et des errements de
l’Occident », L’Echo, 21 novembre 2015
768. En Europe, cette émission sera diffusée en Belgique sur la chaîne VT4 (deux
parties : 13 septembre 2006 à 21:05 et 20 septembre 2006 à 21:05) et sur RTL-TVI
(en trois parties le 20 août 2008 à 21 :10, 22 :00 et 22 :50).
769. Voir “The Path to 9/11” FABRICATED a Fatwa Quote ! My Pulitzer
Submission “, YouTube, 5 octobre 2008
770. Fatwa de 1996 : « Déclaration de guerre contre les Américains qui occupent
la Terre des deux Lieux Saints »
(https://en.wikisource.org/wiki/Osama_bin_Laden%27s_Declaration_of_War)
(texte traduit par l’Académie Militaire de West Point) ; Fatwa de 1998 : Déclaration
du Front Islamique Mondial sur « le Djihad contre les Juifs et les Croisés »
(https://fas.org/irp/world/para/docs/980223-fatwa.htm)
771. NdA : Strictement parlé, il s’agit en fait de l’État islamique d’Irak (Dawlat
al-‘Eiraq al-Islamiyah) et non « en » Irak (Dawlah al-Islamiyah fil-‘Eiraq)
772. TE-SAT 2013 - EU Terrorism Situation and Trend Report, European Police
Office, 2013, p. 21 (https://www.europol.europa.eu/content/te-sat-2013-eu-
terrorism-situation-and-trend-report)
773. C’est l’abréviation DAIESh (prononcée « DASH » par certains officiels
français) qui ne désigne qu’une forme antérieure de l’État islamique. Il est
cependant intéressant de constater que l’usage occidental de l’ancienne abréviation
du mouvement (ISIS, ISIL ou DAIESh) tend à s’imposer dans la littérature des
islamistes eux-mêmes, comme naguère « Al-Qaïda ».
774. Al-Qaeda merges with Isis at Syria-Iraq border town, The Telegraph/AFP, 25
juin 2014.
775. « La fulgurante ascension du Front Al-Nosra en Syrie »,
lemonde.fr/AFP/Reuters, 10 avril 2013 (http://www.lemonde.fr/proche-
orient/article/2013/04/10/la-fulgurante-ascension-du-front-al-nosra-en-
syrie_3157351_3218.html#0DgjKhluqIpSqzHa.99)
776. Vice President’s Remarks and Q&A at a BC’04 Roundtable in Lake Elmo,
Minnesota, Office of the Vice President, 29 septembre 2004
777. Elisabeth Bumiller, « 21st-Century Warnings of a Threat Rooted in the 7th »,
The New York Times, 12 décembre 2005.
778. http://www.vox.com/2014/7/10/5884593/9-questions-about-the-caliphate-you-
were-too-embarrassed-to-ask
779. Jeremy Bender, “That ISIS Five Year Expansion Plan Map Is Fake”, Business
Insider, 1er juillet 2014
780. Voir :
https://twitter.com/Third_Position/status/478626230418173952/photo/1?
ref_src=twsrc%5Etfw
781. Colleen Curry, « See the Terrifying ISIS Map Showing Its 5-Year Expansion
Plan », ABC News, 3 juillet 2014.
782. Sylvain Besson, « La loi sur le renseignement signe le retour en grâce des
services secrets suisses », Le Temps, 31 août 2016
783. Rudy Reichstadt & Georges Benayoun, « Complotisme, les alibis de la
terreur », YouTube, 24 janvier 2018, (www.youtube.com/watch?v=d8e18NIqWiI)
784. Jacob Rogozinski dans « Complotisme, les alibis de la terreur », YouTube, 24
janvier 2018 (www.youtube.com/watch?v=d8e18NIqWi) (31’20’’)
785. « Press Briefing by Ari Fleischer », Office of the Press Secretary, 28 mars
2003
786. Ann Scott Tyson, « Iraq battles its leaking borders », The Christian Science
Monitor, 6 juillet 2004.
787. Don Van Natta Jr & Desmiond Butler, « Hundreds of militant head to Iraq for
Jihad », International Herald Tribune, 3 novembre 2003.
788. « US “loses track” of Iraq weapons », BBC News, 6 août 2007 (consulté le 20
juin 2014).
789. Special Inspector General for Afghanistan Reconstruction, SIGAR 14-84 Audit
Report - Afghan National Security Forces : Actions Needed to Improve Weapons
Accountability, (SIGAR 14-84-AR/ANSF Weapons Accountability), juillet 2014
790. Dabiq Magazine, n° 8, mars 2015 (Jumada al-Akhira 1436), p. 2.
791. Dabiq est une petite ville de quelque 3 000 habitants en Syrie, à proximité de
la frontière turque, où Mohammed avait prédit un combat final avec les Turcs. Il est
un peu l’équivalent de Meggido dans la Bible (certains pensent qu’il s’agit de la
même ville) où devrait se dérouler la bataille finale (Armageddon) contre Satan.
« Dabiq » est également le nom choisi pour le magazine officiel de l’État islamique.
792. Patrick Wintour, “Intelligence files support claims Iraq invasion helped spawn
Isis”, The Guardian, 6 juillet 2016
793. Patrick Wintour, “Intelligence files support claims Iraq invasion helped spawn
Isis”, The Guardian, 6 juillet 2016
794. “Syrian Civil War : Every Day”, NY Mapper/YouTube, 17 mars 2018
795. « Les idées claires : Daech a-t-il été créé par les États-Unis ? »,
franceinfo/Radio France, 12 juin 2018 (mis à jour le 13 juin 2018)
796. John Kerry, enregistrement d’une réunion du 22 septembre 2016 publié par
Wikileaks. (“Leaked audio of John Kerry’s meeting with Syrian revolutionaries/UN
(improved audio)”, YouTube, 4 octobre 2016)
797. « Former DIA Chief Michael Flynn Says Rise of ISIS Was a «Willful
Decision» of US Government », YouTube, 6 octobre 2015
798. « Ex-DIA boss Michael Flynn : White House took “willful decision” to fund,
train Syria Islamists ISIS », YouTube, 23 août 2015.
799. wikileaks.org/podesta-emails/emailid/3774 ; Bethan McKernan. “Hillary
Clinton emails leak : Wikileaks documents claim Democratic nominee ‘thinks
Saudi Arabia and Qatar fund Isis’”, The Independent, 11 octobre 2016
800. Citation d’un « chat » capté en avril 2017.
801. “ISIS = MOSSAD (Israeli Secret Intelligence Service) - 100 % PROOF”,
YouTube, 5 janvier 2017
802. Yaara Shalom, “Netanyahu : Hamas, Islamic State share the same fanatic
ideology”, ynetnews.com, 29 septembre 2014
803. Deterring Terror - How Israël Confronts the Next Generation of Threats,
Belfer Center for Science and International Affairs, Harvard Kennedy School,
Cambridge (MA), août 2016
804. Yoav Zitun, Tova Tzimuki and Moran Azulay, “Ya’alon : In choice between
Iran and ISIS, I prefer ISIS”, www.ynetnews.com, 19 janvier 2016 ; Judah Ari
Gross, “Ya’alon : I would prefer Islamic State to Iran in Syria”, The Times of Israël,
19 janvier 2016.
805. Jason Ditz, “Israeli Intel Chief : We Don’t Want ISIS Defeated in Syria”,
Antiwar.com, 21 juin 2016 ; “Chief of Israeli Military Intelligence - ‘Israel Doesn’t
Want Isis Defeated’”, YouTube, 1er mai 2017
806. Aymenn Jawad Al-Tamimi, « The First Connections Between Liwa Shuhada’
al-Yarmouk and Islamic State », www.aymennjawad.org, 19 mars 2016
807. Armin Arefi, « Pourquoi Israël a (longtemps) échappé à Daech », Le Point, 29
novembre 2016
808. Judah Ari Gross, “Ex-defense minister says IS ‘apologized’to Israël for
November clash”, The Times of Israël, 24 avril 2017
(http://www.timesofisrael.com/ex-defense-minister-says-is-apologized-to-israel-for-
november-clash/)
809. BBC, op.cit.
810. Elizabeth Tsurkov, “Inside Israel’s Secret Program to Back Syrian Rebels”,
Foreign Policy, 6 septembre 2018
811. http://besacenter.org/about/international-support/#.XTX2cegzaUk
812. Prof. Efraim Inbar, The Destruction of Islamic State is a Strategic Mistake,
Begin-Sadat Center for Strategic Studies, Perspectives Paper No. 352, 2 août 2016
813. Iyad Abuheweila & Isabel Kershner, “Islamic State declares war on Hamas as
Gaza families disown sons in Sinai”, The Irish Times, 11 janvier 2018
814. Eugénie Bastié, « Hamas, Frères musulmans, djihadistes : les différents
visages de l’islamisme », lefigaro.fr, 8 août 2014
815. « Pour Valls, il ne peut y avoir d’»explication» possible aux actes des
djihadistes », Le Figaro.fr, 9 janvier 2016.
816. Le général Dominique Delawarde est l’ancien chef du bureau situation-
renseignement-guerre électronique de l’état-major interarmes de planification
opérationnelle en région parisienne (Mohamed El-Ghazi, « Un général français :
« François Hollande nous manipule » », Réseau international, 15 septembre 2013)
817. Jean Guisnel, « Armes chimiques : Paris préparait une action militaire en Syrie
depuis début 2012 », Le Point.fr, 20 septembre 2013
818. Prof. Efraim Inbar, « The Destruction of Islamic State is a Strategic Mistake »,
BESA Center Perspectives, Paper No. 353, 2 août 2016
819. Brad Hoff, « West will facilitate rise of Islamic State “in order to isolate the
Syrian regime : 2012 DIA document », Foreign Policy Journal, 21 mai 2015 ; voir
également : http://www.judicialwatch.org/wp-content/uploads/2015/05/Pg.-291-
Pgs.-287-293-JW-v-DOD-and-State-14-812-DOD-Release-2015-04-10-final-
version11.pdf
820. Laurent Lagneau, « Pour M. Ayrault, Damas « joue la carte de la partition » de
la Syrie », OPEX360.com, 24 septembre 2016
821. Isabelle Lasserre, « Khaddam : « Assad planifie la partition de la Syrie » »,
lefigaro.fr, 25 janvier 2012
822. Amara Makhoul-Yatim, « Vers une partition de la Syrie ? (seconde partie) »,
France24, 17 mai 2013 (mis à jour 31 mai 2013)
823. Margaret Brennan, « If Syria cease-fire fails, is there a Plan-B ? », CBS News,
25 février 2016
824. Patrick Wintour, « John Kerry says partition of Syria could be part of ‘plan
B’if peace talks fail », The Guardian, 23 février 2016
825. Jeff Mackler, op.cit.
826. Simon Mabon, “Even if Mosul is liberated, it won’t be the end of Islamic
State”, The Conversation, 17 octobre 2016
827. Voir airwars.org/data/.
828. Islamic State and the crisis in Iraq and Syria in maps, BBC News, 28 mars
2018 (www.bbc.com/news/world-middle-east-27838034)
829. James Dobbins, Jeffrey Martini & Philip Gordon, “A Peace Plan for Syria”,
Rand Corporation, 2015 (Document PE-182-RC) ; Jeff Mackler, “The US Plan to
Partition Syria”, Counterpunch, 9 février 2018 ; Nafeez Mosaddeq Ahmed, “US
military document reveals how the West opposed a democratic Syria”,
mondiplo.com, 24 septembre 2018
830. “Australian jets involved in US-led air strike which killed dozens of Syrian
soldiers, Defence confirms”, ABC Net, 18 septembre 2016
831. Selon le Times of Israël, les Russes seraient parvenus, grâce au renseignement
électronique, à obtenir suffisamment de preuves de la collusion entre les forces de
l’État islamique et les forces occidentales, pour frapper le poste de commandement
incriminé avec des missiles de croisière, le 20 septembre, tuant plusieurs officiers
américains, qatari, israéliens et turcs. (Judah Ari Gross, “Russia : Mossad, other
foreign agents killed in Aleppo strike”, The Times of Israël, 22 septembre 2016).
Dans quelle mesure cette dernière information (qui n’a pratiquement pas été relayée
dans la presse occidentale) est vraie, est une question ouverte. On notera toutefois
que dans des situations où des acteurs clandestins sont impliqués, l’absence de
réaction des pays incriminés peut s’expliquer, sans constituer une « preuve » pour
autant.
832. Anne Barnard & Mark Mazzetti, “U.S. Admits Airstrike in Syria, Meant to Hit
ISIS, Killed Syrian Troops”, The New York Times, 17 septembre 2016
833. “U.S. rejects Syrian claim state forces were targeted”, CBS News, 7 décembre
2015
834.
www.centcom.mil/Portals/6/media/REDACTED_FINAL_XSUM_Memorandum__
29_Nov_16___CLEAR.pdf
835. Gareth Porter, “The ‘Mistaken’US Airstrike on Syrian Troops”,
consortiumnews.com, 7 décembre 2016
836. Huitième rapport du Secrétaire général sur la menace que représente l’EIIL
(Daech) pour la paix et la sécurité internationales et sur l’action menée par
l’Organisation des Nations unies pour aider les États Membres à contrer cette
menace, Nations unies, 1er février 2019, (S/2019/103) para 5
837. Ellen Mitchell, “16 times Trump said ISIS was defeated, or soon would be”,
The Hill, 23 mars 2019
838. “IS ‘caliphate’ defeated but jihadist group remains a threat”, BBC News, 23
mars 2019
839. Operation Inherent Resolve, Lead Inspector General Report To The United
States Congress, April 1, 2019. June 30, 2019, US Department Of Defense,
août 2019, p. 15
840. Sangar Ali, « Iraq rejects Pentagon’s report claiming 14,000 ISIS fighters’
present in Iraq, Syria », Kurdistan24.net, 12 août 2019
841. « François Hollande : «Charlie Hebdo vit et vivra» », BFM TV, 14 janvier
2015
842. Courtney Kube, Dennis Romero, Hallie Jackson & Daniella Silva, « ISIS
leader Abu Bakr al-Baghdadi killed in U.S. raid in Syria, Trump confirms », NBC
News, 27 octobre 2019
843. Le Temps, 27 août 2016
844. La nomination des Casques Blancs pour le prix Nobel de la Paix a été
soutenue par la France, et ses chefs ont été reçus à l’Elysée, sans susciter
l’interrogation des parlementaires français (Images pour public averti seulement)
(www.youtube.com/watch?v=1t8Wo8U2uF8&) (vidéo retirée)
845. Voir Article « Organisation Internationale de Protection Civile », Wikipédia
846. Présentation au “The Performance Theatre”, « Lieutenant-general Sir Graeme
Lamb ; and James Le Mesurier, director of Mayday Rescue, Syria Civil Defence »,
Vimeo, Lisbonne, 26 juin 2015
847. https://syriacivildefense.org/our-partners (consulté le 15 février 2019)
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849. Karen McVeigh, “UK may increase aid to Syrian White Helmets after Trump
pulls funding”, The Guardian, 10 mai 2018
850. Conor Finnegan, “Trump’s Syria aid freeze hits ‘White Helmets’ rescue
workers”, ABC News, 4 mai 2018
851. https://thesyriacampaign.org/about/
852. Natasha Bertrand, « A man who has helped save more than 40,000 lives in
Syria was just denied entry into the US », Business Insider, 20 avril 2016
853. Mark C. Toner, Porte-parole du Département d’État américain (« Daily Press
Briefing - April 27, 2016 », YouTube/ U.S. Department of State, 27 avril 2016)
(06’20’’)
854. « “The White Helmets” Best Documentary Short Subject - Oscars 2017 | Full
Backstage Interview », Variety/YouTube, 26 février 2017 (02’10’’)
855. Le Front al-Nosrah est devenu le Front de la Conquête du Levant (Jabhat Fath
al-Sham) en janvier 2012, puis s’est regroupé avec d’autres groupes rebelles
« modérés » pour former l’Assemblée de Libération du Levant (Hayat Tahrir al-
Sham) en janvier 2017.
856. “Syria White Helmets Hand In Hand with Al Qaeda”, YouTube, 22 janvier
2017, (www.youtube.com/watch?v=OBkn78q_t_Q)
857. “White Helmet Equipment Used to Build Terrorist Hell Cannon ?”, YouTube,
29 mai 2018
858. « ALEP : Pierre Le Corf visite le QG des CASQUES BLANCS/a visit to
WHITE HELMETS HQ », YouTube, 11 mars 2017, (www.youtube.com/watch?
v=ZWxQHPwoNMk)
859. Émission « C dans l’air », « Syrie : le coup de force de Poutine #cdanslair 28-
09-2016 », YouTube/France 5, 28 septembre 2016 (19’15’’)
860. Conor Finnegan, op. cit.
861. “U.S., Relenting, Releases Funding for Syrian ‘White Helmets’”, The Wall
Street Journal, 14 juin 2018
862. Seth J. Frantzman, “Israël Evacuates Hundreds of Syrian White Helmets in
Humanitarian Effort”, The Jerusalem Post, 22 juillet 2018
863. “Press release - Resettlement of White Helmets from Syria : statement”,
Department for International Development, Foreign & Commonwealth Office, 22
juillet 2018
864. Vanessa Beeley, “Former UK Ambassador Slams Government Statement on
Syria’s White Helmets”, Mint Pres News, 23 juillet 2018
865. Nick Robins-Early, « 5 Major Myths About Syria Debunked », Huffington
Post, 10 janvier 2017 (mis à jour 11 janvier 2017) ; Olivia Solon, « How Syria’s
White Helmets became victims of an online propaganda machine », The Guardian,
18 décembre 2017
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Members », Syrian War Blog, 14 novembre 2017
867. Ana van Es, « Nederland stopt steun aan Syrische oppositie wegens gebrekkig
toezicht op hulpprojecten ; Britse organisatie ontkent kritiek“, de Volkskrant,
10 septembre 2018 ; « The Netherlands stops supporting Syrian rebels, ahead of
Idlib offensive », DutchNews.nl, 10 septembre 2018
868. Janene Pieters, « Dutch accountant uncovers fraud behind Syria rescue
organization White Helmets: report », NLTimes.nl, 17 juillet 2020 ; Ana van Es &
Anneke Stoffelen, « Founder of Foundation behind White Helmets Admits Fraud »,
De Volkskrant, 17 juillet 2020
869. « White Helmets backer James Le Mesurier found dead in Turkey », Middle
East Eye, 11 novembre 2019
870. Vanessa Beeley, « After His Mysterious Death, the Media Scrambles to Get its
Story Straight About White Helmets Founder James Le Mesurier », mintpressnews,
2 décembre 2019
871. Vanessa Beeley dans “Why Everything You Hear About Aleppo Is Wrong”,
Ron Paul Liberty Report/YouTube, 29 septembre 2016
872. Émission « C dans l’air », « Syrie : le coup de force de Poutine #cdanslair 28-
09-2016 », YouTube/France 5, 28 septembre 2016
873. Agnès Levallois dans l’émission « C dans l’air », « Syrie : le coup de force de
Poutine #cdanslair 28-09-2016 », YouTube/France 5, 28 septembre 2016 (55’35’’)
874. Tom Miles, “Aleppo’s Jabhat Fateh al-Sham fighters far fewer than U.N. says :
sources”, Reuters, 14 octobre 2016
875. James Foley, « Syria : Rebels losing support among civilians in Aleppo »,
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876. Jim Lemuel Wilson, “US-Russia Syria agreement remains secret, Russian FM
calls for publication”, Geopolmonitor, septembre 2016 (archivé)
877. OGN TV, “Will other Rebel Groups Turn their Backs on JFS (Nusra)”,
YouTube, 17 septembre 2016 (www.youtube.com/watch?v=CEmutmLr_Gs)
878. Defense Dept : “It’s primarily al-Nusra who holds Aleppo.”, YouTube, 20 Apr
2016 (www.youtube.com/watch?v=rfzjlq2HIEE)
879. Waleed Khaled al-Noufal, “Rebel factions merge with larger Islamist
coalitions in response to infighting”, syriadirect.org, 31 janvier 2017
880. Ont rejoint le Hayat Tahrir al-Sham : Ahrar al-Sham Kurdish Wing ; Harakat
Nour al-Din Zinki ; Jabhat Ansar al-Din ; Jabhat Fateh al-Sham ; Jaish al-Sunna ;
Jama’at Fursan al-Sunna ; Kataeb al-Sahaba ; Kataeb Mujahidi al-Shamal (Hayan-
Einjara) ; Kataeb Mujahidi Hraitan ; Kataeb Mujahidi Yaqed Adas ; Kataeb Suqour
al-lzz (Maarshurin) ; Katiba al-Shahid Bi’ithnillah (non-confirmé) ; Katiba Shuhada
al-Wastani (non-confirmé) ; Katibat Abu Jasem Huwayr ; Katibat Ahfad Bani
Umaya ; Katibat Ahrar al-Janoub ; Katibat al-Farouq (non-confirmé) ; Katibat al-
Jihad Fisabilillah ; Katibat al-Rasheed ; Katibat al-Shahid Mohammad al-Asfoura
(Helfaya) ; Katibat Ansar Banyas ; Katibat Fursan al-Sham ; Katibat Huthaifa Bin
al-Yaman ; Katibat Qawafel al-Shuhada (Khan Sheikhoun) ; Katibat Riah al-Janna ;
Katibat Taliban ; Katibat Usud al-Harb ; Katibat Usud al-Rahman ; Liwa Ahrar al-
Jabal ; Liwa al-Abbas ; Liwa al-Haq ; Liwa al-Qadisiyah ; Liwa al-Tamkin
(partial) ; Liwa Usud al-Rahman ; Mujahidou Ashidaa ; Siriat Usama Bin Zaid ;
Siriyat al-Aqsa ; Siriyat al-Hamza.
Ont rejoint le Harakat Ahrar al-Sham : Jaish al-Islam (ldlib) ; Jaish al-Mujahidin ;
Kataeb al-Farouq ; Kataeb Thuwar al-Sham ; Katibat al-Satar (Batbo) ; Katibat al-
Mutasim Bi’llah ; Katibat al-Nasser Salahudin ; Katibat al-Walaa wa al-Baraa ;
Katibat Bayariq al-Jabal ; Katibat Majd al-Islam (Kiili) ; Katibat Shuhada al-Jabal ;
Katibat Suyuf al-Haq (Kiili) ; Katibat Usud al-Sunna ; Liwa Ahrar al-Janoub ; Liwa
al-Karama ; Liwa Khalid Bin al-Walid ; Liwa Miqdad Bin Amro ; Liwa Omar ; Muj
ahidi lbn Taimia. ; Shamia Front {West Aleppo) ; Sukour al-Sham ; Tajamu
Fastaqim Kama Umirt.
881. Agnès Levallois dans l’émission « C dans l’air », « Syrie : le coup de force de
Poutine #cdanslair 28-09-2016 », YouTube/France 5, 28 septembre 2016 (04’10’’)
882. “Syria rebel group ‘deprived us of food’, say Aleppo civilians”,
Euronews/YouTube, 14 décembre 2016
883. Laura Pitel, « Madaya : Convoy of food and medicine reaches the starving in
besieged Syrian town ». The Independent, 11 janvier 2016
884. Mays Al-Shobassi, “Timeline : Syria’s 13 ‘people evacuation’ deals”,
Aljazeera.com, 16 mai 2017
885. Hala Kodmani dans l’émission « C dans l’air », « Syrie : le coup de force de
Poutine #cdanslair 28-09-2016 », YouTube/France 5, 28 septembre 2016 (19’00’’)
886. Christopher Cummins, “Syrian opposition reject humanitarian corridors as a
ploy to empty Aleppo”, Euronews, 29 juillet 2016
887. Anne Barnard, “‘I Saw My Father Dying’: A View From Aleppo’s
Government-Held Side”, The New York Times, 4 novembre 2016
888. “Aleppo battle : Rebels burn Syria evacuation buses”, BBC News, 18
décembre 2016
889. “Bombing of evacuees near Aleppo claims at least 126 lives”, The Irish Times,
15 avril 2017 (mis à jour le 16 avril 2017)
890. Jason Hanna, Salma Abdelaziz & Eyad Kourdi, “Syria : 126 killed as bomb
hits buses with evacuees, CNN, 16 avril 2017
891. “First responder : Last major north Aleppo hospital destroyed by Russian
airstrike”, Syria Direct, 3 février 2016
892. “Anadan Hospital Just Hit By Air Strike, Northern Aleppo”, Reliefweb, 30
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893. “Jets bomb last children’s hospital in rebel-held Aleppo”, Palestinian.com, 10
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894. “EXCLUSIVE : Four babies killed in attack on Aleppo’s ‘last children’s
hospital’”, Middle East Eye, 31 juillet 2016
895. Margaret Chadbourn & Lena Masri Hospital, “Airstrike Kills Aleppo’s Last
Pediatrician, 3 Children and at Least 23 Others, Human Rights Group Says”, ABC
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1045. NdA : Il avait été déclaré aux Nations unies par Saddam Hussein et avait été
contrôlé en 2003, mais les Américains ont négligé de détruire en plus de dix ans de
présence ! (“Isis seizes former chemical weapons plant in Iraq”, The Guardian, 9
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1049. Aryn Baker, “Syria’s Civil War : The Mystery Behind a Deadly Chemical
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1050. On notera que certains des symptômes observés à Khan Sheikhoun,
ressemblent beaucoup plus à ceux du phosgène qu’à ceux du sarin.
1051. Anthony Deutsch, “Exclusive : Chemical weapons used by rebels in Syria –
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1052. United Nations Mission to Investigate Allegations of the Use of Chemical
Weapons in the Syrian Arab Republic – Final report, 12 décembre2013
1053. https://www.amnesty.org/en/latest/news/2016/05/syria-armed-opposition-
groups-committing-war-crimes-in-aleppo-city/
1054. “Complot theory or international scandal ? New document triggers
controversy about Douma gas attack”, VRT-NWS, 30 mai 2019
1055. Eric Schmitt, “ISIS Used Chemical Arms at Least 52 Times in Syria and Iraq,
Report Says”, The New York Times, 21 novembre 2016
1056. Suleiman Al-Khalidi & Tom Perry, “Aleppo fighting spreads amid
accusations of gas attack”, Reuters, 30 octobre 2016
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Secretariat, 29 juin 2017 (S/1510/2017)
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1060. Seymour M. Hersh, “Trump‘s Red Line”, www.welt.de, 25 juin 2017
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1062. Martin Robinson, “Does this NHS doctor hold the key to identifying ‘Jihadi
John’? East London medic once accused of kidnapping journalists in Syria probed
with his brother as hunt for world’s most wanted man intensifies”, Daily Mail,
22 août 2014 ; Robert Verkaik, “‘Russia airstrikes are killing women and
children… but MISSING ISIS’: Struck off Brit NHS doctor accused of kidnapping
Western hostages is treating bomb victims in Syria”, Daily Mail, 28 juillet 2016
1063. Seymour M. Hersh, “Trump‘s Red Line”, www.welt.de, 25 juin 2017
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1065. Gareth Porter, “Have We Been Deceived Over Syrian Sarin Attack ?
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1070. Aron Lund, « Understanding Eastern Ghouta in Syria », The Hew
Humanitarian (ex-IRIN), 23 février 2018
1071. John Kerry, Secrétaire d’État, Aspen Institute, Aspen, Colorado 28 juin 2016
(https://2009-2017.state.gov/secretary/remarks/2016/06/259165.htm)
1072. Karen Deyoung & Shane Harris, “Trump instructs military to begin planning
for withdrawal from Syria”, The Washington Post, 4 avril 2018
1073. https://twitter.com/RealSteveCox/status/981539844546486272
1074. « Suite à l’attaque présumée chimique à Douma, Washington a fait planer,
lundi, la menace d’une action militaire en Syrie, s’adressant notamment à Moscou.
Le Kremlin a mis en garde contre «de graves conséquences» en cas de frappes
occidentales. », France 24, 10 avril 2018
1075. Patrick Cohen dans l’émission « C à Vous », « Faut-il faire la guerre en
Syrie ? - C à Vous - 10/04/2018 », France 5/YouTube, 10 avril 2018, (07’22’’)
1076. Bernard-Henri Lévy dans l’émission « C à Vous », « Faut-il faire la guerre en
Syrie ? - C à Vous - 10/04/2018 », France 5/YouTube, 10 avril 2018, (03’38’’)
1077. Cyril Fourneris, « Macron a «des preuves que des armes chimiques ont été
utilisées par le régime» syrien », fr.euronews.com, 12 avril 2018 ; « Douma - Syrie,
7 avril 2018 », YouTube/French Ministry for Europe and Foreign Affairs, 13 avril
2018
1078. David Martin, “U.S. “looking for the actual evidence” of Syria chemical
attack, Mattis says”, CBS News, 12 avril 2018.
1079. BFM TV, « Syrie : Macron affirme «avoir la preuve» que des armes
chimiques ont été utilisées », YouTube, 12 avril 2018
1080. Voir TroubleFait, Gazage en Syrie, mai 2018
1081. United States Assessment of the Assad Regime’s Chemical Weapons Use, The
White House, Office of the Press Secretary, 13 avril 2018
1082. Voir « Les frappes ont détruit un “mystérieux laboratoire” chimique – qui
était sous surveillance régulière de l’OIAC », les-crises.fr, 16 avril 2018
1083. Gilles Biassette, Marie Verdier et Benjamin Quenelle, « Bilan nuancé des
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1084. OPCW Executive Council, Report by The Director-General - First
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83/Dec.5 (Dated 11 November 2016), Eighty-Fifth Session EC-85/DG.16, 2 June
2017
1085. OPCW, Executive Council, Note by The Director-General - Progress in The
Elimination of The Syrian Chemical Weapons Programme, 24 novembre 2017
1086. OPCW, Executive Council, Note by The Director-General - Progress in The
Elimination of The Syrian Chemical Weapons Programme, 23 March 2018
1087. Conseil de sécurité Lettre datée du 30 octobre 2017, adressée au Président du
Conseil de sécurité par le Secrétaire général, S/2017/916, 31 octobre 2017
1088. « Syrie : des employés d’un centre bombardé assurent qu’ils ne produisaient
pas d’armes chimiques », AFP/Le Point, 14 avril 2018
1089. Évaluation nationale – Attaque chimique du 7 avril 2018 (Douma, Ghouta
orientale, Syrie), Programme chimique syrien clandestin, 14 avril 2018
1090. Évaluation nationale - Attaque chimique du 7 avril 2018… op. cit., (p. 3)
1091. Évaluation nationale – Attaque chimique du 7 avril 2018… op.cit., (p.6)
1092. Ian Black, « Syria crisis : Saudi Arabia to spend millions to train new rebel
force », The Guardian, 2 novembre 2013
1093. Sirwan Kajjo, “Kurdish Officials : Rebels May Have Used Chemicals in
Aleppo”, Voice of America, 8 avril 2016 ; Hisham Arafat, “Syrian rebels admit
chemical use against Kurds”, Kurdistan24, 9 avril 2016
1094. https://www.amnesty.org/en/latest/news/2016/05/syria-armed-opposition-
groups-committing-war-crimes-in-aleppo-city/
1095. Matt Drake, “Rebel group accusing Assad of gas attack ‘USED CHEMICAL
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1096. Évaluation nationale – Attaque chimique du 7 avril 2018… op.cit., (p.4)
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Grayzone, 12 avril 2018
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1099. Gilles Paris, Marc Semo & Benjamin Barthe, « Carnage chimique dans la
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1100. « Syrie : suspicion de bombardement à l’arme chimique à Douma », le
figaro.fr, 8 avril 2018
1101. Note by the Technical Secretariat - Report of the Fact-Finding Mission
Regarding the Incident of Alleged Use of Toxic Chemicals as a Weapon in Douma,
Syrian Arab Republic, on 7 April 2018, OPCW Technical Secretariat, 1er mars
2019 (S/1731/2019) Paragraphe 8.98
1102. Kareem Shaheen, “ Syria : 500 Douma patients had chemical attack
symptoms, reports say”, The Guardian, 11 avril 2018
1103. Lizzie Parry, “A VICIOUS KILLER Deadly Sarin gas used in Syria chemical
attack leaves victims foaming at the mouth before suffering seizures”, The Sun, 11
avril 2018
1104. Émission « C dans l’air », « Syrie : Trump et Macron prêts à frapper »,
YouTube/France 5, 10 avril 2018 (06’00’’) ; Emission « C dans l’air », « Syrie :
Trump, Macron et May passent à l’attaque », YouTube/France 5, 14 avril 2018
(04’20’’) (40’30’’)
1105. « Attaque chimique présumée en Syrie : une substance mortelle ajoutée au
chlore selon une ONG », BFM TV, 9 avril 2018
1106. United States Assessment of the Assad Regime’s Chemical Weapons Use,
Office of the Press Secretary, The White House, 13 avril 2018
(www.defense.gov/portals/1/features/2018/0418_syria/img/United-States-
Assessment-of-the-Assad-Regime’s-Chemical-Weapons-Use.pdf)
1107. Joseph Epstein, Virginia E. Bauer & Mary M. Demek, Medical Laboratories
Research Report No. 379, Reaction Of Sarin With Bleach In Dilute Aqueous
Solution (U), Chemical Corps Medical Laboratories, July 1955 (SECRET,
déclassifié en 1980)
1108. James Harkin, “What happened in Douma ? Searching for facts in the fog of
Syria’s propaganda war”, The Intercept, 9 février 2019
1109. CBS Evening News, “A look at the aftermath of Syria airstrike”, YouTube,
15 avril 2018
1110. CNN, “Suspected chemical attack survivors speak to CNN”, YouTube,
15 avril 2018
1111. « Chlorine – Properties », YouTube, 14 août 2015
1112. Jean-Louis Brau, Les armes de guérilla, Balland, Paris 1974, p.137
1113. “Syrian Army captures large underground tunnel in E Ghouta”, YouTube, 16
avril 2018 (https://www.youtube.com/watch?
v=PgGqwAwJL5M&feature=youtu.be)
1114. Évaluation nationale – Attaque chimique du 7 avril 2018 (Douma, Ghouta
orientale, Syrie), Programme chimique syrien clandestin, 14 avril 2018, p. 4
1115. Hala Kodmani dans « C dans l’air », « Syrie : Trump, Macron et May passent
à l’attaque -Les questions SMS #cdanslair 14.04.2018 », YouTube/France 5,
14 avril 2018 (03’10’’)
1116. Pierre Servent dans l’émission « C dans l’air », « Syrie : Trump et Macron
prêts à frapper », YouTube/France 5, 10 avril 2018 (38’20’’)
1117. Tamara Qiblawi, Judith Vonberg and Vasco Cotovio, “As thousands flee
assaults in Syria, rebels won’t let others out”, CNN, 16 mars 2018 ; Laure Stephan,
« Avec la chute de la Ghouta orientale, les prisons rebelles commencent à livrer
leurs secrets », lemonde.fr, 28 mars 2018
1118. « Inside Douma, the site of apparent Syrian chemical attack », CBS Evening
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1119. « Le bureau de vérif’ : fake news sur les armes chimiques en Syrie - C
Politique - 22/04/18 », France 5/YouTube, 23 avril 2018 (04’35’’)
1120. « Guerre en Syrie : la Ghouta, une reprise stratégique ? », France 24, 13 avril
2018
1121. Haidar Sumeri, “’Moderate rebels’ in #Syria putting Alawite women in cages
and using them as human shields. E. Ghouta.”, Twitter, 1er novembre 2015 ; Robert
Mackey & Maher Samaan, “Caged Hostages From Syrian President’s Sect Paraded
Through Rebel-Held Suburb”, The New York Times, 1er novembre 2015 ; “Syrian
rebels using caged civilian captives as ‘human shields’”, The Telegraph/AFP, 2
novembre 2015.
1122. selon les estimations de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme
(OSDH) ou du gouvernement syrien
1123. “Amid resentment among their families, the regime ignores thousands of
abductees from Adra Al-Omalia in return for speeding up the exit of Jaïsh Al-Islam
from Douma”, Syrian Observatory for Human Rights, 10 avril 2018 ; Dania Akkad,
Nadine Dahan & Zouhir Al-Shimale,” Jaish al-Islam says it inflated hostage
numbers, leaving Syrian families in the dark”, Middle East Eye, 13 avril 2018 (mis
à jour le 15 avril 2018)
1124. En fait, son nom à l’époque était « Liwa al-Islam » (Brigade de l’Islam). Il est
devenu « Jaïsh al-Islam » (Armée de l’Islam) en septembre 2013.
1125. Bernard-Henri Lévy dans l’émission « C à Vous », « Faut-il faire la guerre en
Syrie ? - C à Vous - 10/04/2018 », France 5/YouTube, 10 avril 2018, (10’15’’)
1126. “Jaish al-Islam to leave Douma in return for releasing prisoners”, Reuters, 8
avril 2018 ; James Harkin, “What Happened In Douma ? Searching for Facts in the
Fog of Syria’s Propaganda War”, The Intercept, 9 février 2019
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Ruptly/YouTube, 9 avril 2018 ; “After rebels free hostages, Syrians search for loved
ones”, France 24, 9 avril 2018 ; « Douma hostages tell of their 4+ years in
captivity », YouTube, 10 avril 2018
1128. « U.S., Britain, France block Russia bid to blacklist Syria rebels », Reuters,
11 mai 2016
1129. FACTSHEET – Factions in Turkish-backed “Free Syrian Army”, Rojava
Information Center, 2019 ; Meredith Tax, « Trump’s Betrayal of Rojava », Dissent
Magazine, 15 octobre 2019
1130. Eric Schmitt, “ISIS Used Chemical Arms at Least 52 Times in Syria and Iraq,
Report Says”, The New York Times, 21 novembre 2016
1131. Voir, par exemple : Andrew Illingworth, “VIDEO : Damascus militants rain
down heavy mortar fire on Syrian Army troops”, www.almasdarnews.com, 13
juillet 2017.
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1133. Robert Fisk, “The search for truth in the rubble of Douma – and one doctor’s
doubts over the chemical attack – Robert Fisk visits the Syria clinic at the centre of
a global crisis”, www.independent.co.uk, 17 avril 2018
1134. “OAN Investigation Finds No Evidence of Chemical Weapon Attack in
Syria”, One America News Network/YouTube, 16 avril 2018
1135. « Le Drian : «Oui, il y a eu une attaque chimique sur Douma», en Syrie »,
BFMTV, 19 avril 2018
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accuse Damascus”, AMN, 16 avril 2018
1137. « La ligue arabe veut une enquête sur les armes chimiques en Syrie », Le
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1139. « Rand Paul Questions Douma Chemical Attack Narrative on CNN »,
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suspected chemical sites”, Reuters, 18 avril 2018
1143. “Update by the Director-General on the Deployment of the OPCW Fact-
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Fifty-Ninth Meeting”, OPCW Executive Council, 18 avril 2018 (EC-M-59/DG.2)
1144. Note by the Technical Secretariat, Interim Report Of The OPCW Fact-
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1145. Luc Mathieu, (op.cit.)
1146. « Conflit en Syrie - La Russie accusée de monter une «mascarade obscène»
auprès de l’OIAC », rtl.be, 26 avril 2018
1147. Note by the Technical Secretariat, Interim Report Of The OPCW… (op. cit.)
(p. 10) et « Annex 3 – Analysis Results » (pp. 15-18)
1148. Note by the Technical Secretariat, Interim Report Of The OPCW Fact-
Finding Mission In Syria Regarding The Incident Of Alleged Use Of Toxic
Chemicals As A Weapon In Douma, Syrian Arab Republic, on 7 April 2018, OPCW
Technical Secretariat, Document, S/1645/2018, 6 juillet 2018
1149. “Syria war : ‘Possible chlorine’ at Douma attack site – watchdog”, BBC
News, 7 juillet 2018
1150. Note by the Technical Secretariat, Interim Report Of The OPCW Fact-
Finding Mission In Syria Regarding The Incident Of Alleged Use Of Toxic
Chemicals As A Weapon In Douma, Syrian Arab Republic, on 7 April 2018, OPCW
Technical Secretariat, Document S/1645/2018, 6 juillet 2018
1151. “Russian Embassy Misleads on BBC Producer’s Claim About Douma
Hospital Video”, Polygraph.info, 20 février 2019
1152. Note by the Technical Secretariat - Report of the Fact-Finding Mission
Regarding the Incident of Alleged Use of Toxic Chemicals as a Weapon in Douma,
Syrian Arab Republic, on 7 April 2018, OPCW Technical Secretariat, 1er mars
2019 (S/1731/2019)
1153. Note by the Technical Secretariat (op. cit.) Para 8.6, p. 13.
1154. Note by the Technical Secretariat - Report of the Fact-Finding Mission
Regarding the Incident of Alleged Use of Toxic Chemicals as a Weapon in Douma,
Syrian Arab Republic, on 7 April 2018, OPCW Technical Secretariat, 1er mars
2019 (S/1731/2019) Paragraphe 2.7
1155. Évaluation nationale – Attaque chimique du 7 avril 2018 (op. cit.) p. 3
1156. Note by the Technical Secretariat (op. cit.) Para 8.33, p. 17
1157. Note by the Technical Secretariat (op. cit.) Annex 8, p. 68
1158. Ian Henderson, Engineering Assessment of two Cylinders Observed at the
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Revision 1, UNCLASSIFIED – OPCW Sensitive, 27 février 2019
1159. « Leaked OPCW Report Raises New Questions About 2018 Chemical Attack
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degrade the reputation of Douma whistleblower Ian Henderson », The Grayzone,
6 mai 2020
1161. Paul McKeigue, David Miller, Jake Mason, & Piers Robinson, How the
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1162. Remarks of the Director-General at the Briefing for States Parties on Syrian
Arab Republic : Update on IIT-FFM-SSRC-DAT, OPCW, 28 mai 2019
1163. Patrick Cohen dans l’émission « C à Vous », « Faut-il faire la guerre en
Syrie ? - C à Vous - 10/04/2018 », France 5/YouTube, 10 avril 2018, (07’22’’)
1164. Jonathan Steele, « The OPCW and Douma : Chemical Weapons Watchdog
Accused of Evidence-Tampering by Its Own Inspectors », Counterpunch,
15 novembre 2019 ; « Jonathan Steele on Establishment Tales of a Chemical-
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1166. https://www.bbc.co.uk/sounds/play/w172wyjcsxxfg3w; « Panel Criticizes
‘Unacceptable Practices’in the OPCW’s investigation of the Alleged Chemical
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(https://couragefound.org/2019/10/opcw-panel-statement.) ; « OPCW-Inspektoren
widersprechen offiziellem Abschlussbericht », Internationalen Ärzte für die
Verhütung des Atomkrieges/Ärzte in sozialer Verantwortung e.V. (IPPNW),
23 octobre 2019 (www.ippnw.de/startseite/artikel/de/opcw-inspektoren-
widersprechen-offiz.html) ; « “Major Revelation” from OPCW whistleblower :
Jonathan Steele speaking to the BBC », Tim Hayward Blog, 27 octobre 2019.
1167. https://wikileaks.org/opcw-douma/#OPCW-DOUMA – Release Part 04
1168. Voir « Asselineau face à l’élite du journalisme – France Info 12/04/2017 »,
YouTube, 12 avril 2017, (20’50’’) (www.youtube.com/watch?v=3VhDvlNnIPs)
1169. Malo Tresca, « En Syrie, une attaque chimique aux conséquences
incertaines », La Croix, 26 novembre 2018
1170. « À Alep, une centaine de cas de suffocations après une attaque aux «gaz
toxiques» », Paris Match/ AFP, 25 novembre 2018
1171. Agnès Levallois dans l’émission C dans l’air », « Syrie : Trump découvre la
guerre #cdanslair 06-04-2017 », YouTube/France 5, 6 avril 2017 (21’30’’)
1172. « Or la maison la plus fragile est celle de l’araignée », Rumiyah, n° 3,
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1173. “Agramunt Resigns as PACE President after Syria Trip with Russian
Lawmakers”, RFE/RL, 6 octobre 2017
1174. Véronique Leblanc, « Suite à sa rencontre tant décriée avec Assad, le
président du Conseil de l’Europe doit s’expliquer », lalibre.be, 25 avril 2017
1175. Tweet d’Alain Jakubowicz sur Twitter, 15 avril 2018 à 17h35
1176. « Ian Henderson @ UN Jan. 20, 2020 », YouTube, 20 janvier 2020
1177. « Des enfants kurdes blessés et brûlés en Syrie, probablement par des «armes
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d’utiliser des armes non conventionnelles », nouvelobs.com, 17 octobre 2019
1178. « Douma - Syrie, 7 avril 2018 », YouTube/French Ministry for Europe and
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1179. « La Russie met son veto à une résolution de l’ONU condamnant l’attaque
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1180. « La Russie met son veto à une résolution de l’ONU condamnant l’attaque
chimique en Syrie », Le Monde.fr/AFP/Reuters, 13 avril 2017
(http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/04/12/poutine-recoit-le-secretaire-
d-etat-americain-tillerson-dans-un-climat-tendu_5110366_3222.html)
1181. Security Council Fails to Renew Mandate of Joint Investigative Mechanism
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1182. S/RES/2235 (2015)
1183. Mentionnons ici, entre autres, levif.be, lalibre.be, lecho.be, ouest-France.fr,
20minutes.fr, etc.
1184. « Syrie : le Conseil de sécurité n’adopte aucun des trois projets résolution sur
l’utilisation d’armes chimiques », ONU Info, 10 avril 2018 ; « Trois projets de
résolution rejetés en une séance : le Conseil de sécurité étale ses divisions sur la
question des armes chimiques en Syrie », CS/13288, www.un.org, 10 avril 2018
1185. « «Vous ne connaissez pas le sujet», quand Jean-Jacques Bourdin reprend
Adrien Quatennens sur la Syrie », BFMTV, 11 avril 2018
1186. Corinne Galacteros sur RMC, « La réalité du conflit syrien face à Bourdin,
par une experte en géopolitique ! (12/04/18) », YouTube, 12 avril 2018
1187. « Sénat : Fin du mensonge d’État sur l’origine de la guerre en Syrie »,
YouTube, 15 mars 2016
1188. Felix Imonti, « Qatar : Rich and Dangerous », oiprice.com, 17 septembre
2012
1189. Gareth Porter, « The War Against the Assad Regime Is Not a “Pipeline
War” », truthout.org, 21 septembre 2016
1190. Foreign Affairs Committee, Libya : Examination of intervention and collapse
and the UK’s future policy options, Third Report of Session 2016–17, House of
Commons, 14 septembre 2016, p. 11
1191. Lahav Harkov, « Barak : Assad will be toppled within weeks », The
Jerusalem Post, 2 janvier 2012
1192. Vidéo en français : « Leur coalition et notre terrorisme » de l’État islamique,
fin juillet 2016 (04’00’’).
7. LES ATTENTATS
TERRORISTES EN FRANCE
7.1. Le contexte
En 2014, l’Occident n’est menacé ni par l’État islamique
ni par aucune faction engagée dans la guerre en Irak ou en
Syrie et n’a aucune raison pour intervenir en Syrie. C’est
ce qui pousse les États-Unis à créer le groupe fictif
« Khorasan » en été 20141193.
L’État islamique et son Califat sont créés le 29 juin
2014. Les combats entre factions rivales sont brutaux et la
situation humanitaire se dégrade de manière rapide et
visible. Le 10 août 2014, interrogé par France 2 sur
l’action de la France en Irak, le ministre des Affaires
étrangères Laurent Fabius affirme même :
Est-ce que, nous-mêmes, nous allons nous impliquer
militairement ? La réponse pour le moment est non, je vous
le dis clairement, puisque notre doctrine est que nous
n’intervenons pas s’il n’y a pas un feu vert du Conseil de
sécurité des Nations unies, et s’il n’y a pas une menace
directe pour nos ressortissants. Mais nous saluons le
travail que font les Américains. C’est un premier point ; et,
de toutes les manières, il n’est pas question d’envoyer des
gens au sol1194.
Pourtant, des militaires français sont déjà engagés
clandestinement en Syrie depuis 2012. Mais c’est pour
renverser le gouvernement syrien et non pour lutter contre
l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), qui partage le
même objectif que la France.
Le 5 septembre 2014, en marge du Sommet de l’Otan du
Pays de Galles, les États-Unis réunissent neuf pays1195
autour d’eux dans une coalition destinée à lutter contre
l’État islamique tout d’abord en Irak, puis en Syrie ; non
pas pour protéger l’Occident – qui n’est pas menacé –
mais pour préserver la fragile stabilité de l’Irak. Dix jours
plus tard, lors de la conférence de Paris, cette coalition est
augmentée de 18 pays1196. Le 18 septembre 2014, le
président Hollande annonce que la France frappera des
groupes terroristes en Irak, à la demande du gouvernement
irakien, malgré que la France n’ait subi aucune menace ou
attaque de l’État islamique jusque-là. Le lendemain, il
confirme que les premières frappes sont exécutées :
Ce matin à 9 h 40, conformément aux ordres que j’avais
donnés, les avions Rafale ont pilonné un objectif et l’ont
entièrement détruit […] En aucun cas il n’y a de troupes
françaises au sol1197 […]
Lors de la réunion ministérielle de l’Otan à Bruxelles, le
4 décembre 2014, la coalition est élargie de 33 autres
pays1198. Après les images obscènes d’égorgements et de
décapitations, le langage de la fermeté plaît. Néanmoins,
la décision de mener des frappes en Syrie, sans mandat et
sans l’aval du Conseil de sécurité des Nations unies – et
donc, sans légalité internationale – n’était justifiée par
aucune menace directe contre l’Occident1199.
7.2. « Ne nous y trompons pas : un totalitarisme
a frappé la France non pas pour ce qu’elle fait,
mais pour ce qu’elle est1200 »
7.2.1. La stratégie des terroristes
Le moment choisi pour les attentats de 2015 n’était pas
complètement imprévisible. Il faisait suite à plusieurs
articles doctrinaux dans la littérature djihadiste sur les
« opérations de dissuasion1201 », selon la terminologie de
l’État islamique. Un examen dépassionné des attentats
djihadistes en Europe montre qu’ils ont été perpétrés avec
la même finalité : pousser les populations à exiger le
retrait de leurs troupes du Moyen-Orient, comme en
Espagne en 2004. Mais nous refusons de comprendre cette
mécanique et le message convoyé par les médias et les
journalistes est exactement inverse :
Il est faux de dire que les attentats ont lieu en France en
réponse et pour faire pression sur les gouvernements qui
interviennent militairement au Moyen-Orient1202.
Pourtant, en 2013, Abou Mu’sab al-Souri, le principal
théoricien du terrorisme djihadiste moderne écrivait dans
le magazine Inspire :
[La résistance] doit s’efforcer de créer l’impression que
son bras est prêt à s’étendre et frapper quiconque envisage
de participer à une agression. Généralement, la majorité
de nos ennemis, du général au simple soldat sont en fait
des lâches. Et la plupart d’entre eux peuvent être dissuadés
par un exemple fort, en en frappant et punissant quelques-
uns. Cette dissuasion a comme effet recherché, le retrait de
ceux qui sont déjà engagés ou de prévenir ceux qui pensent
s’engager1203.
En mai 2018, dans sa vidéo d’allégeance et de
revendication, avant de commettre une attaque au couteau,
Khamzat Azimov transmet exactement le même message :
[…] C’est vous qui avez commencé à bombarder l’État
islamique, là je m’adresse à la France et à ses citoyens,
c’est vous qui avez commencé à tuer les musulmans, et
après quand on vous donne une réponse, quand on riposte,
vous pleurez. Si vous voulez que cela s’arrête, faites
pression sur votre gouvernement ! Je ne suis pas le premier
à vous le dire. D’autres frères avant moi avant d’agir, qui
sont sur place là-bas, vous l’ont déjà dit, mais vous avez
refusé d’écouter1204 […]
Les djihadistes ont bien compris que l’opinion publique
américaine – toutes tendances politiques confondues – est
très « militarisée » et généralement favorable aux
interventions extérieures. En revanche, en Europe, la
situation est assez différente : les populations sont plus
critiques par rapport à ces aventures militaires… et donc
plus vulnérables. C’est la notion de « ventre mou », que
Gilles Kepel associe – à tort – à une hypothétique
révolution islamique mondiale… En Espagne en 20041205,
puis en Grande-Bretagne en 2005, le faible soutien
populaire du gouvernement a été un facteur de décision
pour les terroristes. Mais en dix ans personne n’a tenté de
comprendre leur logique.
En 2013, 68 % des Français étaient opposés à une
intervention en Syrie1206 et à la fin 2014 la cote de
popularité du gouvernement se situe à 15-20 %1207. En
intervenant dans ces conditions en Irak et en Syrie, le
gouvernement Hollande a littéralement fait un « appel du
pied » aux terroristes. Le 12 septembre 2014, six jours
avant la déclaration du président Hollande pour s’engager
en Syrie, le Washington Post affirmait :
Une analyse plus précise montrerait que l’intervention
militaire américaine a une énorme valeur de propagande
pour l’État islamique, l’aidant à rallier d’autres
djihadistes à sa cause, peut-être même des salafistes qui
ont jusqu’ici rejeté sa légitimité1208.
C’est exactement ce qui s’est passé. Par ailleurs, notons
que l’expert n’associe pas automatiquement le salafisme
au djihadisme comme le font les médias en France.
7.2.2. La revendication des attentats
Le mythe d’une attaque contre la France « pour ce
qu’elle est et non pour ce qu’elle fait » sert à masquer des
décisions irresponsables du gouvernement. Mais, par
ricochet, il sert les djihadistes, qui peuvent ainsi
démontrer la mauvaise foi du gouvernement et sa « haine
de l’Islam », alimentant le processus de radicalisation :
Le vendredi 19 septembre 2014 – soit plus de trois mois
avant les opérations de l’Hyper Casher et de Charlie
Hebdo, et plus d’un an avant les opérations de Paris et
Saint-Denis – les Rafales français ont bombardé l’État
islamique par haine de l’islam et de la Charia et non pas
en représailles à des attentats qui auraient été perpétrés
par l’État islamique contre la France1209.
D’ailleurs, la vidéo posthume d’Amédi Coulibaly et les
revendications des attentats de janvier 2015 n’évoquent ni
les caricatures de 2005-2006, ni la liberté d’expression, ni
la conquête du monde, mais une réponse à des
bombardements :
Ce qu’on est en train de faire c’est tout à fait légitime, vu
ce qu’ils font […] C’est amplement mérité depuis le temps.
Vous attaquez le califat, vous attaquez l’État islamique, on
vous attaque. Vous ne pouvez pas attaquer et ne rien avoir
en retour. Alors vous faites votre victime, comme si vous ne
comprenez pas ce qui se passe, pour quelques morts, alors
que vous et votre coalition, vous en tête, presque même
(sic), vous bombardez régulièrement là-bas, vous avez
investi des forces, vous tuez des civils, vous tuez des
combattants, vous tuez… Pourquoi ? Parce qu’on applique
la Charia ? Même chez nous on a peur d’appliquer la
charia maintenant. C’est vous qui décidez de ce qui va se
passer sur la terre. […] On ne va pas laisser faire ça. On
va se battre. Inch’a Allah1210 […]
L’interview téléphonique donnée par Chérif Kouachi à
BFMTV1211 le 9 janvier est aussi très claire : pas de lutte
contre la chrétienté ou sa destruction, mais une
« vengeance » contre les « femmes et les enfants tués en
Irak, en Syrie et en Afghanistan ».
Durant l’attentat du 13 novembre 2015, des survivants
du Bataclan ont affirmé que l’un des terroristes aurait dit :
Vous pouvez remercier le président Hollande, parce que
c’est grâce à lui que vous subissez ça. Nous, on a laissé
nos femmes et nos enfants en Syrie, sous les bombes. On
fait partie de « l’État islamique » et on est là pour venger
nos familles et nos proches de l’intervention française en
Syrie1212.
Les revendications du 14 novembre 2015, puis dans les
magazines Dabiq et Dar al-Islam de l’État islamique en
novembre 20151213 n’évoquent ni le caractère chrétien de
la France, ni sa démocratie, ni son mode de vie, pour
justifier les attaques. Contrairement à la rhétorique du
gouvernement et de nombreux « experts », les opérations
de janvier et novembre 2015 à Paris présentaient toutes les
caractéristiques des « opérations de dissuasion », qui
visent à forcer les pays occidentaux à stopper leurs
frappes, comme le précise l’organe « officiel » de l’État
islamique :
Je crois qu’on ne peut pas faire plus clair. Ce sont donc
les bombardements aveugles français qui sont la cause de
cette menace. Menace qui a été mise à exécution le
13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis1214.
Date Lieu Auteur(s) Raison invoquée pour l’attentat

Participation de la France aux


opérations de l’Otan en Afghanistan et
« Les juifs ont tué nos frères et nos
sœurs en Palestine » (revendication
Mohamed téléphonique sur France24)8(Voir Bibliographie).
22.03.2012 Toulouse
Merah
« l’injustice et l’agression en Palestine,
en Afghanistan et dans d’autres pays
musulmans » (revendication du Jound
al-Katibat al-Khilafah).

Demande d’arrêt immédiat de


Jound al-
24.09.2014 Tizi Ouzou l’opération militaire française
Khalifah
CHAMMAL en Irak

Chérif Bombardement des femmes et des


Kouachi enfants en Irak, en Syrie et en
07.01.2015 Paris
Saïd Afghanistan (revendication
Kouachi téléphonique à BFM TV)

Attaque [occidentale] contre le Califat,


Amédi l’État islamique… le bombardement
08.01.2015 Paris
Coulibaly régulier de civils par la coalition…
(revendication par vidéo sur YouTube)

[…] Pour avoir pris la tête de la


croisade, avoir insulter (sic) le
Multiples Prophète, s’être vantés de combattre
13.11.2015 Paris (État
islamique) l’islam en France, et frapper les
musulmans en terre du califat avec
leurs avions… (revendication officielle)

22.03.2016 Bruxelles Multiples […] contre la direction de la Belgique


(État croisée qui n’a cessé de combattre
islamique) l’Islam et les musulmans. (…) en
réponse à leur [les croisés] agression
contre notre État… (revendication
officielle de l’État islamique)

[…] les terres musulmanes sont


Larossi
13.06.2016 Magnanville occupées (…) 66 nations combattent
Aballa
l’État islamique (message vidéo)

[…] en réponse aux appels à cibler les


Mohamed
citoyens des nations qui combattent
14.07.2016 Nice Lahouaiej
Bouhlel l’État islamique (revendication / Agence
de presse Amaq)

Adel
Saint- Kermiche […] en réponse aux appels à cibler les
citoyens des pays qui appartiennent à
26.07.2016 Etienne-du- Abdel
Rouvray la coalition des croisés (revendication /
Malik
Agence de presse Amaq)
Petitjean

[…] en réponse à l’appel à attaquer des


membres de la coalition qui combat
19.12.2016 Berlin Anis Amri
l’État islamique (revendication / Agence
de presse Amaq)

Pas de compromis, pas de retour


Abdallah possible, il n’y a pas de paix dans la
03.02.2017 Paris
E-H (?) guerre (compte Twitter du terroriste)
[pas de revendication officielle]

[…] en réponse à l’appel à prendre pour


cible les ressortissants des pays
Khalid croisés (texte français)
22.03.2017 Londres
Masood […] en réponse aux appels à prendre
pour cible les citoyens des pays de la
coalition. (texte anglais)

Farid
06.06.2017 Paris « C’est pour la Syrie ! »
Ikken

[…] en réponse aux appels à cibler les


Haashi
25.08.2017 Bruxelles États de la coalition. (revendication /
Ayaanle
Agence de presse Amaq)

[…] c’est vous qui avez commencé à


bombarder l’État islamique (…) c’est
Khamzat vous qui avez commencé à tuer des
13.05.2018 Paris
Azimov musulmans (vidéo d’allégeance et de
revendication / Agence de presse
Amaq)

29.05.2018 Liège Benjamin […] en réponse aux appels pour cibler


Herman les pays de la coalition (revendication
officielle/Agence de presse Amaq)

[…]Pour nos frères morts en Syrie


(revendication auprès d’un chauffeur de
Cherif taxi) ; […] en réponse à l’appel à viser
12.12.2018 Strasbourg
Chekatt les citoyens de la coalition
internationale (revendication / Agence
de presse Amaq)

Tableau 5- Lien entre les attentats terroristes en France

et les opérations militaires en Irak et en Syrie

À ceci s’ajoute le fait que les frappes occidentales sont


moins chirurgicales qu’on le dit, comme le constate avec
courage et lucidité le colonel François-Régis Legrier en
Syrie1215. Mossoul a été prise par l’EI en 4 jours, avec
300-400 combattants, 2 600 morts1216 et sans destructions
majeures ; mais elle sera reprise par la coalition
occidentale après une bataille de 9 mois, avec plus de
100 000 combattants, environ 18 500 morts, dont 6 500
civils et la destruction de la moitié de la ville. De même,
en 2013, l’EI avait pris Raqqa en 3 jours et causant un
total de 80 morts ; elle sera reprise par la coalition en 2017
après 4 mois de combats et 3 500 morts, dont 1 500 civils.
Les « dommages collatéraux » deviennent alors une
justification supplémentaire pour les terroristes :
L’artillerie, tout comme le terrorisme, conduit à des
pertes de vies de non-combattants. Un missile qui frappe
une ville, et qui n’est à l’évidence pas une arme précise,
n’est pas différent d’une bombe dans une ville d’un pays
qui est en guerre contre les musulmans.
Dès lors, […] il est clair que les musulmans sont
autorisés à cibler des populations des pays qui sont en
guerre avec les musulmans, par des bombes, des armes à
feu ou d’autres formes d’attaques qui conduisent
inévitablement à la mort de non-combattants1217.
Ces guerres menées « à l’américaine », c’est-à-dire avec
des déluges de feu frappant de manière indiscriminée sont
le principal facteur de radicalisation en Occident. Mais les
médias occidentaux (essentiellement francophones)
restent très discrets sur cette manière de combattre et
préfèrent l’attribuer au gouvernement syrien. C’est
d’ailleurs en grande partie pour éviter la diffusion
d’images des frappes occidentales que des plateformes
comme Facebook, Twitter ou YouTube ont mis en place
des filtres et des politiques restrictives sur les
contenus1218.
Nos guerres menées « à distance » permettent de frapper
sans risquer la vie de militaires occidentaux, mais sont
perçues comme des guerres de « lâches » :
Ne soyez pas lâches en nous attaquant avec des drones.
Envoyez-nous vos troupes à la place, ceux que nous avons
humiliés en Irak1219 !
En 2015, Tom Pettinger, dans le Journal for
Deradicalization, observe :
Dans les régions où le programme de drones américain a
été engagé, il y a une perception d’une guerre sans
honneur, lâche et inégale, car les frappes aériennes ne sont
pas associées à un risque pour le personnel américain.
Pour cette raison « il y a une acceptation d’Al-Qaïda »
contre de telles « guerres à distance » un peu partout. Une
telle manière de faire la guerre génère l’impression d’une
invulnérabilité pour ceux qui interviennent, et le sentiment
d’impuissance de vivre sous la menace de drones ou de
frappes aériennes peut provoquer – en particulier lorsqu’il
y a des victimes civiles – une individualisation, et donc la
radicalisation, d’individus rapidement, même pour ceux
qui auraient précédemment soutenu des mesures
antiterroristes1220.
C’est un facteur de radicalisation totalement ignoré en
France, alimenté par notre manière de faire la guerre. Les
pays occidentaux n’ont pas compris qu’ils s’engageaient
dans un combat asymétrique : l’usage de la force n’a eu
pas l’effet dissuasif escompté – comme dans la logique
des conflits symétriques – mais au contraire a renforcé la
posture de l’État islamique. C’est exactement ce que l’on
observe au Mali envers l’opération BARKHANE. Après
la mort de 13 militaires en novembre 2019, on s’est
félicité qu’ils faisaient « the things right », mais personne
n’a demandé si l’opération (ou le gouvernement français)
faisait « the right things » !
7.2.3. Les réactions officielles
Le 19 novembre 2015, devant l’Assemblée nationale, le
Premier ministre Manuel Valls tente de dégager la
responsabilité du gouvernement dans la motivation des
terroristes en affirmant :
Ne nous y trompons pas : un totalitarisme a frappé la
France non pas pour ce qu’elle fait, mais pour ce qu’elle
est1221.
Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, répand
l’idée que le pays est la victime injuste d’une campagne
de terrorisme aveugle :
On a été parmi les premiers à lutter contre Daech parce
que ce sont des terroristes qui veulent nous détruire. C’est
parce qu’ils veulent nous détruire que nous sommes en
Syrie. D’ailleurs, le premier attentat contre Charlie Hebdo,
nous n’étions pas en Syrie. Donc c’est vraiment nous, notre
existence qui est visée1222.
Mais ces affirmations sont fallacieuses :
- Fabius considère les parties irakienne et syrienne du
groupe État islamique (« DAECH ») comme deux entités
distinctes. C’est manifestement faux ; d’autant plus que le
gouvernement français a été le promoteur de l’appellation
« DAECH », qui signifie « État islamique en Irak et au
Levant ». En d’autres termes, le bombarder en Irak ou en
Syrie revient au même et c’était la justification de
l’intervention en Irak dès septembre 2014 ;
Contrairement à ce qu’affirme Fabius, l’attentat contre
-
Charlie Hebdo n’a pas été conçu ou décidé en Syrie,
puisque cette action a été commanditée et financée par la
Base du Djihad dans la Péninsule arabique (BDPA) au
Yémen, de l’aveu même de Chérif Kouachi, l’un des
auteurs de l’attaque, à un journaliste de BFM TV, le
9 janvier 2015 :
J’ai été envoyé moi-même, Chérif Kouachi par Al-Qaïda
du Yémen (…) Et que je suis parti là-bas et que c’est
Sheikh Anwar al-Awlaki qui m’a financé (…) avant qu’il
soit tué1223.
D’ailleurs, si Amédi Coulibaly est glorifié dans
plusieurs numéros du magazine Dar al-Islam de l’État
islamique, les frères Kouachi, auteurs de l’attentat contre
Charlie Hebdo n’y sont jamais mentionnés1224.
La communication officielle évite soigneusement
d’évoquer tout lien entre les frappes en Irak et en Syrie et
les attentats. Pour dégager la responsabilité des autorités,
on tente même de faire croire que l’EI a mené des
attentats en Europe avant les frappes occidentales au
Moyen-Orient, afin d’accréditer l’idée d’une « légitime
défense ». Ce discours est porté par certains intellectuels,
qui affirment que les terroristes ont frappé la France…
…quand aucune opération militaire n’était menée contre
eux […] Les attentats de Daech étaient antérieurs à toute
action militaire1225.
Ce qui est évidemment faux. En mai 2017, le rapport
d’un atelier commun de la DGSE et du Service canadien
de renseignement et de sécurité (SGRS), attribue l’attaque
du Musée juif de Bruxelles (24 mai 2014) à l’État
islamique, précisant qu’elle est « bien antérieure aux
bombardements contre Daech de la coalition menée par
les États-Unis, à partir d’août 2014 en Irak, et de
septembre en Syrie1226 ». Cette attribution est simplement
basée sur la découverte d’un drapeau islamiste au
domicile de Mehdi Nemmouche. Or, non seulement ce
drapeau est identique à celui d’« Al-Qaïda » (et ne permet
donc pas une attribution à l’EI), mais l’attentat n’a jamais
été revendiqué par l’EI ni mentionné dans ses
publications, pourtant régulièrement utilisées pour
glorifier ses actions1227. Bien que son imprimatur précise
qu’« il ne s’agit pas d’un document analytique et qu’il ne
représente la position officielle d’aucun des organismes
participants », ce rapport illustre parfaitement la
désinformation qui vise à exonérer les décideurs
politiques de leurs décisions.
7.2.4. Le traitement des attentats par les médias
Après les attentats du 13 novembre<2015 à Paris, la
revendication de l’État islamique laisse peu de place à
l’imagination :
[…] Et la France et ceux qui suivent sa voie doivent
savoir qu’ils restent les principales cibles de l’État
islamique et qu’ils continueront à sentir l’odeur de la mort
pour avoir pris la tête de la croisade, avoir osé insulter
notre Prophète, s’être vantés de combattre l’islam en
France et frapper les musulmans en terre du califat avec
leurs avions1228 […]
Pourtant, pratiquement aucun média traditionnel ne
publie le texte intégral de la revendication : on retient les
références au Coran, mais on évite soigneusement
d’évoquer les frappes françaises en Syrie.
En novembre 2016, France 2 consacre un reportage à la
genèse des attentats. Intitulé « 13 novembre : ce que l’on
n’a pas su voir », il n’évoque aucun lien avec les frappes
françaises. Pour les auteurs (et le journaliste Mohammed
Sifaoui, qui réalise le reportage), la menace contre la
France apparaît comme par magie (deux jours après ses
premières frappes), le 21 septembre 2014, par la voix
d’Abou Mohammed al-Adnani ; et sa première victime est
Hervé Gourdel en Algérie1229. Pourquoi la France ? Pas
de réponse. Ainsi, le terrorisme aurait frappé… sans
raison.
En occultant le lien avec l’intervention française en Irak
puis en Syrie, on a transformé un terrorisme (prévisible)
en un phénomène imprévisible, mais inéluctable, lié à la
nature même d’une faction de l’islam : le wahhabisme, le
salafisme et les Frères musulmans. Ainsi, sur RT France,
Pierre Martinet, ex-agent de la DGSE affirme qu’ils
auraient largement infiltré la société française et se
trouveraient dans « n’importe quelle strate de la société,
des médecins, des avocats (…) pourquoi pas un juge, un
jour1230… »
Mais en fait, il n’en sait rien et ne fait que répéter ce que
dit la presse. Car en réalité, on ne connaît pas l’importance
des Frères musulmans en France : ce mouvement est
surtout présent au Proche- et Moyen-Orient, alors que la
majorité des musulmans en France viennent du Maghreb
ou de l’Afrique occidentale, où sa prévalence – à
l’exception probable du Maroc – est très faible. Par
ailleurs, personne ne rappelle que les Frères musulmans
sont interdits en Arabie Saoudite ; ni que la France et les
États-Unis soutenaient l’Armée syrienne libre (ALS), bras
armé des Frères Musulmans de Syrie, en Turquie ; ni
n’explique pourquoi l’Arabie Saoudite, qui s’accommode
fort bien de l’Occident, entreprendrait tout à coup de
promouvoir sa religion d’État par la violence en 2015. Les
Frères musulmans constituent peut-être une menace pour
Israël, certainement pour la Syrie, mais on ne voit pas
pourquoi ils s’attaqueraient à la France.
On a ainsi virtuellement créé une menace intérieure, à
partir d’éléments que l’on est incapable de vérifier. Le vrai
problème n’est pas l’Islam, mais les politiques
d’immigration incohérentes menées par les différents
gouvernements depuis un demi-siècle, motivées par des
querelles politiciennes et qui ne se sont jamais traduites
par une stratégie d’intégration suivie.
7.2.5. Les conséquences de la désinformation
Les attentats terroristes de 2015 et après sont la
conséquence de deux fautes stratégiques essentielles : a)
l’absence d’anticipation en s’engageant dans un conflit
sans réelle raison, et b) l’absence de précaution prise pour
protéger la population en amont, alors que le risque
terroriste était parfaitement prévisible.
Lorsque la Russie s’est engagée en Syrie aux côtés du
gouvernement syrien, elle a parallèlement relevé le niveau
de sa sécurité intérieure afin de prévenir des attentats sur
son territoire, car elle savait que cela pouvait déclencher
une riposte terroriste. En France, l’obstination à prétendre
qu’« Il est erroné de voir dans les interventions militaires
occidentales la raison principale du terrorisme
djihadiste1231 » a conduit à négliger la protection de la
population en amont. Pourtant, l’affaire Merah aurait dû
constituer une « pré-alerte », en ce qu’elle mettait en
évidence un lien entre les événements du Proche-Orient et
le risque terroriste, mais là aussi, on a refusé d’en tenir
compte…
En août 2014, un sondage sur l’islam en France, réalisé
par l’institut britannique ICM Research pour le compte de
Russia Today indiquait que 27 % des 18-24 ans et 22 %
des 25-34 ans avaient une « opinion favorable de l’État
islamique ». Relayé par les médias d’extrême-droite, il est
rapidement dénigré et oublié : les chiffres effraient et sont
perçus comme de la propagande russe1232. Pourtant, au-
delà de la polémique, il indiquait une tendance dont on n’a
pas su tirer les conséquences. L’engagement en Irak, puis
en Syrie n’ont été accompagnés d’aucune campagne de
communication, afin de l’infléchir. Assez curieusement,
même les associations de victimes sont restées très
complaisantes envers l’État et n’ont pas abordé cette
problématique.
En refusant de comprendre et d’énoncer les causes
réelles de la radicalisation et des attentats, on n’a aucune
chance de résoudre le problème. Si les frappes en Irak
avaient été correctement identifiées comme une source de
radicalisation et un motif possible pour d’éventuels
attentats, la France se serait-elle engagée en Syrie 8 mois
plus tard, prenant ainsi le risque de générer de nouveaux
attentats ? Il fallait être naïf ou idiot (ou les deux) pour ne
pas comprendre que les djihadistes allaient se laisser
bombarder sans réagir. L’image du djihadisme donnée par
les médias traditionnels et certains journalistes a très
largement contribué à cette impréparation, et ainsi facilité
le travail des terroristes.
7.3. Conclusions pour le terrorisme en France
Les raisons de la France pour s’engager en Irak et en
Syrie en 2014-2015 sont peu claires. D’ailleurs, elles ont
évolué dans le discours officiel, passant successivement
de l’aide aux Yazidis (que personne n’avait songé à aider
en 2004, contre les exactions des Kurdes1233), à la
légitime défense (alors que la France n’a subi aucun
attentat de l’État islamique avant septembre 2014), au
renversement du « régime syrien » (raison devenue
caduque par manque de stratégie), à la guerre contre l’État
islamique (qui est une raison opportuniste, comme nous
l’avons vu) et finalement afin d’empêcher les terroristes
de revenir en Europe. L’hypothèse d’une manœuvre
politicienne destinée à resserrer l’unité nationale autour
d’une menace extérieure, prend dès lors un sens. Pour le
gouvernement, alors très impopulaire et sujet à de
nombreux mouvements sociaux, un scénario semblable au
film Des Hommes d’Influence1234 n’apparaît pas
totalement irréaliste.
Le problème est qu’en niant toute rationalité aux
terroristes, on induit en erreur tous ceux qui cherchent une
réponse adéquate au problème. Le gouvernement français
réagit comme les gouvernements espagnol en 2004 et
britannique en 2005, qui avaient menti à leurs Parlements
et à leurs opinions publiques, afin de cacher le fait que les
attentats étaient la conséquence d’une politique étrangère
que la population avait massivement rejetée.
En Espagne, le peuple a sanctionné le gouvernement
Aznar aux élections qui ont immédiatement suivi l’attentat
de Madrid. En Grande-Bretagne, la guerre en Irak fait
l’objet d’une enquête (« Chilcot Inquiry »)1235, dont les
conclusions sont très claires et que certains voudraient
voir traduites en une mise en accusation de l’ex-Premier
ministre Tony Blair pour crime de guerre1236.
Mais en France, après les attentats de 2015, le pays s’est
resserré autour de son gouvernement pour le soutenir, sans
jamais remettre en question des interventions dont la
moralité est discutable et dont la mise en œuvre s’effectue
sans stratégie et sans que l’on n’en discerne les buts.
Ainsi, à partir d’une menace terroriste, qui découlait de
l’incapacité à l’anticiper avant de s’engager en Irak et en
Syrie, on en a créé une seconde, plus sociétale, inspirée
d’une forme de conspirationnisme. On évoque le
salafisme, que l’on décrit comme violent par nature1237,
alors que les services de renseignement américains le
définissent comme « un courant largement non violent
dans l’Islam1238 ».
En 2013, 68 % des Français, 66 % des Britanniques,
63 % des Allemands, 48-59 % des Américains et 52 % des
Italiens étaient opposés à une intervention en Syrie1239 ;
pourtant aucun de leurs gouvernements ne les a écoutés, et
les parlements n’ont pas relayé la voix de ces majorités.
On aurait probablement sauvé des dizaines de vies
humaines : combattre le terrorisme commence par ne pas
lui donner l’occasion d’apparaître… C’est exactement ce
que l’on cherche à dissimuler.
Parce qu’on a ignoré les raisons réelles du terrorisme
djihadiste, on a mal communiqué. En 2016, alors que la
France n’assurait que 4,7 % des frappes de la coalition
internationale1240, elle était en première ligne face à la
menace terroriste. En fait, convaincue que le terrorisme
est une fatalité inéluctable et cherchant dans la politique
étrangère le succès qui manquait au plan intérieur, la
France s’est engagée de manière trop « bruyante » dans le
conflit irako-syrien. Il en est résulté une image surfaite de
sa participation, qui a encouragé les terroristes.
De même, l’emploi du mot « Daech », que les islamistes
n’ont jamais utilisé officiellement, mais qui a été promu
par le gouvernement français dès 2015 en raison de sa
connotation péjorative en arabe1241, avec pour seule
vocation d’exprimer un mépris. Étonnamment, rien n’a été
tenté en France pour gagner les « cœurs et les esprits » de
la frange radicale de sa population musulmane, alors que
c’est – au moins partiellement – un enjeu de sécurité
intérieure. Cette désinvolture a même eu des répercussions
au sein des forces armées1242 et des services de
renseignements1243. En Grande-Bretagne, alors que 120
députés lui enjoignaient d’utiliser le mot « Daech », Tony
Hall, directeur général de la BBC, a refusé, expliquant que
le terme est « péjoratif » et « ne préserverait pas
l’impartialité de la BBC1244 ».
Ainsi, la victoire contre l’EI en 2019 n’est que tactique
en nature, obtenue par la « force brute », en détruisant sa
composante militaire. Cette victoire contre le terrorisme
est une illusion d’optique, car elle n’a jamais réussi à
percer sa logique et à le vaincre par la stratégie. Comme
pour « Al-Qaïda », le problème a été traité par des
« caporaux à deux étoiles » et n’est pas réglé, et il se
reconstituera sous un autre nom. Le même phénomène
qu’au Sahel avec l’opération BARKHANE…
De notre manière de comprendre le problème découle la
pertinence de nos solutions. C’est ce qui explique les
échecs des diverses tentatives de lutte contre le terrorisme
et la radicalisation1245. En réalité, ceux qui ont décidé
d’impliquer la France dans des guerres extérieures sans
raison (et ceux qui les ont conseillés) sont les mêmes qui
l’ont divisée…

1193. Voir le chapitre consacré à la Syrie.


1194. Laurent Fabius dans le JT de 20 Heures, Franceinfo, 10 août 2014 (07’29’’)
1195. Allemagne, Australie, Canada, Danemark, France, Italie, Pologne, Royaume-
Uni, Turquie.
1196. Arabie Saoudite, Bahreïn, Belgique, Chine, Émirats Arabes Unis, Égypte,
l’Irak, Japon, Jordanie, Koweït, Liban, Oman, Qatar, République tchèque, Pays-
Bas, Norvège, Russie et Espagne
1197. Premier bombardement français contre l’État islamique en Irak, Le
Monde.fr/AFP/Reuters, 26 septembre 2014.
1198. Albanie, Autriche, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Chypre, Corée du Sud,
Croatie, Estonie, Finlande, Géorgie, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Kosovo,
Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Macédoine, Moldavie, Monténégro, Maroc,
Nouvelle-Zélande, Portugal, Roumanie, Serbie, Singapour, Slovaquie, Slovénie,
Somalie, Suède, Taïwan et Ukraine.
1199. Jacqueline Klimas, « Islamic State no threat to U.S. homeland : Air Force
general », The Washington Times, 14 juillet 2015.
1200. Manuel Valls, 19 novembre 2015
1201. Abu Mu’sab al-Suri, « The Jihadi Experience : The Strategy of Deterring
with Terrorism », Inspire Magazine, n° 10, Spring 2013, p.22.
1202. Philippe Cohen-Grillet, Journaliste, dans « Le Grand Réferendum », Sud-
Radio, 23 mars 2017
1203. Abu Mu’sab al-Suri, « The Jihadi Experience : The Strategy of Deterring
with Terrorism », op. cit.
1204. Extrait verbatim de la vidéo d’allégeance et revendication de Khamzat
Azimov, Agence de presse Amaq, 13 mai 2018
1205. Voir Abu Mu’sab al-Suri, « The Jihadi Experience – The Strategy of
Deterring with Terrorism », op.cit., p 23
1206. Antoine Goldet, « Les opinions publiques opposées à une intervention en
Syrie », www.liberation.fr, 11 septembre 2013
1207. Kocila Makdeche, « INFOGRAPHIE. La popularité de François Hollande à
un niveau inédit depuis septembre 2012 », francetvinfo.fr, 2 décembre 2015
1208. Ramzy Mardini, « The Islamic State threat is overstated », The Washington
Post, 12 septembre 2014
1209. Dar al-Islam Magazine, n° 7, novembre 2015 (Safar 1437), p. 4.
1210. Vidéo en français, présentée sous un titre italien « Coulibaly rivendica le
stragi Sono dell’Isis », YouTube, 11 janvier 2015
1211. « Exclu Message Interview Complete de Chérif Kouachi au journaliste de
BFM TV 9 janvier 2015 10h », YouTube, 9 janvier 2015,
(www.youtube.com/watch?v=KNFbfnPBKdY)
1212. Alexandre Fache, « Deux heures trente avec les terroristes du Bataclan »,
L’Humanité, 17 Novembre 2015
1213. Dabiq Magazine, n°12, 18 novembre 2015 ; Dar al-Islam Magazine, n° 7,
novembre 2015
1214. Dar al-Islam Magazine, n° 7, novembre 2015 (safar 1437), p. 4.
1215. Clémence Labasse, « Conflit en Syrie Un colonel français critique la stratégie
militaire de la Coalition », La Voix du Nord, 16 février 2019
1216. Auxquels il faudra ensuite ajouter la mort de 4 000 individus éliminés par
l’EI par la suite. Voir des chiffres plus précis dans les articles sur Wikipedia, « Fall
of Mosul » et « Battle of Mosul (2016–2017) »
1217. Inspire Magazine, n°8, Fall 2011, p.42..
1218. Ben Norton, « Under US pressure, social media companies censor critical
content and suspend Venezuelan, Iranian, and Syrian accounts », The Grayzone,
12 janvier 2020
1219. Porte-parole de l’État islamique (http://dailycaller.com/2014/08/08/isis-
threatens-america-we-will-raise-the-flag-of-allah-in-the-white-
house/#ixzz3n1ziZgJ5)
1220. Tom Pettinger, What is the Impact of Foreign Military Intervention on
Radicalization ?, Journal for Deradicalization, Hiver 15/16, n° 5, pp. 92-114
(ISSN : 2363-9849)
1221. « Discours devant l’Assemblée Nationale - Manuel Valls : «Un risque
d’armes chimiques ou bactériologiques» », www.parismatch.com, 19 novembre
2015 1
1222. « Laurent Fabius : «Il faut s’unir et vaincre ces gens-là» », interview par
Jean-François Achilli, France Info, 19 novembre 2015
1223. « Exclu Message Interview Complete de Chérif Kouachi au journaliste de
BFM TV 9 janvier 2015 10h », YouTube, 9 janvier 2015,
(www.youtube.com/watch?v=KNFbfnPBKdY)
1224. Voir « L‘histoire de l‘inimitié de la France envers l‘Islâm », Dar al-Islam
Magazine, n° 2, février 2015 (Rabi al-thani 1436), p.10 ; « Les règles de sécurité du
musulman », Dar al-Islam Magazine, n° 5, juillet-août 2015 (Chawwal 1436),
p.33 ; « Editorial », Dar al-Islam Magazine, n°8, janvier 2016 (rabi al-thani 1437),
p. 4 ; « Attentats - Sur la voie prophétique - Deuxième partie », Dar al-Islam
Magazine, n° 10, août 2016 (Dhul Qidah 1437), p. 17.
1225. Jean-Pierre Filiu, Émission “C dans l’air”, France 5, 1er décembre 2016
1226. Comprendre l’après Daech, Publication no 2017-05-01, SCRS, mai 2017
1227. Pour être parfaitement exact, Nemmouche est mentionné dans les numéros 7
et 8 de la publication Dar al-Islam (novembre-décembre 2015 et janvier-février
2016), sous la rubrique « Dans les mots de l’ennemi », qui présente la manière dont
des journalistes occidentaux voient le terrorisme.
1228. Texte de revendication de l’État islamique pour les attentats du 13 novembre
2015 (14 novembre 2015)
1229. « 13-Novembre : ce que l’on n’a pas su voir », France 2, 4 novembre 2016
(https://fr.news.yahoo.com/13-novembre-lon-na-su-voir-103249266.html)
1230. « Pierre Martinet, ex-agent de la DGSE : « On ne fait rien pour stopper
l’idéologie islamiste » », RT France/YouTube, 22 janvier 2020
1231. Bruno Tertrais, « Les interventions militaires, cause de terrorisme ? »,
Fondation pour la recherche stratégique, n°06/2016, 15 février 2016
1232. Kocila Makdeche, « Y a-t-il vraiment 15 % des Français qui soutiennent
l’État islamique ? », francetvinfo.fr, 26 août 2014
1233. On Vulnerable Ground – Violence against Minority Communities in Nineveh
Province’s Disputed Territories, Human Rights Watch, 10 novembre 2019
1234. « Des hommes d’influence » (Wag the Dog) est un film américain réalisé par
Barry Levinson, sorti en 1997.
1235. http://www.iraqinquiry.org.uk/
1236. Christopher Hope, « Tony Blair “could face war crimes charges” over Iraq
War », The Telegraph, 6 janvier 2015.
1237. Mohammed Sifaoui dans l’émission « C à vous », « Comment détecter la
radicalisation ? - C à Vous - 10/10/2019 », France 5/YouTube, 10 octobre 2019
(05’45’’)
1238. National Intelligence Estimate (NIE) NIE 2006-02R - Trends in Global
Terrorism : Implications for the United States, Office of the Director of National
Intelligence (ODNI), avril 2006 (SECRET-NOFORN), p.11 (déclassifié en
septembre 2011) ;
1239. Antoine Goldet, « Les opinions publiques opposées à une intervention en
Syrie », www.liberation.fr, 11 septembre 2013
1240. http://airwars.org/data/ (consulté le 6 mars 2016)
1241. Armin Arefi, « Daesh-État islamique : la guerre des noms a commencé »,
lepoint.fr, 22 septembre 2014
1242. Les militaires français et le djihad, Centre d’Analyse du Terrorisme,
décembre 2019
1243. « Radicalisation : Seize personnes écartées des services de renseignement
depuis 2014, révèle Matignon », 20 Minutes / AFP, 21 janvier 2020
1244. « Le Royaume-Uni s’interroge sur Daech – La BBC refuse d’utiliser le terme
de « Daech » pour qualifier le groupe armé », lesechos.fr, 3 juillet 2015. NdA : la
BBC privilégie l’expression « prétendu État Islamique »
1245. Mmes Esther Benbassa & Catherine Troendlé, Rapport d´information fait au
nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du Règlement et d’administration générale (1) sur le désendoctrinement,
le désembrigadement et la réinsertion des djihadistes en France et en Europe,
Sénat – Session extraordinaire de 2016-2017, 12 juillet 2017 (n° 633)
8. LA RUSSIE
8.1. Le contexte
L’auteur du présent ouvrage a travaillé durant de
nombreuses années à l’étude de la menace soviétique,
surveillant les moindres signes de changements politiques
dans la presse et les médias, à l’affût des informations
dissimulées dans les nécrologies des dirigeants, des
indices donnés par les variations des stocks de matières
premières, la fréquence des missions spatiales, le flux des
transports ferroviaires aux frontières polonaises et
tchécoslovaques, et à détecter les changements de ton de
la propagande d’État. Une menace s’inscrit toujours dans
un contexte : ce que nous avons oublié, parce que nous
réécrivons systématiquement l’Histoire.
L’ère de Boris Eltsine est marquée par une libéralisation
trop rapide et incontrôlée de la société, qui favorise une
forme de capitalisme sauvage. Ce qui reste de l’empire
soviétique est alors accaparé par des oligarques peu
scrupuleux, qui s’enrichissent de manière éhontée, ouvrant
la porte à la criminalité organisée et la corruption. À la
même période, les États-Unis en profitent pour bousculer
l’ordre mondial et le droit international au profit de
stratégies meurtrières aux objectifs incertains.
L’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, en mars 2000,
change radicalement la situation. Les oligarques sont
pourchassés et leurs fortunes confisquées1246. Il en
résultera un premier niveau de désinformation qui jouera
sur le caractère antisémite de cette chasse, car six d’entre
eux sont juifs (Boris Berezovski, Vladimir Gusinsky,
Alexander Smolensky, Mikhail Khodorkovski, Mikhail
Friedman and Valery Malkin)1247. La plupart de ces
oligarques trouvent refuge en Grande-Bretagne, en raison
de sa grande tolérance à l’égard des fonds qui viennent
alimenter sa place financière. Or, le monde de la haute
finance et celui du crime organisé ne sont pas toujours très
éloignés, comme le confesse William Browder, directeur
général du fonds d’investissement Hermitage Capital
Management :
Malheureusement, Londres est devenue le centre mondial
du blanchiment de l’argent et de la réputation des
organisations criminelles russes1248.
Le président Poutine devient rapidement la « bête
noire » de l’intelligentsia européenne : son passage au
KGB explique « son amour pour les théories du
complot1249 ». Il devient responsable de tout : les attentats
de Paris en 20151250, l’attentat à l’aéroport d’Ankara du
17 février 20161251 ; le chef du SBU, le service de sécurité
ukrainien lui attribue même les attentats de Bruxelles du
22 mars 20161252 ; et un expert ukrainien voit dans
l’attentat de Nice du 14 juillet 2016, le moyen pour
Poutine de renforcer sa position dans les discussions en
cours avec John Kerry1253. En France, au soir de l’attentat
du 20 avril 2017 sur les Champs Élysées, Christophe
Girard, maire du 4e arrondissement de Paris (parti
socialiste), n’hésite pas à « tweeter » :
Attentat en France à quelques jours de l’élection
présidentielle. Comme c’est étrange ! Allez interroger M.
Poutine par exemple1254
…une magnifique démonstration d’imbécillité,
révélatrice d’un état d’esprit, symptomatique d’une classe
politique peu éclairée et bien peu responsable. Certains
prétendront même que « Poutine est à la manœuvre 1255 »
lors de la manifestation de Gilets jaunes du 1er décembre
2018 : des « journalistes » qui auraient fait merveille dans
les années 1930…
On se plaît à présenter Vladimir Poutine comme un
dictateur qui muselle ses opposants. Le Système Poutine
est un film de Jean-Michel Carré, dont les très nombreuses
inexactitudes en font plus un film de propagande qu’un
documentaire. On y affirme qu’au début de sa carrière au
sein du KGB, Poutine « participe à la traque aux
dissidents 1256 ». C’est un mensonge : il débute dans la 2e
Direction principale (contre-espionnage), puis dans la 1re
Direction principale (renseignements extérieurs), avant
d’être affecté en Allemagne de l’Est1257. Les dissidents
sont alors l’affaire de la 5e Direction principale. Carré
s’est probablement inspiré de l’article de Wikipédia (en
français) qui est faux sur ce point1258, et non de la version
anglaise, qui est correcte1259.
Contrairement à ce que prétend Carré, Poutine
démissionne du KGB avant le putsch d’août 1991. Après
lequel, le KGB ne tombe pas en disgrâce, mais au
contraire en ressort grandi : seule sa tête avait participé au
putsch, mais les structures ne l’ont pas suivie et se sont
opposées aux putschistes. Le KGB avait pressenti le
changement bien avant les politiciens de l’Est… et de
l’Ouest.
Le film de Carré évoque le manifeste publié par
Vladimir Poutine à la fin décembre 1999, qui esquisse sa
vision de la Russie à l’aube du XXIe siècle. Il en cite
certaines expressions : « démocratie dirigée », « verticale
du pouvoir », « dictature de la loi » et affirme qu’il « se
réclame de valeurs contradictoires comme le libéralisme
et l’étatisme, la démocratie et la dictature1260 ». Le
problème est qu’aucun de ces termes ne se trouve dans le
texte original1261 !
On l’accuse de regretter l’ex-URSS et d’avoir déclaré
que « la destruction de l’URSS fut la plus grande
catastrophe géopolitique de l’histoire du XXe siècle1262 ».
Cette phrase revient périodiquement dans les médias,
comme Le Monde1263, Le Figaro1264 ou France 241265,
pour illustrer son ambition de retrouver la « grandeur » de
l’URSS. En fait, la phrase est tirée d’un discours du
25 avril 2005, où Poutine regrette la manière chaotique
dont le passage à la démocratie s’est fait :
[…] Il nous faut avant tout reconnaître que
l’effondrement de l’Union soviétique a été un désastre
géopolitique majeur du siècle, qui est devenu un véritable
drame pour la nation russe. Des dizaines de millions de
nos concitoyens et compatriotes se sont retrouvés hors du
territoire russe. En outre, l’épidémie de désintégration a
infecté la Russie elle-même. Les économies de chacun ont
fondu et les vieux idéaux ont été détruits. De nombreuses
institutions ont été dissoutes ou brutalement réformées
[…]1266.
Il ne s’agit donc pas d’une catastrophe pour l’Humanité,
mais pour le quotidien de la population russe : sa phrase
fait écho à une réelle nostalgie au sein de la population,
dont 11-13 % de l’électorat est resté fidèle au Parti
communiste, le premier parti d’opposition. À aucun
moment, Poutine ne regrette l’ancien système
communiste : au contraire, il plaide en faveur de
l’économie libérale.
On évoque souvent son rêve d’une « Grande Russie »
afin de donner une image guerrière du pays1267. En 2016,
le ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas, Halbe
Zijlstra, déclare :
Début 2006, je me trouvais dans la datcha de Vladimir
Poutine. J’ai très bien pu entendre Vladimir Poutine
préciser ce qu’il comprenait sous le terme de Grande
Russie, car ce qu’il veut, c’est un retour à la Grande
Russie. Il a expliqué que pour lui, la Grande Russie, ce
sont la Russie, la Biélorussie, l’Ukraine et les pays baltes.
Et que ce serait bien aussi d’avoir le Kazakhstan1268.
Selon Libération, il aurait même utilisé le mot
« annexer1269 ». Mais, comme quatre ans plus tôt avec
l’ex-ministre polonais Radoslaw Sikorski1270, il s’avérera
qu’il s’agissait d’un mensonge fabriqué de toutes pièces,
qui poussera Zijlstra à la démission en février 2018. Il est
cependant intéressant de noter que si plusieurs médias
occidentaux ont relaté la démission, certains (comme La
Libre de Belgique1271, Europe 11272 ou la RTBF1273) ont
soigneusement omis de mentionner sur quoi portait le
mensonge : il fallait éviter d’avouer que l’on mentait sur
la volonté d’expansion russe… Daniel Cohn-Bendit tente
d’excuser Zijlstra, en suggérant que Poutine avait déjà en
tête l’annexion la Crimée pour satisfaire son désir de
« Grande Russie »1274. Une idée qui persiste : en 2017, la
RTBF écrit :
Vladimir Poutine avait endossé les habits de restaurateur
de la « Grande Russie » en annexant la péninsule
ukrainienne de Crimée1275.
En avril 2018, dans le même esprit, le président Macron
affirme à Fox News que Poutine veut une « Grande
Russie »1276, un message cher aux Anglo-Saxons, qui
aiment à voir dans la Russie un ennemi avide de
conquêtes. C’est une manipulation basée sur l’émotionnel
et non le factuel. En russe, l’adjectif « grande » (Velikaïa)
a une dimension qualitative et non quantitative ou
territoriale1277. D’ailleurs l’expression « Grande Russie »,
utilisée au XVIe siècle ne couvrait qu’une partie de la
Russie occidentale, soit à peu près le Tsarat de Russie,
tandis que l’Ukraine était la « Petite Russie ». C’est
pourquoi, au XVII et XVIIe siècles on parlait du « Tsar de
toutes les Russies » : la Grande Russie, la Petite Russie
(l’Ukraine) et la Russie Blanche (Biélorussie)1278.
Ironiquement, en combinant inculture et mauvaise foi, les
Occidentaux démontent leurs propres mensonges…
En réalité, la tendance historique à l’expansion que l’on
prête à la Russie est avant tout un attribut soviétique. Dans
la pensée marxiste, l’URSS était dans une guerre
permanente et systémique avec l’Occident, qui s’inscrivait
dans le processus historique de la lutte des classes. Sous
Staline prédominait l’idée que la sécurité de l’Union
soviétique ne serait garantie que par une victoire du
socialisme sur le capitalisme et donc, une conquête de
l’Europe. C’est afin de prévenir une offensive imminente
contre l’ensemble de l’Europe occidentale, que
l’Allemagne nazie s’est sentie contrainte d’attaquer
l’URSS le 22 juin 1941, comme l’explique Viktor
Suvorov, ex-agent du GRU dans son ouvrage
Icebreaker1279. Après la mort de Staline, l’idée de
conquérir l’Occident pour imposer le socialisme s’efface
devant la nécessité de moderniser la société et l’appareil
militaire. C’est la « coexistence pacifique ».
Mais la crainte d’une attaque occidentale demeure.
Après trois tentatives d’invasion en deux siècles (1812,
1918-1922 et 1941-1945) (sans compter la Révolution de
1917, provoquée par l’Allemagne) les Russes ont gardé
une profonde méfiance à l’égard des Occidentaux, qui
sont par ailleurs très agressifs dans d’autres parties du
monde. C’était la raison d’être du Pacte de Varsovie, créé
après l’Otan : il devait constituer une « zone tampon » en
cas d’agression extérieure, créant un glacis protecteur
pour l’Union soviétique. C’est la crainte d’un « trou »
dans cette carapace qui a provoqué l’intervention
soviétique à Prague en août 1968.
En 1990, les Russes ont compris d’une part que la fin du
communisme était inéluctable et n’ont pas tenté de s’y
opposer ; et d’autre part que le « glacis » qui les protégeait
ne pouvait plus être réalisé par la coercition, mais en
tissant des liens économiques. Pour eux, la fin de la guerre
froide était l’occasion de sortir de l’économie de guerre
dans laquelle ils se trouvaient, pour développer une
« vraie » économie. C’est pourquoi ils ont rapidement
dissous le Pacte de Varsovie et créé la Communauté des
États indépendants (CEI) aux ambitions plus larges.
Pour les Occidentaux, c’est le problème inverse : la fin
de la guerre froide a brutalement fait fondre leur complexe
militaro-industriel, générant des inquiétudes pour l’avenir
de leurs capacités de défense. Ce qui explique en grande
partie leur engagement quasi continu dans des
interventions militaires.
8.2. « Il n’y a jamais eu de promesse que l’Otan
ne s’étendrait pas vers l’Est après la chute du
mur de Berlin1280 »
Depuis la chute du mur de Berlin, avec treize nouveaux
membres, l’Otan est devenue contiguë de la Russie,
réduisant ainsi la profondeur stratégique qui lui
permettrait de répondre à une attaque. Le discours officiel
de l’Otan est qu’aucune promesse n’a été faite du côté
occidental pour maintenir l’Otan dans ses limites d’alors.
C’est un mensonge.
En premier lieu, il faut comprendre que la fin de la
guerre froide est plus le résultat d’un effondrement du
système socialiste sur lui-même que d’une action de
l’Occident. L’idée que l’Occident aurait poussé l’Union
soviétique dans un processus de dépenses exagéré
(notamment à travers l’Initiative de Défense stratégique
(IDS), mieux connue sous le nom de « Guerre des
Étoiles ») et ainsi provoqué la chute du régime1281 est un
mythe fantaisiste.
En réalité, l’IDS a été évoquée pour la première fois en
mars 1983. Elle n’était alors qu’un ambitieux programme
de recherche, nécessitant une réorientation massive de
ressources industrielles, que les États-Unis ont lancé sans
réussir à le mener à terme. Aujourd’hui, les « experts »
n’y voient qu’un défi technologique, mais c’était avant
tout un défi politico-stratégique. L’IDS changeait
radicalement la logique de la guerre froide : d’un équilibre
basé sur une capacité offensive, on passait à un rapport de
force basé sur une capacité défensive. Ronald Reagan y
voyait même une dimension globale : car la logique ne
fonctionne que si ces capacités sont partagées. Mais ses
alliés européens, Royaume-Uni en tête, n’y voyaient
qu’une dangereuse et coûteuse utopie et ont pesé de tout
leur poids pour faire reculer les Américains.
À la différence des États-Unis, l’URSS vivait dans une
économie de guerre, où les biens de consommation
n’étaient pas une priorité. Les dirigeants soviétiques
étaient conscients qu’ils avaient atteint les limites de leurs
capacités1282 et n’ont pas cherché à s’engager dans l’IDS.
Selon un rapport SECRET de la CIA, déclassifié en 2014,
les dirigeants du Kremlin envisageaient de multiplier le
nombre de leurs missiles plutôt que de développer un
nouveau système parallèle1283. En outre, il est bon de
rappeler que les transferts de technologie n’étaient pas à
sens unique : de nombreuses technologies nécessitées par
l’IDS étaient aux mains des Soviétiques, notamment en ce
qui concerne la science des matériaux. Ainsi,
contrairement à ce qu’affirment Thierry Wolton1284 et
d’autres, l’IDS n’a pas provoqué d’emballement de
l’économie soviétique1285. D’ailleurs, à part un
foisonnement d’idées souvent irréalisables, l’IDS n’a
apporté aucun résultat concret et a été abandonné en 1993
déjà. Trente ans plus tard, les Américains dépendent très
largement du titane et de la technologie russe pour la
construction de moteurs de fusées et de missiles de
croisières… malgré les sanctions1286 !
À la fin des années 1980, le système soviétique était
profondément malade. La catastrophe de Tchernobyl a
provoqué à tous les niveaux une prise de conscience de
l’inefficacité des mécanismes de gestion administratifs et
politiques : elle a été l’événement majeur qui a conduit à
la chute de l’URSS. C’est d’ailleurs dans sa foulée qu’a
été déclenchée la politique de transparence (glasnost) en
appui des efforts de restructuration (perestroïka) qui
venaient d’être initiés. À partir de ce moment, les efforts
occidentaux pour subvertir le système communiste n’ont
eu qu’un effet marginal et ont été rattrapés par ses
défaillances. C’est d’ailleurs pourquoi les Occidentaux ont
été eux-mêmes surpris par les événements de 1989-1990,
ainsi que le confirme le général Lord David Richards, chef
de l’État-major de Défense britannique de l’époque :
« Nous n’en avions aucune idée1287 ! ». L’auteur lui-
même – en négociation à Washington le jour de la « chute
du Mur » – a pu constater que ni l’événement ni ses
conséquences n’avaient été imaginés par les responsables
politiques américains. Ainsi, notre sentiment de
« victoire » est usurpé, et notre mépris envers la Russie
injustifié.
Dès novembre 1989, l’idée d’une réunification
allemande était dans l’air. Mais l’establishment
occidental – particulièrement les services de
renseignement – n’y croyait pas : il régnait la crainte que
l’URSS s’y oppose. Les Soviétiques avaient gardé à
l’égard de l’Allemagne un sentiment de méfiance assez
profond, et le Groupe des Forces soviétiques en
Allemagne (GFSA) était le plus puissant et le plus
moderne contingent hors de son territoire. La perspective
d’une Allemagne réunifiée signifiait pour la Russie un
retour à la situation d’avant-guerre et pouvait être le
prétexte d’une intervention comme à Prague en 19681288 :
tous les services de renseignement occidentaux ont été mis
en état d’alerte.
D’un autre côté, le redéploiement du GFSA en Union
soviétique représentait un effort considérable en termes
financiers et stratégiques, mais aussi – et surtout – sur le
plan émotionnel. C’est pourquoi le secrétaire d’État
américain James Baker a entamé très tôt des discussions
avec Mikhaïl Gorbatchev. Le 9 février 1990, afin de
calmer ses inquiétudes, il donne à Gorbatchev l’assurance
que l’Otan « ne se déplacerait pas d’un pouce vers
l’Est1289 ». Le 17 mai 1990, dans une allocution à
Bruxelles, Manfred Wörner, secrétaire général de l’Otan,
confirme :
Le fait que nous soyons prêts à ne pas déployer une
armée de l’Otan au-delà du territoire allemand donne à
l’Union soviétique une solide garantie de sécurité1290.
Nous avons aujourd’hui le sentiment que l’URSS, ayant
« perdu la guerre froide », n’avait plus son mot à dire dans
l’évolution du monde. C’est inexact. Si elle n’avait plus
d’influence sur le vent de liberté qui soufflait à l’Est, elle
avait de jure un droit de veto sur la réunification
allemande en tant que vainqueur de la Seconde Guerre
mondiale. C’est donc avec les assurances du président
George H.W. Bush et James Baker, du chancelier Helmut
Kohl et son ministre des Affaires étrangères Hans-
Dietrich Genscher, du Premier ministre britannique
Margaret Thatcher, son successeur John Major et leur
ministre des Affaires étrangères Douglas Hurd, du
président François Mitterrand, mais aussi du directeur de
la CIA Robert Gates et de Manfred Wörner, que l’Otan ne
se développerait pas après le retrait du GFSA, que
Gorbatchev a accepté la réunification allemande1291.
En Russie, l’espoir provoqué par la fin du régime
communiste était bien réel auprès des nouveaux
dirigeants. La dissolution du Traité de Varsovie, en
juillet 1991, était pour la Russie l’opportunité d’une
réflexion sur la nouvelle architecture de sécurité du
continent européen. C’est la raison pour laquelle la Russie
est restée très attachée au mécanisme de l’OSCE, auquel
elle attribue aujourd’hui encore un rôle majeur. La
création du Conseil de Coopération Nord-Atlantique
(CCNA) par l’Otan à la fin 1991, est accueillie avec
enthousiasme par les autorités et l’opinion publique
russes. Les dirigeants russes, qui voyaient les dégâts
causés par le communisme, pensaient qu’une architecture
de sécurité basée sur les rapports de force était dépassée et
rêvaient d’un système plus coopératif.
À ce stade, le projet d’une coopération sécuritaire
continentale est très populaire en Russie, et n’exclut pas
l’idée d’une éventuelle adhésion à l’Otan. Des discussions
dans ce sens ont lieu en octobre 1993 entre Boris Eltsine
et le secrétaire d’État américain Warren Christopher, qui
demeure cependant réservé :
[…] nous examinerons en temps opportun la question de
l’adhésion comme une éventualité à plus long terme. Il y
aura une évolution, basée sur le développement d’une
habitude de coopération, mais au fil du temps1292.
En 1954, l’Union soviétique avait déjà approché certains
pays influents de l’Otan en vue d’une éventuelle
adhésion ; mais elle s’était heurtée à un refus car – au-delà
des considérations d’ordres politique et émotionnel – les
Occidentaux craignaient qu’elle bloque complètement les
mécanismes décisionnels et rende l’Alliance
inopérante1293. La raison d’être de l’Otan est de placer ses
membres sous la protection nucléaire des États-Unis. Or
pour ceux-ci, il est difficilement concevable d’avoir les
deux principales puissances nucléaires dans la même
alliance.
La réaction de l’Otan ne répond pas aux attentes de la
population russe, qui se replie sur elle-même. En
juin 1994, c’est contre son opinion publique, que le
gouvernement russe rejoint le Partenariat pour la Paix
(PPP) nouvellement créé par l’Otan. En 1997, afin de
donner l’illusion que l’on veut intégrer la Russie, on jette
les bases du Conseil Otan-Russie (COR), qui entrera en
vigueur en 2002. Le COR devait permettre d’entretenir un
dialogue avec la Russie afin que l’expansion de l’Otan ne
soit pas perçue comme une menace. C’était une manière
assez cynique de ne pas appliquer les promesses faites aux
dirigeants de l’ex-URSS, comme le résume Bill Clinton :
Ce que les Russes retirent de cet accord exceptionnel que
nous leur proposons, c’est l’occasion de s’asseoir dans la
même pièce que l’Otan et de s’associer à nous chaque fois
que nous tous sommes d’accord sur quelque chose, mais ils
n’ont aucune possibilité de nous empêcher de faire quelque
chose qu’ils n’acceptent pas. Ils peuvent manifester leur
désapprobation en sortant de la salle. Et comme deuxième
grand avantage, ils obtiennent notre promesse que nous
n’allons pas mettre nos affaires militaires chez leurs
anciens alliés, qui seront désormais nos alliés, à moins que
nous ne nous réveillions un matin et décidions de changer
d’avis1294.
Pour les pays d’Europe de l’Est, la situation est un peu
différente. Dans leur esprit, l’adhésion à l’Union
européenne et à l’Otan vont souvent de pair : il s’agit
d’assurer leur développement dans la sécurité. Mais leur
démarche est plus opportuniste que philosophique. Pour
eux, les valeurs de la démocratie et des droits de l’Homme
restent – malgré tout – très secondaires. Ainsi, malgré
certains garde-fous constitutionnels et légaux, leurs
services de renseignement sont essentiellement restés des
services de sécurité et conservent assez largement
l’héritage de leurs prédécesseurs communistes, comme en
témoigne leur participation au programme de torture de la
CIA. Par ailleurs, leur engagement dans des conflits
comme l’Afghanistan et l’Irak était davantage motivé par
la modernisation de leurs forces armées que par des
valeurs humanistes. Ils y ont gagné la qualification de
« nouvelle Europe » par Donald Rumsfeld1295. La crise
politique issue des flux de migrants en Méditerranée
(qu’ils ont contribué à créer) illustre cette ambiguïté.
Exactement comme durant la guerre froide, où ces pays
avaient bien souvent été encore plus communistes et plus
répressifs que les Soviétiques eux-mêmes, ils ont cherché
la protection des États-Unis, quitte à y sacrifier leur
honneur.
Souvent présentées comme une rumeur fantaisiste
propagée par la Russie1296, les assurances occidentales de
la non-expansion de l’Otan sont attestées par de nombreux
documents nouvellement déclassifiés et rendus publics le
12 décembre 2017 par les Archives de la Sécurité
nationale de l’université George Washington1297. S’il est
vrai qu’elles n’ont jamais été scellées par un traité, elles
ont été formulées explicitement et ouvertement. C’est
donc à juste titre que les Russes peuvent aujourd’hui
mettre en doute la parole et les intentions de l’Otan1298.
8.3. « La Russie cherche à provoquer les forces
de l’Otan »
Les Américains sont devenus experts dans la
construction de menaces à partir de rien. En mars 2016, le
général américain Philip M. Breedlove, Commandant
suprême des forces alliées en Europe, affirme, sans
apporter la moindre justification :
Ensemble, la Russie et le régime d’Assad militarisent
délibérément la migration afin de tenter de submerger les
structures européennes et de briser leur détermination1299.
Un délire occidental que l’on retrouve l’année suivante à
l’occasion de ZAPAD-2017, un exercice qui fait partie de
manœuvres conduites régulièrement par l’armée russe et
ses alliés. Avant l’exercice, l’Otan, les médias occidentaux
(et Florence Parly) évoquent une tentative
d’intimidation1300, voire de préparatifs pour une possible
invasion de l’Europe1301. Certains généraux suggèrent
même que l’exercice pourrait donner l’occasion à la
Russie de prépositionner des troupes et des équipements
en vue d’une agression future de l’Europe et de l’Otan1302.
Pourquoi ? À quelles fins ? Pas de réponse. L’Atlantic
Council, une institution privée dévolue au soutien à
l’Otan1303, articule le chiffre de 100 000 participants1304,
bien au-delà du seuil de notification de 13 000 prévu par
le Document de Vienne. Repris par le site ukrainien
InformNapalm.org, ce nombre « inspire » de nombreux
médias européens1305, mais il est sans fondement. On est
revenu en pleine guerre froide…
La Russie annonce 12 700 participants russes et
bélarusses et invite des observateurs de l’Otan aux
manœuvres1306. Jens Stoltenberg, secrétaire général de
l’Otan, déclare avoir « toutes les raisons de penser qu’il y
aura significativement plus de participants que le nombre
annoncé officiellement1307 ». Mais il ment. Le nombre
officiel ne sera pas démenti par la suite, malgré le regard
scrutateur des services de renseignement occidentaux.
Cela n’empêche pas le journaliste François Clémenceau
d’affirmer, en mars 2018, sur France 5 que la Russie
cherche à « tester » les défenses de l’Otan par sa présence
militaire et une absence de transparence dans les exercices
militaires1308. En fait, la Russie s’en tient strictement à ses
obligations internationales, mais certains pays d’Europe
orientale, comme la Pologne et les pays baltes
« gonflent » délibérément les chiffres russes afin de
justifier un déploiement permanent des forces de l’Otan
sur leur territoire.
En 2017, lors de manœuvres de l’Otan en Lituanie, des
militaires du contingent allemand sont accusés de viol. Il
s’avère cependant assez rapidement que le crime n’a pas
eu lieu. Le 16 février, le magazine allemand Spiegel titre
La Russie attaque la Bundeswehr par une campagne de
fake news, mais corrige rapidement par L’Otan soupçonne
la Russie d’être responsable d’une fausse campagne
d’information contre la Bundeswehr1309. L’incident est
largement répercuté par la presse allemande. Le 18, Le
Figaro évoque la déstabilisation de « l’équilibre
démocratique en tentant d’orienter l’opinion publique » et
l’inquiétude des dirigeants européens1310. Pourtant, on sait
que la polémique est née d’un seul courriel arrivé le
14 février au bureau du président du Parlement lituanien
et dont l’origine n’a pu être déterminée1311. Quant à
l’implication de la Russie, elle n’est basée que sur
l’allégation d’un « diplomate de l’Otan » anonyme1312.
En résumé : un incident qui ne s’est jamais produit,
annoncé par un seul courriel anonyme, suffit à accuser la
Russie, dont « la stratégie vise à constamment brouiller la
ligne départageant le vrai du faux1313 » ! On marche sur
la tête…
On évoque souvent les « provocations » par des avions
de reconnaissance ou de combat russes à proximité des
espaces aériens occidentaux1314, que Bruno Tertrais, de la
Fondation pour la recherche stratégique, qualifie de
« délibérée1315 ». Mais c’est faux. En réalité, en
mars 2018, le général Petr Pavel, président du Comité
militaire de l’Otan, déclare que « la presque totalité des
interceptions » n’a pas pour origine un comportement
hostile, mais des erreurs humaines :
[Il] n’y a pas eu de violations du territoire des pays
baltiques – pas même de leurs espaces aériens (…)
Jusqu’à présent, nous n’avons vu aucun signe réel d’un
comportement agressif contre les pays baltes ou dans la
région de la mer Noire1316.
En fait, on entretient un sentiment d’une menace qui est
totalement irrationnelle. Non seulement elle n’est basée
sur aucun fait tangible, mais on ne parvient pas même à
expliquer dans quel but la Russie chercherait à provoquer
l’Occident. Depuis la crise ukrainienne, bien que personne
n’ait pu démontrer une intervention militaire russe, le
spectre d’une invasion alimente l’imaginaire politique
occidental. Dans une Europe en paix, mais en guerre avec
ses équilibres budgétaires, la menace russe est devenue la
« bouée de secours » des budgets de la défense… Mais
elle est également une manière de créer des « unités
nationales » ou une « solidarité atlantique » dans un
contexte européen troublé.
8.4. « La Russie est soupçonnée d’attaques
contre des diplomates américains à Cuba1317 »
Le 9 août 2017, lors d’une conférence de presse du
département d’État, la porte-parole, Heather Nauert,
informe que des diplomates de l’ambassade américaine de
La Havane se plaignent de maux divers et que certains
d’entre eux ont dû être rapatriés. Le magazine TIME
affirme que ces diplomates ont été « blessés » par une
« arme acoustique » qui les cible depuis la fin 20161318, et
souffrent de graves troubles et même de perte de
l’audition1319.
Des experts sont envoyés sur place et les imaginations se
déchaînent. On parle de « canon acoustique », similaire au
système développé par les Allemands en 1942 (qui a
inspiré Hergé pour L’affaire Tournesol). On évoque le
dysfonctionnement d’un mouchard placé dans
l’ambassade : on se réfère sans doute à « La Chose », qui
avait été découverte en 1952 à l’ambassade américaine de
Moscou1320, qui était un appareil totalement passif,
soumis à un rayonnement constant de micro-ondes et qui
renvoyait un signal modulé par la voix humaine.
CBS News annonce que 60 % du personnel diplomatique
en poste à La Havane est rapatrié. Ce qui est qualifié
« d’attaques » semble se concentrer sur les agents de
renseignements sous couverture diplomatique1321 !
Business Insider révélera que les individus touchés
souffrent de dommages cérébraux et de pertes de
mémoire1322.
Pourtant, le neurologue Seth Horowitz affirme qu’il
« n’existe aucun phénomène acoustique dans le monde qui
puisse provoquer ce type de symptôme1323 ». Mais
l’affaire est prise très au sérieux et ses conséquences sont
loin d’être anodines. Le 26 septembre 2017, Rex
Tillerson, secrétaire d’État reçoit son homologue cubain
Bruno Rodriguez pour en discuter1324. Trois jours plus
tard, il annonce la réduction du personnel de l’ambassade
américaine à Cuba, et le 3 octobre, quinze diplomates
cubains sont expulsés en raison de « l’incapacité de Cuba
à protéger le personnel diplomatique américain1325 ».
Sur FOX News, citant un rapport du renseignement
électronique (SIGINT)1326, l’« expert »
Dr Sebastian Gorka affirme que la Russie est derrière ces
« attaques » à La Havane et à Pékin, et que les mêmes
armes ont été utilisées en Crimée1327. Le présentateur
évoque des armes d’un type nouveau qui portent
l’empreinte de la Russie… sans aucune preuve1328 !
En janvier 2019, le New York Times révèle que les
médecins commencent à douter de la nature et même de
l’existence des symptômes de 20171329. Jusqu’à ce que
l’on découvre que la clé de l’énigme est probablement…
le chant d’accouplement d’un criquet des Caraïbes1330 !
Les Américains sont coutumiers de ce genre
d’accusations : le 13 septembre 1981, Alexander Haig,
alors secrétaire d’État, avait accusé les Soviétiques
d’employer des mycotoxines en Afghanistan1331. Mais les
analyses des échantillons recueillis ont montré qu’il
s’agissait… d’excréments d’abeilles1332 ! Pour ne pas
devoir justifier son ignorance et sa mauvaise foi, le
gouvernement américain n’a jamais voulu déclassifier le
dossier, qui reste ainsi « officiellement » non résolu !
L’anecdote est amusante, mais révèle plusieurs
phénomènes. Premièrement, le remarquable niveau
d’incompétence des « experts », qui « font coller » des
faits (qui n’étaient pas même avérés) à leurs préjugés.
Deuxièmement, l’état d’esprit qui domine les relations
internationales actuelles et qui transforme des événements
dont on ne connaît ni les raisons, ni le déroulement, ni les
acteurs, en certitudes, dans le seul but de conforter des
objectifs de politique étrangère prédéfinis.
Sur un plan éthique, il est surprenant que personne – des
médias ou du monde politique – n’ait tenté de comprendre
quel aurait pu être la finalité de cette « attaque ». Quel
aurait été l’intérêt de Cuba d’envenimer les relations avec
son grand voisin, alors qu’elles venaient de se dégeler
après de longs efforts diplomatiques, en débouchant sur
l’assouplissement d’un embargo vieux de plus de
cinquante ans ?
8.5. « La guerre hybride de Poutine contre
l’Occident1333 »
Peu avant les élections européennes de 2019, France 24
diffuse un reportage tout d’abord intitulé Élections
européennes : quand la Russie s’en mêle1334, puis
rapidement changé en Élections européennes : et si la
Russie s’en mêle ?1335, mais avec le même contenu : la
Russie cherche à affaiblir l’Europe par une guerre
hybride1336. À l’appui de cette affirmation, France 24
nous sert une propagande digne des grandes heures de la
Pravda.
Toutes ces accusations semblent s’intégrer dans un
concept cohérent, décrit dans un article de 2013 intitulé
« La valeur de la science dans la prospective » et signé
par Valery Gherassimov, chef de l’État-major général
russe1337. Il esquisserait un concept de « guerre hybride »,
qui réunit la cyberguerre, le terrorisme, la guerre
clandestine, la guerre conventionnelle et, naturellement, la
guerre de l’information.
Le problème est que ce concept n’existe pas, et la Russie
ne l’a ni théorisé ni invoqué. C’est une invention
occidentale. En fait, Gherassimov analyse l’évolution
récente des conflits (notamment au Moyen- et Proche-
Orient) et en tire des leçons sur la manière de les intégrer
dans une réflexion militaire. C’est plus une approche
méthodologique qu’une description de la manière dont la
Russie aurait intégré ces leçons dans sa doctrine.
En 2014, lors de la crise ukrainienne, l’article sert de clé
de lecture aux « experts » occidentaux de tout poil, qui
brodent autour des événements afin de leur donner une
cohérence. On explique une guerre qu’on ne veut pas
comprendre avec une doctrine qui n’existe pas.
Dans le sillage de la propagande ukrainienne, les médias
traditionnels s’en donnent à cœur joie1338. L’Occident crée
ainsi artificiellement une « base doctrinale » russe, que
des médias, comme Le Temps1339 ou La Croix1340,
utilisent pour expliquer et condamner la Russie. Le
magazine Le Point va même plus loin en affirmant que la
doctrine est « validée par Vladimir Poutine » lui-
même1341.
Une légende urbaine, qui date de l’époque soviétique,
affirme que lorsque les Russes écrivent sur un sujet
militaire, c’est qu’ils l’ont mis en œuvre eux-mêmes.
C’est inexact. Déjà durant la guerre froide, la doctrine
militaire faisait l’objet de discussions dans les revues
spécialisées. Durant la guerre en Afghanistan, de
véritables forums de discussion existaient, permettant aux
officiers de terrain de faire valoir leur expérience
opérationnelle. Les techniques des forces spéciales
(« spetsnaz »), les méthodes de contre-terrorisme et de
contre-insurrection étaient ouvertement débattues dans la
presse spécialisée. Les concepts occidentaux étaient
commentés et disséqués ouvertement dans la littérature
spécialisée, bien avant de donner lieu à une intégration
dans la doctrine.
En fait, tout vient d’un article de Mark Galeotti,
spécialiste de la Russie, qui, le premier, commente
l’article russe pour définir la « Doctrine Gherassimov »,
censé illustrer la vision russe de la guerre hybride1342.
Mais en 2018, constatant les dégâts qu’il a
involontairement causés en « créant » la « doctrine
Gherassimov », il s’excuse dans le magazine Foreign
Policy :
J’ai été le premier à écrire sur la tristement célèbre
stratégie militaire de la Russie en matière de haute
technologie. Un petit problème : elle n’existe pas1343.
Il précise que l’analyse des révolutions arabes par
Gherassimov…
[…] n’était pas une « doctrine », au sens où l’entendent
les Russes, pour de futures aventures à l’étranger :
Gherassimov essayait de trouver un moyen de combattre,
et non de promouvoir, de tels soulèvements chez eux1344.
En octobre 2019, le New York Times « révèle »
l’existence de l’unité « secrète » 29155. Basée à l’est de
Moscou, elle aurait été découverte récemment par les
services occidentaux et serait responsable de mener la
« guerre hybride » en Europe : ses agents seraient
impliqués dans l’affaire Skripal, ou la tentative d’attentat
contre le président du Monténégro en 20171345. Ce n’est
pas tout : le GRU aurait établi une base en Haute-Savoie,
pas très loin du « nid d’espion » de Genève. Le quotidien
Le Temps, y voit une nouvelle menace pour la Suisse1346.
On est en pleine désinformation. Pourtant, cette unité
« très secrète » est bien connue sur Internet1347 : il s’agit
du 161e Centre de formation du Renseignement, connu
depuis plus de cinquante ans comme un centre de
perfectionnement tactique notamment sur les armes
légères étrangères1348.
L’expression « guerre hybride » est devenue un « fourre-
tout » dans lequel on mélange « pêle-mêle » toutes nos
perceptions. Même l’Otan, qui utilise ce terme à profusion
pour accuser la Russie, se pose la question de sa
nature1349. Les Occidentaux ont compris la crise
ukrainienne de la manière dont ils l’auraient conduite eux-
mêmes. C’est pourquoi leurs efforts pour aider les forces
ukrainiennes n’ont apporté aucun progrès substantiel sur
le terrain. Or, si vraiment les Russes s’étaient impliqués
opérationnellement dans le Donbass, comme on l’a
prétendu, la crise aurait probablement trouvé une solution
(bonne ou mauvaise) et n’aurait pas stagné comme elle le
fait depuis 2015.
Nous faisons avec la Russie exactement la même erreur
qu’avec le terrorisme djihadiste : nous attribuons à
l’adversaire une doctrine construite à partir de nos propres
perceptions, en assemblant des « faits » avec notre
logique. Il en résulte que nous ne parvenons pas à entrer
dans la logique réelle de l’adversaire et nous lui laissons
l’initiative. C’est pour cette raison que les Occidentaux
sont tenus en échec sur tous leurs théâtres d’opérations,
que les Israéliens ne parviennent pas à maîtriser un
terrorisme depuis plus de soixante ans, et que la France
craint le retour des djihadistes malgré la « défaite » de
l’État islamique. On ne peut pas vaincre un adversaire que
l’on ne veut pas connaître…
8.6. « Moscou avait tout intérêt à empoisonner
son ex-espion1350 »
En 2006, les photos du visage émacié d’Aleksander
Litvinenko, ex-agent du Service fédéral de Sécurité russe,
le FSB, faisaient la une des journaux britanniques.
Empoisonné au moyen de Polonium-210, un matériau
hautement radioactif, l’ex-espion meurt en quelques
semaines. La nature du poison avait alors suggéré une
intervention directe des services de renseignements russes,
et en particulier le FSB. Litvinenko ayant eu des liens
avec l’oligarque Boris Berezovski, opposant à Vladimir
Poutine, l’idée d’une élimination de la part du FSB a
enflammé les imaginations.
En 2018, l’empoisonnement de l’ex-agent russe Sergueï
Skripal déclenche une crise politique majeure entre le
Royaume-Uni et la Russie, entraînant dans son sillage
l’Otan et l’Union européenne, dans une controverse et une
désinformation peu commune depuis la guerre froide. Les
deux affaires mettent en évidence non seulement la
mauvaise foi des Occidentaux, mais également une
profonde méconnaissance des services de renseignement
russes et de leur fonctionnement.
Sergueï Skripal était colonel du GRU, le service de
renseignement militaire russe (équivalent de la Direction
du renseignement militaire – DRM – en France). En 1995,
il est recruté par le Secret Intelligence Service (SIS ou MI-
6) britannique, qui lui « achètera » des informations pour
un montant total de quelque 100 000 dollars. Grâce à du
« barium » (c’est-à-dire de fausses informations injectées
de manière délibérée), les Russes détectent la trahison et
Skripal est arrêté en décembre 2004, à Moscou.L’enquête
montrera qu’il a vendu aux Britanniques la liste des agents
du GRU opérant en Europe. Sa trahison est considérée
comme la plus grave depuis celle d’Oleg Penkovsky au
début des années 1960 : il est jugé en août 2006, et
condamné à treize ans de prison. Mais quatre ans plus
tard, le 9 juillet 2010, il est échangé avec trois autres
agents occidentaux à l’aéroport de Vienne, contre dix
individus accusés d’espionnage aux États-Unis1351. Il est
alors logé à Salisbury, dans la même ville que son ancien
officier traitant, Pablo Miller.
Le 4 mars 2018, à 16 h 15, après avoir déjeuné dans une
pizzeria et donné du pain à des canards dans un parc de la
ville, Skripal et sa fille Ioulia (arrivée la veille de Russie
pour une visite) sont pris de vertiges et s’affaissent sur un
banc. Ils sont secourus par le sergent Nick Bailey, qui
n’est alors pas en service et se trouve sur place. Les
Skripal et Bailey présentent des signes d’intoxication et
sont conduits à l’hôpital, d’où ils sortiront dans les
semaines suivantes. Selon les autorités britanniques ils
auraient été empoisonnés au moyen d’un neurotoxique –
appelé « Novichok – déposé sur la poignée de porte de
leur maison. Le Mirror1352 et le Daily Mail1353
affirmeront que trois enfants auraient été contaminés par
le couple et que des canards seraient morts.
Le 12 mars, alors que l’enquête vient juste de débuter,
Theresa May accuse directement la Russie devant le
Parlement. Deux jours plus tard, le gouvernement expulse
vingt-trois diplomates russes. Le 15, dans un communiqué
commun, la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et
les États-Unis condamnent la tentative d’assassinat et
exigent de la Russie toute la lumière sur cet incident1354.
Dans la foulée, l’Otan, à Bruxelles, déclare sept
diplomates de la représentation russe persona non grata.
Une vingtaine de pays occidentaux suivront le mouvement
et au total 153 diplomates russes seront expulsés.
L’Islande déclare qu’elle n’enverrait pas de représentant
officiel à la Coupe du monde de football en Russie1355. Le
Portugal et la Turquie, tous deux membres de l’Otan,
s’abstiennent de prendre des mesures contre la Russie en
l’absence de preuves plus convaincantes1356.
Aux États-Unis, Gina Haspel, alors vice-directrice de la
CIA, a une entrevue avec Donald Trump, et lui propose de
prendre des mesures fortes contre la Russie. Afin de le
convaincre, elle lui montre des photos (fournies par le
MI6) des trois enfants « empoisonnés » et des volatiles
morts1357. Le 26 mars, Trump suit ses recommandations et
expulse soixante diplomates russes – dont douze affectés
aux Nations unies – et ordonne la fermeture du consulat
russe de Seattle.
Le problème est qu’aucun canard n’est mort des suites
de cette affaire, et que les trois enfants examinés à
l’hôpital ne souffraient d’aucune intoxication et n’étaient
pas malades1358 ! Gina Haspel a ainsi menti à Trump.
L’article du New York Times est discrètement rectifié le
5 juin 2019, expliquant que la directrice de la CIA avait
simplement montré des photos « illustrant les
conséquences d’attaques d’agents neurotoxiques, mais qui
n’étaient pas spécifiques à l’attaque chimique en Grande-
Bretagne1359 ».
Au début juillet 2018, l’affaire rebondit avec l’annonce
de deux nouvelles victimes à Amesbury : Dawn Sturgess
(qui décédera) et Charlie Rowley, qui auraient été
intoxiquées avec le reste du poison, contenu dans un petit
flacon de parfum1360. Mais on ne sait rien du flacon entre
le 4 mars et le 27 juin, lorsqu’il est trouvé par Rowley. En
clair, on ne sait rien et on ne comprend rien. Ce qui
n’empêche pas le ministre de l’Intérieur, Sajio Javid
d’interpeller la Russie :
Il est maintenant temps que l’État russe se manifeste et
explique exactement ce qui s’est passé1361 !
En août 2018, deux touristes arrivés à Salisbury le
2 mars et retournés en Russie quelques jours plus tard sont
désignés par les autorités britanniques comme des agents
des services de renseignement russes et responsables de la
tentative d’assassinat.
Le discours occidental est déterminé, mais l’affaire est
très loin d’être claire, et un grand nombre de questions
restent sans réponse. Ainsi, l’officier traitant de Skripal,
Pablo Miller, est aussi l’associé de l’ex-agent Christopher
Steele (l’auteur du « dossier » compromettant sur Donald
Trump1362). Skripal a-t-il contribué à la constitution du
dossier en question1363 ? Toujours est-il que le 7 mars
2018, le gouvernement britannique émet une « DSMA-
Notice », une procédure qui enjoint aux medias de
maintenir le silence sur une affaire sensible1364. Elle a
pour objet « les personnels de renseignement associés au
cas Skripal1365 » : il s’agit d’empêcher la publication du
nom de « Pablo Miller »… Elle est suivie d’une seconde
DSMA-Notice, le 14 mars, qui assimile la publication de
l’identité des protagonistes à de la propagande russe1366.
8.6.1. La méthode
Avant même les conclusions d’une enquête, Theresa
May affirme qu’il n’y a « pas d’explication alternative
plausible » au fait qu’il « est hautement probable que la
Russie soit responsable »1367.
Mais déduire de la dangerosité d’un produit que seul
l’État russe en soit l’utilisateur est une profonde
malhonnêteté. Car on sait qu’en 1994-95, la mafia russe a
utilisé à six reprises au moins des produits chimiques ou
hautement radioactifs, tels que du césium-137 et du
cobalt-60, pour éliminer des individus1368. Quant au
« Novichok », aucun média traditionnel occidental n’a
relevé qu’il avait déjà été utilisé par la mafia russe pour
assassiner Ivan Kivelidi, un cadre de la Rosbusinessbank,
en 19951369. Le gouvernement russe avait engagé des
poursuites en 1994 déjà contre Leonid Rink, un ex-
employé du laboratoire soviétique qui avait travaillé sur le
Novichok, qui en avait détourné de petites quantités pour
les revendre à des membres de la mafia lettone1370. On a
délibérément écarté les hypothèses impliquant d’autres
acteurs, comme le crime organisé1371, bien que des liens
entre l’affaire Skripal et des activités de racket et de
blanchiment d’argent de la mafia russe aient été
détectés1372. Les organisations criminelles russes – très
actives au Royaume-Uni – mènent non seulement des
activités financières, mais également des règlements de
compte violents. Depuis le début des années 2000, on n’y
a observé pas moins de 14 meurtres inexpliqués de
citoyens russes1373.
L’empoisonnement très spectaculaire et médiatisé
d’Alexander Litvinenko en 2006, est souvent cité comme
référence. Cet ex-agent du FSB et spécialisé dans la lutte
contre le crime organisé avait été appelé par Boris
Berezovski pour lutter contre des factions mafieuses
russes qui le harcelaient à Londres. Bien que le rapport de
la commission d’enquête britannique (Rapport Owen)1374
pointe du doigt le gouvernement russe, il n’en apporte
aucune preuve et admet que ses conclusions sont
« circonstancielles » (c’est-à-dire, basées sur les
circonstances et non sur des faits)1375. Il juge « fortement
probable » l’implication du FSB1376 et « probable » son
approbation par Poutine1377. En clair, ce sont des
suppositions. Aujourd’hui, l’hypothèse la plus
vraisemblable – et plus cohérente – est celle d’un
« contrat » exécuté par une mafia1378.
8.6.2. Le rôle des services
En préalable, on constate que les « experts »
occidentaux, à part quelques expressions piochées dans la
presse, connaissent très mal la manière dont fonctionnent
les services de renseignement en général, et les russes en
particulier. Ainsi, le journaliste François Clémenceau
prétend qu’il y avait durant la guerre froide un « code non
écrit » entre services occidentaux et soviétiques pour
coopérer sur un certain nombre de dossiers, et épargner les
familles des agents lorsqu’il s’agissait de pratiquer des
éliminations1379. C’est de la pure fantaisie.
Aujourd’hui, l’action clandestine à l’étranger – telle
qu’une élimination – ne serait ni du ressort du FSB
(responsable de la sécurité intérieure) ni du GRU
(responsable du renseignement militaire), mais de la
Direction S du SVR (l’équivalent de la DGSE française)
qui dispose de réseaux clandestins à l’étranger. Le
problème est que le SVR est si discret que nos médias et
nos politiciens ne le connaissent pas… et accusent ceux
qu’ils connaissent.
Par ailleurs, si – comme le prétendent les services
britanniques – les Russes surveillaient le téléphone
d’Ioulia Skripal depuis plusieurs mois1380, on peut
s’étonner qu’ils aient attendu sa visite en Grande-Bretagne
pour tenter cet assassinat et compliquer ainsi inutilement
l’opération.
Quant aux « exécuteurs », on reste dans le domaine des
conjectures. En août 2018, les autorités britanniques
identifient deux Russes – arrivés en Grande-Bretagne le
2 mars, puis rentrés en Russie – et affirment qu’ils sont
des agents des services de renseignement russes et
pourraient être les auteurs de la tentative d’assassinat. Le
13 septembre 2018, les deux « agents » Alexander Petrov
et Ruslan Boshirov accordent une interview à la chaîne de
télévision russe RT. Malgré une apparence gauche, leurs
déclarations correspondent aux faits : selon la police
britannique, ils sont arrivés à Salisbury le 4 mars à 11 h 48
et n’auraient pas pu placer le poison avant midi. Or, on
sait que les Skripal ne sont pas revenus à leur domicile
après midi. Les caméras de surveillance – omniprésentes
en Grande-Bretagne – n’ont pas enregistré la présence des
deux « agents » à moins de 150 mètres de la maison des
Skripal. Bref, rien ne confirme qu’ils ont été impliqués
dans cette affaire.
Fondé par Eliot Higgins – ex-employé d’une
manufacture de lingerie féminine – le site Bellingcat est
spécialisé dans l’analyse de conflits à partir de
l’exploitation de sources ouvertes. Connu pour ses
positions pro-occidentales, il est fréquemment mandaté
par des gouvernements pour étayer ou légitimer des
positions officielles. Mais ses méthodes de travail n’ont
pas toute la rigueur qu’on lui prête. Le 26 septembre 2018,
il affirme que Ruslan Boshirov serait en fait le colonel
Anatoly Tchepiga des services de renseignements militaire
(GRU). Dans son « 20 heures » du 27 septembre, TF1
annonce que le site britannique a « formellement
identifié » Tchepiga, qui aurait servi dans les Spetsnaz (les
troupes d’élite russes) et aurait été décoré en 2004 pour
ses actions en Afghanistan. Mais c’est faux. En fait,
Bellingcat est arrivé à cette conclusion par une succession
d’approximations : on n’a pas cherché à savoir qui était
Boshirov, mais on a cherché un individu avec un profil
correspondant. Ainsi, Bellingcat a commencé par établir
le profil type d’un officier de renseignement militaire
russe, puis cherché un personnage qui puisse y
correspondre. Pour y arriver, on a choisi une unité
militaire dans laquelle on pensait qu’un tel agent aurait pu
être formé, puis on a cherché dans les médias (articles de
presse, documents d’archives et autres) des mentions
concernant des individus correspondant au profil établi, ce
qui a conduit à Tchepiga1381. En réalité, Bellingcat précise
que sa recherche a donné plusieurs candidats possibles et
que l’identité de Tchepiga n’est pas certaine, TF1 ment
donc en affirmant qu’il y a une identification formelle.
8.6.3. Les antécédents
On évoque souvent l’élimination de Georgi Markov, le
11 septembre 1978 à Londres pour expliquer celle de
Skripal par la Russie. Mais là aussi, nous sommes dans
l’approximation. Tout d’abord, contrairement à ce
qu’affirment certains « spécialistes », elle aurait été
exécutée par les services de sécurité bulgares, et non par
le KGB soviétique.
Ensuite, il est important de relever à ce stade que,
contrairement à ce que laisse penser le cinéma, les
services secrets ne se vengent pas : le risque politique
d’une opération de vengeance est tel que son bénéfice est
souvent nul. Ainsi, depuis le début de la guerre froide, on
compte plus d’une soixantaine d’agents des services
soviétiques ou russes, qui sont « passés » à l’Ouest.
Certains ont même été très médiatisés comme Oleg
Kalugin1382, Vladimir Rezun1383, Oleg Gordievsky1384 ou
Vassili Mitrokhin1385, et ont fourni des informations sans
doute encore plus précieuses que celles de Skripal aux
services occidentaux. Pourtant, ils n’ont pas été éliminés.
On cite aussi volontiers l’exemple d’Oleg Penkovsky, un
colonel du GRU qui avait fourni aux services occidentaux
des dossiers sur les procédures d’engagement nucléaire au
début des années 1960. Des informations qui s’avéreront
particulièrement utiles dans le dénouement de la crise des
missiles de Cuba, en octobre 1962. Démasqué et arrêté, il
est jugé et condamné à mort. Selon une légende – qui n’a
jamais été confirmée – il aurait été brûlé vif, afin que sa
mort serve d’exemple. Quoi qu’il en soit, il a été
« éliminé » en URSS même, en application d’un
jugement, et non par des tueurs, à l’étranger.
À l’exception des services israéliens, qui ont fait de la
vengeance un point de doctrine contre le terrorisme, les
services ne prennent un tel risque que pour éliminer des
menaces directes et immédiates. C’était le cas de Stepan
Bandera1386, chef de l’Armée insurgée ukrainienne (UPA),
une organisation clandestine pronazie, créée durant la
Seconde Guerre mondiale pour lutter contre les
Soviétiques. Jusqu’au début des années 1960, elle a mené
des opérations de guérilla en Ukraine avec le soutien
politique et matériel des États-Unis, de la Grande-
Bretagne et de la France. Le 15 octobre 1959, Bandera est
éliminé par le KGB, au lendemain d’une réunion de
coordination avec le service secret allemand (BND), qui
avait pour objet une intensification des opérations
clandestines en Ukraine.
Dans tous les cas, les « éliminations » ont été menées de
manière discrète. Dans l’affaire Bandera, on ne connaît la
nature de l’arme que parce que le tueur, Bogdan
Stashinsky, est « passé » à l’ouest juste après son crime.
Quant à l’assassinat de Georgi Markov, on ne sait toujours
pas comment il a été tué : le « parapluie bulgare » n’a
jamais été retrouvé. Ce n’est donc qu’une hypothèse,
probable, mais jamais confirmée, basée sur les dires d’un
ex-agent du KGB, qui a prétendu qu’une telle arme aurait
existé. Mais en fait, on n’en sait rien.
8.6.4. L’objectif
La première question qui vient à l’esprit est : « Dans
quel but ? » L’emploi d’un poison qui identifie
immédiatement la Russie donne automatiquement une
dimension politique au crime. Pourtant, ni le discours
officiel britannique, ni les gouvernements occidentaux, ni
les médias traditionnels, qui leur servent de caisse de
résonance, n’ont été capables de fournir une réponse
cohérente ou d’avancer de raison plausible. Dans son
rapport annuel sur la sécurité de la Suisse, le service de
renseignement stratégique suisse (SRC), affirme :
Le régime russe a ainsi voulu signaliser que l’Occident et
les traîtres devaient se méfier. La campagne russe de
désinformation qui a suivi s’est inspirée du modèle existant
d’opérations d’influence similaires, visant à semer la
zizanie entre les membres de l’UE, à influer négativement
sur les relations entre l’Europe et les États-Unis ainsi qu’à
répandre globalement l’insécurité, la peur et la
méfiance1387.
C’est évidemment faux : on répète servilement le
discours officiel britannique. La Première ministre
Theresa May affirme que Vladimir Poutine tenterait ainsi
de « diviser l’Europe 1388 » ; une explication reprise par
Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’Otan1389. Tout
d’abord, on ne voit pas vraiment par quel mécanisme le
fait d’éliminer un ex-agent russe pourrait « diviser
l’Europe » et a fortiori les « relations entre l’UE et les
États-Unis ». Mais en admettant que cela soit vrai, quel en
serait le but ? Avec une crise ukrainienne pas encore
résorbée, le dossier syrien encore ouvert et des sanctions
qui s’accumulent, la stratégie du président russe défierait
la logique. Or, tout montre qu’il est remarquablement
rationnel dans ses décisions. L’Europe est déjà divisée sur
de nombreux sujets, dont la Russie. Le meilleur moyen de
l’unifier serait de lui donner un ennemi commun. Le
référendum sur le Brexit – décidé par David Cameron – a
certainement contribué beaucoup plus sûrement à la
division de l’Europe !
D’ailleurs, en juin 2018, Poutine en visite officielle en
Autriche déclare :
Nous avons intérêt à ce que l’UE soit unie et prospère,
car l’UE est notre plus important partenaire commercial et
économique. Et plus il y a de problèmes au sein de l’UE,
plus les risques et les incertitudes sont grands pour nous.
Au contraire, nous devons développer la coopération avec
l’UE. (…) Nous ne poursuivons pas l’objectif de diviser
quoi que ce soit ou qui que ce soit dans l’UE1390.
L’hypothèse d’une « punition » ou « vengeance » du
gouvernement russe est douteuse. Premièrement, si sa
trahison avait été jugée si grave, il aurait été condamné à
mort, comme Oleg Penkovsky. Ce type de procès se
déroule généralement à huis clos et à l’écart des médias en
raison de sa confidentialité ; cela aurait donc été plus
facile, surtout si la justice est « réputée pour être au
service du Kremlin », comme le prétend le journal belge
Le Soir1391. Deuxièmement, les Russes auraient pu
l’éliminer discrètement durant sa détention entre 2004
et 2010 : personne n’aurait remarqué la disparition d’un
espion de deuxième zone. Troisièmement, si les Russes
ont choisi de le relâcher en 2010, on peut raisonnablement
supposer qu’il ne constituait plus une menace pour eux et
on ne voit pas vraiment pour quelle raison ils auraient
attendu huit ans supplémentaires pour l’éliminer
définitivement.
En fait, nos jugements sont fondés sur des préjugés et
nous créons des cohérences factices. Après la crise
ukrainienne, on a promu l’idée que Vladimir poutine était
prêt à prendre tous les risques pour satisfaire ses lubies.
Dès lors, l’assassinat d’un ex-agent au Royaume-Uni
devient assez cohérent. Pourtant, dans ses discours,
interviews et autres apparitions publiques, Vladimir
Poutine apparaît considérablement plus mesuré et plus
cohérent que les dirigeants occidentaux, qui ont créé le
chaos au Proche- et Moyen-Orient, en Libye et dans le
Sahel, en détournant le droit international qu’ils
prétendent défendre…
8.6.5. La nature et l’origine du poison
Les accusations occidentales se fondent sur la nature et
l’origine supposée du poison. Dans l’émission « C dans
l’air » du 2 juin 2018, le journaliste Jean-Dominique
Merchet affirme que le poison qui aurait été administré à
Skripal, le « Novichok », est d’origine russe et que la
seule question est de savoir à quel niveau politique son
usage sur le sol britannique a été décidé1392. C’est faux,
mais il a des excuses car le gouvernement britannique a
tout fait pour induire la communauté internationale en
erreur.
Le « Novichok » (« Novice ») serait le surnom donné à
une gamme de toxiques chimiques élaborés à titre
expérimental en URSS durant les années 1970-1980 sous
le nom de code générique FOLIANT, dont les principaux
sont : Substance-33, A-230, A-232, A-234, A-242 et A-
2621393. L’existence même d’un programme de
développement du « Novichok » est cependant contestée
par la Russie1394 et par certains experts occidentaux1395 :
en fait, on joue sur les mots et sur une confusion avec le
développement d’une autre catégorie de toxiques désignée
« GV ». Sans entrer dans ce débat très technique, nous
utiliserons ici le terme « Novichok » tel qu’il est compris
en Occident.
Le « Novichok » a été développé dans les années 1970-
1980 par les laboratoires de Chikhany (Russie) et celui de
Noukous (aujourd’hui en Ouzbékistan) afin d’être produit
au Laboratoire de Pavlodar (aujourd’hui au Kazakhstan).
Mais en 1987, ces installations sont converties pour la
production d’agents chimiques à usage civil. En
décembre 1991, le Kazakhstan proclame son
indépendance et le site de Pavlodar est démantelé sous la
supervision des États-Unis. Tous les sites concernés de
près ou de loin par le développement, les essais ou la
production du Novichok ont été démantelés. Selon les
journaux allemands Süddeutsche Zeitung et Die Zeit, au
début des années 1990, le service de renseignement
allemand, le BND, est parvenu à obtenir des échantillons
de « Novichok » et à les faire analyser dans plusieurs pays
de l’Otan1396, parmi lesquels l’Allemagne1397, les États-
Unis, la Grande-Bretagne et la Tchécoslovaquie, à des fins
de recherche et d’élaboration d’antidotes. En outre, selon
Nikolaï Kovalev, ancien directeur au FSB et député à la
Douma, du Novichok aurait été stocké en Ukraine1398. On
sait, par ailleurs, qu’il a été synthétisé vers 1998 déjà par
le laboratoire d’armes chimiques américain
d’Edgewood1399 et que sa formule chimique a été rendue
publique en 2009 aux États-Unis par Vil Mirzayanov, un
des concepteurs du produit1400. Dès lors, l’attribution
catégorique du Novichok à la Russie est discutable.
D’ailleurs, le laboratoire de Porton Down, responsable
de la recherche sur les armes chimiques en Grande-
Bretagne et qui a fait l’analyse des échantillons recueillis
par la police, a été capable d’identifier la substance, mais
s’est déclaré incapable de dire qui l’a produite et qui l’a
utilisée.
Cela n’empêche pas Boris Johnson, alors ministre des
Affaires étrangères, le 20 mars 2018, de mentir en
prétendant que Gary Aitkenhead, directeur de Porton
Down, lui avait affirmé que la substance provenait de
Russie. Les propos du ministre sont relayés par un tweet
posté par le Foreign Office deux jours plus tard. Mais le
4 avril 2018, Aitkenhead précisera qu’en raison de son
mandat et de ses capacités, le laboratoire ne pouvait
qu’identifier la composition du produit, mais pas d’en
déterminer la provenance ni la source ou l’endroit où il a
été fabriqué1401. Juste après cette interview, le tweet du
Foreign Office sera subrepticement effacé1402.
Le 22 mars, l’ambassadeur britannique en Russie
organise une présentation à l’intention de la communauté
diplomatique à Moscou au cours de laquelle il déclare :
… il ne fait aucun doute que l’arme utilisée dans
l’attaque était un agent neurotoxique de qualité militaire
de la série Novichok. Cela a été confirmé par des
spécialistes, nos spécialistes. Une mission de
l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques est
actuellement au Royaume-Uni pour confirmer cette
analyse de manière indépendante.
Il ne fait également aucun doute que le Novichok a été
fabriqué en Russie par l’État russe1403.
Mais la transcription officielle, sur le site des Affaires
étrangères britannique, sera légèrement modifiée en :
Il ne fait également aucun doute que du Novichok a été
fabriqué en Russie par l’État russe1404.
…même s’il est précisé « transcription du discours,
exactement tel qu’il a été prononcé »(!) Par ailleurs,
formellement, c’est l’Union soviétique et non la Russie
qui avait développé le « Novichok ».
Le 16 mars, sur son blog, l’ex-ambassadeur britannique
Craig Murray affirme que le gouvernement a tenté de faire
pression sur le directeur de Porton Down pour qu’il
confirme l’origine russe du toxique. Mais Gary
Aitkenhead n’a accepté qu’une formulation de
compromis, qui évoque un toxique « d’un type développé
par la Russie », et exclut les termes « produit » ou
« fabriqué », tout en restant ambiguë1405. C’est
l’expression que Teresa May utilise le 12 mars 2018
devant le Parlement, désignant la Russie comme un
coupable « hautement probable » :
Il est maintenant clair que M. Skripal et sa fille ont été
empoisonnés avec un agent neurotoxique de niveau
militaire d’un type développé par la Russie1406.
Ces mêmes mots seront utilisés dans un communiqué
commun des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de
l’Allemagne et de la France, publié le 15 mars pour
condamner l’action de la Russie, une heure avant
l’adoption de nouvelles sanctions :
Cette utilisation d’un agent neurotoxique de niveau
militaire, d’un type développé par la Russie, constitue la
première utilisation offensive d’un agent neurotoxique en
Europe depuis la Seconde Guerre mondiale1407.
Le 22 mars 2018, une requête est soumise à la justice
britannique pour une décision – qui sera approuvée – afin
de déterminer si l’OIAC pouvait être autorisée à obtenir
des échantillons de sang de Sergei Skripal et de sa fille
afin d’identifier l’agent chimique utilisé. Dans son
jugement, le juge déclare :
Des échantillons de sang de Sergei Skripal et Ioulia
Skripal ont été analysés et les résultats ont indiqué une
exposition à un agent neurotoxique ou à un composé
apparenté. Les échantillons ont été testés positifs pour la
présence d’un agent neurotoxique de la classe Novichok ou
d’un agent étroitement apparenté1408.
Les expressions « composé apparenté » et « agent
apparenté » laissent supposer qu’un doute subsiste quant à
la nature même du poison. D’ailleurs, en avril 2018,
Ahmet Üzümcü, directeur de l’OIAC, confirme que le
« Novichok » pourrait être « produit dans n’importe quel
pays disposant d’une certaine expertise en chimie1409 ».
Pour compliquer les choses, le laboratoire de Spiez en
Suisse, auquel l’Organisation pour l’interdiction des
armes chimiques (OIAC) a confié des échantillons fournis
par la Grande-Bretagne, conclut que le toxique utilisé était
du « 3-Quinuclidinyl benzilate ». Mieux connu sous la
désignation BZ, il s’agit d’un toxique fabriqué en Grande-
Bretagne et aux États-Unis et stocké par certains pays de
l’Otan1410 ! Mais cette conclusion n’est pas reprise dans le
rapport final de l’OIAC… Le ministre des Affaires
étrangères Lavrov s’en inquiète et accuse l’OIAC de
manipulation1411. Mais il y a une explication : il ne
s’agirait que de précurseurs du BZ utilisés comme
« échantillons témoins » dans le protocole d’analyse1412.
En fait, c’est la fuite d’une information partielle qui a
induit la Russie en erreur. Pris à parti sur Twitter, le
laboratoire de Spiez se défend avec une ellipse :
[…] Mais nous pouvons répéter ce que nous avions
déclaré il y a dix jours : nous ne doutons pas que Porton
Down a identifié du Novichok. PD [NdA : Porton Down]
- comme Spiez - est un laboratoire désigné de l’OIAC. Les
normes de vérification sont tellement rigides que l’on peut
faire confiance aux résultats1413.
Ainsi, se retranchant derrière les règles de procédures de
l’OIAC, le laboratoire de Spiez ne confirme ni n’infirme
les affirmations de la Russie, sans apporter de précisions
sur la nature de ses constatations. De plus, sa formulation
sibylline laisse entendre que le produit identifié par Porton
Down n’est pas le même que celui qui aurait été utilisé
contre Skripal.
La toxicité du Novichok serait entre cinq et huit fois
supérieure à celle du VX, dont la dose létale par voie
cutanée est de 10 mg1414. Selon Nikolaï Volodine, un des
ingénieurs qui a travaillé à la conception du Novichok,
une exposition à des doses infimes amène la mort de
manière instantanée1415. Vil Mirzayanov affirme qu’il n’y
a pas de traitement connu au Novichok1416.
Pourtant, les Skripal sont restés entre plusieurs heures
(dans l’hypothèse où ils auraient été intoxiqués à leur
domicile) à une demi-heure (s’ils ont été touchés à la
pizzeria) sans symptômes et les trois personnes
contaminées ce jour-là sont toutes tirées d’affaire. Le
sergent Nick Bailey, qui était sur place mais n’a pas eu de
contact direct avec les deux Russes1417, semble avoir été
intoxiqué lui aussi. Le médecin qui a traité Ioulia Skripal à
l’hôpital durant une demi-heure environ, n’a absolument
pas été affecté par le toxique et prétend qu’il n’y avait pas
de neurotoxique sur le corps de Skripal1418. Par ailleurs,
alors que leTimes du 14 mars affirme que l’affaire Skripal
a « laissé 40 individus nécessitant un traitement »1419, le
16 mars, un consultant en médecine d’urgence du
National Health Service affirme dans un courrier de
lecteurs qu’« aucun patient n’a présenté de symptôme
d’empoisonnement aux neurotoxiques à Salisbury et qu’il
n’y a eu que trois cas d’empoisonnement sérieux1420 ».
Par ailleurs, le premier rapport établi à l’hôpital après
l’admission des victimes faisait état d’une intoxication au
Fentanyl, comme le rapporte Radio Free Europe/Radio
Liberty en septembre 2018, sans mentionner le
« Novichok » 1421. Le Salisbury Journal du 5 mars, lui
aussi, mentionne une intoxication possible au
Fentanyl1422.
Finalement, le 12 avril 2018, l’OIAC publie ses
conclusions, basées sur les prélèvements faits sur place et
les échantillons qui lui ont été soumis. La version
publique du document ne mentionne pas de
« neurotoxique », mais seulement un « toxique
chimique ». Elle précise que l’échantillon analysé par
l’OIAC serait d’une « grande pureté » en « l’absence
presque complète d’impuretés1423 ». Dans ce domaine, les
impuretés sont comme des « empreintes digitales » qui
permettent d’identifier l’origine d’un produit. Or, les
Novichoks sont très instables, et le fait qu’un échantillon
reste « pur » après avoir séjourné plusieurs jours sur une
poignée de porte ou dans le sang des victimes avant d’être
analysé est presque impossible. Une absence d’impureté
pourrait signifier que les échantillons viennent
directement d’un laboratoire et non de prélèvements.
Le silence des autorités britanniques et occidentales sur
cette question suggère que l’analyse n’a pas pu confirmer
la culpabilité de la Russie. Mais factuellement, on n’en
sait rien.
Selon certains experts, la seule explication plausible à
ces apparentes incohérences serait que Skripal et sa fille
aient été victimes d’une intoxication alimentaire, avec des
fruits de mer dans la pizzeria où ils ont déjeuné. Les
symptômes décrits dans la presse s’apparentent à ceux
d’une intoxication par la phycotoxine paralysante (IPP),
également connue sous le terme de saxitoxine (STX)
produite par des micro-organismes marins1424. Cette
hypothèse pourrait expliquer la formule sibylline du
laboratoire de Spiez, qui suggère que la substance
analysée par Porton Down n’est pas la même que celle qui
a intoxiqué le couple. Elle expliquerait aussi l’intoxication
du sergent Bailey, qui était dans les environs de la
pizzeria, sans être en service au moment de l’incident,
mais dont l’emploi du temps n’a pas été confirmé par le
gouvernement britannique.
8.6.6. Conclusions pour l’affaire Skripal
Lors de l’émission de « C dans l’air » du 16 mars 2018,
sur France 5, les « experts » n’émettent aucun doute sur
une implication directe de Vladimir Poutine1425. Pourtant,
l’accusation britannique n’est que circonstancielle. Elle ne
s’appuie pas sur des faits, mais sur des potentialités et des
hypothèses, comme l’expliquait Theresa May elle-même,
le 14 mars 2018 :
Sur la base de [sa] capacité, associée à son passé
d’assassinats commandités par l’État – y compris contre
d’ex-officiers de renseignement qu’ils considèrent comme
des cibles légitimes – le gouvernement britannique a
conclu qu’il était très probable que la Russie soit
responsable de cet acte irresponsable et abject1426.
C’est un schéma qui suit exactement celui des théories
complotistes : on assemble des éléments en fonction de
préjugés et non de faits. En combinant les mêmes
éléments de manière différente, on pourrait tout aussi bien
accuser la Grande-Bretagne du même crime. Ce que
certains ont fait…
Theresa May a immédiatement dramatisé l’incident et
invoqué la solidarité des pays de l’Otan, alors même
qu’on n’en connaissait pas encore tous les détails. En le
considérant comme une « attaque chimique » contre la
Grande-Bretagne, et pas seulement comme un
empoisonnement, on l’a délibérément placé dans le
registre supérieur d’un conflit international.
Mais ici aussi, les Occidentaux ne sont pas cohérents.
On invoque la Convention sur l’interdiction des armes
chimiques (CIAC), mais on n’applique pas ses procédures
pour le règlement des litiges : en cas de « situation qui
serait jugée ambiguë ou qui suscite une préoccupation
quant au non-respect éventuel », l’État à qui on demande
un éclaircissement a dix jours pour y répondre1427. Mais
ici, la Grande-Bretagne n’a donné que 24 heures à la
Russie1428. Par ailleurs, elle a refusé de fournir des détails
sur l’incident, ainsi que des échantillons de poison et
sanguins demandés par la Russie afin de prendre
position1429. Un peu comme si l’on craignait une vérité
différente.
La Grande-Bretagne a ainsi appliqué une stratégie de la
tension, qui pourrait suggérer un syndrome « Wag the
Dog », visant à créer l’union nationale et une solidarité
internationale autour d’une « attaque extérieure ». Ce qui
ne signifie pas nécessairement que le gouvernement
britannique ait empoisonné les Skripal, mais qu’il aurait
opportunément exploité l’incident à des fins politiciennes.
Certains évoquent l’exemple de l’opération HADES,
organisée par le Bundesnachrichtendienst (BND)
allemand en 1994, visant à faire croire que la Russie était
compromise dans un trafic de plutonium, afin d’inciter le
Bundestag à lui accorder plus de moyens1430. Outre une
condamnation internationale, la Russie a alors été poussée
à durcir la sécurité de ses dépôts nucléaires avec l’aide des
États-Unis.
Ainsi, contrairement à ce qu’affirment les Britanniques,
il y a des alternatives plausibles à leurs accusations. Le
problème est qu’on évite systématiquement le « doute
raisonnable ». Le champ des doutes est si vaste, que seule
la mauvaise foi donne des certitudes. Comme pour
l’Afghanistan, l’Irak, la Libye ou la Syrie, nos États dits
« de droit » se satisfont de vagues présomptions pour
s’engager dans des conflits dont ils ne connaissent pas
l’issue. Ils sont soutenus par des médias traditionnels et
étatiques (comme France 24, France 5, BFM TV, etc.) qui
sont totalement alignés sur les versions officielles, sans
aucun esprit critique par rapport à des informations très
lacunaires.
En 2016, le contexte géostratégique est tendu : la crise
ukrainienne s’éternise, les Occidentaux perdent pied au
Moyen-Orient, le gouvernement britannique est dépassé
par le Brexit, les mouvements sociaux commencent à
ébranler la présidence de Macron, l’Otan doute des
relations transatlantiques et l’esprit européen se craquelle
sous la pression de l’immigration. Il est difficile de ne pas
voir dans la précipitation de la réponse occidentale – alors
qu’on ne sait même pas quelle est la nature exacte du
poison – une tentative de distraire les opinions publiques
de leurs problèmes nationaux.
8.7. La Russie accusée d’avoir payé des talibans
pour tuer des soldats américains1431
Le 26 mai 2020, Donald Trump affirme son intention de
remplir sa promesse de campagne de retirer les troupes
américaines d’Afghanistan1432. Joe Biden, son concurrent
démocrate à la présidentielle1433, et un petit groupe de
Républicains (Lincoln Project1434) sont opposés à ce
retrait et accusent le président d’être à la solde de Poutine.
Le 26 juin 2020, le New York Times et le Washington Post
affirment que la Russie paie des primes aux Taliban pour
tuer des Américains1435. La Maison Blanche est ainsi
contrainte de faire marche arrière1436…
Pourtant, l’histoire est loin d’être démontrée : Vladimir
Poutine tenterait ainsi de payer les Taliban pour ce qu’ils
font depuis vingt ans, dans le but de freiner le départ des
Américains, que toute la région (y compris la Rusie)
souhaite ? En fait, le général Frank McKenzie, chef de
l’US Central Command n’y croit pas, et n’a pas même
pris de mesures de protection supplémentaires1437. Une
semaine plus tard, le National Intelligence Council (NIC)
publie un rapport mettant en doute les affirmations des
deux journaux : la CIA et le National Counterterrorism
Center (NCC) n’ont qu’une confiance modérée dans
l’information, alors que la National Security Agency
(NSA) n’a qu’une faible confiance1438.
En réalité, les seules personnes inculpées pour aider les
Taliban à mener des opérations contre les forces
américaines ont été… des Américains, en décembre
20191439.
8.8. Conclusions sur la Russie
Les accusations portées contre Poutine restent
systématiquement vagues et dépourvues de substance.
Comme souvent, on se limite à des sous-entendus, à des
rumeurs, mais on n’apporte jamais de faits. Ainsi, en
juin 2017, la diffusion sur France 3 du documentaire
d’Oliver Stone sur Poutine, déclenche l’ire du journaliste
Vincent Jauvert, qui juge le film « scandaleux » et
dénonce les « multiples mensonges » qu’il contient. Il
n’apporte cependant aucun élément factuel qui atteste
d’un mensonge ou permettrait de rétablir la vérité1440.
En fait, on imagine volontiers que la tradition
démocratique russe est plus rustique qu’en Suisse, par
exemple. Mais cela ne suffit pas à définir une dictature,
comme on s’efforce d’en donner l’image. En 2019, avant
les élections à la Douma de Moscou, où 20 000-50 000
manifestants demandant des « élections libres » attirent
l’attention des médias français. Avec des titres comme 27
candidats ont été exclus (Le Figaro) ou Les autorités
excluent des candidats d’opposition (Le Monde) on
suggère que la validation des candidatures est
discrétionnaire1441. La BBC affirme que les candidats ont
été « ignorés » et « traités comme s’ils étaient
insignifiants1442 ». C’est simplement faux. En fait, il s’agit
d’un problème de validation des candidatures : comme en
France pour la présidentielle, les candidats doivent avoir
un certain nombre de signatures pour participer. À la
différence de la France où le candidat doit avoir les
signatures de 500 élus, un candidat russe hors parti parti
doit avoir celles de 5 000 simples citoyens ; ce qui ne
semble pas surhumain dans une ville de 12 millions
d’habitants. Naturellement, ces signatures sont vérifiées
par une commission électorale afin d’éviter les fraudes, et
malgré une tolérance de 10 %, certains candidats n’ont pas
atteint le nombre voulu. Ceux qui ont manifesté à Moscou
étaient de tendances multiples, allant de l’extrême-droite à
l’extrême-gauche, dont certains n’ont pas même cherché à
recueillir les signatures…
Lors de sa rencontre avec Emmanuel Macron au Fort de
Brégançon en août 2019, interrogé sur ces manifestations,
Poutine répond à la presse :
Ce n’est pas qu’en Russie qu’il y a des événements de ce
type. Ce n’est pas très commode de le dire, je suis invité
ici, mais vous saviez qu’il y a eu les manifestations des
Gilets jaunes et d’après nos calculs, je crois qu’il y a près
de 11 personnes qui sont mortes, il y a plus de 2000
personnes qui ont été blessées. Il y a notamment des
policiers qui ont été blessés. Nous ne voudrions pas1443…
[…]
Cette version sera reprise en Belgique. Mais en France,
sur LCI, la traduction devient :
Ça ne se passe pas qu’en Russie. Je suis invité par le
président français et je suis mal à l’aise en le disant, mais
vous savez tous que pendant les manifestations des Gilets
jaunes vous avez eu plusieurs dizaines de personnes qui
ont été blessées. Il y avait des policiers qui ont été blessés.
On ne veut pas1444… […]
…et sur RMC :
Ce genre de situation ne se passe pas qu’en Russie. Nous
savons ce qui s’est passé pendant les manifestations des
Gilets jaunes. On ne veut pas1445… […]
En clair, on a stigmatisé la Russie pour 3 000
interpellations lors de manifestations dont certaines
n’étaient pas autorisées, alors qu’en France les actes des
« Gilets jaunes » sont effacés des médias traditionnels
depuis mai 2019 : on évite de jeter trop de lumière sur les
11 morts, plus de 4 000 blessés (dont 24 éborgnés) et plus
de 12 000 interpellations1446…
La « menace russe » est devenue un véritable outil de
manipulation : elle permet de distraire l’opinion publique
des errements de la politique intérieure, de crédibiliser le
soutien occidental au profit des islamistes contre le
gouvernement syrien, de justifier un accroissement des
budgets de la défense et de décrédibiliser une
opposition1447…
En février 2020, on suggère que la Russie (et donc,
Vladimir poutine) est impliquée dans la diffusion de la
vidéo « intime » de Benjamin Griveaux1448 ! Dans quel
but ? Pas de réponse. À quelle fin la Russie, en délicatesse
avec l’Europe, prendrait le risque de s’impliquer dans
l’élection d’une mairie (même celle de Paris), pour nuire à
un candidat dont la campagne électorale est navrante
depuis son début1449 et « vouée à l’échec1450 » ? Avec des
« on dit que… », un journaliste de LCI suggère même que
Piotr Pavlensky – l’auteur de la fuite – bénéficiait d’une
« forme de complaisance » de part de la police russe et
serait un « personnage qui pratique une duplicité1451… »
Pourtant, Cédric O, secrétaire d’État au Numérique,
affirme ne disposer d’ « aucune information qui laisse
penser qu’il pourrait y avoir autre chose qu’un
agissement personnel » et qu’il n’a « aucune preuve ni
aucun indice qui nous laisse penser que la Russie soit
impliquée1452 ». Donc : rien. Susan Rice, ambassadrice
des États-Unis à l’ONU, affirme même que la Russie est à
l’origine des manifestations après le meurtre de Georges
Floyd, en juin 20201453 ! Entre contradictions et
mensonges, les mythes que l’on crée autour de la Russie
répondent exactement à la définition du complotisme et ne
sont qu’un moyen de masquer l’incompétence de
dirigeants occidentaux sans honneur et sans dignité.

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Kingdom Of Great Britain And Northern Ireland (Technical Assistance Visit
TAV/02/18), OPCW Technical Secretariat, (S/1612/2018), 12 avril 2018
1424. NdA : La STX est un neurotoxique, que les États-Unis avaient tenté de
militariser dans les années soixante, pour des opérations spéciales. Lors de son
enquête sur les activités clandestines de la CIA en 1975, la Commission Church
avait découvert que l’Agence en conservait un stock. (Nous ne suggérons pas ici
que la CIA serait impliquée dans le cas Skripal !!)
1425. Émission « C dans l’air », « Poutine : seul contre tous ? #cdanslair
16.03.2018 », YouTube/France 5, 16 mars 2018 (16’00’’)
1426. Theresa May, 14 mars 2018 (Citée dans la présentation faite à l’ambassade de
Grande-Bretagne de Moscou au corps diplomatique, le 22 mars 2018)
1427. Article IX – Consultations, Coopération et Etablissement des faits
1428. Joe Watts, “Russian spy attack : Vladimir Putin has 24 hours to explain how
deadly nerve agent was used on UK soil, says Theresa May”, The Independent,
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1429. Chris Harris, « Russia has ‘no right’to see nerve agent samples », euronews,
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1445. « La passe d’armes tendue entre Poutine et Macron sur les «gilets jaunes» »,
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Point, 17 février 2020
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evidence for her bizarre claim », The American Conservative, 1er juin 2020
9. LA CRISE UKRAINIENNE
9.1. Le contexte
L’étymologie controversée du nom « Ukraine »,
expliquée tantôt comme un pays périphérique, tantôt
comme le berceau de la culture russe, en reflète la
complexité. Située aux confins de la Pologne, de l’Empire
ottoman et de la Russie, sa capitale a dominé la « Rous de
Kiev » (ou « Russie kiévienne ») qui donnera naissance à
la Russie, avec laquelle elle partage son destin. L’Ukraine
n’apparaît comme État qu’après la Première Guerre
mondiale, juste avant d’être incorporée à l’Union
soviétique. Ce n’est qu’en 1991, après la chute du
communisme, qu’elle devient un pays réellement
indépendant.
Un événement marquant de son histoire est la famine qui
l’a touchée en 1932-1933 et qui a marqué la conscience
collective ukrainienne. Appelée « holodomor »
(« holod » : faim ; « mor » : peste), elle aurait fait entre
4 millions et 7 millions de morts et est considérée en
Ukraine comme un génocide, souvent comparé à
l’« holocauste » juif. Malgré sa magnitude, qui en fait
peut-être le plus grand massacre de l’Histoire, il reste
largement ignoré en Occident et son caractère de
« génocide » est contesté. Quelle qu’ait été la réalité, la
surreprésentation des juifs dans la direction du parti
communiste et dans les cadres du NKVD1454 a laissé au
sein de la population ukrainienne le sentiment qu’ils
avaient orchestré l’Holodomor. Il en restera une haine
profonde à la fois contre le pouvoir de Moscou et contre
les juifs, qui alimentera le nationalisme ukrainien jusqu’à
nos jours1455.
Il n’est donc guère surprenant de constater que les
nationalistes ukrainiens (comme dans d’autres pays
d’Europe orientale) ont gardé une certaine sympathie pour
l’Allemagne, qui les avait aidés à lutter contre le régime
des Soviets. Si on y ajoute la libération de Kharkov contre
l’Armée rouge par la 2e Division Panzer SS « Das Reich »
en 1943, on a les principaux ingrédients d’une quasi-
vénération de l’extrême-droite ukrainienne pour le
IIIe Reich. Ainsi, à côté des quelque 500 000 Ukrainiens
qui ont rejoint les partisans contre l’occupation allemande,
les nationalistes, dont la faction la plus importante est
conduite par Stepan Bandera, profiteront de la présence
allemande pour mettre en place une résistance anti-
communiste qui continuera à opérer jusqu’au début des
années 1960, avec l’aide de l’Otan.
Ce passé – ou sa perception – explique la reprise de la
rune du « Wolfsangel », qui était le symbole de la Division
« Das Reich », par le bataillon d’élite ukrainien
AZOV1456, créé en mai 2014, et coupable de nombreuses
exactions et crimes de guerre, selon l’OSCE1457. La
remarque d’un combattant du bataillon AZOV illustre
parfaitement la nature du problème :
Poutine n’est pas même un Russe. C’est un juif 1458!
Le film Le système Poutine de Carré présente une
construction de type complotiste autour des élections
législatives ukrainiennes de mars 2006 qui auraient été
manipulées par la Russie1459. En fait, à la présidentielle de
2004, après un premier tour très serré (39,9 % contre
39,26 %) Viktor Iouchtchenko s’impose au second tour
face à Viktor Ianoukovytch avec 52 % contre 44 %.
Mais il n’a pas l’assise suffisante pour mettre sur pied
une coalition gouvernementale sans son ancien adversaire
pour les législatives. Le film suggère que la Russie a
interrompu ses livraisons de gaz au 1er janvier 2006 afin
de faire pression, en vue des législatives. Ça n’est pas
exact1460. On ne peut exclure que l’interruption ait été
envisagée plusieurs mois auparavant, mais la raison
principale réside dans le détournement du gaz destiné aux
pays européens par la compagnie nationale ukrainienne
Neftgaz1461. Contrairement à ce que suggère le film, il ne
s’agit pas d’imposer un Premier ministre à l’Ukraine1462,
mais de trouver une solution à la corruption qui y règne.
D’ailleurs, le problème perdure les années suivantes,
poussant la Russie à construire des pipelines en Mer
Baltique et en mer Noire pour contourner l’Ukraine.
En février 2010, Viktor Ianoukovytch devient président
de l’Ukraine à l’issue d’une élection « transparente et
honnête » qui « a offert une démonstration
impressionnante de démocratie » selon Joao Soares,
président de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE1463.
Mais l’opposition d’extrême-droite nationaliste progresse
à grands pas. Elle est essentiellement représentée par le
parti Svoboda, connu jusqu’en 2004 sous le nom de Parti
social-nationaliste d’Ukraine, en référence au parti
national-socialiste allemand1464 ! Il est dirigé par Oleh
Tyahnybok, qui avait été exclu de la fraction
parlementaire du président Viktor Iouchtchenko, car il
appelait à lutter contre la « mafia juive-moscovite », et
avait co-signé une lettre ouverte, intitulée Stopper les
activités criminelles de la communauté juive organisée en
20051465.
En août 2012 entre en vigueur la loi « Kivalov-
Kolesnichenko1466 », qui garantit l’usage des langues
régionales comme langues officielles. Elle déclenche la
colère des nationalistes, qui y voient une tentative de
« russification » de l’Ukraine.
En octobre 2012, la BBC rapporte l’inquiétante montée
de Svoboda, qui crée la surprise en entrant au Parlement
avec un peu plus de 10 % des voix. Bien qu’un « officiel
américain » affirme plus tard que depuis les élections,
Svoboda a considérablement modéré sa position1467, le
Parlement européen adopte le 12 décembre, une résolution
sur la situation en Ukraine qui déclare :
[…] 8. s’inquiète de la montée du sentiment nationaliste
en Ukraine, qui s’est traduit par le soutien apporté au
parti « Svoboda », lequel se trouve ainsi être l’un des deux
nouveaux partis à faire son entrée à la Verkhovna Rada ;
rappelle que les opinions racistes, antisémites et
xénophobes sont contraires aux valeurs et principes
fondamentaux de l’Union européenne et, par conséquent,
invite les partis démocratiques siégeant à la Verkhovna
Rada à ne pas s’associer avec ce parti, ni à approuver ou
former de coalition avec ce dernier1468 ;
Mais durant et après l’Euromaïdan, les Européens ne
s’émeuvent pas de l’omniprésence des drapeaux de
Svoboda et des portraits de Stepan Bandera –
collaborateur notoire des nazis – dans les manifestations
du parti1469. En fait, ces tendances pronazies sont
présentées comme de la propagande russe dans les médias
occidentaux1470. Ironiquement, le 9 février 2014, Bernard-
Henri Lévy s’adresse à une foule constellée de drapeaux
de Svoboda et de son « bras armé », le Pravi Sektor…
mais il affirmera ne pas y avoir « vu de néonazis1471 » !
Malgré les tentatives pour minimiser l’importance des
néonazis en Ukraine1472, le développement de
l’antisémitisme violent y est alarmant1473 : en 2018, le
parlement ukrainien institue même une journée officielle
de commémoration pour Stepan Bandera1474.
En décembre 2013, le sénateur John McCain rencontre
Tyahnybok et lui promet une aide financière pour le
bataillon AZOV, alors fer-de-lance de la droite-
nationaliste1475. Le caractère nationaliste et d’extrême-
droite du gouvernement ukrainien est alors
systématiquement occulté dans les médias occidentaux.
Le flux de volontaires néonazis venant de France, de
Grande-Bretagne et du Canada, n’a suscité aucune
réaction en Europe : les médias et les gouvernements ont
soigneusement passé sous silence ces dérives (et ces
crimes), qui auraient délégitimé le soutien à l’Ukraine
contre la Russie. Ironie du sort, après le décès de McCain
en 2018, le Washington Post rend hommage au
« Champion des droits de l’Homme » avec une photo le
montrant aux côtés de Tyahnybok1476, qui s’était vu
refuser l’entrée aux États-Unis en juin 2013… pour
antisémitisme1477 !
« Juste » retour des choses : en 2017, le FBI met en
accusation quatre membres du régiment AZOV pour avoir
formé des militants suprémacistes d’extrême-droite
américains du mouvement Rise Above, très antisémite1478.
Malgré plusieurs tentatives du Congrès pour interdire
l’aide militaire aux milices d’extrême-droite, ce n’est
qu’en 2018 que le Pentagone cessera de soutenir la
formation de ses combattants.
Sur le plan géopolitique, depuis la fin de la guerre
froide, l’Ukraine reste un enjeu pour les Occidentaux et
pour les Russes. Alors que la Russie essaie de maintenir
les liens qui existaient avec les ex-républiques de l’URSS,
l’Occident tente de les attirer dans sa sphère d’influence.
Comme les autres pays d’Europe de l’Est, l’Ukraine voit
son avenir économique dans une intégration dans la
communauté occidentale. Elle fait partie du Conseil du
partenariat euro-atlantique (CPEA) de l’Otan et aspire à
adhérer à l’Alliance. Un développement que l’Otan hésite
à concrétiser afin de ne pas entrer en confrontation avec la
Russie, qui l’interpréterait comme un geste hostile.
Sur le plan politico-économique, l’UE est à la manœuvre
pour tisser des liens plus étroits avec l’Ukraine. Mais, sa
démarche est idéologique et à l’origine de la révolution de
l’Euromaïdan :
L’Ukraine est un pays très morcelé, aux identités
multiples, et qui ne peut effectuer de choix tranché, que ce
soit en faveur de l’Occident ou de la Russie. L’une des
erreurs de Bruxelles a été de lui demander de le faire et de
tourner de fait le dos à la Russie, une option suicidaire
pour le pays1479.
Dans le Washington Post, Henri Kissinger constate que
l’Union européenne « a contribué à transformer une
négociation en une crise1480 ». Pour résumer : la
diplomatie européenne a considéré l’Ukraine comme une
frontière entre l’Est et l’Ouest, alors que la Russie y
voyait un pont1481.
Un accord est négocié entre l’Ukraine et l’UE. À la fin
2013, la partie européenne fait la sourde oreille aux
demandes ukrainiennes de remettre la signature de
l’accord à une date ultérieure afin de mieux étudier sa
compatibilité avec l’union douanière proposée par la
Russie1482 et de mieux préparer l’économie ukrainienne à
cette situation. En effet, l’économie ukrainienne –
fortement liée à la Russie – était fragilisée par un accord
de libre-échange avec l’UE. La suspension souhaitée par
l’Ukraine n’avait donc qu’un caractère temporaire, mais
elle a été présentée par la presse occidentale et
l’opposition ukrainienne comme un refus de se rapprocher
de l’Europe sous la pression russe1483. L’opinion publique
ukrainienne, à qui on avait fait miroiter des visas ou des
augmentations de salaire, a été rapidement polarisée et son
mécontentement instrumentalisé.
Ironie du sort, après leur prise du pouvoir, les nouvelles
autorités de Kiev ont dû à leur tour retarder l’entrée en
vigueur de l’accord au 1er janvier 2017. En effet, les
sanctions économiques aidant, l’Ukraine peine à
bénéficier de son accord avec l’UE : ses produits ne se
vendent pas en Europe parce qu’ils ne sont pas compétitifs
ou inadaptés au marché, tandis que les produits qu’elle
vendait en Russie (notamment dans le secteur de
l’armement) sont aujourd’hui invendables. Sa situation
s’est donc globalement détériorée. Ainsi, l’intransigeance
européenne a donc non seulement contribué à la scission
du pays en poussant les partis nationalistes au pouvoir,
mais a mis l’économie ukrainienne dans un cul-de-sac.
En fait, l’Europe a utilisé l’Ukraine au profit d’une
politique sans réel objectif1484. Comme le constate avec
raison Henri Kissinger :
(…) la diabolisation de Vladimir Poutine n’est pas une
politique ; c’est un alibi pour ne pas en avoir une1485.
Après le renversement du président Ianoukovytch, le
22 février 2014, les médias et les gouvernements
occidentaux ont défendu la légitimité des nouvelles
autorités par tous les moyens. Dans son discours du
4 mars 2014 au parlement, le ministre des affaires
étrangères britannique, William Hague, déclare :
L’ancien président Ianoukovytch a quitté son poste et a
ensuite quitté le pays, et les décisions de le remplacer par
un président par intérim ont été prises par la Rada, le
parlement ukrainien, par les très grandes majorités
requises par la Constitution, y compris avec le soutien des
anciens Partis du président Ianoukovytch, le Parti des
régions, il est donc faux de remettre en question la
légitimité des nouvelles autorités1486.
Il ment. Premièrement, le changement de gouvernement
ne répondait ni aux situations dans lesquelles un président
peut être déposé, définies par l’article 108 de la
Constitution, ni à la manière de le faire, définie par
l’article 111. De plus, le décret pour la destitution
d’Ianoukovytch a été adopté avec 328 voix sur 450
(72,8 %), alors que la majorité requise était de 75 %1487 :
rien n’a été respecté. Pour parvenir à ce résultat, les
nouvelles autorités ont aboli la Cour Constitutionnelle et
entamé des poursuites pénales contre ses membres.
Deuxièmement, c’est bien la question linguistique qui a
déclenché la révolte des populations russophones en
Crimée et au Donbass. Le 23 février 2014, à peine arrivés
au pouvoir, les nationalistes ukrainiens décident
l’abrogation de la loi Kivalov-Kolesnichenko de 2012 sur
les langues régionales. L’ukrainien est désormais la seule
langue officiellement reconnue, et le russe se voit retirer
son statut de langue officielle dans 13 des 27 régions
composant le pays : non seulement les documents officiels
seront désormais rédigés uniquement en ukrainien, mais
encore le russe disparaît des écoles.
Le 24 février, Mme Astrid Thors, Haut-Commissaire de
l’OSCE pour les minorités nationales, met en garde le
nouveau gouvernement ukrainien contre des « décisions
rapides qui pourraient conduire à une escalade de la
situation » dans un contexte où « les langues sont un
problème qui divise »1488. Il était alors évident que cette
décision allait mettre de l’huile sur le feu.
C’est la triste répétition de la crise des Sudètes, trois
quarts de siècle plus tard. Elle avait été déclenchée par la
colère de la minorité allemande, dont la langue avait été
interdite contrairement aux dispositions des traités de
Versailles et de St-Germain, provoquant l’intervention
allemande. Ironiquement, lorsque Bernard-Henri Lévy
s’adresse à la population de Kiev, le 2 mars 2014, il
explique qu’« Hitler (…) arguait du fait que les Sudètes
parlaient allemand pour envahir la Tchécoslovaquie1489 »,
alors qu’en réalité, c’est précisément la suppression de ce
droit qui a été à l’origine de la crise. C’est d’ailleurs
exactement le même phénomène qui se produit en
Pologne au début 1939, contre la minorité germanophone,
dont plusieurs villages sont massacrés et poussant 80 000
personnes à l’exil avant même le début de la guerre. Se
superposant à la question de Dantzig, ce sera l’un des
déclencheurs oubliés de la Seconde Guerre mondiale.
On parle de démocratie, et on interprète les
manifestations de l’Euromaïdan comme son expression.
Mais ce n’est pas aussi net. Un sondage effectué entre le
24 janvier et le 1er février 2014 par le Centre de recherche
en marketing et social (SOCIS) et l’Institut international
de sociologie de Kiev montre que, si 47,7 % de la
population sont plutôt favorable à l’esprit des
manifestations, 46,1 % ne le sont pas ; et que 63,3 %
préféreraient une négociation contre 20,1 % qui
voudraient continuer les manifestations et 11,1 % sont
partisans de la force. Par ailleurs, dans l’hypothèse d’une
présidentielle en février, 29,5 % des électeurs choisiraient
en première place Ianoukovytch, alors que Poroshenko
n’arriverait qu’en troisième position avec 18,6 % des
voix1490.
Les nationalistes ont évidemment comme cible les
russophones, qui sont les plus nombreux, mais également
les autres minorités. Après l’adoption de la loi sur
l’éducation en 2017, elles reçoivent le soutien des pays
voisins. La Hongrie réclame le rétablissement de
l’enseignement du magyar pour la minorité hongroise1491
et le déploiement d’observateurs de l’OSCE en
Transcarpathie, afin d’empêcher les atrocités commises
par les nationalistes1492. Ironie du sort, l’Ukraine qui
voulait se rapprocher de l’Otan en s’éloignant de la Russie
se trouve prise à son propre jeu : le gouvernement
hongrois freine son soutien à la candidature de l’Ukraine
pour l’Union européenne et bloque la réunion de la
Commission Otan-Ukraine (NUC) en décembre 20171493,
tandis que la Galicie réclame son autonomie1494. La
Pologne et la Roumanie, qui ont soutenu plusieurs projets
avec l’Ukraine dans le cadre de l’Otan, marquent le pas et
maintiennent un soutien de façade uniquement à cause des
États-Unis1495. Mais là aussi, les médias français restent
muets : la division en Europe doit venir de la Russie, pas
de l’Ukraine !…
Le 11 février 2015, à Minsk (Belarus), les dirigeants
ukrainiens, russes, français et allemands signent un accord
sur un ensemble de 13 mesures concernant la guerre du
Donbass (accord Minsk II). Parmi celles-ci, les médias
français (comme Wikipédia1496 ou Le Parisien1497)
évoquent la reprise du contrôle de la frontière russo-
ukrainienne par Kiev (article 9). Mais ils ne mentionnent
pas les conditions de son application, à savoir l’adoption
préalable d’une réforme constitutionnelle qui accorde
l’autonomie aux régions de Lougansk et de Donetsk
(article 11), l’organisation d’élections locales (article 12)
et une amnistie complète (article 5). Il faut aller voir sur le
site du Financial Times pour voir le texte complet de
l’accord (dont la Grande-Bretagne n’est pourtant pas
partie)1498. Avec une majorité d’extrême droite, le
parlement ukrainien n’a pas réussi à adopter une
constitution qui accorde l’autonomie à ses provinces. On
fait ainsi croire que la partie russophone ne remplit pas ses
obligations, alors que c’est l’Ukraine qui traîne les pieds
dans cette affaire.
9.2. « La Russie envahit la Crimée1499 »
L’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 a été
rejetée par les pays occidentaux et reste le principal motif
avoué du durcissement des relations entre l’Occident et la
Russie. Les éditoriaux fustigeant la politique
expansionniste du président Poutine se sont multipliés,
mais le plus souvent en occultant une partie de la
question, en insistant sur l’illégitimité de l’héritage russe
en Crimée, le sort des Tatars et leur déportation sous le
régime soviétique. Comme souvent, on crée des réalités
factices à partir de réalités tronquées et d’omissions
volontaires. Car bien peu ont relevé que l’Ukraine avait,
durant les vingt ans précédents, bafoué les droits de la
Crimée, et personne en Europe ne s’en était préoccupé.
Arrivés au XIIIe siècle avec les Mongols, les Tatars
règnent dans la péninsule jusqu’au XVe siècle, lorsque
l’Empire ottoman crée le Khanat de Crimée. Sa principale
activité économique est le trafic d’esclaves au profit du
monde musulman. Au XVIIIe siècle, à l’issue de la guerre
russo-turque, la Crimée est cédée à la Russie, qui abolit
l’esclavage et encourage le retour des populations qui
avaient fui la péninsule afin d’y échapper.
Aujourd’hui, le sort de la communauté tatare est
fréquemment utilisé pour stigmatiser le rôle de la Russie.
En 2016, le Grand Prix de l’Eurovision est accordé à
l’ukrainienne Jamala qui chante la déportation des Tatars,
par les Soviétiques en 1944. Le site Geopolis explique
qu’« une minorité de Tatars aurait apparemment
collaboré avec les nazis »1500. Le mot « apparemment »
tend à suggérer qu’il pourrait s’agir d’une fausse
information : on relativise et minimise le rôle de la
collaboration avec les nazis, pour mieux fustiger la
Russie, comme dans le journal La Croix1501.
En fait, les plusieurs dizaines de milliers de Tatars
enrôlés volontairement formaient 7 grandes unités de la
Waffen SS1502. En 1944, après les avoir encerclés en
Crimée, Staline a voulu les éloigner du front en les
déportant vers l’est. Ils ne seront autorisés à retourner en
Crimée qu’au début des années 1980.
En 1954, pour célébrer les 300 ans du rattachement de
l’Ukraine à la Russie, Nikita Khrouchtchev (qui était
ukrainien) offre la Crimée à l’Ukraine. Mais, la portée de
l’événement n’est alors que symbolique, car l’autorité
effective reste à Moscou.
Le 20 janvier 1991, bien avant l’indépendance de
l’Ukraine, alors que l’on sent venir la fin de l’URSS, les
Criméens sont invités à choisir par référendum de rester
avec Kiev ou de revenir à la situation d’avant 1954 et
d’être administrés par Moscou. Ils décident à
93,6 %1503d’être rattachés à Moscou, et la Crimée est
déclarée République socialiste soviétique autonome. C’est
le premier référendum d’autonomie en URSS. Deux mois
plus tard, le 17 mars, Moscou organise un référendum
pour le maintien de l’Union, qui sera accepté par
l’Ukraine. Mais le 24 août, la Rada de Kiev adopte un
décret en vue de l’indépendance de l’Ukraine, qui est
entérinée par référendum le 1er décembre. La participation
des Criméens est alors faible et très partagée, car pour eux
le problème est déjà réglé : la Crimée est autonome.
Après l’indépendance de l’Ukraine, la Crimée cherche à
maintenir son statut. Le 26 février 1992, le parlement de
Crimée proclame la « République de Crimée » avec
l’accord du gouvernement ukrainien, qui lui octroie de
statut de république autogérée. Le 5 mai 1992, la Crimée
déclare son indépendance et adopte sa constitution1504.
Cette décision devait être confirmée par un référendum
populaire prévu pour le 2 août 1992. Mais le 13 mai, le
parlement ukrainien annule la déclaration d’indépendance
et somme le Parlement de la République de Crimée de
faire de même.
Il s’ensuit une négociation entre les gouvernements de
Crimée et d’Ukraine, au terme de laquelle, en juin 1992, il
est convenu que la Crimée disposera d’une certaine
autonomie administrative et territoriale au sein de
l’Ukraine. Ce statut lui permet de décider en toute
indépendance sur les questions soumises par le Conseil
constitutionnel de l’Ukraine.
En mai 1994, le parlement de Crimée décide de revenir à
la constitution de mai 1992 et, en septembre, le président
de Crimée décide de formuler une nouvelle constitution.
Mais le 17 mars 1995, le parlement d’Ukraine décide
d’abolir la constitution de 1992 et la Crimée est gouvernée
de manière autoritaire par décrets présidentiels de Kiev.
Un événement à peine relevé par les médias occidentaux.
Cette situation pousse le Parlement de Crimée à formuler
une deuxième constitution en octobre de la même année
établissant la République autonome de Crimée, qui sera
ratifiée par le parlement de Crimée le 21 octobre 1998 et
confirmée par le parlement ukrainien le 23 décembre
1998.
Ce va-et-vient du gouvernement de Kiev et les
inquiétudes de la minorité russophone conduisent à la
signature d’un Traité d’amitié entre l’Ukraine et la Russie,
le 31 mai 19971505. La crainte d’une sécession de la
Crimée conduit l’Ukraine à y inclure le principe de
l’inviolabilité des frontières. Mais en contrepartie, et ce
sera déterminant en 2014, il garantit « la protection de
l’originalité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse
des minorités nationales sur leur territoire ».
En 2014, les émeutes de l’« Euromaïdan », largement
soutenues par l’Occident, portent les nationalistes
ukrainiens au pouvoir. Leur décision du 23 février de
« déclasser » la langue russe fait l’effet d’une bombe en
Crimée : la population est composée à 65 % de
russophones et le traité de 1997 est rompu. Le 27, le
parlement régional de Crimée à Simferopol est pris
d’assaut. Déjà à ce stade, le vocabulaire utilisé par les
médias occidentaux indique la tendance : Le Monde parle
« d’activistes pro-russes1506 », alors que la Russie n’a
encore aucune implication à ce stade.
La violence monte entre russophones et nationalistes
ukrainiens, et les incidents, parfois tragiques, alimentent la
désinformation dans les deux camps. L’emploi de milices
paramilitaires par les nouvelles autorités de Kiev pour
rétablir l’ordre provoque la création de milices de
protection populaires russophones.
Un ensemble de trois traités signés en 1997 entre
l’Ukraine et la Russie1507 (actualisé en 2010 et valable
jusqu’en 2042), autorisait cette dernière à stationner
jusqu’à 25 000 personnels en Crimée. En 2014, seuls
20 000 militaires y sont stationnés. Afin d’éviter que les
garnisons soient prises dans les émeutes, les troupes
russes sont déployées autour de leurs bases et sur certains
points stratégiques, conformément aux dispositions du
traité. Jouant sur les mots, l’Otan évoque alors une
invasion, malgré l’absence d’indications sur l’arrivée de
renforts dans la péninsule.
Si les nouvelles autorités de Kiev étaient légitimes pour
la population de Lviv, elles ne l’étaient pas pour celle de
la Crimée. L’armée ukrainienne est structurée de manière
territoriale et une grande partie de ses militaires en Crimée
sont russophones. Ainsi, lorsque le gouvernement leur
ordonne de réprimer les manifestations, 20 000 des 22 000
militaires ukrainiens stationnés en Crimée, refusent
d’intervenir contre leurs compatriotes et se rallient aux
manifestants, comme le confirmera plus tard Ivan Vinnik,
député de la Rada1508. À ces militaires s’ajoutent environ
15 000 russophones venant de la police, du Service de
Sécurité (SBU) et des gardes-frontières1509. Soit au total
35 000 transfuges, auxquels s’ajouteront environ 4 000
chasseurs et membres de sociétés de tir, et 15 000
membres de la réserve territoriale. Tous ces « militaires »
en uniformes disparates, dont les insignes ukrainiens ont
été arrachés pour éviter les confusions, deviendront ce que
les Occidentaux identifieront comme des forces spéciales
russes et surnommeront « petits hommes verts ».
Dans toute la partie orientale de l’Ukraine, les
populations russophones manifestent leur
mécontentement, mais les nouvelles autorités de Kiev ne
parviennent pas à maîtriser la situation. En Crimée, devant
la montée des violences entre russophones et loyalistes à
la fin février, et alors que les forces de l’ordre ne sont plus
en mesure de remplir leur mission, Poutine donne
l’instruction à ses troupes d’intervenir pour rétablir l’ordre
et éviter les violences.
Le référendum organisé en mars 2014 demande aux
électeurs de Crimée de choisir entre le retour à la
Constitution de 1992 (c’est-à-dire, une large autonomie)
ou le rattachement à la Russie. Ils choisissent le second,
qui correspond à leur décision de janvier 1991.
La question de la Crimée est donc moins triviale qu’elle
ne le paraît. En réponse aux accusations occidentales
d’avoir enfreint le principe de l’intangibilité des
frontières, la Russie oppose le cas du Kosovo en 2008.
Pour l’Occident, le cas de la Crimée est une annexion par
la force, alors que le Kosovo est l’expression du droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes… Mais pour arriver à
cette distinction, les politiques et les médias occidentaux
ont dû effacer le référendum de janvier 19911510, faussant
ainsi la lecture de l’histoire. Ainsi, l’Otan1511, le « Policy
Paper » consacré à l’affaire de Crimée par la Fondation
Robert Schuman n’y consacre pas même un mot1512 ; pas
plus que la revue politique étrangère de l’IFRI1513 ou
Arnaud Dubien, dans Le Monde, pourtant directeur de
l’Observatoire franco-russe1514. Sur le site
laregledujeu.org, dans un article consacré au « référendum
de 1991 », Gilles Hertzog – compagnon de route de
BHL – omet les scrutins de janvier et de mars… plus
commode pour condamner la Russie !
9.3. « La Russie a envahi l’Ukraine1515 »
On attribue aujourd’hui à la Russie un expansionnisme
qui appartenait à l’URSS. Avec l’abandon du
communisme, la Russie d’aujourd’hui n’a plus ni base
idéologique ni raisons géostratégiques auxquelles une
doctrine d’expansion pourrait s’adosser. Ce qui explique
sans doute pourquoi les médias occidentaux cherchent des
justifications dans la psychologie de Vladimir Poutine…
Dans une résolution adoptée en septembre 2014, le
Parlement européen parle d’une « intervention militaire
directe », de violations de cessez-le-feu « principalement
par les troupes russes régulières » et affirme que la Russie
a « renforcé sa présence militaire sur le territoire
ukrainien »1516, bien qu’aucun indice ne confirme ces
accusations ! On alterne les expressions « intervention » et
« invasion » pour laisser planer le doute sur la présence
réelle des Russes dans l’est de l’Ukraine1517. En fait, avec
un manque d’intégrité évident, on met de l’huile sur le
feu.
La seule « preuve » matérielle de la présence de l’armée
russe en Ukraine, produite par l’Otan était la photo
satellitaire de 4 (!) obusiers blindés « russes »1518. Or, non
seulement les véhicules n’ont pas été formellement
identifiés, mais ils sont seulement supposés être russes,
car l’Otan ne voyait pas d’autre explication possible : le
même jugement « par défaut » que l’on a vu en Syrie ou
dans l’affaire Skripal. En fait, on a délibérément
« ignoré » que des éléments d’un bataillon d’artillerie
ukrainien russophone et équipé de matériels d’origine
russe, venaient de « passer » du côté rebelle, devenant le
bataillon « KALMIUS », et qu’il se trouvait dans le
secteur couvert par la photo en août 20141519.
En septembre 2014, dans un article intitulé « Quand
Poutine menace d’envahir l’Europe de l’Est », le
magazine Le Point, rapporte les propos de Vladimir
Poutine, qui aurait déclaré au président ukrainien Petro
Poroshenko :
Si je le voulais, des troupes russes pourraient être en
deux jours non seulement à Kiev, mais aussi à Riga,
Vilnius, Tallinn, Varsovie et Bucarest.
Selon José Manuel Barroso, il aurait également déclaré :
« Si je le veux, en deux semaines, je prends Kiev ». Le
Point y voit « des propos menaçants […] visant
directement des pays européens1520 ». Mais, à l’évidence,
les propos ont été retirés de leur contexte. Ce que veut dire
Poutine, alors accusé d’intervenir en Ukraine au profit des
autonomistes du Donbass, est que si la Russie était
réellement impliquée, le conflit ne « traînerait » pas de
cette manière et qu’il serait déjà « réglé ». Il ne s’agissait
donc pas d’une menace, mais au contraire de démontrer
l’inanité des accusations.
Car, personne – pas même les politiciens européens –
n’a tenté de savoir pourquoi la Russie serait prête à
prendre le risque politique considérable d’attaquer
l’Ukraine (avec 4 pièces d’artillerie !)… sans même se
donner les moyens de vaincre. Rappelons qu’en 1943,
dans le même secteur, l’Armée rouge avait affronté
l’armée allemande avec près de 7 500 chars et 45 000
pièces d’artillerie !
En mars 2015, le sénateur républicain James Inhofe,
tente de convaincre ses homologues d’autoriser la vente
d’armes à l’Ukraine. À l’appui de son plaidoyer, il
présente aux députés des photographies montrant des
colonnes militaires russes… prises lors de la crise
géorgienne six ans plus tôt1521 ! Il prétendra plus tard
avoir été trompé par l’ambassade ukrainienne qui avait
fourni les photos. En fait, de tels documents sur une
invasion de l’Ukraine n’existent pas. C’est interpellant…
mais les médias européens « marchent » (parmi les médias
traditionnels, il n’y a guère que franceinfo qui relève la
supercherie1522). L’absence d’observations effectives de
troupes russes en Ukraine devient elle-même matière à
désinformation. Ainsi, CNN affirme que l’armée russe
aurait des crématoriums mobiles, destinés à brûler les
corps de ses soldats morts au combat et effacer les traces
de son passage. Il s’agirait de cacher l’intervention au
peuple russe qui se rebellerait aussitôt s’il apprenait la
vérité1523 !
En juin 2015, dans une interview au Corriere della Sera,
Petro Poroshenko affirme que la Russie a 200 000
hommes stationnés en Ukraine1524. En septembre, devant
l’Assemblée générale des Nations unies à New York, il
affirme que
Nous sommes forcés de combattre les troupes entraînées
et armées de la Fédération de Russie. Des armes lourdes et
des équipements militaires sont concentrés dans les
territoires occupés en quantités telles, que les armées de la
majorité des États membres des Nations unies pourraient
en rêver1525.
Il ment. Le 29 janvier de la même année, le général
Viktor Muzhenko, chef de l’État-major général ukrainien,
avait affirmé que l’armée ukrainienne ne se battait pas
contre des troupes russes et que seuls des combattants
individuels russes avaient été observés1526. Ce que
corroborera plus tard le général Vasyl Hrytsak, chef du
SBU, en octobre 2015, confessant que depuis le début des
combats à l’est de l’Ukraine, seuls 56 militaires russes ont
été observés1527.
En effet, des citoyens russes portant des uniformes
militaires ont été capturés par les forces de sécurité
ukrainiennes, mais il s’agissait de jeunes soldats qui
allaient rejoindre les insurgés du Donbass par solidarité,
durant leurs congés militaires. Outre le fait qu’ils portaient
des uniformes datant de la guerre en Afghanistan, les
individus présentés dans les vidéos ukrainiennes
apparaissaient très jeunes, désorientés et semblaient loin
du profil des spetsnaz aguerris que l’on enverrait sur un
théâtre extérieur pour des actions clandestines. Ceci
explique aussi pourquoi les Russes tués en Ukraine « hors
service » ont été enterrés sans les honneurs militaires. Un
phénomène semblable avait déjà été observé lors de la
guerre dans les Balkans, lorsque des militaires suisses
partaient depuis le Tessin « faire le coup de feu » en
Bosnie avec leur arme d’ordonnance durant les week-
ends ! C’est pourtant sur cette base que l’Ukraine et
l’Otan s’appuient pour affirmer que la Russie a déployé
des troupes en Ukraine.
D’ailleurs, s’il y avait le nombre de militaires avancé par
Poroshenko, soit 75 unités militaires, dont 45 unités des
forces terrestres – comme cela a été présenté à
l’Assemblée parlementaire de l’Otan, à Istanbul, le
19 novembre 20161528 – on devrait observer des colonnes
logistiques pour le soutien opérationnel de ces unités et
des bases pour les troupes. Or, les satellites d’observation
américains n’ont rien détecté… Pas plus que la mission
d’observation de l’OSCE, dont le chef adjoint, Alexander
Hug, avouera en 2018 au magazine Foreign Policy
qu’aucune observation directe ne confirme l’engagement
de troupes russes en Ukraine1529.
Manquant désespérément de preuves, le discours
occidental se rabat sur la distribution de médailles aux
militaires russes dès 20141530, sur la foi d’un rapport de
Bellingcat1531, une organisation à l’impartialité très
discutable. Mais là aussi, c’est un mensonge, car on omet
de dire qu’il s’agissait de médailles attribuées à des
militaires engagés en Syrie. Non seulement la Russie y
avait des activités de renseignement (comme en témoigne
la capture d’un poste d’écoute électronique du GRU dans
la région du Golan en 20141532), mais ses militaires qui
ont participé à l’élimination des armes chimiques
syriennes ont été médaillés entre 2013 et 2015, comme le
confirme le très « pro-ukrainien » site
informnapalm.org1533.
Les médias occidentaux présentent les succès des
autonomistes comme la preuve de l’aide apportée par la
Russie. Ce faisant, on ignore plusieurs faits. En premier
lieu, on omet de préciser que les unités de l’armée
ukrainienne étaient organisées de manière territoriale et
composées de troupes d’une même langue jusqu’au
niveau de la brigade. Dès lors on comprend aisément que
dans les zones russophones, de nombreux soldats (et
même des unités complètes) ont préféré passer du côté des
autonomistes avec armes et bagages. C’est ce qui explique
le matériel moderne des rebelles.
En deuxième lieu, l’Ukraine affirme mener une
« Opération Anti-Terroriste » (OAT), mais elle conduit ses
opérations comme s’il s’agissait d’une guerre classique
contre un adversaire structuré et armé de manière
conventionnelle. Les états-majors ukrainiens, trop rigides
et engoncés dans une approche doctrinaire de l’art
opératif, subissent l’ennemi sans parvenir à s’imposer.
L’examen du déroulement des combats en 2014-2016 dans
le Donbass montre que l’état-major ukrainien a
systématiquement et mécaniquement appliqué les mêmes
schémas opératifs. Or, la guerre menée par les
autonomistes est très proche de ce que l’on observe dans
le Sahel : des opérations très mobiles menées avec des
moyens légers. Avec une approche plus flexible et moins
doctrinaire, les rebelles ont su exploiter l’inertie des forces
ukrainienne pour les « piéger » de manière répétée.
En troisième lieu, l’armée ukrainienne est dans un état
déplorable. En 4 ans, 2 700 militaires sont morts en
dehors de situations de combat (accidents, drogue,
mauvaise manipulation d’armes, meurtres et suicides)1534.
En fait, l’armée est minée par la corruption de ses cadres
et ne jouit plus du soutien de la population. Selon un
rapport du ministère de l’Intérieur britannique, lors du
rappel des réservistes de mars-avril 2014, 70 % ne se sont
pas présentés à la première session, 80 % à la deuxième,
90 % à la troisième et 95 % à la quatrième1535. En
octobre-novembre 2017, 70 % des appelés ne se sont pas
présentés lors de la campagne de rappel « Automne
2017 »1536. Ceci sans compter les suicides et les
désertions (souvent au profit des autonomistes), qui
atteignent jusqu’à 30 % des effectifs dans la zone de
l’OAT1537.
Sur le plan de la stratégie, l’Ukraine est un véritable cas
d’école. La formation et les conseils fournis par les
militaires de l’Otan n’ont fait qu’empirer la situation. Les
stratégies basées sur le rapport de force privilégié par
l’Otan, sont inadaptées. Rien n’est tenté pour gagner les
« cœurs et les esprits » des autonomistes. Au contraire, il
s’agit de les punir encore davantage. Encouragé par les
sanctions occidentales, le gouvernement ukrainien a coupé
toute aide économique, tout financement (par exemple
pour la reconstruction des villes et des infrastructures),
tout soutien social (paiement des retraites, des allocations
sociales, etc.) et interdit toute activité bancaire dans les
zones autonomistes. En clair, il agit comme si la
population du Donbass était celle d’un pays étranger et
ennemi. Ce faisant, il s’est placé lui-même dans une
situation asymétrique. Sa stratégie se retourne contre lui :
ce sont des entreprises et banques russes qui assurent
maintenant ces services. En voulant isoler les
autonomistes, le gouvernement de Kiev les a poussés dans
les bras de la Russie. L’Otan n’a rien appris de sa guerre
en Afghanistan !
9.4. Conclusions pour l’Ukraine
Dès le début de la crise, malgré l’évidence d’un conflit
populaire, l’Otan et les pays occidentaux voient la main de
Moscou. Le 13 avril 2014, Samantha Power, ambassadrice
américaine auprès des Nations unies, affirme sur ABC
News :
C’est professionnel, coordonné. Rien de populaire dans
cette affaire1538 !
Elle ment. Toutes les informations disponibles à ce stade
indiquent le contraire. D’ailleurs, en juillet 2019, un
rapport de l’International Crisis Group (financé par
plusieurs pays européens et par l’Open Society
Foundation), confirme le caractère spontané du conflit,
bien loin des montages attribués à la Russie :
Le conflit dans l’est de l’Ukraine a commencé comme un
mouvement populaire. […]
Les manifestations ont été organisées par des citoyens
locaux se déclarant représenter la majorité russophone de
la région. Ils étaient préoccupés à la fois par les
conséquences politiques et économiques du nouveau
gouvernement de Kiev et par les mesures, abandonnées
plus tard, de ce gouvernement pour empêcher l’usage
officiel de la langue russe dans tout le pays1539.
L’impact de la dimension linguistique est régulièrement
minimisé dans les médias occidentaux, quand il n’est pas
tout simplement ignoré : outre le fait qu’il donne une
légitimité à la révolte des populations concernées, il
mettrait en évidence le caractère « social-nationaliste » du
nouveau régime ukrainien.
La presse et les médias occidentaux ont « surfé » sur
notre méconnaissance des langues, des cultures et des
situations intérieures en Russie et chez ses voisins pour
convoyer un message aligné sur Washington. Les opinions
publiques ont été l’objet d’un conditionnement subtil, qui
triche avec le vocabulaire et les faits. Ainsi, chez les
médias français, on qualifie systématiquement les rebelles
du Donbass de « séparatistes pro-russes », alors qu’il
faudrait parler d’« autonomistes russophones » (car – au
début au moins – ils ne cherchaient pas à « quitter »
l’Ukraine)1540.
La désinformation qui entoure la crise ukrainienne
s’appuie assez largement sur des préjugés issus de la
guerre froide, avec pour conséquence qu’elle nous conduit
à accepter un régime d’extrême-droite nationaliste à Kiev.
Or, cette position convient certainement aux États-Unis et
aux partisans de l’Otan, mais correspond-elle à nos
valeurs européennes ? Car comme dans les autres pays de
l’Est où la haine de la Russie alimente une ferveur
atlantiste, le nationalisme prend des accents d’avant-
guerre.
L’acharnement de nos médias contre la Russie tend à
nous aveugler sur la nature réelle de ceux que nous
soutenons. C’est vrai en Syrie, mais aussi en Ukraine où la
communauté internationale ne parvient pas à juguler
(voire stimule) une corruption endémique1541. Propagés
par des personnalités comme John McCain, et des
« intellectuels » comme Bernard-Henri Lévy, la
méconnaissance des réalités et l’ethnocentrisme ont
contribué à enfoncer l’Ukraine dans ses problèmes. Des
institutions, comme l’Otan ou le Centre pour le contrôle
démocratique des forces armées (DCAF) à Genève,
impliqués dans la lutte contre la corruption et pour une
bonne gouvernance sont trop influencés idéologiquement
pour apporter des résultats concrets et durables.

1454. Timothy Snyder, professeur à l’université de Yale, estime à 40 % la


proportion de juifs dans le NKVD et à plus de 50 % dans les sphères dirigeantes du
parti communiste dans les années 1920-2030 (Timothy Snyder, Bloodlands :
Europe Between Hitler and Stalin, 2010)
1455. Lev Golinkin, “Violent Anti-Semitism Is Gripping Ukraine — And The
Government Is Standing Idly By”, The Forward, 20 mai 2018 ;
1456. NdA : le bataillon Azov est devenu régiment en janvier 2015.
1457. War crimes of the armed forces and security forces of Ukraine : torture and
inhumane treatment (Second report), The Foundation for the Study of Democracy,
2015 (http://www.osce.org/pc/233896?download=true)
1458. Shaun Walker, “Azov fighters are Ukraine’s greatest weapon and may be its
greatest threat”, The Guardian, 10 septembre 2014
1459. « Le système Poutine – INFRAROUGE », France2/YouTube, 1er octobre
2015 (1h10’05’’)
1460. Voir Wikipédia, Article « 2005–06 Russia–Ukraine gas dispute »
1461. « Ukraine ‘stealing Europe’s gas’ », BBCNews, 2 janvier 2006
1462. « Press Conference Following Talks with President of Ukraine Viktor
Yushchenko », en.kremlin.ru, 11 janvier 2006
1463. « Ukraine : l’OSCE reconnaît la bonne tenue de l’élection », Le
Monde.fr/AFP, 8 février 2010
1464. « The Right Wing’s Role in Ukrainian Protests », Spiegel Online, 27 janvier
2014
1465. David Stern, “Svoboda : The rise of Ukraine’s ultra-nationalists”, BBC News,
26 décembre 2012
1466. Loi sur les bases de la politique linguistique de l’État, (Закон «Об основах
государственной языковой политики ») du 10 août 2012
1467. Sabina Zawadzki, Mark Hosenball & Stephen Grey, „INSIGHT - In Ukraine,
nationalists gain influence - and scrutiny”, Reuters, 7 mars 2014
1468. Résolution du Parlement européen du 13 décembre 2012 sur la situation en
Ukraine (2012/2889(RSP)
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24 février 2014
1470. Joshua Keating, « En Ukraine, des fascistes contre des nazis ? », Slate.fr,
22 février 2014 ; « La Russie est en train de remporter la guerre de la propagande.
Sauf en France. », Slate.fr, 2 juin 2014
1471. « Ukraine : Entscheidet sich Europas Schicksal auf dem Maidan ? »,
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1472. L’antisémitisme en Ukraine, DIDR-OFPRA, 7 janvier 2015
1473. Lev Golinkin, “Violent Anti-Semitism Is Gripping Ukraine — And The
Government Is Standing Idly By”, The Forward, 20 mai 2018 ;
1474. Cnaan Liphshiz, “Ukraine celebrates Nazi collaborator, bans book critical of
pogroms leader”, The Times of Israël, 27 décembre 2018
1475. Laurent Brayard, « Nazis en Ukraine : Du bataillon Nachtigall au bataillon
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1476. Jennifer Rubin, « The human rights community lost a champion », The
Washington Post, 27 août 2018
1477. « Ultranationalist Ukrainian political party leaders banned from U.S. »,
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1478. Max Blumenthal, “US-Funded Neo-Nazis in Ukraine Mentor US White
Supremacists”, consortiumnews.com, 17 novembre 2018
1479. Propos d’Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe, financé
par la Chambre de commerce franco-russe dans « UE-Ukraine : «Moscou a
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1481. Federico Santopinto, Du libre-échange à la crise ukrainienne – L’UE face à
ses erreurs, GRIP, Bruxelles, 14 avril 2014
1482. “Azarov : Ukraine could cooperate with Customs Union and EU”, Kiyv Post,
17 décembre 2012
1483. AFP, « L’Ukraine renonce à l’accord d’association avec l’UE », Libération,
21 novembre 2013 ; Lucas Roxo, « Pourquoi l’Ukraine dit non à l’Europe », Radio
France/Franceinfo, 29 novembre 2013 (mis à jour le 2 mai 2014) ; RTL/AFP,
« L’Ukraine refuse toujours de signer un accord avec l’UE », RTL.fr, 29 novembre
2013.
1484. Seumas Milne, “It’s not Russia that’s pushed Ukraine to the brink of war”,
The Guardian, 30 avril 2014
1485. Henry A. Kissinger, op.cit.
1486. Ibid. et rapport du House of Commons, 4 mars 2014, colonne 736
1487. David Morrison, “How William Hague Deceived the House of Commons on
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1488. http://www.osce.org/hcnm/115643
1489. « 2 mars 2014, BHL, Kiev, deuxième adresse au Maidan », YouTube, 5 mars
2014
1490. Дані спільного загальноукраїнського соціологічного дослідження Центру
соціальних та маркетингових досліджень «СОЦИС» та Київського
міжнародного інституту соціології, 7 février 2014
(https://archive.is/20140207104534/http://www.socis.kiev.ua/ua/press/dani-
spilnoho-zahalnoukrajinskoho-sotsiolohichnoho-doslidzhennja-tsentru-sotsialnykh-
ta-marketyn.html); voir également Wikipedia, article « Opinion polling for the 2014
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Western Integration ?”, Atlantic Council, 16 janvier 2018
1492. “Hungary’s FM : OSCE should deploy observers to Ukraine’s Transcarpathia
region”, abouthungary.hu, 8 décembre 2017
1493. MTI, “Szijjártó : Magyarország nem tudja támogatni Ukrajna integrációs
törekvéseit”, Lokal, 27 octobre 2017
1494. « Во Львове митинговали за автономию Галичины », Korrespondent.net,
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1495. Andrzej Sadecki, Tomasz Piechal & Tomasz Dąborowski, « Ukraine : a blow
against the national minorities’ school system », Center for Eastern Studies,
Varsovie, 27 septembre 2017
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1497. « Crise en Ukraine : ce que dit l’accord de Minsk 2 », www.leparisien.fr,
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1498. “Full text of the Minsk agreement”, www.ft.com, 12 février 2015
1499. Claude-Marie Vadrot (Blog), « La Russie envahit la Crimée sous les
applaudissements (gênés) de Jean-Luc Mélenchon », politis.fr, 2 mars 2014
1500. Jacques Deveaux, « Qui sont les Tatars chantés par Jamala, la chanteuse
vainqueur de l’Eurovision ? », Geopolis, 15 mai 2016
1501. Olivier Tallès, « Les Tatars de Crimée sous la pression de Moscou », La
Croix, 13 septembre 2017
1502. Les volontaires Tatars formaient 7 milices et unités rattachées à la Waffen-
SS : SS-Waffengruppe Idel-Ural, Waffen-Gebirgs-Brigade der SS (Tatar Nr. 1), 30.
Waffen-Grenadier-Division der SS (russische Nr. 2), Wolgatatarische Legion,
Tataren-Gebirgsjäger-Regiment der SS, Waffen-Gruppe Krim, Schutzmannschaft
Battalion. En tout, on peut estimer que 40 000-60 000 Tatars ont combattu avec les
forces allemandes.
1503. NdA : avec une participation de 81,3 % de la population.
1504. Le 6 mai, il est précisé que la Crimée fait partie du territoire ukrainien.
1505. https://apps.dtic.mil/dtic/tr/fulltext/u2/a341002.pdf
1506. « La crise en Ukraine », Le Monde, 27 février 2014
1507. Voir article Wikipedia (en anglais) « Partition Treaty on the Status and
Conditions of the Black Sea Fleet »
1508. Евгений Мураев и Иван Винник, народные депутаты, в «Вечернем
прайме» телеканала «112 Украина», 4 août 2016 (https://112.ua/video/evgeniy-
muraev-i-ivan-vinnik-narodnye-deputaty-v-vechernem-prayme-telekanala-112-
ukraina-04082016-206216.html)
1509. “Ukrainian defectors in occupied Crimea sidelined, relocated”,
www.unian.info, 5 octobre 2017
1510. « La Russie, l’Ukraine et le droit international », Question d’Europe n° 344,
Fondation Robert Schuman, 16 février 2015
1511. Déclaration du Conseil de l’Atlantique Nord sur la Crimée, Communiqué de
presse (2019) 039, Otan, 18 mars 2019 (mis à jour le 22 mars 2019)
1512. Anna Dolya, « L’annexion de la Crimée : leçons pour la sécurité
européenne », Fondation Robert Schuman, Question d’Europe, n° 382,22 février
2016
1513. Catherine Iffly, « Quelles perspectives pour la Crimée », Politique étrangère,
IFRI, n° 2-2017
1514. Hélène Sallon (modératrice), « Le coup de force de Poutine en Crimée
s’inscrit dans une volonté de marchandage », Le Monde, 3 mars 2014 (mis à jour le
4 mars 2014)
1515. Emmanuel Macron, lors de sa conférence de presse à l’issue du G7, le 27 mai
2017 (« Ukraine : Macron promet un échange «exigeant» et sans «concession» avec
Poutine », Europe 1, 27 mai 2017) ; « Poutine - Macron : les dossiers qui fâchent »,
BFMTV, 29 mai 2017 ; « Vladimir Poutine : Emmanuel Macron, prêt à engager un
«rapport de force» », Le Point, 29 mai 2017
1516. Résolution du Parlement européen du 18 septembre 2014 sur la situation en
Ukraine et l’état des relations UE-Russie (2014/2841(RSP), Strasbourg,
18 septembre 2014
1517. Wikipédia, Article “Russian military intervention in Ukraine (2014–present)”
(consulté le 15 mai 2019)
1518. NATO releases satellite imagery showing Russian combat troops inside
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1519. Source confidentielle.
1520. « Quand Poutine menace d’envahir l’Europe de l’Est », Le Point,
18 septembre 2014
1521. Antoine Krempf, « Des photos vieilles de six ans pour montrer l’invasion
russe en Ukraine », Radio France, 5 mars 2015
1522. Antoine Krempf, « Des photos vieilles de six ans pour montrer l’invasion
russe en Ukraine », www.francetvinfo.fr, 5 mars 2015
1523. “Shocking News 2015 Russia is burning its Own Soldiers in Ukraine Mobile
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1524. Giuseppe Sarcina, “Ukraine’s Poroshenko : « Putin the Pact-Breaker »”,
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1525. Émission « C dans l’air du 02-10-2015: Syrie : Poutine Attaque »,
YouTube/France 5, 10 novembre 2015 (46’10’’)
1526. “No Russian Troops in Ukraine says Kiev General”, YouTube, 1er février
2015
1527. “Only 56 Russians Fought in Ukraine- says Ukraine’s State Security (SBU)”,
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1528. “The 75 Russian military units at war in Ukraine”, Euromaidan Press,
23 novembre 2019
1529. Amy Mackinnon, “Counting the Dead in Europe’s Forgotten War”, Foreign
Policy, 25 octobre 2018
1530. Paul Roderick Gregory, “Russian Combat Medals Put Lie To Putin’s Claim
Of No Russian Troops In Ukraine”, Forbes, 6 septembre 2016
1531. « Russia’s War in Ukraine : The Medals and Treacherous Numbers »,
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1532. Lazar Berman, “Rebels find joint Russian-Syrian spy site near Golan
Heights”, The Times of Israël, 8 octobre 2014
1533. « Russian medal standings in military operation in Syria. Part 1 »,
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1534. « На Донбассе небоевые потери ВСУ составили 2700 человек, -
Матиос », focus.ua, 27 octobre 2018
1535. Country Policy and Information Note – Ukraine : Military service, Version
4.0, Home Office, April 2017
1536. « В ВСУ заявили о 70% неявки во время осеннего призыва », iPress.ua,
13 décembre 2017
1537. Fact Finding Mission Report – Ukraine, Office français de protection des
réfugiés et apatrides (OFPRA) et Bundesamt für Fremdenwesen und Asyl (BFA),
mai 2017 (p. 36) ; Mikhail Klikushin, « Why Are So Many Ukrainian Soldiers
Committing Suicide ? », Observer.com, 30 juin 2017
1538. https://www.facebook.com/bbcnews/videos/10151987042927217/; Paul
Roderick Gregory, « You Tube Shatters Russian Lies About Troops In Ukraine :
Putin Denies Truth To Obama », Forbes, 14 avril 2014.
1539. Rebels without a Cause : Russia’s Proxies in Eastern Ukraine, International
Crisis Group, Europe Report N° 254, 16 juillet 2019, p. 2
1540. Voir, par exemple : « Ukraine : les séparatistes pro-russes proclament la
naissance de la «Petite Russie» », RTBF/Agences, 18 juillet 2017 ; Benoît Vitkine,
« Ukraine : échange de nombreux prisonniers entre Kiev et les séparatistes », Le
Monde, 27 décembre 2017 ; Sébastien Gobert, « Ukraine : coup d’État en terre
séparatiste à Lougansk », RFI, 22 novembre 2017 ; « Les séparatistes pro-russes
veulent remplacer l’Ukraine », Euronews, 18 juillet 2017 ; « Pourquoi Macron
choisit Poutine #cdanslair 09.09.2019 », YouTube/France 5, 10 septembre 2019
(34’22’’)
1541. Adrian Karatnycky & Alexander J. Motyl, “How Western Anticorruption
Policy Is Failing Ukraine”, Foreign Affairs, 29 mai 2018
10. LA CYBERGUERRE ET
LES TENTATIVES
D’INGÉRENCE
10.1. Le contexte
Le 27 avril 2007, après que les autorités estoniennes ont
entrepris de déplacer un monument dédié aux combattants
soviétiques contre l’Allemagne nazie, le pays est
complètement paralysé par une attaque informatique sans
précédent. Les médias traditionnels accusent
immédiatement la Russie1542, affirmant que même si le
gouvernement n’est pas impliqué directement, l’action
n’aurait pas pu avoir lieu sans l’approbation du Kremlin !
On va même jusqu’à suggérer une extension de la portée
de l’Article 5 de l’Otan1543 !
Sur la base d’éléments purement spéculatifs, on affirme
que « l’attaque contre l’Estonie était bien initiée par les
services pro-russes1544 ». Mais qu’est-ce qu’un « service
pro-russe » ? Un service (donc un organe officiel, sous-
entendu « secret ») russe ? Ou un organe indépendant de
la Russie (par exemple, estonien), mais qui lui est
favorable ? Quant au terme « initié », il suggère
l’existence d’un plan et d’une organisation. La Radio-
Télévision suisse dénonce sans nuance la responsabilité du
gouvernement russe1545.
Pourtant, c’est très loin d’être démontré : sur les 3 700
adresses IP qui ont déclenché l’attaque, 2 900 étaient
russes, 200 ukrainiennes, 130 lettones et 95
allemandes1546. Selon Mikko Hyppönen, un expert de la
firme de sécurité informatique finlandaise F-Secure :
En pratique, il n’y a qu’une seule adresse IP qui mène à
un ordinateur gouvernemental. Il est bien sûr possible
qu’une attaque ait également été lancée à partir de là,
mais la personne impliquée peut être n’importe qui, du
concierge d’un ministère à plus haut1547.
Donc, on n’en sait rien. Rien ne démontre une
implication d’organes officiels russes1548 et tout indique
qu’il s’agit d’une action de la société civile. D’ailleurs, ni
la Commission européenne, ni l’Otan1549 ne confirment
l’implication de la Russie. Finalement, un seul coupable
sera identifié : un jeune Russe, militant du mouvement de
jeunesse « Nachi » – une organisation patriotique russe,
qui lutte contre « les oligarques, les antisémites, les nazis
et les libéraux » – qui a agi de manière indépendante.
En décembre 2016, les États-Unis accusent la Russie
d’avoir provoqué une panne d’électricité dans le
Vermont : les experts du département de la Sécurité
intérieure (DHS) associent l’attaque à l’entité GRIZZLY
STEPPE, prétendument liée au FSB (le service de sécurité
intérieure russe)1550. L’article du Washington Post, qui
révèle l’affaire, grossit d’heure en heure. L’information est
relayée par Europe 1, la RTBF ou RTL1551. Mais
finalement, il s’avérera que le problème vient d’un laptop,
déconnecté du réseau de la compagnie d’électricité, avec
un maliciel qui n’a pas été implanté par des Russes1552 !
Le Washington Post corrigera discrètement son article,
mais pas les médias francophones…
Au-delà des accusations quasi caricaturales contre la
Russie, ce cas illustre la difficulté à attribuer les activités
criminelles sur le Net, et le danger de les assimiler à des
actes de guerre « physique » comme le fait le
Pentagone1553 : un simple individu pourrait ainsi pousser
des États à la guerre1554. Plus grave, le National Security
Presidential Memorandum 13, signé par le président
Trump en juin 2018 autorise le Cyber Command à mener
des opérations offensives sans l’approbation du président
ou du Congrès. Ainsi, l’attaque informatique américaine
contre le réseau électrique russe en juin 20191555, mené
sans aucune approbation politique préalable1556 pourrait
juridiquement être assimilée à un « acte de guerre » !
Comme nous le verrons, les accusations contre la Russie
ne peuvent être démontrées par des faits. Elles présentent
toutes la même mécanique du complotisme : un
assemblage d’interprétations et de soupçons et de faits
disjoints en un projet guidé par Vladimir Poutine. À
l’approche des Européennes de 2019, elles sont utilisées
pour discréditer les partis « souverainistes ». Ainsi, le
21 mai 2019, sur France 24, la journaliste Julie
Dungelhoeff évoque une « ingérence russe » en
Autriche1557. Elle fait référence à l’« Ibizagate » qui
impliquait Heinz-Christian Strache, vice-chancelier
autrichien (et leader du parti d’extrême-droite FPÖ), piégé
dans une mise en scène de corruption1558, où une des
protagonistes se faisait passer pour la nièce de l’oligarque
russe Igor Makarov. Enregistrée le 24 juillet 2017, la
vidéo n’est cependant diffusée que le 17 mai 2019, juste
avant les élections européennes. Elle montre que Strache
était prêt à obtenir un financement illégal (en l’occurrence
d’un homme d’affaires russe, qui n’a pas de nièce…).
Pourtant, il n’y a ni « ingérence » (puisqu’il s’agit d’une
mise en scène1559), ni – a fortiori – d’implication du
gouvernement russe. Ainsi, elle démontre certainement
que le politicien était corrompu, mais pas que « l’Autriche
a toujours été un choix par défaut pour la Russie1560 »…
C’est de la manipulation…
10.2. « La Russie a tenté d’influencer les
élections américaines »
L’élection de Donald Trump en 2016 marquera
certainement l’Histoire par l’hystérie qu’elle a déclenchée.
En fait, des deux côtés, les appareils de parti ne sont pas
pleinement convaincus de leur candidat. Donald Trump
n’était pas le candidat favori des Républicains et il doit
plus son investiture à la faiblesse de ses adversaires qu’à
ses propres qualités : c’est un choix par défaut. Quant à
Hillary Clinton, son investiture au parti démocrate résulte
de manigances internes, pour écarter Bernie Sanders – le
candidat « hors » système – qui la menace. Comme
l’avouera plus tard Donna Brazile, présidente par intérim
du Comité national démocrate (CND), Hillary Clinton
s’était assuré la maîtrise de la stratégie du CND en
échange de financement, ce qui lui a permis de gagner
l’investiture du parti1561. Cette manipulation sera
confirmée plus tard par la sénatrice démocrate Elisabeth
Warren1562 et provoquera le revirement de nombreux
électeurs démocrates…
Une grande partie de la presse nationale américaine est
plutôt favorable aux démocrates. Jusqu’à la veille de
l’élection, les sondages accordent à Hillary Clinton 4
points d’avance sur Donald Trump (48 % contre 44 %)1563
et certains annoncent même sa victoire comme inéluctable
à 99 %1564. L’élection de Trump est donc une brutale
désillusion. Sa personnalité, ses liens conflictuels avec les
médias, et une politique extérieure s’écartant très
clairement de la ligne tracée par ses prédécesseurs, ont
encouragé les tentatives pour délégitimer son élection,
avec, en arrière-plan, l’idée d’une procédure
d’« impeachment » (« destitution »).
Entre août 2015 et novembre 2016, plusieurs
événements – réels ou supposés – se conjuguent pour
constituer ce qui deviendra le « Russiagate » ; avec le
double effet de masquer les manœuvres politiciennes au
sein du parti démocrate et de discréditer (puis, après les
élections, délégitimer) Donald Trump. Il s’agit d’un
dossier particulièrement technique et complexe, où les
hypothèses dominent. Il se subdivise en quatre « volets »
principaux :
- l’influence des électeurs à travers les réseaux sociaux ;
-la publication de près de 50 000 courriels du CND (y
compris des courriels privés d’Hillary Clinton et de John
Podesta, son directeur de campagne) ;
-la pénétration du système de vote électronique afin de
modifier ou influencer les résultats ;
-des contacts entre l’équipe de campagne de Donald
Trump avec la Russie en vue d’élaborer une stratégie
commune (« collusion »).
En mai 2017, Robert S. Mueller, est mandaté pour
étudier une possible collusion entre la Russie et l’équipe
de campagne de Donald Trump. Son rapport est publié en
avril 20191565 et conclut que la Russie s’est ingérée dans
l’élection présidentielle de 2016, mais que l’on n’en a pas
de preuves, pas plus que d’une éventuelle collusion avec
l’équipe de campagne de Donald Trump. En fait, il
témoigne de l’embarras de l’establishment.
10.2.1. L’influence des électeurs à travers les réseaux
sociaux
Le Rapport Mueller affirme que la Russie a tenté
d’influencer les esprits par « une campagne dans les
médias sociaux ». À cet effet, elle aurait utilisé les
services de l’Internet Research Agency (IRA) –
surnommée « usine à trolls » en Occident – une structure
privée aux contours mal définis, que certains médias
comme France241566, Europe11567, BFMTV1568 ou le site
de debunkage Stopfake1569 affirment liée au Kremlin (par
le fait qu’elle serait financée par Evgueny Prigogine,
traiteur du Kremlin).
Selon l’analyse de Facebook, les « Russes » auraient
dépensé 100 000 dollars pour environ 3 517 publicités
entre juin 2015 et mai 20171570. Le Computational
Propaganda Research Project de l’université d’Oxford
estime ce montant à 73 711 dollars1571 ; dont 46 000
dollars avant l’élection. Une enquête menée par Google a
montré que des « agents » ont acheté des publicités pour
4 700 dollars en « utilisant des comptes soupçonnés d’être
liés au gouvernement russe ». Par ailleurs, Google a
trouvé pour 53 000 dollars d’annonces à vocation
politique dont les paiements ramènent à la Russie, mais
dont « on ne sait pas s’ils étaient liés au gouvernement
russe » : ainsi, 7 000 dollars ont été dépensés pour
promouvoir un documentaire intitulé You’ve Been
Trumped (« Vous avez été Trumpés ») contre Donald J.
Trump, et 36 000 dollars pour questionner si le président
Barack Obama devait démissionner. D’autres montants
ont été utilisés pour promouvoir le message d’Obama1572.
Ainsi, non seulement le gouvernement russe aurait –
contre toute attente – plutôt fait de la propagande contre
Trump, mais les montants semblent peu élevés, comparés
aux 81 millions de dollars dépensés en publicités sur
Facebook par les deux candidats1573. Dans les trois États
où s’est jouée l’élection (Wisconsin, Michigan et
Pennsylvanie), les Russes ont dépensé un total de 3 102
dollars en publicités (dont la plus grande partie durant les
primaires) ; et quelques centaines de dollars avant
l’élection1574 !… Toujours selon Facebook, environ
10 millions de personnes auraient vu au moins une des
publicités payées par des Russes, dont 44 % avant les
élections, et 56 % après, tandis qu’environ 25 % étaient
destinées à des profils particuliers et n’ont jamais été vues
par personne1575. Autrement dit : un impact négligeable.
Dans un rapport commandité par la Commission
sénatoriale du Renseignement (SSCI)1576, la firme New
Knowledge constate que seuls 11 % des « posts » de
l’IRA avaient un contenu politique, dont 33 % seulement
ont déclenché une action associée (« engagements »). Les
« posts » qui nomment Clinton ou Trump ne représentent
que 6 % des tweets, 18 % des posts sur Instagram et 7 %
des posts sur Facebook1577. Ainsi, non seulement la
majeure partie des publicités n’était pas de nature
politique, mais seule une très petite partie (277) a touché
les États-clés, déterminants pour la victoire de Trump.
L’IRA aurait même utilisé le jeu Pokémon Go, en
permettant aux joueurs de donner à leurs personnages les
noms de victimes des brutalités policières aux États-
Unis1578 ! La publicité des « trolls » russes, qui a été la
plus vue par les Américains a été « Back the Badge » : une
publicité en faveur de la police1579 ! Mise en ligne le
19 octobre 2016, elle a été vue plus de 1,3 million de fois
et a reçu 73 063 « clics ».
New Knowledge et le journaliste d’investigation Aaron
Maté constatent qu’en réalité, la stratégie de l’IRA
s’apparente davantage à du marketing numérique qu’à une
stratégie d’influence. Loin d’avoir la configuration d’une
opération sophistiquée de propagande, il s’est agi d’un
travail beaucoup plus simple, fonctionnant avec des
« pièges à clicks » destinés à gagner de l’argent1580.
D’ailleurs, les liens entre l’IRA et le Kremlin ne sont pas
avérés. L’acte d’accusation contre l’IRA, établi par Robert
Mueller en février 2018, ne mentionne aucun lien avec le
gouvernement russe1581. En outre, en juillet 2019, dans un
avis et l’ordonnance qui l’accompagne, le juge fédéral
Dabney L. Friedrich reproche au Rapport Mueller de
suggérer que des activités d’influence « ont été entreprises
au nom du gouvernement russe, sinon sous sa direction »,
alors qu’aucun élément ne lie l’IRA au gouvernement
russe et que dès lors, le terme de « mesures actives » est
inapproprié1582. Dans cette perspective, les affirmations
de France24, BFMTV et d’autres relèvent du
complotisme.
10.2.2. La publication des courriels du CND
La deuxième opération principale que le Rapport
Mueller attribue à la Russie aurait été la diffusion d’e-
mails piratés. Selon James Comey, directeur du FBI, le
« Bureau » avait soupçonné des intrusions possibles dans
les serveurs du CND en août 2015 déjà, et en avait
informé son état-major de campagne. Mais il ne s’agit
alors que de suspicions, étayées par aucun fait, qui ne
retiennent pas l’attention des responsables du parti 1583.
Le 12 juin 2016, l’annonce par Julian Assange de la
publication prochaine par WikiLeaks de courriels « en
relation avec Hillary Clinton » constitue probablement le
tournant majeur de cette affaire. En fait, à ce stade, Hillary
Clinton est déjà mise en examen par le FBI pour avoir
utilisé des messageries privées pour échanger des
informations officielles classifiées, et WikiLeaks a déjà
publié 30 322 de ses courriels au mois de mars1584. Mais
nous sommes à six semaines de la convention démocrate
prévue du 25 au 28 juillet, et ces nouvelles révélations
risquent de nuire à la candidate en dévoilant la manière
dont elle a obtenu l’investiture du parti face à Bernie
Sanders.
Le 14 juin, CrowdStrike, une firme spécialisée dans la
sécurité informatique, mandatée en urgence par le CND,
annonce avoir découvert des maliciels dans les serveurs
du CND, avec des indices pouvant impliquer des hackers
russes. Le lendemain, un mystérieux « Guccifer 2.0 »
apparaît et revendique être le hacker qui aurait implanté
les maliciels et publie un document qui porte des
« empreintes » russes1585. Parmi ces empreintes, les
prénoms « Feliks Edmundovitch »1586 qui
« confirmeraient » l’implication des services russes (!)
Plus tard, le FBI prétendra que Guccifer 2.0 est un officier
du GRU (le service de renseignement militaire russe)1587,
bien qu’il s’affirme roumain1588. Pourtant, les
incohérences sont nombreuses : le premier document qu’il
publie comme « preuve », ne vient pas du CND, mais des
e-mails de John Podesta1589 ; il utilise une messagerie
(AOL.fr) qui dévoile son adresse IP ; il passe par un
serveur qui n’est pas sécurisé par le GRU ; il utilise un
service VPN russe, mais dont l’adresse IP est prise par
défaut et n’est pas cachée ; ses activités ont été
enregistrées dans le fuseau horaire de la côte est des États-
Unis ; etc.1590. En fait, encore à ce jour, personne ne sait
exactement qui se cache derrière Guccifer 2.0, mais on
sait qu’il s’agit d’une mystification.
L’association Veteran Intelligence Professionals for
Sanity (VIPS), qui regroupe d’anciens analystes des
principales agences de renseignement américaines, dont
William Binney, ancien directeur technique de la
NSA1591, expliquera dans une lettre ouverte de
juillet 2017 qu’il n’y a pas eu de hacking, mais une fuite,
et voit dans ces événements une manœuvre du parti
démocrate pour décrédibiliser les révélations de
WikiLeaks1592.
Le 22 juillet 2016, Wikileaks publie une première série
de courriels du CND, suivie, le 7 octobre, par la
publication de courriels de John Podesta, directeur de
campagne d’Hillary Clinton. La manière dont ils sont
parvenus à WikiLeaks reste controversée. WikiLeaks
affirme les avoir reçus par un informateur, tandis que
l’administration américaine prétend qu’ils ont été obtenus
illégalement en « hackant » le réseau informatique du
CND.
On sait que les courriels publiés par WikiLeaks ont été
téléchargés le 5 juillet 2016, à la vitesse de 1 976 MB en
87 secondes. Selon les spécialistes en renseignement
informatique de VIPS, une telle vitesse ne serait possible
que par transfert direct sur un support tel qu’une clé USB,
excluant un vol par hacking du réseau1593. En clair, il ne
s’agirait pas de hackers (russes ou autres), mais d’une
fuite venant d’un donneur d’alerte au sein du CND.
Assange confirmera cette version à Dana Rohrabacher
(Républicain – Californie), député de la Chambre des
Représentants1594. Ainsi, contrairement à ce qu’affirme
François Clémenceau dans l’émission « C dans l’air » du
27 février 20191595, et le journal de France 24 du
24 février 2020, on ne sait pas qui a téléchargé ces
fichiers, mais il est très peu probable que cela ait été fait
depuis la Russie.
Un incident, passé presque inaperçu en Europe, est
probablement lié à cette affaire : le 10 juillet 2016, un
jeune collaborateur du CND, Seth Rich, est tué à
Washington DC, de plusieurs balles dans le dos, dans une
rue déserte. La version officielle parle d’une attaque à
main armée qui aurait mal tourné, bien que rien n’ait été
dérobé à la victime. Le bruit se répand assez rapidement
que Seth Rich aurait été la source des courriels publiés par
WikiLeaks. L’affaire prend une dynamique propre. Le
9 août 2016, dans une interview à une chaîne de télévision
néerlandaise, Julian Assange suggère assez fortement que
Rich était la source des documents1596 et offre
20 000 dollars pour toute information permettant d’arrêter
son meurtrier1597. Conformément à sa politique de
protection des sources, il n’affirme cependant pas
explicitement que Seth Rich a été sa source.
Selon Michael Isikoff, sur Yahoo News, il s’agirait d’une
théorie du complot créée – bien évidemment ! – par le
Service de renseignement extérieur (SVR) russe1598. Une
accusation reprise par le site Conspiracy Watch1599. Mais
c’est faux. Le Washington Post constate que dans les
heures qui ont suivi la mort de Rich, les théories du
complot ont foisonné sur les réseaux sociaux, suggérant
déjà une implication de l’équipe Clinton, bien avant
l’apparition d’une mystérieuse « note » du SVR1600, qui
semble ne pas exister.
Dans une conversation téléphonique d’août 2017,
Seymour Hersh, un journaliste proche des milieux du
renseignement, affirme que les e-mails du CND n’ont pas
été « piratés », mais transmis à WikiLeaks après
téléchargement1601. Il suggère que Seth Rich est la source
de la fuite, sans établir de lien avec le meurtre1602 sur
lequel, curieusement et malgré les suspicions, il n’y aura
pas d’enquête… Ainsi, encore à ce jour, on ne sait rien, ni
des auteurs du crime, ni de leurs motivations, ni si Rich
est effectivement l’auteur des fuites ; mais l’accusation
contre la Russie prend l’eau.
En février 2020, les médias annoncent que « Donald
Trump a offert au fondateur de Wikileaks de le gracier s’il
affirmait que la Russie n’est pas impliquée dans la fuite
d’e-mails internes au parti démocrate américain1603 ».
L’information vient apparemment de SkyNews1604 : elle
vise à décrédibiliser Julian Assange et à désamorcer le
« risque » de ses révélations. Mais c’est un mensonge. En
fait, le député Dana Rohrabacher a proposé à Assange
d’intercéder en sa faveur s’il communiquait la source de la
fuite des courriels du CND1605.
Assez singulièrement pour une affaire de cette
importance, le FBI n’a jamais eu accès aux données
originales, mais uniquement à celles fournies par
CrowdStrike. Témoignant devant une commission du
Congrès, James Comey, directeur du FBI, affirme que
malgré des demandes répétées, l’accès aux serveurs du
CND a été systématiquement refusé à ses services1606 ;
tandis que le porte-parole du CND, Éric Walker, dément
que le FBI ait fait de telles demandes1607. Il apparaîtra
plus tard que pour son enquête, le FBI n’a reçu de
CrowdStrike que trois brouillons caviardés, la firme
n’ayant jamais produit de rapport final complet1608. Plus
étrange, en décembre 2017, on apprendra par Donna
Brazile qu’après la découverte de la fuite, le CND a fait
des répliques des serveurs (pour les soumettre au FBI) et
détruit les appareils originaux1609 !
Or, CrowdStrike est une firme privée qui travaille
régulièrement pour le parti démocrate1610, et le risque que
son impartialité soit compromise par des conflits
d’intérêts est grand. On peut d’ailleurs s’étonner qu’après
l’annonce de Wikileaks du 12 juin 2016, le CND ne se
soit pas adressé au FBI mais à un acteur privé, dont la
fiabilité est controversée. Il n’en demeure pas moins que
la firme attribue « l’attaque » à un groupe de hackers
désigné FANCY BEAR1611.
Au final, le « piratage » du CND n’a jamais fait l’objet
d’une enquête sérieuse et impartiale, et le fondement
même des accusations est sujet à caution1612. La NSA,
responsable de la sécurité informatique, a tous les outils
pour détecter une intrusion dans les serveurs du CND ;
pourtant elle est étonnamment absente des discussions1613.
Le 7 mai 2020, la Commission parlementaire du
Renseignement décide de déclassifier et publier un certain
nombre d’auditions de témoins du Russiagate1614, parmi
lesquelles celle de Shawn Henry, président de
CrowdStrike. Il affirme qu’il n’avait « pas de preuve
concrète que des données ont été exfiltrées du CND, mais
des indications qu’elles ont été exfiltrées ». Le terme
« exfiltré » laisse deux possibilités ouvertes : que les
données ont été prises de l’extérieur (hacking) ou qu’elles
ont été téléchargées sur un support local (clé USB).
Questionné sur ces « indications », il confesse « que les
données ont été préparées pour être exfiltrées, [ils
n’avaient pas] tout simplement pas la preuve qu’elles sont
effectivement parties1615 ». Ce qu’il décrit suggère que les
données (e-mails) ont été rassemblées avant d’être
« exfiltrées », ce qui indique une méthode du type
téléchargement et non un hacking. En clair : on n’en sait
rien, et les accusations contre la Russie ne sont que des
spéculations.
Les suppositions sont devenues des faits, qui ont à la
fois masqué des pratiques corrompues au sein du parti
démocrate, et fourni les éléments en vue d’une éventuelle
destitution de Donald Trump.
10.2.3. La pénétration du système de vote électronique
Durant les primaires du parti démocrate, une différence
anormale entre les résultats obtenus et les sondages
effectués à la sortie de certains bureaux de vote aurait
montré qu’Hillary Clinton aurait globalement obtenu de
meilleurs résultats dans les États où les machines à voter
étaient le plus faciles à « hacker »1616. Bien que ces
« corrélations » ne démontrent pas une fraude, leur
répétition est source de suspicion1617 et met en lumière le
risque d’une ingérence russe, qui ne sera pas confirmée.
Le 29 septembre 2016, sur la base de « sources bien
informées », la presse américaine révèle que la Russie
aurait pénétré les systèmes de vote électronique de « près
de la moitié » des États1618. Mais c’est un mensonge.
L’information provient du brouillon d’un rapport du
Département de la Sécurité Intérieure (DHS) et de l’Office
du Directeur du Renseignement national (ODNI)1619 qui
sera publié le 7 octobre 2016, mais qui est beaucoup
moins affirmatif. Il évoque simplement que 21 États
pourraient « potentiellement être ciblés par les cyber-
acteurs du gouvernement russe ». Autrement dit, il s’agit
d’une « possibilité », pas même d’une probabilité. Comme
dans toute cette affaire, la note n’est pas basée sur des
faits ou des preuves, mais sur des éléments
circonstanciels ; en l’occurrence, sur une « cohérence avec
les méthodes et les motivations1620 » de la Russie. Elle
précise néanmoins que les agences de renseignement ne
sont « pas en mesure d’attribuer cette activité au
gouvernement russe1621 ».
En octobre 2019, le rapport de la Commission
sénatoriale du renseignement, confirmera qu’il n’y a
aucune indication que les listes électorales aient été
modifiées1622.
10.2.4. La perception des services de renseignement
américains
Au début décembre 2016, le Washington Post évoque
une analyse de la CIA qui suggère que la Russie se serait
ingérée dans les élections présidentielles américaines1623.
Le simple fait que l’information vienne de la CIA lui
donne une crédibilité mondiale. Pourtant, il ne s’agit pas
d’un rapport officiel de la CIA, mais d’une discussion
animée par un membre de la CIA. L’ODNI émet alors une
note et lance une enquête sur la question à la demande du
président Obama1624.
Peu de médias relèvent que l’information n’est
confirmée ni par la National Security Agency (NSA)
(responsable de la cybersécurité), ni par James Comey,
Directeur du FBI (responsable du contre-espionnage), ni
par le général James Clapper, directeur du Renseignement
national (qui supervise et coordonne les activités de la
Communauté du renseignement), qui notent, sans la
contester, l’absence totale de preuves1625. Par ailleurs, six
ex-cadres supérieurs du renseignement réfutent les
accusations contre la Russie dans un communiqué1626.
Malgré ces réserves, certains médias traditionnels,
comme la RTBF, n’hésitent pas à transformer les doutes
en certitudes, selon le modèle du conspirationnisme et
affirmer que le « soutien du patron du FBI, James Comey,
ainsi que de James Clapper, à la tête de la direction du
renseignement (DNI), conforte solidement l’avis de la
CIA1627 »… exactement l’inverse de la réalité ! Europe 1
affirme même – sans aucun élément factuel – que Poutine
lui-même aurait « donné les instructions sur la façon de
filtrer et d’utiliser les messages dérobés aux démocrates
après les piratages informatiques1628 ». On est en pleine
désinformation.
Le 6 janvier 2017, un nouveau rapport est publié par
l’ODNI sur les tentatives d’ingérence supposées de la
Russie. Son premier « jugement-clé » est d’« estimer que
le Poutine et le gouvernement russe aspirent à aider le
candidat Trump 1629 ». Après cinq pages d’« analyse » et
cinq autres qui rapportent les critiques portées par RT
contre les États-Unis, il présente une « Annexe B ». Elle
fournit une grille qui quantifie la probabilité des
informations données dans le document comme suit :

Traduction
Probabilité Variation9 Vocabulaire anglais (officiel)
française

100 % -10 % Almost certainly, Nearly certain Presque certain

80 % ±10 % Very likely, Highly probable Très probable

70 % ±10 % Likely, Probable Probable

Roughly even chances, Roughly Chances environ


50 % ±10 %
even odds égales

35 % ±10 % Unlikely, Improbable Peu probable

18 % ±10 % Very unlikely, Highly Improbable Très peu probable

Presque pas de
5% ±5 % Almost no chance, remote
chances
Tableau 6 - Expression de la probabilité dans les analyses de l’Office du
directeur du Renseignement national américain (2017)

Elle est accompagnée d’une évaluation de la confiance


accordée aux affirmations du document1630 :

Expression Traduction
Interprétation officielle
anglaise française

Une confiance élevée indique généralement que les


jugements sont basés sur des informations de haute
High Confiance qualité et de multiples sources. La haute confiance
confidence élevée dans un jugement n’implique pas que le produit est
un fait ou une certitude ; de tels jugements peuvent
être faux.

La confiance modérée signifie que les informations


sont basées sur des sources crédibles et est
Moderate Confiance
plausible, mais n’est pas d’une qualité suffisante ou
confidence modérée
suffisamment corroborée pour garantir un niveau de
confiance élevé.

Une confiance faible signifie que la crédibilité de


l’information et/ou sa plausibilité est incertaine et
Low Faible que l’information est trop fragmentaire et
confidence confiance insuffisamment corroborée pour fonder des analyses
solides, ou que la fiabilité des sources est
discutable.

Tableau 7 - Expressions utilisées par l’Office du Directeur du


Renseignement national américain pour indiquer la confiance dans un
jugement (2017)

On relèvera qu’en regard de la notion de « confiance


élevée » – qui apparaît sept fois dans le rapport – l’ODNI
précise sans ambages qu’elle peut se référer à des
jugements faux !
La présence de telles grilles en annexe d’un rapport de
renseignement n’est pas courante. Le rapport devait sans
doute satisfaire à la fois l’administration Obama sur le
départ et la nouvelle administration Trump en cours
d’installation, et les services ont ainsi, par une élégante
pirouette, pu relativiser un message auquel ils ne croyaient
pas vraiment. On constate également que les médias
européens n’ont pratiquement pas mentionné ces grilles et
ont repris les accusations sans aucune nuance.
Ce n’est pas tout. Le 7 janvier 2017, le journal
Libération affirme :
Auditionnées ce jeudi au Sénat, les 17 agences
d’espionnage estiment que « seuls les plus hauts
responsables russes ont pu autoriser les vols et
publications de données liées à l’élection »1631.
Laissant ainsi croire que l’ensemble des services de
renseignement approuvent les conclusions du rapport.
BFMTV va plus loin en affirmant que « l’implication de
Poutine est confirmée1632 ». En juin 2017, la journaliste
Megyn Kelly lancera l’accusation à Vladimir Poutine lors
de son interview sur NBC News 1633. Même le prestigieux
New York Times accuse Trump de…
refuser encore de reconnaître un fait essentiel sur lequel
se sont accordées 17 agences de renseignement
américaines et qu’il supervise désormais : la Russie a
orchestré les attaques et l’a fait pour l’aider à se faire
élire1634.
Ce sont des mensonges. Quatre jours plus tard, la
rédaction corrige l’article en précisant que seules quatre
agences ont soutenu l’accusation contre la Russie :
l’ODNI, la CIA, le FBI et la NSA.
En fait, James Clapper a adopté le même stratagème que
Donald Rumsfeld en 2002 : il a fait rédiger le rapport par
des analystes choisis au sein de quelques agences de
renseignements1635, en écartant les services plus
« réservés » sur la question, comme l’Agence de
renseignement militaire (DIA). Or, même parmi ces
services « choisis », il n’y a pas unanimité : si la CIA et le
FBI ont une « haute confiance » dans l’implication de la
Russie, la NSA (la seule agence capable de scruter le
cyberespace), n’en a qu’une « confiance modérée 1636 ».
En jargon de renseignement : « nous n’avons pas de
preuves ».
Le 18 janvier, Barak Obama, avoue que le rapport est
« peu concluant » sur la question du hacking et de la
manière dont WikiLeaks a eu accès aux e-mails du Parti
démocrate1637. Mais ici encore, les médias ne relèveront
pas…
En mars 2017, le FBI américain met en accusation deux
agents du FSB russes pour avoir recruté des hackers dans
le but de « voler » les données de quelque 500 millions de
comptes de la messagerie Yahoo en 2014. Leurs cibles
étaient « des journalistes russes, des représentants du
gouvernement russe et des États-Unis ; les employés
d’une importante société russe de cybersécurité, «ainsi
que des collaborateurs de fournisseurs d’accès et de
messagerie Web en Russie et aux États-Unis» ». Or, ces
informations sont déjà normalement accessibles au FSB
aux termes de la loi russe. Durant la conférence de presse,
Mary McCord, adjointe en exercice du Procureur général
américain, affirme que les hackers travaillaient pour le
FSB russe, et donc avec la bénédiction du gouvernement.
Pourtant, McCord concède l’absence totale de preuves sur
cette question et qu’il ne s’agit à ce stade que
d’accusations basées sur de seules présomptions1638.
Car si le document du FBI parle bien de deux agents du
FSB, il semble ignorer qu’ils travaillaient alors pour leur
propre compte. Le premier, le major Dmitry Dokuchaev,
avait même été arrêté par le FSB en décembre 2016 pour
trahison et accusé d’avoir travaillé pour la CIA1639. Le
second, Igor A. Sushchin, travaillait pour un groupe
financier russe. En faisant croire qu’ils travaillaient encore
pour le FSB – et en omettant de dire qu’ils étaient
considérés comme des criminels par la Russie –, le FBI et
la presse américaine1640 suggèrent que c’est le
gouvernement russe qui est à l’origine de ce piratage.
Quant aux hackers, on laisse entendre qu’ils étaient parmi
les 35 diplomates russes expulsés en décembre 2016 par
l’administration Obama après la suspicion d’intrusion
dans le serveur du parti démocrate1641.
On essaie d’accréditer la thèse de l’ingérence russe dans
l’élection en tentant de démontrer une hyperactivité dans
le cyberespace. Les accusations officielles reprennent les
affirmations de compagnies privées comme FireEye et
CrowdStrike, connues pour « trouver » les hackers là où le
gouvernement souhaite les trouver : en 2014, c’était la
Chine et depuis 2016, c’est la Russie1642. Or, si les firmes
de sécurité informatique sont (parfois) compétentes dans
ce domaine, elles sont rarement compétentes en
renseignement… En l’occurrence, l’« ingérence russe »
dans l’élection américaine est attribuée à deux entités, que
les Américains ont baptisées FANCY BEAR et COZY
BEAR, et qui seraient des officines du GRU et du FSB.
Le 13 juillet 2018, le département de la Justice inculpe
12 citoyens russes soupçonnés d’appartenir aux Unités
26165 et 74455 du GRU1643, que l’on associe à FANCY
BEAR. Mais l’acte d’accusation suscite quelques
questions. Tout d’abord, ces unités sont désignées par leur
numéro postal, accessible ouvertement et utilisé pour
l’acheminement du courrier tout en dissimulant leur
désignation réelle ; un système utilisé pour toutes les
formations militaires depuis l’époque soviétique. On
constate que les services américains ne connaissent pas
ces unités, ni leur place exacte dans la structure du GRU.
Le peu qu’on en sait, est qu’elles seraient spécialisées
dans la cryptologie1644, une discipline qui n’a rien à voir
avec le hacking. En revanche, de manière assez
surprenante, ils connaissent les noms et prénoms et
hackers… dont la compétence en hacking est sujette à
caution. Ainsi, le seul « accusé » que l’on pourrait
associer à l’unité 26165 est Viktor Borisovitch Netyksho,
qui a un doctorat en mathématiques appliquées aux
réseaux informatiques complexes1645. Un autre accusé,
Boris Alekseïevitch Antonov, a mis au point une méthode
brevetée de stockage et traitement des explosifs1646… un
domaine assez différent !
En fait, on n’en sait rien. La méthodologie utilisée est la
même que celle de Bellingcat pour l’affaire Skripal : on
établit un profil des entités ou des individus que l’on
pense coupables, et on cherche ensuite des informations
qui « collent » avec les hypothèses de départ. Car un
examen honnête des traces laissées par les hackers tend à
démontrer qu’ils sont ukrainiens, et auraient même aidé la
commission d’enquête sur le crash du vol MH-17 en
juillet 20171647 !
En décembre 2016, CrowdStrike affirme que l’entité de
hackers FANCY BEAR (prétendument associée au
renseignement militaire russe) aurait pénétré le réseau de
conduite de tir d’artillerie ukrainien pour y implanter des
maliciels, causant ainsi des pertes importantes1648.
L’information est un peu « grosse », mais certains médias
traditionnels européens la relaient tout de même, comme
la Radio-Télévision Suisse1649 ou le journal
Libération1650. Il s’avérera que l’information était fausse
et a dû être retirée1651.
La présence des États-Unis dans pratiquement tous les
conflits de la planète fait de leur département de la
Défense le principal défi informatique pour des milliers de
hackers à travers le monde. En 2018, le Pentagone
bloquait environ 36 millions d’attaques par jour1652. Que
les services russes participent à ces attaques est très
probable, mais le lien établi entre eux et l’élection
présidentielle est purement spéculatif et n’a jamais été
démontré1653. En décembre 2016, le National
Cybersecurity and Communications Integration Center
(NCCIC) publie une synthèse accusant l’entité GRIZZLY
STEPPE d’avoir piraté les courriels de personnalités du
parti démocrate, comme John Podesta1654. Pourtant, les
données publiées par le NCCIC, permettent de déterminer
que GRIZZLY STEPPE serait… ukrainienne1655 !
La mauvaise foi se double d’une profonde
méconnaissance des services de renseignement et de
sécurité russes. Ces derniers ont des attributions et des
domaines d’activité très précis. Le GRU est un service qui
assure le renseignement de défense et se concentre sur
l’appréciation de la situation militaire, comme la présence
de l’Otan en Europe de l’Est, la situation en Ukraine, en
Asie centrale ou en Syrie. Le FSB traite les questions liées
à la sécurité intérieure, comme la DGSI en France, ce qui
n’exclut évidemment pas qu’elle ait une présence à
l’étranger (comme la DGSI ou le FBI américain) mais son
attention se porte sur les menaces qui toucheraient la
situation intérieure de la Russie. Il n’est pas dans leurs
attributions de suivre ou d’influencer une campagne
présidentielle qui doit faire l’objet d’un suivi stratégique
rigoureux.
En outre, on voit mal pourquoi une ingérence à
l’étranger et de cette importance serait menée par deux
agences de renseignement distinctes. En réalité, ce serait
une attribution du service de renseignement extérieur, le
SVR qui assure le renseignement stratégique, politique et
dans le cyberespace1656. Il est l’équivalent de la DGSE en
France ou de la CIA aux États-Unis, mais n’est jamais
mentionné… d’une part parce qu’on ne lui a trouvé aucun
lien avec les ingérences, et d’autre part – plus
prosaïquement – parce qu’à l’inverse du GRU et du FSB,
il est très mal connu des journalistes !
Les accusations contre la Russie sont basées sur quatre
indices : a) le logiciel de hacking était en russe, b) les
claviers utilisés étaient en cyrillique, c) le fuseau horaire
des hackers correspondait à celui de Moscou et c)
l’adresse IP était basée en Russie. Ainsi, la firme FireEye
a associé l’entité APT28 au gouvernement russe
simplement parce qu’elle opère durant les horaires de
bureau de St Pétersbourg et de Moscou !
De plus, la version du maliciel utilisé par le(s) hacker(s)
était vieille de plus d’une année et demie et n’avait pas été
mise à jour. Or, non seulement on pourrait s’attendre à ce
que la Russie ait les capacités de développer des logiciels
spécifiques, mais en plus, il est difficilement concevable
que pour mener des opérations de cette importance, elle se
risque à utiliser un logiciel obsolète, développé… en
Ukraine1657.
Il semble assez surprenant que des services spécialisés
dans les opérations de cyberguerre laissent apparaître
ouvertement leurs adresses IP et utilisent des claviers dont
la signature peut être facilement détectée ! L’examen des
876 adresses IP par le DHS et l’ODNI montre qu’elles
sont basées dans 59 pays, la plupart d’entre elles (15 %)
sont des accès TOR (anonymisés et accessibles par
n’importe qui) et américaines. Les adresses IP russes
n’arrivent qu’en troisième position – après les États-
Unis – suivies de près par les Pays-Bas, l’Allemagne et la
France1658. En clair, les liens avec le gouvernement russe
sont totalement spéculatifs et on aurait tout aussi bien pu
accuser la France.
En mars 2017, WikiLeaks a publié plusieurs milliers de
documents de la CIA sous le nom de « VAULT 7 », qui
montrent que l’agence américaine a créé un groupe
interne, désigné OMBRAGE, chargé de développer des
outils informatiques, comme MARBLE
FRAMEWORK1659, qui permettent de mener des
opérations de piratage informatique en impliquant des
pays étrangers (sous « fausse bannière »), en émulant ces
activités dans plusieurs langues (notamment le chinois, le
russe, le coréen, l’arabe et le farsi1660) comme ici1661.
Selon VAULT 7, ce logiciel a été utilisé en 2015
et 20161662. Rappelons également, que personne n’a
évoqué l’hypothèse – tout aussi possible et probable –
d’une opération menée depuis les États-Unis par le parti
républicain1663, ni que la CIA s’était déjà infiltrée dans la
présidentielle française de 20121664 ! Ceci étant, ces
documents ne permettent pas d’affirmer que la CIA est à
l’origine des actions contre le parti démocrate1665, mais
rendent plus fragiles les accusations contre la Russie.
En juin 2017, dans le cadre de son enquête, la
Commission du renseignement du Sénat auditionne trois
hauts fonctionnaires du Département de la Sécurité
Intérieure1666. À la question de savoir s’il existe des
preuves démontrant que « les votes des Américains ont été
faussés d’une manière ou d’une autre » : tous répondent
par « non1667 ». Notons au passage que lors de ces
auditions on a systématiquement évoqué « les Russes »,
sans préciser s’il s’agit d’individus isolés ou d’institutions.
Le 16 février 2018, la mise en accusation de 13
ressortissants russes par le département de la Justice pour
ingérence dans les élections présidentielles américaines
relance les rumeurs contre la Russie. Pourtant,
contrairement au rapport de janvier 2017, l’acte
d’accusation ne fait aucun lien entre ce « complot » et le
gouvernement russe ni ne mentionne aucune violation des
lois électorales américaines. Il relève par ailleurs que ces
activités avaient pour but de soutenir les candidatures de
Donald Trump, Bernie Sanders et Jill Stein (sans toutefois
expliquer comment et à quelles fins) et qu’elles auraient
débuté en 20141668… alors que la candidature de Trump
n’était même pas envisagée !
10.2.5. La collusion entre l’équipe Donald Trump et la
Russie
L’équipe de campagne de Donald Trump est accusée
d’avoir été en contact avec des agents russes afin de
coordonner une stratégie. On évoque alors des documents
compromettants (les médias affectionnent le terme de
« kompromat ») du Kremlin pour faire « chanter »
Trump1669. En février 2017, le New York Times affirme
que l’équipe de Trump a des contacts réguliers avec des
« officiers de renseignement russes 1670 », ce qui sera
démenti quatre mois plus tard par Robert Mueller, le
délégué du FBI, devant la Commission du renseignement
du Sénat1671. L’avocat de Trump, Michael Cohen, se serait
rendu à Prague afin de rencontrer des agents russes et les
payer pour pirater les serveurs du CND. Ainsi germe
l’idée d’une « collusion » entre Trump et Poutine, que
certains qualifient de « conspiration1672 ». On soupçonne
même Trump d’être un « agent russe1673 » ! Dans US
News, l’éditorialiste Michael Fuchs affirme :
Nous ne pouvons pas exclure la possibilité que le
président des États-Unis d’Amérique soit un agent –
volontaire ou non – d’une puissance étrangère hostile1674.
À l’origine de ces accusations, un dossier classifié,
rassemblé par Christopher Steele – un ex-agent
britannique – pour le compte d’une officine de
renseignement privée – Fusion GPS – et transmis au FBI.
Le 21 octobre 2016, devant le juge mandaté pour la
surveillance de contre-espionnage (FISA1675), le FBI jure
que les informations de Steele « étaient corroborées1676 ».
La presse surenchérit1677, mais c’est faux. En fait, les
accusations ont été discutées avec certains membres de
l’administration dix jours avant la publication du
rapport1678. Le site d’information Buzzfeed publie un
rapport qui affirme que Michael Cohen a menti à la
commission du Congrès sur ordre de Donald Trump1679 ;
mais il s’avérera que le site a affabulé1680.
Le 22 mars 2018, la Commission sénatoriale du
Renseignement publie un premier rapport. Classifié TOP
SECRET, il conclut qu’il n’y a pas eu de collusion entre la
campagne de Donald Trump et la Russie1681. Mais il n’a
pratiquement aucun écho dans la presse francophone. Ce
n’est qu’en décembre 2018 que certains médias
rapporteront les dénégations de Trump : une manière de
décrédibiliser les conclusions de la Commission en les
mettant dans la bouche de Trump1682.
Finalement, en mars 2019, après 27 mois d’enquête, le
rapport Mueller établit qu’aucune des accusations les plus
graves contre Donald Trump n’a pu être vérifiée1683. Le
financement du rapport Steele1684 n’a pas été
formellement établi, malgré des indices concordants
(notamment des bordereaux bancaires1685) qui désignent
l’équipe de campagne d’Hillary Clinton et le CND1686.
Ce psychodrame entretient le sentiment que la Russie
tente de s’attaquer aux États-Unis. En témoigne
l’arrestation, le 15 juillet 2018, de Mariia Butina, une
jeune femme russe de 29 ans, domiciliée aux États-Unis et
activiste au sein de la National Rifle Association (NRA).
Arrêtée pour « conspiration » et « agissements comme
agent étranger », elle est accusée d’avoir tenté d’établir
des liens officieux avec des politiciens et des
organisations américaines, notamment en organisant des
dîners d’« amitié et dialogue » russo-américains, d’avoir
pris contact avec des personnalités américaines et
d’utiliser ses contacts personnels pour promouvoir les
intérêts de la Russie1687.
L’affidavit établi par le FBI rappelle les grandes heures
du maccarthisme : argumenté par des « je pense » ou
« selon mon expérience », il n’apporte aucun fait1688.
Euronews titre Une agent russe présumée plaide
coupable1689, le magazine l’Express la traite
d’« espionne »1690, et le média 20 Minutes prétend qu’elle
a été « inculpée pour espionnage1691 », le magazine Le
Point affirme qu’elle a « plaidé coupable d’être une
agente russe1692 », Paris Match et Europe 1 soulignent
que la jeune Russe ne faisait pas partie des services russes,
mais affirment qu’elle pratiquait un « espionnage light »
(!) et « faisait partie d’un complot du Kremlin1693 ».
Mais ce ne sont que des mensonges doublés de
complotisme, car les charges retenues contre la jeune
femme ne mentionnent ni l’espionnage ni l’appartenance à
une structure de renseignement1694. En réalité, elle est
inculpée pour avoir participé à des activités de lobbyisme
comme personne étrangère, sans être dûment enregistrée
comme le prévoit la loi américaine, ce qui la rend
coupable de « conspiration ». Mais elle « conspire » seule,
car elle n’a pas de « complices ». En fait, naïvement, elle
aspirait à améliorer les relations entre les États-Unis et la
Russie et avait écrit en mars 2015 un concept intitulé
« Diplomacy Project » visant à revitaliser les liens entre
les deux pays « à travers les institutions officielles » et des
événements sociaux. Ironiquement, Mariia Butina est
aussi active politiquement en Russie, dans le parti…
d’Alexeï Navalny, opposant à Vladimir Poutine1695 ! Elle
est finalement libérée en octobre 2019 après avoir été
torturée et maintenue au secret durant plusieurs mois.
L’Occident est devenu fou !
Le député démocrate de Californie Adam Schiff,
président de la Commission du Renseignement de la
Chambre des représentants, résume les accusations de
collusion portées contre l’équipe de campagne de Donald
Trump et la Russie, en dépit de la publication du Rapport
Mueller. Chacune d’elles est réfutée par le journaliste
d’investigation Aaron Maté, dans une vidéo faite pour The
Grayzone, un média indépendant américain, que nous
reprenons ici1696 :
- Les Russes ont offert à Donald Trump de salir la
candidate démocrate. C’est faux. Il s’agit d’un courriel
envoyé par Rob Goldstone, un Britannique qui est l’agent
d’une star de la pop russe, à Donald Trump Junior, lui
offrant une réunion avec une avocate russe, qui aurait eu
des documents compromettants sur Hillary Clinton. En
fait, aucun des protagonistes de cette affaire ne sont
officiels ou liés au gouvernement russe de près ou de loin,
ni commandités par lui1697.
- Paul Manafort, membre de l’équipe de campagne de
Donald Trump, aurait donné des informations à un
oligarque russe. C’est faux. L’accusation est basée sur un
courriel échangé par Manafort et un de ses collègues pour
savoir comment il pourrait exploiter sa position pour
s’approcher de l’oligarque russe Oleg Deripaska, à qui il
devait de l’argent. En réalité, il n’y a eu aucun échange
d’avantages entre les deux hommes en relation avec la
campagne de Trump1698. Les inculpations de Paul
Manafort n’ont rien à voir avec la campagne, mais avec
des questions fiscales liées à ses activités de lobbyiste en
Ukraine… contre la Russie1699 !
- Un membre de l’équipe de campagne de Trump aurait
fourni des sondages sur les intentions de vote à des agents
de renseignement russes. Il s’agit de Konstantin V.
Kilimnik un Russo-Ukrainien, que l’on accuse d’avoir
« des liens » avec des agences de renseignement russes.
En réalité, on n’en sait rien. Robert Mueller avoue lui-
même que le FBI n’a jamais pu prouver ces
accusations1700.
- Donald Trump aurait approuvé le fait que la Russie
pirate les courriels d’Hillary Clinton (La BBC prétend
même qu’il aurait « encouragé » la Russie à le faire1701 !).
C’est faux. En fait, cette accusation provient d’un discours
de Donald Trump où il fait allusion aux 30 000 courriels
qu’Hillary Clinton avait soustraits aux contrôles officiels
en utilisant un serveur privé, alors qu’elle était Secrétaire
d’État. Il ironise que « la Russie, la Chine ou tout autre
pays » auraient tort de ne pas profiter de cette indiscipline.
- Le beau-fils de Trump aurait tenté d’établir un canal de
communication secret avec Moscou en utilisant des
installations russes. Mésinformation. En fait, quelques
jours après l’élection de Donald Trump, Jared Kushner a
pris contact avec l’ambassade de Russie, afin d’échanger
des informations sur la Syrie. Cet échange nécessitait une
ligne sécurisée que ni l’équipe de campagne ni
l’ambassade russe n’avaient : rien n’a donc été fait jusqu’à
l’inauguration du président Trump1702. Kushner n’a fait
l’objet d’aucune accusation pour avoir menti à Mueller ou
au Congrès.
- Le candidat Trump aurait autorisé un membre de son
équipe de campagne à prendre des contacts avec
WikiLeaks. Mésinformation. En effet, après l’annonce de
la publication prochaine de courriels du Parti démocrate,
Roger Stone a pris contact avec WikiLeaks, afin de
connaître le contenu de ces courriels ; et après le 22 juillet,
Steve Bannon aurait demandé à Stone des détails sur les
révélations suivantes. En fait, cela démontre que ces
divulgations étaient indépendantes de l’équipe de Trump,
et que celle-ci n’avait aucune connaissance de l’opération.
Par ailleurs, la « collusion » entre WikiLeaks et les
services de renseignement russes a toujours été réfutée par
Julian Assange.
- Le futur Conseiller à la Sécurité nationale de Donald
Trump a tenté de prendre contact avec les Russes, afin
d’affaiblir les sanctions américaines, et aurait menti au
FBI sur ces contacts. C’est un mensonge. En fait, dans les
semaines qui ont suivi l’élection de Donald Trump, le
général Michael Flynn, futur Conseiller à la Sécurité
nationale, a effectivement pris contact avec l’ambassadeur
russe Sergueï Kislyak. Mais il ne s’agissait pas des
sanctions américaines, mais de contrecarrer une résolution
de l’administration Obama au Conseil de Sécurité des
Nations unies, visant à condamner les implantations
israéliennes dans les territoires occupés1703. Trump
répondait ainsi à une demande de Netanyahu d’influencer
la décision onusienne1704. L’ambassadeur russe refusera.
Ainsi la seule collusion ici est avec… Israël ! Après les
rumeurs sur l’ingérence russe dans les élections,
l’administration Obama a pris une série de nouvelles
sanctions contre la Russie. Michael Flynn a alors repris
contact avec l’ambassadeur russe pour le rassurer sur les
intentions de Trump après son entrée en fonction. Les
transcriptions des conversations téléphoniques sont
connues, et on sait qu’il n’y a pas eu de transaction entre
l’équipe Trump et le gouvernement russe.
- Trump voulait construire une tour à Moscou et a
cherché à s’attirer les bonnes grâces du gouvernement.
Mésinformation. En réalité, comme son avocat Michael
Cohen en a témoigné devant la commission du Congrès,
Trump pensait que s’il ne gagnait pas cette élection, elle
lui offrirait une excellente publicité, et il avait prévu de
construire une tour dans ce cas. Finalement, aucune
démarche concrète ou paiement n’a été fait pour cette
construction.
10.2.6. Conclusions pour le Russiagate
Au fil des mois, l’ingérence russe dans la présidentielle
américaine apparaît comme une gigantesque
mystification. Dans un premier temps, l’enjeu des
Démocrates est d’assurer la légitimité du résultat des
primaires en faveur d’Hillary Clinton ; et dans un
deuxième temps, après le choc d’une élection dont
manifestement personne n’avait prévu l’issue, le parti
cherche à délégitimer le président Trump. Ainsi, les
médias ont mis le projecteur sur les attaques contre le
CND, mais bien peu ont mentionné que le Comité national
républicain (CNR) avait également été l’objet d’attaques
informatiques1705. De même, ils se sont concentrés sur la
manière dont les courriels du CND ont été obtenus, mais
ont négligé leur contenu, qui aurait pu être dévastateur
pour le parti démocrate. Finalement, le Russiagate a été
une manière magistrale de masquer les faiblesses de la
candidate démocrate et de sa stratégie.
La lecture française de la présidentielle américaine est
basée sur une réflexion linéaire, influencée par sa propre
culture politique, où l’impact d’une stratégie de campagne
est faible. Or, dans le système américain des Grands
Électeurs, qui donne aux États un poids différent, la
stratégie a une importance considérable. Ainsi le site
Fivethirtyeight, de la chaîne ABC News, a comparé les
stratégies des deux candidats1706. Elle constate entre
autres, que le Wisconsin était un État-clé mais qu’Hillary
Clinton ne l’a pas visité une seule fois durant la
campagne1707. En fait, la candidate démocrate a délaissé
les États qu’elle considérait comme « acquis », alors que
l’équipe Trump s’est concentrée sur les États qui
pouvaient « lui rapporter le plus ».
La seule et la plus grande manipulation documentée des
élections américaines de 2016 résulte d’un contrat de
800 000 dollars conclu entre John Bolton et la firme
britannique Cambridge Analytica, visant à influencer
l’électorat des États-clés. Utilisant les données de plus de
50 millions d’électeurs potentiels, vendues par Facebook,
la firme a permis un ciblage plus précis et plus efficace
des électeurs par l’équipe de Donald Trump dans les
derniers jours de la campagne1708.
Lors des élections sénatoriales de 2017, le parti
démocrate d’Alabama a tenté une manipulation similaire,
qui n’a eu pratiquement aucun écho dans les médias
francophones. Pudiquement appelée « expérience », elle a
été dévoilée par le New York Times. Réalisée par la firme
New Knowledge, elle visait à promouvoir le candidat
démocrate en créant de faux comptes républicains sur
Facebook et Twitter, et en utilisant des milliers de faux
« bots » russes pour suggérer que le républicain Roy
Moore était soutenu par la Russie1709. Il sera battu de
22 000 voix, alors que l’État n’avait pas eu de sénateur
démocrate depuis 1992. Le journal Le Monde y verra une
défaite pour Trump, mais n’évoquera pas cette
« tricherie »1710. Probablement à juste titre d’ailleurs, car
selon le Times, son budget de 100 000 dollars « était
probablement trop petit pour avoir un effet significatif sur
l’élection », dont le coût total s’élevait à 51 millions. Or,
durant la présidentielle, « les Russes » avaient investi
moins de 100 000 dollars dans Facebook, une goutte d’eau
comparée aux USD 2,4 milliards de dollars dépensés par
les deux candidats à la présidence.
En octobre 2019, la Commission sénatoriale du
Renseignement publie son rapport final. Le rapport relaie
des préjugés simplistes côtoyant des affirmations
gratuites, mais confirme néanmoins que :
L’écrasante majorité du contenu diffusé par l’IRA
n’exprimait pas de soutien clair à l’un ou l’autre des
candidats à la présidence1711.
Un mois plus tard, le Journal de l’Académie des
sciences américaine publie une étude approfondie des
« tweets » durant la campagne électorale, qui conclut que
les comptes créés par l’IRA n’ont pas eu d’impact sur le
comportement des électeurs1712. Tout indique que le
Russiagate n’est que l’« hystérisation » d’une campagne
de « pièges à clics » menée par des groupes
d’informaticiens en Russie et en Roumanie pour gagner de
l’argent1713. Si le gouvernement russe s’était
effectivement ingéré dans l’élection, on ne voit pas
exactement pourquoi et comment la Russie aurait mis à
profit ce travail, puisque rien n’indique qu’elle a été
faussée.
Il est assez pathétique de voir le pays qui a sans doute le
plus fomenté de coups d’État dans le monde, qui s’est le
plus impliqué – y compris de manière criminelle – dans
les affaires d’autres pays, qui a soutenu et organisé des
actes terroristes, et a tenté d’assassiner Fidel Castro 638
fois1714 (!), pleurnicher aujourd’hui sur l’éventualité que
d’autres puissent s’ingérer dans ses affaires1715.
10.3. « La Russie a influencé le vote britannique
sur le Brexit »
Le 23 juin 2016, par un vote historique, 51,9 % des
votants britanniques décident de quitter l’Union
européenne. Depuis 2014, les sondages avaient montré
une opinion publique très partagée sur la question
européenne1716. Pour les élites politiques européennes, le
« bon sens » ne pouvait être qu’en faveur de l’Europe ;
ainsi, le résultat est interprété comme un désaveu. La
crainte que le phénomène se répète ailleurs, pousse les
« experts » et les autres gouvernements européens, dont la
France, à dramatiser le « saut dans l’inconnu » et à prédire
le désastre. La crainte est très concrète puisqu’en
janvier 2018, le président Macron confessera à la BBC
que les Français accepteraient probablement de quitter
l’Europe s’ils étaient consultés par référendum1717.
Il faut donc trouver rapidement une explication à cette
décision inattendue… Dans un premier temps on évoque
des promesses fallacieuses, comme la réallocation des
contributions européennes à la sécurité sociale
britannique. Dans un deuxième temps, dans le sillage du
« Russiagate » aux États-Unis, on cherche du côté des
« méchants ». La Russie vient alors tout naturellement à
l’esprit. Le rapport du Parlement britannique sur la
désinformation et l’exploitation des fausses nouvelles
constate :
En novembre 2017, le Premier ministre a accusé la
Russie de s’immiscer dans les élections et de diffuser des
« fausses nouvelles » dans le but d’« utiliser l’information
comme une arme » et de semer la discorde à l’Ouest1718.
Mais il conclut :
Cependant, nous tenons à réaffirmer que le
gouvernement n’a pas eu la preuve de l’emploi réussi de
désinformation par des acteurs étrangers, y compris la
Russie, pour influencer les processus démocratiques
britanniques1719.
Interrogé sur la signification du terme « réussi », le
secrétaire d’État britannique répond :
Nous n’avons rien constaté qui nous persuade que
l’ingérence de la Russie a eu un impact matériel sur la
façon dont les gens choisissent de voter aux élections. Ce
n’est pas qu’ils n’ont pas essayé, mais nous n’avons pas
constaté la preuve de cet impact matériel1720.
En clair : on n’en sait rien, mais aucun impact n’a été
observé. Quant aux réseaux sociaux, Simon Milner,
directeur de la politique de Facebook pour le Moyen-
Orient et l’Afrique, déclarait :
Nous n’avons pas vu, lors des dernières élections
générales, du vote sur le Brexit ou des élections générales
de 2015, du journalisme d’investigation – par exemple –
qui aurait suggéré que de nombreuses campagnes seraient
financées par des tiers. […] Rien n’indique que cela se
passe1721.
En juin 2019, Nick Clegg, ex-vice-premier ministre,
député au Parlement et vice-directeur de Facebook,
confirme qu’il n’y a « absolument aucune preuve » que la
Russie ait influencé le vote, et que le réseau social n’avait
pas constaté « de tentatives significatives par des forces
extérieures » pour le faire, tout en précisant que « les
racines de l’euroscepticisme britannique sont très
profondes1722 », et donc qu’il n’y avait pas besoin d’une
intervention russe1723.
Quant à Twitter, 419 comptes – considérés comme basés
en Russie – ont émis 3 468 « tweets » sur le thème du
Brexit, dont 78 % après le vote1724 ! Mais cela n’empêche
pas le journal Libération d’affirmer qu’il y a eu une
ingérence russe dans le scrutin, sans donner un seul
élément qui le confirme1725. À part des considérations
générales sur des actions attribuées à la Russie (comme
une panne électrique le jour du scrutin), la journaliste crée
une confusion entre ce qui « vient de Russie » et ce qui
serait mené par le gouvernement russe.
L’affaire rebondit en juillet 2020, alors que la Grande-
Bretagne fait face aux difficultés de l’après-CoVid-19. Les
accusations contre la Russie ressurgissent, reprises en
chœur par la presse internationale1726. Mais aucun ne
relève que ces accusations reposent sur du vent. Devant le
Parlement, Dominic Raab, le secrétaire du Foreign Office
déclare :
Bien qu’il n’y ait aucune preuve d’une campagne russe à
large spectre contre les élections générales, toute tentative
d’ingérence dans nos processus démocratiques est
totalement inacceptable1727.
Une fois de plus on crée un problème à partir de rien. En
réalité, l’ingérence de la Russie permet de masquer
l’euroscepticisme traditionnel des Britanniques et
l’absence totale de stratégie européenne dans le traitement
de la crise des réfugiés entre 2014 et 2016. Les élites
occidentales manquent cruellement d’imagination pour
développer des stratégies, que cela soit dans le domaine
politique ou militaire.
10.4. « La Russie a tenté d’influencer l’élection
de Macron »
L’hystérie créée aux États-Unis par l’hypothèse d’une
intervention russe dans les élections américaines n’a pas
épargné la France. En fait, on surfe sur la vague créée par
l’élection de Donald Trump, alimentée par les
spéculations de Richard Ferrand en février 20171728 et de
Mounir Mahjoubi, responsable informatique de la
campagne d’En Marche1729. BFM TV pointe du doigt sans
équivoque la Russie1730, alors que de l’aveu même de
Ferrand, les « 2 000 attaques […] proviennent très
clairement d’Ukraine1731 ». Quant aux raisons d’une telle
ingérence, Ferrand soutient que Poutine cherche à étendre
son influence1732… À quelles fins et comment ? Pas de
réponse. C’est idiot.
Cette distorsion des faits permet aux médias de faire
d’une pierre deux coups : contre Trump et contre la
Russie, tout en ouvrant la porte aux accusations
concernant le référendum sur le Brexit et la campagne
d’Emmanuel Macron1733 ! Une illustration du phénomène
« post-vérité »…
En fait, en février 2017, le candidat Macron est au
coude-à-coude avec Fillon, mais il n’a pas de programme
et son électorat est encore fragile. Un sondage effectué par
l’Ifop montre que son électorat est le plus faiblement
convaincu de son choix1734. Il faut donc le raffermir et lui
donner une stature en montrant qu’il est la cible de la
Russie. Les accusations de Ferrand n’ont aucun
fondement technique : interviewé sur la plateforme
«.pol », il botte en touche et n’amène que des éléments
circonstanciels. Il précise que même s’il s’agissait d’un
« coup de com’ », il ne l’avouerait pas1735 ! C’est tout
simplement puéril.
Le 5 mai 2017, deux jours avant le second tour des
présidentielles, le mouvement En Marche annonce qu’il a
été l’objet d’une attaque informatique et que quelque
20 000 courriels ont été piratés. Immédiatement,
l’ingérence russe est évoquée. Le journal britannique The
Independent cite Vitali Kremez, directeur de la firme de
sécurité informatique « Flashpoint », qui affirme que les
pirates appartiendraient à l’entité FANCY BEAR1736, qui
aurait attaqué le parti démocrate américain en 2016. Mais
en fait, on n’en sait rien. Une analyse produite par slate.fr
montre que l’origine des fuites se situe probablement en
France et qu’en plus des courriels « fuités », il y a aussi
des faux qui ne proviennent pas du piratage en
question1737. Le magazine américain Forbes1738 enquête
et émet les mêmes doutes sur la responsabilité de la
Russie. Le « Macronleaks » pourrait donc être une
machination orchestrée en France même.
En juin, Guillaume Poupard, directeur de l’Agence
Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information
(ANSSI), responsable de la cybersécurité en France,
affirmera que « rien ne permet d’affirmer que la Russie
est à l’origine de cette attaque1739 ». Il confiera à
Associated Press que l’attaque ne présente pas les
caractéristiques d’une action étatique, que rien ne permet
de la relier à la Russie, et qu’elle « pourrait même [avoir
été menée] par un individu isolé1740 ». Donc : rien.
Pourtant, le rapport établi conjointement par le Centre
d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) des
Affaires étrangères et l’Institut de recherche stratégique de
l’École militaire (IRSEM) du ministère des Armées en
2018, ne mentionne pas ces observations, et affirme que
les responsables des fuites sont « de façon relativement
certaine […] liés aux intérêts russes1741 ». Des médias
comme Le Parisien1742 et Le Monde1743 reviendront sur la
« menace russe » à l’occasion des élections
européennes… sans amener d’éléments factuels. En
Belgique, le quotidien La Libre va jusqu’à affirmer que les
mêmes acteurs se sont attaqués à l’opérateur de téléphonie
Proximus et à l’Otan1744. Mais personne n’évoque le fait
que l’une des pistes conduit aux… États-Unis1745 !
Lors de la visite de Vladimir Poutine, en mai 2017,
Emmanuel Macron n’évoque pas ces prétendues attaques
informatiques1746. En revanche, il accuse les médias
russes Sputnik et RT d’avoir « produit des contre-vérités »
au cours de la campagne présidentielle française. Mais il
ment. Car ils ne les ont pas « produits », tout au plus ont-
ils relayé des fausses nouvelles produites en France
même, comme le démontre un débunkage de
Libération1747.
Selon toute vraisemblance, le gouvernement russe n’est
pas intervenu dans la campagne française, mais on a
généré un doute que l’on « traînera » jusqu’aux élections
européennes de 2019. Malgré quelques erreurs factuelles,
France-Culture est l’un des rares médias français à
proposer une analyse plus honnête de la situation1748.
L’affaire resurgit en décembre1749 – sans élément
nouveau – et sera reprise par Emmanuel Macron en
février 2020 lors de la conférence de Munich sur la
Sécurité1750.
Par ailleurs, s’il y avait réellement eu ingérence, nul
doute qu’une vraie démocratie qui se respecte aurait
invalidé le scrutin !… En fait, il ne s’agit que de
spéculations. Si une loi sur les fake news avait été en
vigueur lors de la présidentielle de 2017, La République
en Marche (LREM) en aurait certainement été la première
victime… En fait, c’est simplement une manière de se
créer une stature aux dépens de la Russie, sans aucun
élément concret.
10.5. Conclusions sur les « ingérences russes »
En l’état, il n’est ni possible ni honnête d’affirmer avec
certitude que la Russie est à l’origine de tentatives
d’ingérence. En réalité, nous n’en savons rien, même si les
indices disponibles pointent plutôt vers surdramatisation
et une désinformation occidentale. En supposant que la
Russie soit le principal suspect, la première question à
poser est : dans quel but ?
L’idée d’une Russie « qui cherche à diviser » l’Europe
semble être une explication qui se suffit à elle-même. En
fait, ces allégations reposent sur une interprétation assez
simpliste de la politique soviétique et son extrapolation
jusqu’à nos jours (puisque Poutine était un agent du
KGB !).
Jusqu’au 20e Congrès du parti communiste, l’URSS
considérait la guerre avec l’Occident comme inévitable.
Mais à partir de 1956, avec le principe de coexistence
pacifique, elle est considérée comme « évitable », mais le
risque subsiste. Dans ce contexte, la désinformation
soviétique a toujours été liée à des objectifs très concrets,
et non à des finalités génériques, comme on la présente
aujourd’hui. Elle suivait deux axes principaux : a) montrer
à la population soviétique que leur système était supérieur
à l’autre (afin de l’encourager à accepter de vivre en
économie de guerre) ; b) découpler l’Europe des États-
Unis (pour lui retirer son « parapluie » nucléaire). C’est
pourquoi l’URSS est alors plutôt favorable à une défense
européenne (sans l’Allemagne)1751, et soutient les
mouvements pacifistes et anti-nucléaires (qui deviendront
« Les Verts » en Allemagne1752).
La tendance à convertir les nuances de gris en une image
binaire (blanc/noir) conduit à des contresens. En 2017, la
visite de Marine Le Pen à Vladimir Poutine a déclenché
une rhétorique illustrée par Frans Timmermans, vice-
président de la Commission européenne :
La raison pour laquelle Poutine soutient l’extrême droite
en Europe, c’est parce qu’il sait que cela nous affaiblit et
que cela nous divise1753.
Pourtant, on constate que les pays européens qui ont la
politique la plus conservatrice (Pologne et Hongrie) sont
précisément ceux qui sont le plus farouchement opposés à
la Russie. L’affirmation est donc strictement politicienne
et a pour objectif d’influencer la politique en France, mais
ne reflète pas la réalité. Le vrai problème est que ni les
médias ni les politiques n’ont compris les mécanismes qui
génèrent les populismes (vulgairement appelés « extrême-
droite »).
On observe que dans pratiquement tous les pays où
l’ingérence russe a été évoquée, le gouvernement est pris
par des problèmes de politique intérieure : question des
minorités linguistiques (pays baltes et Ukraine), des
erreurs de stratégie électorale (le parti démocrate aux
États-Unis et en France) ou une mauvaise gestion des
affaires courantes (en Grande-Bretagne, en Suède et en
France).
En France depuis la fin 2018, les « Gilets jaunes » font
l’actualité chaque samedi dans les rues. Une telle
longévité est inédite et alimentée par des stratégies peu
claires et une communication maladroite du
gouvernement. En fait, personne n’a tenté de comprendre
le mouvement : on a eu des lectures partisanes et
émotionnelles du phénomène, toutes tendances politiques
confondues, et – comme souvent – il faut aller vers des
commentateurs anglo-saxons pour avoir une lecture plus
dépassionnée1754. L’incompréhension est ici liée à
l’incompétence, et est difficile à défendre : on blâme donc
la Russie ! Un article du Times1755 de Londres vient à
l’aide des médias français pour expliquer que « la Russie
attise la contestation »1756, pour « amplifier les
divisions1757 ». Dans quel but ? Pas de réponse ! En
réalité, on n’en sait rien, comme Kevin Limonier, maître
de conférences à l’Institut français de géopolitique de
l’Université Paris 8, l’explique sur France-Culture :
Pour ce que l’on en sait, aujourd’hui, on sait que
l’ingérence russe dans le mouvement des Gilets jaunes est
assez minime voire inexistante. Il y a une sympathie pour
les médias russes parmi les Gilets jaunes, mais on n’a rien
vu de plus1758.
En France, comme pour le « Russiagate », des
accusations comme « on pense que… », « il se pourrait
que… », « il est possible… », etc. deviennent des
certitudes. On assemble des hypothèses en fonction de
préjugés datant de la guerre froide, du genre « la
désinformation, une solide tradition en Russie1759 », sans
apporter aucun élément pour l’étayer. C’est la méthode du
complotisme : ce que font « des Russes », devient une
action de la « Russie », donc du gouvernement, et par
conséquent une décision de Vladimir Poutine lui-même…
En réalité, les politiciens qui colportent ces rumeurs ne
tiennent pas la démocratie en haute estime : ils l’utilisent
simplement à des fins personnelles…
En revanche, on reste très discret sur l’ingérence
américaine lors du référendum pour le maintien de la
Grande-Bretagne à l’Union européenne en 19751760…
Plus récemment, le 7 juin 2019, le Washington Post
rapporte que Mike Pompeo a ouvertement déclaré qu’il
ferait tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher le
leader travailliste Jeremy Corbyn d’accéder au poste de
Premier ministre de la Grande-Bretagne1761 ! Pourtant,
aucun média traditionnel français ne rapportera cette
ingérence… Démontrant que l’indépendance de nos
médias n’est pas un fait acquis.

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Chine (1950-53), Iran (1953), Guatemala (1954), Tibet (1950-), Indonésie (1958),
Cuba (1959-), Congo (1960-65), Irak (1960-63), République Dominicaine (1961),
Vietnam (1961-1975), Brésil (1964), Congo (1964), Guatemala (1964), Laos (1964-
73), République Dominicaine (1965-66), Pérou (1965), Grèce (1967), Guatemala
(1967-69), Cambodge (1969-70), Chili (1970-73), Argentine (1976), Turquie
(1980), Pologne (1980-81), El Salvador (1981-92), Nicaragua (1981-90),
Cambodge (1980-95), Angola (1980), Liban (1982-84), Grenade (1983),
Philippines (1986), Libye (1986), Iran (1987-88), Libye (1989), Panama (1989-90),
Irak (1991), Koweit (1991), Somalie (1992-94), Irak (1992-96), Bosnie (1995), Iran
(1998), Soudan (1998), Afghanistan (1998), Serbie (1999), Afghanistan (2001),
Irak (2003-), Somalie (2006-2007), Libye (2011-), Syrie (2011-)
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1719. Disinformation and ‘fake news’- Interim Report : Government Response to
the Committee’s Fifth Report of Session 2017–19, Document HC 1630, House of
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1730. « Le site de «En Marche !» de nouveau victime d’une attaque russe », BFM
TV, 14 février 2017
1731. « Quand le piratage informatique menace la présidentielle », France 3
(www.francetvinfo.fr), 16 février 2017 (mis à jour le 30 mars 2017). NdA :
l’expression « très clairement » est prononcée par Ferrand (voir la vidéo), mais
n’est pas reprise dans la citation du texte !
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Macron », Le Huffington Post/YouTube, 16 février 2017
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Conclusive », Forbes, 8 mai 2017
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1758. « Macronleaks : y a-t-il eu ingérence russe dans l’élection présidentielle
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1759. Henri Vernet & Ava Djamshidi, « Comment la Russie veut influer sur les
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1761. Alex Tiffin, « Mike Pompeo Threatens To Intervene In British Democracy To
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11. LA CORÉE DU NORD
11.1. « Les Nord-Coréens n’ont jamais respecté
leurs engagements de cesser de travailler à leur
arme nucléaire1762 »
Au sommet de Singapour, le 12 juin 2018, Donald
Trump et Kim Jung-Un signent une feuille de route en vue
d’une normalisation entre les deux pays. Pratiquement
tous les commentateurs affirment que la Corée du Nord
(RPDC1763) n’a jamais respecté ses engagements jusque-
là. Mais on tait soigneusement que l’origine du problème
se trouve dans le fait que les États-Unis n’ont jamais
rempli leurs obligations.
Les services de renseignement américains s’intéressent
aux capacités nucléaires de la RPDC depuis les
années 1980. Mais leurs analyses sont restées très
incohérentes, plus basées sur les fluctuations de la
politique étrangère américaine que sur des faits avérés1764.
En mai 1983, un rapport SECRET de la CIA avoue :
Nous n’avons aucune raison de penser que les Nord-
Coréens ont les installations et les équipements nécessaires
au développement et aux essais d’armes nucléaires1765.
D’ailleurs, en décembre 1985, la RPDC adhère au Traité
de non-prolifération nucléaire (TNP). En fait, selon un
East Asia Brief de la CIA daté du 27 décembre, les
Soviétiques l’auraient aidé à construire un réacteur à
condition qu’elle rejoigne le TNP1766. À partir de 1989,
l’administration américaine accuse le régime de Pyong
Yang de mener un programme d’armement clandestin ;
mais en fait, on n’en sait rien. Conformément à sa
stratégie de dissuasion, Pyongyang entretient – comme
Israël – le doute à ce sujet.
En 1994, l’administration Clinton entame des
négociations avec le régime nord-coréen, afin de
démanteler son programme nucléaire en échange d’une
aide économique. Un Accord-cadre (« Agreed
Framework ») est ainsi signé le 21 octobre 1994. Il
prévoit le gel les activités du complexe nucléaire de
Yongbyon, et du retraitement de plutonium. En échange,
les États-Unis s’engagent à assouplir les restrictions sur le
pétrole et à faire construire deux réacteurs à eau légère,
pour remplacer les réacteurs existants et permettre le
développement d’une énergie civile. Le premier devait
être construit dans les trois mois et le second après que la
Corée a remis son combustible nucléaire sous contrôle
international. Parallèlement, les deux pays devaient
rétablir des relations diplomatiques avec échange
d’ambassades.
La RPDC respecte sa part de l’accord, mais pas les
États-Unis : les premières livraisons de pétrole sont très
tardives, la Corée du Sud et le Japon qui devaient financer
le premier réacteur à eau légère ne l’ont pas fait, et le
Congrès américain n’a pas voulu y contribuer. Donc, pas
de réacteurs… Quant au volet diplomatique : en 2018, les
États-Unis n’ont toujours pas reconnu la Corée du Nord
comme État souverain1767…
La question des installations d’enrichissement
d’uranium est également évoquée dans ce dossier. Le TNP
autorise la production d’uranium faiblement enrichi (UFE)
(que l’Article IV qualifie de « droit inaliénable »), mais
interdit celle d’uranium hautement enrichi (UHE), qui sert
à la fabrication d’armes nucléaires. Or, bien que l’Accord-
cadre ne comporte aucune disposition sur la question de
l’enrichissement d’uranium, il fait référence à la
Déclaration commune des deux Corées sur la
dénucléarisation de la péninsule coréenne de
janvier 19921768, qui, interdit les « installations
d’enrichissement d’uranium » sans toutefois en spécifier
la nature (UFE ou UHE).
Dans un premier temps, la Corée du Nord applique
scrupuleusement les dispositions de l’Accord-cadre et
abandonne son programme de recherche lié au plutonium,
mais au bout de quatre ans, voyant que les Américains ne
remplissaient pas leur part du marché, elle reprend ses
activités d’enrichissement d’uranium.
En 2001, avec l’arrivée de l’administration Bush, le ton
change. En janvier 2002, dans son discours sur l’état de
l’Union, le président Bush inclut la Corée du Nord dans
son « Axe du mal ». Mais son attention se porte sur un
autre objectif : l’Irak. Les contacts diplomatiques entamés
sous la présidence Clinton et l’Accord-cadre sont
formellement abandonnés :
Nous ne négocions pas avec le Mal, nous le
détruisons1769 !
En octobre 2002, James Kelly, secrétaire d’État adjoint
pour l’Extrême-Orient et le Pacifique, en visite à
Pyongyang, accuse le régime de mener un programme
secret d’enrichissement d’uranium de niveau militaire
(UHE), en rupture avec l’Accord-cadre de 1994. Ne se
sentant plus liés par l’accord, les États-Unis cessent leurs
livraisons de pétrole dès le 14 novembre 2002.
Deux facteurs expliquent le revirement des États-Unis.
Tout d’abord, le rapprochement entre la RPDC et ses
principaux partenaires asiatiques avait éveillé sa
méfiance : le projet des Corées de construire une ligne de
chemin de fer entre le Nord et le Sud en avril 2002, et les
efforts de rapprochement menés par le Premier ministre
japonais Junichiro Koizumi – à l’« insu » des États-Unis –
dont le point d’orgue a été sa visite à Pyongyang en
septembre 2002. L’administration Bush craint alors que sa
politique étrangère soit dictée par les agendas de ses
partenaires1770. C’est pourquoi, dans un premier temps,
les États-Unis traînent les pieds et refusent de déminer la
zone démilitarisée le long du tracé de la voie de chemin de
fer.
Le second facteur est que les accusations américaines de
2002 sont fragiles. Un rapport de la CIA daté du
19 novembre 2002 et remis aux membres du Congrès1771
montre que les services de renseignements n’ont qu’une
vision très partielle de la situation dans le pays,
essentiellement basée sur des ouï-dire et des
approximations. Les analyses tendent à ignorer la
distinction entre UFE et UHE. Les rapports sont imprécis,
formulés au conditionnel en termes de probabilité ou de
potentialités, mais sans aucune indication de leur réalité
dans les faits : parmi les interprétations possibles, on a
systématiquement adopté celle qui était la pire. C’est la
technique dite du « worst casing » que l’on retrouvera
avec l’Irak, puis l’Iran quelques années plus tard.
La RPDC se trouve alors dans une situation assez proche
de celle de l’Irak : l’éventualité d’une attaque américaine
devient vraisemblable. Assez logiquement, elle réplique
en reprenant ses activités d’enrichissement, qu’elle avait
gelées depuis 1994, et se retire du TNP le 10 janvier 2003.
Elle continuera cependant à accepter les inspections de
l’Agence Internationale pour l’énergie atomique (AIEA).
En juin 2004, les États-Unis proposent une initiative
régionale soutenue par six pays (dont la Chine) pour la
dénucléarisation de la péninsule, mais mettent comme
condition préalable l’obligation à la RPDC d’avouer
officiellement qu’elle mène des activités d’enrichissement
interdites… ce qu’elle refusera bien naturellement, vouant
l’initiative à l’échec. Les accusations américaines n’ont
jamais été démontrées, ainsi que le souligne Zhou
Wenzhong, vice-ministre chinois des affaires étrangères,
le 7 juin 2004 :
Jusqu’à présent, les États-Unis n’ont pas présenté de
preuve convaincante de l’existence du programme
(d’enrichissement) d’uranium. Nous ne savons pas s’il
existe1772.
La RPDC teste son premier engin nucléaire le 9 octobre
2006. Deux jours plus tard, le ministère des Affaires
étrangères déclare que
(son) essai nucléaire était entièrement dû à la menace,
aux sanctions et aux pressions nucléaires américaines (et
qu’elle) était obligée de prouver qu’elle possédait des
armes nucléaires afin de protéger sa souveraineté1773.
Le communiqué précise que la Corée du Nord
« maintient sa volonté de dénucléariser la péninsule par
le dialogue et les négociations ». L’équipe Bush comprend
alors qu’elle a complètement déstabilisé la situation et
tente de rétropédaler. Un nouvel accord est conclu au
début 2007, mais mal ficelé et négocié à la hâte, il est
inefficace.
Assez curieusement, alors que l’on sait aujourd’hui
comment l’administration Bush a manipulé l’information
dans le but d’attaquer l’Irak, personne n’a remis en
question son évaluation de la situation en Corée du Nord,
qui visait à dénigrer la politique de Bill Clinton1774.
C’est essentiellement le comportement de matamore des
Américains qui a poussé la Corée du Nord à se dégager de
ses engagements internationaux. En fait, la RPDC n’a
progressé dans la technologie nucléaire (au niveau des
tests, de la mise au point de missiles balistiques et de la
technologie de fusion) qu’après le rejet des solutions
diplomatiques par les Américains. Ces derniers ont été
incapables d’anticiper la réaction des dirigeants nord-
coréens, tout comme ils ont été incapables de comprendre
celle des islamistes. La politique de la canonnière qui
marque la politique étrangère américaine et qui
fonctionnait jusqu’au début du XXe siècle est aujourd’hui
dépassée, mais elle reste soutenue par un certain nombre
d’alliés serviles comme la Grande-Bretagne, la Pologne,
la Tchéquie et – nouvellement – la France.
Contrairement aux Occidentaux, la Corée du Nord a tiré
les leçons de 2002. L’approche du dirigeant nord-coréen
vers le sommet de Singapour est remarquable de finesse et
d’habileté pour imposer aux Américains son propre
agenda. Ayant compris que les Américains craignaient de
se faire « doubler par la droite » par leurs alliés asiatiques,
Kim Yong-Un s’est rapproché d’eux : c’est ce qui a fait
changer d’avis à Donald Trump, qui avait tout d’abord
déclaré ne pas vouloir le rencontrer.
Les Occidentaux fonctionnent avec la même mentalité
qui a conduit à la première et la Seconde Guerre
mondiale : la victoire se conçoit comme dans un match de
football. Par exemple, après le sommet de Singapour,
certains commentateurs ont fustigé la proposition de
Trump de geler les activités d’exercice avec la Corée du
Sud en prenant l’exemple des exercices TEAM SPIRIT en
1992, que les États-Unis avaient accepté de suspendre en
échange d’inspections de l’AIEA. Ces inspections avaient
été relativement efficaces et permis de détecter que la
RPDC gardait du matériel pouvant permettre la
fabrication d’une bombe. Mais comme elle résistait à
l’idée d’avoir encore plus d’inspections, les États-Unis ont
décidé unilatéralement de rétablir ces exercices, poussant
Pyongyang à refuser toutes les inspections. Le mieux est
l’ennemi du bien : les Américains se retrouvaient tout à
coup aveugles1775.
Les Américains sont incapables de stratégies qui ne sont
pas basées sur un rapport de force. Raison pour laquelle
ils sont incapables de lutter contre des adversaires
asymétriques. Ainsi, lorsque le général James Mattis, alors
secrétaire à la Défense appelle les Nord-Coréens à
« cesser de considérer toute action qui pourrait conduire
à la fin de son régime et la destruction de son
peuple1776 », il tend à les raidir. En effet, ils n’ont pas
oublié que durant la guerre de Corée, les Américains ont –
selon le général LeMay, alors commandant du Strategic
Air Command – détruit 20 % de la population nord- et
sud-coréenne1777 !
Les exercices militaires sont traditionnellement une
manière de camoufler des préparatifs de guerre, et peuvent
facilement devenir leur point de départ. Or, les
manœuvres américano-coréennes (TEAM SPIRIT, KEY
RESOLVE ou FOAL EAGLE) ne sont pas exclusivement
des exercices de défense, mais aussi d’invasion de la
Corée du Nord1778. Elles se traduisent donc chaque fois
par une élévation du niveau d’alerte en Corée du Nord,
qui mobilise des ressources indispensables à l’économie.
Or, ces exercices sont généralement – et délibérément –
menés en avril-mai (lors des semis) ou en août (lors des
récoltes de riz), lorsque l’agriculture a le plus besoin de
main-d’œuvre. Dans les années 1990, cet enchaînement
avait contribué (par le manque de fertilisants, dû aux
sanctions) à créer des pénuries et une famine. C’est
notamment pour répondre à ce problème que les dirigeants
nord-coréens ont adopté la politique dite du « byongjin »,
qui mise sur la dissuasion nucléaire pour alléger la
pression sur son économie1779.
L’Occident a une propension constante à rechercher les
conflits. Au sommet de Singapour, Donald Trump et Kim
Jong-Un se mettent d’accord sur une « feuille de route »
en quatre étapes :
1. Les États-Unis et la RPDC s’engagent à établir de
nouvelles relations entre les États-Unis et la RPDC,
conformément au désir de paix et de prospérité des
peuples des deux pays.
2. Les États-Unis et la RPDC uniront leurs efforts pour
instaurer un régime de paix durable et stable dans la
péninsule coréenne.
3. Réaffirmant la Déclaration de Panmunjom du 27 avril
2018, la RPDC s’engage à œuvrer en faveur d’une
dénucléarisation complète de la péninsule coréenne.
4. Les États-Unis et la RPDC s’engagent à retrouver les
restes de prisonniers de guerre/disparus et de rapatrier
immédiatement ceux déjà identifiés1780.
En fait, il s’agit d’un accord « gel pour gel » : les
Américains s’abstiennent de mener des exercices de
grande envergure, et les Nord-Coréens cessent de tester
des missiles et armes nucléaires.
Mais au sommet de Hanoï en février 2019, les sanctions
sont encore en vigueur, aucune démarche n’a été faite
pour ouvrir des ambassades et aucun accord de paix n’a
été signé. La RPDC a détruit des tunnels d’essais et
démantelé un pas de tir pour des essais de missiles, et
restitué les restes de militaires américains. Mais du côté
américain, rien n’a été fait pour concrétiser la feuille de
route.
Même les analystes les plus conservateurs ont compris
cette feuille de route comme un séquencement
d’activités1781. Mais en février 2019, Donald Trump
inverse l’ordre de ce qui avait été accepté et affirme que
les sanctions seront levées seulement après le
démantèlement des installations nucléaires1782. Les Nord-
Coréens font alors une conférence de presse improvisée
afin de préciser qu’ils ne demandaient pas une levée de
toutes les sanctions à ce stade, mais seulement cinq
d’entre elles1783. En fait, les Américains avaient déjà
changé unilatéralement les règles du jeu. Le 28 août 2018,
alors qu’il présente son nouvel envoyé spécial pour la
Corée du Nord, Mike Pompeo annonce qu’il « dirigera
nos efforts pour atteindre l’objectif du président Trump de
la dénucléarisation finale et pleinement vérifiée de la
Corée du Nord, comme convenu par le président Kim
Jong-Un1784 ». Mais c’est faux : le dirigeant nord-coréen
s’est engagé à « œuvrer en faveur d’une dénucléarisation
complète » (une formulation analogue à celle de l’article
VI du Traité de non-prolifération nucléaire), sans qu’il fût
question de vérification. Par ailleurs, il s’agit de
l’ensemble de la « péninsule coréenne » et pas seulement
de la « Corée du Nord ».
Ce raidissement américain – et cet échec – est l’œuvre
de John Bolton, qui ne veut pas d’un accord1785. Mais en
France, on tente d’en attribuer la responsabilité aux
attentes exagérées de Pyongyang. Le débat entre
« experts » sur France 24 est symptomatique
d’interprétations basées sur des professions de foi et où les
faits ne jouent qu’un rôle accessoire : à aucun moment, les
divergences sur le séquencement, qui sont au cœur du
problème, ne sont évoquées1786.
Dans la seconde moitié de 2019, les tirs de missiles
nord-coréens sont abondamment commentés dans la
presse, laissant supposer que la Corée du Nord ne tient pas
ses engagements1787. Mais c’est faux. En réalité, ce sont
les Américains qui ont rompu l’accord au mois d’août, en
menant l’exercice « 19-2 DONG MAENG », visant une
occupation de la Corée du Nord1788.
Mais les médias occidentaux suivent assez fidèlement –
et servilement – la désinformation de l’administration
Trump. Ainsi, le 31 mai 2019, le 20 heures de France 2
annonce que le « dictateur » nord-coréen « aurait fait
exécuter des collaborateurs », notamment Kim Hyok-
chol, pour « se venger ». Le journaliste Thomas Sotto (qui
par ailleurs, anime une émission de « fact-checking » pour
les jeunes sur France 4) utilise certes des conditionnels,
mais le message reste affirmatif. La presse traditionnelle,
comme Le Monde, Le Parisien, France 24, le New York
Times, le Wall Street Journal, et bien d’autres, suivent
sans vérifier l’information1789. Elle a été lancée par
Bloomberg, relayant le journal d’extrême-droite sud-
coréen Chosun Ilbo :
La Corée du Nord a exécuté son envoyé spécial aux
États-Unis sur des accusations d’espionnage, alors que
son président Kim Jong-Un, organisait une purge des
principaux négociateurs nucléaires du pays après l’échec
de son deuxième sommet avec le président Trump, comme
l’a rapporté vendredi un important quotidien coréen.
Mais c’est faux : le même jour, Kim Hyok-Chol est vu
en public alors qu’il assiste à un spectacle réalisé par son
épouse. Bloomberg s’empresse alors de corriger
discrètement son article1790. Il est suivi du New York
Times, de CNN et de Reuters, qui rectifient discrètement,
sans reconnaitre leur erreur.
Ceci étant, les médias occidentaux n’en sont pas à leur
coup d’essai. En août 2013, le magazine Marie-Claire
annonce que le 20 août Kim Jong-Un a fait exécuter des
« pop stars », dont sa petite amie Hyon Song-Wol1791. Il
est suivi par Le Point1792 et – naturellement – par
BFMTV1793 en passant par la presse traditionnelle anglo-
saxonne, comme The Telegraph1794, USA Today1795 ou
CNBC qui précise qu’elle a été fusillée1796… mais elle
réapparaîtra quelques mois plus tard à la télévision1797 !
En juin 2019, le journal britannique The Mirror constatera
que les rapports sur sa disparition avaient été « beaucoup
exagérés1798 » !… Pour le moins !… En fait, tous ces
médias se sont basés sans les vérifier, sur les affirmations
du North Korea Strategy Center, un think-tank basé en
Corée du Sud. Mais aucun ne présentera d’excuses à ses
lecteurs…
En mai 2015, BFMTV annonce que Kim Jong-Un aurait
fait empoisonner sa tante Kim Kyong-Hui en mai 2014
parce qu’elle se serait opposée à la construction d’un
« acquaparc »1799 ! L’information est reprise par Le Point,
RTL et plusieurs autres médias1800. Les médias
occidentaux ont ainsi décidé qu’elle avait été éliminée par
le « régime » : la formulation est généralement au
conditionnel dans les pays francophones, mais plus
catégorique dans les pays anglo-saxons1801. En réalité,
Kim Kyong-Hui avait simplement disparu des médias et
en janvier 2020, elle réapparaît en public aux côtés de
Kim Jong-Un1802, et certains évoquent même qu’elle
aurait un nouveau rôle au sein du régime1803.
En février 2016, les médias occidentaux annoncent
l’élimination du général Ri Yong-Gil, chef d’état-major de
l’Armée populaire1804… mais il réapparaît quelques mois
plus tard, au Congrès du parti communiste1805… avec une
promotion1806 ! Une fois n’est pas coutume, France24 a
été l’un des rares médias à remettre en question ces
fausses informations1807.
Mais ces fausses nouvelles à répétition montrent que les
médias n’apprennent pas et n’améliorent pas leurs
capacités analytiques. Ainsi, en avril 2020, la rumeur
circule que Kim Jong-Un serait mort. On évoque même
qu’il aurait été victime du coronavirus. Ce qui se révélera
bien évidemment faux1808…
On présente Kim Jong-Un comme fantasque,
imprévisible et irrationnel. C’est faux. Les Coréens sont
rationnels, mais nous ne faisons pas l’effort de les
comprendre. Comme en Irak, en Iran, en Ukraine ou en
Syrie, nos préjugés sont devenus des certitudes, qui nous
servent à décider. En réalité, les Occidentaux,
principalement pour plaire aux États-Unis, mais aussi par
leur incapacité à produire des analyses de renseignement
indépendantes, tendent à s’aligner sur la position
américaine. Une tendance quasi institutionalisée au sein
de l’Otan.

1762. Pierre Haski, « Pourquoi la guerre est devenue possible avec la Corée du
Nord », Le Nouvel Observateur, 7 août 2017 (www.nouvelobs.com/editos-et-
chroniques/20170807.OBS3090/pourquoi-la-guerre-est-devenue-possible-avec-la-
coree-du-nord.html)
1763. République Populaire Démocratique de Corée
1764. Jonathan D. Pollack, “The United States, North Korea, and the End of the
Agreed Framework”, Naval War College Review, Vol. 56, No. 3, été 2003
1765. À 10-Years Projection of Possible Events of Nuclear Proliferation Concern,
Directorate of Intelligence, CIA, mai 1983, p. 5
1766. https://nsarchive2.gwu.edu/NSAEBB/NSAEBB87/nk06.pdf
1767. Fred Kaplan, “Sorry, Trump, but Talking to North Korea Has Worked”,
Slate.com, 10 octobre 2017
1768. Joint Declaration on the Denuclearization of the Korean Peninsula, signée le
20 janvier 1992, entrée en vigueur le 19 février 1992.
1769. Fred Kaplan, op.cit.
1770. Jonathan D. Pollack, op.cit.
1771. https://fas.org/nuke/guide/dprk/nuke/cia111902.html
1772. Selig S. Harrison, “Did North Korea Cheat ?”, Foreign Affairs,
janvier/février 2005
1773. B. Dan Wood, Presidential Saber Rattling : Causes and Consequences,
Cambridge University Press, Cambridge, octobre 2012, p. 127
1774. Selig S. Harrison, “Did North Korea Cheat ?”, Foreign Affairs,
janvier/février 2005
1775. “The Danger of Fake History”, 38 North.com, 18 août 2017
1776. Elizabeth Mclaughlin, « Mattis warns North Korea of ‘end of its regime,’
‘destruction of its people’ », ABC News, 9 août 2017
1777. Richard H. Kohn & Joseph P. Harahan (Eds), Strategic Air Warfare, Office of
Air Force History, United States Air Force, Washington, D.C., 1988
1778. Charlotte Beale, « South Korean and US forces stage ‘blitzkrieg’ simulation
of North Korea beach landing », The Independent, 12 mars 2016
1779. Wikipédia, article « Byongjin »
1780. “READ : Full text of Trump-Kim signed statement”, CNN, 12 juin 2018
1781. Duyeon Kim, “Pompeo Has to Learn Pyongyang’s Rules”, Foreign Policy,
30 juillet 2018
1782. Alex Ward, “Read the full transcript of Trump’s North Korea summit press
conference in Vietnam”, Vox, 28 février 2019
1783. “(2nd LD) (US-NK summit) N.K. seeks partial lifting of sanctions : foreign
minister”, en.yna.co.kr, 1er mars 2019
1784. Michael R. Pompeo, “Remarks on the Appointment of Special
Representative for North Korea Stephen Biegun”, www.state.gov, 23 août 2018
1785. Tom O’connor, « Donald Trump’s North Korea Deal Fell Apart Because of
John ‘Bomb-’Em’ Bolton, Experts Say », Newsweek, 28 février 2019
1786. « Deuxième sommet Kim-Trump au Vietnam : pas d’accord, l’échec de la
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1787. « La Corée du Nord a testé un nouveau missile, possiblement lancé depuis un
sous-marin », LEXPRESS.fr / AFP, 3 octobre 2019 ; « Nouveau test nord-coréen
d’un lanceur de missiles multiples », Le Figaro / AFP, 31 octobre 2019
1788. Yang Seung-sik, « S.Korea, U.S. to Practice Stabilizing N.Korea », Chosun
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1789. « Corée du Nord : Kim Jong-Un aurait fait exécuter les négociateurs du
sommet raté de Hanoï », leparisien.fr, 31 mai 2019 ; « North Korea ‘executed’
officials after failed Trump summit : report », News Wires/france24.com, 31 mai
2019 ; Choe Sang-hun & Edward Wong, « North Korean Negotiator’s Downfall
Was Sealed When Trump-Kim Summit Collapsed », The New York Times, 31 mai
2019 ; « Kim Jong Un executes officials after failed Trump summit – News »,
Reuters Top News/Twitter, 31 mai 2019 ; Andrew Jeong & Dasl Yoon, « North
Korea Executed Members of Nuclear-Negotiating Team », The Wall Street Journal,
31 mai 2019 ; « Le négociateur en chef de la Corée du Nord a-t-il été fusillé ? »,
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1790. Shinhye Kang & Jihye Lee, « North Korea Executed Envoy Over Trump-
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1791. « L’ex petite amie de Kim Jong-un exécutée pour avoir dansé ! »,
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1793. « Corée du Nord : Kim Jong-un aurait fait exécuter son ex-petite amie »,
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1796. « Death by firing squad for Kim Jong Un’s ex », CNBC, 29 août 2013 (mis à
jour le 3 septembre 2013)
1797. Damien McElroy, « ‘Executed’ Kim Jong-Un girlfriend reappears on North
Korea television », The Telegraph, 17 mai 2014 ; Ariel Zilber, « Back from the
dead ! Kim Jong-un’s pop star ex-girlfriend is seen alongside North Korean dictator
in public after reports she was executed by firing squad for making a sex tape »,
dailymail.co.uk, 9 juin 2019
1798. Andrew Gilpin, « Kim Jong-un’s pop star ex seen despite reports she was
executed for making a sex tape », mirror.co.uk, 10 juin 2019
1799. « Corée du Nord : Kim Jong-Un aurait fait empoisonner sa tante », BFM TV,
12 mai 2015
1800. « Corée du Nord : les exécutions en série de Kim Jong-un », Le Point, 13 mai
2015 ; Ryad Ouslimani, « Kim Jong Un aurait fait empoisoner sa tante », RTL.fr,
12 mai 2015 (mis à jour le 13 mai 2015)
1801. Paula Hancocks, « North Korean leader ordered aunt to be poisoned, defector
says », CNN, 12 mai 2015 ; David Blair, « North Korea’s leader Kim Jong-un
‘poisoned his aunt’ », The Telegraph, 12 mai 2015
1802. « Une tante de Kim Jong-un réapparaît en public, six ans après des rumeurs
d’assassinat », BFM TV, 27 janvier 2020 ; Justin McCurry, « Kim Jong-un’s aunt
reappears, six years after purge rumours », The Guardian, 27 janvier 2020
1803. « North Korean leader Kim Jong-un’s aunt reappears after six years », BBC
News, 26 janvier 2020
1804. « Le chef d’état-major de l’armée nord-coréenne aurait été exécuté »,
lapresse.ca, 10 février 2016
1805. Junzhi Zheng, « Corée du Nord : le général Ri Yong-gil vient de
ressusciter », lefigaro.fr, 11 mai 2016
1806. Laura Bicker, « North Korea execution reports - why we should be
cautious », BBC News, 31 mai 2019
1807. Charlotte Boitiaux, « La Corée du Nord, pays de tous les fantasmes
médiatiques », France24, 15 mai 2015 (mis à jour le 22 mai 2015)
1808. Justin McCurry, « Kim Yo-jong : the sister of Kim Jong-un, fast ‘becoming
his alter ego’ », The Guardian, 20 avril 2020 ; Jim Sciutto, Joshua Berlinger,
Yoonjung Seo, Kylie Atwood & Zachary Cohen, « US monitoring intelligence that
North Korean leader is in grave danger after surgery », CNN, 21 avril 2020 ; Justin
McCurry, « South Korea and China play down Kim Jong-un ill-health claims », The
Guardian, 21 avril 2020 ; « Corée du Nord : Kim Jong-un mort et remplacé par un
sosie , la nouvelle folle rumeur », Midi Libre, 6 mai 2020 ; « Kim Jong-Un est-il
mort ? Voici le nouveau détail étrange qui vient relancer les rumeurs sur le décès du
leader de la Corée du Nord », Sudinfo.be, 20 mai 2020
12. LE VENEZUELA
12.1. Le contexte
Pays producteur de pétrole et membre fondateur de
l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP), le
Venezuela suscite depuis longtemps l’intérêt des États-
Unis. Jusqu’au milieu des années 1970, l’or noir est
exploité par des compagnies américaines. Mais en 1975,
une vague de nationalisations regroupe les diverses
exploitations en une entreprise nationale, la « Petroleos de
Venezuela S.A » (PDVSA). Mais les gouvernements de
centre-centre-droite qui occuperont le pouvoir jusque dans
les années 1990, bénéficient des richesses du pays sans
développer ou diversifier une économie atrophiée autour
du pétrole. Ainsi, le Venezuela dépend à plus de 95 % du
pétrole pour ses revenus.
En décembre 1998, après deux ans de prison pour avoir
tenté de prendre le pouvoir en 1992, Hugo Chávez est élu
à la présidence de la République. C’est le début de la
« Révolution bolivarienne » qui se réapproprie les revenus
pétroliers pour en faire profiter la population. Il s’ensuit
une période de croissance qu’aucun gouvernement
précédent n’avait réalisée. Le Produit national brut par
habitant qui stagnait entre 1 000 et 4 000 dollars durant
des décennies, passe à 13 500 dollars en 20101809. La
pauvreté est réduite de 70,8 % (1996) à 21 % (2010),
tandis que l’extrême pauvreté passe de 40 % (1996) à
7.3 % (2010). La malnutrition infantile passe de 7,7 %
(1990) à 2,9 % (2012). La dépendance aux produits
d’alimentation importés passe de 90 % (1980) à 30 %
(2012) 1810.
Durant la dernière décennie du XXe siècle, les États-
Unis sont absorbés par les suites de la guerre du Golfe
(1991) et du « 9/11 », avec une politique étrangère axée
sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. À part un coup
d’État qui renverse temporairement Chávez en 20021811,
les États-Unis délaissent le sous-continent, qui bascule
presque entièrement à gauche, dans le sillage du
Venezuela : le Chili (mars 2000), le Brésil (janvier 2003),
l’Argentine (mai 2003), la Bolivie (janvier 2006),
l’Équateur (janvier 2007), le Paraguay (août 2008),
l’Uruguay (mars 2010) et le Pérou (juillet 2011). Une des
conséquences de ce basculement à gauche, surnommé
« pink tide » (« vague rose »), a été l’arrivée d’autres
acteurs, comme la Chine, qui profite de ce « vide » pour
s’installer de manière agressive sur le continent.
Durant le second mandat de Barak Obama, la stratégie
américaine au Moyen-Orient se heurte à des difficultés
croissantes. Les États-Unis sont incapables d’intégrer
leurs opérations militaires en une stratégie cohérente et
holistique, avec pour conséquence un raidissement de la
Turquie et une instabilité qui poussent les États-Unis à
changer leur fusil d’épaule.
Les priorités sont recentrées sur le continent américain,
qui amorce un nouveau virage à droite : le Paraguay
(août 2013), le Chili (mars 2014), l’Uruguay (mars 2015),
l’Argentine (décembre 2015), le Brésil (mai 2016), le
Pérou (juillet 2016). À ce mouvement de balancier
s’ajoute le décès des deux figures mythiques de la gauche
sud-américaine : Hugo Chávez (mars 2013) et Fidel
Castro (novembre 2016). Entré en fonction au début 2017,
Donald Trump reprend les efforts de son prédécesseur afin
de restaurer la puissance américaine dans la région.
En 2013, le successeur désigné de Chávez, Nicolas
Maduro, est élu avec 50,61 % des voix. Le résultat est
serré et son adversaire conteste le résultat. Un premier
audit sur 54 % des votes montre qu’il n’y a aucune
irrégularité. La vérification sur les 46 % restant, exigée
par l’opposition, confirme les résultats de l’élection, et le
19 avril a lieu l’investiture de Maduro1812.
En mai 2014, le Congrès américain adopte une première
vague de sanctions contre des personnalités qui ne
respecteraient pas les droits humains. C’est le début d’une
cascade de sanctions financières qui compliquent les
transactions internationales et contribuent à provoquer une
pénurie (notamment les médicaments). En mars 2015, le
président Obama signe un décret qui décrit le Venezuela
comme une « menace pour la sécurité nationale et à la
politique étrangère des États-Unis1813 ».
L’augmentation du prix du pétrole dès 2000 est à
l’origine du succès économique et de la popularité de
Chavez puis, par ricochet, de Maduro. Mais elle a un effet
pervers : elle ne nécessite pas un développement des
infrastructures de production. Une faiblesse dont
l’importance apparaîtra lorsque le Venezuela sera
contraint de les moderniser.
En 2014, le prix du baril commence à chuter, mais ce
n’est que lorsqu’il atteint 30 dollars qu’apparaît une
première inflexion de la courbe de production
vénézuélienne, exactement comme la courbe de la
Colombie. Le vrai problème apparaît le 4 août 2017, avec
l’adoption par l’administration Trump, d’un paquet de
sanctions qui interdit au Venezuela l’accès au marché
financier : non seulement il ne peut plus obtenir des
financements sur le marché américain, mais encore les
revenus pétroliers de sa compagnie pétrolière nationale
CITGO ne peuvent plus être rapatriés. Selon Mark
Weisbrot, vice-directeur du Centre de Recherche et
Politique économique à Washington DC, il s’agit d’une
démarche délibérée pour empêcher la reprise économique
du pays1814. Afin d’échapper aux sanctions, le Venezuela
tente alors de vendre son pétrole en yuan.
Cette rapide dégradation économique a naturellement un
impact sur la vie politique du pays. Lors des élections
législatives de 2016, trois députés de l’opposition avaient
été élus par suite de fraudes1815. Un jugement de la Cour
suprême demandant de surseoir à leur investiture afin
d’éclaircir les conditions de leur élection et réclamant un
nouveau vote dans leurs circonscriptions1816. Le problème
est qu’avec ces trois parlementaires, l’opposition
atteignait le 2/3 des voix nécessaires au contrôle du
Parlement. En juillet, l’Assemblée nationale décide donc
de maintenir les trois députés malgré tout. Il s’ensuit un
dialogue de sourds où l’Assemblée nationale ne reconnaît
plus la légitimité de la Cour Suprême, engendrant une
paralysie complète des institutions.
En 2017, pour débloquer la situation, le gouvernement
décide de mettre sur pied une Assemblée constituante
(sans dissoudre l’Assemblée nationale, comme on l’a
prétendu parfois dans la presse occidentale). Le choix de
cet instrument est hautement discutable et a certainement
été mal compris en Occident. En fait, il était le seul moyen
que la Constitution offrait pour former une sorte
d’arbitrage, avec pour but de rétablir un dialogue entre des
institutions qui ne communiquent plus. L’opposition, ainsi
que des observateurs internationaux, est invitée à
participer à l’élection de la Constituante. Finalement, en
juillet 2017, les trois parlementaires concernés donnent
leur démission en signe d’apaisement1817.
À la suite des émeutes de 2017, un processus de
négociations entre gouvernement et opposition est engagé
sous l’arbitrage de l’ex-Premier ministre espagnol Jose
Luis Rodriguez Zapatero. La plateforme de l’opposition a
deux revendications principales : l’anticipation des
élections présidentielles (traditionnellement prévue pour
décembre 2018) et la présence d’observateurs des Nations
unies afin de veiller au bon déroulement du processus
électoral. En contrepartie, l’opposition devait s’engager à
œuvrer avec le gouvernement pour la levée des sanctions
américaines, canadiennes et européennes.
Les discussions ont lieu en République dominicaine. Les
deux parties fixent la date de l’élection présidentielle au
22 avril 2018. Le gouvernement – avec Henri Falcon,
membre de l’opposition et candidat à l’élection1818 –
adresse alors une demande auprès d’Antonio Guterres,
Secrétaire général des Nations unies, pour avoir une
mission d’observation1819. Le 6 février 2018, alors que
tout est prêt pour la signature de l’accord, la délégation de
l’opposition décide brusquement de se retirer de la
négociation (selon certains, après un coup de téléphone
d’une personnalité américaine), et incite Guterres à ne pas
envoyer d’observateurs, sous prétexte que le processus
électoral serait truqué et que la présence d’observateurs ne
ferait que légitimer la fraude1820.
Afin d’accorder plus de temps à la négociation et
permettre à l’opposition de s’organiser, le gouvernement
Maduro repousse alors la date des élections au 20 mai.
Mais l’opposition annonce qu’elle boycottera l’élection.
Une stratégie difficilement compréhensible, car
l’expérience montre que la meilleure méthode pour
contester des élections est d’y participer, puis de dénoncer
les fraudes. Une étude de la Brookings Institution publiée
en 2010, qui analyse 171 cas de boycotts électoraux,
conclut qu’il s’agit de la pire stratégie : elle tend à
renforcer les partis qui participent, à affaiblir ceux qui
s’abstiennent et ne suffit pas à faire apparaître le scrutin
comme illégitime. En fait, il vaut mieux participer, même
si on s’attend à ce qu’il soit truqué1821.
Mais ici, le problème est différent : la réalité est que
l’opposition est morcelée et sent qu’elle n’est pas prête
pour une présidentielle. Le boycott ne visait probablement
qu’à masquer cette fragmentation. Ce boycott sera
minimisé par la suite dans les médias européens qui se
font les porte-parole de la politique américaine.
De fait, en mars 2018, les sondages les plus sérieux
montrent que l’opposition (et en particulier la Table de
l’unité démocratique (MUD) d’où sera issu Juan Guaidó)
est en chute libre, alors que la popularité de Nicolas
Maduro – qui n’est pas le favori à ce stade – augmente.
On estime alors que l’appel au boycott des urnes par
l’opposition ne serait suivi que par 12,3 % de la
population et que 77,6 % prévoient d’aller voter1822.
Le 20 mai, avec le boycott d’une partie de l’opposition,
Nicolas Maduro est élu par 67,8 % des voix et une
abstention de 46 %, soit 31 % des votes admissibles ;
c’est-à-dire plus qu’Obama en 2012 et Trump en 20161823.
Bien que sa victoire fût clairement prévisible, on accusera
le gouvernement d’avoir truqué le scrutin.
Pourtant, l’élection a été surveillée par plusieurs
centaines d’observateurs étrangers, dont José Luis
Zapatero, ex-Premier ministre espagnol, Marcos Cipriani,
ancien ministre des affaires étrangères Cypriote et Jean-
Pierre Bel, ancien président du Sénat en France, et des
représentants de la société civile sud-américaine et
européenne. Par ailleurs un audit portant sur 53 % des
votes – comme le requiert la loi – a été effectué après
l’élection et confirmé la légalité du scrutin. En réalité,
même la presse américaine constate que les États-Unis
font tout pour miner le processus électoral et délégitimer
le pouvoir vénézuélien1824 ; une lucidité que l’on ne
retrouve pas dans les médias francophones.
Le 10 janvier 2019, la prestation de serment de Maduro
pour son nouveau mandat déclenche – à son corps
défendant – la campagne internationale qui vise à le
destituer. Le 23 janvier, Juan Guaidó, président de
l’Assemblée nationale, s’autoproclame président du pays
et recueille très rapidement le soutien d’un grand nombre
de pays occidentaux, dans le sillage du gouvernement
Trump. Il s’appuie sur l’« illégitimité » de l’élection de
2018 pour justifier sa « prise » de pouvoir.
12.2. « Le Venezuela s’enfonce dans la
dictature1825 »
La crise vénézuélienne nous donne un exemple frappant
d’une tentative de « coup d’État par influence », pas
vraiment différent de ce qui avait été mis en œuvre avant
la guerre en Irak, mais avec un poids plus important des
facteurs économiques.
12.2.1. Le rôle des États-Unis
En mai 2018, le site voltairenet.org publie un document
daté du 23 février, attribué au Southern Command
(SOUTHCOM) américain et intitulé Plan pour renverser
la dictature du vénézuélienne « MASTERSTROKE »
1826 ». Un an plus tard, alors que les États-Unis
augmentent la pression sur le Venezuela, il refait
surface1827. Mais c’est selon toute vraisemblance un faux :
la terminologie utilisée, le format du document et sa
structure ne sont pas conformes aux usages et standards
militaires américains, en particulier à ce niveau de
commandement.
Il serait faux pour autant d’ignorer le rôle des États-Unis
dans la crise. Au début 2019, France 5 consacre trois
émissions « C dans l’air » à la crise vénézuélienne, qui
reflètent assez bien la position des médias français. À
aucun moment, les « experts » ne développent le rôle des
États-Unis. Lors de l’émission du 25 janvier, l’hypothèse
d’une tentative américaine de déstabiliser la situation est
écartée d’emblée et les accusations de Maduro sont
qualifiées de « largement fallacieuses1828 ». Pourtant, en
juillet 2017, lors du Forum sur la Sécurité d’Aspen
(Colorado) Mike Pompeo, alors directeur de la CIA, a
laissé échapper qu’il travaillait avec le Mexique et la
Colombie sur la question d’un changement de régime au
Venezuela1829. D’ailleurs, en septembre 2018, au cours de
son allocution devant l’Assemblée générale des Nations
unies, Donald Trump appellera la communauté
internationale à « s’associer aux États-Unis pour
demander la restauration de la démocratie au
Venezuela1830 ».
Aucun de ces « experts » n’évoque non plus les menaces
proférées en novembre 2018 par John Bolton, conseiller à
la Sécurité nationale, de combattre la « Troïka de la
Tyrannie1831 », qui fait écho à l’« Axe du Mal » de George
W. Bush quinze ans plus tôt. Aucun ne mentionne non
plus les discussions entre le gouvernement américain et
des militaires vénézuéliens rebelles au début 2018, afin de
déposer le président Maduro par la force1832, une option
évoquée lors d’une conférence de presse, en février 2018,
par Rex Tillerson, alors Secrétaire d’État1833. Elle pourrait
expliquer la mystérieuse tentative d’attentat contre
Maduro au moyen de deux drones explosifs, 6 mois plus
tard1834.
À aucun moment les « experts » de « C dans l’air » ne
mentionnent la nomination par Mike Pompeo d’Elliott
Abrams, comme « envoyé spécial pour le Venezuela », le
25 janvier 2019. Cet ex-diplomate, « ancien » des
opérations clandestines en Amérique Centrale, avait
organisé le financement illégal des Contras au Nicaragua,
blanchi les responsables de crimes de guerre au
Salvador1835, été parjure devant les commissions
d’enquête du Congrès et été un des acteurs du coup d’État
de 2002 contre Hugo Chavez1836.
Les médias français sont restés très discrets sur les
efforts pour contrecarrer toute coopération avec la Chine
et la Russie1837. Par ailleurs, elle passe sous silence la
situation au Honduras, qui est inverse et où le
gouvernement américain tente de maintenir au pouvoir
son poulain1838.
12.2.2. Un désastre économique
Concernant la situation économique, les « experts »
évoquent bien sûr les erreurs de gestion et les choix
malheureux du président Nicolas Maduro, minimisent le
rôle de ses prédécesseurs et restent étonnamment
silencieux sur les sanctions américaines. Lors des trois
émissions « C dans l’air » consacrées au Venezuela au
début 2019, les sanctions américaines depuis 1999 et leur
impact réel ne sont pas mentionnés une seule fois, malgré
la présence d’un économiste sur le plateau ! Le journal
britannique The Independent évoque leur caractère illégal
et leurs conséquences meurtrières sur la population1839.
Un rapport des Nations unies sur la situation au Venezuela
précise que les sanctions américaines sont illégales car
elles n’ont jamais été approuvées par le Conseil de
sécurité des Nations unies, qu’elles avaient été
condamnées le 23 mars 2018 par le Conseil des droits de
l’homme, et qu’elles pourraient tomber dans la catégorie
des « crimes contre l’humanité » en vertu de l’article 7 du
Traité de Rome1840.
Mais en France, on reste dans la ligne américaine. Le
2 mai, sur France 5, la journaliste Saraï Suarez ira même
plus loin en affirmant qu’il s’agit d’une « stratégie du
gouvernement [vénézuélien] » qui vise à occuper les gens
à survivre afin qu’ils ne pensent pas à se rebeller1841 ! On
nage en plein complotisme !
De nombreux pays dépendent d’un seul secteur
économique, ont une mauvaise gestion et des problèmes
de transition politique. Pourtant, on n’atteint pas les taux
d’inflation et les pénuries du Venezuela. La comparaison
entre la Colombie et le Venezuela montre que la différence
se situe au niveau des sanctions1842, dont les médias
occidentaux minimisent régulièrement l’impact1843.
Alors que le Venezuela dispose des plus grandes
réserves de pétrole du monde, et qu’il a régulièrement
honoré ses dettes, les sanctions l’empêchent d’accéder aux
marchés financiers. Ainsi, le risque associé à sa capacité
de paiement a été artificiellement augmenté, même depuis
la reprise du prix du pétrole. Selon le Centre stratégique
géopolitique latino-américain (CELAG), basé en
Colombie, la banque JPMorgan a fixé le coefficient de
risque du Venezuela à 4 820 points, soit 38 fois la valeur
attribuée au Chili, qui a pourtant le même rapport
« dette/produit national brut ». Par ailleurs, le régime de
sanctions déjà mis en place sous la présidence Obama, et
reconduit par l’administration Trump, rend punissables les
entreprises ou institutions financières (publiques et
privées) qui collaborent avec le Venezuela. C’est ainsi que
de nombreuses banques (Citibank, Commerzbank,
Deutsche Bank) ont annulé unilatéralement (et souvent
sans préavis) des contrats avec le Venezuela. CITGO, la
compagnie nationale des pétroles basée aux États-Unis, ne
peut pas envoyer au Venezuela le produit de la vente des
produits pétroliers sur le marché américain, soit un
montant estimé de 9-10 milliards de dollars1844.
Nos « experts » ne manquent pas d’évoquer
l’hyperinflation qui touche le pays. On évoque le chiffre
de 1 000 000 % pour 2018, mais c’est faux. Ce chiffre est
la projection d’une inflation momentanée sur une année
complète. Le chiffre réel est bien inférieur – même s’il
reste extrêmement élevé – et tourne autour de 80 000 %.
Par ailleurs, ils omettent de préciser qu’elle est due à
l’impossibilité d’accéder aux instruments financiers
internationaux en raison des sanctions imposées par
l’administration Trump, poussant le gouvernement à
produire de la monnaie afin de couvrir un déficit
budgétaire croissant.
Ils ne mentionnent pas plus que la raréfaction de certains
biens de consommation due aux sanctions a contribué à
créer le phénomène d’agiotage. Un phénomène, déjà
connu en Europe occupée durant la Seconde Guerre
mondiale, où des individus peu scrupuleux stockent des
marchandises afin de créer une pénurie, spéculant sur la
hausse des prix et amplifiant ainsi la fièvre inflationniste.
Par ailleurs, aucun « expert » n’évoque l’impact des
sanctions sur les instruments financiers, qui ont empêché
le gouvernement de prendre des mesures pour juguler
l’hyperinflation1845.
Par ailleurs, alors que les crises économiques
« conventionnelles » obéissent à des mécanismes connus
et quasi mathématiques – même s’ils ne sont pas toujours
bien maîtrisés – celle du Venezuela change de nature au
cours du temps. Les contre-mesures prises par le
gouvernement ne peuvent prendre effet, car elles sont
systématiquement « rattrapées » par une nouvelle
sanction. Ainsi, le gouvernement Maduro a tenté
d’endiguer l’inflation en créant une monnaie (le « Petro »)
dont la valeur est liée à celle du pétrole ; mais les États-
Unis en ont immédiatement interdit l’usage aux citoyens
et entreprises américains1846. Que ce remède ait été
approprié ou non est matière à discussion, mais cet
exemple illustre clairement que la crise vénézuélienne est
pilotée de l’extérieur.
Rien de très surprenant ici, car le scenario suit
exactement le manuel de guerre non conventionnelle de
l’Armée américaine, qui décrit l’emploi des outils
financiers (« financial weapons ») pour abattre des
gouvernements1847. En substance, la stratégie est la même
que celle utilisée depuis la Seconde Guerre mondiale :
s’attaquer à la population civile, afin de la pousser à se
rebeller contre leur gouvernement. C’est la logique de
l’embargo contre l’Irak dès 1990, des frappes aériennes en
Serbie en 1999, en Irak en 2003, et en Syrie en 2015 : il
s’agit de créer une situation intenable pour la population
civile et d’en rendre responsable le gouvernement :
Depuis que l’embargo a été imposé à l’Irak le 6 août
[1990] après l’invasion du Koweït, les États-Unis se sont
opposés à tout assouplissement en pensant qu’en rendant
la vie difficile au peuple irakien, cela l’encouragera à
renverser Saddam Hussein du pouvoir1848.
Il s’agit d’une stratégie absolument identique à celle de
l’État islamique, à la différence qu’au lieu de bombes on
supprime des biens de consommation.
Le 24 avril 2019, le département d’État publie une liste
des mesures prises contre le gouvernement du Venezuela.
Elle est rapidement retirée du site, mais une copie reste
(oubliée ?) sur le site de l’ambassade américaine au
Brésil1849. Elle témoigne du fait que les États-Unis tentent
d’asphyxier le pays, bien avant l’arrivée de Juan Guaidó.
Elle mentionne comme « résultat », la baisse de
production de pétrole et l’incapacité des Vénézuéliens à le
vendre sur le marché, et confirme que les revenus
pétroliers de la CITGO ont été transférés par les États-
Unis à Guaidó. En fait, rien de très nouveau pour ceux qui
suivent sérieusement la situation, mais qui souligne la
« conspiration du silence » que l’on observe dans les
médias traditionnels sur les sanctions.
Dans un reportage du « 20 heures », France 2 affirme
même que la crise économique est un moyen pour le
gouvernement d’obtenir le soutien de la population1850(!).
Naturellement, on ne mentionne pas le programme des
Comités locaux d’Approvisionnement et de Production
(CLAP), créé en 2016 par le président Maduro, afin de
fournir des produits de première nécessité aux plus
défavorisés.
En mai 2019, après l’échec de Juan Guaidó pour
mobiliser le peuple et prendre le pouvoir, l’administration
Trump tente de nouvelles mesures : des sanctions frappent
le programme CLAP, sous le prétexte qu’il s’agirait d’un
moyen de blanchiment d’argent1851. Mais ici encore, les
médias traditionnels européens restent muets sur leurs
conséquences…
12.2.3. Le rôle des médias occidentaux
Ce qui est frappant ici, ce n’est pas vraiment la manière
dont les Américains gèrent leur politique étrangère ; c’est
le manque de recul de la presse et des médias européens,
qui vilipendent volontiers le président américain, mais
soutiennent explicitement des entreprises qui
contreviennent au droit international et à l’État de droit.
Ainsi, en janvier 2019, la lettre ouverte adressée à Donald
Trump par 70 personnalités américaines des milieux
politiques, académiques et de la presse1852 pour le mettre
en garde contre l’ingérence américaine au Venezuela n’a
pratiquement eu aucun écho dans les médias européens.
Les experts de « C dans l’air » tentent de minimiser
l’importance de l’implication américaine dans la crise : le
journaliste François-Xavier Freland l’explique par un
« anti-américanisme de salon ». C’est une malhonnêteté
intellectuelle : dans le magazine US News, l’économiste
américain Max Weisbrot, démontre que les États-Unis
n’ont pas ménagé leurs efforts pour saper les élections de
20181853. Naturellement, à cette date, il ne peut pas encore
savoir qu’en mars 2019, tout au long de son périple en
Amérique latine, Juan Guaidó sera accompagné par la
sous-secrétaire d’État, Kimberly Breier, ex-analyste de la
CIA et spécialiste de l’Amérique latine1854. Un fait
qu’aucun média traditionnel n’a jugé nécessaire de
relever…
Depuis le début du XIXe siècle, la doctrine Monroe, fait
de l’Amérique latine l’arrière-cour exclusive des États-
Unis (« America’s backyard ») : « L’Amérique aux
Américains ». Elle est complétée au début du XXe siècle
par la doctrine du « Gros Bâton » (« Big Stick ») de
Theodore Roosevelt, qui s’octroie ainsi le droit de frapper
tous les pays dont la politique ne convient pas aux intérêts
américains. Jusqu’à nos jours, elles expliquent les
interventions américaines en Amérique centrale et il serait
surprenant que le gouvernement socialiste du Venezuela
fasse exception.
Mais le problème n’est pas seulement politique. Le
24 janvier 2019, John Bolton, conseiller à la Sécurité
nationale de Donald Trump déclarait sur la chaîne Fox
News :
Si les sociétés pétrolières américaines pouvaient
vraiment investir et produire des capacités pétrolières au
Venezuela, cela ferait une grande différence sur le plan
économique pour les États-Unis1855.
Personne ne mentionne non plus qu’à peine après avoir
reconnu Juan Guaidó comme président, l’administration
Trump a imposé des sanctions qui lui accordent de facto
une autorité sur les revenus de l’industrie pétrolière
vénézuélienne basée aux États-Unis. Le secrétaire au
Trésor, Steven Mnuchin a même déclaré, que les sanctions
contre PDVSA pourraient être levées, si la firme
reconnaissait l’autorité de Juan Guaidó1856. À l’évidence,
il s’agit de mettre le pays à genou : Mnuchin annonce que
les États-Unis ont pris des mesures avec l’Arabie saoudite,
afin de stabiliser le prix du pétrole, alors qu’on stoppe la
production vénézuélienne1857.
Les efforts pour encourager une subversion armée dans
le pays restent encore difficiles à évaluer. Le 7 février,
l’agence de presse américaine McClatchy rapporte que le
gouvernement vénézuélien a intercepté un chargement
d’armes et de munitions dans un avion de la compagnie
21Air, basée en Caroline du Nord, et dont deux de ses
dirigeants sont associés aux vols de la CIA au début des
années 20001858. Au total, 21Air a fait environ 40 vols
entre les deux pays dès le 11 janvier, le lendemain de la
prestation de serment de Maduro1859…
12.2.4. Juan Guaidó et la nature de l’opposition
L’autoproclamation de Guaidó comme président de la
République a été présentée dans les médias comme
spontanée. Il n’en est rien ; et au Venezuela, la majorité
des partis d’opposition ne la soutient pas1860. En fait, elle
est le résultat de longues tractations avec les États-Unis,
qui se sont tenues en partie à Porto-Rico. Lors de
l’émission « C dans l’air » du 25 janvier, les experts sont
interrogés sur la reconnaissance étonnamment rapide de
Guaidó par Trump. Mais aucun ne répond vraiment, ni ne
mentionne que le 22 janvier – la veille de s’autoproclamer
président – Juan Guaidó a eu une conversation
téléphonique avec le vice-président américain Mike
Pence, qui lui a donné le « feu vert » et assuré le soutien
des États-Unis au cas où il prendrait le pouvoir. Pourtant,
la très rapide succession des événements qui entourent
cette autoproclamation suggère un niveau élevé de
coordination, qu’explique le Wall Street Journal :
Cet appel de nuit a mis en branle un plan élaboré
secrètement au cours des semaines précédentes,
accompagné de discussions entre des responsables
américains, des alliés, des parlementaires et des
personnalités de l’opposition vénézuélienne, y compris
M. Guaidó en personne1861.
C’est pourquoi, dans les minutes qui suivent, Donald
Trump reconnaît le nouveau « président » et lui accorde
une aide de 20 millions de dollars pour de l’aide
humanitaire. Elle arrivera à la frontière colombienne dans
les semaines suivantes. Nous y reviendrons.
On trouve alors le même schéma qu’au début de
l’insurrection en Syrie pour présenter le « régime ». Dans
« C dans l’air », Philippe Dessertine affirme que la police
tire à balles réelles dans la foule1862, mais les documents
disponibles ne permettent pas d’y constater une politique
délibérée, comme il le suggère. Sur les vidéos, on voit des
militaires utiliser des fusils anti-émeute (« Riot-Gun »),
qui paraissent utiliser des projectiles de caoutchouc.
D’ailleurs, le Washington Post relativise :
[…] les forces de sécurité ont surtout eu recours à la
force non létale pour les réprimer. En conséquence, la
violence est courante, mais les décès relativement rares.
[…] Et oui, les gens meurent. Tirez des granulés de
caoutchouc sur une personne à très courte distance ou
pointez une grenade lacrymogène directement sur sa
poitrine, et vous la tuerez. Cent deux personnes sont
décédées lors de la dernière vague de manifestations,
environ une par jour. C’est 102 de trop, bien sûr… et
pourtant, c’est aussi beaucoup, beaucoup moins que cela
aurait pu être.
[…] Les forces de sécurité ont compris qu’il est interdit
d’utiliser des munitions réelles lors de manifestations. Les
quelques manifestants qui ont été tués par des balles de la
police semblent avoir été véritablement des incidents
isolés : des officiers qui se sentaient menacés au milieu de
manifestations chaotiques, ont paniqué et ont sorti leur
arme. D’ailleurs significativement, le régime a en réalité
porté plainte contre eux1863.
En l’absence de données fiables et impartiales, il est
difficile de tirer des conclusions, mais il est clair que
toutes les victimes ne sont pas uniquement le fait des
forces de l’ordre.
L’approche de la crise par les pays occidentaux, dont les
États-Unis, le Canada, la France, la Belgique et bien
d’autres tend à renforcer les positions radicales et un
raidissement des acteurs, car elle est partisane dans son
essence. Quant à l’initiative du Mexique et de l’Uruguay
(rejoints par la Bolivie, le Costa Rica et l’Équateur1864)
coordonnée avec le « Groupe de contact » de l’Union
européenne1865 (soutenu par Emmanuel Macron1866), elle
est rejetée par Guaidó, qui refuse tout dialogue avec le
gouvernement, prétendant qu’il s’agit simplement pour
Maduro de gagner du temps1867. Mais ce refus de négocier
n’est évoqué par personne, ni par Jean-Yves LeDrian, ni
par les « experts » rassemblés sur le plateau du Figaro le
4 février1868, ni par aucun des experts du « C dans l’air »
du 6 février, et il a été occulté par l’ensemble de la presse
traditionnelle française : il faut éviter de présenter Guaidó
comme un « faucon ».
Car on connaît mal Juan Guaidó. Un sondage réalisé au
Venezuela au lendemain de son autoproclamation montre
que plus 80 % de la population n’a jamais entendu parler
de lui1869. Quant au portrait qu’en fait la presse
internationale traditionnelle, il est pour le moins très
« pudique ». L’article de Wikipédia qui lui est consacré est
éloquent : il est présenté comme un intellectuel rebelle et
proche du peuple. Il n’en est rien. En 2007, après des
études à l’université catholique Andres Bello de Caracas,
il suit une formation en gouvernance et gestion politique
aux États-Unis, à l’université George Washington, sous la
tutelle de l’économiste vénézuélien Luis Enrique
Berrizbeitia, l’un des plus grands économistes néolibéraux
d’Amérique latine et ex-directeur exécutif du Fonds
monétaire international (FMI), qui a travaillé de
nombreuses années pour le gouvernement vénézuélien
renversé par Chávez. En 2009, il rejoint le parti « Volonté
populaire » (« Voluntad Popular »), créé et dirigé par
Leopoldo Lopez, et affilié à l’Internationale socialiste. La
députée britannique travailliste Rachel Reeves affirme
même qu’il s’agit d’un parti « socialiste frère »1870. Mais
ça n’est qu’une façade, car on reste discret sur son
positionnement assez étonnant décrit par Wikipédia
(version française, jusqu’au 28 février) : « Extrême droite,
droite, centre droit, centre, à centre gauche »1871 (en fait,
ce « positionnement » a fait l’objet de pas moins de 8
changements sur Wikipédia entre le 5 février et le 6 mars
2019, témoignant du flou politique dans lequel il se
situe1872).
Notre image de l’opposition vénézuélienne, présentée
par les médias comme unie derrière Juan Guaidó, contre
Maduro, est très largement biaisée1873. Le journaliste
François-Xavier Freland, affirme qu’elle est unie1874.
C’est faux. En 2008, une plateforme commune (MUD1875)
avait été créée pour rassembler l’opposition sous une seule
bannière afin de contrer Hugo Chavez. Mais dès 2016,
elle commence à se désagréger, et le mouvement
s’accélère en 20171876. En 2018, elle éclate en trois
plateformes plus petites. Celle dans laquelle se trouve
Volonté populaire aujourd’hui est elle-même divisée et n’a
pas même réussi à se trouver un nom. Ainsi,
contrairement à ce que présente la propagande pro-
américaine, Guaidó ne représente pas toute l’opposition,
mais seulement une petite partie : la plus radicale.
D’ailleurs, en juin 2019, après l’échec de la tentative de
soulèvement populaire du 30 avril, Mike Pompeo avouera
qu’il est pratiquement impossible d’unifier
l’opposition1877.
D’ailleurs dans son étude sur l’opposition
vénézuélienne, élaborée en 2018, l’International Crisis
Group (ICG) ne mentionne pas une seule fois le nom de
Juan Guaidó. En revanche, elle relève les luttes internes
de la MUD et l’éventail de tendances qu’elle comprend :
de l’extrême-droite à l’extrême-gauche1878. En fait, les
différentes composantes de la MUD n’ont jamais réussi à
se mettre d’accord sur une ligne politique et économique
claire. Leur stratégie d’opposition est loin d’être
unanime : certains, comme Volonté populaire, sont
opposés à tout dialogue, alors que d’autres sont plus
favorables à une collaboration avec le gouvernement1879.
Les incohérences de l’opposition – tantôt boycottant,
tantôt participant aux élections – l’ont rendu impopulaire
et ont favorisé l’alliance gouvernementale (comme aux
régionales d’octobre 2017)1880.
Quant à la situation intérieure du pays, le journaliste
François-Xavier Freland affirme que l’on « voit rarement
la foule autour de Maduro1881 ». C’est faux, et c’est
précisément ce que certains voient comme un risque
d’affrontements, voire de guerre civile, en cas de coup de
force. En l’absence de chiffres, il est difficile de dire
lequel mobilise plus de militants, mais il est certain que
Maduro a un large soutien populaire, contrairement à ce
qu’il prétend, et comme on le verra en mai. Le nombre de
partisans mobilisés pour la distribution de l’aide
américaine à la frontière colombienne, le 23 février 2019,
donne une indication du problème. Juan Guaidó avait
appelé un million de volontaires, et le milliardaire
britannique Richard Branson avait organisé un concert à
proximité du lieu de la distribution où plus de 250 000
spectateurs étaient attendus. Mais le jour dit, il n’y a que
quelques centaines de militants sur le pont Tienditas et le
concert n’attire qu’environ 20 000 personnes. Le
Washington Post, publie un article dithyrambique sur
l’événement1882 ; mais il est rapidement retiré et remplacé
par un autre qui ne mentionne plus les 200 000
spectateurs1883, puis par une troisième version définitive,
qui ne mentionne même plus le concert de Branson1884.
En juin 2019, le PanAm Post de Miami révèle que
l’argent récolté à des fins humanitaires par Richard
Branson, y compris des fonds provenant d’organisations
internationales, a été dilapidé par les hommes de
confiance de Juan Guaidó dans des hôtels, des vêtements
de luxe et avec des prostituées1885… Le milliardaire
britannique se fendra d’un communiqué de presse
déclinant toute responsabilité. Évidemment, les médias
français restent très discrets sur ces malversations, comme
avec les images du cortège de Guaidó contraint par la
foule de faire marche arrière alors qu’il veut entrer dans
un quartier populaire de Caracas en mars 20191886.
Quant à l’affirmation d’un des « experts » de « C dans
l’air » selon laquelle Guaidó aurait été « élu » au poste de
président de l’Assemblée nationale1887, elle est
inexacte1888. Il s’agit d’une élection pré-arrangée, car les
quatre partis composant la MUD avaient décidé d’une
présidence tournante. Lorsqu’est arrivé le tour de Volonté
populaire, Leopoldo Lopez, son président était assigné à
résidence et n’a pas pu assumer ce rôle, comme son
second, Freddy Guevara, poursuivi par la justice et réfugié
à l’ambassade du Chili. Le suivant sur la liste des
« viennent-ensuite » était Juan Andrés Mejía, mais pour
des raisons encore peu claires à ce stade, c’est le suivant,
Juan Guaidó, qui a eu le poste. Ainsi, lorsqu’en mai 2019,
FOX News parle de « président dûment élu 1889 », ce n’est
qu’un mensonge.
Dans l’émission « C dans l’air » du 6 février,
Mme Andréïna Flores, juge l’autoproclamation de Guaidó
constitutionnelle car l’élection de Maduro était illégitime ;
notamment parce qu’elle avait été avancée de sept
mois1890. Mais, elle omet de dire que la date avait été
avancée à la demande… de l’opposition1891 ! Par ailleurs,
l’article 233 de la Constitution permet, en effet, au
président de l’Assemblée nationale d’être président par
intérim, mais uniquement en cas de vacance permanente
du pouvoir par démission, maladie, accident, ou décès1892,
et non lorsqu’il y a contestation des élections ce qui est le
cas ici. De plus, elle ne dit pas que le président par intérim
ne peut occuper cette fonction que pour une durée
maximale de 30 jours, afin d’organiser des élections… ce
que Guaidó n’a pas même tenté de faire, puisqu’il s’est
proclamé lui-même président ! Naturellement, aucun des
« experts » sur le plateau ne relève ces
inconstitutionnalités…
Mais les États-Unis et l’opposition vénézuélienne ont
apparemment constaté ce problème puisqu’à la fin
février 2019, l’Assemblée nationale a pris la décision que
l’intérim ne commencerait qu’après le départ de
Maduro1893 ! En somme, Guaidó est président par un
intérim qui n’a pas commencé : on ajuste la légalité pour
qu’elle « colle » avec l’illégalité ; un ajustement rendu
nécessaire par le fait que le soulèvement populaire attendu
contre Maduro n’a pas eu lieu.
Si les Nations unies continuent à reconnaître Maduro, ce
n’est pas parce que « du côté de l’ONU (…) il n’y a pas le
principe démocratique qui s’applique1894 », mais
simplement parce que l’organisation ne reconnaît pas les
gouvernements, mais les États. Un principe
habituellement appliqué par la France… ce qui fait de la
reconnaissance de Guaidó par Emmanuel Macron une
pratique anormale1895. Mais là encore, aucun « expert » ne
relèvera cette contradiction.
Les infographies produites pour illustrer le soutien
international aux deux « présidents » vénézuéliens,
censées apporter de la clarté, contribuent à la propagande
occidentale. Ainsi, la carte produite par
franceinfo/AFP1896 montre que Maduro n’est soutenu que
par des pays considérés comme autocratiques tels que la
Russie, la Chine, Turquie, Cuba et la Bolivie. Mais elle
évite soigneusement de mentionner l’Inde1897 et l’Afrique
du Sud1898, qui pourraient apporter un élément de caution
« démocratique » à Maduro.
En mars 2019, une série de pannes affectent le réseau
électrique vénézuélien, dont les images passent en boucle
sur nos médias nationaux. Ce n’est pas la première fois, et
on parle de défaut d’entretien du réseau. C’est possible.
Mais personne ne mentionne l’étonnante similitude des
événements avec un plan élaboré en septembre 2010 par
le Centre pour l’action et stratégies non violente
appliquées1899 (CANVAS), qui propose un changement de
régime au Venezuela en provoquant un soulèvement
populaire déclenché par des coupures d’électricité1900.
Incidemment, le lieu des incidents de 2019 est exactement
celui indiqué dans le rapport de 2010 pour créer une
coupure : le barrage de Guri, où se situe la centrale Simon
Bolivar1901. Pour mémoire : basée à Belgrade, CANVAS
est une ONG financée par l’International Republican
Institute (IRI) à Washington DC et par l’Open Society
Foundation (OSF) ; elle a été très active en Ukraine, où
elle a formé les manifestants de l’Euromaïdan.
Le 7 mars, devant la sous-commission sénatoriale des
Affaires étrangères, le sénateur républicain Marco Rubio
appelle les États-Unis à provoquer un changement de
régime par une combinaison de trois mesures : des
« troubles généralisés », un soutien aux militaires et aux
élites vénézuéliennes, et une pression internationale1902. À
17 heures, un incident inexpliqué affecte la centrale
hydroélectrique Simon Bolivar ; et 18 minutes plus tard,
alors que les autorités vénézuéliennes n’ont pas encore
identifié la nature du problème1903, Rubio tweete
l’événement, en précisant que les générateurs de secours
sont en panne1904 ! Sans pouvoir affirmer qu’il s’agit
d’une action délibérée, le doute est permis ! Le 26 mars,
s’adressant à l’Assemblée nationale, Guaidó affirme que
« […] la fin de l’obscurité viendra définitivement avec la
fin de l’usurpation » ; ce que le gouvernement a interprété
comme l’aveu d’un sabotage1905.
La partialité pousse à l’incohérence. En février 2019,
alors que le président Macron reconnaît la légitimité de
Juan Guaidó et s’associe à un ultimatum contre le
président Maduro, il rappelle son ambassadeur à Rome,
après que Luigi Di Maio, le vice-Premier ministre italien,
a rencontré des représentants des « gilets jaunes » en
France1906. On accepte donc l’ingérence dans la politique
intérieure des autres pays, mais on ne la tolère pas chez
soi !
Ce dossier n’a rien à voir avec la démocratie ou l’État de
droit. C’est un conflit classique d’hégémonie régionale,
traité sur un mode binaire, comme les Américains
l’affectionnent, avec des « gentils » et des « méchants ». Il
n’y a aucun doute que l’administration américaine agit ici
en fonction d’un plan. Il est difficile de faire la part de la
naïveté et de la mauvaise foi – pour ne pas dire « volonté
de tromper » – des journalistes qui refusent de voir
l’influence américaine dans les pays d’Amérique centrale.
Ainsi, le 17 février 2019, durant les émeutes contre le
président haïtien Joven Moise, cinq Américains, deux
Serbes et un Haïtien sont arrêtés à Port-au-Prince avec un
armement presque identique à celui capturé au
Venezuela1907. Parmi eux, deux ex-Navy SEAL, un ex-
pilote du Marine Corps, un ex-policier militaire et ex-
membre de Blackwater et un collaborateur de la firme
Patriot Group Services (PGS), un sous-traitant du
Département américain de la Sécurité intérieure. Ils
affirment être « en mission pour le gouvernement1908 ».
Trois jours plus tard, ils sont extradés vers les États-Unis,
où ils ne seront pas poursuivis1909. En fait, personne ne
sait exactement la raison pour laquelle ils étaient en Haïti,
mais il reste clair que les États-Unis surveillent de près
l’évolution de la situation intérieure.
En fait, les médias traditionnels se comportent comme
les « idiots utiles », qui servent la mauvaise foi et la
sottise de hauts fonctionnaires américains comme John
Bolton et Elliott Abrams, qui n’ont réussi qu’à semer le
chaos à travers le monde. Comme le dit Alfred de Zayas
lors d’une présentation sur la situation au Venezuela :
« Nous nageons dans un océan de mensonges 1910! »
Comme avant les guerres d’Irak, d’Afghanistan, de Libye
et de Syrie, on discerne auprès des médias occidentaux
une forme de ce que les Allemands appellent
« Schadenfreude1911 ». Elle permet de « vendre », au
détriment de la vérité et de la vie des populations civiles…
12.2.5. Le blocage de l’aide « humanitaire »
L’aide humanitaire promise par Donald Trump arrive en
Colombie en février et il est prévu de la faire entrer au
Venezuela le 23. Le gouvernement vénézuélien y voit une
opération de propagande et ne l’autorise pas. Les médias
internationaux fustigent la décision, mais n’en évoquent
pas les raisons1912. Techniquement, une aide peut être
qualifiée d’humanitaire si elle est à la fois « neutre,
impartiale et indépendante »1913. Or ici, l’aide ne répond
à aucun de ces critères : elle a pour seule vocation d’être
un outil de propagande pour Guaidó. D’ailleurs les
Nations unies mettent en garde les États-Unis contre cette
politisation1914. De plus, Christoph Harnisch, chef de la
délégation du Comité international de la Croix rouge
(CICR) en Colombie, déclare que le CICR considère
l’aide américaine comme une action gouvernementale et
qu’il ne participera pas à sa distribution1915.
L’International Crisis Group confirme que le
gouvernement vénézuélien n’est pas tenu d’accepter l’aide
américaine :
Selon le droit international, les gouvernements doivent
accepter la distribution de vivres et de fournitures
médicales lorsque la survie d’une population est menacée,
mais uniquement si l’aide est de nature exclusivement
humanitaire et impartiale. Cependant, cette opération
d’aide est essentiellement politique et vise à saper Maduro
et à induire un changement de gouvernement. Jeremy
Konyndyk, l’ex-chef de l’aide extérieure américaine pour
les cas de catastrophes a tweeté : « L’aide bloquée à la
frontière pendant que les responsables américains fustigent
le gouvernement n’est là que pour un spectacle politique et
non pour des objectifs humanitaires. » 1916
D’ailleurs, le président américain menace de représailles
les militaires vénézuéliens qui obéiraient à leur
gouvernement en bloquant l’aide américaine à la
frontière1917.
Les médias, comme BFMTV, Euronews1918 ou
l’Express1919 s’efforcent de faire croire que le président
Maduro empêche l’accès de l’aide humanitaire à sa
population :
Au Venezuela, l’aide humanitaire n’a toujours pas pu
entrer dans le pays. Nicolas Maduro s’oppose à l’arrivée
de cette aide, envoyée notamment par les États-Unis1920
(…)
Le « notamment » suggère que Maduro s’oppose à toute
l’aide humanitaire. C’est une formulation trompeuse, qui
vise à faire croire que Maduro cherche à affamer sa
population1921. En réalité, l’aide du CICR, de la Russie,
de la Chine ou de l’Union européenne entre régulièrement
dans le pays. Ce n’est que l’aide américaine – politisée au
profit de Guaidó1922 – qui est bloquée.
France24 ironise sur le fait que le président Maduro
associe cette aide à une tentative d’intervention militaire :
Nicolas Maduro refuse toujours l’entrée de l’aide
humanitaire dans le pays. Il la perçoit comme un
préambule à une invasion du pays1923.
Le magazine L’Express publie une vidéo dans laquelle
on prétend que Maduro « considère l’arrivée des convois
humanitaires américains comme une tentative d’invasion
militaire1924 ». Mais ici aussi, on manipule : il ne s’agit
pas de militaires américains cachés derrière des sacs de
riz, mais de l’exploitation de cette aide à des fins
partisanes et d’ingérence. Ceci étant, en mars 2019, le
média américain Bloomberg News, révélera que d’ex-
militaires vénézuéliens, sous le commandement de l’ex-
général Cliver Alcalá s’étaient préparés à faire un coup de
force dans la foulée du convoi « humanitaire », afin de
pousser les troupes gouvernementales à rejoindre
l’opposition ; mais le gouvernement colombien, ne
voulant pas être impliqué, aurait interrompu
l’opération1925. Une information qui n’a évidemment pas
été relayée par les médias français…
Mike Pompeo qualifie Maduro de « tyran malade »
(« sick tyrant ») (traduit en France par « le pire des
tyrans ») parce qu’il s’oppose à l’entrée de l’aide
américaine. Mais évidemment, aucun média ne rappelle
que dans les années 1990, l’embargo américain contre
l’Irak avait causé la mort de plusieurs dizaines de milliers
d’enfants (sans que le chiffre de 500 000 alors évoqué, ne
perturbe l’ambassadrice américaine Madeleine
Albright1926) ; qu’en 2005, George Bush avait refusé
l’aide humanitaire vénézuélienne après l’ouragan
Katrina1927 ; qu’au Yémen, la coalition internationale
empêche l’aide humanitaire d’accéder aux victimes1928 ;
et que les sanctions américaines empêchent par ailleurs
l’entrée de médicaments au Venezuela1929…
En France, les médias présentent la pénurie de
médicaments comme une conséquence de la politique de
Maduro. En février 2018, le magazine Science & Vie,
consacre un article à ce sujet sans mentionner une seule
fois l’impact des sanctions1930. Pourtant, en juillet 2017,
la Citibank a bloqué le paiement de 300 000 doses
d’insuline. En août 2017, la compagnie EUROCLEAR, a
bloqué un paiement du gouvernement vénézuélien de
1,65 milliard de dollars pour l’achat de nourriture et de
médicaments ; en novembre 2017, le gouvernement
colombien bloque la fourniture de médicaments contre la
malaria juste après le départ d’une épidémie : en
mai 2018, c’est du matériel de dialyse pour un montant de
9 millions de dollars qui est bloqué à son tour1931. Un
rapport des Nations unies d’août 2018, décrit le Venezuela
comme « assiégé » par l’effet des sanctions américaines,
qui causent des victimes par malnutrition et manque de
médicaments :
Les sanctions économiques et les blocus modernes sont
comparables aux sièges médiévaux des villes avec
l’intention de les forcer à se rendre1932.
C’est donc bel et bien une militarisation de l’aide
humanitaire. En avril 2019, un rapport du Centre de
Recherche économique et politique, basé à Washington
DC, confirme que les sanctions américaines ont causé la
mort de 40 000 personnes entre août 2017 et
décembre 20181933. Mais ces rapports n’auront
pratiquement aucun écho en France où le président
Macron suit fidèlement la politique de Donald Trump…
Les images du pont Tienditas bloqué par des conteneurs
tournent en boucle. Les médias traditionnels, comme
CNN1934 et RFi1935 clament que le pont a été bloqué à
dessein par les militaires pour empêcher l’aide
humanitaire d’arriver et France24 relaie les tweets de
Mike Pompeo1936. Or, le pont, dont la construction s’est
achevée en 2015, n’a jamais été mis en service en raison
de la détérioration des relations avec la Colombie et des
barrières et des blocs de béton ont été placés par… la
Colombie en 20161937, ce n’est qu’en 2018 que des
conteneurs ont été déposés par le Venezuela de son côté de
la frontière. BBC News, qui avait emboîté le pas de
l’administration américaine dans un premier temps, a
constaté son erreur et corrigé la page correspondante sur
son site1938. On savait donc depuis longtemps que l’« aide
humanitaire » ne pourrait pas passer par ce pont.
D’ailleurs…
On oublie de préciser qu’il y en a un autre pas très loin,
le pont Bolivar : lui aussi il est entre les deux pays, mais il
est ouvert, dans les deux sens. Et le passage s’effectue. À
pied, mais il s’effectue. Avec plein de gens qui transportent
plein de choses1939.
Le convoi humanitaire n’est donc qu’une opération de
propagande : on n’a vraisemblablement jamais vraiment
eu l’idée de faire passer de l’aide humanitaire, mais on
voulait simplement montrer que Maduro empêchait l’aide
de parvenir à son peuple. Ainsi, les exagérations
occidentales donnent une opportunité à RT – assez
systématiquement accusée de diffuser des fausses
nouvelles – de rétablir la vérité1940.
Finalement, le 23 février, Juan Guaidó tente de faire
passer le convoi annoncé. Mais des heurts se produisent et
un des camions est incendié. Dans un premier temps, les
médias occidentaux accusent le gouvernement Maduro
d’avoir incendié le véhicule. Sur sa page Facebook, La
Presse du Canada montre une image de l’incident avec la
légende « Un camion transportant de l’aide humanitaire a
été incendié samedi à la frontière avec la Colombie par la
police et l’armée vénézuéliennes »1941. Sur FOX News,
Mike Pompeo déclare :
Le groupe de Lima, l’OEA et les pays européens, le
monde entier ont été témoins de la dévastation causée au
Venezuela par Maduro, ce tyran malade, qui refuse la
nourriture aux Vénézuéliens affamés et la médecine aux
Vénézuéliens malades. Brûler des camions avec…- C’est le
pire du pire d’un tyran. Je pense que le peuple vénézuélien
voit ça. Nous avons vu hier l’armée commencer à le voir
aussi1942.
Mais c’est faux : il s’agit seulement de mettre de l’huile
sur le feu – littéralement. Une vidéo de l’incident, relayée
sur la chaîne YouTube de l’ex-sénateur républicain
américain Ron Paul, montre très clairement que c’est un
partisan de Guaidó qui a incendié le camion
(probablement involontairement) avec un cocktail
Molotov1943. Certains médias modifient rapidement leurs
articles, d’autres utilisent une formulation ambiguë qui
suggère la responsabilité des militaires vénézuéliens,
comme Franceinfo – qui reproduit le tweet de Guaidó
accusant les militaires1944 – ou Le Figaro1945. Aucun
n’indique alors que l’incendie a été provoqué par un
partisan de Guaidó. Le New York Times est probablement
le seul « grand » journal à étudier les vidéos et à remettre
en question la version officielle1946.
12.2.6. Le « coup » d’avril 2019
Le 30 avril 2019, Juan Guaidó annonce « la phase finale
de l’Opération Liberté1947 » et appelle la population et les
forces armées à se soulever contre le pouvoir.
La désinformation commence par la définition de ce qui
ressemble à une tentative de « coup d’État ». Dans
l’émission « C dans l’air », Frédéric Encel récuse cette
appellation parce que Guaidó est « soutenu par le
Parlement », que la politique sociale de Maduro est
« erratique » et qu’il « n’appelle pas à la prise du pouvoir
par les armes »1948.
C’est la position de l’administration Trump. La logique
est que Juan Guaidó est « président par intérim »,
puisqu’il est soutenu par le Parlement, et que, par
conséquent, il ne peut faire un « coup d’État » contre sa
propre position. D’ailleurs, en mars 2019, Robert
Palladino, porte-parole adjoint du département d’État, a
enjoint la presse à ne plus utiliser l’expression « président
autoproclamé », mais à utiliser l’expression « président
par intérim1949 ». Aux États-Unis, plus qu’en Europe, les
médias traditionnels adoptent l’appellation « officielle ».
Ainsi la notion même de « coup » devient discutable : il
s’agit simplement de restaurer la légitimité de Guaidó. Les
médias traditionnels trouvent alors des euphémismes : Le
Washington Post parle de « défi conduit par l’opposition
et couvert par les militaires1950 », CBS News parle de
« soulèvement1951 », le New York Times, de
« protestation1952 » et Bloomberg, de « pari risqué1953 ».
Bloomberg va même plus loin en titrant Un coup au
Venezuela ? Il vaut mieux ne pas utiliser ce mot dans cette
situation et Il n’y a pas de coup au Venezuela1954.
Le 30 avril 2019, il y a deux rassemblements à Caracas :
celui des partisans de Juan Guaidó et celui des partisans
du gouvernement ; mais les médias internationaux ne
retiennent que la manifestation de l’opposition. L’annonce
répétée de la possible défection de militaires de haut rang
avait encouragé les insurgés à tenter de pénétrer sur la
base militaire de La Carlota, à Caracas, pour rallier les
forces armées. Jake Tapper, journaliste de CNN, tweete
que les militaires gouvernementaux tirent sur la foule.
Problème : il utilise les photos de militaires pro-Guaidó,
clairement reconnaissables à leur brassard bleu1955 ! Les
médias passent en boucle les images de véhicules blindés
de la garde nationale fonçant sur les manifestants. Il
pourrait s’agir d’un débordement de violence, comme on
en a vu ailleurs dans le monde ; mais personne n’évoque
que des partisans de Guaidó ont volé des véhicules
identiques le même matin1956 et qu’ils auraient pu les
utiliser pour attiser la tension. En fait, nous n’en savons
rien, mais aucun média n’émet de doute.
À la fin de la journée, la tentative de rassembler le
peuple et les forces armées autour de Juan Guaidó est un
échec total. USA Today rapporte :
Guaidó le considérait comme le moment idéal pour les
Vénézuéliens de reprendre leur démocratie une fois pour
toutes. Mais alors que les heures passaient, il s’est
retrouvé seul sur un pont d’autoroute avec le même petit
groupe de soldats avec lequel il s’est efforcé de manière
téméraire de déclencher un soulèvement militaire1957.
En fait, la situation présentée en boucle par les médias
occidentaux s’est jouée dans un rectangle de 200 m par
500 m au nord de la base de La Carlota, dont la garnison
restera loyale au gouvernement.
De leur côté, les Américains réagissent en disséminant
des fausses informations. Il s’agit d’une part de créer une
dynamique insurrectionnelle, et d’autre part d’expliquer
pourquoi le soulèvement populaire attendu – et annoncé –
ne se produit pas, tout en avançant des prétextes pour une
éventuelle option militaire. Ainsi, Mike Pompeo annonce
sur les réseaux sociaux que le président Maduro s’apprête
à quitter le pays pour trouver refuge à Cuba, mais qu’il en
a été dissuadé à la dernière minute par Moscou1958. Mario
Diaz-Balart, député républicain de Floride, affirme que le
Venezuela pourrait disposer d’armes nucléaires et serait
prêt à les tirer contre les États-Unis1959. Tandis que
Donald Trump menace Cuba d’un embargo « total et
complet » si…
[Si] les troupes et la milice cubaines ne CESSENT PAS
immédiatement les opérations militaires ou autres ayant
pour but de causer la mort et la destruction de la
Constitution du Venezuela1960.
Le conseiller à la Sécurité nationale John Bolton – qui
n’est plus à un mensonge près – affirme que l’armée
vénézuélienne a été empêchée de rejoindre Guaidó par les
20 000 militaires cubains déployés au Venezuela pour
soutenir Maduro1961. En soirée, John Bolton déclare :
Nous croyons que les Cubains ont joué un rôle très
déterminant pour soutenir Maduro aujourd’hui avec les
Russes – c’est certainement une spéculation à Caracas.
Nous pensons que cela démontre pourquoi le Venezuela
doit être dirigé par le peuple du Venezuela et non par des
forces extérieures1962.
On nage en plein délire ! Ainsi, spéculations, rumeurs et
« ce qu’on croit » génèrent une certitude : c’est
exactement le schéma des « fake news » qui nous sont
assénées par les médias traditionnels en appui de
politiques hasardeuses.
En fin de compte, l’échec est très clair : à l’évidence,
Guaidó n’a pas le soutien de la majorité de la population,
contrairement à ce que raconte la presse traditionnelle.
Mais il est aussi vraisemblable que le gouvernement
vénézuélien a joué plus finement qu’il n’y paraît. Lors de
son point-presse du 30 avril, Bolton mentionne que le
ministre de la Défense Vladimir Padrino, le juge de la
Cour Suprême Maikel Moreno (celui qui avait demandé la
levée de l’immunité parlementaire de Juan Guaidó1963), le
commandant de la Garde présidentielle Ivan Rafael
Hernandez Dala avaient déjà été approchés par
l’opposition et avaient promis leur soutien1964. Il n’est pas
impossible que le gouvernement vénézuélien ait
délibérément « fuité » des informations suggérant
l’imminence de défections importantes, dans le but de
pousser Guaidó dans une tentative prématurée et vouée à
l’échec. La « libération » de Leopoldo Lopez – chef
historique de Volonté populaire, dont la légitimité est plus
grande que celle de Guaidó – pourrait entrer dans ce
schéma, afin de discréditer Guaidó aux yeux de
l’Occident. Car au Venezuela, l’opposition est loin d’être
unanime derrière Guaidó.
À ceci s’ajoutent ses selfies en février 2019 à la frontière
colombienne avec des membres des Rastrojos, un groupe
lié aux Autodefensas Unidas de Colombia (AUC)
d’extrême-droite colombiens et connu pour ses activités
dans le trafic de la cocaïne1965. Ils l’ont aidé à franchir la
frontière clandestinement et assurent sa protection en
Colombie.
Finalement, le New York Times, qui utilisait le titre de
« président par intérim » l’abandonne1966 : l’échec de
Guaidó confirme la désinformation servie par la presse
occidentale et l’échec de la stratégie américaine.
Ironie du sort, les militaires qui ont déserté en avril au
profit de Guaidó et ont demandé l’asile aux États-Unis
sont internés dans des camps de l’immigration depuis
lors1967…
En janvier 2020, le mandat de Juan Guaidó arrive à
expiration. Le 5 janvier, pour l’élection du président de
l’Assemblée nationale, l’opposition modérée rejoint la
majorité chaviste contre Juan Guaidó. Luis Parra, membre
de l’opposition de droite (parti Primero Justicia), est élu à
la présidence de l’Assemblée parlementaire. Franklin
Duarte (parti chrétien-conservateur COPEI) est élu vice-
président, José Gregorio Goyo Noriega (parti Voluntad
Popular) est élu deuxième vice-président, et Negal
Morales (du parti néolibéral Acción Democrática) est élu
secrétaire de l’Assemblée. L’élection de quatre membres
de l’opposition à la tête de l’Assemblée nationale dément
ainsi les accusations occidentales d’une mainmise du
gouvernement sur le législatif.
Évidemment, les médias occidentaux déclarent
l’élection illégitime et les États-Unis adoptent des
sanctions contre les nouveaux élus1968. France 24 affirme
que Parra « s’autoproclame président du Parlement » et
que « José Guaidó a été empêché d’entrer dans
l’hémicycle1969 ». C’est faux : le média alternatif
américain The Grayzone a filmé le déroulement de
l’élection minute par minute : tout s’est manifestement
passé de manière constitutionnelle1970. Sachant
probablement qu’il n’aurait pas les voix suffisantes pour
être élu, Guaidó a très clairement tout fait pour être absent
du scrutin, afin de le contester…
En fait Guaidó est très contesté, même au sein de son
propre parti. Deux jours après l’élection, il démissionne de
son parti, anticipant probablement son éviction.
Le 29 avril, dans une conférence de presse Mike
Pompeo montre un optimisme surprenant quant aux
relations entre les deux pays :
[…]. Au Venezuela, je suis heureux d’annoncer que
l’effort multilatéral pour restaurer la démocratie continue
de prendre de l’ampleur. J’ai demandé à mon équipe de
mettre à jour nos plans pour la réouverture de l’ambassade
des États-Unis à Caracas afin que nous soyons prêts. Dès
que Maduro se retirera, je suis convaincu que nous
hisserons à nouveau notre drapeau à Caracas1971.
Le 1er mai, John Bolton tweete :
À ce jour, l’importante présence militaire étrangère au
Venezuela nie la volonté du peuple. Les sanctions les plus
fortes possible doivent rester jusqu’à la transition
pacifique du pouvoir & @jguaido, [et que] le président
intérimaire légitime du Venezuela et le peuple vénézuélien
sont fermement en contrôle1972.
L’explication vient quatre jours plus tard, le 3 mai 2020,
en pleine crise du coronavirus : des mercenaires
américains et d’ex-militaires vénézuéliens sont capturés
alors qu’ils tentent de s’infiltrer au Venezuela. En fait, la
popularité de Juan Guaidó au Vénézuela est très basse 1973
et il ne peut compter ni sur les militaires ni sur le peuple
pour renverser le gouvernement. Il tente alors l’opération
avec des mercenaires et mandate la Sivercorp, une
compagnie militaire privée qui emploie d’anciens
membres des forces spéciales américaines. Le contrat est
publié par le Washington Post : l’opération GIDEON
visait à « capturer/détenir/éliminer » le président Maduro
pour un montant de 212,9 millions de dollars, avec l’appui
d’avion AC-130 Gunship et de drones armés1974. De plus,
il apparaît que le groupe de mercenaires devait être
institutionnalisé après la prise du pouvoir et devenir une
sorte d’« escadron de la mort ». Aucun pays occidental ne
condamnera cette tentative de coup d’État.
12.3. Conclusions pour le Venezuela
La crise vénézuélienne illustre la dangereuse dérive que
constitue la militarisation des droits de l’Homme et de
l’urgence humanitaire pour justifier des interventions et
des changements de régime dans un pays. Ici, la crise
humanitaire a été créée de toutes pièces par des sanctions,
puis été amplifiée par les médias traditionnels occidentaux
afin de légitimer une intervention.
Il est très vraisemblable que le Venezuela ne soit pas un
modèle de démocratie et que son gouvernement soit
corrompu. Mais nos éléments d’appréciation sont
clairement faussés. La situation réelle est sans doute
moins caricaturale que celle qui nous est présentée par des
médias liés à l’establishment. On constate que les médias
anglo-saxons sont généralement plus critiques et plus
inquisiteurs, même si une grande partie d’entre eux
suivent la ligne de la politique américaine.
Au-delà de ce que l’on peut penser du Venezuela et de sa
politique, il est inquiétant que l’on puisse baser une
politique extérieure sur des accusations aussi fragiles et
aussi discutables. Manifestement, les pays occidentaux –
et européens en particulier – sont asservis à la politique
américaine. Pourtant, leur distance géographique et leur
poids économique leur permettraient de jouer un rôle
modérateur dans des crises qui – comme avec l’Iran – ont
des causes plus psychopathologiques que factuelles. Un
problème fondamental ici en Europe, comme en Suisse
(qui s’est associée aux sanctions), est l’absence de
capacités analytiques de renseignement indépendantes.

1809. Chiffres : Worldbank


1810. Carles Muntaner, Joan Benach & Maria Paez Victor, “The Achievements of
Hugo Chavez”, Counterpunch, 14 décembre 2012
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1812. “Venezuela audit confirms Nicolas Maduro electoral victory”, BBC News,
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1813. Executive Order 13692 “Blocking Property and Suspending Entry of Certain
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1814. Mark Weisbrot, “Trump’s Sanctions Make Economic Recovery in Venezuela
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1817. « Venezuela : un coup de plus contre la démocratie », lemonde.fr, 29 juillet
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13. CONCLUSIONS
Nous n’avons rien appris : les conflits d’aujourd’hui
commencent comme il y a soixante ans et les guerres sont
menées avec les mêmes principes qu’il y a cent ans.
Littéralement. La technologie a évolué, mais nous
continuons à appliquer des doctrines basées sur les
rapports de force, exactement comme durant la Première
Guerre mondiale. Nous avons multiplié les plateformes
multilatérales de résolution des conflits, mais dominées
par les États-Unis, elles sont gérées sans intelligence. Nos
dirigeants sont de moins en moins réfléchis, plus attachés
à leur image sur Facebook qu’à la trace qu’ils laisseront
dans l’Histoire. Quant à nos valeurs, entre l’usage de la
torture, l’ingérence dans les affaires intérieures des autres,
la violation (ou le non-respect) des traités que nous avons
signés, et la tromperie des opinions publiques, elles
semblent n’avoir de signification que dans le vocabulaire
financier. Quant aux peuples, ils acceptent assez
docilement d’être manipulés, jusqu’au moment où leur
« poche » est concernée…
13.1. Un problème de renseignement
Le rôle premier du renseignement est d’apporter des
éléments pertinents pour la décision aux niveaux
politique, stratégique, opératif et tactique (opérationnel). Il
est donc un outil incontournable de l’État de droit, où la
décision n’est pas discrétionnaire mais rationnelle, fondée
sur les intérêts de la nation et non sur des intérêts
particuliers. Son produit analytique doit constituer une
référence, qui doit aider le décideur à se dégager de la
désinformation, des rumeurs, et donc, des influences
extérieures. C’est la raison pour laquelle, pour être
pertinent, le renseignement doit rester non-partisan et
éclairer la décision tout en restant à l’écart des querelles
politiciennes.
L’incapacité des services de renseignement occidentaux
à analyser objectivement et factuellement les situations
constitue une vulnérabilité à deux niveaux. Le premier est
l’influence disproportionnée des services américains,
britanniques et israéliens auxquels on attribue des
capacités analytiques très supérieures à la réalité. Le
second est qu’une rumeur ou l’action d’un groupe
d’individus pourrait parfaitement conduire à un conflit
majeur. Nos services manquent de méthode et
d’expérience pour comprendre les réalités stratégiques.
Face à la complexité des problèmes sécuritaires, les
services occidentaux ont cherché des réponses dans
l’accumulation de données. Or, paradoxalement, ces
dernières sont devenues leur faiblesse. Les pseudo-experts
de la question l’attribuent à l’incapacité croissante des
services à traiter la masse d’informations. C’est inexact :
le problème est leur incapacité d’avoir une vue
d’ensemble des problèmes. En se concentrant sur les
« arbres » on ne voit plus la « forêt », comme le constate
avec raison Vladimir Poutine en évaluant ses services :
On est meilleur que les États-Unis parce qu’on n’a pas
les mêmes moyens qu’eux1975.
En marge du travail des services, l’intervention
d’anciens « agents » dans les médias induit souvent en
erreur. C’est le cas de tel « expert » belge, généralement
présenté dans les médias francophones comme un ancien
« agent de la DGSE », mais qui, dans la réalité, n’a jamais
été, ni de près ni de loin, un membre des « services »,
mais un simple « informateur » (dans le jargon policier :
un « indic »), rétribué pour fournir des « informations »
(et non des « renseignements »). Parfois, on a droit à l’avis
d’un ancien du Service Action, qui se prend pour un
analyste. Or, ils ne sont pas des analystes : ils donnent leur
opinion, enrobée de la crédibilité d’une organisation à
laquelle ils n’ont pas appartenu et dont ils ne maîtrisent
pas la méthodologie. Les médias jouent avec la crédulité
du public. En fait, dans les « grands » services de
renseignement, chaque individu ne voit qu’une petite
partie de l’information ou de son exploitation : ce n’est
qu’au niveau des cadres supérieurs qu’une vue
d’ensemble est possible. La chose est très différente dans
un « petit » service…
13.2. Le remède pire que le mal ?
Notre compréhension du phénomène des « infox » est
simpliste. En témoignent les outils de « débunkage »
proposés sur le Net, comme « On te manipule.fr » proposé
par le gouvernement français1976, ou « The News Hero »
de l’Otan1977, qu’il est difficile de ne pas qualifier de
« débiles ».
Pour combattre le problème, les gouvernements tendent
à en rejeter la responsabilité sur les réseaux sociaux, et à
leur déléguer l’exercice d’une forme de censure. Ainsi,
Google, Facebook, Le Monde, Libération, l’Union
européenne ou l’Otan, proposent des « fact-checkers »
(vérificateurs de faits). Mais en l’absence de critères
précis et d’une méthodologie rigoureuse, ces outils
deviennent une manière de stigmatiser les pensées
déviantes1978.
Le fact-checker de l’Union européenne1979 est devenu
un véritable site de désinformation dirigé contre la
Russie1980. La méthode est assez simple : à partir d’une
information glanée sur un site pro-russe, il formule une
« réfutation » basée sur un autre fait, qui – souvent –
n’infirme pas l’information originale, mais une
information très similaire. Par exemple, le 2 août 2019,
euvsdisinfo.eu épingle la version espagnole de Sputnik1981
pour avoir affirmé que
Le président américain Donald Trump a menacé de
libérer des milliers de membres du groupe terroriste État
islamique capturés en Syrie, si les pays européens ne les
reprenaient pas1982.
Il accuse le média russe de déformer un tweet de Trump
datant du 16 février évoquant le sort de 800 combattants
de l’État islamique1983. Le tweet est bien réel, mais le site
européen ment, car le 2 août, dans un « point-presse »,
Trump a bien affirmé presque mot pour mot ce que
prétend Sputnik1984. Ce « fact-checking » devient alors
une forme de manipulation.
Dans le même esprit, le site européen dément le média
ukrainien russophone politnavigator.net1985, qui affirme à
propos de l’enquête sur la destruction du vol Malaysia
Airlines MH-17 :
La Malaisie n’a pas pleinement accès à toutes les
informations concernant l’enquête [MH17], bien qu’elle
soit invitée à participer à l’enquête sur cette
catastrophe1986.
En fait, euvsdisinfo.eu ment par omission et feint
d’ignorer qu’il y a deux enquêtes simultanées pour le
MH17 : a) une enquête menée par l’Office néerlandais
pour la sécurité (OVV) sous l’égide de l’Organisation
internationale de l’Aviation civile (OIAC) dont l’objectif
« est la prévention d’accidents et d’incidents similaires »
et non « de mettre en cause les responsabilités ou les
responsabilités de toute partie » ; b) une autre enquête,
menée par l’Équipe commune d’Enquête (ECE), sous
l’égide d’Europol et d’Eurojust, de nature pénale, qui vise
à déterminer les responsabilités de l’incident. Dans la
première, la Malaisie est présente de plein droit ; mais
dans la seconde, elle n’a qu’été invitée à fournir un
observateur, mais ne reçoit ni rapports ni conclusions,
pour des raisons qui restent peu claires, peut-être en raison
de sa nature plus « politique ». Le média russophone avait
donc raison.
La vérification des faits devrait se baser sur… les faits.
Ainsi, le site euractiv.fr qualifie de statistique « farfelue »
et de « près de trois fois plus que le chiffre réel »
l’estimation de 11 millions de musulmans en France par le
média russe Rossiya 11987. Mais quel est le « chiffre
réel » ? En réalité, nous n’en savons rien, car il est interdit
de recenser l’appartenance religieuse des individus en
France, et il n’existe que des estimations1988. Ce « fact-
checking » devient donc une infox en soi.
Quant aux « vérificateurs de faits » automatiques des
réseaux sociaux, ils ne sont pas capables de juger la
substance d’une information. Ils en « décident » en
fonction d’algorithmes alimentés par le comportement des
utilisateurs, avec des effets pervers. Ainsi, en
septembre 2016, Facebook avait censuré la Première
ministre norvégienne Erna Solberg, qui avait publié la
photo d’une fillette qui courait nue pour échapper à un
bombardement au napalm durant la guerre du Vietnam en
19721989. Le réseau social a également censuré le tableau
L’Origine du monde de Gustave Courbet1990, puis, plus
récemment une série de peintures de Rubens1991.
Les efforts effectués pour « débunker » les infox –
notamment par certains médias traditionnels – ont parfois
l’effet pervers d’inhiber le sens critique du public. En
effet, ils tendent à placer toutes les fausses informations
sur le même plan ; or le vrai problème n’est pas la fausse
information en soi, mais son impact dans les processus de
décision. Que le président Macron soit homosexuel ou
non n’a rigoureusement aucune importance ; mais la
manière dont on présente Vladimir Poutine ou Bachar al-
Assad est déterminante pour notre manière de conduire
une politique étrangère…
La Fondation Jean-Jaurès, en collaboration avec l’IFOP
et Conspiracy Watch a effectué deux études – publiées
en 2017 et 20191992 – sur les théories du complot dans la
population française. Elles montrent le danger de politiser
la question des fausses nouvelles en restant à la surface
des choses : on risque alors d’utiliser les mêmes procédés
que ceux utilisés au Moyen-Âge pour lutter contre la
sorcellerie, ou lors les procès de Prague en 1948-1949.
Outre la banalité de certains « enseignements majeurs »
du genre « plus un énoncé complotiste est connu, plus il a
de chances statistiques d’être cru1993 », l’étude devient
manipulatrice. Elle met en relation des questions
d’importance mineure – comme la mort de Lady Di, la
platitude de la terre ou le fait que les Américains ne
seraient pas allés sur la Lune – avec « l’importance
accordée au fait de vivre en démocratie 1994 ».
La conception même des enquêtes fait que
l’interprétation des résultats est problématique. Ainsi, à la
demande d’approuver ou non l’affirmation « les Illuminati
sont une organisation secrète qui cherche à manipuler la
population1995 », les réponses possibles n’impliquent pas
que l’on croie qu’ils le fassent effectivement. Pourtant le
magazine Le Point n’hésite pas à en tirer la conclusion qu’
« un Français sur quatre pense que les Illuminati nous
manipulent1996 ». C’est évidemment un mensonge :
« chercher à » ne signifie pas qu’on le fait et le « nous »
est une précision que la question initiale n’évoquait pas du
tout. En l’occurrence, Le Point serait plutôt
« complotiste » !
Les questions elles-mêmes induisent en erreur : on
demande de se prononcer sur la proposition : « Seule une
poignée d’initiés est capable de décrypter les signes de
complot qui ont été inscrits sur les billets de banque, les
logos de marques célèbres ou dans des clips
musicaux1997 ». Ainsi, on affirme que des « signes de
complot […] ont été inscrits » sur les billets de banque ; il
est dès lors logique de penser que seuls les initiés peuvent
les comprendre. Pour avoir une réponse pertinente, il
aurait fallu demander si l’« on croit que des signes ont été
inscrits… ».
Les auteurs jouent sur les ambiguïtés pour faire
apparaître des « théories complotistes », dans le but
d’établir une corrélation entre l’adhésion à une « théorie
du complot » et le doute sur la démocratie. Ainsi,
l’affirmation « le trafic de drogue international est en
réalité contrôlé par la CIA1998 » est très probablement
fausse exprimée de cette manière, mais elle n’est pas sans
lien avec la réalité. Déjà en 1993, le New York Times
affirmait que les liens entre la CIA et le trafic de drogue
remontaient à sa création1999. Car la CIA a effectivement
été – et reste – impliquée dans de nombreux trafics de
drogue. À la fin des années 1940, en échange de la lutte
contre les syndicats communistes à Marseille, la CIA avait
permis aux mafias italienne et corse de poursuivre leurs
trafics de drogue : c’est la célèbre « French connection ».
Plus tard, en Indochine, s’inspirant de la stratégie du
SDECE français, qui avait financé la production et la
distribution de drogue pour obtenir le soutien des tribus
Hmong (« Opération X »), la CIA a effectivement soutenu
les producteurs d’opium du « Triangle d’Or » dans les
années 1960-1970 (Opération PAPER), afin de créer un
rempart contre la progression du communisme dans le
Sud-Est asiatique et organisé les transports de drogue. En
Amérique latine, la CIA a appliqué la même stratégie en
soutenant les producteurs de coca afin de contrer
l’implantation de maquis marxistes… avant de se
retourner contre eux après l’échec des guérillas
communistes2000. En Afghanistan, les Taliban avaient
réduit la production d’opium à un minimum historique de
74 tonnes en octobre 20012001, mais à la fin 2018, elle
atteignait 6 400 tonnes2002, soit 82 % de la production
mondiale2003. Malgré que l’éradication de la production
de drogue ait été l’un des objectifs de leur intervention en
Afghanistan2004, les Occidentaux ont été incapables de lui
trouver une alternative. En fait, les Américains et l’Otan
ont fermé les yeux et même protégé2005 cette culture
illicite afin d’éviter que les seigneurs de la guerre locaux
ne s’allient avec les Taliban. En 2010, l’Otan a même
refusé une offre russe pour éradiquer les plantations
d’opium, son porte-parole d’alors, James Appathurai,
devait déclarer :
Nous ne pouvons pas être dans une situation où nous
supprimerions la seule source de revenu de personnes
vivant dans le deuxième plus pauvre pays du monde sans
pouvoir leur offrir une alternative2006.
Affirmer que le trafic de drogue international soit
contrôlé par la CIA, est certainement une exagération,
mais douter de l’éthique des États-Unis et d’institutions
internationales à ce propos est loin d’être irrationnel !
De même, l’affirmation « certaines traînées blanches
créées par le passage des avions dans le ciel sont
composées de produits chimiques délibérément répandus
pour des raisons tenues secrètes2007 » est aussi basée sur
des faits réels. Les 26 au 27 septembre 1950, la marine
américaine a disséminé secrètement des agents
biologiques au-dessus de la baie de San Francisco2008
(Opération SEA SPRAY) afin de tester la vulnérabilité
d’une zone urbaine2009. L’opération ne sera dévoilée
qu’en 1976, mais elle a été reproduite dans d’autres pays,
notamment en Grande-Bretagne au début des
années 19702010. En 1977, l’armée américaine confessera
avoir mené 239 expériences de dissémination d’agents
biologiques sur des populations entre 1949 et 19692011. À
l’évidence, les traînées que l’on peut voir dans le ciel
derrière les avions (« contrails ») n’ont aucun lien avec
des armes chimiques, et il est très improbable que de telles
expériences soient encore menées de nos jours, mais, les
craindre n’est pas totalement irrationnel non plus.
Le média France 24 a été créé pour porter le message du
gouvernement français à l’étranger, notamment en
Afrique. Son émission « Contre-Faits » se veut un outil de
lutte contre les infox. Elle tente de faire passer
l’affirmation de Florian Philippot selon laquelle « 40 %
des Français sont pour le Frexit2012 » pour une infox.
L’information est pourtant parfaitement vraie2013, mais le
média argumente sur un sujet différent : l’issue d’un
éventuel scrutin en y ajoutant le taux d’abstention2014. Il
dénature ainsi l’affirmation initiale afin de dénigrer son
auteur : c’est de la manipulation.
Sur France 4, l’émission du 19 janvier 2019, de la série
Escape News, intitulée Vladimir Poutine : le tsar de
l’infox ?, a pour objectif de stimuler une approche critique
de l’information auprès des jeunes. L’animateur propose
d’assembler des bribes de phrases provenant d’articles du
Monde et de RT sur la répression de manifestations en
Russie. Mais on aboutit à des phrases qui n’apparaissent
dans aucun des deux textes d’origine et visent simplement
à mettre en évidence le « régime répressif » de Vladimir
Poutine… On utilise clairement le debunkage à des fins
d’influence.
Qualifier de « complotistes » les pensées déviantes n’est
pas innocent. Aux États-Unis, afin de prévenir les actes
terroristes et les tueries de masse, le FBI met actuellement
en place des systèmes pour détecter les individus qui
pourraient éventuellement en être coupables2015. À cet
effet, on part de l’idée qu’ils sont atteints de « troubles
mentaux », détectés par des algorithmes basés sur la
surveillance de masse2016. Les éléments déviants, les
pensées politiques alternatives ou la croyance en des
théories complotistes sont considérés comme des
manifestations de troubles mentaux, et donc
potentiellement, de radicalisation terroriste2017. On n’est
plus très loin des « cerveaux malades » de Patrick Cohen,
et des hôpitaux psychiatriques qui ont fait la réputation du
système soviétique !
La compréhension de ces environnements complexes
aux logiques asymétriques est clairement hors de la portée
des médias et de nos « élites », qui utilisent des grilles de
lectures dépassées et trop simples. Ainsi, en août 2019, les
tueries de Dayton et d’El Paso ont été immédiatement
associées à « l’extrême-droite ». France-Culture évoque
le manifeste du tueur d’El Paso « comme un écho aux
discours incendiaires de Donald Trump2018 ». Pourtant, le
tueur de Dayton était de gauche, son manifeste est
antérieur à l’élection de Donald Trump et il avait exprimé
son intention de voter pour la candidate démocrate
Elizabeth Warren2019 !
Les médias revendiquent volontiers le rôle du « 4e
pouvoir », mais ne l’assument pas et se font les relais
aveugles du pouvoir. Les journalistes fonctionnent de plus
en plus comme des éditorialistes : au lieu de faits, ils
apportent des professions de foi. Ainsi, on constate une
étonnante homogénéité de l’information dans la presse
traditionnelle. Des sujets comme la Russie, la Syrie,
l’Europe, l’immigration ou les Gilets jaunes2020, sont
traités de la même manière par les mêmes experts et
journalistes qui tournent d’un média à l’autre2021. Dès
l’été 2019, les « actes » des gilets jaunes, et les troubles au
Honduras et en Haïti, ont été délaissés par les médias
français au profit des manifestations à Hong Kong. Il n’est
dès lors pas très surprenant que la crise des Gilets jaunes
ait révélé « une haine croissante contre les
journalistes2022 ». Ils sont alors – à tort ou à raison –
perçus comme des organes de propagande du
gouvernement (LCI, France 2, France 3) ou de
l’establishment (BFM TV)2023.
Comme on l’a constaté dans cet ouvrage, les médias
anglo-saxons offrent une diversité beaucoup plus large,
avec une culture journalistique plus orientée vers la
recherche et l’investigation, sans chercher la polémique. Il
en est ainsi du Bureau of Investigative Journalism,
WikiLeaks, The Grayzone ou The Intercept, qui équilibrent
notre perception de la réalité. En France, certains médias
comme Acrimed ou Mediapart ont également cette
fonction de « mouche du coche », indispensable au travail
des chercheurs et des analystes.
13.3. Un problème de la démocratie
Il serait faux de croire que les fake news masquent une
volonté. Cela serait une interprétation « complotiste ». En
fait c’est l’inverse : on agit sans comprendre la situation
ou à la hâte, puis, afin de cacher les erreurs de
gouvernance, on invoque des fake news. Comme l’énonce
une présentation classifiée du Joint Threat Research
Intelligence Group (JTRIG) britannique sur les opérations
d’influence :
Les individus prennent des décisions pour des raisons
émotionnelles, pas rationnelles2024.
C’est ce qui s’est passé lors de la crise du coronavirus
dans la plupart des pays : en ignorant les expériences
chinoises, on a perdu un temps précieux pour se préparer à
la crise ; on a donc dû prendre des mesures d’urgence
(confinement généralisé) aux conséquences
catastrophiques.
Le vrai problème ne réside pas dans les « infox » qui
« font le buzz », mais dans les subtils détournements des
faits qui conduisent nos démocraties dans des voies
erronées. Nos opinions sont délibérément faussées par des
hypothèses ou de simples soupçons, formulés de telle
manière qu’ils apparaissent comme des faits établis.
En voulant écouter tout le monde, la démocratie
n’entend personne. Il n’y a plus de hiérarchisation des
problèmes et on veut tous les résoudre en même temps.
Les notions d’intérêt général et d’intérêt particulier se
confondent. Tout tend à avoir la même importance, et la
décision politique est toujours plus complexe. Cette
difficulté croissante des gouvernements occidentaux à
apporter des réponses cohérentes à des problèmes
complexes les conduit à simplifier leur discours et à
écarter l’information « parasite ».
Ainsi, s’est forgée l’image d’une « élite », intellectuelle
et paternaliste, qui serait seule capable de maîtriser des
questions que le « petit » peuple n’est pas en mesure de
comprendre. Prélude à des tentations totalitaires,
consciemment ou non, politiciens et éditorialistes se sont
investis de la mission de « guider » la foule ignorante et
d’écarter les « cerveaux malades » : ils n’ont pas
confiance dans la démocratie. Ainsi, à la question de
savoir si le traité de libre-échange avec le Canada devrait
être soumis au référendum, le journaliste Christophe
Barbier répond :
[…] On va donner à ceux qui sont déjà dans un conflit
extrêmement idéologique, un instrument politique, le
référendum, qui déclenche les guerres civiles2025.
Dans ces conditions, la Suisse aurait eu plus de 200
guerres civiles depuis la fin du XIXe siècle ! Que cela soit
sur la question de l’Europe2026 ou de la privatisation des
Aéroports de Paris (ADP), on n’écoute pas la voix du
peuple, car on a peur de son verdict.
Le 15 février 2003, la manifestation contre la guerre la
plus importante jamais organisée à Londres, avait réuni
deux millions de manifestants selon ses organisateurs2027.
Malgré cela, Tony Blair s’engagera en Irak, en sachant
que les accusations contre Saddam Hussein étaient
fausses2028. Dix ans plus tard, la population et l’opposition
républicaine2029 sont majoritairement opposées à une
intervention américaine en Syrie2030 ; ce qui pousse Barak
Obama à promettre sur CNN qu’il n’y aura pas de troupes
américaines au sol2031. Un engagement qu’il répétera 16
fois2032… mais ne tiendra pas. En France, un sondage
IFOP réalisé pour Le Figaro affirme que 68 % de la
population française est opposée à une intervention en
Syrie2033. Mais quinze mois plus tard, le président
Hollande décidera d’intervenir en Irak puis en Syrie…
Incapables de résoudre leurs problèmes domestiques, les
gouvernements occidentaux se réfugient dans
l’aventurisme militaire. C’était le cas de Bill Clinton en
1998 – dont les frappes fourniront le motif et le modèle du
« 9/11 » – et de l’assassinat de Qassem Soleimani par
Donald Trump. Après avoir décidé sur la base de
mensonges, on doit continuer à mentir pour échapper au
verdict des urnes.
Le sondage Jean-Jaurès/IFOP de 2019 montre que pour
29 % des Français « il est acceptable de déformer
l’information pour protéger les intérêts de l’État »2034.
Paradoxalement, cet esprit bien peu démocratique est
surtout prévalent auprès de La République en Marche
(LREM) (44 %) et est au minimum dans les partis
« extrémistes » comme Debout la France (DF) et la France
Insoumise (FI) (22 %). Ainsi, Sibeth Ndiaye, la porte-
parole du gouvernement français, admet être prête à
mentir pour protéger le président (même si elle avait en
tête sa vie privée2035). En d’autres termes, une part
importante de la population accepte qu’on lui cache la
vérité. Nous sommes ici aux antipodes de l’État de Droit,
dont pourtant tous se revendiquent.
Le problème de la démocratie est que nous n‘y croyons
pas…

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2021. Jérémy de Rugy, « « C dans l’air », bavardage entre amis sur le service
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2022. https://rsf.org/fr/france
2023. « «Gilets jaunes» : on a recensé les agressions de journalistes depuis le début
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2024. The Art of Deception : Training for a New Generation of Online Covert
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2026. “Macron says France would ‘probably’ vote to leave EU if country held
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2030. Andy Sullivan, “U.S. public opposes Syria intervention as Obama presses
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2031. CNN, “Obama : No boots on the ground in Syria”, YouTube, 10 septembre
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2033. Antoine Goldet, « Les opinions publiques opposées à une intervention en
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2034. Enquête sur le complotisme, op. cit., p. 50
2035. Pauline Moullot, « Sibeth Ndiaye a-t-elle vraiment dit « J’assume
parfaitement de mentir pour protéger le président » ? », www.liberation.fr,
2 avril 2019
BIOGRAPHIE
Jacques Baud est titulaire d’un master en économétrie et
de diplômes post-grades en Politique de Sécurité
Internationale et de Relations Internationales de l’Institut
Universitaire des Hautes Etudes Internationales de
Genève. Ancien agent des services secrets suisses. Il a le
grade de colonel. Expert en armes chimiques et nucléaires.
Il a servi les Nations Unies comme conseiller du
Contingent Zaïrois pour la Sécurité des Camps de
réfugiés du Rwanda pour l’UNHCR au Zaïre (Congo). En
poste au Quartier-général des Nations Unies à New York,
il a conçu et créé le Centre International de Déminage
Humanitaire de Genève (GICHD) et le Système de
Gestion de l’Information sur l’Action contre les Mines
(IMSMA), aujourd’hui déployé dans plus de 60 pays. Il a
installé des programmes de déminage au Tchad, au
Soudan, en Somalie et en Ethiopie. Il a contribué à établir
le concept de renseignement pour les opérations de
maintien de la paix des Nations Unies et a dirigé le
premier centre de renseignement conjoint des Nations
Unies (UN Joint Mission Analysis Centre - JMAC) au
Soudan. Il a également été chef de la Doctrine des
Opérations de Maintien de la Paix des Nations Unies à
New York, Directeur du Département de la Recherche de
l’International Peace Support Training Centre (IPSTC) à
Nairobi pour l’Union Africaine, puis Chef de la lutte
contre la prolifération des armes légères à l’OTAN, à
Bruxelles. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur le
renseignement, la guerre asymétrique et le terrorisme.
Principales publications
• Encyclopédie des terrorismes et violence organisées,
Ed. Lavauzelle, Paris, France, 2009, pp. 1300
• Djihad – Asymétrie entre incompréhension et
fanatisme, Ed. Lavauzelle, Paris, France, 2009, pp. 250
• Le renseignement et la lutte contre le terrorisme, Ed.
Lavauzelle, Paris, France, 2005, pp. 450
• Encyclopédie des terrorismes et des violences
politiques, Ed. Lavauzelle, Paris, France, 2005, pp. 750
(Prix “Akropolis” du Ministère de l’Intérieur).
• La guerre asymétrique ou la défaite du vainqueur, Ed.
du Rocher, Paris, France, 2003, pp.250
• Encyclopédie du Renseignement et des Services
Secrets, Ed. Lavauzelle, Paris, France, 3rd Ed., 2002, pp.
750
• Forces Spéciales du Traité de Varsovie 1917-2000, Ed.
L’Harmattan, Paris, France, 2002, pp.200
• Warsaw Pact Weapons Handbook, Paladin Press,
Boulder (CO), USA, 1989, pp.100
Notes dans les tableaux
Note 1 du tableau p.39. Ne sont cités ici que des chiffres
arrondis.

Note 2 du tableau p.89. Il s’agit ici de la décision du


parlement canadien de participer aux frappes en Irak
(“ISIS mission : MPs approve Canada’s air combat role”,
CBCNews, 8 octobre 2014)

Note 3 du tableau p.89. Décision prise en


septembre 2014 d’envoyer 300 instructeurs pour former
les combattants kurdes. Ils seront suivis par une
soixantaine d’instructeurs des forces spéciales pour former
les forces irakiennes pour la reconquête de Mossoul. La
date effective du déploiement n’a pas été communiquée.

Note 4 du tableau p.89. La Finlande a annoncé sa


contribution à la coalition internationale en Irak, en
septembre 2014. Initialement limitée à une aide
humanitaire, la contribution finlandaise a rapidement
compris des livraisons d’armes aux Kurdes (Hoshmand
Sadq, « Seven Countries to sell weapons to Kurds »,
BasNews - Erbil, 14 août 2014), puis le déploiement d’un
contingent pour l’entraînement des combattants kurdes
dès août 2015 puis d’un déploiement de conseillers
militaires durant la bataille de Mossoul dès août 2016
(« Finland’s Training Contributes To Troops’ Capabilities
in Iraq », Global Coalition, 25 avril 2017). Après
l’attentat de Turku en 2017, aucun média européen et
français n’a relevé cette participation.

Note 5 du tableau p.89. Patrick Wintour, “Britain carries


out first Syria airstrikes after MPs approve action against
Isis”, The Guardian, 3 décembre 2015

Note 6 du tableau p.234. AFP, “US says Assad’s


overthrow no longer a priority”, dailymail.co.uk, 30 mars
2017

Note 7 du tableau p.234. Julie Hirschfeld Davis, “Trump


Drops Push for Immediate Withdrawal of Troops from
Syria”, The New York Times, 4 avril 2018
8. « Toulouse : le suspect s’appellerait Mohammed
Merah », Slate.fr, 21 mars 2012

9. Variation approximative estimée par l’auteur : le


rapport original ne donne cette variation qu’avec des
dégradés de couleurs.

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