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DROITS ET PROTEC-
CentreCentre
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en Droits
en Droits
de l’Homme,
de l’Homme,
Humaine Le Centre
de Recherche A PRIORI est une organisation
Unité de Recherche en Droits de l’Homme,
Environnement
Environnement
et Sécurité
et Sécurité
Humaine
de la Société civile affiliée à la Commission Nationale des
Environnement et Sécurité Humaine Droits de l’homme et des libertés du Cameroun
N°12
TA B L E DES M AT I È R E S
COMITÉ SCIENTIFIQUE
3 Si victime pouvait, si avocat savait...Oser le conten-
Dr. Frédéric FOKA TAFFO, tieux africain des droits de l’homme
Directeur de Publication
Editorial
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Centre De Recherche A Priori
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paux incarcérés ou emprisonnés », 2013, § 8.
l’intérêt supérieur de l’enfant (article 4 l’intérêt de l’enfant dans le temps mis par eux [3] CAEDBE, Communication N°007/
Com/003/2015, Minority rights group interna-
de la Charte) et constitue une exception dans l’examen desdites procédures. C’est dire tional & SOS-esclaves au nom de Said Ould Sal-
à la règle de l’épuisement des recours in- que l’intérêt supérieur déborde le cadre de emn et de Yarg Ould Salem c. Mauritanie, § 81.
ternes[14]. principe guidant l’action du juge, pour se pos- [4] Ces principes sont entre autres, le droit à
la survie et au développement, le droit à la
parole et le principe de non-discrimination.
[5] Ibid., § 6.
[6] CAEDBE, Communication N° 003/
Com/001/2012, Centre pour les droits de
“Les enfants ne sauraient donc errer l’homme et la rencontre africaine pour la
défense des droits de l’homme c. Sénégal, § 34.
LA PEINE DE
MORT
Une tendance abolitionniste très
poussée en Afrique
Dr. Frédéric FOKA TAFFO,
Directeur de Recherche au CRAP
frediffok@yahoo.fr
La peine de mort reste et demeure un sujet de grands débats au regard
notamment des nouvelles formes de violence telles que le terrorisme qui
heurtent les sensibilités, réveillent les instincts et libèrent les passions.
Comment dans ce contexte se faire le défenseur du droit à la vie pour
tous, y compris pour ceux qui ont commis les pires crimes que l’humanité
toute entière réprouve? Comment dans ce contexte continuer le plaid-
oyer contre la peine de mort face à des groupes terroristes ou autres qui
se font de plus en plus violents et n’ont, eux-mêmes, aucun égard pour
la vie humaine? Ces deux interrogations semblent conforter l’idée que
la peine de mort est la solution pour lutter contre la grande criminalité.
Toutefois, la véritable question est celle de savoir si l’on peut prétendre
défendre et protéger des vies en détruisant la vie. Autrement dit, l’Etat
doit-il répondre à l’horreur par l’horreur et la brutalité? Il ne fait aucun
doute que la réponse à cette question ne peut être que négative.En effet,
l’Etat a la responsabilité première de protéger la vie. Est-il encore néces-
saire de rappeler que la protection du droit à la vie est une norme coutu-
mière du droit international comme le souligne fort à propos la Commis-
sion africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après Commission
africaine)[18]? En vertu de cette norme, il en découle un principe de pro-
tection de la vie auquel l’Etat est tenu de se soumettre. La protection de
la vie dont il est ici question n’est pas seulement celle des honnêtes ci-
toyens, elle est aussi celle des pires criminels que la société a pu générer.
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Dans cette optique, toute atteinte à la vie est une violation du à la vie est le droit suprême de l’être humain”[19]. À ce titre, il
droit à la vie protégé par l’article 4 de la Charte africaine des droits mérite d’être protégé en toutes circonstances. Toutefois, il reste
de l’homme et des peuples (ci-après Charte africaine). Dans la que l’interdiction de la peine de mort ne peut pas se lire à trav-
même veine, toute exécution de la peine de mort peut être per- ers la Charte africaine, d’où la réticence de la Commission af-
çue comme une atteinte à la dignité humaine, elle-même protégée ricaine à adopter une position de principe sur cette question.
en tant que droit aux termes de l’article 5 de la Charte africaine.
La question qui en découle est donc celle de savoir si la peine de mort
est ou non compatible à la Charte africaine des droits de l’homme et
La tendance mondiale en vue de l’abolition de la peine de mort a L’une des particularités de la Charte africaine est qu’elle ne com-
clairement pris un coup d’accélérateur avec l’adoption le 15 décem- porte pas de clause limitative générale. L’objectif d’une telle ab-
bre 1989 par l’Assemblée générale des Nations unies du deuxième sence de limitation générale doit se comprendre comme la volo-
protocole facultatif se rapportant au PIDCP visant à abolir la peine nté d’éviter toute restriction abusive des droits, une restriction ne
de mort. Aujourd’hui dans le monde, 106 pays ont aboli la peine de devant intervenir que dans des conditions très limitées et légale-
mort pour tous les crimes, 08 pays ont aboli la peine de mort pour ment encadrées. Cette mesure a pour effet de limiter les circon-
les crimes de droit commun, 28 pays, dont le Cameroun, sont abo- stances dans lesquelles les Etats peuvent à loisir imposer des re-
litionnistes en pratique et 56 pays sont non abolitionnistes[24]. Il strictions futiles et fantaisistes à la jouissance de certains droits.
découle de ces chiffres que près des ¾ des Etats dans le monde ont Plus encore, pour que de telles restrictions soient admissibles, elles
rejoint en droit ou en fait la tendance abolitionniste globale. Dans ne doivent pas seulement avoir été édictées conformément à la
toutes les affaires où elle a à se prononcer sur la peine de mort, la législation nationale, mais elles doivent être conformes aux obli-
Commission africaine considère que ce serait une “négligence” de sa gations internationales de l’Etat. En effet, la Commission africaine
part de rendre une décision sans “avoir reconnu l’évolution du droit n’a eu cesse de rappeler que chaque fois que la Charte prescrit
international et la tendance vers l’abolition de la peine de mort”[25]. la restriction de la jouissance ou la limitation d’un droit confor-
C’est sur ces fondements que la Commission mément à la loi, la norme à laquelle il est fait référence, ne peut
africaine a tenu elle aussi à soutenir le mouve- s’entendre exclusivement de la législation nationale de l’Etat Con-
ment abolitionniste en adoptant la Résolution cerné. Une telle loi doit s’entendre plutôt comme faisant référence
exhortant les Etats parties à observer le mora- tant au droit national qu’aux normes internationales, en mainte-
toire sur la peine de mort dans laquelle elle in- nant à l’esprit que la législation nationale elle-même doit être
vite tous les Etats qui ne l’ont pas encore fait, conforme aux obligations internationales de l’Etat concerné[28].
à ratifier le Deuxième protocole facultatif se Cette position de la Commission n’autorise pas à rouvrir le débat
rapportant au PIDCP visant à abolir la peine de sur la conventionalité de la peine de mort, mais plutôt à souligner
mort. En sus, la Commission africaine dans ses le fait que tout prononcé de la peine de mort doit être fait dans la
décisions encourage tous les Etats parties à la stricte observance des règles fondamentales du procès équitable.
Charte africaine à prendre toutes les mesures L’objectif ici visé est de se prémunir de toute exécution de la peine
nécessaires pour s’abstenir d’exercer la peine de mort prononcé de façon arbitraire. Il s’en suit donc que toute
de mort[26]. Cette attitude traduit une grande exécution prononcée au cours d’un procès non conforme à l’article
élégance de la part de la Commission africaine 7 de la Charte qui énonce les règles à observer dans le cadre du
qui soutient fortement la tendance abolition- procès équitable, est incompatible avec l’article 4 de la Charte af-
niste, mais s’abstient de trahir son mandat ricaine. En clair, une telle exécution viole le droit à la vie. Par con-
en décidant que cette peine est contraire à la séquent, la Commission africaine dans ses décisions successives,
Charte africaine. Ce faisant, elle reste fidèle à adopte une position de principe suivant laquelle “l’imposition
son mandat qui est d’interpréter et d’appliquer d’une sentence de mort à l’issue d’un procès inéquitable – ou d’un
la Charte, et non de réécrire la Charte pour procès qui ne répond pas aux critères définis par l’article 7 de la
y inclure ce qui n’y est manifestement pas. Charte – constitue nécessairement une violation de l’article 4 de
la Charte”[29]. Si du point de vue procédural, la peine de mort est
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interdite lorsqu’elle est consécutive à une procédure irrégulière, nent notamment le meurtre, compte tenu du fait que cette infraction
existe-t-il aussi une interdiction s’agissant des droits substantiels? correspond elle-même à une privation arbitraire du droit à la vie[37].
L’idée d’avoir recours aux institutions pour promouvoir sur le continent africain. Ainsi dans sa phase contentieuse, la Cour peut
et protéger les droits humains en Afrique apparait, prendre des décisions à deux moments différents de la procédure :
rappelons-le, pour la première fois en 1961 lors du congrès pendant l’instruction, elle peut prendre des mesures provisoires. Une fois
des juristes africains organisé par la Cour Internationale l’instruction terminée et afin de clore la procédure, elle rend des arrêts.
de Justice (ci-après CIJ) à Lagos au Nigeria. On se souvient La question que l’on se pose dans cette étude est celle de savoir comment
que la « loi de Lagos » plaidait pour une Cour africaine les Etats exécutent les décisions de la Cour africaine des droits de l’homme
des droits de l’homme à l’image de la Cour européenne, et des peuples ? Quelles réflexions peut-on faire quant à l’exécution de
mais que cette disposition, de même que toutes celles ces décisions ? A la vérité, l’élément qui attire le plus notre attention en
relatives à la mise sur pied d’un système de protection des ce qui concerne les décisions de la Cour est leur exécution. Rappelons que
droits de l’homme ont été, à cette époque, reléguées à dans le domaine des droits de l’homme, l’efficacité de la protection se
l’arrière-plan des préoccupations des gouvernements des mesure par ce respect de l’exécution des arrêts des instances en charge
Etats africains. Après plusieurs années d’atermoiements, la du contrôle desdits droits. Comme toute décision de justice, l’exécution
volonté de rédiger un protocole relatif à la charte africaine des décisions (mesures provisoires ou arrêts) de la Cour africaine des
portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme droits de l’homme et des peuples est, en principe, obligatoire (1), mais
et des peuples est née des faiblesses institutionnelles, du en réalité volontaire (I).
manque des moyens et donc de la relative inefficacité de la
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples
constatée par les Organisations Non Gouvernementales 1. Une exécution obligatoire des décisions de la Cour
(ci-après ONG) et reconnue officiellement par l’Organisation
de l’Unité Africaine (ci-après OUA) en 1994[40]. Finalement,
le protocole relatif à la Charte africaine des droits de L’opposabilité directe des décisions de la Cour (mesures provisoires ou
l’homme et des peuples portant création d’une Cour arrêts) aux Etats condamnés (a) et le suivi de cette exécution (b) sont les
africaine des droits de l’homme est adopté le 10 juin 1998 deux modes de réalisation de l’exécution obligatoire des décisions de la
à Ouagadougou au Burkina Faso par la conférence des chefs Cour.
d’Etats et de gouvernement de l’Union africaine (ci-après
UA). La Cour a donc compétence pour connaitre de toutes
les affaires et de tous les différends dont elle est saisie a. L’opposabilité directe des décisions de la Cour aux Etats
concernant l’interprétation et l’application de la Charte, condamnés
du Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif
aux droits de l’homme et ratifié par les Etats concernés[41].
La procédure contradictoire d’examen d’une affaire devant la Cour consiste,
comme en droit national, dans les confrontations des parties pendant les
De nature juridictionnelle justement, la nouvelle instance audiences[42]. Lorsque, suffisamment éclairés et les audiences terminées,
de promotion et de protection des droits de l’homme qu’est les juges se retirent, délibèrent en privé et rendent leur décision dans
la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, vient les quatre-vingt-dix (90) jours qui suivent la clôture de l’instruction de
seconder et surtout renforcer l’action de la Commission l’affaire. Rappelons que la Cour rend sa décision finale par un arrêt. Aussi,
africaine des droits de l’homme et des peuples dans sa les arrêts de la Cour sont pris à la majorité des juges, en précisant que
mission de protection des droits de l’homme et des peuples l’arrêt de la Cour est définitif et ne peut faire l’objet d’appel. L’arrêt a force
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obligatoire pour les Etats, contrairement aux communications Le protocole, plus loin a pris le grand soin de confier le suivi de l’exécution
de la commission africaine des droits de l’homme et des des arrêts de la Cour au Conseil des ministres de l’Union Africaine. Celui-ci
peuples. Il convient d’ajouter le fait que l’arrêt est prononcé peut adopter les directives ou règlements qui ont force obligatoire afin
en audience publique, les parties étant dûment prévenues. de faire pression sur les Etats « récalcitrants[44] ».
L’arrêt est toujours motivé. Enfin, les arrêts de la Cour sont
pris à la majorité des juges présents à l’audience. Pour
l’examen de chaque affaire portée devant elle, la Cour siège Notons toutefois avec SIDIKI KABA[45] qu’il est dommage que le suivi de
avec un quorum d’au moins sept (7) juges. Retenons à toutes l’exécution des arrêts de la Cour africaine sorte de la sphère judiciaire
fins utiles que la Cour africaine des droits de l’homme et des pour entrer dans le domaine politique. Retenons que le Conseil des
peuples est composée de onze (11) juges au total. ministres est composé de l’ensemble des ministres de l’Union Africaine.
Paradoxalement, ceci permet aux ministres des Etats non parties au
protocole d’avoir la responsabilité du suivi des exécutions des arrêts de
Néanmoins, le fait pour la Cour de rendre publique sa décision la Cour. Un petit bonheur pour la Cour Africaine des droits de l’homme
et de l’envoyer aux Etats membres de l’Union Africaine et et des peuples consiste en ce qu’elle peut adresser à la conférence des
au Conseil des ministres constitue un moyen de pression chefs d’Etats et de gouvernements un rapport annuel de ses activités
important difficilement négligeable par les Etats condamnés. dans lequel elle mentionne, à l’instar des deux autres Cours régionales
De la même façon, en faisant circuler et connaitre les décisions (Cour européenne et Cour interaméricaine), les cas d’inexécution de
de la Cour, les Organisations Non Gouvernementales (ci-après ses décisions. A dire vrai, l’on ignore si cette exigence peut amener la
ONG) peuvent agir sur la réputation et l’image internationale Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement à exiger des Etats
de l’Etat ne respectant pas la décision de la Cour. Par exemple, l’exécution des arrêts de la Cour ou s’il s’agit juste de faire pression sur
à en croire SIDIKI KABA[43], l’on ignore si l’exigence visée par l’Etat concerné. Mais que faire, quelle contrainte exercée à l’endroit d’un
l’article 31 du protocole peut amener la conférence des chefs Etat « récalcitrant[46] » qui refuse de s’exécuter ? A cette question fort
d’Etat et de gouvernement (l’organe suprême de l’Union intéressante, les tenants de la théorie volontariste semblent prendre
Africaine (ci-après UA)) à exiger des Etats l’exécution des le dessus lorsqu’ils affirment sans peur d’être contredits que la société
arrêts de la Cour ou s’il s’agit toujours de faire pression sur la internationale et le droit international sont des donnés substantielles
réputation d’un Etat. Une fois rendue, la décision prend effet, relevant du consentement du « sujet-majeur par excellence » du droit
comme toute décision de justice, dès leur prononcé. Notons des gens, à savoir les Etats. Les décisions de la Cour africaine des droits
cependant que le délai d’exécution de l’arrêt est fixé par la de l’homme et des peuples, bien que contraignantes, sont d’une portée
Cour en fonction de chaque affaire. Il n’y a donc pas un délai relative quant à leur exécution.
fixe préalablement défini par le protocole pour l’exécution
des arrêts de la Cour africaine des droits de l’homme et des
peuples. 2. Une exécution à la réalité volontaire
b. Le suivi de l’exécution des décisions de la Cour Ici, nous verrons d’une part l’exécution des décisions de la Cour à travers
la règle de droit international « pacta sunt servanda »[47] (a) et, d’autre
part le silence du protocole sur le principe de « l’autorité de chose jugée
» des décisions de la Cour (b).
l’antipode du second », et paraphrasant cette expression, il Toute chose qui, au regard de ces deux arrêts, rassure à suffire que
découle que jamais l’esprit « caritatif » ne pourra faire route l’exécution des décisions de la Cour africaine des droits de l’homme et
ensemble avec celui « du lucre ». Pareillement, le volontaire des peuples dépende de la volonté des Etats et donc de leur « bonne
exclura toujours d’une façon ou d’une autre l’idée de la foi ». Pour finir, il y a lieu, quand même, de relever le distinguo entre la
contrainte. En revanche, au-delà de cette guerre notionnelle règle pacta sunt servanda et la bonne foi dans l’exécution des décisions
acharnée, le protocole est là et a posé le principe selon de la Cour. La règle du pacta sunt servanda n’est qu’un commandement
lequel l’exécution des arrêts par les Etats est ‘’obligatoire’’ d’exécution d’une obligation ; elle ne donne pas la mesure de ce qui est
mais volontaire. C’est en tout cas l’envers de l’affaire du à exécuter, problème qu’elle suppose résolu. C’est au niveau préalable
lotus qui avait pris soin de réaffirmer que « les règles de de la détermination du contenu de l’obligation à exécuter (arrêt) que
droit liant les Etats procèdent à la volonté de ceux-ci »[49]. la bonne foi est indispensable.
Ainsi, laissée aux Etats tenus par l’autorité de chose jugée
dont ils sont revêtus, l’exécution des actes juridictionnels
définitifs appelle peu de commentaires. Les parties doivent b. Le silence du protocole sur le principe de « l’autorité de
se conformer au jugement et lui donner de bonne foi les chose jugée » des décisions de la Cour
suites nécessaires. Et pourtant, la majorité des affaires
portées devant la Cour sont rejetées avant même que les
allégations de violations soient examinées. Cela résulte Il ne faut pas s’en étonner tant déjà en droit privé que la notion classique
principalement de la complexité de la procédure, et en d’« autorité de chose jugée » est source d’ambiguïté. Il ne pouvait
particulier des conditions de recevabilité et d’admissibilité en aller autrement une fois la notion empruntée par la doctrine et
des plaintes, ce qui présente un obstacle à ce que cette Cour transposée aux décisions de la Cour africaine des droits de l’homme
devienne véritablement accessible par tous. Cependant, et des peuples.
les décisions déjà rendues par la Cour sont exécutées de
manière mitigée par les Etats : d’autres Etats en ont respecté
tandis que certains se sont montrés réticents.
Pour l’exemple, la Cour africaine des droits de l’homme et Il est à déplorer le silence que le protocole instituant la Cour a affiché
des peuples a rendu en 2013, en l’affaire Révérend Mtikila au sujet de l’autorité à assigner aux décisions de la Cour. En effet,
c/ Tanzanie, son premier arrêt au fond[50]. La décision l’article 30 dispose tout simplement que « les Etats parties au présent
traite de la conformité de l’obligation d’affiliation partisane protocole s’engagent à se conformer aux décisions rendues par la Cour
pour tout candidat aux élections avec la Charte africaine dans tout litige où ils sont en cause et à en assurer l’exécution dans le
des droits de l’homme et des peuples. Pour la Cour, une délai fixé par la Cour ». Rappelons que le délai d’exécution de l’arrêt
telle obligation viole le droit de participer à la direction est fixé par la Cour en fonction de chaque affaire. Il n’y a pas un délai
des affaires publiques de son pays, la liberté d’association fixe préalablement défini par le protocole. Cependant, aucune mesure
et le droit à la non-discrimination ; et a condamné à cet de contrainte n’est prévue pour le moment dans le protocole pour
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assurer l’exécution des décisions de la Cour africaine et limites du système africain de protection nec dolo malo, et praetores sint ».
des droits de l’homme et des peuples. L’on s’accorde des droits de l’homme : la naissance de la Cour
à considérer que pour un Etat partie à un litige, « se africaine des droits de l’homme et des peuples
conformer » à un arrêt rendu consiste à l’exécuter », in revue des droits fondamentaux, (article [49] Voir Moïse CIFENDE KACIKO,
de bonne foi et volontairement. Cette dernière en ligne), disponible sur le site : www.Droits- Droit international public, Notes
exigence découle notamment de ce que dépourvus fondamentaux.org, 2004, consulté le 8 Mai 2019. de cours, inédites, G.3, Faculté
de formule exécutoire, les arrêts de la Cour africaine d e d ro i t , U.C . B . , 2 0 0 5 - 2 0 0 6 .
des Droits de l’Homme et des Peuples ne vaudront
pas titre exécutoire. « Déclaratoires pour l’essentiel [42] Comme en droit national, les audiences
», ils n’auront d’effet dans le droit interne d’un Etat de la Cour sont publiques. Néanmoins, la Cour [50] Voir l’arrêt du 14 juin 2013 sur
qu’à travers un acte d’exécution. Puisqu’en tout état peut décider de tenir les audiences à huis clos, les affaires jointes Tangayika Law
de cause, « l’Etat est un plaideur méfiant. Replié sur dans des conditions qui sont prévues dans Society $ The Legal and Human
sa souveraineté, il accepte mal le jugement d’un le règlement intérieur (article 10 alinéa 1). Rights Centre c. Tanzanie et Révérend
tiers »[53]. Au regard de cet argument qui précède, Christopher R. Mtikila c/ Tanzanie.
il serait alors intéressant que la décision de la Cour
soit accompagnée d’une formule (exécutoire) pour [43] SIDIKI KABA, « La Cour africaine des
contraindre l’Etat « récalcitrant[54] » à s’exécuter. droits de l’homme et des peuples », in [51] Puisque dans l’arrêt, la Cour
www.fidh.[org, consulté le 6 mai 2019. ordonne à la Tanzanie de « prendre
toutes les mesures constitutionnelles,
In fine, il est difficile d’imaginer des procédures législatives et autres dispositions utiles
telles que la contrainte par corps, la saisie-arrêt [44] OULD CHEINA Ch. SIDI MOHAMED, « La dans un délai raisonnable, afin de mettre
reconnue en droit interne pour contraindre les Etats Cour africaine des droits de l’homme et des fin aux violations constatées et informer
à s’exécuter. L’Afrique doit alors prendre un peu de peuples : un processus de longue haleine », la Cour des mesures prises à cet égard ».
temps pour découvrir quelle procédure les autres (article en ligne), disponible sur le site : www.
Cours homologues (la Cour européenne, la Cour google.fr/search, consulté le 7 mai 2019.
interaméricaine …) utilisent pour assurer l’efficacité [52] L’arrêt n°001/2014 du 18
de l’exécution de leurs décisions. Retenons qu’en novembre 2016 de la Cour africaine
droit comparé par exemple, les Etats condamnés par [45] SIDIKI KABA, « La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples
la Cour européenne des droits de l’homme à payer des droits de l’homme et des peuples », dans l’affaire ONG « Actions pour la
des indemnités se sont, jusqu’à présent, acquittés in www.fidh.org, consulté le 6 mai 2019. protection des droits de l’homme de la
de leur obligation. Cependant, vu la lenteur avec Côte d’Ivoire » c/ Etat de Côte d’Ivoire.
laquelle ils s’exécutaient, la Cour a été obligée à
partir d’octobre 1991 de préciser dans ses arrêts [46] OULD CHEINA Ch. SIDI MOHAMED,
que l’indemnité devrait être versée dans les trois « La Cour africaine des droits de l’homme [53] Philip C. et De Cara J.Y. «
(3) mois qui suivent le prononcé de l’arrêt. Depuis et des peuples : un processus de longue Nature et évolution de la juridiction
janvier 1996, en cas de non-exécution dans ce délai, haleine », Op.cit., consulté le 7 mai 2019. internationale », SFDI, La juridiction
elle prévoit même le paiement d’intérêts moratoires. internationale permanente, Colloque
C’est peut-être alors cette nouvelle mesure qui vient de Lyon, Paris, Pedone, 1987, P.26.
renforcer, davantage aujourd’hui, l’exécution des [47] C ’est-à-dire « les conventions
arrêts de la Cour européenne. D’où notre plaidoyer doivent être respectées ».
pour la Cour Africaine à suivre cette démarche.
[48] Cicéron écrit dans ses offices : « Pacta et
41] Lire à cet effet, ATANGANA AMOUGOU (J.L.), « Avancées promissa semperne servanda sint, quae nec vi
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CEMAC et de la CEDAO, pose en filigrane le planification, à la gestion et à la préservation Dans l’affaire du peuple Ogoni [61], la
problème de la justiciabilité du droit à un de l’environnement ainsi qu’à l’utilisation CoADHP a constaté que le Nigéria violé
judicieuse des ressources naturelles à tous
environnement sain dans le système afric- les niveaux; (…) (d) réglementer la gestion, le droit à la santé et le droit à un envi-
ain de protection des droits de l’homme. En la transformation, le stockage et l’élimination ronnement propre, tels que reconnus aux
d’autres termes, comment le système afric- des déchets domestiques; (e) veiller à ce articles 16 et 24 de la CADHP. La Commission
ain de protection des droits de l’homme que les normes appropriées soient respec- a tenu à préciser dans cette affaire que « Le
tées pour le stockage, le transport et
garantit-il la protection de l’environnement droit à un environnement général satisfai-
l’élimination des déchets toxiques » [56]. La
? La réponse à cette problématique per- Charte africaine des droits et du bien-être de sant tel que garanti en vertu de l’article 24
mettra d’analyser dans un premier temps l’enfant[57], quant à elle, insiste sur la néces- de la Charte africaine ou le droit à un envi-
l’effectivité de la protection juridique de sité d’éduquer l’enfant africain au respect de ronnement sain, comme c’est bien connu,
l’environnement dans le système afric- l’environnement et des ressources naturelles impose en conséquence des obligations
(art. 11 g). Ces instruments régionaux con-
ain de protection des droits de l’homme sacrent la protection de l’environnement claires au gouvernement. Cela requiert de
(1). Dans un second moment, il sera ques- comme un droit fondamental de la personne l’État de prendre des mesures raisonnables
tion de comprendre l’ampleur des limites humaine et conforte la position du système et d’autres mesures pour prévenir la pollu-
d’application des normes africaines de africain de protection des droits de l’homme tion et la dégradation écologique, favoriser la
sur le caractère indivisible et interdépendant
protection de l’environnement (2) afin préservation de l’environnement et garantir
des différentes générations des droits de
d’améliorer l’efficacité des actions du l’homme. Selon la Commission africaine des un développement écologiquement durable
système africain de protection des droits droits de l’homme et des peuples, « les droits et l’utilisation des ressources naturelles
de l’homme en la matière. collectifs, environnementaux, économiques »[62]. Il se dégage de cette interprétation
et sociaux sont des éléments essentiels des du droit à un environnement sain que le
droits de l’homme en Afrique. La Commission
1. L’effectivité de la protection Africaine appliquera n’importe lequel des gouvernement nigérian aurait dû ordonner
juridique de l’environnement droits contenus dans la Charte Africaine. La et mettre en place une surveillance scien-
dans le système africain de pro- Commission saisit cette occasion pour clar- tifique indépendante des environnements
tection des droits de l’homme et ifier qu’il n’y a pas de droit dans la Charte
des peuples Africaine que l’on ne puisse mettre en œuvre
menacés, exiger et publier des études sur
l’impact social et environnemental avant
»[58].
La protection de l’environnement est au cœur tout développement industriel majeur. Au
du système africain de protection de droits de surplus, il devait entreprendre la surveil-
La Commission africaine des droits de
l’homme dans la mesure où l’implémentation lance appropriée et informer les communau-
l’homme et des peuples (CoADHP) est inter-
de cette prérogative est essentielle pour la
venue très sporadiquement pour protéger tés exposées aux activités et produits dan-
réalisation d’autres droits fondamentaux de
l’environnement notamment dans l’Affaire gereux, ainsi qu’offrir aux individus la pos-
la personne humaine notamment le droit au
Centre for Minority Rights Development
logement, à la santé, au travail, à l’éducation, sibilité d’être entendus et de participer aux
(Kenya) et l’Affaire Minority Rights Group
à l’alimentation… La consécration du droit à décisions relatives au développement affec-
(pour le compte d’Endorois Welfare Council)
un environnement sain par les principaux tant leurs communautés.
c./ Kenya[59]. Dans la première affaire, la
instruments régionaux de protection des
Commission a mis l’accent sur l’opposition
droits de l’homme garantit la justiciabilité
qui peut naître dans la mise en œuvre des En somme, les affaires des peuples Endorois
de cette prérogative devant les juridictions
droits garantis par la CADHP en l’occurrence
THE POWER
compétentes en la matière. Cependant, la
faible implémentation des normes africaines
de protection de l’environnement permet
de saisir leur étendue et leur portée non-
obstant la construction d’une doctrine et
surtout d’une jurisprudence spécifique en
: le droit à la terre des peuples autochtones
et la protection des espaces naturels peu
ou très menacés. Cependant, la CoADHP
insiste sur le fait que « la consécration du
principe de consentement libre, préalable et
éclairé et du principe d’étude d’impact envi-
et Ogoni atteste de la justicibilité du droit des
peuples à un environnement sain devant la
CoADHP et la CrADHP bien que cette dernière
ne se soit pas encore prononcée dans le fond
sur une affaire relative à la violation de ce
la matière. droit. A la lecture de ces communications,
ronnemental avant l’exécution d’un projet de
développement sur les terres ancestrales des la protection de l’environnement impliquer-
La Charte africaine des droits de l’homme peuples autochtones s’avère être un moyen ait le respect des principes de prévention, de
et des peuples (CADHP) consacre à son de confirmer le rôle incontournable des précaution et de réparation des dommages
article 24 le droit des peuples à un envi- peuples autochtones dans la protection de
ronnement satisfaisant et global, propice l’environnement »[60]. Il est important de causés à l’environnement. Par conséquent,
à leur développement[55]. Dans le même relever que la reconnaissance par la CoADHP tout manquement à cette obligation posi-
sens, le Protocole à la Charte africaine des du droit des peuples à un environnement tive des Etats parties à la CADHP engage de
droits de l’homme et des peuples relatif aux sain est le résultat d’une déduction puisque, leur responsabilité internationale pour vio-
droits des femmes, consacre à son article 18 dans l’affaire du peuple Endorois, l’article
al. 1 le droit des femmes de vivre dans un lation de l’article 24 de la Charte nonob-
24 de la Charte ne fait pas partie des droits
environnement sain et viable. Son alinéa 2 réclamés par le requérant. La CoADHP n’a pas stant la persistance des obstacles juridiques
revient sur les obligations positives des Etats manqué de montrer le lien entre cette affaire et opérationnels à la mise en œuvre de cette
en la matière, notamment : « (a) assurer une avec celle des Ogoni c Nigéria. prérogative.
plus grande participation des femmes à la
Il est clair que l’exécution des décisions assistance pour la réinstallation des vic-
times de raids menés sur ordre du gou-
vernement, et en procédant à un nettoy-
de la CoADHP et de la CrADHP repose age total des terres et rivières polluées/
endommagées par les opérations liées
sur des bases qui comportent elles- à l’exploitation pétrolière » [68]. Dans
le même sens, la CrADHP peut ordon-
ner le paiement d’une compensation
mêmes les causes de leur inexécution financière, des frais et dépens à la con-
dition d’apporter la preuve du préju-
par les Etats parties à la Charte. dice subi par tout moyen. Cette répara-
tion peut également prendre la forme
soit des garanties de non-répétition, par
exemple l’adoption de mesures de droit
interne, soit des mesures de satisfaction,
de protection des droits de l’homme. Par fut le cas dans l’affaire Peter Odiwuor Ngoge à l’exemple de la publication et de la diffusion
ailleurs, la résolution de ces limites opéra- c. la République du Kenya[65]. Dans cette de l’arrêt de la Cour sanctionnant les viola-
tionnelles en matière de réparation des affaire, le plaignant reprochait au gouver- tions des droits de l’homme[69].
dommages causés à l’environnement per- nement kenyan la violation entre autres de
mettrait d’assurer la protection efficace de l’article 24 de CADHP. La CoADHP a rejeté la L’application des décisions de justice de la
l’environnement compte tenu de la difficile communication du plaignant au motif qu’elle CoADHP et de la CrADHP reste un élément
implémentation des décisions de la CoADHP n’a pas satisfait aux exigences des alinéas 3, 5 essentiel de l’efficacité du système afric-
et de la CrADHP par les Etats parties à la et 6 de l’article 56 relatifs aux termes outrag- ain de protection des droits de l’homme en
Charte. eants et insultants à l’égard de l’Etat défend- matière environnementale. Cette situation
eur, à l’épuisement des recours internes et au est entre autres due à la nature juridique
La CoADHP et la CrADHP sont les principales respect du délai raisonnable d’introduction des décisions rendues notamment par la
institutions régionales en charge de la pro- du recours devant la CoADHP. Dans l’examen CoADHP et à la volonté politique des Etats
motion et la surveillance de l’application des au fond, la CoADHP statue sur les éléments qui sont tenus de réparer les torts subis
droits garantis par la CADHP. Elles sont com- matériels (droits présumés violés) de la com- par les victimes lorsque leur responsabil-
pétentes, selon des procédures différentes, munication indépendamment de leurs impli- ité internationale est établie. Toutefois, la
pour examiner les situations de violations cations sur la violation d’autres droits proté- CoADHP peut saisir la CrADHP quand un Etat
des droits de l’homme[63]. Les articles 46 ger par la CADHP. C’est en l’occurrence le cas partie au Protocole n’a pas mis en œuvre les
à 59 de la CADHP détaillent les procédures de l’affaire des Endorois où, malgré la consis- mesures provisoires ou de réparation indi-
et les pouvoirs de protection des droits de tance des faits alléguant ou présumant des quées à l’occasion de l’examen d’une com-
l’homme confiés à la CoADHP. Cette dernière atteintes à l’environnement, la CoADHP ne munication[70]. Ces mesures provisoires
est compétente pour recevoir et examiner les constate pas la violation du droit des peuples peuvent être ordonnées à l’Etat défendeur
communications étatiques ou individuelles à un environnement sain (l’article 24) malgré dans les cas d’extrême gravité ou d’urgence
relatives à des violations des droits proté- les similitudes faites avec l’affaire du peuple et lorsqu’il s’avère nécessaire d’éviter des
gés par la CADHP, et de procéder à des inves- Ogoni. dommages irréparables à l’environnement
tigations. En effet, tout État partie qui con- ou à des personnes. Le cas du militant de
sidère qu’un autre État partie a violé les dis- Par ailleurs, la CADHP ne comporte aucune la cause Ogoni, Ken Saro-Wiwa arrêté le 22
positions de la CADHP a la possibilité, par disposition sur l’obligation de réparation. mai 1994 et condamné à mort avec ses 8 co-
communication écrite, d’attirer l’attention de La CoADHP a pallié cette insuffisance nor- accusés, illustre parfaitement la complexité
cet État et de lui demander des explications mative en rappelant aux États parties leurs de la réalisation de ces prérogatives[71]. Il
BULLETIN A POSTERIORI 19
en est de même des décisions de la CrADHP [58] CoDHP, Communication 155/96, 15e [71] Dans cette affaire, le Secrétariat de la CoDHP a
puisque « l’engagement d’exécuter les arrêts Rapport annuel d’activités (2001-02), para. 68. adressé une note verbale au gouvernement, soulig-
de la Cour est pris sur une base volontaire nant que l’affaire était en cours d’examen et appelant
(art.30 du Protocole). Aucune mesure de [59] CoADHP, communications n° 276/03 du 25 les autorités nigérianes à suspendre l’exécution jusqu’à
contrainte n’est prévue pour le moment novembre 2009, Affaire Centre for Minority Rights ce qu’elle en débatte dans le fond. Malgré cette injonc-
dans le Protocole pour assurer leur exé- Development (Kenya) et Minority Rights Group tion, l’exécution est intervenue le 10 novembre 1995.
cution »[72]. L’article 29.2 dudit Protocole (pour le compte d’Endorois Welfare Council) / Kenya.
confie le suivi de l’exécution des arrêts de [72] Guide Pratique de la Cour africaine des
la CrADHP au Conseil exécutif de l’UA alors droits de l’Homme et des peuples : vers la Cour
que le système inter-américain de protec- [60] Idem, p. 173.
africaine de justice et des droits de l’Homme,
tion des droits de l’homme en fait la chasse FIDH, avril 2010, p. 128, in https://www.
gardée de sa Cour. Au surplus, le Protocole [61] CoDHP, Communication n° 155/96 du 27 f i d h . o rg / I M G / p d f / G u i d e C o u r A f r i ca i n e . p d f.
de la CrADHP est muet quant au type de octobre 2001, Affaire Social and Economic
sanctions que ce Conseil exécutif pour- Rights Action Center (SERAC) and Center for
rait prendre à l’égard des Etats qui refuse- Economic and Social Rights (CESR) / Nigéria. [73] Idem, p. 129.
raient de mettre en œuvre les décisions de la
Cour[73]. Il est clair que l’exécution des déci- [62] Ibidem, par. 52.
sions de la CoADHP et de la CrADHP repose
sur des bases qui comportent elles-mêmes
les causes de leur inexécution par les Etats [63] Cf. https://dictionnaire-droit-humani-
partis à la CADHP. taire.org /content/article/2/commission-
et-cours-africaines-des-droits-de-lhomme/
BULLETIN A POSTERIORI 23
N°12
international relatif aux droits économiques, sociaux et fication permet donc aux Etats parties à la Charte africaine de compren-
culturels constitue généralement une excuse pour les dre, qu’ils seront désormais tenus non seulement des insuffisances en
Etats afin de ne pas suffisamment investir en vue de termes de non-conformité du cadre juridique national aux obligations
l’effectivité des droits protégés par ce Pacte. Au niveau internationales ou régionales, mais aussi des écarts observés dans la
africain, la Commission africaine est consciente “du fait mise en œuvre du droit à la santé ; si ces Etats parties ne s’assurent pas
que des millions de personnes en Afrique ne jouissent que des moyens suffisants sont investis dans la protection de la santé, et
pas du droit à un meilleur état de santé physique et men- qu’au surplus, ces moyens produisent des résultats probants en termes
tale qu’elles soient capables d’atteindre, parce que les d’amélioration de la santé des populations.
pays africains sont en général confrontés au problème de
la pauvreté qui les rend incapables de fournir les équipe-
ments, infrastructures et ressources qui facilitent la ple- [75] Ibid.
ine jouissance de ce droit”[90]. Toutefois, il y a lieu de [76] Affaire Free Legal Assistance Group et ql. c. République Démocratique du Congo,
mettre l’emphase sur le fait que ces “circonstances tristes communication n° 25/89 – 47/90 – 56/91 – 100/93, para. 62.
mais réelles”, pour reprendre les termes de la Commis- [77] Union Africaine, “Objectifs et domaines prioritaires de l’agenda 2063”, disponible
sur www.au.int/fr/agenda2063/objectifs [consulté le 14 juin 2019].
sion africaine, ne dédouane pas les Etats de leurs obliga- [78] Affaire Purohit and Moore c. Gambie, communication n° 241/01, para. 81.
tions dans la réalisation des droits inscrits dans la Charte, [79] Affaire Thomas Kwoyelo c. Uganda, communication n° 431/12, para. 271.
y compris particulièrement le droit à la santé. [80] Affaire Monim Elgak c. Sudan, communication n° 379/09, para. 136.
Ainsi, la Commission africaine lit dans l’article 16 [81] Affaire International PEN, Constitutional Rights Project et Interights (au nom de
“l’obligation, de la part des Etats Parties à la Charte af- Ken Saro Wiwa) c. Nigéria, communication n° 137/94 – 139/94 – 154/96 – 161/97,
para. 112.
ricaine, de prendre des mesures concrètes et sélectives [82] Organisation Mondiale de la Santé, “Déterminants sociaux de la santé”, disponible
tout en tirant pleinement profit des ressources dis- sur www.who.int/social_determinants/ [consulté le 14 juin 2019]
ponibles, en vue de garantir que le droit à la santé est [83] Affaire Free Legal Assistance Group et ql. c. République Démocratique du Congo,
pleinement réalisé sous tous ses aspects, sans discrimi- communication n° 25/89 – 47/90 – 56/91 – 100/93, para. 62.
nation d’une quelconque nature”[91]. En ce sens, il est [84] Affaire Thomas Kwoyelo c. Uganda, communication n° 431/12, para. 271.
clair que les Etats sont tenus, au regard de leurs ressourc- [85] Affaire Monim Elgak c. Sudan, communication n° 379/09, para. 134.
es disponibles, de donner effet au droit à la santé, non [86] Affaire SERAC c. Nigéria, communication n° 155/96, para. 52.
[87] Ibid. para. 53.
seulement en adoptant des mesures législatives ou au- [88] Affaire Mbiankeu Geneviève c. Cameroun, communication n° 389/10, para. 114.
tres nécessaires à cet effet, mais aussi en s’assurant que Voir aussi l’affaire SERAC c. Nigeria, para. 44.
ces mesures produisent des effets en termes de résultats [89] Affaire Institute for Human Rights and Development in Africa c. Angola, communi-
objectivement mesurables et en terme d’amélioration de cation n° 292/04, para. 83.
la santé des populations. Ce faisant, l’obligation des Etats [90] Affaire Purohit and Moore c. Gambie, communication n° 241/01, para. 84.
dans la mise en œuvre de la santé est non seulement une [91] Ibid.
obligation de moyen, mais aussi une obligation de résul- [92] Affaire Mbiankeu Geneviève c. Cameroun, communication n° 389/10, para. 126.
[93] Affaire Association of Victims of Post Electoral Violence and Interights c. Camer-
tat. La Commission y accorde beaucoup d’attention en
affirmant que : “il faut (…) appréhender l’obligation faite oon, communication n° 272/03, para. 108.
à l’article 1 de la Charte en ce que ses dispositions pre- [94] Ibid. para. 111 et 112.
scrivent d’une part une entreprise législative ou adminis- [95] Affaire Minority Rights Group International et SOS-Esclaves (au nom de Said Ould
Salem et de Yarg Ould Salem) c. Mauritanie, communication n° 007/Com/003/2015,
trative à caractère normatif et, d’autre part, un ‘engage- para. 58.
ment’ à donner effet aux droits de la Charte. En clair, une [96] Affaire De Cubber c. Belgique.
double obligation procède de l’article 1 de la Charte: c’est
à la fois une obligation de moyen et de résultat”[92].
Ainsi, pour la Commission, il ne suffit pas de se contenter
de prendre des mesures, encore faut-il que ces mesures
soient accompagnées d’institutions qui produisent des
résultats tangibles[93]. La Commission durcit même le
ton en considérant que l’article 1er de la Charte africaine
impose aux Etats parties une obligation de résultat. Elle
note d’ailleurs à ce sujet que: “conformément à son en-
gagement conventionnel à protéger les droits garantis
par la Charte, l’Etat partie est tenu d’assurer une protec-
tion effective des droits de l’homme sur toute l’étendue
de son territoire. Si cette obligation était de la nature
d’une obligation de moyens, la garantie des droits de
l’homme ferait l’objet d’une insécurité juridique de na-
ture à dégager les Etats parties aux instruments de pro-
tection des droits de l’homme de toute responsabilité de
protection effective”[94].
La protection de l’environnement...
Une obligation citoyenne
Rapport de la Journée d’Assainissement du Pont d’Ekounou-Ayene du 05 juin 2019
ECOPARK CAMEROON FOUNDATION
contact@ecoparkamerfoundation.org
Introduction environnement impacte directement sur déchets ménagers dans cet environnement.
les populations et plus précisément sur De ce fait, la protection de l’environnement
leur santé. Par exemple, la pollution des dépasse largement le simple cadre étatique
L’an 2019 et le mercredi 05 Juin, l’ONG dénom- eaux entraîne la prolifération des maladies et se transforme en une obligation citoyenne,
mée ECOPARK CAMEROON FOUNDATION (ci- hydriques et d’autres maladies telles que le une obligation qui consiste non seulement à
après ECF) a mené des actions de terrain rel- paludisme ou le choléra. De même, la pol- protéger cet environnement, mais à prévenir
atives à la célébration de la journée mondi- lution des eaux entraine inéluctablement la toute potentielle action qui pourrait lui nuire.
ale de l’environnement. pollution des ressources halieutiques desti-
nées à l’alimentation des êtres humains. Il C’est dans cette optique qu’ECOPARK
Si la protection de l’environnement est devient ainsi moins facile d’accuser les gou- CAMEROON FOUNDATION a voulu apporter
l’affaire des Etats, on ne peut nier le fait vernements surtout lorsque la pollution est sa modeste contribution en cette journée
que la dégradation ou la pollution de cet le fait des populations qui déversent leurs
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N°12
verte, en procédant à l’assainissement du Pont remplis de bouteilles plastiques vers les moustiquaires prévus à cet effet.
d’Ayene, limite naturelle séparant les quartiers
Mvog-Mbi et Ekounou. C’est dans cette rivière
Le travail était organisé comme suit : les bouteilles étaient collectées
bondée de bouteilles plastiques qu’ECF a mené
de nombreuses activités avec ses multiples parte- pour être mises dans de grands sacs plastiques. Ensuite, le contenu de
naires afin de nettoyer entièrement ladite rivière ces sacs était déversé dans de grandes moustiquaires qui devaient servir
et de libérer son lit de tout obstacle ne permettant d’emballage pour le recyclage de ces bouteilles. Enfin, ces ordures finis-
pas son écoulement normal. C’est avec l’aide de saient soit dans les camions de la société HYSACAM pour le broyage, soit
plusieurs bénévoles, de l’équipe de la Fondation dans les camionnettes de l’entreprise Namé Recycling pour le recyclage.
Ces activités ne pouvaient se faire sans l’aide de ces grands partenaires dont
l’entreprise d’Hygiène et Salubrité du Cameroun (HYSACAM) qui a apporté son
soutien très significatif dans l’évacuation des déchets collectés. Cette Journée
a également reçu le soutien de la société de recyclage des bouteilles plastiques
Namé Recycling, entreprise très connue dans le domaine du recyclage des
bouteilles plastiques ; et celui de l‘association des jeunes du quartier d’Ekounou-
Ayene dénommée Code A.
Comme toute activité qui se veut logique, l’assainissement du pont d’Ayene visait
des objectifs clairs et précis. Il était donc logique que ces activités produisent
les effets qu’on attendait d’elles ainsi que des résultats palpables et mesurables.
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