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A POSTERIORI

DROITS ET PROTEC-

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TION DES VICTIMES
Nouveautés
Procédure : L’intérêt de
l’enfant comme nouvelle
DEVANT LES MÉ-
exception à l’épuisement
des recours internes
CANISMES AFRICAINS
Réflexions
Interdiction de la peine de mort
... Norme de Jus Cogens ?

OBLIGATIONS DES ÉTATS


Moyens ou résultats...?

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de l’Homme,
de l’Homme,
Humaine Le Centre
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Environnement
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de la Société civile affiliée à la Commission Nationale des
Environnement et Sécurité Humaine Droits de l’homme et des libertés du Cameroun
N°12

TA B L E DES M AT I È R E S
COMITÉ SCIENTIFIQUE
3 Si victime pouvait, si avocat savait...Oser le conten-
Dr. Frédéric FOKA TAFFO, tieux africain des droits de l’homme
Directeur de Publication
Editorial

Pr. Sariette BATIBONAK 5 L’intérêt supérieur de l’enfant : de principe directeur à


Dr. Christelle Corinne KAMGANG S. principe de bonne administration de la justice juvénile
Dr. Christophe FOE NDI
Pencrace BEBGA
Dr. Williams NYANDA
Dr. Richard MAKON 9 La peine de mort, une tendance abolitionniste très
Dr. Edouard YOGO poussée en Afrique
Dr. Frédéric FOKA TAFFO
COMITÉ DE RÉDACTION

Me Simon Pierre ETEME ETEME


13 L’exécution par les Etats des décisions de la Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
M. Pencrace BEBGA
Judith Fabien ATEMGA
Mme Marielle KOLOKOSSO
Mme Melyna Jacquy OKOME B. 17 La protection de l’environnement dans le système
M. Fabien ATEMGA (Stagiaire) africain de protection des droits de l’homme

SECRÉTARIAT Arnauld BOA

21 La protection du droit à la santé par les mécanismes


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2 CENTRE DE RECHERCHE A PRIORI


ÉDITORIAL
“Si victime pouvait, si avocat savait… oser le contentieux africain
des droits de l’homme”
Au Cameroun en particulier et en Afrique en général, les mécanismes africains de pro- que ce sont ces instruments juridiques interna-
tection des droits de l’homme souffrent d’une réelle méconnaissance de leur existence tionaux qui constituent la substance du droit ma-
et pour ceux qui en ont connaissance, d’une véritable inculture quant au droit et aux tériel invoqué devant ces mécanismes. Toutefois,
procédures qui y sont applicables. Cette situation ne va guère s’améliorer compte tenu il y a lieu de relever qu’en ce qui concerne la Cour
de l’éloignement géographique de ces mécanismes qui conduit immanquablement africaine, sa compétence matérielle va bien au-
à une distanciation vis-à-vis du contentieux qui s’y déroule. Or, que ce soit devant la delà de ces instruments juridiques pertinents pour
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, devant la Cour africaine embrasser l’ensemble des conventions relatives
des droits de l’homme et des peuples (où le Cameroun doit encore lever l’ultime ver- aux droits de l’homme régulièrement ratifiées par
rou procédural afin que les plaintes individuelles puissent y être introduites) ou devant l’Etat mis en cause dans une procédure donnée.
le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant, un contentieux Au regard de ce qui précède, il est donc bien clair
assez abondant s’y déroule chaque année permettant à de nombreuses victimes que les mécanismes africains n’ont aucune com-
des droits de l’homme sur le continent d’obtenir réparation des préjudices subis. pétence pour connaître des requêtes fondées sur
Cela étant, les mécanismes africains suscités représentent donc une réelle opportu- les législations nationales. Ceci s’explique pour
nité pour de nombreuses les deux raisons citées plus haut, à savoir : ils ne
victimes d’abus en tout sont ni des tribunaux de première instance et par
genre se rapportant à conséquent ne peuvent, sauf exception, connaî-
leurs droits fondamen- tre d’une affaire en premier ressort. Ensuite, ils ne
taux, de mettre fin auxdits sont pas des juridictions d’appel devant lesquelles
abus. Toutefois, il est au les victimes tenteraient d’obtenir la cassation ou
préalable indispensable la réformation des décisions des juridictions na-
de comprendre que ces tionales. C’est précisément cette incompétence
mécanismes ne sont ni des mécanismes africains de protection des droits
des tribunaux de première de l’homme à l’égard du droit national qui justifie
instance, ni des juridic- l’une des règles procédurales au cœur du con-
tions d’appel ou de cas- tentieux africain des droits de l’homme, à savoir :
sation. Il s’agit en réalité la règle de l’épuisement des voies de recours in-
de ce qu’il peut convenir ternes. Selon cette règle fondée sur l’obligation
d’appeler des organes de traité dont la mission principale est de garantir la bonne de protéger qui incombe à chaque Etat vis-à-vis
exécution des obligations conventionnelles par les différents Etats-parties. Ces ob- de ses citoyens, chaque victime d’une violation de
ligations conventionnelles sont relatives à la mise en œuvre des droits et libertés ses droits fondamentaux doit, à travers la saisine
des juridictions nationales, donner la possibilité à
l’Etat de réparer ladite violation selon ses règles de
droit interne. Ce n’est que dans les cas où l’Etat ne
veut pas ou ne peut pas, ou qu’après la procédure

“...l’heure n’est dès lors plus aux que-


interne, la victime n’est pas satisfaite, que cette
dernière peut alors porter l’affaire à l’attention

relles stériles sur les manquements


du mécanisme africain compétent en la matière.
Il s’agit dans ce cas de la mise en mouvement du

supposés ou avérés de l’Etat en termes


principe de subsidiarité suivant lequel les mé-
canismes internationaux ne se substituent pas

de protection des droits de l’homme. Il


aux juridictions nationales. Lorsqu’ils sont ainsi
mobilisés par les victimes, leur rôle n’est pas celui

est temps d’oser le contentieux africain


d’un réexamen de la procédure nationale. Bien
au contraire, il s’agit alors pour ces mécanismes,

des droits de l’homme et des peuples.”


au regard des faits de la cause, d’examiner si les
violations alléguées et/ou la procédure nationale
contreviennent aux droits tels que consacrés et
garantis dans les instruments juridiques perti-
nents dont ils sont les garants. Dès lors, il s’agit
alors d’un test de conformité du droit national
garantis dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Commission et des pratiques nationales vis-à-vis des instru-
africaine renforcée dans son action par la Cour africaine des droits de l’homme et ments juridiques africains ou internationaux per-
des peuples) et la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant. Il en découle tinents. La décision qui s’en suit n’est donc pas une
N°12
décision de réformation du jugement ou de l’arrêt pris au plan na- tional, régional et international. Il revient dès lors aux victimes et
tional, mais bien mieux, une décision de constatation du manque- à leurs avocats et conseils de porter ce discours, d’entretenir ce
ment de l’Etat à une ou plusieurs de ses obligations prises en vertu débat et, le cas échéant, d’engager des procédures contre l’Etat
du traité pertinent. En d’autres termes, l’examen d’une requête par lorsque ce dernier a failli à sa mission de garantir à chaque citoyen,
un mécanisme consiste en une évaluation du droit et des pratiques la pleine jouissance de ses droits tels que consacrés dans la Con-
nationaux au regard des engagements internationaux de l’Etat pris stitution et les instruments juridiques internationaux pertinents.
en vertu des Chartes africaines suscitées. Cet examen aboutit al- Ainsi présenté, l’heure n’est dès lors plus aux querelles stériles
ors à la constatation d’un manquement ou non de la part de l’Etat. sur les manquements supposés ou avérés de l’Etat en termes
Une fois le manquement constaté, le mécanisme africain demande de protection des droits de l’homme. Il est temps d’oser le
ou exige de l’Etat mis en cause qu’il prenne les mesures les plus ap- contentieux africain des droits de l’homme et des peuples.
propriées pour corriger ledit manquement. Les formes de réparation
peuvent alors inclure des garanties de non répétition, au moyen de la
réforme d’une loi contraire aux engagements internationaux de l’Etat;
une indemnisation de la victime compte tenu du dommage subi; la
restitution d’un titre de propriété arbitrairement retiré à la victime ou
la remise en liberté d’une victime au terme d’un procès contrevenant
aux principes élémentaires d’une saine administration de la justice.
En somme, bien que les mécanismes africains de protection
des droits de l’homme n’examinent pas le droit national, leur of-
fice permet de garantir la mise en œuvre efficace des droits de
l’homme au plan national à travers la juste réparation des viola-
tions subies par les victimes, quoique quelques défis semblent se
poser encore à la pleine garantie de l’exécution de leurs décisions.
Au regard de ce qui précède, nul ne peut plus douter que le con-
tentieux africain des droits de l’homme et des peuples a permis des
avancées notables dans de nombreux pays africains, à l’instar du
Nigeria, de la Tanzanie, de la Côte d’Ivoire, etc. en ce qui concerne
le cadre juridique et les pratiques touchant aux droits de l’homme.
Saisir les mécanismes africains des droits de l’homme représente ain-
si une immense opportunité de réparer des violations individuelles
des droits de l’homme, mais aussi de faire avancer un pays sur la voie
de la démocratie et de la protection des droits humains. L’Etat qui est
l’ultime garant de la protection des droits humains sur son territoire
a entrepris un certain nombre de démarches visant à favoriser le dis-
cours, le débat et la justiciabilité des droits de l’homme au plan na-

4 CENTRE DE RECHERCHE A PRIORI


L’intérêt de l’enfant
De principe directeur à principe de bonne administration de
la justice
tés à savoir l’exploitation sexuelle, l’exploitation
de leur travail et les pratiques néfastes (mariages
Pencrace BEBGA, Chercheur au CRAP forcés, mutilations génitales féminines), le Comité
d’experts apparait comme une vive nécessité pour
la protection holistique des droits de l’enfant.
bebga@centrederechercheapriori.com Malgré sa jeunesse[1], le Comité d’experts a su pré-
ciser le contenu des droits de l’enfant. A travers ses
Une dizaine d’années plus tôt, on aurait qualifié de jeune le sys- décisions rendues et ses observations générales, le
tème africain de protection des droits de l’homme. Aujourd’hui, Comité n’a pas manqué l’occasion de préciser et de
même s’il ne jouit pas de la même notoriété que les systèmes renforcer la compréhension de la signification et
américain et européen, il n’en demeure pas moins qu’il reste l’application des articles de la Charte[2].
un système à part entière qui n’a cessé de se perfectionner et Rappelant l’indissociabilité et l’interdépendance
de se particulariser. L’une des particularités de ce système est des droits de l’enfant[3], le Comité s’est inspiré de
d’avoir créé un sous-système de protection spécialement pour ses aînés, la Commission africaine des droits de
les enfants. l’homme et des peuples et la Cour africaine des
Cette protection spéciale des enfants est double, textuelle et droits de l’homme au plan régional, les Organes de
institutionnelle. Ainsi, le Comité africain d’experts sur les droits suivi des traités de l’ONU et les Cours européenne
et le bien-être de l’enfant s’est vu attribuer par la Charte afric- et interaméricaine au plan international.
aine des droits et du bien-être de l’enfant le mandat de proté- Ces droits trouvent leur source dans la Charte et
ger les droits de l’enfant sur tout le territoire africain, à condi- leur protection se fonde sur quatre grands princi-
tion bien entendu que les Etats aient ratifié ladite Charte. pes généraux[4]. Les principes généraux sont au
Vu les maux qui affectent les enfants tels que la pauvreté sens du Comité des guides à l’interprétation et à
ou la guerre, ou alors les dangers auxquels ils sont confron-
BULLETIN A POSTERIORI 5
la mise en œuvre des autres droits énon- emple, la politique du salaire minimum in- cas qui se posent à eux, prendre en compte
cés dans la Charte[5]. Parmi ces principes, terprofessionnel garanti, qui en réalité af- l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans le derni-
figure l’intérêt supérieur de l’enfant qui se fecte les enfants tant que ceux-ci sont sous er, s’agissant des conflits familiaux portés
pose en principe incontournable, principe la garde de leurs parents, doit prendre en devant le juge, l’autorité parentale s’incline
supérieur, véritable guide à l’action législa- compte leur intérêt surtout en ce qui con- face à l’intérêt supérieur de l’enfant.
tive, administrative et surtout judiciaire. Le cerne la capacité de leurs parents à réaliser Ainsi, les juges aussi bien aux affaires fa-
Comité a su faire de ce principe t qui vise leurs droits sociaux et économiques tels miliales qu’aux affaires pénales, doivent,
à sauvegarder la réalisation des droits des que l’éducation et le logement[8]. chaque fois qu’ils sont confrontés à un
enfants de manière efficace et contribuer à Cette prise en compte se poursuit dans problème pouvant refaçonner la famille de
leur développement holistique[6], un prin- l’action législative de l’Etat. Ainsi, toute loi l’enfant, qu’il s’agisse d’un divorce, d’une
cipe de bonne administration de la justice
des enfants.

1. L’intérêt de l’enfant, un prin-


cipe supérieur ? “L’enfant occupe une place unique et
La Charte africaine des droits et du bien-
être de l’enfant reconnaît quatre grands
privilégiée dans la société africaine. La
principes qui sous-tendent son application.
Cependant, il ne s’agit que de principes gou- mise en oeuvre et la matérialisation de
vernant les actions en faveur des enfants,
car d’autres principes régissent les normes ses droits ne sont pas des sujets à remettre
de droit international. Par exemple, en droit
international, la souveraineté de l’Etat est le
principe au-dessus de tous les autres, et en
à demain mais des sujets qui nécessitent
droit de la famille, seule l’autorité parentale
semble permettre à l’enfant d’exercer ses une attention et une action proactives
droits.
Cependant, selon l’article 4 de la Charte af- immédiates.”
ricaine des droits et du bien-être de l’enfant,
dans toute action concernant un enfant,
entreprise par une personne quelconque
ou une autorité, l’intérêt supérieur de nationale en faveur des enfants doit viser adoption, d’une garde ou d’une incarcéra-
l’enfant sera la considération primordiale. leur intérêt supérieur. Dans ce cas de figure, tion de parent, prendre en considération
Cet article permet de relever deux grands les lois pénales qui semblent mettre bien l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est pour
points. Premièrement, le principe est appli- plus un accent sur la répression pénitenti- cette raison le Comité propose des solutions
cable à toutes les décisions et actions con- aire, que sur la résolution d’un problème alternatives à la détention et aux peines
cernant les enfants. Pour le Comité, « ac- touchant les enfants[9], doivent tout sim- d’emprisonnement pour les prisonnières
tion» se comprend [comme] les omissions plement être abrogées ou alors, subir des enceintes et celles ayant des enfants[11].
et les commissions qui se manifestent dans amendements de sorte à privilégier l’intérêt S’il est vrai que le principe s’impose à toute
les décisions, les propositions, les services, de l’enfant. entité privée ou publique comme l’affirme
les procédures et autres mesures[7]. Dans Ensuite, ce principe s’impose à tout le l’article 4, on peut se permettre de croire que
ce sens également, il serait intéressant de monde. Dans ce contexte, « personne ce principe est aussi imposable à l’Etat et la
clarifier par la même occasion la nature de quelconque » est interprété au sens large jurisprudence du Comité d’experts le con-
ces actions. et implique que le principe de l’intérêt su- firme. Dans la communication opposant les
S’il est vrai que l’intérêt supérieur de l’enfant périeur de l’enfant doit être appliqué dans enfants d’ascendance nubienne représen-
est une donnée importante sinon la donnée toutes les actions concernant les enfants, tés par l’Institut pour les Droits Humains
première à prendre en considération dans indépendamment du fait que ces actions et le Développement en Afrique (IHRDA) et
toute action pouvant affecter de près ou de sont menées par des entités privées ou pub- l’Open Society Justice Initiative au gouverne-
loin l’enfant, il est loisible de croire que cet liques »[10]. En d’autres termes, l’intérêt ment du Kenya, le Comité d’experts a affir-
intérêt s’applique aux décisions de toute na- supérieur s’applique au juge, au législateur, mé que la pratique de routine qui consistait
ture, politique, législative, judiciaire, admin- à l’administrateur, au travailleur social et au à laisser les enfants d’ascendance nubienne
istrative, et même familiale. père de famille. sans nationalité pendant une période de 18
Dans ce sens, la prise en compte de l’intérêt C’est dans les domaines judiciaire, social et ans ne servait pas l’intérêt supérieur des
supérieur de l’enfant commence dès familial que l’intérêt supérieur de l’enfant enfants[12]. C’est pourquoi, s’appuyant sur
l’élaboration des politiques publiques des prend généralement tout son sens. Dans les l’obligation des Etats en matière de droits
Etats dans le domaine de la promotion et deux premiers cas, l’autorité administrative de l’homme qui est une obligation de résul-
la protection des droits de l’enfant. Par ex- et l’autorité judiciaire doivent dans tous les tat, et sur l’intérieur supérieur de l’enfant,

6 CENTRE DE RECHERCHE A PRIORI


le Comité a conclu à la nécessité pour ces ale et familiale. On peut donc sans risque de et la Commission africaines des droits de
enfants d’acquérir la nationalité kenyane, se tromper affirmer que l’intérêt supérieur l’homme et des peuples, que devant le
outrepassant ainsi le pouvoir discrétion- de l’enfant a supplanté tout autre principe jeune Comité d’experts, l’actio popularis est
naire de l’Etat kenyan d’accorder la nation- au point de devenir un principe de bonne admise au profit des victimes. Cependant,
alité aux enfants de descendance nubienne, administration de la justice. alors que la seule exigence de la Commis-
et l’invitant à prendre toutes les mesures sion est tournée vers le statut d’observateur,
pour que lesdits enfants aient droit à une 2. L’intérêt supérieur de l’enfant et que la Cour exige l’accord tacite des Etats
nationalité. à reconnaitre cette actio popularis, le Co-
La souveraineté de l’Etat semble attaquée comme principe de bonne ad- mité a quant à lui adopté une démarche
par un principe de droit qui, s’immisçant ministration de la justice juvé- un peu plus complexe, une actio popularis
dans la politique interne des Etats peut les nile dans le seul intérêt supérieur de l’enfant. En
obliger à adopter un certain type de lois effet, « conformément aux stipulations de
comme ce fut le cas dans cette décision, Le contentieux international des droits de la section I (3) des Directives révisées sur les
dans laquelle sans le vouloir, le comité a ap- l’homme est régi par des règles de procé- communications, une communication peut
pelé l’Etat kenyan à adopter une politique dure bien précises. Ces règles sont liées soit être présentée au nom d’un enfant victime
du jus soli, pour l’attribution de sa nation- à la saisine d’un forum international, soit à sans son consentement, à condition que le
alité aux enfants d’ascendance nubienne. la personne qui le saisit. plaignant soit en mesure de démontrer que
En réalité, cette souveraineté est amoindrie S’agissant de la personne qui saisit, il est son action est menée dans l’intérêt supéri-
à chaque fois qu’un Etat souscrit à une con- une règle en droit de la procédure qui veut eur de l’enfant[13] ».
vention protégeant les droits de l’homme, que ne saisisse que celui qui présente un in- Cette actio popularis a tout son sens
car en vertu du pacta sunt servanda, les térêt à le faire ; en d’autres termes : « pas lorsqu’on connait les obstacles juridiques
Etats sont tenus d’exécuter de bonne foi les d’intérêt pas d’action ». Cette règle procé- et sociaux auxquels doivent faire face les
obligations contenues dans les conventions durale fondamentale a été dépassée dans le enfants dans de nombreux pays africains.
internationales auxquelles ils sont parties. contexte du contentieux africain avec l’actio Dans ces derniers, les législations en vi-
Dans le cadre de la protection des droits popularis acceptée par la jurisprudence gueur ne permettent pas la saisine des ju-
des enfants, les conventions internationales de la Commission africaine des droits de ridictions par des enfants catégorisés com-
et régionales ont posé pour principe le re- l’homme et des peuples, et consacrée par le me des personnes mineures et incapables.
spect de l’intérêt supérieur de l’enfant dans Protocole créant la Cour africaine des droits Cette action permise par le Comité devrait
toutes les actions concernant l’enfant. Dès de l’homme et des peuples. L’action popu- d’ailleurs servir d’exemple à ces législations
lors, ce respect est vu comme une obliga- laire suggère une possibilité pour toute en- afin de permettre aux institutions et organ-
tion découlant de ces conventions et doit tité personne physique ou morale de saisir isations de la société civile qui ont pour but
de ce fait être exécutée de bonne foi. la juridiction qui l’admet. Il n’est donc exigé la promotion et la protection des droits de
L’intérêt de l’enfant semble remettre en aucune preuve d’intérêt ou de qualité pour l’enfant, de saisir les juridictions nationales
question tous les principes de droit, et se saisir ladite juridiction. pour renforcer la protection des droits de
pose en un principe non plus directeur, mais Cette actio popularis semble une règle cette catégorie éphémère du droit interna-
supérieur qui a réussi à s’imposer aussi bien bien établie en droit africain des droits tional des droits de l’homme.
sur la scène juridique et judiciaire que soci- de l’homme. Aussi bien devant la Cour

droits de l’homme à tel point qu’il est im-


A qui revient-il la tâche de déterminer ce re qu’est l’enfant. C’est d’ailleurs pourquoi il
possible pour toutes les victimes de saisir
qui est ou non dans l’intérêt de l’enfant ? peut être considéré, et à juste titre, comme
les mécanismes nationaux.
Les membres du Comité semblent les seuls le premier des principes qui gouvernent la
A cette liste, le Comité a rajouté un élé-
juges de cet intérêt. On peut néanmoins Charte des enfants.
ment important devant être pris en consi-
penser que l’intérêt de l’enfant n’est pas A côté de l’actio popularis, il existe une règle
dération dans le traitement des requêtes
celui du mandataire, encore moins celui de bien établie dans le contentieux interna-
au niveau national. Le non-respect de
ses parents. C’est donc dire que la procé- tional des droits de l’homme qui subodore
l’intérêt supérieur de l’enfant dans les
dure doit être exclusivement tournée vers la saisine de tous les recours nationaux judi-
procédures nationales est désormais une
l’enfant et surtout en ce qui concerne les ciaires, efficaces, disponibles et présentant
exception à l’épuisement des voies de re-
réparations et les sanctions qui ne doivent d’autres caractères exigés par les textes et
cours internes.
avoir pour objectif que la garantie du bien- la jurisprudence. Cependant, comme toute
En effet, le Comité dans plusieurs de
être et la survie et le développement de règle de droit, elle admet des exceptions.
ses affaires a affirmé que toute procé-
l’enfant. Ainsi, une procédure en réparation Pour les Commission et Cour africaines des
dure ne servant pas l’intérêt supérieur
pécuniaire d’un dommage issu d’un viol ne droits de l’homme et des peuples, la règle de
de l’enfant constitue une exception à la
sert pas l’intérêt de la jeune fille violée, mais l’épuisement des voies de recours ne trouve
règle de l’épuisement des voies de re-
certainement celui de ses parents. L’intérêt plus son sens lorsqu’il y a prolongation an-
cours internes. Selon lui, la procédure ju-
de l’enfant semble donc se situer au-dessus ormale des recours nationaux ou lorsque
diciaire indûment prolongée ne sert pas
non seulement du juge mais aussi du titulai- l’affaire présente une violation massive des

BULLETIN A POSTERIORI 7
N°12
paux incarcérés ou emprisonnés », 2013, § 8.
l’intérêt supérieur de l’enfant (article 4 l’intérêt de l’enfant dans le temps mis par eux [3] CAEDBE, Communication N°007/
Com/003/2015, Minority rights group interna-
de la Charte) et constitue une exception dans l’examen desdites procédures. C’est dire tional & SOS-esclaves au nom de Said Ould Sal-
à la règle de l’épuisement des recours in- que l’intérêt supérieur déborde le cadre de emn et de Yarg Ould Salem c. Mauritanie, § 81.
ternes[14]. principe guidant l’action du juge, pour se pos- [4] Ces principes sont entre autres, le droit à
la survie et au développement, le droit à la
parole et le principe de non-discrimination.
[5] Ibid., § 6.
[6] CAEDBE, Communication N° 003/
Com/001/2012, Centre pour les droits de
“Les enfants ne sauraient donc errer l’homme et la rencontre africaine pour la
défense des droits de l’homme c. Sénégal, § 34.

dans les limbes juridiques pour respecter


[7] Ibid., § 35.
[8] Lire en ce sens Pencrace BEBGA, «
le respect des droits de l’enfant comme

quelques règles juridiques formalistes.” pilier de développement et de démoc-


ratisation de la société, in Bulletin
d’information A Posteriori N°09, pp 25-29.
[9] C’est le cas de l’article 355-6 du code
pénal camerounais qui semble privilé-
gier l’incarcération plutôt que la réalisa-
tion du droit à l’éducation de l’enfant.
“La raison est simple. L’enfant occupe er en véritable principe procédural, gage de [10] CAEDBE, Communication
une place unique et privilégiée dans la bonne administration de la justice. N° 003/Com/001/2012, op cit., § 35.
société africaine. La vie d’un enfant ne Pour résumer, l’intérêt supérieur de l’enfant [11] CAEDBE, Observation gé-
nérale N°1, op cit., § 24 (a).
saurait être comparé à celle d’un adulte. s’impose à tous, et s’analyse dans toutes les [12] CAEDBE, Communication N°
De plus, les prérogatives reconnues aux décisions quelle que soit leur nature, judici- Com/002/2009, Institut pour les droits
enfants ne sont que passagères et durent aire, administrative et même politique. Dans humains et le développement en Af-
le temps que dure l’enfance. Or, un an de ce sens, le juge est tenu de s’en remettre à rique (IRHDA) & Open society justice ini-
la vie d’un enfant correspond à presque cet intérêt supérieur, le politique ne doit se tiative au nom d’enfants d’ascendance
nubienne au Kenya c. Kenya, §42-50.
six pour cent de son enfance, l’esprit et fixer comme objectif que la prise en compte [13] CAEDBE, Communi-
le but et de la Charte des enfants et des de l’intérêt supérieur de l’enfant dans cation N°007/Com/003/2015, op cit.
textes annexes exigent un certain degré l’élaboration des politiques publiques, et les [14] CAEDBE, Communication N°
d’urgence. La mise en œuvre et la maté- autorités administratives dans les décisions Com/002/2009, op. cit., § 32 & CAEDBE, Commu-
rialisation des droits des enfants en Af- telles que le placement des enfants, doivent nication N°007/Com/003/2015, op cit., §29.
[15] CAEDBE, Communication N°
rique ne sont pas des sujets à remettre impérativement examiner le meilleur intérêt Com/002/2009, op. cit., § 33.
à demain mais des sujets qui nécessitent de ceux-ci. Cependant, il faut le relever, il ap- [16] Ibid., § 29.
une attention et une action proactives parait que la détermination de l’intérêt supéri- [17] CAEDBE, Communication N°007/
immédiates[15]. L’Etat et ses institu- eur de l’enfant ne dépend pas de la volonté de Com/003/2015, op cit., § 66.
tions sont garants des droits de l’homme, ce dernier. Cette notion qui semble flexible et
des enfants et des femmes. En tant que malléable à souhait ne vise en réalité que la
gardien ultime des enfants, ceux-ci doi- réalisation du bien-être de l’enfant et la ga-
vent de manière proactive prendre des rantie de sa survie et son développement[17].
mesures législatives, administratives afin Ce principe n’est donc guidé que par un autre
de mettre fin à une situation de violation principe à savoir la survie et le développement
des droits des enfants. Les enfants ne de l’enfant. Il peut parfois être modéré par un
sauraient donc errer dans les limbes ju- autre, celui du droit de l’enfant à la parole.
ridiques pour respecter quelques règles Bien entendu, ce droit est limité par des consi-
juridiques formalistes”[16]. dérations d’ordre biologique et psychologique,
Cette exception doit être lue avec des l’enfant ne pouvant pas donner son avis à tout
éléments liés au délai raisonnable et à âge. Peut-être qu’au final, il n’existe pas de
la célérité des procédures, et au carac- hiérarchie entre les principes généraux des
tère éphémère et passager des droits droits de l’enfant, mais plutôt une complé-
de l’enfant. La précarité des droits de mentarité.
l’enfant due à l’enfance qui n’est qu’une
phase dans le développement de l’être
humain, ne peut permettre l’examen des [1] Le Comité africain d’experts sur les droits et le
procédures liées aux enfants comme s’il bien-être des enfants est une institution jeune dont
le volume du contentieux ne semble pas encore
s’agissait de procédures liées aux autres conséquent. Cette jeunesse ne l’a cependant pas
catégories de personnes (les adultes). empêché de rendre une dizaine de décisions dont
Les juges sont donc tenus non seulement quatre sur le fond et sept déclarées irrecevables.
de prendre en considération l’intérêt de [2] CAEDBE, Observation générale N°1 (article 30
l’enfant dans leur décision, mais aussi de la charte africaine des droits et du bien-être de
l’enfant) sur « les enfants de parents ou tuteurs princi-
et surtout de prendre en considération

8 CENTRE DE RECHERCHE A PRIORI


JUIN 2019

LA PEINE DE
MORT
Une tendance abolitionniste très
poussée en Afrique
Dr. Frédéric FOKA TAFFO,
Directeur de Recherche au CRAP
frediffok@yahoo.fr
La peine de mort reste et demeure un sujet de grands débats au regard
notamment des nouvelles formes de violence telles que le terrorisme qui
heurtent les sensibilités, réveillent les instincts et libèrent les passions.
Comment dans ce contexte se faire le défenseur du droit à la vie pour
tous, y compris pour ceux qui ont commis les pires crimes que l’humanité
toute entière réprouve? Comment dans ce contexte continuer le plaid-
oyer contre la peine de mort face à des groupes terroristes ou autres qui
se font de plus en plus violents et n’ont, eux-mêmes, aucun égard pour
la vie humaine? Ces deux interrogations semblent conforter l’idée que
la peine de mort est la solution pour lutter contre la grande criminalité.
Toutefois, la véritable question est celle de savoir si l’on peut prétendre
défendre et protéger des vies en détruisant la vie. Autrement dit, l’Etat
doit-il répondre à l’horreur par l’horreur et la brutalité? Il ne fait aucun
doute que la réponse à cette question ne peut être que négative.En effet,
l’Etat a la responsabilité première de protéger la vie. Est-il encore néces-
saire de rappeler que la protection du droit à la vie est une norme coutu-
mière du droit international comme le souligne fort à propos la Commis-
sion africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après Commission
africaine)[18]? En vertu de cette norme, il en découle un principe de pro-
tection de la vie auquel l’Etat est tenu de se soumettre. La protection de
la vie dont il est ici question n’est pas seulement celle des honnêtes ci-
toyens, elle est aussi celle des pires criminels que la société a pu générer.
BULLETIN A POSTERIORI 9
Dans cette optique, toute atteinte à la vie est une violation du à la vie est le droit suprême de l’être humain”[19]. À ce titre, il
droit à la vie protégé par l’article 4 de la Charte africaine des droits mérite d’être protégé en toutes circonstances. Toutefois, il reste
de l’homme et des peuples (ci-après Charte africaine). Dans la que l’interdiction de la peine de mort ne peut pas se lire à trav-
même veine, toute exécution de la peine de mort peut être per- ers la Charte africaine, d’où la réticence de la Commission af-
çue comme une atteinte à la dignité humaine, elle-même protégée ricaine à adopter une position de principe sur cette question.
en tant que droit aux termes de l’article 5 de la Charte africaine.
La question qui en découle est donc celle de savoir si la peine de mort
est ou non compatible à la Charte africaine des droits de l’homme et

La peine de mort, dans de nombreux cas de figure, est


incompatible avec la Charte africaine. Nul ne peut
à notre époque ignorer la tendance franchement
abolitionniste des Etats à l’égard de cette peine.

a. La compatibilité de la peine de mort avec la Charte


des peuples? S’il est vrai que la Commission africaine dont le mandat
est l’interprétation et l’application de cette Charte s’est montrée as- africaine
sez prudente quant à adopter une position de principe sur cette ques-
tion, il reste tout de même qu’au fil de ses décisions, elle a progres- La Commission africaine a clairement eu l’occasion de se prononcer
sivement construit un cadre assez étouffant pour la peine de mort. sur la question de savoir si la peine de mort est compatible avec la
Charte africaine. À ce propos, elle affirme et avec beaucoup de sub-
tilité qu’”il serait naturellement arbitraire, de la part de la Commis-
1. La prudence quant à l’adoption d’une posi- sion et compte tenu de ses décisions précédentes sur la peine de
tion de principe sur l’interdiction de la peine de mort, que ladite Commission décide soudainement que la pratique
mort en Afrique de la peine de mort en Afrique constituerait, dans tous les cas de fig-
ure, une violation de l’article 4”[20]. Il ressort de ce qui précède une
Pour la Commission africaine, il ne fait aucun doute que “le droit position assez claire, à savoir que: la peine de mort, dans de nom-
breux cas de figure, est incompatible avec la Charte africaine. Cepen-

10 CENTRE DE RECHERCHE A PRIORI


dant, il reste difficile de généraliser ces différents cas de figure pour
parvenir à une interdiction complète. Cette analyse s’harmonise Toutefois, consciente de ce que la peine de mort est une néga-
parfaitement avec le message-clé de la Commission africaine sur tion des droits à la vie et à la dignité humaine qu’elle a pour
la peine de mort qui se décline comme suit: “il est difficilement mandat de protéger, la Commission africaine n’a pas man-
concevable que, si elle est sollicitée à l’avenir pour ce faire, la Com- qué l’occasion de tisser autour de cette peine, une cami-
mission puisse juger que la peine de mort, quel que soit son mode sole si étouffante qu’elle conduit presque immanquable-
d’application, n’est plus compatible avec la Charte africaine”[21]. ment à une situation d’interdiction de fait de la peine de mort.

En réalité, la Charte africaine en son article 4 se limite à poser le prin-


cipe du caractère sacré et inviolable de la vie. Elle ne fait nullement
2. Un encadrement asphyxiant pour la peine
mention de la peine de mort contrairement à d’autres instruments de mort
internationaux tels que le Pacte international relatif aux droits civils
et politiques (ci-après PIDCP). On peut donc en déduire avec la Comme relevé ci-haut, la Charte africaine affirme le caractère sacré
Commission africaine “que la Charte n’autorise pas l’imposition de de la vie humaine “mais n’interdit que les atteintes arbitraires au
la peine de mort par exception au droit à la vie dont l’inviolabilité droit à la vie et à l’intégrité physique et morale de la personne. On
est ainsi proclamée”[22]. En clair, pour la Commission africaine, la pourrait en déduire que dans les cas extrêmes où une telle atteinte
peine de mort ne peut se concevoir comme une exception au droit est inévitable, elle ne doit pas être arbitraire, c’est-à-dire qu’elle doit
à la vie. Ce droit est absolu même si la tendance abolitionniste a du se conformer à la loi”[27]. Il en découle donc que la peine de mort,
mal à se cristalliser sur le plan global. Quoi qu’il en soit, pour la Com- pour être conforme à la Charte africaine, se doit d’être non seule-
mission africaine, “nul ne peut à notre époque ignorer la tendance ment conforme à la loi, mais aussi éviter les travers de l’arbitraire.
franchement abolitionniste des Etats à l’égard de cette peine”[23].
a. La peine de mort: une exception très encadrée au
b. Le rappel de la tendance abolitionniste mondiale principe de l’inviolabilité de la vie humaine

La tendance mondiale en vue de l’abolition de la peine de mort a L’une des particularités de la Charte africaine est qu’elle ne com-
clairement pris un coup d’accélérateur avec l’adoption le 15 décem- porte pas de clause limitative générale. L’objectif d’une telle ab-
bre 1989 par l’Assemblée générale des Nations unies du deuxième sence de limitation générale doit se comprendre comme la volo-
protocole facultatif se rapportant au PIDCP visant à abolir la peine nté d’éviter toute restriction abusive des droits, une restriction ne
de mort. Aujourd’hui dans le monde, 106 pays ont aboli la peine de devant intervenir que dans des conditions très limitées et légale-
mort pour tous les crimes, 08 pays ont aboli la peine de mort pour ment encadrées. Cette mesure a pour effet de limiter les circon-
les crimes de droit commun, 28 pays, dont le Cameroun, sont abo- stances dans lesquelles les Etats peuvent à loisir imposer des re-
litionnistes en pratique et 56 pays sont non abolitionnistes[24]. Il strictions futiles et fantaisistes à la jouissance de certains droits.
découle de ces chiffres que près des ¾ des Etats dans le monde ont Plus encore, pour que de telles restrictions soient admissibles, elles
rejoint en droit ou en fait la tendance abolitionniste globale. Dans ne doivent pas seulement avoir été édictées conformément à la
toutes les affaires où elle a à se prononcer sur la peine de mort, la législation nationale, mais elles doivent être conformes aux obli-
Commission africaine considère que ce serait une “négligence” de sa gations internationales de l’Etat. En effet, la Commission africaine
part de rendre une décision sans “avoir reconnu l’évolution du droit n’a eu cesse de rappeler que chaque fois que la Charte prescrit
international et la tendance vers l’abolition de la peine de mort”[25]. la restriction de la jouissance ou la limitation d’un droit confor-
C’est sur ces fondements que la Commission mément à la loi, la norme à laquelle il est fait référence, ne peut
africaine a tenu elle aussi à soutenir le mouve- s’entendre exclusivement de la législation nationale de l’Etat Con-
ment abolitionniste en adoptant la Résolution cerné. Une telle loi doit s’entendre plutôt comme faisant référence
exhortant les Etats parties à observer le mora- tant au droit national qu’aux normes internationales, en mainte-
toire sur la peine de mort dans laquelle elle in- nant à l’esprit que la législation nationale elle-même doit être
vite tous les Etats qui ne l’ont pas encore fait, conforme aux obligations internationales de l’Etat concerné[28].
à ratifier le Deuxième protocole facultatif se Cette position de la Commission n’autorise pas à rouvrir le débat
rapportant au PIDCP visant à abolir la peine de sur la conventionalité de la peine de mort, mais plutôt à souligner
mort. En sus, la Commission africaine dans ses le fait que tout prononcé de la peine de mort doit être fait dans la
décisions encourage tous les Etats parties à la stricte observance des règles fondamentales du procès équitable.
Charte africaine à prendre toutes les mesures L’objectif ici visé est de se prémunir de toute exécution de la peine
nécessaires pour s’abstenir d’exercer la peine de mort prononcé de façon arbitraire. Il s’en suit donc que toute
de mort[26]. Cette attitude traduit une grande exécution prononcée au cours d’un procès non conforme à l’article
élégance de la part de la Commission africaine 7 de la Charte qui énonce les règles à observer dans le cadre du
qui soutient fortement la tendance abolition- procès équitable, est incompatible avec l’article 4 de la Charte af-
niste, mais s’abstient de trahir son mandat ricaine. En clair, une telle exécution viole le droit à la vie. Par con-
en décidant que cette peine est contraire à la séquent, la Commission africaine dans ses décisions successives,
Charte africaine. Ce faisant, elle reste fidèle à adopte une position de principe suivant laquelle “l’imposition
son mandat qui est d’interpréter et d’appliquer d’une sentence de mort à l’issue d’un procès inéquitable – ou d’un
la Charte, et non de réécrire la Charte pour procès qui ne répond pas aux critères définis par l’article 7 de la
y inclure ce qui n’y est manifestement pas. Charte – constitue nécessairement une violation de l’article 4 de
la Charte”[29]. Si du point de vue procédural, la peine de mort est

BULLETIN A POSTERIORI 11
N°12
interdite lorsqu’elle est consécutive à une procédure irrégulière, nent notamment le meurtre, compte tenu du fait que cette infraction
existe-t-il aussi une interdiction s’agissant des droits substantiels? correspond elle-même à une privation arbitraire du droit à la vie[37].

La démarche ici envisagée n’est plus de sanctionner le recours


b. L’exécution de la peine de mort comme traitement ou à la peine de mort comme décision prise à la suite d’une procé-
peine cruel, inhumain ou dégradant dure irrégulière ou de sanctionner les modalités de son exécu-
tion parce qu’elles sont contraires à la protection de la dignité
L’article 5 de la Charte africaine protège le droit à la dignité hu- humaine. Il s’agit plutôt d’encourager les différents Etats à des ré-
maine et consacre la protection en tous lieux et en toutes circon- formes légales visant à limiter les infractions qui sont passibles de
stances contre la torture et les peines ou traitements cruels, inhu- la peine de mort. D’après la Commission africaine, ne devraient
mains ou dégradants. Dans cette optique, l’exécution de la peine pas être passibles de la peine de mort les crimes économiques, les
de mort peut-elle être perçue comme une atteinte au droit à la crimes non-violents ou les crimes n’ayant pas fait de victimes hu-
protection de la dignité humaine? Selon la Commission africaine, maines de même que les infractions liées au trafic de drogue[38].
“la position actuelle de la législation internationale des droits de
l’homme sur la peine de mort [est] que lorsqu’une peine de mort En définitive, il faut retenir qu’il est difficile d’interpréter une quel-
est prononcée, elle doit être exécutée de manière à réduire au conque disposition de la Charte africaine pour arriver à conclure que
minimum les souffrances physiques et mentales”[30]. Ceci traduit la peine de mort est interdite par cet instrument régional de protec-
en un “duty to minimize unnecessary suffering”[31], autrement tion des droits de l’homme. Toutefois, la peine de mort viole des
dit, une obligation de réduire les souffrances inutiles causées par dispositions fondamentales de la Charte africaine, notamment celles
l’exécution. D’après cette obligation, la Commission africaine a de qui protègent les droits à la vie et à la dignité humaine lorsque: i) elle
façon non équivoque établi que “les exécutions peuvent équivaloir est prononcée au terme d’une procédure ne respectant pas les ob-
à un traitement ou peine cruel, inhumain et dégradant si les souf- ligations fondamentales liées au procès équitable; ii) lorsqu’elle est
frances causées par l’exécution sont excessives et vont au-delà de exécutée de manière à ne pas garantir la protection du condamné à
la stricte nécessité”[32]. Sauf que dans cette perspective, il est dif- mort contre des souffrances excessives; et iii) lorsqu’elle sanctionne
ficile d’envisager une méthode d’exécution qui ne soit pas suscep- des crimes autres que des crimes graves, notamment le meurtre et
tible de causer au condamné à mort des souffrances excessives. les crimes particulièrement violents tels que recensés par le droit
En effet, les différentes méthodes d’exécution répertoriées dans le international pénal. En clair, pour tout Etat soucieux de respecter
monde en 2018 sont la décapitation, l’électrocution, la pendaison, ses obligations internationales fondamentales découlant de l’article
l’injection létale et la mise à mort par arme à feu[33]. S’agissant de 1er de la Charte africaine, la meilleure option, pour se prémunir de
la pendaison, la Commission africaine estime que “cette pratique toute “condamnation” par les organes régionaux de contrôle que
cause des souffrances excessives et n’est pas réellement nécessaire sont la Commission et la Cour africaines, est de s’abstenir de pro-
et que, par conséquent, elle est contraire à l’article 5 de la Charte noncer la peine de mort, voire de l’abolir purement et simplement.
africaine”[34]. De même, partageant la position du Comité des En effet, la Commission africaine “estime qu’il est de plus en plus
droits de l’homme créé en vertu du PIDCP, la Commission estime difficile d’envisager une affaire dans laquelle la peine de mort aurait
que la méthode d’exécution par asphyxie au gaz constitue elle aus- été exécutée d’une manière qui ne serait pas plus ou moins arbitrai-
si un traitement cruel, inhumain et dégradant[35]. En somme, elle re”[39] et donc, constitutive d’une violation de la Charte africaine.
est d’avis qu’à “l’heure actuelle, aucune méthode d’exécution n’a
[18] Noah Kazingachire c. Zimbabwe, para. 137 .
été jugée acceptable en vertu de la législation internationale”[36]. [19] Sudan Human Rights Organisation c. Soudan, para. 146.
Autrement, toutes les méthodes d’exécution constituent des trait- [20] Interights et autres c. Botswana, para. 66.
ements cruels, inhumains et dégradants et à ce titre, sont con- [21] Ibid. para. 69.
traires à l’article 5 de la Charte africaine. Il serait ici superfétatoire [22] Groupe de Travail sur les dossiers judiciaires stratégiques c. Répub-
de rappeler que l’interdiction de la torture et les peines ou traite- lique démocratique du Congo, para. 69.
[23] Ibid.
ments cruels, inhumains et dégradants est absolue et non déroge- [24] Amnesty International, Rapport mondial 2018, Condamnations à mort et exé-
able aussi bien sous le prisme du droit international des droits de cutions, disponible sur www.amnesty.be, p. 52.
l’homme que sous le prisme du droit international humanitaire. [25] Interights et autres c. Botswana, para. 52.
[26] Ibid.
[27] Groupe de Travail sur les dossiers judiciaires stratégiques c. Répub-
c. La nécessité de la proportionnalité entre la peine de lique démocratique du Congo, para. 65.
mort et le crime commis [28] Ibid. para. 67.
[29] Interights et autres c. Botswana, para. 64. Voir aussi l’affaire In-
En rapport avec le droit à la vie, la Commission africaine pose le prin- terights au nom de Ken Saro Wiwa c. Nigeria, para. 103.
[30] Ibid. para. 84.
cipe de la proportionnalité avec le crime commis. En d’autres termes, [31] Spil & Mack c. Botswana, para. 169.
elle affirme clairement que la peine constitue une violation du droit [32] Interights et autres c. Botswana, para. 84.
à la vie lorsque l’imposition de la peine de mort est disproportionnée [33] Amnesty International, op. Cit. p. 10.
en comparaison avec la gravité du crime commis. Par conséquent, [34] Interights et autres c. Botswana, para. 87.
seule l’imposition de la peine de mort aux “crimes les plus graves” ne [35] Spil & Mack c. Botswana, para. 166. Voir aussi devant le Comité
des droits de l’homme, l’affaire Ng c. Canada.
constitue pas une atteinte au droit à la vie protégé par l’article 4 de la [36] Interights et autres c. Botswana, para. 85.
Charte africaine. La Commission comprend le terme “crimes les plus [37] Spil & Mack c. Botswana, para. 202-204.
graves” dans son acception telle que posée par le Statut de Rome de [38] Ibid.
la Cour pénale internationale. Ces crimes les plus graves compren- [39] Interights et autres c. Botswana, para 66.

12 CENTRE DE RECHERCHE A PRIORI


JUIN 2019

La bonne foi des Etats dans ...


L’exécution des décisions de la Cour Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples.

Judith Fabien ATEMGA


Chercheur Stagiaire au CRAP
fabienatemga@yahoo.comby John Doe, photos by Doe Johnson

L’idée d’avoir recours aux institutions pour promouvoir sur le continent africain. Ainsi dans sa phase contentieuse, la Cour peut
et protéger les droits humains en Afrique apparait, prendre des décisions à deux moments différents de la procédure :
rappelons-le, pour la première fois en 1961 lors du congrès pendant l’instruction, elle peut prendre des mesures provisoires. Une fois
des juristes africains organisé par la Cour Internationale l’instruction terminée et afin de clore la procédure, elle rend des arrêts.
de Justice (ci-après CIJ) à Lagos au Nigeria. On se souvient La question que l’on se pose dans cette étude est celle de savoir comment
que la « loi de Lagos » plaidait pour une Cour africaine les Etats exécutent les décisions de la Cour africaine des droits de l’homme
des droits de l’homme à l’image de la Cour européenne, et des peuples ? Quelles réflexions peut-on faire quant à l’exécution de
mais que cette disposition, de même que toutes celles ces décisions ? A la vérité, l’élément qui attire le plus notre attention en
relatives à la mise sur pied d’un système de protection des ce qui concerne les décisions de la Cour est leur exécution. Rappelons que
droits de l’homme ont été, à cette époque, reléguées à dans le domaine des droits de l’homme, l’efficacité de la protection se
l’arrière-plan des préoccupations des gouvernements des mesure par ce respect de l’exécution des arrêts des instances en charge
Etats africains. Après plusieurs années d’atermoiements, la du contrôle desdits droits. Comme toute décision de justice, l’exécution
volonté de rédiger un protocole relatif à la charte africaine des décisions (mesures provisoires ou arrêts) de la Cour africaine des
portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme droits de l’homme et des peuples est, en principe, obligatoire (1), mais
et des peuples est née des faiblesses institutionnelles, du en réalité volontaire (I).
manque des moyens et donc de la relative inefficacité de la
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples
constatée par les Organisations Non Gouvernementales 1. Une exécution obligatoire des décisions de la Cour
(ci-après ONG) et reconnue officiellement par l’Organisation
de l’Unité Africaine (ci-après OUA) en 1994[40]. Finalement,
le protocole relatif à la Charte africaine des droits de L’opposabilité directe des décisions de la Cour (mesures provisoires ou
l’homme et des peuples portant création d’une Cour arrêts) aux Etats condamnés (a) et le suivi de cette exécution (b) sont les
africaine des droits de l’homme est adopté le 10 juin 1998 deux modes de réalisation de l’exécution obligatoire des décisions de la
à Ouagadougou au Burkina Faso par la conférence des chefs Cour.
d’Etats et de gouvernement de l’Union africaine (ci-après
UA). La Cour a donc compétence pour connaitre de toutes
les affaires et de tous les différends dont elle est saisie a. L’opposabilité directe des décisions de la Cour aux Etats
concernant l’interprétation et l’application de la Charte, condamnés
du Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif
aux droits de l’homme et ratifié par les Etats concernés[41].
La procédure contradictoire d’examen d’une affaire devant la Cour consiste,
comme en droit national, dans les confrontations des parties pendant les
De nature juridictionnelle justement, la nouvelle instance audiences[42]. Lorsque, suffisamment éclairés et les audiences terminées,
de promotion et de protection des droits de l’homme qu’est les juges se retirent, délibèrent en privé et rendent leur décision dans
la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, vient les quatre-vingt-dix (90) jours qui suivent la clôture de l’instruction de
seconder et surtout renforcer l’action de la Commission l’affaire. Rappelons que la Cour rend sa décision finale par un arrêt. Aussi,
africaine des droits de l’homme et des peuples dans sa les arrêts de la Cour sont pris à la majorité des juges, en précisant que
mission de protection des droits de l’homme et des peuples l’arrêt de la Cour est définitif et ne peut faire l’objet d’appel. L’arrêt a force

BULLETIN A POSTERIORI 13
obligatoire pour les Etats, contrairement aux communications Le protocole, plus loin a pris le grand soin de confier le suivi de l’exécution
de la commission africaine des droits de l’homme et des des arrêts de la Cour au Conseil des ministres de l’Union Africaine. Celui-ci
peuples. Il convient d’ajouter le fait que l’arrêt est prononcé peut adopter les directives ou règlements qui ont force obligatoire afin
en audience publique, les parties étant dûment prévenues. de faire pression sur les Etats « récalcitrants[44] ».
L’arrêt est toujours motivé. Enfin, les arrêts de la Cour sont
pris à la majorité des juges présents à l’audience. Pour
l’examen de chaque affaire portée devant elle, la Cour siège Notons toutefois avec SIDIKI KABA[45] qu’il est dommage que le suivi de
avec un quorum d’au moins sept (7) juges. Retenons à toutes l’exécution des arrêts de la Cour africaine sorte de la sphère judiciaire
fins utiles que la Cour africaine des droits de l’homme et des pour entrer dans le domaine politique. Retenons que le Conseil des
peuples est composée de onze (11) juges au total. ministres est composé de l’ensemble des ministres de l’Union Africaine.
Paradoxalement, ceci permet aux ministres des Etats non parties au
protocole d’avoir la responsabilité du suivi des exécutions des arrêts de
Néanmoins, le fait pour la Cour de rendre publique sa décision la Cour. Un petit bonheur pour la Cour Africaine des droits de l’homme
et de l’envoyer aux Etats membres de l’Union Africaine et et des peuples consiste en ce qu’elle peut adresser à la conférence des
au Conseil des ministres constitue un moyen de pression chefs d’Etats et de gouvernements un rapport annuel de ses activités
important difficilement négligeable par les Etats condamnés. dans lequel elle mentionne, à l’instar des deux autres Cours régionales
De la même façon, en faisant circuler et connaitre les décisions (Cour européenne et Cour interaméricaine), les cas d’inexécution de
de la Cour, les Organisations Non Gouvernementales (ci-après ses décisions. A dire vrai, l’on ignore si cette exigence peut amener la
ONG) peuvent agir sur la réputation et l’image internationale Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement à exiger des Etats
de l’Etat ne respectant pas la décision de la Cour. Par exemple, l’exécution des arrêts de la Cour ou s’il s’agit juste de faire pression sur
à en croire SIDIKI KABA[43], l’on ignore si l’exigence visée par l’Etat concerné. Mais que faire, quelle contrainte exercée à l’endroit d’un
l’article 31 du protocole peut amener la conférence des chefs Etat « récalcitrant[46] » qui refuse de s’exécuter ? A cette question fort
d’Etat et de gouvernement (l’organe suprême de l’Union intéressante, les tenants de la théorie volontariste semblent prendre
Africaine (ci-après UA)) à exiger des Etats l’exécution des le dessus lorsqu’ils affirment sans peur d’être contredits que la société
arrêts de la Cour ou s’il s’agit toujours de faire pression sur la internationale et le droit international sont des donnés substantielles
réputation d’un Etat. Une fois rendue, la décision prend effet, relevant du consentement du « sujet-majeur par excellence » du droit
comme toute décision de justice, dès leur prononcé. Notons des gens, à savoir les Etats. Les décisions de la Cour africaine des droits
cependant que le délai d’exécution de l’arrêt est fixé par la de l’homme et des peuples, bien que contraignantes, sont d’une portée
Cour en fonction de chaque affaire. Il n’y a donc pas un délai relative quant à leur exécution.
fixe préalablement défini par le protocole pour l’exécution
des arrêts de la Cour africaine des droits de l’homme et des
peuples. 2. Une exécution à la réalité volontaire

b. Le suivi de l’exécution des décisions de la Cour Ici, nous verrons d’une part l’exécution des décisions de la Cour à travers
la règle de droit international « pacta sunt servanda »[47] (a) et, d’autre
part le silence du protocole sur le principe de « l’autorité de chose jugée
» des décisions de la Cour (b).

14 CENTRE DE RECHERCHE A PRIORI


a. L’exécution des décisions de la Cour à travers la effet l’Etat tanzanien. Malgré tout, l’Etat de Tanzanie a pu exécuter de
règle de droit international “pacta sunt servanda“ « bonne foi » la décision dans un « délai raisonnable »[51] à lui prescrit
par la Cour.
La formule « pacta sunt servanda » semble remonter à
Cicéron puisqu’il utilisait régulièrement cette expression Par contre, suite à la crise électorale en Côte d’Ivoire, une action
dans ses offices[48] bien longtemps avant sa consécration intentée par l’ONG « Actions pour la protection des droits de l’homme
en droit international. de Côte d’Ivoire », laquelle ONG demandait à la Cour de constater que
la Commission électorale indépendante de Côte d’Ivoire ne respecte pas
les exigences d’indépendance et d’impartialité contenues dans la Charte
Pacta sunt servanda (« les conventions doivent être africaine de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance
respectées ») est une locution latine signifiant que les et par conséquent, de condamner l’Etat de la Côte d’Ivoire à réviser
parties sont désormais liées au contrat venant d’être conclu cette loi au regard de ses engagements internationaux. Après avoir
et qu’à ce titre elles ne sauraient déroger aux obligations entendu les deux parties, la Cour, dans une décision rendue à travers
issues de cet accord. En effet, l’obligatoriété d’une décision l’arrêt n°001/2014 du 18 novembre 2016[52], a clairement constaté
de justice postule quelque coercition pour son exécution, que l’Etat de Côte d’Ivoire a violé son obligation de créer un organe
tandis que l’intervention de la volonté implique la notion électoral indépendant et impartial tel que prévu par l’article 17 de
« des conventions » et des effets qu’elles créent. Bien que la charte africaine sur la démocratie et l’article 3 du protocole de la
liant les parties et eu égard à l’idée en droit international CEDEAO. Mais, contre toute attente, la Côte d’Ivoire n’a pas respecté
public du « pacta sunt servanda », les conventions sont à le délai d’exécution d’un (1) an et, n’a donc pas exécuté la décision de
l’antipode de la contrainte. D’ailleurs les deux expressions la Cour. Pire encore, la Cour n’a pas, elle aussi, pris une mesure pour
véhiculent, à notre sens, des notions et des idées opposées. contraindre l’Etat ivoirien à s’exécuter.
C’est un peu comme en droit commercial avec le concept
de commerce et de la philanthropie, « le premier étant à

L’on s’accorde à considérer que pour un Etat


partie à un litige, “se conformer“ à un arrêt rendu
consiste à l’exécuter de bonne foi et volontairement.

l’antipode du second », et paraphrasant cette expression, il Toute chose qui, au regard de ces deux arrêts, rassure à suffire que
découle que jamais l’esprit « caritatif » ne pourra faire route l’exécution des décisions de la Cour africaine des droits de l’homme et
ensemble avec celui « du lucre ». Pareillement, le volontaire des peuples dépende de la volonté des Etats et donc de leur « bonne
exclura toujours d’une façon ou d’une autre l’idée de la foi ». Pour finir, il y a lieu, quand même, de relever le distinguo entre la
contrainte. En revanche, au-delà de cette guerre notionnelle règle pacta sunt servanda et la bonne foi dans l’exécution des décisions
acharnée, le protocole est là et a posé le principe selon de la Cour. La règle du pacta sunt servanda n’est qu’un commandement
lequel l’exécution des arrêts par les Etats est ‘’obligatoire’’ d’exécution d’une obligation ; elle ne donne pas la mesure de ce qui est
mais volontaire. C’est en tout cas l’envers de l’affaire du à exécuter, problème qu’elle suppose résolu. C’est au niveau préalable
lotus qui avait pris soin de réaffirmer que « les règles de de la détermination du contenu de l’obligation à exécuter (arrêt) que
droit liant les Etats procèdent à la volonté de ceux-ci »[49]. la bonne foi est indispensable.
Ainsi, laissée aux Etats tenus par l’autorité de chose jugée
dont ils sont revêtus, l’exécution des actes juridictionnels
définitifs appelle peu de commentaires. Les parties doivent b. Le silence du protocole sur le principe de « l’autorité de
se conformer au jugement et lui donner de bonne foi les chose jugée » des décisions de la Cour
suites nécessaires. Et pourtant, la majorité des affaires
portées devant la Cour sont rejetées avant même que les
allégations de violations soient examinées. Cela résulte Il ne faut pas s’en étonner tant déjà en droit privé que la notion classique
principalement de la complexité de la procédure, et en d’« autorité de chose jugée » est source d’ambiguïté. Il ne pouvait
particulier des conditions de recevabilité et d’admissibilité en aller autrement une fois la notion empruntée par la doctrine et
des plaintes, ce qui présente un obstacle à ce que cette Cour transposée aux décisions de la Cour africaine des droits de l’homme
devienne véritablement accessible par tous. Cependant, et des peuples.
les décisions déjà rendues par la Cour sont exécutées de
manière mitigée par les Etats : d’autres Etats en ont respecté
tandis que certains se sont montrés réticents.

Pour l’exemple, la Cour africaine des droits de l’homme et Il est à déplorer le silence que le protocole instituant la Cour a affiché
des peuples a rendu en 2013, en l’affaire Révérend Mtikila au sujet de l’autorité à assigner aux décisions de la Cour. En effet,
c/ Tanzanie, son premier arrêt au fond[50]. La décision l’article 30 dispose tout simplement que « les Etats parties au présent
traite de la conformité de l’obligation d’affiliation partisane protocole s’engagent à se conformer aux décisions rendues par la Cour
pour tout candidat aux élections avec la Charte africaine dans tout litige où ils sont en cause et à en assurer l’exécution dans le
des droits de l’homme et des peuples. Pour la Cour, une délai fixé par la Cour ». Rappelons que le délai d’exécution de l’arrêt
telle obligation viole le droit de participer à la direction est fixé par la Cour en fonction de chaque affaire. Il n’y a pas un délai
des affaires publiques de son pays, la liberté d’association fixe préalablement défini par le protocole. Cependant, aucune mesure
et le droit à la non-discrimination ; et a condamné à cet de contrainte n’est prévue pour le moment dans le protocole pour

BULLETIN A POSTERIORI 15
N°12

assurer l’exécution des décisions de la Cour africaine et limites du système africain de protection nec dolo malo, et praetores sint ».
des droits de l’homme et des peuples. L’on s’accorde des droits de l’homme : la naissance de la Cour
à considérer que pour un Etat partie à un litige, « se africaine des droits de l’homme et des peuples
conformer » à un arrêt rendu consiste à l’exécuter », in revue des droits fondamentaux, (article [49] Voir Moïse CIFENDE KACIKO,
de bonne foi et volontairement. Cette dernière en ligne), disponible sur le site : www.Droits- Droit international public, Notes
exigence découle notamment de ce que dépourvus fondamentaux.org, 2004, consulté le 8 Mai 2019. de cours, inédites, G.3, Faculté
de formule exécutoire, les arrêts de la Cour africaine d e d ro i t , U.C . B . , 2 0 0 5 - 2 0 0 6 .
des Droits de l’Homme et des Peuples ne vaudront
pas titre exécutoire. « Déclaratoires pour l’essentiel [42] Comme en droit national, les audiences
», ils n’auront d’effet dans le droit interne d’un Etat de la Cour sont publiques. Néanmoins, la Cour [50] Voir l’arrêt du 14 juin 2013 sur
qu’à travers un acte d’exécution. Puisqu’en tout état peut décider de tenir les audiences à huis clos, les affaires jointes Tangayika Law
de cause, « l’Etat est un plaideur méfiant. Replié sur dans des conditions qui sont prévues dans Society $ The Legal and Human
sa souveraineté, il accepte mal le jugement d’un le règlement intérieur (article 10 alinéa 1). Rights Centre c. Tanzanie et Révérend
tiers »[53]. Au regard de cet argument qui précède, Christopher R. Mtikila c/ Tanzanie.
il serait alors intéressant que la décision de la Cour
soit accompagnée d’une formule (exécutoire) pour [43] SIDIKI KABA, « La Cour africaine des
contraindre l’Etat « récalcitrant[54] » à s’exécuter. droits de l’homme et des peuples », in [51] Puisque dans l’arrêt, la Cour
www.fidh.[org, consulté le 6 mai 2019. ordonne à la Tanzanie de « prendre
toutes les mesures constitutionnelles,
In fine, il est difficile d’imaginer des procédures législatives et autres dispositions utiles
telles que la contrainte par corps, la saisie-arrêt [44] OULD CHEINA Ch. SIDI MOHAMED, « La dans un délai raisonnable, afin de mettre
reconnue en droit interne pour contraindre les Etats Cour africaine des droits de l’homme et des fin aux violations constatées et informer
à s’exécuter. L’Afrique doit alors prendre un peu de peuples : un processus de longue haleine », la Cour des mesures prises à cet égard ».
temps pour découvrir quelle procédure les autres (article en ligne), disponible sur le site : www.
Cours homologues (la Cour européenne, la Cour google.fr/search, consulté le 7 mai 2019.
interaméricaine …) utilisent pour assurer l’efficacité [52] L’arrêt n°001/2014 du 18
de l’exécution de leurs décisions. Retenons qu’en novembre 2016 de la Cour africaine
droit comparé par exemple, les Etats condamnés par [45] SIDIKI KABA, « La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples
la Cour européenne des droits de l’homme à payer des droits de l’homme et des peuples », dans l’affaire ONG « Actions pour la
des indemnités se sont, jusqu’à présent, acquittés in www.fidh.org, consulté le 6 mai 2019. protection des droits de l’homme de la
de leur obligation. Cependant, vu la lenteur avec Côte d’Ivoire » c/ Etat de Côte d’Ivoire.
laquelle ils s’exécutaient, la Cour a été obligée à
partir d’octobre 1991 de préciser dans ses arrêts [46] OULD CHEINA Ch. SIDI MOHAMED,
que l’indemnité devrait être versée dans les trois « La Cour africaine des droits de l’homme [53] Philip C. et De Cara J.Y. «
(3) mois qui suivent le prononcé de l’arrêt. Depuis et des peuples : un processus de longue Nature et évolution de la juridiction
janvier 1996, en cas de non-exécution dans ce délai, haleine », Op.cit., consulté le 7 mai 2019. internationale », SFDI, La juridiction
elle prévoit même le paiement d’intérêts moratoires. internationale permanente, Colloque
C’est peut-être alors cette nouvelle mesure qui vient de Lyon, Paris, Pedone, 1987, P.26.
renforcer, davantage aujourd’hui, l’exécution des [47] C ’est-à-dire « les conventions
arrêts de la Cour européenne. D’où notre plaidoyer doivent être respectées ».
pour la Cour Africaine à suivre cette démarche.
[48] Cicéron écrit dans ses offices : « Pacta et
41] Lire à cet effet, ATANGANA AMOUGOU (J.L.), « Avancées promissa semperne servanda sint, quae nec vi

16 CENTRE DE RECHERCHE A PRIORI


JUIN 2019

La protection de l’environnement par les


mécanismes africains
Arnauld BOA
arnauldboa@gmail.com
Si le terme « environnement » ne fait pas
encore l’objet d’une définition universell-
ement admise en droit positif, son encad- modernes sur l’environnement. Le système
rement juridique contribue par contre africain de protection des droits de l’homme
à délimiter l’étendue de cette notion en énormément leurs ressources naturelles
s’inscrit dans la même dynamique avec la con- pour sortir du sous-développement nonob-
déterminant les règles légales applicables sécration de la protection de l’environnement
en cas d’atteinte à l’environnement. La pro- stant l’augmentation des différentes formes
dans ses principaux instruments régionaux de pollutions dans leurs grandes métropo-
tection internationale de l’environnement de protection des droits de l’homme. Il vise
a connu une progression sans précédent les, la progression de la dégradation de
le respect de ces principes fondamentaux à l’environnement et des changements cli-
avec les conférences de Stockholm (1972), travers la mise en place d’un cadre juridique
Nairobi (1982), Rio (1992), Johannesburg matiques sur le continent. Au surplus, le
et institutionnel adapté à la gestion durable faible recours aux juridictions régionales
(2002) et Rio (2012). Elles ont permis à la des écosystèmes. Cependant, le spectre de
communauté internationale de prendre notamment la Cour et la Commission afric-
la dégradation de l’environnement continue aine des droits de l’homme et des peuples,
des mesures incitatives et contraignantes à planer sur les Etats africains qui exploitent
pour limiter les impacts négatifs des Etats ainsi que des Cours sous-régionales de la

BULLETIN A POSTERIORI 17
CEMAC et de la CEDAO, pose en filigrane le planification, à la gestion et à la préservation Dans l’affaire du peuple Ogoni [61], la
problème de la justiciabilité du droit à un de l’environnement ainsi qu’à l’utilisation CoADHP a constaté que le Nigéria violé
judicieuse des ressources naturelles à tous
environnement sain dans le système afric- les niveaux; (…) (d) réglementer la gestion, le droit à la santé et le droit à un envi-
ain de protection des droits de l’homme. En la transformation, le stockage et l’élimination ronnement propre, tels que reconnus aux
d’autres termes, comment le système afric- des déchets domestiques; (e) veiller à ce articles 16 et 24 de la CADHP. La Commission
ain de protection des droits de l’homme que les normes appropriées soient respec- a tenu à préciser dans cette affaire que « Le
tées pour le stockage, le transport et
garantit-il la protection de l’environnement droit à un environnement général satisfai-
l’élimination des déchets toxiques » [56]. La
? La réponse à cette problématique per- Charte africaine des droits et du bien-être de sant tel que garanti en vertu de l’article 24
mettra d’analyser dans un premier temps l’enfant[57], quant à elle, insiste sur la néces- de la Charte africaine ou le droit à un envi-
l’effectivité de la protection juridique de sité d’éduquer l’enfant africain au respect de ronnement sain, comme c’est bien connu,
l’environnement dans le système afric- l’environnement et des ressources naturelles impose en conséquence des obligations
(art. 11 g). Ces instruments régionaux con-
ain de protection des droits de l’homme sacrent la protection de l’environnement claires au gouvernement. Cela requiert de
(1). Dans un second moment, il sera ques- comme un droit fondamental de la personne l’État de prendre des mesures raisonnables
tion de comprendre l’ampleur des limites humaine et conforte la position du système et d’autres mesures pour prévenir la pollu-
d’application des normes africaines de africain de protection des droits de l’homme tion et la dégradation écologique, favoriser la
sur le caractère indivisible et interdépendant
protection de l’environnement (2) afin préservation de l’environnement et garantir
des différentes générations des droits de
d’améliorer l’efficacité des actions du l’homme. Selon la Commission africaine des un développement écologiquement durable
système africain de protection des droits droits de l’homme et des peuples, « les droits et l’utilisation des ressources naturelles
de l’homme en la matière. collectifs, environnementaux, économiques »[62]. Il se dégage de cette interprétation
et sociaux sont des éléments essentiels des du droit à un environnement sain que le
droits de l’homme en Afrique. La Commission
1. L’effectivité de la protection Africaine appliquera n’importe lequel des gouvernement nigérian aurait dû ordonner
juridique de l’environnement droits contenus dans la Charte Africaine. La et mettre en place une surveillance scien-
dans le système africain de pro- Commission saisit cette occasion pour clar- tifique indépendante des environnements
tection des droits de l’homme et ifier qu’il n’y a pas de droit dans la Charte
des peuples Africaine que l’on ne puisse mettre en œuvre
menacés, exiger et publier des études sur
l’impact social et environnemental avant
»[58].
La protection de l’environnement est au cœur tout développement industriel majeur. Au
du système africain de protection de droits de surplus, il devait entreprendre la surveil-
La Commission africaine des droits de
l’homme dans la mesure où l’implémentation lance appropriée et informer les communau-
l’homme et des peuples (CoADHP) est inter-
de cette prérogative est essentielle pour la
venue très sporadiquement pour protéger tés exposées aux activités et produits dan-
réalisation d’autres droits fondamentaux de
l’environnement notamment dans l’Affaire gereux, ainsi qu’offrir aux individus la pos-
la personne humaine notamment le droit au
Centre for Minority Rights Development
logement, à la santé, au travail, à l’éducation, sibilité d’être entendus et de participer aux
(Kenya) et l’Affaire Minority Rights Group
à l’alimentation… La consécration du droit à décisions relatives au développement affec-
(pour le compte d’Endorois Welfare Council)
un environnement sain par les principaux tant leurs communautés.
c./ Kenya[59]. Dans la première affaire, la
instruments régionaux de protection des
Commission a mis l’accent sur l’opposition
droits de l’homme garantit la justiciabilité
qui peut naître dans la mise en œuvre des En somme, les affaires des peuples Endorois
de cette prérogative devant les juridictions
droits garantis par la CADHP en l’occurrence

THE POWER
compétentes en la matière. Cependant, la
faible implémentation des normes africaines
de protection de l’environnement permet
de saisir leur étendue et leur portée non-
obstant la construction d’une doctrine et
surtout d’une jurisprudence spécifique en
: le droit à la terre des peuples autochtones
et la protection des espaces naturels peu
ou très menacés. Cependant, la CoADHP
insiste sur le fait que « la consécration du
principe de consentement libre, préalable et
éclairé et du principe d’étude d’impact envi-
et Ogoni atteste de la justicibilité du droit des
peuples à un environnement sain devant la
CoADHP et la CrADHP bien que cette dernière
ne se soit pas encore prononcée dans le fond
sur une affaire relative à la violation de ce
la matière. droit. A la lecture de ces communications,
ronnemental avant l’exécution d’un projet de
développement sur les terres ancestrales des la protection de l’environnement impliquer-
La Charte africaine des droits de l’homme peuples autochtones s’avère être un moyen ait le respect des principes de prévention, de
et des peuples (CADHP) consacre à son de confirmer le rôle incontournable des précaution et de réparation des dommages
article 24 le droit des peuples à un envi- peuples autochtones dans la protection de
ronnement satisfaisant et global, propice l’environnement »[60]. Il est important de causés à l’environnement. Par conséquent,
à leur développement[55]. Dans le même relever que la reconnaissance par la CoADHP tout manquement à cette obligation posi-
sens, le Protocole à la Charte africaine des du droit des peuples à un environnement tive des Etats parties à la CADHP engage de
droits de l’homme et des peuples relatif aux sain est le résultat d’une déduction puisque, leur responsabilité internationale pour vio-
droits des femmes, consacre à son article 18 dans l’affaire du peuple Endorois, l’article
al. 1 le droit des femmes de vivre dans un lation de l’article 24 de la Charte nonob-
24 de la Charte ne fait pas partie des droits
environnement sain et viable. Son alinéa 2 réclamés par le requérant. La CoADHP n’a pas stant la persistance des obstacles juridiques
revient sur les obligations positives des Etats manqué de montrer le lien entre cette affaire et opérationnels à la mise en œuvre de cette
en la matière, notamment : « (a) assurer une avec celle des Ogoni c Nigéria. prérogative.
plus grande participation des femmes à la

18 CENTRE DE RECHERCHE A PRIORI


2. Les limites du système (art. 47). La mise œuvre de cette préroga- obligations de garantir le droit d’accès aux
africain de protection des droits tive n’a pas vraiment prospéré à en croire moyens de recours et d’obtenir réparation à
de l’homme et des peuples en son unique recourt dans la communication toute victime de violation des droits humains
matière environnementale 227/99, opposant la République démocra- notamment dans les affaires Achutan et
tique du Congo aux Républiques du Burundi, Autres c. Malawi[66], Institut pour les droits
du Rwanda et de l’Ouganda en raison de « la humains et le développement en Afrique c.
Le système africain de protection des droits préférence des États à régler leur conflit en République d’Angola[67]. C’est à ce titre que
de l’homme est un mécanisme subsidiaire dehors des instances internationales, surtout la République fédérale du Nigéria devrait
aux juridictions nationales. C’est dire que ce lorsqu’il s’agit de questions sensibles »[64]. dans l’affaire du peuple Ogoni : « arrêter les
mécanisme n’a pas une compétence immédi- attaques contre les communautés Ogoni et
ate en matière de règlement des différends au leurs dirigeants par les forces de sécurité de
sein des Etats. Les difficultés liées au respect Les communications individuelles devant la
Commission, quant à elles, sont soumises l’Etat du River State ; mener des enquêtes
des conditions de saisine de la CoADHP et sur les violations des droits de l’homme sus-
de la CrADHP constituent entre autres des à sept conditions de recevabilité (art. 56).
Tout manquement à ces conditions entraine visées et en poursuivant en justice les auto-
obstacles juridiques majeurs à la protection rités des forces de sécurité, le NNPC et les
de l’environnement par le système africain le dessaisissement de la CoADHP comme ce
autres agences impliquées dans les viola-
tions des droits de l’homme ; s’assurer
qu’une compensation adéquate soit
versée aux victimes des violations des
droits de l’homme, de même qu’une

Il est clair que l’exécution des décisions assistance pour la réinstallation des vic-
times de raids menés sur ordre du gou-
vernement, et en procédant à un nettoy-
de la CoADHP et de la CrADHP repose age total des terres et rivières polluées/
endommagées par les opérations liées

sur des bases qui comportent elles- à l’exploitation pétrolière » [68]. Dans
le même sens, la CrADHP peut ordon-
ner le paiement d’une compensation
mêmes les causes de leur inexécution financière, des frais et dépens à la con-
dition d’apporter la preuve du préju-
par les Etats parties à la Charte. dice subi par tout moyen. Cette répara-
tion peut également prendre la forme
soit des garanties de non-répétition, par
exemple l’adoption de mesures de droit
interne, soit des mesures de satisfaction,
de protection des droits de l’homme. Par fut le cas dans l’affaire Peter Odiwuor Ngoge à l’exemple de la publication et de la diffusion
ailleurs, la résolution de ces limites opéra- c. la République du Kenya[65]. Dans cette de l’arrêt de la Cour sanctionnant les viola-
tionnelles en matière de réparation des affaire, le plaignant reprochait au gouver- tions des droits de l’homme[69].
dommages causés à l’environnement per- nement kenyan la violation entre autres de
mettrait d’assurer la protection efficace de l’article 24 de CADHP. La CoADHP a rejeté la L’application des décisions de justice de la
l’environnement compte tenu de la difficile communication du plaignant au motif qu’elle CoADHP et de la CrADHP reste un élément
implémentation des décisions de la CoADHP n’a pas satisfait aux exigences des alinéas 3, 5 essentiel de l’efficacité du système afric-
et de la CrADHP par les Etats parties à la et 6 de l’article 56 relatifs aux termes outrag- ain de protection des droits de l’homme en
Charte. eants et insultants à l’égard de l’Etat défend- matière environnementale. Cette situation
eur, à l’épuisement des recours internes et au est entre autres due à la nature juridique
La CoADHP et la CrADHP sont les principales respect du délai raisonnable d’introduction des décisions rendues notamment par la
institutions régionales en charge de la pro- du recours devant la CoADHP. Dans l’examen CoADHP et à la volonté politique des Etats
motion et la surveillance de l’application des au fond, la CoADHP statue sur les éléments qui sont tenus de réparer les torts subis
droits garantis par la CADHP. Elles sont com- matériels (droits présumés violés) de la com- par les victimes lorsque leur responsabil-
pétentes, selon des procédures différentes, munication indépendamment de leurs impli- ité internationale est établie. Toutefois, la
pour examiner les situations de violations cations sur la violation d’autres droits proté- CoADHP peut saisir la CrADHP quand un Etat
des droits de l’homme[63]. Les articles 46 ger par la CADHP. C’est en l’occurrence le cas partie au Protocole n’a pas mis en œuvre les
à 59 de la CADHP détaillent les procédures de l’affaire des Endorois où, malgré la consis- mesures provisoires ou de réparation indi-
et les pouvoirs de protection des droits de tance des faits alléguant ou présumant des quées à l’occasion de l’examen d’une com-
l’homme confiés à la CoADHP. Cette dernière atteintes à l’environnement, la CoADHP ne munication[70]. Ces mesures provisoires
est compétente pour recevoir et examiner les constate pas la violation du droit des peuples peuvent être ordonnées à l’Etat défendeur
communications étatiques ou individuelles à un environnement sain (l’article 24) malgré dans les cas d’extrême gravité ou d’urgence
relatives à des violations des droits proté- les similitudes faites avec l’affaire du peuple et lorsqu’il s’avère nécessaire d’éviter des
gés par la CADHP, et de procéder à des inves- Ogoni. dommages irréparables à l’environnement
tigations. En effet, tout État partie qui con- ou à des personnes. Le cas du militant de
sidère qu’un autre État partie a violé les dis- Par ailleurs, la CADHP ne comporte aucune la cause Ogoni, Ken Saro-Wiwa arrêté le 22
positions de la CADHP a la possibilité, par disposition sur l’obligation de réparation. mai 1994 et condamné à mort avec ses 8 co-
communication écrite, d’attirer l’attention de La CoADHP a pallié cette insuffisance nor- accusés, illustre parfaitement la complexité
cet État et de lui demander des explications mative en rappelant aux États parties leurs de la réalisation de ces prérogatives[71]. Il

BULLETIN A POSTERIORI 19
en est de même des décisions de la CrADHP [58] CoDHP, Communication 155/96, 15e [71] Dans cette affaire, le Secrétariat de la CoDHP a
puisque « l’engagement d’exécuter les arrêts Rapport annuel d’activités (2001-02), para. 68. adressé une note verbale au gouvernement, soulig-
de la Cour est pris sur une base volontaire nant que l’affaire était en cours d’examen et appelant
(art.30 du Protocole). Aucune mesure de [59] CoADHP, communications n° 276/03 du 25 les autorités nigérianes à suspendre l’exécution jusqu’à
contrainte n’est prévue pour le moment novembre 2009, Affaire Centre for Minority Rights ce qu’elle en débatte dans le fond. Malgré cette injonc-
dans le Protocole pour assurer leur exé- Development (Kenya) et Minority Rights Group tion, l’exécution est intervenue le 10 novembre 1995.
cution »[72]. L’article 29.2 dudit Protocole (pour le compte d’Endorois Welfare Council) / Kenya.
confie le suivi de l’exécution des arrêts de [72] Guide Pratique de la Cour africaine des
la CrADHP au Conseil exécutif de l’UA alors droits de l’Homme et des peuples : vers la Cour
que le système inter-américain de protec- [60] Idem, p. 173.
africaine de justice et des droits de l’Homme,
tion des droits de l’homme en fait la chasse FIDH, avril 2010, p. 128, in https://www.
gardée de sa Cour. Au surplus, le Protocole [61] CoDHP, Communication n° 155/96 du 27 f i d h . o rg / I M G / p d f / G u i d e C o u r A f r i ca i n e . p d f.
de la CrADHP est muet quant au type de octobre 2001, Affaire Social and Economic
sanctions que ce Conseil exécutif pour- Rights Action Center (SERAC) and Center for
rait prendre à l’égard des Etats qui refuse- Economic and Social Rights (CESR) / Nigéria. [73] Idem, p. 129.
raient de mettre en œuvre les décisions de la
Cour[73]. Il est clair que l’exécution des déci- [62] Ibidem, par. 52.
sions de la CoADHP et de la CrADHP repose
sur des bases qui comportent elles-mêmes
les causes de leur inexécution par les Etats [63] Cf. https://dictionnaire-droit-humani-
partis à la CADHP. taire.org /content/article/2/commission-
et-cours-africaines-des-droits-de-lhomme/

[64] Nisrine Eba Nguema, « Recevabilité des commu-


nications par la Commission africaine des droits de
En somme, les conditions d’examen sur l’homme et des peuples », In La Revue des droits de
la recevabilité et sur le fond des commu- l’homme [En ligne], 5 | 2014, mis en ligne le 27 mai
nications ou des plaintes adressées à la 2014, consulté le 21 janvier 2019. URL : http://journals.
CoADHP et à la CrADHP peuvent constituer openedition.org/revdh/803 ; DOI : 10.4000/revdh.803.
des obstacles matériels à la protection de
l’environnement. Toutefois, il s’agit de garde-
fous qui permettent de garantir le respect Dans ce cas, la saisine de la CoDHP ne vise pas
du principe de subsidiarité à la base de la à prononcer un jugement mais de chercher une
création de ces institutions complémen- solution à l’amiable, à la lumière des explica-
taires aux juridictions nationales. Il appar- tions écrites et orales fournies par les États inté-
tient au requérant de maitriser les condi- ressés. En cas d’échec du règlement amiable, elle
tions de saisine et d’examen des requêtes remet un rapport accompagné éventuellement de
de ces instruments de promotion et de pro- recommandations non obligatoires (art. 52) aux
tection des droits garantis par la CADHP. Au États concernés et à la Conférence des chefs d’État.
surplus, la résolution des limites liées à la
réparation des atteintes à l’environnement [65] CoDHP, Communication n° 524/15 du
permettrait aux Etats et à leurs ressortissants 18 octobre 2018, Affaire Peter Odiwuor
de s’impliquer davantage pour son respect et Ngoge et 3 autres c. La République du Kenya.
sa réalisation sur le continent africain.
[66] Communications 64/92, 68/92 et 78/92,
Krischna Achutan, Amnesty International c.
Malawi, 7e rapport annuel d’activités, § 12

[67] Communication 292/2004, Institut pour les droits


[55] La Charte africaine des droits de humains et le développement en Afrique c. République
l’homme et des peuples adoptée par d’Angola, 24e rapport annuel d’activités, § 86.
l’OUA à Nairobi au Kenya, le 27 juin 1981.
[68] Cf. CoDHP, Communication n° 155/96 du
2 7 octobre 2001, Affaire Social and Economic
[56] Le Protocole à la Charte africaine des droits
de l’homme et des peuples relatif aux droits des Rights Action Center (SERAC) and Center for
femmes adopté à Maputo au Mozambique, le 11 Economic and Social Rights (CESR) / Nigéria.
juillet 2003, et entré en vigueur le 25 novembre 2005.
[69] Cf. CrADHP, 14 juin 2014, Révérend Christopher
[57] La Charte africaine des droits et du bien-être R. Mtikila c. République-Unie de Tanzanie, Requête
de l’enfant adoptée à Addis Abéba en Éthiopie, le 11 n° 011/2011 – Arrêt portant sur la réparation.
juillet 1990 et entrée en vigueur le 29 novembre 1999.
[70] Cf. Art. 119.3 du Règlement intéri-
eur intérimaire de la Commission afric-
aine des droits de l’Homme et des peuples.

20 CENTRE DE RECHERCHE A PRIORI


O b lig ations d e
m oy en s o u d e
r é s u lta t s ?

La Protection du droit à la santé par les mécanismes


africains
Dr. Christophe FOE NDI, Chercheur au CRAP
de réalisation du droit à la santé, d’abord comme
droit de l’homme et ensuite comme droit essentiel
à la réalisation de l’ensemble des autres droits et
libertés fondamentaux.

En effet, comme le souligne fort à propos la Com-


La Charte africaine des droits de l’homme et mission africaine des droits de l’homme et des
des peuples consacre en son article 16 le droit peuples, “la jouissance du droit à la santé telle que
qu’a toute personne de jouir du meilleur état de largement connue est essentielle dans tous les
santé physique et mentale qu’elle soit capable aspects de la vie et du bien-être d’une personne,
d’atteindre. Dans cet article, elle invite expres- mais aussi dans la réalisation de tous les autres
sément les Etats parties à la Charte à s’engager à droits humains et libertés fondamentales”[74].
prendre les mesures nécessaires en vue de pro- En réalité, la réalisation du droit à la santé va bien
téger la santé de leurs populations et de leur as- au-delà de la simple garantie du droit d’accès aux
surer l’assistance médicale en cas de maladie. Cet biens et services de santé, pour englober un large
engagement se greffe et se juxtapose à celui déjà éventail d’obligations se rapportant à la prise en
pris au titre de l’article 1 de la même Charte dans compte des déterminants de santé telles qu’entre
lequel les Etats parties s’engagent à adopter des autres: l’alimentation, le logement, la qualité de
mesures législatives ou autres pour appliquer les l’environnement, l’hygiène, la pratique du sports,
droits énoncés dans ladite Charte. Il en découle etc. C’est précisément pour cette approche holis-
donc qu’en matière de santé de façon spécifique, tique que la Commission africaine des droits de
pèse sur les Etats une double obligation en matière
BULLETIN A POSTERIORI 21
l’homme et des peuples a opté. Cepen- mondiale. bien-être de cette personne dépendent
dant, il ne suffit pas de définir les mesures Pour ce faire, les Etats doivent donc con- totalement des autorités”[81]. L’Etat a
à prendre en vue de la pleine réalisation sidérablement investir dans la construc- donc une obligation fondamentale de
du droit à la santé, encore faudrait-il rap- tion de centres de santé, d’hôpitaux et s’assurer que tous ses citoyens, y com-
peler à l’Etat que nonobstant ses difficul- de toutes les structures capables de fa- pris aussi bien les couches vulnérables
tés, il a l’obligation de produire des résul- voriser un accès sans entraves financières que les personnes faisant l’objet d’une
tats dans la garantie du droit à la santé ou géographiques des populations aux détention, aient un accès sans entraves
des populations. soins, services et biens de santé. Cette aux services et biens de santé. Cette ob-
obligation s’étend aux mesures néces- ligation s’étend aussi aux mesures de
1. Le choix d’une approche ho- saires en vue de rendre les médicaments prévention en santé, en prenant notam-
disponibles et à un coût accessible aux ment compte des déterminants de la
listique dans la protection du
droit à la santé
Il est indéniable que percevoir la réalisa-
tion du droit à la santé seulement sous
l’angle de l’accès aux soins et aux médica-
ments est assez réducteur des exigences
En clair, une double obligaton procède de
de ce droit qui ne se limite pas seulement
à la prise en charge de la maladie mais
l’artcle 1 de la Charte : c’est à la fois une
porte aussi sur sa prévention. C’est dans
cette optique que les Etats parties à la obligation de moyen et de résultat.
Charte africaine doivent, dans la réalisa-
tion du droit à la santé, intégrer cette ap-
proche holistique qui suppose au-delà de
la garantie de l’accès aux soins et aux mé- malades, notamment en encourageant santé.
dicaments, de tenir dûment compte des le recours aux médicaments génériques
déterminants de santé. et en luttant efficacement contre les faux b. La nécessaire prise en compte
médicaments. Cette obligation s’étend des déterminants de la santé
a. La protection du droit d’accès également à la protection de la santé
aux soins et aux médicaments de groupes vulnérables tels que les per- D’après l’Organisation Mondiale de la
sonnes handicapées et les personnes Santé, les déterminants de la santé sont
La Commission africaine affirme claire- détenues. Concernant les personnes les circonstances dans lesquelles les in-
ment que le droit à la santé “comprend handicapées, notamment les personnes dividus naissent, grandissent, vivent,
le droit à des structures de santé, l’accès atteintes de maladie mentale, la Commis- travaillent et vieillissent ainsi que les
aux biens et services qui doivent être ga- sion africaine relève que: “du fait de leur systèmes mis en place pour faire face
ranti à tous, sans discrimination d’aucune condition et en raison de leur handicap, à la maladie. Ces circonstances qui re-
sorte”[75]. Par conséquent, elle estime les malades mentaux devraient bénéfi- flètent des choix politiques, dépendent
que le manque ou la pénurie de médica- cier d’un traitement spécial qui leur per- de la répartition du pouvoir, de l’argent
ments dans un pays ou une région de ce mettraient, non seulement d’atteindre, et des ressources à tous les niveaux,
pays est une violation du droit à la santé mais aussi de maintenir leur niveau mondial, national et local. Ces détermi-
imputable à l’Etat[76]. Il ne fait aucun optimal d’indépendance et de perfor- nants sont l’une des principales causes
doute que la mise en œuvre du droit à mance”[78]. des inégalités en santé, c’est-à-dire des
la santé dans les Etats parties à la Charte Se rapportant aux personnes détenues, écarts injustes et importants que l’on
africaine commande que soient mises en la Commission africaine affirme que: “the enregistre au sein d’un même pays ou
place des structures capables de délivrer purpose of the rules on material condi- entre les différents pays du monde[82].
au minimum des soins de santé primaires tions of detention is to ensure that the La réalisation du droit à la santé, sous
et, autant que faire se peut, des soins de detaining authorities adequately provide peine d’être incomplète, ne peut se
santé secondaires et tertiaires aux popu- for detainees’ physical and psychological comprendre sans une action adéquate
lations frappées par la maladie. Cette needs”[79]. Elle martèle cette position en et suffisante en vue de réduire les effets
obligation s’insère parfaitement dans soulignant que: “States are under the ob- néfastes que ces déterminants peuvent
l’Agenda 2063 de l’Union africaine dont le ligation to respect the right to health by, avoir sur la santé. Sans être exhaustif, on
premier objectif est de relever le niveau inter alia, refraining from denying or lim- peut identifier comme déterminants de
et la qualité de vie des populations afric- iting equal access for all persons, includ- la santé: la qualité de l’environnement,
aines et de leur assurer une bonne santé ing detainees, to health”[80]. L’obligation l’hygiène, l’alimentation, la qualité et la
et le bien-être[77]. Il en ressort donc que d’assurer l’accès aux soins prend une im- quantité de l’eau, les conditions de loge-
la santé des populations est au cœur de portance particulière dans le cas des per- ment et de travail, etc.
ce schéma et plan directeur de l’Afrique sonnes détenues vu que “la responsabilité
qu’est l’Agenda 2063, et dont l’ambition du gouvernement est encore plus grande La Commission africaine a affirmé de fa-
est de transformer l’Afrique en puissance lorsqu’une personne est sous sa garde et çon non équivoque que “l’incapacité du
lorsque par conséquent l’intégrité et le

22 CENTRE DE RECHERCHE A PRIORI


gouvernement à fournir les services es- les activités qu’ils autorisent sur leur territoire, “de clairement obligation aux Etats par-
sentiels tel que l’approvisionnement en menacer directement la santé et l’environnement ties de prendre les mesures néces-
eau potable et électricité”[83] est une de leurs citoyens”[86]. Pour ce faire, elle met un saires à la protection de la santé
violation du droit à la santé. L’accès aux certain nombre d’obligation à la charge des Etats des populations. Cependant, il est
services sociaux de base conditionne lorsqu’ils autorisent ou mettent en œuvre des pro- nécessaire de clarifier l’étendue et
donc également la capacité des popu- jets qui ont un impact sur l’environnement, et par la nature de ces obligations afin
lations à jouir du meilleur état de santé conséquent, la santé des populations. Elle relève que les Etats puissent mieux com-
qu’elles sont susceptibles d’atteindre. que : “le respect par le gouvernement de l’esprit prendre ce qui est attendu d’eux en
Car il serait superflu de rappeler qu’une des articles 16 et 24 de la Charte africaine doit termes de mise en œuvre du droit
eau de mauvaise qualité et de quan- également inclure le fait d’ordonner ou au moins à la santé.
tité insuffisante a indéniablement des de permettre la surveillance scientifique indépen-
conséquences néfastes sur la santé. dante des environnements menacés, d’exiger et
a. L’étendue des obligations
Qui plus est, lorsque les autorités dé- de publier des études sur l’impact social et envi-
tiennent des personnes, elles doivent ronnemental avant tout développement industriel de l’Etat en matière de pro-
pouvoir protéger leur santé en leur majeur; d’entreprendre la surveillance appropriée tection du droit à la santé
permettant notamment d’avoir accès à et d’informer les communautés exposées aux ac-
une alimentation de qualité et de quan- tivités et produits dangereux et d’offrir aux indivi- Il est généralement admis que les
tité suffisante, en leur garantissant des dus la possibilité d’être entendus et de participer instruments internationaux relatifs
conditions de détention adéquates en aux décisions relatives au développement affec- aux droits de l’homme créent au
leur assurant un logement décent, des tant leurs communautés”[87]. moins quatre niveaux d’obligations
mesures d’hygiène et des contacts avec En encourageant les Etats à associer les popula- pour tout Etat partie, notamment
le monde extérieur[84]. Cette protec- tions à la prise des décisions affectant aussi bien les devoirs de respecter, de proté-
tion de la personne détenue s’étend à leur environnement que leur santé, la Commis- ger, de promouvoir et de réaliser ces
la protection de son intégrité physique sion jette déjà ici les bases de ce qu’on qualifie de droits. Ces obligations s’appliquent
et psychologique et particulièrement la démocratie sanitaire. C’est dans ce sillage qu’au- aussi bien aux droits civils et poli-
protection contre la torture et les mau- delà d’interpréter le droit à la santé, il est impor- tiques d’une part, qu’aux droits
vais traitements qui ont également un tant de rappeler aux Etats parties l’étendue et la économiques, sociaux et culturels,
impact sur la santé[85]. nature de leurs obligations se rapportant à la mise dont le droit à la santé, d’autre part.
en œuvre de ce droit. L’obligation de respecter impose à
La qualité de l’environnement étant un l’Etat de s’abstenir de participer di-
déterminant fondamental de la santé, rectement à la commission des vio-
2. La clarification des obligations de l’Etat
la Commission africaine n’a pas hésité lations alors que celle de protéger
à lier la violation du droit à la santé à en matière de protection du droit à la santé requiert une intervention en vue
des cas de violations du droit à un en- d’empêcher les tiers d’enfreindre à
vironnement sain. Ainsi, elle fait obli- Les articles 1er et 16 de la Charte africaine font
gations aux Etats parties de cesser, par

ces droits. Quant aux obligations de ré-


aliser et de promouvoir, elles appellent à la santé, violences conjugales et fa-
parties reconnaissent les droits, devoirs et miliales, etc.), ou que ce soit au moyen
la mise en place de toutes les mesures libertés énoncés dans la Charte, mais ils
nécessaires en vue de la jouissance de pratiques du personnel médical
s’engagent également à les respecter et à portant atteinte au droit du malade
tangible des garanties prévues par la prendre des mesures pour les appliquer.
loi[88]. On peut ajouter à ces devoirs ou au moyen des détournements de
En d’autres termes, si un Etat partie ne re-
l’obligation de ne pas discriminer dans fonds et biens affectés à la santé.
specte pas les droits énoncés dans la Charte
la jouissance des droits de l’homme, africaine, cela constitue une violation de
notamment le droit à la santé. Cette la Charte africaine, même si l’Etat ou ses b. La nature des obligations de
obligation qui est également à la fois agents ne sont pas les auteurs de cette vio- l’Etat dans la garantie du droit à
un principe et un droit, garantit à tous lation[89]. Il en découle donc que ces obli- la santé
une protection minimale de leurs droits gations portent davantage sur le devoir de
fondamentaux. l’Etat, non seulement de mettre en œuvre Les droits économiques, sociaux et
le droit à la santé, mais aussi de prévenir culturels sont généralement présentés
La Commission africaine a considéré toute atteinte au droit à la santé, que ce
que l’article premier de la Charte afric- comme des droits de réalisation pro-
soit par des individus au moyen de com- gressive. Cette notion de progressivité
aine énonce un principe fondamental portements néfastes à la santé (mutilations intégrée dans l’article 2(1) du Pacte
selon lequel non seulement les Etats génitales, pratique traditionnelles néfastes

BULLETIN A POSTERIORI 23
N°12
international relatif aux droits économiques, sociaux et fication permet donc aux Etats parties à la Charte africaine de compren-
culturels constitue généralement une excuse pour les dre, qu’ils seront désormais tenus non seulement des insuffisances en
Etats afin de ne pas suffisamment investir en vue de termes de non-conformité du cadre juridique national aux obligations
l’effectivité des droits protégés par ce Pacte. Au niveau internationales ou régionales, mais aussi des écarts observés dans la
africain, la Commission africaine est consciente “du fait mise en œuvre du droit à la santé ; si ces Etats parties ne s’assurent pas
que des millions de personnes en Afrique ne jouissent que des moyens suffisants sont investis dans la protection de la santé, et
pas du droit à un meilleur état de santé physique et men- qu’au surplus, ces moyens produisent des résultats probants en termes
tale qu’elles soient capables d’atteindre, parce que les d’amélioration de la santé des populations.
pays africains sont en général confrontés au problème de
la pauvreté qui les rend incapables de fournir les équipe-
ments, infrastructures et ressources qui facilitent la ple- [75] Ibid.
ine jouissance de ce droit”[90]. Toutefois, il y a lieu de [76] Affaire Free Legal Assistance Group et ql. c. République Démocratique du Congo,
mettre l’emphase sur le fait que ces “circonstances tristes communication n° 25/89 – 47/90 – 56/91 – 100/93, para. 62.
mais réelles”, pour reprendre les termes de la Commis- [77] Union Africaine, “Objectifs et domaines prioritaires de l’agenda 2063”, disponible
sur www.au.int/fr/agenda2063/objectifs [consulté le 14 juin 2019].
sion africaine, ne dédouane pas les Etats de leurs obliga- [78] Affaire Purohit and Moore c. Gambie, communication n° 241/01, para. 81.
tions dans la réalisation des droits inscrits dans la Charte, [79] Affaire Thomas Kwoyelo c. Uganda, communication n° 431/12, para. 271.
y compris particulièrement le droit à la santé. [80] Affaire Monim Elgak c. Sudan, communication n° 379/09, para. 136.
Ainsi, la Commission africaine lit dans l’article 16 [81] Affaire International PEN, Constitutional Rights Project et Interights (au nom de
“l’obligation, de la part des Etats Parties à la Charte af- Ken Saro Wiwa) c. Nigéria, communication n° 137/94 – 139/94 – 154/96 – 161/97,
para. 112.
ricaine, de prendre des mesures concrètes et sélectives [82] Organisation Mondiale de la Santé, “Déterminants sociaux de la santé”, disponible
tout en tirant pleinement profit des ressources dis- sur www.who.int/social_determinants/ [consulté le 14 juin 2019]
ponibles, en vue de garantir que le droit à la santé est [83] Affaire Free Legal Assistance Group et ql. c. République Démocratique du Congo,
pleinement réalisé sous tous ses aspects, sans discrimi- communication n° 25/89 – 47/90 – 56/91 – 100/93, para. 62.
nation d’une quelconque nature”[91]. En ce sens, il est [84] Affaire Thomas Kwoyelo c. Uganda, communication n° 431/12, para. 271.
clair que les Etats sont tenus, au regard de leurs ressourc- [85] Affaire Monim Elgak c. Sudan, communication n° 379/09, para. 134.
es disponibles, de donner effet au droit à la santé, non [86] Affaire SERAC c. Nigéria, communication n° 155/96, para. 52.
[87] Ibid. para. 53.
seulement en adoptant des mesures législatives ou au- [88] Affaire Mbiankeu Geneviève c. Cameroun, communication n° 389/10, para. 114.
tres nécessaires à cet effet, mais aussi en s’assurant que Voir aussi l’affaire SERAC c. Nigeria, para. 44.
ces mesures produisent des effets en termes de résultats [89] Affaire Institute for Human Rights and Development in Africa c. Angola, communi-
objectivement mesurables et en terme d’amélioration de cation n° 292/04, para. 83.
la santé des populations. Ce faisant, l’obligation des Etats [90] Affaire Purohit and Moore c. Gambie, communication n° 241/01, para. 84.
dans la mise en œuvre de la santé est non seulement une [91] Ibid.
obligation de moyen, mais aussi une obligation de résul- [92] Affaire Mbiankeu Geneviève c. Cameroun, communication n° 389/10, para. 126.
[93] Affaire Association of Victims of Post Electoral Violence and Interights c. Camer-
tat. La Commission y accorde beaucoup d’attention en
affirmant que : “il faut (…) appréhender l’obligation faite oon, communication n° 272/03, para. 108.
à l’article 1 de la Charte en ce que ses dispositions pre- [94] Ibid. para. 111 et 112.
scrivent d’une part une entreprise législative ou adminis- [95] Affaire Minority Rights Group International et SOS-Esclaves (au nom de Said Ould
Salem et de Yarg Ould Salem) c. Mauritanie, communication n° 007/Com/003/2015,
trative à caractère normatif et, d’autre part, un ‘engage- para. 58.
ment’ à donner effet aux droits de la Charte. En clair, une [96] Affaire De Cubber c. Belgique.
double obligation procède de l’article 1 de la Charte: c’est
à la fois une obligation de moyen et de résultat”[92].
Ainsi, pour la Commission, il ne suffit pas de se contenter
de prendre des mesures, encore faut-il que ces mesures
soient accompagnées d’institutions qui produisent des
résultats tangibles[93]. La Commission durcit même le
ton en considérant que l’article 1er de la Charte africaine
impose aux Etats parties une obligation de résultat. Elle
note d’ailleurs à ce sujet que: “conformément à son en-
gagement conventionnel à protéger les droits garantis
par la Charte, l’Etat partie est tenu d’assurer une protec-
tion effective des droits de l’homme sur toute l’étendue
de son territoire. Si cette obligation était de la nature
d’une obligation de moyens, la garantie des droits de
l’homme ferait l’objet d’une insécurité juridique de na-
ture à dégager les Etats parties aux instruments de pro-
tection des droits de l’homme de toute responsabilité de
protection effective”[94].

Cette position est partagée par le Comité africain


d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant[95] et la
Cour européenne des droits de l’homme[96]. Cette clari-

24 CENTRE DE RECHERCHE A PRIORI


JUIN 2019

La protection de l’environnement...
Une obligation citoyenne
Rapport de la Journée d’Assainissement du Pont d’Ekounou-Ayene du 05 juin 2019
ECOPARK CAMEROON FOUNDATION
contact@ecoparkamerfoundation.org

Introduction environnement impacte directement sur déchets ménagers dans cet environnement.
les populations et plus précisément sur De ce fait, la protection de l’environnement
leur santé. Par exemple, la pollution des dépasse largement le simple cadre étatique
L’an 2019 et le mercredi 05 Juin, l’ONG dénom- eaux entraîne la prolifération des maladies et se transforme en une obligation citoyenne,
mée ECOPARK CAMEROON FOUNDATION (ci- hydriques et d’autres maladies telles que le une obligation qui consiste non seulement à
après ECF) a mené des actions de terrain rel- paludisme ou le choléra. De même, la pol- protéger cet environnement, mais à prévenir
atives à la célébration de la journée mondi- lution des eaux entraine inéluctablement la toute potentielle action qui pourrait lui nuire.
ale de l’environnement. pollution des ressources halieutiques desti-
nées à l’alimentation des êtres humains. Il C’est dans cette optique qu’ECOPARK
Si la protection de l’environnement est devient ainsi moins facile d’accuser les gou- CAMEROON FOUNDATION a voulu apporter
l’affaire des Etats, on ne peut nier le fait vernements surtout lorsque la pollution est sa modeste contribution en cette journée
que la dégradation ou la pollution de cet le fait des populations qui déversent leurs

BULLETIN A POSTERIORI 25
N°12
verte, en procédant à l’assainissement du Pont remplis de bouteilles plastiques vers les moustiquaires prévus à cet effet.
d’Ayene, limite naturelle séparant les quartiers
Mvog-Mbi et Ekounou. C’est dans cette rivière
Le travail était organisé comme suit : les bouteilles étaient collectées
bondée de bouteilles plastiques qu’ECF a mené
de nombreuses activités avec ses multiples parte- pour être mises dans de grands sacs plastiques. Ensuite, le contenu de
naires afin de nettoyer entièrement ladite rivière ces sacs était déversé dans de grandes moustiquaires qui devaient servir
et de libérer son lit de tout obstacle ne permettant d’emballage pour le recyclage de ces bouteilles. Enfin, ces ordures finis-
pas son écoulement normal. C’est avec l’aide de saient soit dans les camions de la société HYSACAM pour le broyage, soit
plusieurs bénévoles, de l’équipe de la Fondation dans les camionnettes de l’entreprise Namé Recycling pour le recyclage.

Ces activités ne pouvaient se faire sans l’aide de ces grands partenaires dont
l’entreprise d’Hygiène et Salubrité du Cameroun (HYSACAM) qui a apporté son
soutien très significatif dans l’évacuation des déchets collectés. Cette Journée
a également reçu le soutien de la société de recyclage des bouteilles plastiques
Namé Recycling, entreprise très connue dans le domaine du recyclage des
bouteilles plastiques ; et celui de l‘association des jeunes du quartier d’Ekounou-
Ayene dénommée Code A.

2. Evaluation des résultats attendus et perspectives

Comme toute activité qui se veut logique, l’assainissement du pont d’Ayene visait
des objectifs clairs et précis. Il était donc logique que ces activités produisent
les effets qu’on attendait d’elles ainsi que des résultats palpables et mesurables.

Premièrement, en associant les populations locales à l’assainissement de leur


propre environnement, ECOPARK CAMEROON FOUNDATION visait un double
objectif : d’un côté, sensibiliser les populations et les amener à prendre conscience
de leurs obligations citoyennes en matière de protection de l’environnement.
De l’autre, il était question d’assurer la pérennité de telles activités en procé-
dant à la création d’un comité local d’assainissement. Si le premier objectif a
et quelques partenaires que l’activité a bien été atteint, le second par contre a légèrement été manqué et ceci compte tenu
été menée. de l’achèvement inattendu de la journée. En effet, la journée s’est achevée sous
une pluie torrentielle qui a empêché la poursuite des travaux d’assainissement.
1. Le déroulement des activités Ceci a également eu un impact sur les résultats quant à la libération totale
du lit de la rivière. Malheureusement, toutes les bouteilles n’ont pas pu être
retirées. Cependant, on peut féliciter les vingt-cinq (25) bénévoles d’avoir fait
Pour la Journée Verte du 05 juin 2019, l’objectif
évacuer plus de vingt-cinq (25) moustiquaires remplies de bouteilles plastiques.
général était d’amener les populations locales à
s’organiser en collectif ou association pour con-
tribuer de manière plus significative et plus effi- C’est également à l’association Code A qu’a été remis tout le matériel ayant servi au
cace à l’assainissement de leur propre espace nettoyage du lit de la rivière. Cette action s’inscrit dans la pérennisation et témoigne
de vie. Le lieu étant le pont d’Ayene, de manière de la volonté d’ECOPARK CAMEROON
plus précise, il s’agissait de concert avec les
populations d’Ekounou-Ayene, de procéder au
nettoyage du lit de la rivière qui s’écoule sous
ledit pont. Cette activité avait pour but égale-
ment de faire prendre conscience aux popula-
tions de leur pollution et de l’impact que celle-
ci peut avoir sur leur environnement et par rico-
chet, sur leur santé. C’est dans cette démarche
que des mini-textes ont été rédigés sur des
formats A3 faisant ainsi la promotion de certains
éco-gestes et présentés auxdites populations.

Si la Journée a débuté par la photo de


famille, elle s’est poursuivie par une activité
d’investissement humain, consistant à débrous-
sailler le long des berges de la rivière pour
libérer le chemin indispensable au passage de
ceux qui étaient chargés d’acheminer les sacs

26 CENTRE DE RECHERCHE A PRIORI


JUIN 2019
FOUNDATION à aider les populations à participer de
manière proactive à la protection de leur environnement. Propre » qui consistera en un nettoyage urbain des lieux les moins sains.
Cette activité pourra donc se faire avec l’aide non seulement d’acteurs
De même, l’équipement des bénévoles en cache-nez, locaux et privés tels que Namé Recycling et HYSACAM, mais aussi d’acteurs
en bottes, en gants et outils de défrichage de toutes gouvernementaux tels que les mairies ou les Communautés urbaines.
sortes témoigne du souci de la Fondation à protéger ses
bénévoles de potentiels accidents ou incidents pouvant
provenir des activités (noyades, inhalation d’odeurs L’objectif d’un élargissement géographique et temporel réside dans la
nauséabondes, ingurgitation d’eaux de provenance volonté d’impacter beaucoup plus de personnes et cela s’inscrit très bien
douteuse, etc.). C’est d’ailleurs dans la même logique dans les objectifs de la Fondation. Le développement participatif étant la
qu’il a été procédé à la commande de la Fondation, clé de l’établissement d’une meilleure démocratie environnementale, il
une étude préliminaire afin de jauger la profondeur
des eaux et la texture de leurs sols, dans lesquelles parait plus qu’urgent de toujours faire appel aux populations locales cibles.
il était question de retirer les bouteilles plastiques.

Ensuite, on peut déplorer le fait de n’avoir pas noué


des partenariats très tôt avec les entreprises HYSACAM
et Namé Recycling, partenariats qui, si noués plus tôt,
auraient permis une meilleure coordination entre les insti-
tutions. Car la protection de l’environnement qui parait
vaste, nécessite une synergie d’actions. Cette action con-
jointe donne de bien meilleurs résultats que des actions
isolées. La Fondation gagnerait donc à se rapprocher de
ces deux acteurs environnementaux afin de nouer avec
eux des partenariats solides pour ses futures actions dans
le domaine précis de la protection de l’environnement.

Enfin, de manière générale, il est important de relever que,


pour la Fondation Ecopark Cameroon, l’assainissement
du pont d’Ayene était la première activité de terrain dans
le domaine de la protection de l’environnement. Elle
peut donc être considérée comme une activité test et
dans ce sens, on peut bien affirmer que ce fut une réus-
site. Cependant, en dehors des manquements relevés
et liés à l’absence de partenariats solides ou les cas de
force majeure, il serait intéressant pour la Fondation
de penser l’activité dans un plus grand ensemble en en
faisant une activité se déroulant sur toute l’année et
à plusieurs endroits. Il s’agira d’une « Opération Ville

BULLETIN A POSTERIORI 27
N°12

28 CENTRE DE RECHERCHE A PRIORI

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