You are on page 1of 36
SCIENCES THEOLOGIQUES & RELIGIEUSES - 2 SAGESSES DE L’ORIENT ANCIEN ET CHRETIEN LA VOIE DE VIE ET LA CONDUITE SPIRITUELLE CHEZ LES PEUPLES ET DANS LES LITTERATURES DE L’ORIENT CHRETIEN Conférences I.R.O.C. 1991-1992 Textes réunis par RENE LEBRUN UER DE THEOLOGIE ET DE SCIENCES RELIGIEUSES INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS e a BEAUCHESNE AN 73 Liste des intervenants Krikor BeLepian Anne Boupors Jacques Brien Didier DevaucneLte René Leprun Marie-Joseph Pierre Emilio Piatt o.p. Michel Trumanie mep Michel van Essrock s.j. Institut catholique de Lyon Institut catholique de Paris, E.L.C.0.A., CN.RS. Institut catholique de Paris, U.E.R. de Théologie C.N.R.S., Université de Genéve Faculté des Lettres Institut catholique de Paris, E.L.C.O.A. Institut catholique de Paris, E.L.C.O.A. E.P.H.E, V Section Institut catholique de Paris, EL.CO.A., LS.T.R. Institut catholique de Paris U.E.R. de Théologie Munich CHAPITRE QUATRIEME LE CHEMIN DE VIE _____DANS L’EGYPTE ANCIENNE! par Didier Devauchelle L’idéal de sagesse et de morale en Egypte ancienne est rendu parfois par la formule « chemin de vie ». Dans I’arse- nal d’expressions littéraires des textes sapientiaux ou dans les clichés autobiographiques, l’image du chemin que le dieu indique au roi ou aux hommes ou celle du bon chemin que Pour limiter les renvois aux différentes traductions des textes égyp- je regroupe ici quelques références qui ne seront pas rappelées par la suite : Cl. LALOUETTE, Textes sacrés et textes profanes de l’'ancienne Egypte, t. 1: Des pharaons et des hommes, t. 11 : Mythes, contes et poésies, Paris, Galli- mard, Connaissance de l’Orient, Collection Unesco d’cuvres représentatives, 1984-1987 ; G. LEFEBVRE, Romans et contes égyptiens de I’Egypte pharaonique, Paris, Librairie d’Amérique et d’Orient, Adrien Maisonneuve, 1949; et J. Leveque, Sagesses de I'Egypte ancienne, Paris, Ed. du Cerf, Supplément au Evangile 46, Service biblique évangile et vie, 1983 pour la traduction jise de ceux-ci, auxquelles il conviendra d’ajouter M. LICHTHEIM, Ancient Egyptian Literature. A Book of Readings, t.1: The Old and Middle Kingdom, t. IL: The New Kingdom, t. Ill : The Late Period, Betkeley-Los Angeles-Lon- dres, University of California Press, 1973-1976-1980, pour une récente traduc- tion plus littérale en anglais, accompagnée de notices introductives fort utiles, et H. BRUNNER, Die Weisheitsbiicher der Agypter. Lehren fiir das Leben, Zirich et Munich, Artemis Verlag, 1991, pour yne présentation et une traduction en allemand. Consulter également les articles du Lexikon der Agyptologie, Wies- baden, Otto Harrassowitz, 1975-1986, pour une présentation de ceux-ci et les principaux renvois bibliographiques, ainsi que R. B. PARKINSON, « Teachings, Discourses and Tales from the Middle Kingdom », dans St. Quirke (éd.), Middle Kingdom Studies, New Malden, S.1.A. Publishing, 1991, p. 91-122, pour une recension et une bibliographie recente des textes litteraires du Moyen-Empire. 92 - Didier Devauchelle le pharaon ou les hommes doivent suivre est usuelle, contrairement a cette expression « chemin de vie » qui est objet plus particulier de cet article. Pour en faire l'étude, je mentionnerai tout d’abord les textes qui illustrent au mieux l’image du dieu comme guide, en particulier du roi, et celle du chemin qu’il est bon de suivre. Dans un deuxiéme temps, j’aborderai les différentes mentions du « chemin de vie » classées chronologiquement, les comparant parfois aux expressions de sens proche. Je laisserai de cété, pour les étudier dans le paragraphe sui- vant, les attestations du tombeau de Pétosiris : elles relé- vent, en effet, d’un discours homogéne concernant I’attitude particuliére de ce haut personnage lors de la période critique de la deuxiéme domination perse et du début de leépoque grecque. Je conclurai en essayant de montrer comment Pimage du « chemin de vie » s’intégre dans histoire de l’ex- pression de la pensée égyptienne. I LA CONDUITE DE DIEU LA DEPENDANCE DU ROI Dans l’importante étude de Georges Posener, De la divi- nité du Pharaon', un chapitre est consacré au « roi dans la dépendance des dieux ». L’explicitation du réle terrestre de Pharaon passe par de nombreux textes soulignant « la reconnaissance de l’infériorité du monarque et de sa sujé- tion » aux dieux : les priéres que les Egyptiens adressent aux dieux en faveur de leur souverain ou celles que le pharaon 1. Paris, Cahiers de la Société asiatique, XV, 1960. Lire, également, la récente mise au point de J. GWYN GRIFFITHS, The Divine Verdict. A Stud) of Divine Judgement in the Ancient Religions, Leyde, E. J. Brill, Studies in the History of Religions (Supplements of Numen), vol. LIT, 1991, p. 161-183 (chap. 7 : « Egypt : Pharaon and People. A: The Gods and the God-King »). Le chemin de vie dans l’Egypte ancienne - 93 lui-méme adresse aux dieux, par exemple. Cette dépendance implique l’obéissance, comme celle d’un fils envers son pére. Cette obéissance est intrinsé¢quement liée au réle méme du pharaon. Accomplir la volonté divine, c’est, pour Pharaon, faire la madt. Ce n’est pas réduire la « divinité » du pharaon que de reconnaitre cette réalité. Le roi, intermédiaire entre les hommes et les dieux, sera considéré, suivant les contextes, comme un dieu avec les dieux ou un homme pour les dieux, comme un homme avec les hommes ou un dieu pour les hommes. Cette apparente contradiction des situa- tions est révélatrice de notre documentation, d’une part, et de la multiplicité des approches que les anciens Egyptiens montraient pour la réalité qui les entourait. Parmi la masse des images employées dans les textes qui rapportent divers types de comportement de « dépen- dance », il en est une qui nous intéresse ici, celle du roi qui suit le chemin que lui indique le dieu. L’idée méme de par- courir un lieu en tout sens pour le posséder et le dominer est une chose bien connue. La figure litteraire du bon et du mauvais chemin est également connue. LE ROI POSSESSEUR ET BIENFAITEUR DE L’EGYPTE Dans I’enseignement d’Amenemhat', le pharaon déclare (pap. Sallier II, col. XI, 1.7) : « Jai pénétré jusqu’a Elé- phantine, je me suis avancée dans les marais du Delta, pour tre debout aux frontiéres du pays, aprés que j’en ai vu l’in- térieur » et, de ce fait, montre a Egypte sa force bienfai- sante, ce qui permet 4 chacun de se nourrir, ses ordres étant exécutés comme il le faut, ainsi que sa force protectrice contre les ennemis. La construction d’un palais splendide témoignera de son efficience. L’image de la marche, du par- cours du territoire, impliquant la possession, la protection et 1. Consulter la deuxiéme édition de l’ouvrage de W. HeLck, Der Text der « Lehre Amenemhets 1. fiir seinem Sohn », Wiesbaden, Otto Harrassowitz, 1969, p. 68-69 et 71. 94 - Didier Devauchelle Yenrichissement du pays ainsi délimité, est une évocation majeure du devoir de Pharaon. Dans Vhymne a Sésostris III', le pharaon est tout dabord invoqué comme celui qui « marque » le territoire. Puis c’est la joie de tous, dieux et hommes, la reconnais- sance de la grandeur de Pharaon et la constatation de la « venue » de celui-ci, avec, A chaque fois, l’évocation de la force combattante ou protectrice de Pharaon, ainsi que les bienfaits qui en découlent. Cette évocation de Sésostris prend l’allure d’une biographie idéale de Pharaon, comme, plus tard, ’hymne prononcé pour I’accession au tréne de Ramsés IV dans lequel est évoqué le retour a une situation heureuse : la faim, la soif et la nudité sont balayées; ce sont la aussi des thémes classiques de l’autobiographie privée. On y rencontre des thémes plus spécifiquement royaux, comme la fin des troubles, la libération des prisonniers et Yallégresse générale. D’autres éléments sont encore évoqués, mais il n’est pas nécessaire de les détailler pour comprendre que ces textes font appel a un fonds phraséologique non exclusivement royal, que le but de ceux-ci est de tracer une image de Pharaon conforme 4 son réle et que la variété des motifs mentionnés est fonction de l’usage du texte, du desti- nataire potentiel et de la place qu’il doit tenir dans le dis- cours. Pour illustrer ce dernier propos on pourra, par exemple, rappeler I"hymne pour Thoutmés III gravé sur une stéle de granit, provenant du grand temple de Karnak, qui affirme qu’Amon-Ré lui a donné la force contre tous les Strangers. La phraséologie de ce texte développe pour Thoutmés les épithétes des dieux dans leur aspect combat- tant. Son aspect guerrier est explicable par le contexte poli- tique, un retour de campagne, et ses comparaisons divines par emplacement religieux du texte, le temple de la divinité tutélaire de Pharaon’. 1. Lire, également, les remarques de Ph. DERCHAIN, « Magie et politique. A propos de I’hymne a Sésostris III », C.d.£., LXII/123-124 (1987), p. 21-29. 2. Lire, dans le méme sens, les remarques de G. Posener, Littérature et politique dans ’Egypte de la XIF dynastie, Paris, Librairie Honoré Champion (éd.), 1956, p. 16. Le chemin de vie dans I’Egypte ancienne - 95 LE DIEU GUIDE DU ROI Pour illustrer Pidée du dieu guidant Pharaon sur le che- min, on pourrait faire appel 4 de nombreux textes. En voici quelques exemples particuli¢rement évocateurs. Le choix du chemin de Thoutmés III avant la bataille, pour atteindre Megiddo, est un élément crucial dans la tac- tique de Pharaon. Deux chemins s’offrent 4 lui, I’un aisé et évident, l'autre difficile et dangereux, dans un defilé. C’est le deuxiéme que choisira Thoutmés, ouvrant la marche de ses troupes, Amon-Ré « ouvrant le chemin » devant lui. Il est ten- tant de faire une lecture figurée de l"evenement décrit : le bon chemin n’est évident qu’a Pharaon alors qu’il est guidé par le dieu. Et c’est lui qui, 4 son tour, le montrera aux hommes. Un récit gravé sur les parois du temple d’El-Kanais, du temps de Séthi I*, raconte la découverte par le Pharaon d'un puits : « C’est dieu qui le guida, afin de lui permettre datteindre ce qu’il désirait. » Sur le chemin difficile des mines, en plein désert oriental, Séthi « a amené l'eau » et déclare que le « chemin qui était pénible, il s’est adouci durant mon régne ». Ce puits est la concrétisation d’un rap- port « parfait » entre le dieu, le pharaon et les hommes, cha- cun agissant 4 sa place. Le temple qui sera construit prés de Yemplacement de celui-ci est I’ « épiphanie » de cet acte. Les hommes reconnaissants déclarent alors : « O Amon, donne- lui P’éternité, redouble pour lui l’infinie durée; vous les dieux qui résidez dans ce puits, donnez-lui votre durée de vie, car il a ouvert pour nous ce chemin afin que nous y mar- chions...; le chemin difficile est devenu un bon chemin. » L’image du chemin est présente aussi bien dans le contexte géographique de ce texte, que dans l’attitude de Pharaon, mais sous-entendue, et dans la réalité des hommes. Dans le poéme de Pentaour rapportant le récit de la bataille que Ramsés II livra 4 Kadesh, la priére adressée par le pharaon au moment ou il se sent abandonné insiste sur le fait que Ramsés a bien suivi les ordres d’Amon, qu'il I’a traité comme il se doit et que les hommes ont fait de méme, bref qu’il a justement fait son devoir de Pharaon, comme un 96 - Didier Devauchelle fils pour son pére : Pharaon suit dieu comme un fils doit le faire avec son pére. Ce type de rapport évoqué, également, par la phrase : « Est-ce qu’un pére peut oublier son fils? » est celui-la méme qui tisse les autobiographies et les sagesses, dans le sens qu’un pére doit bien élever son fils pour qu’un jour ce dernier lui serve de « baton de vieil- lesse » et de prétre funéraire. Ce théme est également trés courant dans la relation que le roi a avec le dieu. La phra- séologie royale la plus stricte multiplie les expressions de la filiation du roi par rapport aux dieux'. Vis-d-vis de son armée qui l’a abandonné, Ramsés évoque aussi son action juste et sa bénévolence qui ne furent pas payées de retour. Cette notion de rétribution des actions est, elle aussi, bien connue des autobiographies et des sagesses. Elle est un des piliers de la madt. Ici, cette chaine a été interrompue par les dieux et les hommes et restaurée par la volonté de Pharaon. Lors de la conquéte de I’Egypte par Piankhy depuis le sud, ville aprés ville, la présence de Pharaon a été nécessaire pour assurer la victoire, c’est-a-dire le rétablissement de la paix. Amon est le guide des actions, mais c’est Piankhy, méme avant qu’il rejoigne son armée, qui apparait comme le focali- sateur de cette puissance, l’intermédiaire nécessaire. Lors des prises des villes rebelles, plusieurs fois le choix des assiégés est clairement évoqué, comme par exemple (1. 78) : « Ne fermez 1. N.-Chr. Grimat, Les termes de la propagande royale égyptienne de la XIX® dynastie 4 la conquéte d’Alexandre, Paris, Diffusion De Boccard, Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, nouv. série t. VI, 1986, p. 152 et s., et, surtout, G. POSENER, De /a divinité..., 1960, p. 34-35, qui insiste « sur les devoirs d’obéissance qu’impose au roi son réle filial », a cote de la notation de Yorigine divine du roi. Dans un ordre d’idées semblable, un roi appellera son prédécesseur « son pére », méme si celui-ci ne ’est pas, ou un prédécesseur plus lointain mais remarquable, comme pour insister sur la notion de continuité, cf. G. PoseNeR, Littérature et politique..., 1956, p. 3. Pour une vue d’ensemble des rapports entre le pére et Ie fils, cf. J. ASSMANN, « Das Bild des Vaters im Alten Agypten », dans H. TELLENBACH (éd.), Das Vaterbild in Mythos und Geschichte, Stuitgart-Berlin-KéIn-Mainz, Verlag W. Kohlhammer, 1976, p. 12-49 et 155-162, et, en dernier lieu, Chr. CaN- NUYER, « Paternité ct filiation spirituclle en Egypte pharaonique ct copte », dans Chr. CANNUYER et J.-M. KRUCHTEN (6d.), Individu, société et spiritualité dans V'Egypte pharaonique. Mélanges égyptologiques offerts au Professeur Aris- tide Théodoridés, Ath-Bruxelles-Mons, Association montoise d’égyptologie, 1993, p. 59-86. Le chemin de vie dans l’Egypte ancienne - 97 pas les portes de votre vie » et (1. 82) : « Voyez, deux chemins sont devant vous, vous choisirez comme vous I’entendrez : ouvrez et vous vivrez, fermez et vous mourrez! »! Ce texte met clairement en évidence le lien entre chemin matériel et voie 4 choisir au sens moral. L’expression « chemin de vie » méme y apparait (cf. infra), mais dans un contexte peu clair. Sur la stéle dite du songe?, le pharaon Tanoutamon fait un réve qui est interprété comme lui indiquant la nécessité de reconquérir "Egypte. La navigation au cours de laquelle il remonte le Nil est rapportée comme un récit 4 mi-chemin des annales et du pélerinage. La mention des fétes ou d’in- vocations aux grandes divinités 4 son passage dans chaque grande cité ainsi que la restauration des cultes 4 l’abandon rythment le récit. A la lecture du texte, on retire ’impression que Pharaon suit son chemin conformément a la madt, ce que confirme un passage a la fin du texte dans lequel Tanou- tamon rappelle sur le ton du serment que (1. 33-34) : « Je vis ce dieu auguste, Amon de Napata, Celui qui est au coeur de la Montagne pure, tandis qu’il était debout vis-a-vis de moi, et il me dit : je te guiderai sur chaque chemin; tu ne diras pas : puissé-je avoir une aide (?)... » La notion de féte atta- chée a l'histoire, déja relevée, semble ici se superposer 4 un récit de biographie idéale de Pharaon. Tanoutamon a fait ce qu'il devait faire, c’est-a-dire agir selon la volonté de son dieu et le remercier par une nouvelle construction. Amon de Napata l’a conforté comme roi, reconnu de tous; I’apaise- ment est ainsi revenu sur l’Egypte. LES IMAGES LITTERAIRES DU GUIDE ET DU CHEMIN L’image plusieurs fois évoquée des deux chemins devant lesquels on se trouve illustre le choix nécessaire de Pharaon 1. N.-Chr. GrimaL, La stéle triomphale de Pi('ankh)y au musée du Caire JE 48862 et 47086-47809, Le Cairc, M.I.F.A.O. CV, LF.A.O., 1981, p. 80 et 88. 2. Texte hiroglyphique republié dans N.-Chr. Grimat, Quatre stéles napatéennes au musée du Caire JE 48863-48866, Le Caire, M..F.A.O. CVI, LF.A.O., 1981, p. 3-20 et pl. LIV. 98 - Didier Devauchelle qui suit le chemin de dieu, le bon chemin qui méne a la vic- toire. Le bon chemin a suivre est le « chemin de vie ». Ce « chemin de vie » est indiqué par Pharaon ou par le dieu comme nous allons le voir plus loin. L’idée du dieu comme guide des hommes, comme le Pharaon peut aussi I’étre a l’oc- casion, est courante a partir du Nouvel Empire; c’est une notion qui se rencontre également dans les textes religieux. La figure de style du chemin indiqué est présente dans le Texte des Sarcophages, dans la Chanson des quatre vents (chap. 162). Ne dit-on pas du vent de l’est qu’ « il ouvre la porte du ciel, qu’il libére les souffles de l’Orient et qu’il fait un bon chemin pour Ré lorsque celui-ci sort en sa compa- gnie ». L’emploi des termes désignant le chemin ou la route, que ceux-ci aient un sens concret ou plus abstrait, est attesté dés les Textes des Pyramides. Les chemins peuvent étre mauvais ou bons, ils peuvent étre désignés comme des « chemins du dieu », « de la déesse » ou de tel dieu ou telle déesse'. Les pratiques magiques, la connaissance des for- mules adéquates, permettront de choisir le bon chemin ou d’éviter les embtiches dans l’au-dela. De nombreux autres textes pourraient illustrer ce pro- pos. En voici un. Dans le grand hymne 4 Amon datant de l’époque de Ramsés II, les paragraphes se multiplient décri- vant les différents noms et aspects de la divinité universelle, certaines phrases tentant d’évoquer une primauté de la divi- nité. On peut ainsi y lire (V, |. 19-21) : « Il est Horakhty, celui qui est dans le ciel : son cil droit est le jour, son ceil gauche est la nuit. Il est le guide des visages sur chaque che- min. » Le visage, siége de la vue et de la communication, désigne ainsi les hommes guidés sur le chemin. En dehors des extraits de la documentation religieuse de toutes les époques’, on peut renvoyer aux nombreux textes 1. Chr. Jacg, « Les routes de l'autre monde dans les Textes des Pyra- mides et les Textes des Sarcophages », L'égyptologie en 1979. Axes prioritaires de recherches, t. 2, Paris, Ed. du C.N.R.S., 1982, p. 27-30. 2. Voir, par exemple, E. OTTO, Got! und Mensch nach den dgyptischen Tempelinschriften der griechisch-rémischen Zeit, Heidelberg, Carl Winter-Uni- versitatsverlag, 1964, p. 43-45 et 152-153. On peut aussi mentionner le nom du dieu chacal Oupouaout, « Ouvreur-des-chemins » devant le roi ou les dieux. Le chemin de vie dans l’Egypte ancienne - 99 biographiques et littéraires usant de l’image du chemin ou de celle du dieu guide des hommes'. Ce sont les points de départ dune attitude qui ne devra pas étre confondue avec l’idée de prédestination, inconnue en Egypte’. L’Egyptien admet le fait d’étre dépendant et reconnait, en méme temps, son libre arbitre®. IL LE CHEMIN DE VIE Cest dans une étude devenue classique que B. Couroyer a abordé la question précise du « chemin de vie » en Egypte‘. Pour ce faire, il a recensé les attestations par lui connues, au moyen du dictionnaire de Berlin, auxquelles il a 1. Aux références déja citées ici ou la, on ajoutera, par exemple, H. Gra row, Die bildlichen Ausdriicke des Agyptischen, vom Denken und Dichten einer altorientalischen Sprache, Leipzig, J. C. Hintichs’sche Buchhandlung, 1924, . 64-65 ; K. JANSEN-WINKELN, epic Biographien der 22. und 23. Dynas- tie, Wiesbaden, Otto Harrassowitz, Agypten und Altestestament 8, 1985, p. 321-322 et index p. 588 (w3yt) ; J. D. Ray, The Archive of Hor, Texts from Excavations 2, Londres, Egypt Exploration Society, 1976, p. 62-63 ; J. H. JoHNsoN, « The Demotic Chronicle as a Statement ofa Theory of King- ship », J.S.S.E.A., XIII-2 (1983), p. 69 et n. 58-59 et p. 71 et n. 75. Une expression bien connue des autobiographies est celle qui dit d’un personage qu'il est « sur l'eau » (hr mw) de quelqu’un pour montrer qu'il lui est fidéle, cf O. Perpu, « Le monument de Samtoutefnakht a Naples », R.d.E., 36 (1985), p. 101 n.b., voire méme dépendant, cf. W. WESTENDORF, « “Auf Jemandes Wasser sein” = “von ihm abhiingig sein” », G.M., 11 (1974), p. 47- 48. Lire encore J. Gwyn GrirFiTHs, The Divine Verdici..., 1991, p. 184-198 (chap. 8 : « Egypt : Pharaon and People. B : Divine Impact on Human Affairs in Non-Royal Biography »). Pour une introduction aux (auto)biographies égyptiennes, cf. O. Perpu, « Egyptian Biographies/Autobiographies », dans Civilizations of the Ancient Near East, New York, Charles Scribner's Sons, a paraitre. 2. Fr. T. Miost, « God, Fate and Free Will in Egyptian Wisdom Litera- ture », dans G. E. KapisH et G. E. FREEMAN (éd.), Studies in Philology in Honour of Ronald James Williams. A Festschrifi, Toronto, $.S.B.A.- Publica- tions, 1982, p. 69-111. 3. M. LicHTHEIM, Late Egyptian Wisdom Literature in the International Context. A Study of Demotic Instructions, Gottingen, Universitatsverlag Frei- burg Schweiz - Vandenhoeck & Ruprecht, 0.B.O. 52, 1983, p. 133-134. 4. « Le chemin de vie en Egypte et en Israél », R.B., LVI (1949), p. 412-432 100 - Didier Devauchelle ajouté quelques mentions supplémentaires : un ensemble important qu’il cite de maniére précise — sur lequel je m’ar- réterai plus loin —, celui du tombeau de Pétosiris, et deux mentions isolées qu’il ne signale qu’en passant, celle frag- mentaire d’une inscription datée du régne de Ramsés II pro- venant de Tanis et celle extraite du papyrus Insinger d’époque romaine’. I] conclut que le « chemin de vie », en Egypte, est le droit chemin, aussi bien professionnel que moral, dont le contenu peut varier selon la condition de celui qui emploie cette expression. Elle remonterait au temps d’Amenhotep IV/Akhenaton. La documentation aujourd’hui disponible et les progrés de l’analyse des textes égyptiens anciens conduisent a réviser cette opinion. J’ai choisi de classer les mentions de cette expression suivant l’ordre chronologique. ORIGINE DE L'EXPRESSION G. Posener? a proposé de voir un ancétre de cette expression plusieurs fois attestée au Nouvel Empire et a la Basse Epoque dans un passage, a la fin de La Satire des métiers — texte composé au début de la XII* dynastie — (pap. Sallier II, col. XI, 1. 4) ot on la rencontre sous une forme vraisemblablement corrompue de « chemin des vivants » : « Adore dieu pour ton pére et ta mére Qui t’ont placé sur le chemin de vie » (litt. : « des vivants »). Le passage est peut-étre fautif dans les versions parve- nues jusqu’a nous; différentes possibilités de traduction se présentent au traducteur, mais le rapprochement est tentant avec l’expression étudiée ici. 1. Ibid., p. 413, n. 4. 2. « Les richesses inconnues de la littérature égyptienne (“Recherches lit- téraires”, I) », R.d.E., 6 (1951), p. 43, n. 1 Le chemin de vie dans l’Egypte ancienne - 101 TEXTES DU NOUVEL EMPIRE Dans les inscriptions de la tombe que le pére divin Ai se fit creuser 4 Amarna, mais qu’il n’utilisa pas, sur les lin- teaux intérieurs de porte, au fond de la salle a piliers, ont été copiés deux textes autobiographiques avec chacun un appel aux vivants mis en paralléle'; dans l'un d’entre eux, on peut y lire : « O chacun vivant sur terre et toutes générations a venir, je vous dirai le chemin de vie (dd.i n.tn w3t n‘nh) et je vous informerai des louanges. Alors vous réciterez mon nom a cause de ce que j’ai fait, car je fus un juste sur terre. Faites les acclamations au disque vivant et vous serez affermis en vie; dites pour lui : “Sois en santé”, et il multipliera pour vous les louanges. » Plus tard, a la fin de la XVIII dynastie, dans un texte royal, le décret d’Horemheb?, Pharaon déclare : « Je leur (= les hommes justes) ai donné des consi- gnes verbales (et j’ai fait) des lois leur instrument per- manent de travail...; je leur ai inculqué (en outre) une ligne de conduite (litt. : un chemin de vie, min n‘nf), les guidant vers la Justice (bw m3‘). Voici "enseignement que je leur ai donné... » Les préceptes qui suivent alors ne sont pas rédigés tota- lement dans la forme des textes de sagesse, mais une certaine tessemblance phraséologique existe. Les thémes évoqués sont ceux de la corruption et de la justice impartiale. Le che- min de vie clairement exprimé ici désigne donc la conduite 1. Maj. SANDMAN, Texts from the Time of Akhenaten, Bruxelles, F.E.R.E., « Bibliotheca Acgyptiaca », VII, 1938, p. 98-100 ; le texte traduil ici est copie Pp. 99 ; son paralléle porte sur le désir d'un temps de vie heureux. 2. J.-M. KRucHTEN, Le décret d’Horemheb. Traduction, commentaire épi- graphique, philologique et institutionnel, Bruxelles, Ed. de !'Université de Bruxelles, 1981, p. 150. 102 - Didier Devauchelle juste, nécessaire 4 un bon fonctionnement administratif et a. la paix sociale’. Au début de instruction d’Amennakht? datée du Nou- vel Empire on peut y lire : « Commencement de l’instruction, du temoignage, des sentences pour le chemin de vie. » Les premiers préceptes dictés par le scribe Amennakht 4 son apprenti Hormin sont classiques : il faut écouter et suivre les principes du maitre, étre compétent, observer les autres métiers pour, ainsi, reconnaitre la véracité de l’ensei- gnement, devenir un bon scribe qui fréquente la Maison de Vie, en résumé « devenir comme un coffre a écrits ». Le début de cette instruction reconstituée 4 partir d’os- traca pourrait faire partie du méme texte que celui dont la fin est conservée sur le verso du papyrus Chester Beatty IV’. On peut lire, en téte du paragraphe de conclusion de l’ensei- gnement, cette phrase (col. 6, 1. 4) : « Jai étalé devant toi l’enseignement, je tai instruit au sujet du chemin de vie. » L’aspect littéraire, mais aussi moral, de l’expression « chemin de vie » est clair. Son emploi est ici étroitement lié avec l’enseignement des scribes. Un lettré de l’époque de Ramsés II, Samout surnommé Kyky, a utilisé cette expression au début d’une curieuse ins- cription qu’il fit graver dans sa tombe‘, dans laquelle les artifices littéraires sont nombreux : « Or, son dieu linstruisit et ’avisa de son enseigne- ment, Car il avait placé sur le chemin de vie afin de protéger sa personne. » 1. Pour les allusions phraséologiques, cf. A. Gnirs, « Haremhab — Ein Staatsreformator. Neue Betrachtungen zum Haremhab-Dekret », S.A.K., 16 (1989), en particulier p. 96-97 pour ce passage. 2.'G. Posener, « L'exorde de l'instruction éducative d’Amennakhte (“Recherches littéraires”, V) », R.d.E., 10 (1955), p. 61-72 et pl. 4. 3. Ibid., p. 71-72. 4, P. VERNUS, « Littérature et autobiographie. Les inscriptions de S3- Mwt surnommé Kyky », R.d.E., 30 (1978), p. 144. Le chemin de vie dans l’Egypte ancienne - 103 Samout raconte ensuite comment il décida de se mettre sous la tutelle de la déesse Mout. Le lien ici entre « chemin de vie », « enseignement (de la déesse) », et donc, égale- ment, « sagesse », est encore rappelé. Un autre lien, nou- veau apparemment, est celui qui unit un particulier directe- ment avec une divinité. C’est une chose assez courante a partir du Nouvel Empire, mais dont l’ancienneté est discu- tée, comme on le verra plus loin. On s’est éloigné de I’ensei- gnement scolaire. On peut, a titre d’exemple, comparer ce texte avec un autre document vraisemblablement contempo- rain, provenant de la tombe thébaine de Djehoutyemheb'. Pour marquer sa fidélité envers la déesse Hathor a laquelle il adresse un hymne, il précise : « Je suis sur le chemin que tu as toi-méme donné, Sur la route que tu as faite. » La mention du chemin de vie sur un bloc daté du régne de Ramsés II et provenant de Tanis n’apporte rien de précis ni d’assuré — « ... que (?) je vous place sur le chemin de vie... » —, compte tenu de son état de conservation’. On peut aussi citer, parmi les maximes étudiées par Et. Drioton’ sur des scarabées, des mentions du chemin de vie, du chemin d’Amon ou de l’image du dieu comme « bon guide ». Une de celles-ci est attestée sur deux scarabées iné- dits de ’'ancienne collection Fouad I* : « C’est dieu (var. Amon) qui conduit au chemin de vie. » Il est difficile de dater ce type de documents, mais le rap- port révélé par la maxime entre le dieu et le particulier est 1. J, AssMANN, « Eine Traumoffenbarung der Géttin Hathor. Zeugnisse “Persdnlicher Frommigkeit” in thebanischen Privatgribern der Ramessiden- zeit », R.d.E., 30 (1978), p. 22-50. 2. Cité par B. CouROYER, op. cit., p. 413, n. 4, d’aprés W. M. FLINDERS Petrie, Tanis, I, E.E.F., 4, Londres, Taubnér & Co., 1888, p. 25 et pl. Il, n° 73. 3. « Scarabées 4 maximes », Annals of the Faculty of Arts Ibrahim Pasha University, 1 (1951), p. 66-67, repris et complété dans « Une nouvelle source d'information sur la religion égyptienne », Pages d’égyptologie, Le Caire, Ed. de la Revue du Caire, 1957, p. 126. 104 - Didier Devauchelle conforme au reste de la documentation depuis le Nouvel Empire. Lexpression ici é¢tudiée apparait deux fois dans la sagesse d’Aménémopé. La composition de ce texte remonte vraisemblablement a la XX* dynastie. Dans l’introduction (col. I, 1. 7), tout d’abord, elle est employée en paralléle avec d’autres expressions pour indiquer le but de cet ensei- gnement' (col. I, 1. 1-12) : « Commencement de l’enseignement de vie, Le témoignage de bien-étre, Toutes les régles pour approcher les grands, La conduite des courtisans, Pour répliquer a celui qui s’adresse a lui, Pour répondre a celui qui lui écrit, Pour le maintenir dans la droiture en rapport au che- min de vie, Pour le rendre sain sur terre, Pour faire descendre son cceur dans sa chapelle, Le gouvernant a l’écart du mal, Pour le sauver de la bouche des autres, Etant honoré dans la bouche des gens. » La seconde mention du « chemin de vie » se trouve dans le chapitre 13 du texte? ot le sage conseille de ne pas abuser du pouvoir donné au scribe par son calame. L’aspect moral 1. Une analyse des titres des sagesses a été effectuée par K. A. KITCHEN, « The Basic Literary Forms and Formulations of Ancient Instructional Wri- tings in Egypt and Western Asia », dans E, HORNUNG et O. KEEL (éd.), Stu- dien zu altdgyptischen Lebenslehren, Géttingen, Universitatsverlag Freiburg Schweiz - Vandenhoeck & Ruprecht, 0.B.O. 28, 1979, p. 235-282 ; pour cette sagesse, cf. p. 266-267, n° 13. Voir, également, les notes de R. J. WILLIAMS, « The Alleged Semitic Original of the Wisdom of Amenemope », J.E.A., 47 (1961), p. 100-106. 2. Voir, en dernier lieu, l'analyse de ce paragraphe par H. ALTENMULLER, « Bemerkungen zu Kapitel 13 der Lehre des Amenemope (Am. 15, 19 - 16, 14) », dans M. Gore (éd.), Fontes atque Pontes. Eine Festgabe fir Hellmut Brunner, Wiesbaden, Otto Harrassowitz, 1983, p. 1-17, qui rattache la sen- tence sur le chemin de vie aux deux versets suivants (p. 7). Les traducteurs — par exemple, M. Lichtheim et H. Brunner — sont partagés. Le sens de ces phrases est difficile a préciser, mais il semble li. Le chemin de vie dans |’Egypte ancienne - 105 y est plus fort. Il aborde un cas particulier (col. XVI, 1. 5- 10): « Si tu te rends compte qu’un pauvre a une dette importante, Divise-la en trois parts; Fais-en-lui grace de deux et laisses-en-lui une; Tu considéreras que cela est le chemin de vie. Quand tu as passé la nuit 4 dormir et que tu es au matin, Tu considéreras cela comme une bonne décision. » TEXTES DE BassE EPOQUE Comme il a déja été signalé plus haut, le « chemin de vie » est mentionné sur la stéle de Piankhy, mais dans un contexte lacuneux'. La tenue littéraire de ce document explique l'emploi d’une expression recherchée?. I] ne faut pas y voir la copie d’un passage ancien ni I’influence directe de l'un ou l'autre texte sapiential, mais bien plutét la connaissance du vocabulaire littéraire, 4 son époque, du ou des rédacteurs de cette stéle. Le texte d’une stéle héliopolitaine datée de la fin de l’époque saite’ utilise, parmi les formules autobiographiques laudatives, l'image du chemin de vie : « Jétais un bon gouvernail qui ne dévie pas, Guidant les gens sur le chemin de vie. » La double image du « chemin de vie » et du « gouver- nail » se retrouve sous une forme a peine différente dans l’in- troduction de la sagesse d’Aménémopé précédemment évo- 1. N.-Chr. Grima, La stéle triomphale de Pi(‘ankh)y..., 1981, p. 56 et 64- 65, n. 154. 2. N-Chr. GriniaL, « Bibliothéques et propagande royale & Tépoque éthiopienne », Livre du Centenaire, 1880-198), Le Caire, M .A.O. CIV, LF.A.O., 1980, p. 37-48. 3. JP. CoRTEGGIANI, « Une stéle héliopolitaine d°époque saite », dans Hommages a la mémoire de Serge Sauneron, 1, Le Caire, B.d.E. LXXXI, LF.A.O., 1979, p. 127-128 et 131, n. 1. 106 - Didier Devauchelle quée. Le destinataire du monument, Djedatoumiouefankh dont le surnom (« beau nom ») était Khenemibrénefer, avait exerce d’importantes fonctions religieuses dans le centre culturel le plus vénérable d’Egypte, Héliopolis, et avait été en charge d’importants travaux dans cette région. Sa culture ne fait aucun doute, son appartenance 4 l’élite intellectuelle de son époque non plus. L’emploi d’une telle expression a son endroit n’est pas étonnant : il est un guide pour ses contemporains, a l’égal des sages. Lutilisation a plusieurs reprises de l'image du chemin de vie dans les textes fameux de la tombe de Pétosiris ainsi que Je contenu de certains d’entre eux et ’interprétation qui en a été faite invitent a les traiter 4 part. Chronologiquement, ils se placent aux alentours de I’arrivée d’Alexandre le Grand en Egypte. L’usage de cette expression dans ces textes est conforme a celui qui est connu par ailleurs; c’est l’originalité de la personnalité, de la carriére et du tombeau de Pétosiris qui retient l’attention. TEXTES DES EPOQUES PTOLEMAIQUE ET ROMAINE Cette expression subsiste dans la documentation de l’époque ptolémaique et romaine et, cela, aussi bien dans les inscriptions hiéroglyphiques que dans les textes démotiques. Sans étre fréquente, elle se rencontre dans différentes sphéres documentaires. Sur une stéle ptolémaique au nom de la dame Tahebet, provenant de la région d’Akhmim', court un long texte en partie conventionnel (textes rituels) et en partie original (textes biographiques). Dans le célébre « appel aux vivants », l’expression du « chemin de vie » apparait. Il faut tout d’abord noter que cet appel (1. 12-14) n’est pas destiné a un quelconque passant, mais aux prétres et aux scribes en 1. Ancienne collection Lady Meux, n° 52. Elle a été signalée et étudiée par B. CouROYER, op. cit., p. 413, n. 2, et 422-423 ; voir P. MUNRO, Die spaitd- gyptischen Totenstelen, Gliickstadt, J. J. Augustin, « Agyptologische For- schungen », 25, 1973, p. 143, 151 et 324, qui la date plus précisément de 230- 220 a.C. Le chemin de vie dans l’Egypte ancienne - 107 fonction dans le temple « qui iront dans la montagne, qui passeront prés de cette tombe ». La défunte leur promet : « Je vous guiderai sur le chemin de vie, le chemin parfait du service de dieu. C’est un glorifié celui qui guide son coeur en rapport 4 lui. » Tahebet ne porte aucun titre qui permette de penser qu’elle a joué un réle important de son vivant. Elle use de cette formule pour montrer qu’elle, morte, peut aider les vivants a faire ce qui est de leur devoir pour qu’a leur tour ils bénéficient d’une immortalite comblée comme elle. Cette extension du sens de l’expression « chemin de vie » comme route pour aller vers l’immortalite semble naturelle, mais elle n’est documentée qu’a partir de cette époque tardive. La méme idée du chemin de vie comme voie idéale pour atteindre 4 une vie parfaite dans l’au-dela trouve un écho par la mention de cette expression dans un passage méconnu d’un livre funéraire trés banal aux époques tar- dives, le livre II des Respirations'. En s’adressant a Osiris qualifié, entre autres épithétes, par celle de « seigneur de vie », il lui est demandé : « Accorde-lui d’aller sur le chemin de vie, sur la belle route de la santé. » Le terme de « santé » est remplacé, dans une variante, par celui d’ « éternité ». Le sens doit étre voisin et désigner la capacité physique néces- saire au corps pour accueillir l’4me du défunt. Au détour des inscriptions du grand temple d’Edfou, dans une scéne ot Ptolémée IV fait un acte d’adoration au soleil au moment de son coucher, I’expression apparait dans le discours de réponse d’Horus au pharaon? : « Je te donne une grande royauté en qualité de souverain du bonheur, que tu rajeunisses aprés la vieillesse, que le dieu te guide sur le chemin de vie, en rapport a toutes les bonnes voies. » Le théme ici développé par le dieu pour le pharaon est celui de la promesse d’une vie éternelle, aprés une longue vie faite de perfection, donc de bonheur pour les hommes. 1. Fr-R. Herein, « Une nouvelle page du Livre des Respirations », BILF.A.O., 84 (1984), p. 264, 277 et 289, n. 47. 2. M. de ROcHEMONTEIX et E. CHASSINAT, Le temple d’Edfou I, fasc. 4 (2 éd.), Le Caire, M.M.A.F. X, LF.A.O., 1987, p. 482, |. 4-5 ; texte signalé et étudié par B. Couroyer, op. cit., p. 413, n. 1, et 423-424. 108 - Didier Devauchelle Sur le recto d’un papyrus démotique trouvé 4 Saqqara lors des fouilles anglaises de la nécropole des animaux' est rapportée l’histoire mythologique de la vengeance d’Isis. Le document est daté par la paléographie du tv’ ou du it siécle a.C. Son interprétation est difficile et il serait trop long de détailler son contenu. On notera col. 6, 1. 24, dans une priére adressée 4 Imhotep pour apaiser Isis, cette phrase : « Donne-lui le chemin de vie. » L’image est claire dans le contexte, le chemin de vie est le droit chemin, celui de l’apaisement, de la satisfaction intérieure. Cest sur un ostracon du début de l’époque romaine pro- venant de Coptos, que le démotique a conservé peut-étre une des derniéres attestations de l’expression du « chemin de vie » dans la littérature égyptienne’. II contient une lettre adressée par des carriers (?) au stratége, lettre qui faisait allusion a des constructions. L’interprétation du texte est délicate et le contexte dans lequel apparait la phrase : « Donne-nous le che- min de vie », n’est pas clair. W. Spiegelberg a été tenté de l'in- terpréter d’une maniére matérielle, « les moyens de vie », mais un sens moins concret, signifiant quelque chose comme « dis- nous ce qu’il faut faire », n’est pas exclu. Le dernier emploi datable de cette expression se ren- contre dans un hymne a Khnoum gravé en hiéroglyphes sur une colonne du temple d’Esna durant le régne de l’empereur Domitien (81-96 p.C.)? : « Redoutez Khnoum, vous qui voyagez en tout lieu, car il est un berger efficace pour qui marche sur son eau, le maitre de... qui guide tous ses suivants sur le chemin de vie. » 1. H. S. SmarH, W. J. Tarr, Saggara Demotic Papyri I, Texts from Exca- vations 7, Egypt Explorarion Society, 1983, p. 70-109 ; le passage est transcrit p. 73 et traduit p. 92. 2. W. SPIEGELBERG, Demotica, I, Munich, Verlag der Bayerischen Akade- mie der Wissenschaften, 1925, p. 34-39 et pl. 2. 3. S. SAUNERON, Le temple d'Esna III, Le Caire, I.F.A.O., 1968, p. 308, n° 355, 1 (§ 25), pour la copie du texte, et Les fetes religicuses d’Esna aux der- niers siécles du paganisme (= Esna V), Le Caire, I.F.A.O., 1962, p. 165, pour la traduction, et p. 173 (Il), 178 et 181 (ee) et 286 (z), pour les notes et des paralléles dans les textes d’Esna aux expressions faisant allusion au chemin du dieu et au fait de suivre dieu. Le chemin de vie dans l’Egypte ancienne - 109 Avec cette derniére mention, on voit que le sens premier de expression du « chemin de vie » s’est maintenu tout au long de V’histoire égyptienne. LES SAGESSES DEMOTIQUES ET L'IDEE DU BON CHEMIN Les sagesses égyptiennes les plus tardives écrites en démotique ont été récemment, de nouveau, étudiées'. Les deux principaux témoins en sont L’instruction d’Ankh- scheschongy, dont la composition remonte au début de Tépoque ptolémaique, et l’instruction anonyme (?) conser- vée principalement sur le papyrus Insinger, d’époque romaine. Leur premiere originalité tient dans le fait que les préceptes mentionnés sont rédigés en une seule phrase, le monostiche. Ce genre est déja attesté sur deux ostraca hiéra- tiques du Nouvel Empire, mais il n’a pas connu d’autres emplois en Egypte ancienne avant ces textes*. Ces sentences ne semblent pas classées dans la premiére des deux instructions. Le texte débute par un récit-cadre qui met en scéne l’auteur de ses préceptes et la raison (l’emprison- nement) qui le conduisit a les rédiger pour son fils sur des frag- ments de jarres. Elles le sont, en revanche, dans la deuxiéme, au moyen de chapitres numéroteés. Les fragments et les paral- Iéles retrouvés éclairent mal le récit-cadre de l’instruction rap- portée par le papyrus Jnsinger : on retrouve, semble-t-il, exhortation habituelle adressée a l’auditoire par le rédac- teur, qui parle a la premiére personne, celle de I’écouter. Les 1. M. LicutHEmm, Late Egyptian Wisdom Literature in the International Context. A Study of Demotic Instructions, Gdttingen, Universititsverlag Frei- burg Schweiz - Vandenhoeck & Ruprecht, 0.B.O. 52, 1983, pour l'ensemble de la documentation, et H.-J. Twissen, Die Lehre des Ankhscheschongi (P. BM 10508), Bonn, Dr. Rudolf Habelt G.M.B.H., 1984, pour la premiére entre elles. Voir également, pour une présentation d’ensemble, M. SMITH, « Weisheit, demotische », Lexikon der Agyptologie, V1, Wiesbaden, Otto Har- rassowitz, 1986, col. 1192-1204. 2. On ne peut nier le réle de précurscur de ces courts textes, cf., en der- nier lieu, R. JASNow, compte rendu de M. LicHTHEIM, Late Egyptian Wisdom Literature in the International Context. A Study of Demotic Instructions, Got- tingen, Universititsverlag Freiburg Schweiz - Vandenhoeck & Ruprecht, 0.B.O. 52, 1983, dans Bi.Or., XLIV, n® 1-2 (janvier-mars 1987), col. 105. 110 - Didier Devauchelle chapitres sont habituellement appelés du terme « enseigne- ment » (sb3.t), suivi du chiffre ordinal. A cing reprises dans le papyrus Insinger (col. 11,1. 22; 14, 3; 15,7; 17, 4 et 23, 20), le scribe lui a préféré le terme « voie » (mi.t)', sans que le contenu semble en expliquer la cause. Le sens imagé du mot « voie » doit donc étre trés proche de celui d’ « enseigne- ment »». Cela est confirmé par une autre constatation : l’ins- truction donne un titre a chacun de ces chapitres et, a la suite de ceux introduits par le mot « enseignement » et le numéro d’ordre, dans plusieurs cas, le texte continue en explicitant Vintitulé du paragraphe par le mot « voie » (col. 7, 1. 20; 8, 21; 21, 8; 25, 14; 27, 23; 30, 18; 33, 7). L’image de l’enseigne- ment servant a guider sur le bon chemin, ou la bonne voie, est ancienne dans la phraséologie des sages et des instructeurs de antique Egypte, comme on le verra plus loin. Contrairement a ce que signalait B. Couroyer’, l’expres- sion « chemin de vie » sous sa forme classique n’y apparait pas; en revanche, une forme paralléle « le chemin de la maniere de vivre » est attestée dans un unique précepte du papyrus Insinger*. Est-ce 1a une expression voisine ou le 1. Le papyrus Jnsinger distingue deux mots différents mais de sens voi- sin : 13 mi.t, « la voie », qui est employée de maniére plus imagée, et p3 myt, «le chemin », sur lequel on marche (voir, par exemple, col. 33, |. 24: « Si tu vas passant dans la rue, laisse le chemin 4 celui qui est 4gé »). Je les ai donc distingués dans la traduction. L’instruction d’Ankhscheschongy connait éga- lement les deux termes. Les trois sentences de ce dernier texte que j'ai traduites ici emploient le mot féminin 13 mi.t; j'ai donc pris la méme traduction « voie », Le dernier exemple de ce mot, ainsi que les deux attestations du terme masculin, ont un sens matériel. On doit noter que le démotique myt a pour ancétre le mot min et mi.t, mi.t. Ces deux termes sont quasi synonymes — on a méme supposé que le second dérivait du premier —, au point d’avoir été employés tous les deux en méme temps que l’égyptien w3/ pour créer l'ex- pression tudiée « le chemin de vie », cf. infra. On peut encore noter le sens concret de I'expression 13 mi.t ntr, « le chemin (i.e. la rue) du dieu », en démo- tique ef. K.-Th. Zauzicu, « TEMENOYTE », Enchoria, X (1980), p. 190-191 2. Ona bien I'impression que neuf de ces douze introductions (a l'excep- tion de 21,8 et de 30, 18, 33, 7) aux paragraphes d’instruction doivent étre rapprochées d’aprés leur formulation quasi identique qui consiste en une phrase négative. Il existe aussi quelques cas oui c’est le mot « enseignement » qui est employé suivi d’une phrase négative (col. 5, 1. 12; 13, 8; 19, 6 et 29, 12). 3. Voir supra. 4. Pour le rapprochement entre l'expression du « chemin de dieu » et celle du « chemin de vie », voir, encore, M. LICHTHEIM, op. cit., p. 165, n. 139. Le chemin de vie dans l’Egypte ancienne - 111 rajeunissement d’une expression ancienne difficilement com- préhensible, il est difficile de trancher. Il m’a semblé opportun de réunir ici un petit choix de maximes qui utilisent l'image du chemin, ou de la voie, dans le sens qui nous occupe : « La mére est celle qui enfante, la voie est celle qui donne un compagnon » (Ankh., col. 13, 1. 8). « La voie de dieu est devant chacun, l’insensé ne la trouve pas » (Ankh., col. 23, 1. 12). « C’est sur la voie qu’un homme trouve pour lui un compagnon » (Ankh., col. 26, |. 13). « 12° voie : » « Ne fais pas confiance a celui que tu ne connais pas bien par toi-méme de peur qu’il ne te trompe par ruse. » « Laveugle que le dieu bénit, son chemin (p3y = f myt) est ouvert. » « L’estropié dont le cceur est sur le chemin de dieu, son chemin est aplani » (Insinger, col. 11, 1. 22 a col. 12, 1. 1). « Le sage qui va et vient, il gardera la grandeur du dieu dans son ceeur. » « Celui qui va et vient, alors qu’il est sur son (“dieu”) chemin, reviendra auprés de lui (“dieu”) a nouveau » (Insinger, col. 29, |. 3-4). « Le dieu est celui qui montre le chemin (p3 myt) dans la voie (t3 mi.t) de la fagon de vivre » (Insinger, col. 29, 1. 9). « Cest lui (“dieu”) qui rend sir le chemin alors quil n’y a personne qui garde » (Jnsinger, col. 31, 1. 14). « Il (“dieu”) fait advenir le réve pour indiquer le chemin au dormeur qui est aveugle » (Jnsinger, col. 32, 1513): « Ne técarte pas du chemin de dieu a cause de la parole d’un homme » (Pap. Michaélidés, 1. 10)!. 1. Sentence citée par M. LICHTHEIM, op. cit., p. 103. 112 - Didier Devauchelle Les sages de l’époque tardive ont gardé l'image littéraire du chemin qui « guide » les hommes. Ils jouent sur deux termes qu’ils investissent chacun d’une nuance — un peu arti- ficiellement puisqu’il leur arrive de ne pas la respecter —, Pun étant employé de facon plus imagée que l’autre. Cela ne les empéche pas d’user de l’image du chemin, dans son sens le plus terre d terre, renouvelant ainsi son pouvoir évocateur. Le bon chemin est inspiré par dieu, mais c’est 4 "homme de le trouver. Il y rencontrera d’autres hommes de bien. Ses difficultés seront aplanies. L’ambiguité de la signification du « bon chemin », sur terre et pour l’au-dela, est, parfois semble-t-il, volontairement utilisée. TL LE CHEMIN DE VIE DE PETOSIRIS La Vig DE PETosIRIS. B. Couroyer a longuement analysé les inscriptions du tombeau de Pétosiris' et résumé ainsi son point de vue : le chemin de vie est la ligne de conduite que I’on doit suivre. Celle-ci « s'identifie ici avec la voie de Dieu, celle qui met a la suite de la divinité, fait se dévouer a son service et accom- plir tout ce qui lui plait tant au point de vue culturel qu’au point de vue moral de la conduite de la vie qui se résume en ce premier principe : faire le bien et éviter le mal. La fidélité A cette ligne de conduite procurera honneurs, richesses, une longue vie... »?. Lintérét du monument de Pétosiris et les nombreux commentaires qu’il a provoqués obligent a s’arréter plus longuement sur ce document et a tenter de définir, par-dela Yemploi de l’expression du « chemin de vie », l’attitude du personnage et l’image qu’il veut en donner. 1. Op. cit., p. 416-422. 2. Ibid., p. 421-422. Le chemin de vie dans l’Egypte ancienne - 113 Le « sage » Pétosiris vécut, pense-t-on généralement, la plus importante partie de sa vie, voire la totalité, peu de temps avant l’arrivée d’Alexandre le Grand en Egypte, dans la région de Moyenne-Egypte prés de l’actuelle Mellaoui, plus exactement 4 Hermopolis la Grande’. L’originalité de son tombeau réside principalement dans son architecture — la partie extérieure a l’allure d’un temple —, sa décoration — scénes dont le style s’inspire d’un modéle grec ou themes uniques ou rares — et ses inscriptions — originalité dans le développement autobiographique, avec des allusions a des événements contemporains de |’édification du monument. LES MENTIONS DU CHEMIN DE VIE CHEZ PETosIRIS Devant l’impossibilité de présenter ici la totalité des ins- criptions, il m’a semblé utile d’accompagner les textes de réflexions étayées par ma propre interprétation de I’en- semble. Voici donc, tout d’abord, quelques extraits des ins- criptions de son tombeav? : « O tous serviteurs du dieu ou tous prétres qui irez vers cette nécropole, venez, je ferai que vous soyez informés de la volonté de dieu et (je) vous guiderai sur le chemin de vie. Dieu a conduit mon ceeur 4 faire ce que son ka aime » (Inscr. 59). « O vivants qui étes sur terre et ceux qui sont a naitre, (vous) qui irez vers cette nécropole et qui verrez ce tombeau, venez, je ferai que vous soyez informés de la volonté de dieu et (je) vous guiderai sur le chemin de 1. Les inscriptions de son tombeau ont été publiées et traduites par G. LeFevre, Le tombeau de Pétosiris, I-III, Le Caire, Service des Antiquités de Egypte, 1923-1924; pour une présentation récente du monument, cf. S. NAKATEN, « Petosiris », Lexikon der Agyptologie, IV, Wiesbaden, Otto Harrassowitz, 1982, col. 995-998. Pour le lecteur francais, lire, également, S. SAUNERON, Les prétres de V'ancienne Egypte, Patis, Ed. du Seuil, « Le Temps qui court », 1962, p. 9-13 2. Fai 6té volontairement certains signes diacritiques de la traduction, quand cela ne prétait pas a ambiguité, pour en faciliter lecture et édition. 3. G. Leresvae, op. cit., I, 1924, p. 79, et II, 1923, p. 32. 114 - Didier Devauchelle vie, le bon chemin de celui qui suit dieu. C’est un loué celui que son cceur conduit sur lui. Celui dont le coeur demeure sur le chemin de dieu, son existence demeure sur terre » (Inscr. 62)'. « Pére, pére, comme cela est beau, marcher sur le chemin de dieu!... Il (“dieu”) a conduit ton coeur a construire ton tombeau dans cette nécropole, afin que demeure ton nom sur terre dans la bouche des hommes qui existeront pour l’éternité » (Inscr. 58c). « Pére, pére, écoute ce qui est dit 4 ton sujet par tout le monde depuis que tu as marché sur le chemin de ton dieu Thot, en raison de la grandeur des bienfaits dont il ta comblé! » (Inscr. 58d)*. « Ton ceur se réjouit de tout un chacun bon depuis que tu as marché sur I’eau de ton maitre Thot! Ta représentation est magnifique 4 cause de cela; c’est leau de la vie sur laquelle s’est guidé ton cceur. C’est un loué de dieu celui qui place son chemin dans son coeur » (Inser. 615)*. « Il est utile de marcher sur le chemin de dieu. De grandes (choses) sont advenues (du fait) de l’avoir placé dans son ceeur. C’est son monument sur terre de placer son chemin dans son ceeur. Celui qui advient sur le chemin de dieu, il passe toute sa vie dans la joie, noble plus que tous ses pairs... Tu as marché sur le che- min de ton maitre Thot, car il a fait advenir ces (choses) de toi sur terre... » (Inscr. 61c)°. « O mon maitre Thot deux fois grand, ... Tu as con- duit mon coeur 4 marcher sur ton eau... » (Inser. 115)°. « O vivants qui étes sur terre et ceux qui sont a naitre, (vous) qui irez vers cette nécropole, qui verrez 1. Ibid., 1, p. 82 et I, p. 38. 2. Ibid., I, p. 88 et I, p. 30. I, p. 90 et Il, p. 31. p. 101 et Il, p. 35. I, p. 104-105 et Il, p. 36-37. I, p. 156 et TI, p. 62. Le chemin de vie dans l’Egypte ancienne - 115 ce tombeau et qui passerez auprés de lui, venez, je vous guiderai sur le chemin de vie... Le bon chemin est de suivre dieu. C’est un loué celui dont le coeur se guide sur lui... J'ai fait le bien sur la terre et j'ai rempli mon coeur sur le chemin de dieu, depuis mon enfance jus- qu’a ce jour, car je passais la nuit, sa puissance étant dans mon cceur, et je passais le lendemain a faire ce que son ka aime, je faisais la justice et j'abhorrais le crime » (Inscr. 116)!. « O (tous) ceux qui viendront aprés, 6 tous hommes (sachant) lire les inscriptions, venez, lisez ces inscriptions qui sont dans ce tombeau et je vous guide- rai sur le chemin de vie, je vous dicterai votre conduite... » (Inscr. 127). Les deux premiers extraits cités sont des paroles mises dans la bouche de Pétosiris lui-méme. Les deux suivants sont de deux de ses trois filles. L’inscription 61 est de son fils ainé, la 61c, du « fils ainé de son fils ainé ». Ces textes ont trait tout de méme 4 la vie de Pétosiris. Les trois der- niers textes, en revanche, concernent le pére de Pétosiris, Neschou. LE CHEMIN DE VIE DE PéTosiRIs Les thémes de justice, de bonne conduite et de rétribu- tion des actions sont des classiques de l’autobiographie égyptienne; ils sont largement développés dans les textes de la tombe de Pétosiris. Les textes concernant le pére de Pétosiris, Neschou, entrent dans cette tradition bien établie et guére innovante. Ce représentant de la plus haute dignité sacerdotale de sa région a da jouer le réle bien classique des membres des grandes familles provinciales de cette époque des derniéres dynasties indigénes. Les thémes biographiques mentionnés sont ceux que I’on rencontre 1. Bbid., I, p. 158-159 et II, p. 83. 2. Ibid., 1, p. 161 et Il, p. 90. 116 - Didier Devauchelle dans les sagesses : hommage a son dieu, fidélité au Pha- raon et respect de la justice, c’est-d-dire conduite conforme a la madt envers la divinité et envers les hommes. Pour ce qui est de son action effective sur terre, elle n’est que vaguement évoquée, comme c’est le plus souvent le cas dans les autobiographies égyptiennes traditionnelles. Ainsi Neschou affirme avoir bien administré le temple dont il avait la charge. On pourra tout de méme remarquer le haut niveau littéraire dont témoignent les expressions employées dans ces textes — l’image du chemin en est un exemple —, ainsi que le choix inattendu d’un théme connu par d’autres sources, celui du « désenchantement » et du carpe diem’. La majorité des textes biographiques et laudatifs de la tombe se rapporte a la vie et a la carriére du grand prétre Pétosiris. Les thémes classiques de l’autobiographie y sont présents, mais c’est sous une forme trés développée et litté- raire que l’on note l’insistance du « sage » a répéter, ou a faire dire dans la bouche de ses descendants, combien il a été fidéle ala volonté du dieu — les extraits ici mentionnés ne représen- tent qu’une toute petite partie des textes sur ce théme. Cette insistance a provoqué une richesse d’images qui trouvent des échos dans notre conception des rapports que nous pouvons avoir avec Dieu. C’est cela qui a égaré, me semble-t-il, cer- tains admirateurs de la pensée de Pétosiris*. Si on lit les textes dans leur ensemble en ne cherchant pas 4 isoler ici ou la des notations métaphysiques, on se rend compte combien les thémes abordés par Pétosiris sont des classiques de la pensée égyptienne. Plus méme, cette bio- graphie idéale est si précautionneusement tracée pour prou- ver que tous les actes exécutés du vivant de Pétosiris — et 1. Ibid., 1, p. 161-162, et II, p. 90-91. Je ne suivrais pas, a ce propos, 'avis de l’éditeur qui pense que ce théme est en contradiction avec « ’enseignement moral donné dans ce tombeau ». 2. Hormis avis de B. Couroyer précédemment cilé, les sentiments qui sont nés du contenu de ces textes peuvent se résumer dans cette présentation du personnage faite par S. SAUNERON, op. cit., 1962, p. 9 : « Sa vie s’écoula pieusement, tout occupée 4 servir le dieu, a restaurer les édifices sacrés de son nome, a donner a tous l’exemple dune existence pure et digne. » Le chemin de vie dans l’Egypte ancienne - 117 ceux-ci sont trés longuement évoqués, ce qui est rare, comme il vient d’étre dit 4 propos du pére de Pétosiris, Nes- chou — l’ont été en accord avec la justice des hommes et celle de son dieu, que I’on ne peut s’empécher d’y voir une justification’. Le récit de sa carriére est centré sur la période de sept ans durant laquelle il fut le /esonis de Thot, c’est-a- dire le chef effectif du point de vue matériel du grand temple de Thot 4 Hermopolis et de ses possessions. Quant on sait la puissance économique des temples et le réle qu’ils peuvent jouer aux moments de faiblesse du pouvoir central, 4 ces €poques tardives, on devine mieux l’importance de la situa- tion de Pétosiris. Comme il le mentionne 4 plusieurs reprises, et en particulier aprés les longs discours sur sa fidé- lité, il a exercé cette fonction « alors que des hommes (venus) des pays étrangers gouvernaient Egypte »?. Son quvre a été de restaurer le temple de Thot, de fonder le temple de Ré, de construire d’autres sanctuaires plus modestes et de protéger le terrain sacré, 4 cété de l’exécution des charges classiques de responsable économique et reli- gieux d’un grand temple. Cette euvre dépasse largement le simple reaménagement ou l’enrichissement des temples de la région, qui avaient sans doute subi des dégradations au moment des troubles. Pétosiris n’hésite pas 4 mentionner que, pour le temple de Ré, c’est lui-méme qui « tendit le cordeau »’. L’accomplisse- ment de cet acte représente une des étapes de la cérémonie présidant a la fondation des temples; elle est un privilége 1. Deux textes autobiographiques tardifs développant le théme de la jus- tification d'une attitude « anormale » peuvent étre comparés a titre exemple : l'un sur la statuette naophore du Vatican n° 158 au nom d’Oudja- horresne, cf. G. POsENER, La premiére domination perse en Egypte. Recueil inscriptions hiéroglyphiques, Le Caire, B.d.E. XI, 1.F.A.O., 1936, p. 1-26 et 166-167, et autre sur le pilier dorsal d’une statue du musée de Naples, n° 1035, au nom de Semataouytefnakht, cf. O. Peru, « Le monument de Samtoutefhakht a Naples », R.d.E., 36 (1985), p. 89-113. Ces deux person- ages eurent une attitude de « collaboration », respectivement durant la pre- muere et la deuxiéme domination perse. 2. G. LeFEBVRE, op. cit., I, 1924, p. 79-80, et II, 1923, p. 32 (inser. 59) ; I, P. 82-83, et II, p. 38-39 (inscr. 62) ; I, p. 101-102, et Il, p. 35-36 (inser. 615) : I. p. 136-145, et II, p. 53-59 (inscr. 81). 3. Ibid., 1, p. 139, et II, p. 55. 118 - Didier Devauchelle exclusif des rois. Comme il a déja été remarqué, le tombeau de Pétosiris a la forme extérieure du temple et, sur les murs extérieurs, celui-ci est représenté comme Pharaon, en train d’effectuer les rites'. Son nom y est, de plus, suivi de l’épi- théte royale « vie, prospérité, santé ». Cette usurpation d’actes rituels exclusivement réservés 4 Pharaon ne peut étre considérée comme découlant normalement du contexte poli- tique de l’eépoque, méme s’il est exceptionnel. Pétosiris a pris en main le sort de sa région, ce qui n’a rien d’extraordinaire dans I’histoire de l’Egypte ancienne, mais il a également joué le réle de Pharaon et s’est désigné ainsi, et cela ne put étre regardé sans étonnement par ses contemporains. Ces différentes remarques dissipent l’image traditionnelle du « sage » Pétosiris, dévoué et désintéressé, dont l’enseigne- ment évoquerait des themes humanistes. On voit maintenant apparaitre la figure du premier personnage d’une grande région qui se trouve confronté a une disparition du pouvoir central traditionnel, provoquée par une invasion étrangére, celle des Perses — on nomme habituellement cette période la deuxiéme domination perse —, et aussi certainement a des troubles locaux. Cette période de conflits importants plongea, pendant un temps, certaines provinces dans l’isolement. Péto- siris s’arrogea des prérogatives royales auxquelles il n’avait pas le droit et justifia cette action par un discours autobiogra- phique insistant sur sa loyauté envers son dieu. Il ne faut tout de méme pas voir dans cet homme un affairiste uniquement préoccupé par son intérét. Durant cette période difficile, son action a permis a ses concitoyens de mieux vivre et a sa région de garder son lustre passé. Son humanisme, ou celui du milieu de lettrés dont il faisait partie, n’est pas nécessairement a é¢vo- quer pour expliquer la teneur des inscriptions. Il faut, en 1. Ibid., 1, p. 45-48, Il, p. 4-8, et III, pl. VI. On pourra y noter une repré- sentation exceptionnelle du dieu Thot 4 corps humain et téte de babouin sur deux scénes du portail alors que sur les deux autres scénes le dieu a sa forme plus courante qui associe corps humain et téte d’ibis, cf. D. MEEKs, « Zoo- morphie et image des dieux dans I’Egypte ancienne », dans Ch. MALAMOUD et J.-P. VERNANT (€d.), Le temps de la réflexion, VII : Corps des dieux, Paris, Gal- limard, 1986, p. 188; corriger Chr. Zivie-CocHe dans Fr. DUNAND et Chr. Zivie-Cocue, Dieux et hommes en Egypte 3000 av. J.-C. - 395 apr. J-C., Paris, Armand Colin, 1991, p. 30. Le chemin de vie dans l’Egypte ancienne - 119 revanche, remarquer les connaissances littéraires des rédac- teurs des inscriptions qui, sur un théme bien connu des auto- biographies et des sagesses égyptiennes, ont développé un important et habile discours justifiant une attitude anormale du point de vue indigéne. Ils y réussirent, le souvenir de Péto- siris et de sa famille ayant franchi favorablement les siécles, ce que prouve le fait que son tombeau devint rapidement aprés sa mort un lieu de pélerinage'. L’attitude efficiente de Pétosi- ris n’a sans doute pas non plus été étrangére au bon souvenir qu ila laisse. Iv LE CHEMIN DE VIE CONCLUSION Les textes précédemment cités utilisent l’expression « che- min de vie » qu'il faut essayer maintenant d’analyser. Du point de vue lexicographique, cette image littéraire emploie indifféremment trois termes pour désigner le mot « chemin » : w3t, mi.t et mtn, le premier et le troisigme plus anciens, le deuxiéme ayant peut-étre une parenté de racine avec le troi- siéme. Le mot désignant la vie est toujours le méme, ‘nf’. On ne peut rien affirmer a partir d’une telle approche. L’expres- sion peut aussi bien signifier « le chemin pour la vie », c’est-d- dire « pour vivre (aprés la mort) », que « le chemin de la vie » ou « de vivre » (bien, matériellement ou moralement et, donc, conformément a une régle). On a vu que le premier sens est secondaire, mais attesté, et que c’est le second, dans son acception morale, qui est le mieux documenté. La figure de style qui consiste 4 évoquer une bonne ou une mauvaise conduite en parlant de chemin, de suivre le dieu ou quelqu’un, remonte aux premiers textes connus. II faut aussi signaler qu’il est courant qu’un terme désigne une 1. G. LEFEBVRE, op. cit., I, p. 21-29. 2. Les équivalents hébreux de ces expressions se trouvent dans des textes qui montrent des exemples d’influence égyptienne, cf. R. J. WILLIAMS, « Egypt and Israél », dans J. R. Harris (éd.), The Legacy of Egypt, Oxford, Clarendon Press, 1971, p. 266-267. 120 - Didier Devauchelle action sans préjuger de savoir si elle est bonne ou non. Le scribe n’en précisera le sens que s'il y a une quelconque ambiguité pour son lecteur ou son auditeur potentiel. On rencontre des expressions négatives en relation avec le mot chemin, mais elles sont essentiellement d’ordre matériel. Une figure comme le « chemin de mort » ou le « mauvais chemin » ne semble pas connue. L’image du chemin est donc visiblement employée posi- tivement dans son acception morale et sociale. On la ren- contre assez souvent durant le Moyen-Empire, en raison de Tabondance de la documentation littéraire. Cette figure est essentiellement littéraire et les scribes lont utilisée, au début, en particulier pour illustrer les bienfaits d’étre scribe et d’appartenir a cette classe, pour peu qu’on en observe les régles morales. L’auteur de La Satire des métiers rappelle dans sa conclusion 4 son fils : « Vois, je t’ai placé sur le che- min de dieu » (pap. Sallier IV, col. 11, 1. 1-2) et, un peu plus loin, cet enseignement s’achéve (col. 11, 1. 4-5) ainsi « Adore dieu pour ton pére et ta mére, qui t’ont placé sur le chemin des vivants'. Vois, ces choses (c’est-a-dire I’enseigne- ment) sont face a toi, a tes enfants et a leurs enfants. Ceci est bien achevé. » Les régles mentionnées dans les apologies du métier de scribe et dans les sagesses relévent des mémes cou- rants de pensée et de volonté. L’image du chemin de vie pour désigner le bon chemin apparait, donc, trés vraisemblablement dans les milieux culti- ves au Moyen-Empire, voire a la fin de la Premiére Période intermédiaire. Elle trouvera son plein épanouissement au Nouvel Empire’, au moment ou I’expression de la piété popu- 1. Voir supra pour l’interprétation de ce passage comme I'ancétre de l’ex- pression « le chemin de vie ». Compte tenu de la mauvaise qualité des copies qui sont parvenues, on pourrait traduire différemment cette dernigre phrase par : « qui sont placés sur le chemin des vivants » et comprendre que les parents sont eux-mémes des gens de bien. 2. On peut comparer ce fragment de histoire littéraire aux remarques concernant les « Chants de harpistes », cf. M. LICHTHEIM, « The Songs of the Harpers », J.N.E.S., 5 (1945), p. 191-192 et 207-210. Pour une opinion diffé- rente, voir J. OSING, « Les chants du harpiste au Nouvel Empire », dans Aspects de la culture pharaonique. Quatre lecons au Collége de France (février- mars 1989), Paris, Diffusion De Boccard, Mémoires de I'Académie des Ins- criptions et Belles-Lettres, nowv. série t. XII, 1992, p. 13-14. Le chemin de vie dans |’Egypte ancienne - 121 laire s’exprime dans les textes. Cette attitude nouvelle de dévotion apparait avant l’époque amarnienne', au début du Nouvel Empire. J. Assmann’, qui devine ses racines dans des thémes remontant a la Premiére Période intermédiaire, pense qu’elle est sous-jacente dans les textes du Moyen-Empire et du début du Nouvel Empire et ajoute qu’elle s’affirme aprés la période amarnienne. Il est difficile de définir les fluctuations des courants de pensée, les thémes nouveaux naissant le plus souvent de thémes anciens redéfinis. Les arguments avancés emportent tout de méme la conviction. Si la Premiére Période intermédiaire et la restauration du Moyen-Empire ont fait se développer une littérature pes- simiste, puis¢e dans le souvenir des affres d’une période de troubles intérieurs, et une production de propagande royale’, elles ont vu accéder auprés de Pharaon une nouvelle classe sociale, les scribes, qui ont produit et répandu une lit- térature d’autopropagande. Cette production littéraire a certes utilisé des themes des époques précédentes, mais elle a, de plus, innové en les systématisant et en les réécrivant. On peut alors suggérer que ce sont les événements de la Deuxiéme Période intermédiaire, avec abandon, pendant un temps, du pouvoir central aux mains d’étrangers, qui a accentué dans la littérature l’expression plus directe d’une relation des hommes avec les dieux*. Les thémes n’en seront 1. Voir par exemple, les textes publiés par G. Posener, « La piété person- nelle avant l’age amarnien », R.d.E., 27 (1975), p. 195-210 dont pl. 18-21. 2. « State and Religion in the New Kingdom », dans Religion and Philosophy in Ancient Egypt, New Haven, Yale Egyptological Studies 3, 1989, p. 69 ets. 3. G. POsENER, Littérature et politique..., 1956. 4. On pourrait suggérer que les thémes du « désenchantement » et de I’ « individualisme », dont on peut retrouver des exemples durant le Moyen- Empire — par exemple dans I'ancétre des « chants du harpiste ». cf. R. B. PARKISON, Voices from Ancient Egypt. An Anthology of Middle King- dom Writings, Londres, British Museum Press, 1991, p. 145, ou dans certains passages du Dialogue du désespéré avec son ame, cf. B. LETELLIER, « De la vanité des biens de ce monde », C.R.I-P.E.L., 13 (1991), p. 99-105 —, se répandent surtout a partir du Nouvel Empire et se rencontrent abondamment dans les derniéres sagesses, cf. Fr. de CENIVAL, « Individualisme et désenchan- tement, une tradition de la pensée égyptienne », dans Religion und Philosophie im Alten Agypten. Festgabe fir Philippe Derchain zu seinem 65. Geburtstag am 24, Juli 1991, Louvain, Peciers, O.L.A., 39, 1991, p. 79-91. 122 - Didier Devauchelle pas totalement nouveaux, c’est le besoin qui le sera, puisé dans le sentiment de l’'abandon de homme a lui-méme. Le développement de l’emploi de l’expression du chemin de vie suit ce courant. Son usage s’étend aux textes biogra- phiques sous les ramessides. Il demeure circonscrit aux milieux cultivés et se rencontre, aux époques plus tardives, aussi bien dans des textes royaux que privés, religieux que profanes. Le chemin de vie représente tout d’abord le bon chemin, celui qu’indique le dieu, celui qu’on doit parcourir et qui plait aux hommes — en bref celui de la madt — et en viendra 4 connoter l’idée du chemin qui méne 4 l’au-dela souhaité. Chap. Chap. Chap. Chap. Chap. Chap. Chap. Chap. Chap. VI Vu VIII Sommaire L’espace et le temps dans I’ceuvre de Grégoire de Narek par K. BELEDIAN Les moines égyptiens dans leur siécle : la tentative de Chenouté par A. Boup'Hors Dieu et le chemin de vie en Pr 10-12 par J. BRIEND Le chemin de vie dans l’Egypte ancienne par D. DEVAUCHELLE Les formes de sagesse syro-anatolienne au second millénaire avant Jésus-Christ par R. Lesrun La parole du sage, écho du Verbe de Dieu chez Aphraate le Sage Persan par M.-J. PrerRE Sagesse et Révélation : théologiens arabes chré- tiens 4 Bagdad (Ix*-x° s.) par E. Piatti Le Christ, sagesse de Dieu et maitre de sagesse dans le Nouveau Testament par M. TRIMAILLE La sagesse de Balavar a travers la tradition géor- gienne par M. vAN EsBROECK Cet ouvrage réunit les contributions des spécialistes ayant participé au cycle 1991-1992 des legons publiques consacrées a la « Sagesse » organisé par I’Institut de Recherches sur I’Orient chrétien rattaché a l’Ecole des Langues et Civilisations de YOrient ancien de l'Institut catholique de Paris. Spontanément, et avec raison, le concept de sagesse (sophia) renvoie a la Gréce : chacun a en mémoire les « sept sages » et les célébres maximes. Plus tard, a la période hellénis- tique, le probleme fondamental est celui de la sagesse. Ainsi, 4 c6té de la conception classique, pragmatique de la sophia, la littérature vétéro-testamentaire souligne aussi que la Sagesse est ce par quoi Dieu a créé l’Univers et qu’Il I’'a donnée ensuite en partage a I’homme. La sagesse constitue une des valeurs majeures du christianisme souvent représentée avec éclat dans l’art paléo-chrétien; elle occupe aussi une place importante dans le gnosticisme. Le Christ, Jogos divin incarné, est la Sagesse de Dieu, le sage par excellence en ce monde; par extension, Marie est vénérée comme sedes sapientiae. Il s’avérait donc intéressant d’analyser, éventuellement avec un souci comparatif, des étapes du vécu sapiential dans certains de ces pays de vieille civilisation du Proche- et du Moyen- Orient au sein desquels, plus tard, vint s’épanouir le christia- nisme naissant : la Palestine, la Turquie, la Syrie, l’Egypte... 1 volume, 256 pages 150 FF Beauchesne — 72, rue des Saints-Péres — 75007 Paris me / Impriné en France = § 5 5 =

You might also like