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Sémantique, Pragmatique Et Discours Jacqueline Bastuji
Sémantique, Pragmatique Et Discours Jacqueline Bastuji
Bastuji Jacqueline. Sémantique, pragmatique et discours. In: Linx, n°4, 1981. pp. 7-45;
doi : https://doi.org/10.3406/linx.1981.948
https://www.persee.fr/doc/linx_0246-8743_1981_num_4_1_948
Jacqueline BASTUJI
I. Langue et discours
0n peut donc constater que les exemples sont intéressants, mais que
les méthode de traitement ne sont gu^re systématisées puisqu'on fait
appel tantôt à la lexicologie, tantôt à un niveau de langue, et
tantôt à un discours rapporté réduit à la marque des guillemets. Et
quand 1 ' énonciateur de ce discours rapporté n'est pas nommé, on
parle globalement du "discours des hommes", "discours qui empêche les
femmes de parler, d'exprimer leurs problèmes" (p. 23).
toute/toutes les).
De même, le nous peut se répartir en trois emplois : je + elles -
je + les femmes du même groupe - je + toutes les autres femmes. Ce
nous , avec ses fréquentes ambiguïtés, lui semble être l'une des
marques les plus significatives du passage du discours anecdotique au
discours généralisant qui caractériserait le discours
autogestion aire : "processus de germination et de contamination" distinct du
discours politique "qui est plutôt un discours de rupture en ce qu'il
oppose de front un pouvoir à un autre pouvoir" (p. 71). Auwsi bien le
mot révolution n'apparaît-il jamais dans le corpus.
giques" ?
2° On comprendra qu'un étudiant de maîtrise se débatte
difficilement dans un tel noeud de problèmes. Les réponses qu'il donne ne
peuvent être que partielles, et pour le mémoire considéré nous les
répartirons sous quatre rubriques :
a) L'étude du lexique n'a de pertinence que si on lui applique
soit les méthodes de la linguistique quantitative (calcul et
traitement des fréquences et des co-occurrences) , soit au moins le relevé
harrissien des contextes pour quelques mots-pivots. La première
méthode ne peut être pratiquée qu'au sein d'une équipe de recherche
fortement structurée - celle du Laboratoire de Lexicologie
politique de l'ENS de Saint-C14oud par exemple -, et dotée à la fois d'un
ordinateur et de connaissances sérieuses en mathématiques et en
informatique. La seconde méthode, plus artisanale, permet d'intégrer
les phrases observables ou normalisées et d'en repérer les modalisa-
tions et les ambiguïtés. Dans le cadre d'une maîtrise, voire d'un 3°
cycle CMALDIDIER) ou d'une thèse d'Etat (MORTUREUX) , il faut
impérieusement se limiter à quelques mots <av£c_le>u£s__c_l_aiS_s_es>_dJ_é£U2_v£-'
_len.ce_s. Sinon, on fait de la lexicologie de grand-papa en se
contentant d'épingler une suite de termes, et du commentaire historico-
littéraire en se fiant à son intuition et a sa connaissance d'un
interdiscours non défini pour les interpréter. Pratique ancienne et
assurément honorable, mais qui n'intègre pas les acquis de la
linguistique contemporaine.
b) L'étude du discours rapporté - "discours direct" et "indirect",
insertion de citations - ouvre un domaine tout à fait prometteur en
tant qu'il s'articule à la fois sur la grammaire (jeu des pronoms et
des temps-modes-aspects), le lexique (verbes de "déclaration" et de
"communication"), les variations prosodiques ou graphiques tels les
guillemets d'une part, et sur les relations interpersonnelles qui
constituent le "champ énonciatif" de l'autre. On travaille donc
directement sur la relation langue/discours, mais il s'agit bien sûr
d'une entreprise de longue haleine, illustrée notamment par les
travaux de J. AUTHIER (DRLAV 17).
c) L'exploration d'une fy/iothèse sur la théorie des idéologies re-
p érable s {dans les processus discursifs - ici l'étude du discours
autogestionnaire - est féconde quand elle s'articule sur une analyse
- 15 -
2» Extraits du corpus
Pour fixer les idées, nous reproduirons ici une partie du corpus.
Celui-ci a été constitué à partir des "textes périphériques de
présentation (introductions, préfaces, quatrièmes pages de couverture)"
(p. 8), et le numérotage suit la progression discursive avec sa
cohérence générale et ses oppositions polémiques. Bfous avons respecté
ce numérotage initial, ce qui permet de signaler les suppressions
et regroupements que nous avons dû opérer pour ne pas allonger cet
article.
A- L5 . _REPUBLICA IN
Préface
I. A beaucoup il manque quelque chose. Peut-être un rêve. En tout
cas un projet.
23 -
Couverture
2. Le Projet Républicain est le programme du Parti Républicain.
3. Son ambition eqt de répondre aux aspirations des Français et de
ljes b^rriex^ , •'-^Ë chemins dje leur averiir.
( c f . 14 . I_l__t r a_ce__. ._. _d e_ jL_ ! avenir)
4. Il contient des propositions concrètes qui peuvent les
rassembler autour d'un projet politique.
Le Projet Républicain
5. Un programme de plus ?
7. Le Projet Républicain ne renie pas le qualificatif de programme.
8. Mais il s'est voulu, dès sa conception, tout autre chose : (...)
il constitue, en réalité, une véritable projection à court et
moyen terme de ce que peut devenir la société française.
9. Tant pis si, par endroits, il est imprécis : le Projet Républi-
cain ne doit rien aux technocrates.
12. Le Projet Républicain ne s'attarde pas à critiquer.
13. Il propose. Des propositions concrètes et, dans leur formulation,
proches de ce qu'un gouvernement sera en mesure d'accomplir, dès
le lendemain des prochaines élections.
17. Qui sait s'il ne trouvera pas, dans ce projet , son propre projet ?
B- PROPOS ITiqNS_POUR._LA_FRANCE
Couverture
1. Elle (= la démarche) s'est exprimée dans des rapports et des
propositions intéressant tous les domaines de la vie nationale.
2. Ces propositions du R.P.R. s'adressent à toutes les Françaises et
a tous les Français en quête d'une grande espérance pour
aujourd'hui et pour demain.
Préface
3. Ainsi notre mouvement est apparu fidèle à la tradition du
gaullisme : celle d'être une force de proposition, tournée vers
l'avenir et soucieuse de progrès.
5. Ce n'est pas pour autant un programme.
6. Il n'entre pas dans une foule de détails, élaborés et négociés en
secret, et que l'électeur doit accepter en bloc, pour en confier
ensuite l'application ou l'inapplication discrétionnaire aux
états-majors des partis.
8« Prisonniers de leurs idéologies anciennes, les partis socialiste
et communiste ont d'abord voulu faire croire aux Françaises et
aux Français qu'ils détenaient des remèdes miracles exposés dans
un programme prétendument commun.
9. Nous n'avons pas cessé de dire que ce programme reposait sur un
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Introduction
22 occurrences de programme ou de propositions, dont nous présentons
la réduction suivante :
programme
2. Naturellement, ce programme âgé de cinq ans ne pouvait
s'appliquer tel quel en 1979
10. Nous sommes les seuls à avoir procédé de cette manière (= par
l'ensemble des propositions 3 à 9) et à pouvoir dire aujourd'hui
avec précision aux Françaises et aux Français : voilà combien
coûtera le programme commun que nous vous proposons et voilà où
nous trouverons l'argent.
11. Nous avons, au contraire, déployé beaucoup, beaucoup d'efforts
pour parvenir à un accord sur un bon programme commun bien acv-
tualisé.
12. Et à la veille de notre Conférence nationale, il (+ le PS) a
publié son propre programme de gouvernement (•••)
17, En bref, ce qu'il faut, c'est la mise en oeuvre du programme
commun actualisé comme nous l'avons proposé.
18. C'est ce programme , dont notre Conférence nationale des 7 et 8
janvier derniers a fait le programme national du Parti
communiste français, que nous vous présentons dans ce livre,
19 à 2I# : (polémique avec le PS à propos du programme commun)
proposition(s)
3. pour lui garder son efficacité, sa valeur transformatrice, il
fallait mettre à jour ses propositions
4. Un seul souci nous a guidés dans l'élaboration des propositions
que nous avons, avancées : la fidélité au programme commun de 1972
propositions soigneusement étudiées (6) - raisonnables, mesurées,
exemptes de toute surenchère (7) - rendues publiques (8) - chiffrées
(9)
12. Pour aucune de nos propositions nous n'avons dit c'est à pren-
dre ou à laisser.
16. En fait, en examinant aujourd'hui les événements qui se sont
produits depuis notre proposition d'actualiser le programme (•..)
Préambule (1972)
(en fait il s'agit du texte signé par les trois partis de gauche)
Toutes les occurrences comportent seulement programme ou ses anapho-
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res, sauf :
24. Les perspectives ouvertes par l'union de la gauche et le
rassemblement de toutes les forces du peuple, les propositions
développées dans ce programme sont les moyens qui permettront aux
Françaises et aux Français de vivre mieux, de changer leur vie.
■
programmes respectifs du PS et du PC (BIO.).
• SN ^ N de X
L'ambition répondre». •
L'orientation générale de X est detracer ...
La préoccupation fondamentale recueillir
satisfaire.
(N.E. : La classe N a des propriétés sémantiques qu'on aurait pu
définir)
• X + SV passif ou participe pa^sé (r Snrep)
De bonnes analyses sémantiques :
- de l'opposition signé en 1972 vs actualisé
- des deux classes signalant les deux étapes d'élaboration d'un
programme : I, élaboré/étudié/ conçu/discuté
2. approuvé/ accepté/rendu public
• X + Adjectif
concret - - Complet - - Précis - politique
C. SEMANTIQUE ET PRAGMATIQUE
I. Problématique d'ensemble
3.1, Nous approuvons et les critiques de B ;N, GRUNIG sur l€s pièges
réductionnistes de la pragmatique, et la conclusion somme toute
optimiste selon laquelle il serait possible de surmonter ces
difficultés pour explorer un "champ de réflexion" certes immense, mais dont
l'intérêt ne saurait être sous-estimé. Cette exploration engage la
linguistique stricto sensu, l'analyse de discours, la sociolinguis-
tique et aussi la psycholinguèjtl.que. A cet égard, le travail de J0-
DELET, "Naître au langage" (Klincksieck 1979), mériterait une
analyse approfondie.
Si nous voulons terminer cette étude par l'examen de l'article de
SEARLE sur "Le sens littéral", c'est d'abord parce qu'il nous semble
dépasser l'idéalisme de son livre de 1969 sur "Les actes de langage"
(trad. fr. Hermann I972); c'est ensuite parce que son insistance sur
la variation des "assumptions préalables" à la construction du sens :
a) permet de faire intervenir le contexte situationnel , discursif,
culturel, et peut donc s'articuler avec l'analyse de discours;
b) suggère une relation entre activité langagière et
structuration perceptive qui correspond à nos recherches personnelles sur la
construction de l'espace appréhendée à travers les langues
naturelles,
3.2, SEARLE rappelle ce qu'il croit être l'opinion reçue sur le sens
littéral :
" Les phrases ont un sens littéral. Le sens littéral d'une phrase
est entièrement déterminé par la signification des mots (des
morphèmes) qui la composent et par les règles syntaxiques selon
lesquelles ces éléments sont combinés. Il peut arriver qu'une
phrase ait plus d'un sens littéral (ce sont les cas
d'ambiguïté) ou que son sens littéral fasse défaut ou soit
ininterprétable (non sens).
Il faut établir une distinction nette entre le sens littéral
d'une phrase et ce que le locuteur veut dire lorsqu'il
l'énonce lors d'un acte de langage, car la signification de l'énon-
ciation peut s'éloigner du sens littéral de différentes maniè-
nières." (ex : métaphore, ironie, implications
conversationnel es, actes de langage indirects). Dans les cas-limite, ce que
la phrase signifie et ce que le locuteur veut dire peuvent coin-
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