Philosophie et architecture
de Part — Erwin Panofsky — a dtudié co rapport d'une fagon a la fois
pénétrante et enthousiaste. Panofsky s'est propos de montrer, en effet,
que dans la période entre 1130/40 et 1270, il y eut entre Part gothique
et la philosophie scolastique une relation plus étroite et plus concrete
que celle d'un simple parallélisme, Une méme « facon de penser » semble
déterminer et Ja formation de l'architecture gothique — primitive et
évoluée — et la production de la série de systemes qui se succédent &
partir de saint Bonaventure et Alexandre de Halés jusqu’a saint Albert
le Grand et saint Thomas d’Aquin, Au dire de Panofsky, un seul mot :
la manijestatio, c'est-d-dire Vélucidation et Véclaircissement, permet de
décrire la parenté profonde des deux ordres. On pourra objecter que,
bien qu’il soit facile de retrouver cette manifestatio dans la division et
subdivision des systémes scolastiques, il n’en va pas de méme pour
Parchitecture gothique. Néanmoins, Panofsky ne Ventend pas ainsi.
Les rapprochements que cet historien de Part fournit & ce propos sont
trop nombreux pour pouvoir les reproduire tous. Mais quelques-uns
sont particuliérement significatifs. Par exemple, les caractares de totalité
(énumération suffisante), coux de disposition selon un systéme de parties
homologues, subdivisées & leur tour (articulation suffisante), enfin la
distinction logique ot la cohérence déductive (inter-relation suffisante),
tous ces caractéres qu’on trouve dans la somme, on les retrouve aussi
dans Varchitecture de Pépoque, non certes que les constructours des
cathédrales gothiques eussent Iu Gilbert de la Porrée ou saint Thomas
@Aquin, mais parce qu’ils furent influencés par Ie point de vue scolas-
tique. La tendance philosophique a l’écJaircissement pour Péclaircisse-
ment, bien quelle apparaisse dans toutes les productions culturelles de
Pépoque, se révéle de fait d’une fagon particulitrement nette dans lar-
chitecture. La manifestatio inspire ce que Suger avait. déja appelé « lo
prineipe de transparence ». Ce principe, l’architecture gothique I’a réalisé
grace & la délimitation — qui n’est pas pour autant séparation — du
volume interne et de espace extérieur. La tendance & la totalité apparait
dans la structure générale de la cathédrale gothique — qui exprimait Pen-
semble de la connaissance chrétienne — et en méme temps dans P’équilibre
délicat de la basilique et du plan central. Tout ce qui edt pu rompre cet
équilibre fut en définitive supprimé : la crypte, les galeries et les tours,
sauf celles de la fagade. La disposition harmonique se révéle dans la
division uniforme de toute la structure, bien différente certes de la diversité
que le style roman admettait. Enfin, la distinction unie a la cohérence
est exprimée par la visualité déductive de la basilique, comparable a la
logique visuelle de saint Thomas, Bref, la méthode de la somme : videtur
quod, sed contra, respondeo dicendum, a éé observée, selon Panofsky,
dune facon strictement paralléle, dans cette architecture qui parvint &
combiner, pour ainsi dire, « tous les Sic possibles avec tous les Non
possibles ».
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