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Revue Lamy Droit civil, Nº 196, 1er octobre 2021

‐ Quelques tendances sur la réparation du dommage causé par une infraction devant les
juridictions pénales : réparation intégrale ou surindemnisation, voire pénalité déguisée ?
Quelques tendances sur la réparation du dommage causé par une infraction devant les juridictions pénales réparation intégrale ou surindemnisation, voire
pénalité déguisée ?
I ‐ LA MISE EN ŒUVRE DU PRINCIPE DE LA RÉPARATION INTÉGRALE DANS LE CADRE DE L'ACTION CIVILE : ENTRE OBSTACLE À L'ENRICHISSEMENT DE LA VICTIME
ET POSSIBLE SURINDEMNISATION DE CERTAINS DOMMAGES A ‐ La recherche affichée de l'absence d'enrichissement de la victime
I ‐ LA MISE EN ŒUVRE DU PRINCIPE DE LA RÉPARATION INTÉGRALE DANS LE CADRE DE L'ACTION CIVILE : ENTRE OBSTACLE À L'ENRICHISSEMENT DE LA VICTIME
ET POSSIBLE SURINDEMNISATION DE CERTAINS DOMMAGES B ‐ La possible surindemnisation de certains dommages causés par une infraction
II ‐ LA MISE EN ŒUVRE DU PRINCIPE DE LA RÉPARATION INTÉGRALE EN MATIÈRE ENVIRONNEMENTALE : ENTRE RÉPARATION DE DOMMAGES ARTIFICIELS ET
POSSIBLE ALLOCATION DE DOMMAGES‐INTÉRÊTS PUNITIFS A ‐ L'acception élargie du dommage consécutif à une infraction environnementale réparable par la
voie de l'action civile
II ‐ LA MISE EN ŒUVRE DU PRINCIPE DE LA RÉPARATION INTÉGRALE EN MATIÈRE ENVIRONNEMENTALE : ENTRE RÉPARATION DE DOMMAGES ARTIFICIELS ET
POSSIBLE ALLOCATION DE DOMMAGES‐INTÉRÊTS PUNITIFS B ‐ L'évaluation potentiellement punitive du dommage consécutif à une infraction
environnementale réparable par la voie de l'action civile

Si la chambre criminelle de la Cour de cassation montre classiquement son attachement au principe de la réparation
intégrale s'agissant du dommage généré par une infraction dont la réparation est demandée par le jeu de l'action civile, il
n'en reste pas moins que plusieurs prises de distance avec ce principe peuvent être relevées. Certaines s'expliquent par
l'interaction de règles relevant du droit administratif. D'autres trouvent leurs sources dans le caractère réparable octroyé à
certains dommages paraissant relever de la fiction, tel que le préjudice moral subi par les intérêts collectifs défendus par
une association.

Rodolphe MESA

Maître de conférences HDR en droit privé et sciences criminelles Université du Littoral‐Côte d'Opale (A2U ‐ Larj EA
3603)

En tout état de cause, ces prises de distance avec le principe de la réparation intégrale sont susceptibles d'être à
l'origine de potentielles surindemnisations d'un même dommage, le cas échéant d'un recours aux dommages‐intérêts
punitifs.

La réparation de certaines lésions causées par la commission d'une infraction peut être obtenue devant les juridictions
répressives par le jeu de l'action civile des articles 2 et suivants du Code de procédure pénale. Tous les dommages ne
sont pas indemnisables par cette voie, l'article 2 du code précité ne permettant que la réparation du seul dommage qui
est à la fois personnellement souffert par la victime et directement causé par l'infraction. Quant à la méthode
d'évaluation du montant des dommages‐intérêts, il s'agit, par référence à l'article 1240 du Code civil, du principe de la
réparation intégrale (1) .

La mise en œuvre de ces règles devant les juridictions pénales permet de rendre compte d'une extrême complexité qui
tient tant à la détermination du dommage réparable par le jeu de l'action civile qu'à son évaluation.

Dans l'absolu, le dommage appréhendable par le jeu de l'action civile, limité au seul dommage directement causé par
l'infraction, devrait, eu égard au principe d'interprétation stricte de la loi pénale de l'article 111‐4 du Code pénal, être
défini uniquement par référence à la valeur sociale protégée par le texte incriminateur fondant les poursuites. Il devrait
donc correspondre aux seules conséquences négatives individualisées découlant de l'atteinte à cette valeur sociale à la
suite de la commission du comportement infractionnel (2) . Tel n'est pourtant pas le cas (3) .

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La chambre criminelle de la Cour de cassation s'est, en effet, progressivement détachée de la valeur sociale protégée
par la qualification infractionnelle retenue dans la déclaration de culpabilité ou comme fondement des poursuites pour
appréhender, par la voie de l'action civile, des dommages assez éloignés du résultat infractionnel (4) . Peut encore
témoigner de cette tendance un arrêt rendu le 29 juin 2021 qui a admis la réparation, par le jeu de l'action civile devant
le juge répressif, du préjudice moral, donc des souffrances psychologiques, causé aux intérêts collectifs défendus par
une association agréée ou déclarée ayant pour objet la protection de l'environnement (5) .

Ces élargissements relatifs à la définition du dommage réparable par la voie de l'action civile exercée devant le juge
répressif, qui ne sont pas le monopole du droit pénal de l'environnement et qui se rencontrent pour bon nombre
d'infractions, notamment de crimes et délits contre les personnes, s'accompagnent nécessairement de difficultés quant
à l'évaluation de ce dommage (6) . À ce dernier titre, la chambre criminelle de la Cour de cassation apparaît, dans bon
nombre d'arrêts, attachée à une application stricte du principe de la réparation intégrale dans le cadre de l'action civile.
Elle a encore pu réaffirmer, dans ce sens et dans un arrêt rendu le 16 juin 2021 au visa des articles 2 et 3 du Code de
procédure pénale, qu'il « résulte de ces textes que le préjudice résultant directement d'une infraction doit être
réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties » (7) .

Cette position de principe est exactement la même que celle des chambres civiles (8) , tout en étant le rappel d'une
solution prétorienne constante s'agissant de l'action civile (9) , ceci alors que l'évaluation du dommage est une
prérogative relevant du pouvoir souverain des juges du fond (10) . Il n'en reste pas moins que certaines de ces
applications, particulièrement lorsque l'infraction génératrice du dommage a été commise à l'encontre de l'État ou par
un agent public, sont, souvent pour des raisons techniques tenant à des règles relevant du droit administratif, à l'origine
d'une possible surindemnisation d'un même dommage (I). Parfois, ce risque de surindemnisation, particulièrement en
matière environnementale, prend une ampleur telle qu'il devient un risque de prononcé de dommages intérêts punitifs,
d'une véritable peine privée à l'encontre de l'auteur du comportement infractionnel. Admettre, en effet, la réparation,
par le jeu de l'action civile, du préjudice moral causé aux intérêts collectifs défendus par une association, ou encore du
préjudice moral subi par une telle personne morale, est nécessairement à l'origine de grandes difficultés non seulement
d'identification de la consistance, mais aussi d'évaluation monétaire de tels dommage. Ce qui ouvre nécessairement la
voie à une possible évaluation à finalité ou connotation répressive, au risque de transformer les associations ayant
qualité à agir en véritables procureurs privés demandant, par le jeu de l'action civile, non pas l'indemnisation d'un
préjudice mais le prononcé d'une peine complémentaire à l'encontre de la personne prévenue (11) . Peine
complémentaire qui résidera dans les dommages‐intérêts censés réparer ces fameux préjudices moraux, le phénomène
apparaissant important s'agissant, particulièrement, de la matière et des infractions environnementales (II).

I ‐ LA MISE EN ŒUVRE DU PRINCIPE DE LA RÉPARATION INTÉGRALE DANS LE CADRE DE L'ACTION CIVILE :


ENTRE OBSTACLE À L'ENRICHISSEMENT DE LA VICTIME ET POSSIBLE SURINDEMNISATION DE CERTAINS
DOMMAGES
Différents arrêts récents permettent de mettre, à nouveau, en avant la rigueur affichée par la chambre criminelle de la
Cour de cassation pour éviter que la réparation du dommage issu de la commission d'une infraction par le jeu de l'action
civile soit à l'origine d'un enrichissement pour la victime, quitte à ce que le comportement infractionnel considéré se
révèle lucratif pour son auteur (A). Malgré cette tendance, certaines modalités d'évaluation mises en œuvre sont
susceptibles d'être à l'origine d'une possible surindemnisation d'un même dommage, particulièrement lorsque l'infraction
est préjudiciable à l'État ou lorsque son auteur est un agent public (B).

A ‐ La recherche affichée de l'absence d'enrichissement de la victime


L'action civile devant le juge répressif et l'action en responsabilité civile délictuelle sont axées sur le même postulat,
selon lequel la victime ne doit aucunement s'enrichir au moyen de la réparation du dommage. Ce postulat d'équivalence

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quantitative entre dommage et dommages‐intérêts, s'il peut rendre la faute lucrative pour son auteur dès lors que le
montant desdits dommages‐intérêts est inférieur à celui du profit retiré par la commission de celle‐ci, aboutit à un
degré de précision pour la détermination de leur montant de façon à éviter que la victime perçoive indument le
moindre centime excédant la valeur du préjudice subi (12) . Deux arrêts récents permettent d'en rendre compte.

Le premier a été rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation, le 27 mai 2021, à propos de la réparation due
à l'État par plusieurs personnes auxquelles il était reproché d'avoir détruit un portique écotaxe (13) . Dans cette affaire,
l'agent judiciaire de l'État reprochait à la cour d'appel d'avoir condamné les prévenus au paiement, à titre de dommages‐
intérêts, d'une somme n'incluant pas la taxe sur la valeur ajoutée, cette dernière juridiction ayant considéré que « les
frais demandés pour la reconstruction de l'ouvrage devront faire l'objet d'une réparation hors taxe, puisque l'État
n'effectuera pas la remise en état du portique, ayant abandonné le projet de l'écotaxe au mois d'octobre 2014 ». La
chambre criminelle a approuvé pareille solution, en se fondant sur le pouvoir d'appréciation des juges du fond,
considérant que la cour d'appel n'a aucunement transgressé les articles 2 du Code de procédure pénale et 1240 du Code
civil en « excluant du dommage résultant de l'infraction le montant correspondant à une somme dont elle a constaté
que la victime ne la dépenserait pas et qui ne constitue pas un gain dont elle sera privée ».

Bien que fondée sur l'appréciation souveraine des juges du fond, cette solution n'en laisse pas moins perplexe. Exclure
le montant de la TVA des dommages‐intérêts dus à l'État consécutivement à la destruction ou la dégradation d'un de ses
biens qu'il doit racheter ou faire réparer peut paraître logique dans la mesure où de telles opérations conduiraient, plus
ou moins directement, l'État à se verser de la TVA à lui‐même. Il paierait le montant de la TVA au prestataire pour se
faire, par la suite, restituer ce montant. La motivation adoptée laisse penser, quant à elle, que le montant de
l'indemnisation peut varier en considération de l'affectation que la victime entend donner aux dommages‐intérêts, ceci
malgré la règle selon laquelle le principe de réparation intégrale n'implique pas de contrôle sur l'utilisation des fonds
alloués à la victime qui en conserve la libre utilisation (14) . Elle laisse, en effet, entendre que le montant de la TVA
aurait pu être inclus dans celui des dommages‐intérêts si la victime avait eu l'intention de réinvestir cette somme dans le
rachat ou la réparation de la chose dégradée, alors qu'il doit en être exclu si la victime souhaite conserver la somme ou
l'affecter à d'autres dépenses. Ce qui serait alors en parfaite opposition avec le principe de la réparation intégrale, qui
plus est si la chose touchée par l'infraction a été acquise pour un prix incluant la TVA. La victime ne s'enrichit pas, elle
s'appauvrit peut‐être, et l'infracteur s'en tire à bon compte au titre de la responsabilité civile.

L'action civile devant le juge répressif et l'action en responsabilité civile délictuelle sont axées sur le même postulat,
selon lequel la victime ne doit aucunement s'enrichir au moyen de la réparation du dommage.

Un second arrêt peut être mentionné, faisant montre d'une application du principe de la réparation intégrale rigoureuse
pour la victime et, peut‐être, encore une fois, favorable pour l'infracteur. Il a été rendu par la chambre criminelle le 30
juin 2021 (15) . Dans cette affaire, un salarié était poursuivi par son employeur qui lui reprochait de s'être rendu auteur
d'un délit d'abus de confiance en ayant accordé à des distributeurs étrangers des baisses de tarif moyennant le
versement de commissions occultes sur un compte bancaire ouvert en Suisse, et en ayant utilisé des documents
techniques internes à la société commettante pour fabriquer, à l'insu de son employeur, des documents de formation
destinés à certains distributeurs étrangers.

La cour d'appel avait motivé la somme mise à la charge du prévenu par le fait qu'elle correspondait au montant de la
partie de la propre marge de son employeur que ses agissements lui avaient permis de détourner à son profit. Pareille
détermination a été approuvée par la chambre criminelle, au motif que les agissements fautifs du prévenu ont été
commis « pendant le temps qu'il aurait dû consacrer à son employeur en exécution de son contrat de travail », et ont
directement causé à celui‐ci « le préjudice souverainement évalué par les juges ». Ainsi, le manque à gagner est le
dommage subi par la victime, qui doit recevoir à titre de dommages‐intérêts une somme correspondant à l'évaluation
monétaire et souverainement appréciée par les juges du fond de ce manque à gagner, ceci quel que soit le montant des

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profits réalisés par l'infracteur (16) . Certes, il sera toujours possible d'avancer que ces profits pourront être
appréhendés par l'amende ou la peine complémentaire de confiscation, mais encore faut‐il, pour cela, que le prévenu
soit déclaré coupable de l'infraction qui lui est reprochée.

Or, cela n'a pas été le cas s'agissant des faits ayant donné lieu à l'arrêt du 30 juin 2021 étant donné que la prescription de
l'action publique était acquise. Aussi, cet arrêt montre qu'une application rigoureuse du principe de la réparation
intégrale, non complétée par un mécanisme non punitif permettant d'appréhender les profits générés par la faute,
même si elle est préservatrice des intérêts des victimes, n'en permet pas moins à son auteur de conserver, y compris
lorsque c'est une juridiction répressive qui est saisie de l'action civile, au moins en partie les profits générés par
l'agissement objectivement infractionnel. Cette lacune pourrait être corrigée, non par le recours à l'amende civile qui
pourrait poser de sérieux problèmes en termes de cumul des peines, mais par la consécration d'un principe
complémentaire de restitution intégrale des profits illicites (17) .

La rigueur dont fait preuve la chambre criminelle dans la mise en œuvre du principe de la réparation intégrale, de façon
à éviter tout enrichissement de la victime, quitte à ce qu'elle aboutisse à un montant de dommages‐intérêt inférieur à
celui des profits générés par la faute fondant l'action civile, est parfois contrebalancée par certaines interprétations qui
rendent possible une surindemnisation du dommage.

B ‐ La possible surindemnisation de certains dommages causés par une infraction


Certains arrêts, bien que réaffirmant la mise en œuvre du principe de la réparation intégrale dans le cadre de l'action
civile exercée devant le juge répressif, n'en adoptent pas moins des solutions susceptibles de déboucher sur une
possible surindemnisation, voire double indemnisation, d'un même dommage, particulièrement lorsque la victime de
l'infraction est l'État ou lorsque son auteur est un agent public. Deux décisions peuvent être mentionnées en ce sens.

La première est un arrêt en date du 30 mars 2021, rendu à propos de l'indemnisation du dommage généré par des faits
constitutifs de harcèlement moral commis par le maire d'une commune à l'encontre d'employés municipaux (18) . La
chambre criminelle de la Cour de cassation y a approuvé les juges d'appel d'avoir considéré que la juridiction répressive
est compétente pour statuer sur l'action civile malgré l'action en réparation diligentée contre la commune devant le
tribunal administratif et la condamnation prononcée à son encontre à réparer les préjudices des victimes résultant des
manquements volontaires et inexcusables à des obligations d'ordre professionnel et déontologique commis par son
maire. La chambre criminelle a motivé cette solution par le fait que « la condamnation par une juridiction
administrative de la commune, en raison d'une faute personnelle de son maire, détachable du service mais non
dénuée de tout lien avec celui‐ci, a pour effet de subroger la collectivité dans les droits de la victime. Elle ne
saurait donc avoir pour effet de limiter l'appréciation de la juridiction répressive dans la réparation du préjudice
résultant de cette faute, constitutive d'une infraction pénale » (19) . Techniquement, la motivation n'est pas
critiquable, qui plus est au vu de l'article 5 du Code de procédure pénale qui ne rend l'action civile devant le juge
répressif irrecevable que si le demandeur a saisi préalablement le juge civil à l'encontre du même défendeur que celui
visé par l'action civile devant le juge pénal. Les conséquences de la solution sur le principe de la réparation intégrale
sont, cependant, difficiles à mesurer.

Certes, la commune visée par l'action devant le juge administratif n'est pas le maire auteur de l'infraction. Toutefois, à
partir du moment où la personne morale de droit public a été condamnée à réparer le dommage subi par la victime, issu
de la faute inexcusable de l'élu consistant dans les faits de harcèlement moral, il est possible de considérer que l'action
civile destinée à l'indemnisation du dommage causé par cette infraction tend, au moins en partie, à la réparation des
mêmes conséquences dommageables. Or, la décision du juge administratif n'ayant pas autorité à l'égard du juge pénal,
rien n'empêche ce dernier d'ignorer les conséquences de l'action diligentée à l'encontre de la commune, donc
d'indemniser intégralement et d'évaluer différemment le dommage issu des faits de harcèlement moral qui est en partie

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le même que celui déjà appréhendé et évalué par le juge administratif, dont la réparation, normalement intégrale, a
été mise à la charge de la commune, au titre de la faute inexcusable de son maire.

Une seconde décision, en date du 16 juin 2021, peut encore être mentionnée comme génératrice d'un risque de
surindemnisation d'un même dommage (20) . Dans cette affaire, relative à des faits d'escroquerie à la TVA, la chambre
criminelle a confirmé sa position selon laquelle l'action en réparation du dommage résultant du délit d'escroquerie est
distincte de l'action en recouvrement de la taxe fraudée (21) . Mais aussi considéré que des factures falsifiées remises à
l'administration fiscale qui ont permis l'obtention d'un quitus fiscal nécessaire pour l'immatriculation en France d'un
véhicule acquis à l'étranger et que soit appliqué à tort le régime de la TVA à la marge sont constitutifs d'une escroquerie
directement génératrice du dommage résultant de l'élision de la TVA correspondant à la différence entre la TVA à la
marge et la TVA sur la totalité du prix de revente des véhicules. Aussi, à suivre cet arrêt, le préjudice généré par
l'escroquerie à la TVA consiste, au moins en partie, dans la différence entre le montant de TVA effectivement perçu et
le montant effectivement dû. Or, le paiement de cette somme peut également être obtenu au moyen de l'action en
recouvrement de la taxe fraudée, sans que le juge répressif n'apparaisse limité dans son appréciation du dommage
généré par l'escroquerie en raison de cet élément.

Aussi, si la chambre criminelle fait montre d'une rigueur certaine dans la mise en œuvre du principe de la réparation
intégrale dans le cadre de l'action civile intentée devant le juge répressif, il n'en reste pas moins que cette rigueur
conjuguée à différents mécanismes relevant du droit administratif est susceptible d'aboutir à une surindemnisation de
certains dommages générés par la commission d'infraction. Ce phénomène peut s'amplifier s'agissant des dommages
causés par les infractions au Code de l'environnement, dont la réparation peut prendre la forme de véritables
dommages‐intérêts punitifs.

II ‐ LA MISE EN ŒUVRE DU PRINCIPE DE LA RÉPARATION INTÉGRALE EN MATIÈRE ENVIRONNEMENTALE :


ENTRE RÉPARATION DE DOMMAGES ARTIFICIELS ET POSSIBLE ALLOCATION DE DOMMAGES‐INTÉRÊTS
PUNITIFS
Les infractions environnementales sont génératrices de dommages dont la réparation peut être demandée par la voie de
l'action civile mise en œuvre devant le juge répressif. La notion de dommage réparable est, en cette matière, tellement
étendue qu'elle se détache du résultat infractionnel (A) à un point tel que ce dommage réparable devient difficile à
évaluer et que sa réparation peut s'analyser comme une véritable peine privée qui n'en porte pas le nom (B).

A ‐ L'acception élargie du dommage consécutif à une infraction environnementale réparable par la


voie de l'action civile
Dans l'absolu, le préjudice directement causé par une infraction environnementale, telle qu'incriminée, principalement,
par les dispositions du Code de l'environnement, est le préjudice écologique au sens des articles 1246 et suivants du
Code civil. Indépendamment des victimes de dommages personnels également générés par de telles infractions,
certaines associations de défense de l'environnement ont qualité à agir devant le juge pénal, par la voie de l'action
civile, pour demander la réparation de conséquences négatives consécutives à ces atteintes. L'article L. 142‐2 du Code
de l'environnement offre, en effet, à différentes associations agréées la possibilité d'exercer les droits reconnus à la
partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect, dont la consistance matérielle ou
morale n'est aucunement précisée par le texte, aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre et
constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement, à
l'amélioration du cadre de vie, à la protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et paysages, à l'urbanisme, à la pêche
maritime ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances, la sûreté nucléaire et la radioprotection, les
pratiques commerciales et les publicités trompeuses ou de nature à induire en erreur quand ces pratiques et publicités
comportent des indications environnementales, ainsi qu'aux textes pris pour leur application.

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La Cour de cassation n'était ainsi jamais allée jusqu'à considérer qu'une composante dépourvue de la personnalité
juridique puisse subir un préjudice d'ordre psychologique dont la réparation peut être demandée par le jeu de l'action
civile exercée devant le juge répressif.

La chambre criminelle de la Cour de cassation a pu revenir sur la nature de ce préjudice direct ou indirect aux intérêts
collectifs qu'a pour objet de défendre une association de protection de l'environnement consécutivement à la
commission d'une infraction incriminée par le Code de l'environnement. Elle a, en effet, considéré, dans un arrêt rendu
le 29 juin 2021, d'une part, que l'article L. 142‐2 du Code de l'environnement permet aux associations agréées ou
déclarées répondant aux conditions qu'il fixe et qui ont notamment pour objet la protection de l'environnement,
d'obtenir réparation « du préjudice moral que causent aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre » le
non‐respect de la réglementation destinée à la protection de l'environnement ou relative aux installations classées,
d'autre part, que « la seule violation de la réglementation applicable est de nature à causer aux associations
concernées un préjudice moral indemnisable » (22) . De la sorte, une infraction environnementale est regardée, à
suivre cet arrêt, comme génératrice, en elle‐même et quelles que soient ses conséquences en termes de préjudice
écologique, d'un dommage moral, de souffrances psychologiques, qui pourraient être subis à la fois par une personne
morale, mais aussi par un intérêt collectif défendu par cette personne morale (23) .

Si la chambre criminelle a déjà pu, de la même manière que les chambres civiles (24) , permettre l'indemnisation du
préjudice moral subi par les personnes morales, tout en proposant une définition de ce dernier préjudice dans son arrêt
du 29 juin 2021, elle n'a pas pour autant précisé la consistance du dommage moral, non visé par l'article L. 142‐2 du
Code de l'environnement, subi par une composante, peut‐être immatérielle, dénuée de la personnalité juridique et de
tout sentiment, en l'occurrence un intérêt collectif (25) . Un tel dommage moral n'atteignant pas une personne mais une
pure création juridique apparaît même relever de la fiction. Certes, alors que la chambre criminelle ne précisait pas,
jusqu'à cet arrêt, la nature matérielle ou morale du préjudice causé, par une infraction environnementale, aux intérêts
collectifs défendus par une association de protection de l'environnement que l'action de l'article L. 142‐2 précité du
Code de l'environnement a pour objet de réparer (26) , la troisième chambre civile avait pu relever, comme l'a fait
l'arrêt du 29 juin 2021, l'existence d'un dommage moral résultant de telles atteintes, qui est subi par l'association, donc
par une personne, et aucunement par un intérêt collectif, et qui est également caractérisé par la seule transgression de
la réglementation applicable (27) . La Cour de cassation n'était ainsi jamais allée jusqu'à considérer qu'une composante
dépourvue de la personnalité juridique puisse subir un préjudice d'ordre psychologique dont la réparation peut être
demandée par le jeu de l'action civile exercée devant le juge répressif. C'est maintenant, visiblement, chose faite avec
l'arrêt du 29 juin 2021.

Ce dernier arrêt n'en comporte pas moins une bizarrerie rédactionnelle. Après avoir, en effet, déclaré que l'article L.
142‐2 du Code de l'environnement permet aux associations qu'il mentionne d'obtenir la réparation du « préjudice moral
» causé aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre, il indique que la violation de la réglementation
applicable est « de nature à causer aux associations concernées un préjudice moral indemnisable ». De la sorte, le
préjudice moral causé aux intérêts collectifs défendus par une association de protection de l'environnement qui
apparaît réparable ne serait peut‐être pas le même que le préjudice moral subi par l'association elle‐même qui
résiderait, quant à lui, dans la seule violation d'une norme pénale environnementale. Si cette dualité de dommages
affichés comme réparables par la voie de l'action civile est la conséquence d'une maladresse rédactionnelle, c'est
gênant. Si cette dualité correspond à la réalité du droit créé par la chambre criminelle, elle pose nécessairement la
question de l'évaluation de ces préjudices qui, eu égard à leur consistance peu identifiable, risque de prendre certaines
distances avec le principe de la réparation intégrale.

B ‐ L'évaluation potentiellement punitive du dommage consécutif à une infraction environnementale


réparable par la voie de l'action civile

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Comment et à quel montant de dommages‐intérêts doivent être évalués le préjudice moral causé aux intérêts collectifs
qu'ont pour objet de défendre les associations de protection de l'environnement, ainsi que le préjudice moral qu'elle
subissent et qui réside dans la seule violation de la réglementation protectrice de l'environnement ?

En premier lieu, la terminologie adoptée par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt du 29 juin
2021 permet de considérer ces préjudices moraux portés aux intérêts collectifs qu'ont pour objet de défendre certaines
associations de protection de l'environnement ou subis par de telles associations comme étant distincts du préjudice
écologique des articles 1246 et suivants du Code civil (28) . Par conséquent, les restrictions au principe de la réparation
intégrale, issues de l'article 1247 du Code civil et déclarées conformes à la Constitution, qui cantonne la réparation aux
seules atteintes non négligeables aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par
l'homme de l'environnement, ne doivent pas avoir à s'appliquer (29) . Ces dommages moraux apparaissent ainsi
indemnisables, quelle que soit leur ampleur.

En second lieu, reste entière la question de la réparation intégrale de ces différents préjudices moraux, de ces
dommages d'ordre psychologique qui seraient subis par des personnes morales ou des intérêts collectifs non dotés de la
personnalité juridique. Indemniser à sa juste valeur le préjudice moral subi par une personne physique n'est pas simple.
Indemniser de la même manière le préjudice moral subi par une personne morale est encore moins aisé. Évaluer
monétairement, dans le respect du principe de la réparation intégrale, le préjudice moral porté aux intérêts collectifs
défendus par une association, donc la souffrance psychologique endurée par de tels intérêts, relève pratiquement de
l'impossible, ou de la fiction, au même titre que l'existence même d'un tel préjudice (30) . Déterminer, en effet, le
montant des dommages‐intérêts en considération de la peine encourue pour l'infraction génératrice de ces dommages
tend à leur donner une connotation punitive incompatible avec le principe de la réparation intégrale. Le calculer en
considération de l'ampleur du préjudice écologique reviendrait à surévaluer l'indemnisation de ce dommage particulier
et, le cas échéant, à transgresser l'article 1247 du Code civil si ce dernier préjudice était de faible ampleur. De la sorte,
en l'absence de base solide permettant de définir précisément la consistance de ces différents préjudices moraux, il est
fortement difficile de procéder à leur évaluation monétaire qui pourrait faire entrer en ligne de compte des paramètres
tels que la gravité de la faute ou la recherche de profit par son auteur. C'est‐à‐dire des paramètres étrangers au principe
de la réparation intégrale qui seraient susceptibles de donner aux dommages‐intérêts une connotation ou une finalité
punitive affirmée, en tout état de cause plus affirmée que leur finalité réparatrice de dommages ayant une réelle part
d'artificialité.

Aussi, bien que, s'agissant de l'action civile exercée devant les juridictions répressives, la chambre criminelle fasse
preuve d'une certaine rigueur dans la mise en œuvre du principe de la réparation intégrale, de manière à éviter que la
commission d'une infraction soit génératrice d'un enrichissement pour la victime, il n'en reste pas moins que, dans
certaines matières, sa jurisprudence parait aussi difficile à cerner que celle de la deuxième chambre civile relative à
l'application de l'article 1240 du Code civil. Quelques distances avec le principe de la réparation intégrale peuvent être
relevées, notamment à propos des infractions commises au préjudice de l'État ou par des agents publics qui, même si
elles peuvent s'expliquer techniquement, n'en présentent pas moins le risque d'aboutir à une surindemnisation d'un
même dommage. Dans d'autres domaines, particulièrement en matière d'infractions environnementales, c'est
l'indemnisation d'un dommage qui pourrait être regardé comme relevant de la fiction qui tord le cou au principe de la
réparation intégrale. Si de telles tendances sont gênantes dans le cadre d'un contentieux uniquement réparateur, elles
le sont d'autant plus lorsque les questions relatives à la réparation du dommage se greffent sur un contentieux répressif
dont est saisie une juridiction pénale. Elles présentent, en effet, le risque que le prononcé de certaines condamnations
à des dommages‐intérêts soit synonyme d'une double peine, sans l'encadrement imposé en matière répressive par le
principe de légalité des peines, tel que réaffirmé par les articles 111‐2 et 111‐3 du Code pénal.

(1) Sur ce point, cf. Infra, Introduction et I.‐A.


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(2) Cass. crim., 22 janv. 1953, D. 1953, p. 110, rapp. Patin M. ; Cass. crim., 1er mars 1973, nº 72‐92.319, Bull. crim., nº 105,
JCP 1974, II, nº 17.615, note Viney G. ; Cass. crim., 21 mai 1974, nº 73‐92.508, Bull. crim., nº 186 ; Cass. crim., 13 janv.
1977, nº 75‐92.409, Bull. crim., nº 19 ; Cass. crim., 24 janv. 1979, nº 77‐93.760, Bull. crim., nº 34 ; Cass. crim., 8 févr.
1979, nº 77‐92.300, Bull. crim., nº 58 ; Cass. crim., 14 janv. 1991, nº 90‐81.133, Bull. crim., nº 22.

(3) Mesa R., Des rapports entre infraction et faute civile et de leurs conséquences sur l'indemnisation des victimes, D. 2021,
p. 303.

(4) Ibid.

(5) Cass. crim., 29 juin 2021, nº 20‐82.245, publié au Bulletin.

(6) Ibid.

(7) Cass. crim., 16 juin 2021, nº 19‐86.630.

(8) Cass. 1re civ., 9 nov. 2004, nº 02‐12.506, Bull. civ. I, nº 264 ; Cass. 2e civ., 12 mai 2011, nº 10‐17.148 ; jurisprudence
constante.

(9) Cass. crim., 13 nov. 2013, nº 12‐84.838, Bull. crim., nº 223 ; Cass. crim., 1er sept. 2015, nº 14‐84.353, Bull. crim., nº 99 ;
Cass. crim., 8 déc. 2020, nº 19‐84.245.

(10) Cass. civ., 23 mai 1911, DP 1912, 1, 421 ; Cass. crim., 10 déc. 2013, nº 13‐80.954, Bull. crim., nº 250 ; Cass. crim., 23
mars 2016, nº 15‐80.513, Bull. crim., nº 103 ; Cass. crim., 16 janv. 2019, nº 17‐86.581.

(11) Jubault C., Réflexions sur la place du ministère public et des nouveaux procureurs dans le procès civil, à l'aune de
principes directeurs de la procédure civile, RRJ 2016, p. 1665.

(12) Mesa R., Précisions sur la notion de faute lucrative et son régime, JCP G 2021, 625.

(13) Cass. crim., 27 mai 2021, nº 20‐81.804, publié au Bulletin.

(14) Cass. crim., 2 juin 2015, nº 14‐83.967, Bull. crim., nº 134.

(15) Cass. crim., 30 juin 2021, nº 20‐81.570.

(16) Dans le même sens et pour des faits similaires : Cass. crim., 19 juin 2013, nº 12‐83.031, Bull. crim., nº 145, JSL, nº 349, p.
13, note Hautefort M., RLDA 2014/90, nº 4976, note Lasserre Capdeville J., D. 2013, p. 1936, note Beaussonie G., RSC
2014, p. 813, obs. Matsopoulou H., Dr. pénal 2013, comm. 158, obs. Véron M., Gaz. Pal., 13‐15 oct. 2013, p. 36, obs.
Dreyer E., Gaz. Pal., 4 avr. 2013, p. 9, note Mesa R.

(17) Mesa R., L'opportune consécration d'un principe de restitution intégrale des profits illicites comme sanction des fautes
lucratives, D. 2012, p. 2754.

(18) Cass. crim., 30 mars 2021, nº 20‐81.516, publié au Bulletin.

(19) L'article 5 du Code de procédure pénale interdit à la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente
de la porter devant la juridiction répressive, sauf si cette dernière juridiction a été saisie par le ministère public avant
qu'un jugement sur le fond ait été rendu par la juridiction civile.

(20) Cass. crim., 16 juin 2021, nº 19‐86.630, précité.

(21) Cass. crim., 16 mai 2018, nº 17‐81.151, Bull. crim., nº 94, Gaz. Pal. 2018, p. 2003, note Mesa R.

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(22) Cass. crim., 29 juin 2021, nº 20‐82.245, précité.

(23) Sur la réparation, par le jeu de l'action civile exercée devant les juridictions répressives, du préjudice moral subi par les
personnes morales, cf. Cass. crim., 17 mars 2007, nº 06‐81.010, Bull. crim., nº 83 ; Cass. crim., 11 déc. 2013, nº 12‐
83.296, Bull. crim., nº 254.

(24) Cass. com., 15 mai 2012, nº 11‐10.278, Bull. civ. IV, nº 101.

(25) Sur la réparation, par le jeu de l'action civile exercée devant les juridictions répressives, du préjudice moral subi par les
personnes morales, cf. Cass. crim., 17 mars 2007, nº 06‐81.010, Bull. crim., nº 83 ; Cass. crim., 11 déc. 2013, nº 12‐
83.296, Bull. crim., nº 254.

(26) Cass. crim., 1er oct. 1997, nº 96‐86.001, Bull. crim., nº 317.

(27) Cass. 3e civ., 8 juin 2011, nº 10‐15.500, Bull. civ. III, nº 101, D. 2011, p. 2635, note Forest G.

(28) Cass. crim., 29 juin 2021, nº 20‐82.245, préc..

(29) Cons. const. QPC, 5 févr. 2021, nº 2020‐881, RLDA 2021/170, nº 7213, note Lemay P., D. 2021, p. 709, note Gali H.

(30) Sur ce point, cf. supra, II.‐A.

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