Extréme-Orient - Extréme-Occident 11 — 1989
Traités Tang sur le parallélisme
Francois Martin
Au contraire des grands traités théoriques des Six Dynasties qui les ont
précédés, les traités d'art littéraire du début des Tang mettent I’accent sur les
aspects techniques de la composition. Le parallélisme, cette «reine des
figures » chinoises, y occupe, avec le contrepoint tonal, Ia place centrale. Les
textes les plus importants et les plus complets qui lui sont consacrés sont Les
vingt-neuf parallélismes (Ershijiuzhong dui) —en fait un regroupement de
textes divers — etl'Essai sur le parallélisme (Lun duishu), tous deux inclus dans
le Bunkyé hifu ron (chin. Wenjing mifu lun ou Magasin des secrets du monde
des letires), compilation rédigée au 9° s. par le moine japonais Kikai (K6b6
Daishi), qui y rassembla |’ essentiel des traités de rhétorique circulant alors en
Chine.
Loup blanc de la poétique, la série des vingt-neuf parallélismes exerce sa
fascination jusqu’en Occident. On y fait allusion, sans bien savoir ce que c’est.
Aussi a-t-on préféré la donner telle quelle, plut6t que de tenter une reconstitu-
tion, scientifiquement plus justifiée, mais aussi plus alléatoire et moins com-
mode, des textes utilisés par Kikai, et qui n’ont survécu en Chine que
partiellement. Selon sa table, les onze premiers types sontcommuns adifférents
auteurs ', Les types 12.4 17 viennent du Suinao de Shangguan Yi (608-664), les
types 18425 du Shiyide Jiaoran (c. 700), les types 26 428 du Tangchao xinding
shige de Cui Rong (652-705). Yuan Jing dates inconnues), auteur d’un Shi
suinao, est souvent cité?. Enfin, le type 29 semble, du moins dans son
interprétation, étre di a Kikai lui-méme (cf. infra).
Avant propos ~ Du parallélisme
On a dit: «La beauté de la poésie dépend en vérité de la capacité au
parallélisme ; Vexhaustivité de la prose vient en réalité de V’habileté & la
109Traités Tang sur le parallélisme
disposition (des mots). Si expression n’est pas paralléle, les mots sont
proférés en vain. Si la rime n’est pas juste, tout ne sera que verbiage inutile ».
Yuan Jing a dit : « Il est dit dans le Yijing : “I’eau coule vers ’humide, le
fou va au sec” ct “les nuages suivent les dragons, le vent suit le tigre” ». Il est
dit dans le Shangshu : « Pabondance appelle la perte, la simplicité accueille le
profit » *, Ce sont 1a des exemples de parallélisme parfait, écrits de sainte main,
A plus forte raison, quand un homme de talent médiocre pratique l’ expression
paralléle pour rechercher I’harmonic, comment ne chercherait-il pas l’exacti-
tude ? (Kdkai explique ensuite, top bri¢vement, comment il a constitué sa
liste.]
Les vingt-neuf parallélismes *
1. Parallélisme terme a terme ou régulier (diming dui, zheng dui)®. Il
constitue 1a norme. Dans toute composition, on doit pratiquer un parallélisme
rigourcux. Si on met ciel au premier vers, on mettra terre au second, De méme
pour montagne /vallée, est /ouest, sud /nord, droit / oblique, lointain / proche,
incliné / droit. Qui commence a étudier la composition doit d’abord travailler
ce parallélisme, et n’étudier les autres qu’ensuite.
Shangguan Yi donne comme tels : ciel / terre, soleil / lune, bon / mauvais,
aller / venir, léger / lourd, flotter / sombrer, long / court, avancer / reculer,
rond / carré, grand / petit, brillant / sombre, vieux / jeune, baisser (la téte) /
lever (Ia téte), fort / faible, s’en aller / revenir, sud / nord, est /ouest.
Au parc de l’est, les pruniers verts éclosent,
Au jardin de I’ouest les feuilles vertes s’ouvrent.
En bas des degrés, les fleurs lentement s’en vont,
Devant les marches, les chatons (de saule) doucement s’en viennent,
Est/ ouest, parc / jardin, vert/ vert (ging / Iii), pruniers / herbes, éclore /
s’ouvrir, degrés /marches, en bas / devant, fleurs /chatons, lentement / douce-
ment, aller / venir, sont de ce type (...).
La lumitre des nuées dans ses cheveux est Iégre,
La lucur de la lune sur son éventail est neuve ;
Fleurs de l'année et visage poudré
Ont fait ensemble un printemps parfumé. (Li Baiyao)
On aen haut « lumiére des nuées » et en bas « lueur de la lune ». Le second
distique est exempt de parallélisme ; mais il se lie par Ie sens au premier. Les
po&mes qui se conforment & cette technique sont les meilleurs *. [D’autres
110Traités Tang sur le parallélisme
exemples sont commentés, dans lesquels on relévera seulement, A titre
illustration, les paralléles main / oeil, jaune / blanc, jade / or, nord-ouest /
sud-est, lumineux / éclatant.]
Yuan Jing dit: « le parallélisme exact, c’est comme dans “les années de
Yao /les jours de Shun” ». Yao et Shun étanttous deux des saints de l’antiquité,
leurs noms se correspondent. Si au premier vers on prend un saint souverain,
au second on prendra un sage ministre. Si au premier vers on a un phénix feng,
on second on aura un phénix /uan. Siau premier vers onal érigéron et!’ armoise
etqu’au second ona le pin et Ie cannelier, ces derniers étant de beaux arbres et
les premiers de mauvaises herbes, ce n’est pas un parallélisme régulier.
2. Parallélisme alterné (geju dui). Dans ce parallélisme, le premier vers est
paralléle au troisitme, le deuxigme au quatrigme.
Mutuels pensers et puis mutuels souvenirs,
Nuit aprés nuit, mes larmes mouillent mes habits ;
Vaine tristesse et puis vains soupirs,
‘Matin aprés matin, vous ne revenez pas.
3. Parallélisme embrassant (shuangni dui). C’est quand, dans un vers, le
premieretle troisi¢me caractére sont « autonine », embrassantainsi ledeuxitme
caractére, et que le vers suivant est construit de méme.
L’été est chaud, 1’été ne décline pas,
L’automne est gris, &]’automne il ne revient pas.
4, Parallélisme liant (lianmian dui). Dans ce parallélisme il n'y a pas de
coupure, Les deuxigme et troisi¢me caractéres du vers sont le méme, redoublé.
Mais s°il en est ainsi au premier vers, il doit en étre de méme au second.
Les tendres lotus, les lotus sont comme ses joues,
Le clair courant, le courant est comme sa ceinture.
La jeune lune, la lune est comme ses cils.
Les deux lotus se lisent & la suite, ils sont disposés dans le premier vers ; les
deux lunes sont liées l’une a l'autre, elles sontplacées au sein du deuxitme vers.
Un caractére est lu deux fois, deux caractéres viennent ensemble. Le sens
traverse les mots religs, c’est de la que vient le nom. L’émotion est suscitée de
diverses maniéres et les principes (@’euvre) sont obscurs et difficiles & saisir,
(mais d’une manitre générale), c'est parce qu’elle est scindée qu’elle peut se
prolonger ?. En fait, ce procédé n’a rien & voir avec le style du fu, dont il ne fait
qu’emprunter la forme.
lllTraités Tang sur le parallélisme
Dense (feifei) se recucille la brume du soir,
Eclatante (hehe) jaillit la clarté de P’'aube ®,
Un autre auteur dit : (les dissyllabes) comme zhaozhao (matin apres matin),
yeye (nuit aprés nuit), zhuozhuo (éclatant), tangtang (majestueux) [etc. etc.)
sont nommés parall@lismes liants.
5. Parallélisme double (réciproque ; hucheng dui). Terre / ciel, soleil /lune,
licorne / phénix, or / argent, terrasse / palais, tour / belvédére, si l’un des deux
termes est au premier vers et l’autre au second, sont des parallélismes réguliers.
Si les deux caractéres sont couplés dans le méme vers, on appelle cela paral-
lélisme double °.
Ciel et terre sont calmes dans le coeur,
Soleil et lune sont brillants dans les yeux.
Licorne et phénix sont nobles pour dix-mille ans,
Or et argent sont abondants pour une génération.
6. Parallélisme des dissemblables (Yilei dui). C’est quand on met « terre » (la
Terre) au premier vers et « montagne » au second, ou oiscau / fleur, vent /
arbre. A la différence du parallélisme régulier, il y a association de choses
appartenant & des catégories différentes. Or, bien pénétrer ce procédé est la
marque des grands talents, ceux qui savent encager l’univers, ceux dont les
ceuvres sont les plus belles ct dont rien n’entrave le génic. Chez ceux-Ha, qu’ils
produisent peu ou beaucoup, dés qu’ils écrivent se forme (naturellement) un
po’me. Leurs ceuvres n’en ont que plus de valeur (...).
Les poissons sautent, jouent en écartant les lotus,
Les hirondelles volent, dansent en effleurant la boue.
Sur la cithare, une fleur rouge caresse [les cordes],
Auprés du vin, un loriot jaune passe.
Un oiseau en vol, des poissons qui sautent, la musique de la cithare, le chant du
vin ; ce sont déja la choses dissemblables. Cela peut aller jusqu’a mettre en
paralléle l’oiseau qui s’envole en animant la branche, le poisson qui bondit en
remuant I’onde, les feuilles luisantes qui reposent sur I’eau, les branches
mobiles quis’agitent au vent. En partant de la carpe rouge, on améne a ses cots
le chant du vin. Vin et chant sont deux choses différentes, elles n’appartiennent
pas A la méme catégorie. (Ainsi) du vide nait quelque chose ®.
‘Yuan Jing dit : « les paralléles des dissemblables sont du type “oiseaux qui
s’en viennent / bétes qui s’en vont, derniére lune / premier givre” ». Venir /
s’en aller, premier / dernier n’appartiennent pas ala méme catégorie ". Le pa-
rallélisme des dissemblables est meilleur que celui des semblables.
112Traités Tang sur le parallélisme
7. Parallélisme dans le style du fu (futi dui). C’est quand, & la téte (1-2), au
ventre (3-4), ou a la queue (4-5) , on trouve un caractére redoublé (chong zi),
ou un bindme assonant (die yun) ou allitératif (shuang sheng) ".
La lune des Han s’assombrit d’aube en aube (zhaozhao),
Le vent des nomades fraichit de nuit en nuit (yeye).
Parmi les nuages espacés la pluit fait dili (anc. tik-lik),
Dans la brume légére les arbres sont indistincts (menglong)).
Si le premier vers est équilibré (par la présence d’un bindme) et pas Ie second,
c’est une faute. (...) Le phénix chante « huihui », le cerf brame « youyou »,
toujours (wangwang), en tous lieux (chuchu), (se répondent) ces termes
grdcieux (e’na : pron. anc. a’ na), en vagues élégantes (hantan). Pour imiter les
flots, on dit huiwei ; pour décrire la plante xing, on dit cenci. Lors qu’on
commence par un mot redoublé, il viendra ensuite un mot rédupliqué.
8. Parallélisme d’allitérations (shuangsheng dui).
Dans 1a rosée d’automne, le parfum des beaux chrysanthémes (jia ju),
Dans la brise du printemps, la fragrance des jolies orchidées (li lan).
Egalement de ce type sont « belles fleurs » (hao hua), « bon vin » (jing jiu),
«lune gracieuse » (yanyue), « cithare précieuse » (qi gin). [A coté de ces
compositions libres, sont donnés des bindmes lexicaux. Shangguan Yi donne
d’autres exemples d’allitération libre, parmi lesquels les plus intéressants sont
du types jian jun (« je vous vois »), qui n’est pas un composé nominal, mais une
phrase.]
9, Parallélisme d’assonances (dieyun dui). (Redondant par rapport 8 7-8.]
10. Parallélisme en palindrome (huiwen dui).
Le rapprochement dans I’amour vient de la réalisation du désir,
La réalisation du désir vient du rapprochement dans l’amour.
Un amour neuf fatalement deviendra vieux,
Devenu vieux pourtant il se refera neuf.
Les répétitions se font a distance, le sens court en cercle, Par le renversement
du texte, les mots reviennent deux fois.
11. Parallélisme par le sens (yi dui).
La fin de l'année approche de la chambre vide,
Un vent frais se eve & l'angle de la couche.
Au soir comme au matin, il fait déja bien froid
Et la rosée se forme aux herbes du jardin. (Yan Yanzhi)
113Traités Tang sur le parallélisme
« Fin de l’année » et « vent frais » ne sont pas paralléles ; « matin et soir » et
« rosée blanche » ne sont pas appariés. Mais les sens prennent appui les uns sur
les autres et il n’y a pas deux idées (mais une seule).
12. Parallélisme ordinaire (ping dui) '. Comme dans « montagnes bleues /
eaux vertes », C’est le parallélisme le plus courant, d’oit cette appellation.
13. Parallélisme recherché (qi dui). Comme dans Riviere Majia (litt. Joue de
Cheval) / Mont Xiongshan (litt. Oreille d’ours) : cheval et ours sont des ani-
maux, joue et oreille des parties du corps. Comme il ne s’agit pas d’un
parallélisme commun, on l’appelle parallélisme recherché. (...) Ou encore,
comme dans (rivitres) Qi et Ju / Quatre frontiéres (Ie pays de Qi) oii, outre le
parallélisme des nombres * (Qi étant homophone de sept), on a celui de deux
‘bindmes allitératifs (en pron. anc.). Ou encore, lorsque I’on a des noms
d’anciens, Zeng Tsan et au second vers Chen Qin, Can et Qin étant aussi deux
des vingt-huit mansions célestes. Dans de tels cas, le parallélisme est le fruit
d'une recherche.
14. Parallélisme des semblables (tong dui). Comme dans « Dagu (Grande
vallée) / Guangling (Vaste tumulus) » et « nuages minces / brumes Iégéres »,
oil « grand » et « vaste », « minces » et « légéres », sont de méme nature.
Comme couples de ce type : nuages / brumes, étoiles / lune, fleurs / feuilles,
vent / fumée, givre / neige, vin / coupe, est / ouest, sud / nord, bleu / jaune,
rouge / blanc, rouge / pourpre, nuit / nuit (xiao / ye), matin / aube, fleuve /
rivitre, palais / pavillon, voiture / cheval, chemin / route, etc. "”.
15, Parallélisme par le caractére (zi dui). Dans « cannelier-rame /porter-
hallebarde », he signifie porter, mais ce caractdre désignant aussi une plante (le
lotus), il peut étre mis en paralléle avec « cannelier ». On ne fait pas appel au
parallélisme du sens, on ne se sert que du caractére. Autre exemple :
A quoi bon ouvrir les vantaux d’or,
On s’enivrera pour finir dans la maison de Shi Chong '*,
16. Parallélisme par le son (sheng dui). Yuan Jing dit: « dans “route au
matin / givre d’automne”, /u signifie route et ne saurait répondre & givre par le
sens » ; mais il peut Ie faire par homophonie avec /u, rosée.
La cigale précoce chante parmi les saules altiers,
Le gui épais s’accroche aux pins profonds.
Le gui (niao) est une piante ; mais, se prononcantcomme « oiseau », il peutétre
couplé & « cigale ».
114Traités Tang sur le parallélisme
17. Parallélisme par élément graphique (ce dui). Dans Fengyu / Longshou
(toponymes), la moitié de feng est constituée par I’ élément ma, « cheval », qui
peut done répondre a «dragon ». La moitié de yu est constituée par yu,
« plume », qui peut répondre a « téte ». Dans « la source coule / pic rouge »,
1’élément supérieur de « source » est formé par le caractére « blanc », qui peut
répondre & « rouge » ®. (...) Les procédés précédents sont des exemples de
parallélismes complets, et nos contemporains sont nombreux a les combiner
dans leurs @uvres ; aucun pourtant n’a compris lecheminement de celui-ci. Yu
Gongyi (2) ’a bien caché au fond de sa corbeille ; on ne saurait donc le mettre
au compte des gens sans talent. Gardez en bien le secret, gardez en bien le
secret !
18, Parallélisme approximatif (linjin dui).
‘Nuages froids, couleurs Iégeres et lourdes,
Eaux d’automne, vagues qui vont et viennent, (Chen Houzhu)
Ce parallélisme ressemble en gros au parallélisme régulier, mais ce dernier est
serré, alors que celui-ci est Hache ®,
19. Parallélisme en chiasme (jiaoluo dui : « inversion liante »). Un fu dit :
L’une aprés I’autre trois dynasties
Cing cents ans et plus [ont passé]. (Bao Zhao)
Ona dit: « “et plus” se rapporte a “ans” ; cela ne forme pas un paralléle avec
“Lune aprés l'autre”, Les anciens voient toujours un paralléle quand il y a
quatre caractéres et quatre idées, aussi a-t-on cru bon d’en donner un ex-
emple® »,
20. Parallélisme interne (dangju dui). Un fu (de Bao Zhao) dit :
Les parfums se sont évanouis, les cendres sont mortes,
Les lucurs ont disparu, les musiques se sont éteintes ®.
21. Parallélisme coulant (hanjing dui). Un fu (de Sima Xiangru) dit :
Longuement et vers un but lointain,
‘Tranquillement et sans bruit ?.
22. Parallélisme en antithése (Beiti dui). Xie Lingyun écrit :
Pour m’avancer dans la vertu, mon intelligence est trop bomnée,
Pour me retirer dans les champs, ma force est trop limitée 4,
23, Parallélisme incomplet (pian dui).
Xiaoxiao font les chevaux,
Youyou les étendards... (Shijing)
115Traités Tang sur le parallélisme
Cela signifie que ce parallélisme n'est pas tres poussé. Autre exemple :
Les antiques tombeaux, labourés, deviennent champs,
Pins et cyprés, abattus, deviennent fagots. (19 poémes anciens)
Que, pour parfaire leur expression, les anciens n’aient pas cherché jusqu’au
bout un parallélisme rigourcux, montre leur souplesse. Si l’on objecte qu’il
Wen est pas de méme chez nos contemporains, je citerai Shen Qianqi :
La joie du printemps passe prés de l’Etang aux esprits,
Les étendards de l’automne sortent de la Citadelle du phénix.
Les exemples sont nombreux. Or de tels vers sont spontanés, bien qu’ il y ait ici
couplage d’abstrait et de concret (esprits / phénix) *.
24. Parallélisme de deux vides et deux pleins (shuangxushi dui).
Amis d’autrefois : nuées et pluie dispersées,
Montagne vide, allées et venues rares *6,
Dans ce po&me, le sens est complet des le premier vers. Ce n’est pas comme
dans le parallélisme double (type 5).
25, Parallélisme faux (ou par emprunt, jia dui).
Point ne dirai les projets dans mon cceur,
En vain retournerai aux monts dessus la mer.
(iaoran) dit que le parallélisme faux est du type : « recommander (litt. pousser)
une proposition / épousseter les vétements » 7”.
26. Parallélisme exact dévié (giece dui). C’est une différence subtile au sein
d'une similitude d’ensemble :
De la cloche flottante, la nuit, I'écho est pénétrant,
Du miroir volant, & l'aube, la lueur est oblique.
Lacloche flottante est bien une cloche, mais le miroir est la lune. Si les sens sont
similares, il y a deux idées différentes *.
27. Parallélisme incomplet avec allitérations (shuangsheng cedui). Cela
signifie que les mots different par le sens, et que le parallélisme vient des seuls,
bindmes allitérés.
Le vert des monts souligne le mur-faisan [anc. d'id'iep],
La nuée pourpre obscurcit piliers et auvents [yanying] ?*
28, Parallélisme incomplet avec assonnances (dieyun cedui). Les mots
different par le sens, mais sont similaires par la structure sonore.
Toute sa vie (pingsheng) elle écartera les rideaux brodés,
Solitaire et recluse (yaotiao), elle se proménera au jardin fleuri.
116Traités Tang sur le parallélisme
Cui Rong dit:
Dansn'importe quel genre, le parallélisme est indispensable. Le texte ne doi
ni boiteux ni borgne. Un texte boiteux, c’est quand le premier vers contient un
dissyllabe assonant, et le second une expression ordinaire. Un texte borgne, c'est
quand le premier vers parle d’un paysage et le second d’un personnage, ou le
premierde vent etde ciel etle second de montset de riviéres. Pourquoicela ?C’est
que vent et ciel n’ont pas de forme et sont invisibles, alors que monts et rivigres
ont une apparence visible.
(Mais) Jiaoran dit: « Des mots comme lumiére, vent, cceur et couleur
peuvent étre mis en paralléle avec du concret comme avec de I’abstrait ».
Aujourd’ hui, chez les pottes de la capitale, nombreux sont ceux qui, aux
premier et dernier distiques, ne mettent pas de parallélisme *, Exemple :
Les chevaliers sont fatigués par les souffrances,
La nuit tombe au gué de Xiaoping.
La couleur des chevaux égare les gardiens de la passe,
Le chant du coq réveille les hommes du camp.
La rosée est fraiche sur I’éclat des épées ciselées
La lune est brillante sur le lustre des sabres précieux.
Nous demandez-vous ot nous allons ?
Sur Ja Mer du Nord, chez Sun Bin ! (Yan Zhitui)
29. Parallélisme sans parallélisme (zong bu dui dui) *". Exemple :
Durant notre vie, tant que nous étions jeunes,
Quand nos mains se quittaient, il était facile de se dire « au revoir ».
Mais vous et moi sommes au soir de la vie ;
Ce n'est plus une séparation ordinaire.
Ne parlons plus simplement dune cruche de vin.
Demain nous ne la tiendrons plus ensemble.
En réve on ne sait plus la route,
A quoi bon la consolation des pensers mutuels... (Shen Yue)
C’estun potme sans aucun parallélisme (de surface). Une telle composition est
des meilleures, car sa technique de mise en paralléle ne repose pas directement
sur (des associations du type) vent / fleur ou bambous / arbres, mais sur le
contenu (yong shi) ?.
Quelques remarques
La Chine a connu, autour du parallélisme, une inflation terminologique
comparable celle qu’ a connu, autour de la métaphore, la rhétorique occiden-
tale. Liu Xie appréhende encore le phénoméne dans ce qu’il a d’essenticl.
117Traités Tang sur le parallélisme
Comme Aristote, il manifeste « un intérét pour les procés, plus que pour les
classes » 33, II n’en va pas de méme de ses successeurs : le probléme auquel
Kakai se confronte est bien celui d’un enlisement dans la taxinomie.
En répugnanta dissocier les différentes sérics (multipliant ainsi les effets de
recoupements), séries dont les enjeux ne sont d’ailleurs pas les mémes, il ne
parvient pas, malgré ses efforts (comme quand il inverse les deux derniers types
de Jiaoran, pour trouver un meilleur point d’articulation avec ceux de Cui
Rong), & présenter un ensemble ts cohérent. La volonté, louable en soi, de
donner sur un point la parole plusieurs auteurs, aboutit A bien de la confusion,
d’autant plus que, dans l’enchevétrement des textes et des commentaires, il
West pas toujours aisé de savoir qui s’exprime. A travers ce labyrinthe, il faut
tenter de retrouver, a I’intérieur méme de chaque série, des « unités de sens »
(ainsi des types 12 ct 13, 15 17,21 et 22), Comments’ en tirer, si cen’estenfler
encore la taxinomie ? Nous ne tenterons pas de rentrer dans le jeu de la
classification et nous bornerons & quelques remarques.
D’abord, alors que la postérité ne le verra plus qu’a travers le procédé du
couplage de mots, les auteurs Tang ont du principe général du parallélisme une
vision plus étendue, qui comprend palindrome et chiasme. Mais le couplage,
approché de diverses manitres (sémantique, structurelle), occupe sans conteste
lavedette. La plupart des types s’y rapportent, qu’il s’agisse du couplage simple
(de deux caractires) ou de jeux plus complexes : répétitions, redoublements, as-
sociations, allitérations, etc. Il importe de bien comprendre dans tous cescas que
cequeles théoriciens entendent par parallélisme, ce n’est pas, comme une lecture
rapide pourrait Ie laisser supposer, I’association de deux éléments similaires
dans un méme vers, mais la répétition de cette structure associative au second.
Ainsi, malgré les apparences, il n’est pas question de parallélismes phoniques,
mais du parallélisme de strcutures phoniques quivalentes (un bindme allitéré est
mis en paralléle avec un binéme allitéré, comme un nom avec un nom:
parallélisme d’allitérations, et non parallélisme par allitération). Le couplage
vers a vers est donc premier ; les autres parallélismes n’ existent qu’a travers lui.
Un peu a part est le cas des types 11 et 29., qui envisagent un parallélisme
sémantique en dehors de tout parallélisme formel, la différence n’étant que
échelle, du distique au podme. On a vu que le type 29 pouvait étre attribué &
Kikai. N’en est-il pas de méme du 11 ? Car il apparait a la fin d’une premiére
liste, aprés un remaniement avoué de Kikai (7 49), mais encore il ne figure,
autant qu’on le sache, chez aucun des auteurs chinois, & qui une conception du
parallélisme abstrait de la forme semble décidément étrangére (méme les types
21 et 22, fondés sur des critéres sémantiques, sont illustrés par des parallélismes
formels). On sait & quel point I’esthétique japonaise privilégie la disymétrie.
Est-ce le génie de sa nation que Kakai aurait laissé parler ici ?
118Traités Tang sur le parallélisme
L’Essai sur le parallélisme, probablement du 7° s.,cst d’auteur inconnu. Ce
beau texte se compose d’un essai théorique et d’une partie pratique (omise ici).
L’ouvrage semble se référer surtout &la prose eta pu constituer un manuel pour
la rédaction de textes officiels, plus que littéraires, mais reste pertinent pour la
poésie. A la différence des 29 parallélismes, il refuse de s’embarasser dans la
classification, n’en donnant que quelques traits essentiels, et porte surl’essence
du parallélisme (art de l’intelligence des choses, différence avec le langage
courant, principe d’espacement) des jugements pénétrants.
Essai sur le parallélisme
Dans toute wuvre littéraire, le parallélisme est une nécessité. Car rien
n’advient isolément (shi bu gu li) * et toutes les choses n’accédent a l’existence
que par couples. Ainsi en est-il du haut et du bas, du noble et du vil, de ’étre
et du non-étre, de la similitude et de la dissimilitude, de la venue et du départ,
du vide et du plein, du vrai et du faux, de la sagesse et de la bétise, de la peine
etde la joie, de la lumiére et de I’ obscurité, de la souillure et de la pureté, de la
vie ct de la mort, de la progression ct du repli : dans toutes ces circonstances,
on parle de parallélisme par opposition (fan dui).
En dehors de ce dernier, il faudra aussi apparier les choses par classes. Un,
deux, trois, quatre : c’est la classe desnombres ; est, ouest, sud, nord, c’estcelle
des orients ; vert, rouge, brun, jaune, c’est celle des couleurs ; vent, nuages,
gelée, rosée, c’est celle des météores ; oiseaux, bétes, herbes, arbres, c’est celle
des étres (wu) ; oreille, oeil, main, pied, c’est celle des parties du corps ; voie,
vertu, humanité, bonté, c’est celle des conduites ; Tang, Yu, Xia, Shang, c’est
celle des régnes ; roi, prince, duc, ministre, c’est celle des rangs.
Quant aux autres couplages, qui opposent groupements de deux caractéres,
binémes par redoublement, allitération ou assonance, les catégories en sont
trop nombreuses pour que je traite de chacune.
En poésie comme en prose, nul principe constant ne préside aux diverses
variétés (du procédé). Parfois, les membres se correspondent terme a terme :
De la pureté ronde (le Ciel, de forme circulaire et de principe yang) se dessine
l'apparence, / de l’impureté carrée (la Terre, de forme carrée et de principe yin)
se forme I’aspect ; Les sept éclats (astres) surveillent d’en haut, les cing pics
(montagnes sacrées) gouvernent d’en bas **.
Parfois, les deux termes sont en succession discontinue, la réponse ne
survenant qu’aprés intervalle d’une phrase : « Xuanyuan prit la Carte (du
Fleuve) / et le phénix rouge nicha sur la tour ; // Tang Yao tint le calendrier /
et la tortue noire bondit dans l’abime ».
119Traités Tang sur le parallélisme
Parfois, des termes opposés sont juxtaposés et peuvent ainsi étre couplés
(dans la phrase suivante) a un couple (de structure semblable mais de sens)
différent : « Du Ciel et de la Terre la hiérarchie est fixée ; /du souverain et des
hommes la Voie est constituéc, // soit fruste soit raffinée, / parfois ascendante,
parfois déclinante ».
Parfois, ce sont des termes appartenant dla méme classe qui sont justaposés
(de 1a méme manitre) et peuvent étre ainsi appariés & un couple analogue (dans
la phrase suivante): « Le zhiying et le mingjia (plantes de bon augure)
manifestent leur beauté par les cours et les escaliers ; / le jade et le bronze
diffusent leur éclat par les monts et par les vallées ».
Ces quatre procédés sont les voies constantes du parallélisme. « Quand on
confronte les choses et que I’on associe les mots » *, on ne saurait aller a leur
encontre. Un mot qui vient en haut doit trouver sa réponse en bas, et ce qui vient
aprés doit faire écho (ying) &ce qui vient avant. On feraen sorte que les phrases
et les mots se correspondent bien, (afin que) le sens des choses trouve son plein
accord. Il en va comme de l’ombre et de I’écho qui répondent (au son et & la
forme sensible), comme des joues et des machoires, indissolublement liées *”.
I arrive que les expressions couplées viennent plus haut dans le premier
membre que dans le second : « Les froides nuées au bout des monts s’élévent,
/ lc triste vent s’ébranle aux abords des foréts » **, Il arrive que le premier terme.
soit composé et le second simple : « Le soleil ct la lune épandent leur clarté, /
les nuages auspicicux dissolvent leurs couleurs ».
Si les mots ne sont pas de la méme classe, les choses (qu’ils expriment) ne
peuvent (en principe) étre associés. Toutefois, le langage n’est pas fixe : il est
souple dans sa forme. Si, malgré tout, on veut a toute force lui imposer le
parallélisme, celui-ci devient alors une entrave considérable. I] convient donc,
en bon accord avec le sens, de le relacher de temps a autre.
Pratiquer le parallélisme, c’est avoir une vision associative et savoir la
mettre en mots (bing jian yi zhi ci).
— Comm. : Par exemple : « Verts bambous gracieux, dont le bruissement
fait 6cho la brise d’or /pourpres nénuphars étincelants, dont !’éclats’accroche
alarosée de jade ». (Associer) verts bambous et pourpres nénuphars, brise d’or
etrosée de jade, cela revient A associer des choses d’ essence différente.
En I’absence de parallélisme, le sens résulte de la succession des phrases.
~ Comm, : Par exemple : « A partir de cette époque, il y eut dans le monde
des personages hors du commun»; et «Si l’on discerne cela chez le
souverain, ily a assurément de quoi mourir de honte ». Dans ces exemples, le
sens se constitue par la simple succession des phrases.
120Traités Tang sur le parallélisme
Qu’est-ce que cela voudrait dire, sinon que le couplage (ouci) réside dans
l'association des choses (canshi). $’il n’y a qu’une chose a dire, il n’y a pas a
la dire deux fois (gu yi bu ke bie yan).
— Comm, : Si l’on n’adopte pas la forme paralléle, c’est que l’on met dans
les mots un seul sens ; on doit par conséquent l’exprimer par I’enchainement
des phrases et ne pas dédoubler le discours.
En littérature, il faut pratiquer toujours le parallélisme ; que les phrases ob
Von ne applique pas se bornent a un ou deux, car si le non-parallélisme
domine, ce n’est plus de Ia littérature.
— Comm, : Si les phrases non-paralléles sont les plus nombreuses, il n’y a
plus de différence avec le langage de tous les jours (su yu).
A ’intérieur d’un couplage, il faut avant tout observer l’espacement (des
sens) *. Ainsi, ce qui est lointain et ce qui est proche (dans le temps) doivent
@tre opposés. Par exemple, en parlant des présages : « Al’époque de Xuanyuan,
le phénix chanta A Yuanyu, /du temps de Han Wu, la licome nagea &
Yongzhi ».
Le grand et le petit doivent étre mesurés I’un a I’autre. Ainsi, en décrivant
les animaux : « La perche, éloignée de la Mer orientale, peut nager gracer &
leau ; /l’oiseau-roc, s’envolant de I’ Abime méridional, peut s’élever grace au
vent » ®,
Beauté et laideur doivent étre contrastées. Ainsi en parlant des femmes :
«Comparable au beau visage de Mao Qiang, /semblable a la conduite
vertueuse de Mu Mu » (épouse de Huangdi, type de la vieille femme laide).
Le fort et le faible doivent étre opposés. Ainsi, en traitant de la répression
des rebelles : « Anéantir les baleines, comme on brise une branche pourrie ; /
exterminer les fourmis, comme on jette de vieux restes ».
Sil’on manque & établir des couplages de ce type, le texte est mal assuré.
Laréflexion permettra de généraliser ce principe. (Mais) il arrive qu’a« soleil »
on fasse répondre « Iueur », qu’a « vent » on fasse répondre « souffle », qu’a
su on fasserépondre bai (les deux signifient « blanc »),qu’a« oiseau » on fasse
répondre « gent ailée ». Sous des mots différents, il s’agit des mémes choses.
Ce type de parallélisme doit ¢tre évité & tous prix.
Quand on prend Ie pinceau pour écrire, il faut d’abord bien connaitre le
parallélisme et associer les étres en fonction des classes auxquelles ils appar-
tiennent, associer les humains en fonction de leur type. Si l’on n’est pas
conscient de cela, on ne saurait parler de littérature.
121Traités Tang sur le parallélisme
NOTES
1. Un Shige anonyme (Stein 3011V) comporte, dans le méme ordre, les sept premiers
types. Kikai reconnait avoir lui-méme tiré de 7 les sous-types 8 et 9. Il est possible
enfin que le type 11 soit de sa propre main.
2. A T’époque de Kikai, le « style nouveau » (jinti) fixait la norme des examens
poétiques récemment institués. Or ces manuels, qui circulaient parmi les étudiants,
ne pouvaient, vu leur date, que refléter un style antérieur, celui de la fin des Six
Dynasties et du début des Tang (6° et 7° s.). Certains des principes exposés sont de
ce fait en contradiction avec le jinti.
Les deux dernires formules sont empruntées & Liu Xie.
4, Dans cette traduction allégée ont été supprimées les redites d’un texte difficile et
sans grice, regorgeant de truismes. On a évité de reproduire les lourdeurs du style,
sauf, 4 titre documentaire, dans quelques cas ott Kikai s'efforce de forger un
discours paralléle adapté & son propos (v. type 7). Le commentaire, souvent
tautologique, a été élagué. Parmi une masse d’exemples, seuls les plus parlants ont
616 retenus. Il était parfois difficile de bien traduire les extraits de podmes, donnés
hors contexte ; sans trop chercher, on a opté pour une des solutions possibles. On a
fait fide l’élégance, le but étant de faire ressortir les parallélismes. A la formule « un
auteur dit », on a pris le partie de suppléer les noms des auteurs. Sur ce point et pour
toutes indications philologiques, variantes du texte et autres, on pourra se référer en
confiance l'excellent et trés complet ouvrage de K6zen Hiroshi, Bunkyd hifu ron,
Ky6to, 1986. Lameilleure édition chinoise est celle de Wang Liqi, Wenjing mifu lun
jiaozhu, Pékin, 1983.
5. Mapparait’ la lecture que ces termes sont, suivant les auteurs, & prendre dans deux
acceptions. Tantot ils désignent le principe de I'équivalence positionnelle, tantét ils,
ésignent le couplage par opposition de sens.
6. C'est la définition dun huitain régulier, dont on a ici la fin,
7. C’est-A-dire passer d'un hémistiche &I'autre.
8. Cet exemple est un intrus, de méme que la liste de redoublements qui le suit,
puisqu’il n'y a pas coupure entre le premier et le deuxitme caractére. Ils devraicnt
figurer sous le type 7.
9. Mais il est indispensable que ce couplage ait son écho au vers suivant.
10. Le texte est corrompu et il manque un potme (cf. Kézen, p. 322, n. 8). Le vin du
deuxidme est-il mis enrapport avec la carpe du premier ? Pourtant, comme le montre
larime, ils'agitbien de podmes distincts. Le« chantdu vin » est peut-Gtre cependant
tiré du deuxigme : la fleur qui caresse les cordes de la cithare, et la fait résonner,
suggére, par parallélisme, que le loriot, oiseau renommé pour son chant, passant prés,
des jarres et des coupes, les fait chanter. L*imagination du podte « fait naitre » ainsi
« quelque chose de rien ».
11. Shangguan Yi donne apparemment& yilei dui le sens de zheng dui type 1).
12. Voir, sous 4 (parallélismes liants) pourquoi la position 2/3 n'est pas envisagée.
13. Les bindmes allitérés et assonnants sont des mots & valeur impressive, constitués de
12214,
16.
17.
18.
19.
20.
21,
22.
23.
24,
2.
26.
27.
Traités Tang sur le parallétisme
deux caractéres ayant, respectivement, méme initiale ou méme finale. Impossibles
a analyser, leur statut est lexical, mais les pottes peuvent en forger & partir de mots
indépendants. Le terme de caractére redoublé recouvre ici deux choses : dune part,
des bindmes lexicaux, souvent & valeur d’onomatopées (tiklik), d’autre part des
mots indépendants redoublés (yeye).
Le terme de palindrome n’est pas tout & fait adéquat, puisqu’il ne sauraity avoir, en
chinois, renversement des phontmes. Ona renoneé au terme plus exact, mais lourd,
d’antimétabole. Le terme de chiasme, également possible, a été utilisé pour le type
19.
Par opposition avec le type suivant, « recherché, étonnant » (qi), oi les effets sont
cumulés, c’est ici de l’effet simple qu’il s’agit.
Et bien sir celui des toponymes.
Ily a 1a des synonymes et des termes exclusifs 4 I’intérieur d'une série, Noter
T’association métonymique vin / coupe. Vent / fumée sont semblables en ce qu’ils
sont tous deux des corps immatériels se déplacant dans l'espace.
Le patronyme Shi signifie pierre, et répond done & or.
Noter aussi, entre « couler » et « pic », le parallélisme des clés de l'eau et de la
montagne, rappelant graphiquement un couplage classique.
Pour diverses raisons : aller-venir / léger-lourd ne sont pas de la méme catégorie
grammaticale. Couleurs / vagues représente une opposition abstrait / concret, au-
tomne appelerait plutét une saison, etc.
Divagation d’un auteur qui n'a pas pergu la figure.
Contrairement 2 6, le parallélisme porte sur toute la phrase, ce qui n'est possible
qu’avec un nombre de syllabes paires, donc pas en poésie.
Kézen H, pense & un « parallélisme descriptif » (hanjing signifie « contenir un
paysage » et c'est de la description d'un fleuve qu'il s'agit). Sion confronte ce type
avec le suivant, on peut penser qu’il s’agit de la poursuite d’une méme idée dans les
bindmes (youyuan, jiliao) mis en paralléle. Quelque chose de semblable & 14, mais
portant sur deux syllabes au lieu d'une.
L’antithése porte sur deux expressions (somme de deux types 14). Le sens global est,
synthétique : « Toutes voies me sont fermées ».
Lanotion d’incomplet recouvre des choses trés différentes : par un manque dans la
structure (zeugme), par une différence de construction (antiques tombeaux / pins et
cyprds), ou par une inadéquation sémantique. Un « correcteur » n'a pu supporter
cette derniére, qui figure dans le Quan Tangshi (97) avec la variante « les emblémes
du printemps ! >
Il s'agit de parallélisme entre expressions dissyllabiques abstraites et concrétes :
amis / montagnes, nuées et pluies / allées et venues. Noter la belle structure en
chiasme : abstrait-concret / concret-abstrait,
Ces parallélismes sont faux en ce sens qu'il y aemprunt d'un sens figuré &’un des
deux caractéres. Dans le premier exemple, il s'agit de « dans », qui, vu la notion
abstraite de « coeur », n'est locatif que par figure. Dans le second, on a un jeu que
pourrait rendre le frangais « pousser un cri/ tirer une charrette ». Ceci est &
123Traités Tang sur le parallélisme
distinguer du type 15, qui joue sur deux sens du méme mot, alors qu'il s’agit ici du
méme sens, avec valeur figurée dans un contexte donné.
28. C'est un glissement métaphorique sur un des deux termes. Ce parallélisme est
renforcé par le couplage des mouvements dans I’espace, et par le contenu implicite
des images : 'insomnie du sujet, pour qui les heures qui s’égrénent et le lent
déplacement de la Lune (suivi jusqu’a l'aube) marquent I’écoulement interminable
des heures. Vient s'y ajouter un parallélisme entre I’écho et Ie reflet. Que la
métaphore ne soit, dans les traités, abordée que par le biais du parallélisme en dit
long sur le statut de ce dernier.
29. Bien que « mur-faisan » (un type de mur défini par sa hauteur) et « piliers et
auvents » soient des termes architecturaux, une différence de structure y alttre le
parallélisme, mais elle est compensée par la présence de deux allitérations.
30. C’est la définition méme du huitain régulier (liishi).
31. Le potme donné en exemple figure dans un traité de I’époque, le Wenbi shi, sous le
titre « absence totale de parallélisme ». Le titre adopté par Kikai suggere que lui au
moins y voyait bien une sorte de parallélisme (cf. Kézen H., p. 365). Et c'est
probablementparce que cette idée lui est propre qu'il dispose ce type en finde traité,
coupé des autres par des réflexions générales.
32. Kézen H. comprend « ni sur une allusion ». Je suis la ponctuation adoptée par les,
6ditions chinoises modemes (cf. par ex. Wang Liqi, p. 269). Ily abicn une allusion
dans le second distique (Zhang Min révant de Gao Hui), mais on ne voit pas
comment elle entre dans un quelconque parallélisme. Les effets suggérés ici sont
plutdt d’ordre sémantique et I’analyse structurale aurait beau jeu de les mettre en
lumitre ; signalons le plus évident : jeunesse-séparation provisoire /_ vieillesse-
adieux définitifs.
33. Paul Riceeur, La métaphore vive, Paris, 1975, p. 14.
34. On reconnait la formule de Liu Xie.
35. Ces beaux exemples de couplages cosmiques sont typiques de la prose officielle,
36. L’expression venant dun commentaire du Liji : « confronter les choses et associer
les mots, c’est l’enseignement du Chungiu ».
37. Allusions au Shangshu (Day mo) et au Zuozhuan (Xi, 5).
38. « Bout des monts / abords des foréts » occupent les positions 3-4 et 4-5 et sont done
en décalage. C’est un peu vite que Wang Li (Hanyu shiliixue, Pékin, 1965, p. 177)
s’attribue la découverte de ce type de couplage.
39. Espacement : xiaoxi, Cette expression est tirée du Yijing (hex. feng): «Dans
Valternance de leur plénitude et de leur déchéance, ciel et terre connaissent tour &
tour épanouissement et décrépitude ». C’est la manifestation la plus radicale des
mutations ; ce qui est impliqué, c*est l’opposition des états extrémes.
40. Cf. Zhuangzi, 1 et 18.
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