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M A N U E L DE
PSYCHOPÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
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PÉDAGOGIE D'AUJOURD'HUI
COLLECTION DIRIGÉE PAR M.-A. BLOCH, M. DEBESSE ET G. MIALARET

MANUEL DE
PSYCHOPÉDAGOGIE
EXPÉRIMENTALE

ANTOIl\"E LÉON

J A C Q U E L I N E CAMBON, MAX L U M B R O S O
FAJDA WINNYKAMEN

P R E S S E S U N I V E R S I T A I R E S D E F R A N C E

108, BOULEVARD S A I N T - G E R M A I N , PARIS


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Dépôt légal. — lre édition : 1er trimestre 1977


( 0 1977, Presses Universitaires de France
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation
réservés pour tous pays
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Sommaire

PREMIÈRE PARTIE

PROBLÈMES G É N É R A U X D E LA R E C H E R C H E

CHAPITRE PREMIER. — Introduction. La notion de psychopédagogie


expérimentale ( p a r A. Léon) 11
Bibliographie, 19.

CHAPITRE II. — Principes et processus de la recherche en psycho-


pédagogie expérimentale (par A. Léon) 21
1 | Niveaux, formes et domaines de la recherche en sciences de
l'éducation 21
II | Les domaines de la recherche pédagogique et le profil du
chercheur 26
n i | L'approche expérimentale d'un problème de psychopé-
dagogie 27
IV | Recherche psychopédagogique et pratique éducative 32
Bibliographie, 35.

DEUXIÈME PARTIE

LES É T A P E S D E LA RECHERCHE

CHAPITRE III. — La préparation du projet et la recherche documen-


taire (par A. Léon) 39
i | Préparation du projet et élaboration du plan de t r a v a i l . . . 40
il | Le rôle de la recherche documentaire 43
III | L'orientation bibliographique en sciences de l ' é d u c a t i o n . . . 44
IV | La constitution d'un fichier et la prise de notes . . . . . . . . . . 50
Bibliographie, 53.
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CHAPITRE IV. — L'élaboration des hypothèses ( p a r J . Cambon


et F. Winnykamen) 55
i | Délimitation du problème 55
Il | Qu'est-ce qu'une hypothèse ? 56
iii | Problématique de la recherche et choix des h y p o t h è s e s . . . . 58
IV | Sur les différents types d'hypothèses 72
v | Evaluation d'une hypothèse 82
VI [ La vérification de l'hypothèse 86
Bibliographie, 89.

CHAPITRE V. — La construction de la situation expérimentale ( p a r


J . Cambon et F. Winnykamen) 91
1 1 Quelques problèmes généraux liés à la méthode expérimen-
tale appliquée au domaine de la psychopédagogie 92
il | Les situations expérimentales : problèmes liés à leur nature 94
III 1 L'observation 95
IV | Variables invoquées en situation expérimentale 101
V | Principes et règles d'organisation de la situation expéri-
mentale en psychopédagogie 104
vi | Différents niveaux d'organisation de la situation expéri-
mentale : les plans d'expérience 114
VII | Méthodes d'étude des modifications liées à l'évolution
temporelle 140
VIII [ Conclusion 145

Bibliographie, 146.

CHAPITRE VI. — Méthodes et techniques de collecte des données


( p a r J . Cambon et F. Winnykamen) 149
1 | Quelques précisions terminologiques 150
il | Choix de techniques appropriées aux données à recueillir.. 152
ni | Fidélité des mesures 154
IV [ Validité des mesures 158
V | Observation directe des comportements 161
VI | Entretiens, questionnaires et analyse de contenu 176
vii | Techniques sociométriques 185
VIII j La méthode des tests 190
ix | Conclusion 203

Bibliographie, 204.

CHAPITRE VII. — La mesure en milieu éducatif et l'administration


de la preuve ( p a r M. Lumbroso) 209
1 | Introduction 209
il [ Les différents types de données et les niveaux de la mesure.. 211
III | Les distributions de données de score . . . . . . . . . . . . . . . . . 219
iv | Le hasard en psychopédagogie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228
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v | La statistique et l'administration de la preuve 237


VI | Conclusion : le psychopédagogue et la mesure 250
Bibliographie, 253.

Conclusion de la deuxième partie : La communication des résultats


(par A. Léon) 255

TROISIÈME PARTIE

L'ÉVALUATION D'UNE FORMATION

CHAPITRE V I I I . — Problèmes théoriques et méthodologiques posés


par l'évaluation d'une formation ( p a r A. Léon) 263
1 [ Aperçu historique 263
il | Questions de terminologie 267
ni | La critique des procédures traditionnelles d'examen 269
IV | Les fonctions de l'évaluation 271
V [ Objets et méthodes de l'évaluation 277
VI 1 Quelques exemples d'expériences d'évaluation 280
vu 1 Conclusion 285
Bibliographie, 286.

CHAPITRE IX. — L'emploi des techniques statistiques dans le traite-


ment des données ( p a r M. Lumbroso) 289
i [ Introduction 289
il 1 La description statistique 292
III | La comparaison statistique entre résultats attendus et
résultats obtenus expérimentalement 301
IV | La comparaison de deux ou plusieurs échantillons dans le
cas des plans d'expérience à une seule variable 311
v | La comparaison d'échantillons dans le cas de plans d'expé-
rience à deux ou plusieurs variables 333
vi | L'étude de la liaison entre deux ou plusieurs variables 341
VII | Conclusion 348

Bibliographie, 350.

Conclusion générale : Pour une amélioration des stratégies de


recherche (par A. Léon) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 351
INDEX . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 357
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PREMIÈRE PARTIE

PROBLÈMES GÉNÉRAUX
DE LA R E C H E R C H E
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CHAPITRE PREMIER

Introduction :
La notion de psychopéclagogie
expérimentale

Il est maintenant admis que l'initiation à la recherche sup-


pose la participation directe aux activités d'une équipe de
chercheurs confirmés. Mais une telle initiation « sur le tas »,
outre qu'elle ne peut être toujours organisée d'une manière
continue et systématique, implique à son tour un effort de for-
mation et d'autoformation soutenu, le recours à une documen-
tation précise concernant les différentes étapes du processus
de recherche.
C'est à cette préoccupation que se propose de répondre
le Manuel de psychopédagogie expérimentale. Les auteurs de
cet ouvrage ont une expérience, longue pour certains, de
l'enseignement de la psychopédagogie expérimentale, soit auprès
d'étudiants en sciences de l'éducation, soit auprès d'ensei-
gnants ou d'éducateurs en situation de perfectionnement ou
de recyclage1.
Cette expérience les a amenés à prendre conscience des
appréhensions et des difficultés qu'éprouvent, d'une part, les

1. Jacqueline CAMBON", maître-assistant à l ' U E R de Sciences de l ' é d u c a t i o n ;


Antoine LÉON, professeur à l ' U E R de Sciences de l'éducation ; Max LUMBROSO,
assistant à l ' U E R de Sciences de l'éducation ; F a j d a WINNYKAMEN, m a î t r e -
assistant à l ' U E R de Psychologie, chargée de cours à l ' U E R de Sciences de
l'éducation.
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étudiants, lorsqu'on envisage le passage du comportement


d'enseigné-assimilateur à celui de chercheur-producteur, d'autre
part, les praticiens — enseignants ou éducateurs — engagés
dans la conduite d'une recherche [2]1. T a n d i s q u e l e s p r e m i e r s
ont parfois du mal à échapper à l'emprise du « modèle de la
dissertation », l e s s e c o n d s tendent à se laisser séduire p a r le
« m y t h e d e l ' e x p é r i e n c e v é c u e », e n t r e t e n u p a r c e r t a i n e s c o n c e p -
tions restrictives de la formation des adultes en général, et
des enseignants en particulier.
Il est donc nécessaire d'apporter aux uns et aux autres
un instrument de travail, à la fois accessible et efficace, d o n t
l ' o b j e c t i f e s t de l e v e r les i n h i b i t i o n s v i s - à - v i s d e c e r t a i n s a s p e c t s
théoriques et méthodologiques des sciences de l'éducation,
d'aider à approfondir chacune des étapes de la recherche en
psychopédagogie expérimentale, de donner enfin les compé-
tences nécessaires à la lecture d'ouvrages scientifiques et au
dialogue avec des spécialistes.
Sans doute, existe-t-il, en langue française, de nombreux
ouvrages qui comportent une riche documentation d'ordre
t h é o r i q u e , m é t h o d o l o g i q u e o u t e c h n i q u e , nécessaire à la for-
m a t i o n d u chercheur en sciences h u m a i n e s ou en sciences de

l'éducation. Par rapport à ces ouvrages auxquels il s e r a f a i t


p a r f o i s r é f é r e n c e , le Manuel de p s y c h o p é d a g o g i e expérimentale
s e m b l e se d i f f é r e n c i e r d e p l u s i e u r s m a n i è r e s . T o u t d ' a b o r d , les
auteurs envisagent l'ensemble du processus de la recherche.
Ils i n s i s t e n t e n o u t r e s u r les t h è m e s , les n o t i o n s , les difficultés
qui, à partir de leur propre expérience d'enseignant ou de
chercheur, leur paraissent justiciables d'une attention parti-
culière. Ils s o u l i g n e n t enfin la spécificité des c o n d i t i o n s et des
m o d a l i t é s de la r e c h e r c h e e n milieu éducatif.

Consacré à un domaine important de cette recherche, ce


manuel ne prétend pas pour autant constituer un recueil de
techniques ou de conseils propres à favoriser l'innovation.
Cependant, l'adoption d'une attitude expérimentale est indis-
pensable, n o n seulement à la réalisation des contrôles préalables
à t o u t e généralisation des innovations, mais aussi à la concep-
t i o n et à la m i s e en œ u v r e de n o u v e a u x dispositifs p é d a g o g i q u e s .

1. Les chiffres entre crochets renvoient à la bibliographie, placée à la fin de


chaque chapitre.
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P o u r r é p o n d r e à la diversité des a t t e n t e s e x p r i m é e s p a r les


publics auxquels s'adresse l'ouvrage — étudiants en sciences
de l'éducation, stagiaires des écoles normales et des orga-
nismes de formation des éducateurs, enseignants, formateurs
d'adultes, etc. — c h a c u n des chapitres développe u n ou plu-
sieurs des éléments suivants :

— une analyse conceptuelle du thème ;


— des exemples tirés de la recherche pédagogique ou de
l'action éducative ;
— des réflexions o u des c o n s i d é r a t i o n s c r i t i q u e s sur la p o r t é e
e t les l i m i t e s des m é t h o d e s et techniques de la recherche,
ainsi q u e s u r les r i s q u e s et les f a c t e u r s d ' e r r e u r ;
— u n e b i b l i o g r a p h i e a n a l y t i q u e avec, d a n s certains cas, l'indi-
cation du contenu et du degré d'accessibilité de l'ouvrage
ou de l'article ;
— des ouvertures sur de nouvelles recherches.

Le souci d'approfondir c h a q u e thème ou chaque étape de


la recherche va de pair avec la préoccupation de maintenir
le m a x i m u m d'unité entre les d i f f é r e n t s chapitres. Aussi, des
échanges fréquents e n t r e les a u t e u r s ont-ils jalonné la p r é p a -
r a t i o n d ' u n o u v r a g e d o n t il i m p o r t e m a i n t e n a n t d e c o m m e n t e r
le t i t r e e t de j u s t i f i e r le b i e n - f o n d é .

Parler de psychopédagogie expérimentale conduit à élucider


d e u x ordres de rapports : d'une part, ceux qui lient la psycho-
logie à la p é d a g o g i e ; d ' a u t r e p a r t , les r e l a t i o n s e n t r e la m é t h o d e
expérimentale et l'investigation en milieu éducatif.
Un bref aperçu historique permettra d ' é c l a i r e r les débats
actuels concernant cette double série de rapports.
On considère généralement que la psychologie scientifique,
c o n s t r u i t e a u x i x e siècle selon les m o d è l e s fournis p a r la p h y -
s i q u e o u la p h y s i o l o g i e , a i n s p i r é à s o n t o u r les t h è m e s e t les
m é t h o d e s de la recherche pédagogique. En f a i t , le XIXe siècle,
avec ses apports pédagogiques originaux, comme l'enseigne-
ment mutuel ou la médecine éducative, a vu émerger une
psychopédagogie scientifique qui ne devait rien, du moins à
ses débuts, à l'influence de la psychologie. Mieux encore, la
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psychologie différentielle a e m p r u n t é a u x médecins éducateurs


certaines techniques d'action pédagogique d o n t elle a f a i t d e s
tests pour l'analyse ou la m e s u r e des c o m p o r t e m e n t s . Songeons,
par exemple, aux techniques de discrimination des formes et
des couleurs, utilisées p a r I t a r d p o u r é d u q u e r l'enfant sauvage
de l ' A v e y r o n . C'est a v e c le d é v e l o p p e m e n t des p r e m i e r s l a b o r a -
toires de psychologie qu'un renversement s'opère à partir de
la fin du XIXe siècle. L'œuvre psychopédagogique d'Alfred
B i n e t illustre a d m i r a b l e m e n t les n o u v e a u x r a p p o r t s q u i s'éta-
blissent entre la psychologie et la pédagogie. D'une manière
plus précise, cette œuvre représente le couronnement d'un
double m o u v e m e n t qui conduit l'auteur, d'une part, de l'étude
concrète des cas pathologiques, selon la tradition des médecins-
éducateurs, au Laboratoire de Psychologie de la Sorbonne,
fondé en 1889, d'autre part, du Laboratoire de Psychologie
au Laboratoire de Pédagogie, installé en 1899 à l'Ecole de la
rue de la Grange-aux-Belles [7].
De cette histoire complexe découlent, pour la notion de
psychopédagogie, des acceptions diverses dont on trouvera
l ' e x p o s é e t l a d i s c u s s i o n d a n s d e s o u v r a g e s e t a r t i c l e s r é c e n t s [5,
8, 9, 12]. On se bornera ici à p r é s e n t e r quelques critères de
classification. E n p r e m i e r lieu, on établit u n e distinction entre,
d'une part, une psychopédagogie q u i se r a m è n e r a i t à l'appli-
cation, en milieu éducatif, des connaissances psychologiques
acquises en l a b o r a t o i r e et, d'autre part, une psychopédagogie
qui se consacrerait à l'étude des effets psychologiques d'une
action de formation. En second lieu, on oppose une psycho-
pédagogie théorique dont la vocation serait la construction
d'un corps original de connaissances, à une psychopédagogie
pratique, vouée à la résolution des problèmes que se pose
l ' é d u c a t e u r . E n f i n , les d i f f é r e n t e s d é f i n i t i o n s q u ' o n d o n n e d e la
psychopédagogie englobent un plus ou moins grand nombre
d'éléments et de relations qui s t r u c t u r e n t la situation pédago-
gique : finalités et objectifs, caractéristiques de l'élève et du
maître, rapports entre enseignant et enseignés, apprentissage
d ' u n contenu, etc.
O n r e t r o u v e ici la t e n d a n c e g l o b a l i s a n t e q u i p o r t e c h a c u n e
des sciences h u m a i n e s ou des sciences de l'éducation à déborder

s u r le d o m a i n e des autres disciplines. Une conception scienti-


fique de la p s y c h o p é d a g o g i e doit rejeter t o u t impérialisme de
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l a psychologie, refuser d e c o n s i d é r e r en soi le fait p s y c h o l o g i q u e


ou pédagogique et s'ouvrir a u x autres sciences de l'éducation.
A partir de ces remarques, on peut proposer quelques
é l é m e n t s d e d é f i n i t i o n p o u r u n e p s y c h o p é d a g o g i e ouverte. Celle-ci
a pour objet l'étude des relations qui s'établissent entre les
quatre pôles de la situation pédagogique : les élèves, l'ensei-
gnant, l'objet d'étude et son support, l'environnement proche
et lointain. C h a c u n de ces pôles relève, p a r certains côtés, d u
champ d'investigation propre à différentes disciplines. Ainsi,
les caractéristiques des enseignants peuvent être envisagées
sous l'angle économique (emplois, salaires), historique (évo-
lution des statuts), sociologique (origine sociale, féminisa-
tion), biomédical (maladies professionnelles) ou psychologique
( c o m p o r t e m e n t e n classe). E n t a n t q u e science de l ' é d u c a t i o n ,
l a p s y c h o p é d a g o g i e se c o n s a c r e p l u s p a r t i c u l i è r e m e n t a u x fac-
teurs d'ordre psychologique ou pédagogique qui facilitent ou
b l o q u e n t les c o m m u n i c a t i o n s d a n s le r é s e a u q u i u n i t les q u a t r e
pôles. D ' u n p o i n t d e v u e n o r m a t i f , elle s e p r o p o s e d e f a c i l i t e r les
communications. Le p s y c h o p é d a g o g u e intervient alors c o m m e
un stimulateur ou u n régulateur des courants d'échanges qui
se d é v e l o p p e n t e n t r e les q u a t r e pôles.
A p r è s a v o i r e s s a y é de circonscrire le d o m a i n e de la p s y c h o -
p é d a g o g i e , il r e s t e à e n p r é c i s e r l a m é t h o d e e t l ' e s p r i t , t o u t a u
m o i n s p o u r ce q u i c o n c e r n e le c o n t e n u d e ce m a n u e l .
Si l'on définit provisoirement la pédagogie expérimentale
comme l'extension, à l'étude des faits éducatifs, du souci
d'objectivité et de l'exigence d'administration de la preuve,
qui caractérisent d'autres domaines de la recherche, on peut
dire que le t h è m e du contrôle objectif de l'acte pédagogique
s'est manifesté, au cours de l'histoire, sous d e u x formes complé-
mentaires. Il a été t o u t d'abord exprimé par des philosophes
de l'éducation, attentifs aux progrès de la pensée expérimen-
tale. Il a par ailleurs d o n n é lieu à des réalisations effectives,
l o r s q u e le s o u c i d ' o r g a n i s e r l a v i e s c o l a i r e o u d e p r o u v e r l'effi-
cacité d'une méthode a mis au premier plan la notion de
rendement [7]. Mais, sans oublier l'apport, déjà mentionné,
de l'enseignement m u t u e l et de la m é d e c i n e éducative, c'est à
l a fin d u x i x e siècle q u e des é p r e u v e s d e c o n n a i s s a n c e s scolaires
sont conçues selon le modèle fourni par les t e s t s psychomé-
triques tandis que les techniques statistiques sont utilisées
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p o u r c o n t r ô l e r le r e n d e m e n t s c o l a i r e e t v é r i f i e r e x p é r i m e n t a l e -
ment les effets d e c e r t a i n s procédés didactiques [10].
En 1935, la pédagogie expérimentale paraît s'affirmer
c o m m e u n e discipline m a j e u r e avec la publication de l'ouvrage
de R. Buyse [1] s u r L ' e x p é r i m e n t a t i o n en pédagogie. L'auteur
considère que « la pédagogie scientifique est résolument expéri-
mentale quant à sa technique d'investigation, pratique par
rapport à ses objectifs et nécessairement paidologique ». Il
a j o u t e q u e « la p é d a g o g i e s c i e n t i f i q u e , p o u r se d é v e l o p p e r d ' u n e
f a ç o n i n d é p e n d a n t e , d o i t se f a i r e à e l l e - m ê m e s a p r o p r e p s y c h o -
logie sans la recevoir d u d e h o r s ».
Cette dernière proposition suscite parfois des réserves. E n
effet, selon J. P i a g e t [ 1 1 ] , « si l a p é d a g o g i e e x p é r i m e n t a l e v e u t
comprendre ce q u ' e l l e f a i t e t c o m p l é t e r ses c o n s t a t a t i o n s par
des interprétations causales ou « explications », i l l u i f a u d r a
r e c o u r i r à u n e p s y c h o l o g i e p r é c i s e e t n o n p a s s i m p l e m e n t à celle
d u s e n s c o m m u n ».

On reviendra, dans le p r o c h a i n chapitre, s u r les caracté-


ristiques de l ' a p p r o c h e scientifique en psychologie. Il c o n v i e n t ,
pour le moment, de se demander si le développement de la
pédagogie expérimentale peut procéder d'une démarche pure-
ment déductive qui consisterait à transférer au domaine édu-
c a t i f les c o n c l u s i o n s des r e c h e r c h e s e n p s y c h o l o g i e d i t e f o n d a -
mentale. Si l ' o n en juge d'après les résultats des différentes
procédures de formation des enseignants, il s e m b l e que cette
d é m a r c h e d é d u c t i v e ne soit p a s plus efficace q u ' u n e d é m a r c h e
simplement inductive, qui prendrait exclusivement appui sur
l'expérience vécue en milieu éducatif. En fait, la constitution
d'un corps de connaissances proprement psychopédagogiques
paraît impliquer, d'une part, l'étude des problèmes réels qui
se p o s e n t à l ' é c o l e et, d ' a u t r e p a r t , le r e c o u r s a u x c o n c e p t s e t
aux instruments d'analyse fournis p a r la psychologie scienti-
f i q u e q u i se c o n s t r u i t « e n d e h o r s » d e l'école.
Remarquons au passage que cette psychologie, œuvre de
c h e r c h e u r s « p r o f e s s i o n n e l s », n e s a u r a i t ê t r e c o n ç u e c o m m e l e
produit d'une activité purement spéculative. Une histoire
complète de la psychologie ne manquerait pas de révéler la
p l a c e d e s s i t u a t i o n s c o n c r è t e s e t le rôle des d é t e r m i n i s m e s
sociaux et éducatifs dans l'effort incessant d'élaboration et de

différenciation d'une discipline nouvelle.


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Il reste cependant que la p s y c h o p é d a g o g i e ne semble pas


avoir, aujourd'hui, de théories qui lui soient propres. Les liens
qu'elle entretient avec la psychologie scientifique ne sauraient
pour autant être conçus unilatéralement. Partant du principe
que toute action éducative est ambivalente par rapport aux
n o r m e s i m p o s é e s p a r la société et a u x m o d è l e s p r o p o s é s p a r les
différentes sciences humaines, le psychopédagogue a, entre
autres, p o u r f o n c t i o n de relativiser ces n o r m e s e t ces m o d è l e s ,
de les s o u m e t t r e à une double activité d'appropriation et de
contestation. D'une manière p l u s p r é c i s e , il l u i a p p a r t i e n t de
participer à la constitution d ' u n corps original de connaissances
à partir notamment d'une assimilation critique des concepts,
des m é t h o d e s et des t e c h n i q u e s de la psychologie scientifique.
A c e t é g a r d , le s t a t u t de la psychopédagogie rejoint celui
des autres disciplines rassemblées d a n s la catégorie des sciences
de l ' é d u c a t i o n . L ' e n s e m b l e de ces disciplines p o u r r a i t être r a n g é
dans ce que certains spécialistes appellent aujourd'hui des
« s c i e n c e s d e t r a n s f e r t », o u d e s « s c i e n c e s d ' a d a p t a t i o n », o u d e s
« sciences c a r r e f o u r » [13]. Ces sciences ( a g r o n o m i e , d i s c i p l i n e s
b i o m é d i c a l e s , etc.) se s i t u e n t e n « a m o n t » d ' u n i m p o r t a n t
s e c t e u r d ' a c t i v i t é . D e ce f a i t , le c h o i x d e l e u r s t h è m e s d e
r e c h e r c h e d o i t p r e n d r e e n c o m p t e les b e s o i n s à l o n g t e r m e d e ce
secteur. Pour ce qui concerne les sciences de l'éducation,
« l'aval » recouvre à la fois l ' e n s e m b l e d u système scolaire et
universitaire, la vie professionnelle et le monde des loisirs.
C'est dire la complexité des s y n t h è s e s à réaliser et la nécessité
de constituer des équipes composées, entre autres, d'enseignants
e t d e c h e r c h e u r s . E n c o r e f a u t - i l q u e les u n s et les a u t r e s a i e n t
u n e i m a g e aussi large et aussi précise q u e possible de la p o r t é e
et des limites de la p s y c h o p é d a g o g i e scientifique [6].
Il a r r i v e , à ce p r o p o s , qu'on insiste surtout s u r les insuf-
fisances de l'approche expérimentale des p r o b l è m e s éducatifs.

L e s a u t e u r s d ' u n o u v r a g e r é c e n t [3], c o n s a c r é à l a r e c h e r c h e
p é d a g o g i q u e , c o n s i d è r e n t q u e celle-ci, « c a u t i o n n é e p a r l ' a p p e l
à la psychologie expérimentale, ne r e m e t pas en cause l'insti-
tution scolaire et ses conditions sociales. Elle aménage, elle
t e n t e de colmater, d ' é p o n g e r l'échec. U n e a p p a r e n t e rationalité
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technique masque l'irrationalité et ne permet pas de prendre


conscience des contradictions du système scolaire dans sa
t o t a l i t é e t d a n s s e s r a p p o r t s à l a s o c i é t é ».
Il est indéniable q u e le d a n g e r de « p s y c h o l o g i s e r » o u de
« p é d a g o g i s e r » les p r o b l è m e s s o c i o - é c o n o m i q u e s o u p o l i t i q u e s
m e n a c e c o n s t a m m e n t les d é m a r c h e s d e t o u t e s les sciences

humaines, qu'elles soient expérimentales ou cliniques. Mais u n e


recherche véritable, exigeante, toujours inachevée, entreprise
d a n s l'esprit de ce q u e n o u s avons appelé u n e psychopédagogie
ouverte, p e u t conduire à mettre en é v i d e n c e t o u s les f a c t e u r s
— et pas seulement les facteurs psychologiques ou pédago-
giques — qui font obstacle à la réussite d ' u n e action éducative.
« L'école, dit-on, constitue u n é l é m e n t d u p r o b l è m e des classes
sociales et n o n sa solution, écrit à ce p r o p o s le psychologue
J . S. B r u n e r [4]. L o r s q u e l a c l a s s e s o c i a l e se c o m b i n e a v e c d e s
p r é j u g é s e t h n i q u e s , le p r o b l è m e d e v i e n t p l u s c o m p l e x e encore.
Ce n ' e s t p a s a u n i v e a u de l ' é d u c a t i o n q u ' o n p o u r r a le r é s o u d r e ;
ce s e r a n é c e s s a i r e m e n t , si l a c h o s e e s t p o s s i b l e , d a n s u n c a d r e
plus vaste, social, é c o n o m i q u e et politique. »
On peut toutefois se d e m a n d e r si l ' a t t i t u d e e x p é r i m e n t a l e
q u e d é v e l o p p e la p r a t i q u e d e la r e c h e r c h e suffit, p a r e l l e - m ê m e ,
à assurer u n e j u s t e a p p r é c i a t i o n des conditions et des m é c a -
nismes de l'action éducative. E n d'autres termes, la formation
expérimentale des enseignants et des chercheurs n e devrait-elle
pas être complétée par une formation historique, philosophique
et sociologique, grâce à laquelle t o u t fait éducatif pourrait être
replacé dans divers ensembles susceptibles de l'éclairer ou de
l'expliquer ?
Quoi qu'il en soit, il paraît pour le moins excessif de
c o n d a m n e r t o u t e d é m a r c h e expérimentale et de légitimer ainsi
le refus de t o u t e p r o c é d u r e d ' a d m i n i s t r a t i o n d e la p r e u v e .
En l'absence de ces démarches ou de ces procédures, la
pédagogie resterait pour longtemps u n recueil d'opinions et de
recettes d o n t la caution serait fournie p a r de vagues références
à tel ou tel c o u r a n t psychologique à la m o d e .

Les chapitres qui vont suivre sont regroupés dans trois


grandes parties.
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P o u r ce qui concerne la p r e m i è r e p a r t i e , le c h a p i t r e I I pro-


longe les éléments de discussion présentés d a n s le c h a p i t r e i n t r o -
ductif, t o u t en p r é c i s a n t , d ' u n e p a r t , la place de la p s y c h o p é -
dagogie e x p é r i m e n t a l e p a r m i les a u t r e s sciences de l ' é d u c a t i o n ,
et, d ' a u t r e p a r t , l ' e s p r i t , les n i v e a u x et les m o d a l i t é s de la
d é m a r c h e e x p é r i m e n t a l e en milieu éducatif.
L a seconde p a r t i e est s t r u c t u r é e selon des nécessités d ' o r d r e
chronologique, d a n s la m e s u r e o ù l ' o n s'efforce de faire corres-
p o n d r e les étapes de la f o r m a t i o n e x p é r i m e n t a l e a u x différents
m o m e n t s d u processus de recherche.
E n f i n , la troisième p a r t i e , consacrée à l ' é v a l u a t i o n d ' u n e
f o r m a t i o n , envisage d a n s u n e p e r s p e c t i v e à la fois t h é o r i q u e ,
m é t h o d o l o g i q u e et t e c h n i q u e , l ' e x t e n s i o n des p r o c é d u r e s expé-
r i m e n t a l e s à des t h è m e s a c t u e l l e m e n t valorisés d a n s le c h a m p
de la recherche pédagogique.
O n d o i t préciser que, selon la n a t u r e de son expérience, le
n i v e a u de sa f o r m a t i o n ou l ' o r i e n t a t i o n de ses besoins a c t u e l s ,
le l e c t e u r p o u r r a ne p a s suivre l ' o r d r e des chapitres. L a consul-
t a t i o n de l ' i n d e x le guidera dans son choix.

BIBLIOGRAPHIE

[1] BUYSE, R., L'expérimentation en pédagogie, Bruxelles, Ed. Lamertin,


1935, 468 p.
Tout en présentant différentes méthodes et techniques de la
recherche pédagogique, cet ouvrage met surtout l'accent sur la didac-
tique expérimentale.
[2] DESROCHE, H., Apprentissage en sciences sociales et éducation perma-
nente, Paris, Les Editions Ouvrières, 1971, 200 p.
Cet ouvrage est conçu en fonction des problèmes posés par la
recherche dans les sciences sociales. Mais les suggestions qu'il contient
s'appliquent, pour une large part, à la réalisation d'un projet dans le
domaine des sciences de l'éducation.
[3] GUYOT, Y., PUJADE-RENAUD, CI. et ZIMMERMANN, D., La recherche
en éducation, Paris, Editions ESF, 1974, 163 p. Voir chap. II.
[4] LEGRAND, L., et autres, Deuxième Colloque des Directeurs d'Instituts
de Recherche en matière d'éducation (Paris, novembre 1973), Bulletin
d'information du Centre de Documentation pour l'éducation en Europe,
1974, n° 2, pp. 33-60.
Ce colloque a été consacré à deux thèmes : le chercheur en tant que
conseiller des responsables de la politique éducative et le chercheur
en tant qu'agent de l'innovation pédagogique.
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[5] LÉON, A., Psychologie et action éducative : la notion de psycho-


pédagogie, L'Année psychologique, 1966, n° 2, pp. 461-474.
[6] LÉON, A., et autres, L'image de la psychopédagogie chez des psycho-
logues et des éducateurs : étude comparée de deux revues, Bulletin
de Psychologie, 1967, nos 10-15, pp. 596-604.
[7] LÉON, A., Les sources de la pédagogie expérimentale, L'école et la
nation, 1969, n° 181, pp. 41-45.
[8] LÉON, A., Psychologie implicite et psychologie explicite de l'acte
pédagogique, Revue philosophique, 1971, n° 1, pp. 57-66.
[9] MIALARET, G., Introduction à la psychologie de l'éducation, dans
Traité des sciences pédagogiques, Paris, P U F , 1974, t. IV, pp. 9-26.
[10] MONTEALÈGRE, A., Formation de la méthode expérimentale et son utili-
sation en pédagogie, Louvain, Ed. Nauwelaerts, 1959, 366 p.
L'ouvrage est consacré à l'histoire de la méthode expérimentale
depuis la fin du Moyen Age. Le dernier des dix chapitres, consacré à
la pédagogie expérimentale, se réfère directement au livre de R. Buyse.
[11] PIAGET, J., Education et instruction depuis 1935, mise à jour du t. XV,
Education et instruction, de l'Encyclopédie française, Paris, Librairie
Larousse, 1965, 49 p.
[12] SIMON, J., L a pédagogie expérimentale, Toulouse, Privat, 1972, 130 p.
Conçu avec le souci d'être compris par les enseignants, cet ouvrage
présente, sous une forme claire, les fondements théoriques, les domaines
et les modalités de l'expérimentation pédagogique. Il comporte, en
outre, certains éléments de méthodologie et s'achève sur la discussion
de quelques problèmes généraux comme ceux de l'information et de
la formation des maîtres.

[13] Divers, Rapport du groupe de travail sur les sciences pour l'ingénieur,
Le courriel du CNRS, 1973, nO 9, pp. 3-6.
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CHAPITRE II

Principes et processus
de la recherche
en psychopédagogie expérimentale

L'objet de ce chapitre est de préciser les principes et la


nature de la démarche du chercheur en psychopédagogie
expérimentale.
Une telle démarche rencontre inévitablement le difficile
problème des rapports entre la recherche et la pratique
éducative.
Avant de décrire cette démarche et d'éclairer ce problème,
il convient d'envisager les différents niveaux, formes et domaines
de la recherche en sciences de l'éducation.

1 1 NIVEAUX, FORMES ET DOMAINES


DE LA RECHERCHE EN SCIENCES DE L'ÉDUCATION

La recherche pédagogique — certains auteurs préfèrent par-


ler de recherche en éducation afin de déborder le cadre de la
transmission des connaissances [4] — englobe des démarches
très diverses, allant de la simple relation d'une expérience
vécue au contrôle rigoureux de certaines hypothèses. Elle
concerne aussi des personnes qui occupent des positions diffé-
rentes par rapport au système éducatif : chercheurs qualifiés
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à plein temps, universitaires dotés du statut d'enseignant-


chercheur, éducateurs engagés dans un processus d'innovation
ou de rénovation, spécialistes de l'évaluation des formations
données dans les entreprises... et ceux qui s'improvisent ou se
prétendent chercheurs.
Pour mettre de l'ordre dans l'ensemble des données ou des
résultats dont on dispose, il aurait été utile d'examiner, dans
une perspective historique, la constitution des différents
domaines, méthodes et techniques de la recherche pédagogique.
On se bornera ici à préciser certaines distinctions grâce
auxquelles il sera possible de déterminer les rapports de soli-
darité et d'opposition qui lient la recherche en psychopédagogie
expérimentale aux autres secteurs de la recherche en sciences
de l'éducation.
Parmi les différentes définitions qu'on donne de la recherche
pédagogique, celle que propose un groupe d'experts du Conseil
de l'Europe [2] ouvre la voie à l'analyse de ces rapports :
« La recherche en matière d'éducation a pour objet essentiel le processus
pédagogique, qui est étudié dans ses différents stades, allant des objectifs
et systèmes définis par la société et des caractéristiques des élèves et des
étudiants à l'évaluation des résultats, en passant par la situation enseigne-
ment-apprentissage. »

A - Les différents types de recherches

Plusieurs critères de classification, qui se recouvrent par-


tiellement, permettent de situer, les unes par rapport aux
autres, les différentes catégories de recherches.

1 / L'orientation de la recherche
On oppose la recherche orientée vers les conclusions, ou
vers la compréhension de tel ou tel phénomène pédagogique, à
la recherche orientée vers les décisions, vers l'élaboration et la
mise en œuvre de certaines mesures visant à modifier un ou
plusieurs éléments du système éducatif.
Cette opposition recouvre en partie la distinction établie
traditionnellement, et sur laquelle on reviendra, entre recherche
fondamentale et recherche appliquée [6].
Précisons pour le moment que, si la démarche strictement
expérimentale est mieux appropriée aux opérations de produc-
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tion des connaissances qu'aux nécessités de l'action, il n'en


reste pas moins qu'un souci commun de rigueur et de contrôle
anime ou devrait animer le praticien ou le technologue de l'édu-
cation comme le théoricien ou le chercheur.

2 / Le cadre de référence

Selon la nature du problème à éclairer ou à résoudre, la


démarche se réfère aux concepts et aux méthodes de telle disci-
pline scientifique ou de tel champ disciplinaire. A cet égard,
les experts du Conseil de l'Europe distinguent trois niveaux :

a) Le niveau de la planification ou macro-niveau. — On


envisage, à ce niveau, la place de l'éducation dans la société,
la structure et le fonctionnement du système pédagogique,
compte tenu des objectifs qui lui sont assignés et des ressources
dont il dispose. L'histoire et la philosophie de l'éducation,
l'économie, la sociologie et la théorie des systèmes sont mises
ici à contribution.

b) Le niveau de l'enseignement ou niveau intermédiaire. —


On prend ici en considération les programmes, les méthodes,
les matériels et les interactions sociales dans la situation
« enseignement (comportement du maître) — apprentissage
(comportement de l'élève) ». A ce niveau, la recherche péda-
gogique est censée devoir élaborer son propre cadre conceptuel
et méthodologique. Mais on conçoit la place que certaines disci-
plines comme la psychosociologie ou la psychologie expérimen-
tale tiennent dans l'étude des relations enseignant-enseigné
et dans le contrôle de l'efficacité de tel contenu ou de telle
méthode.

c) Le niveau de l'apprentissage ou micro-niveau. — A ce


niveau, la recherche pédagogique, centrée sur la connaissance
des élèves ou sur les conditions et les processus d'acquisition,
est étroitement liée à l'investigation proprement psychologique.
Il va sans dire que l'objet de la psychopédagogie expérimen-
tale se situe au second niveau (par exemple, élaboration de grilles
pour l'analyse des situations éducatives) et surtout au troi-
sième niveau (par exemple, étude des rapports de l'élève avec la
discipline enseignée).
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3 / L'objet et le support de la recherche


On oppose, à ce propos, les recherches documentaires aux
recherches empiriquesl.
Les premières ont pour objet l'analyse de documents passés
ou contemporains en vue de reconstituer l'histoire d'un secteur
de l'éducation, de comparer les systèmes scolaires ou de
confronter les résultats de différentes recherches concernant
le même domaine de la connaissance pédagogique.
Les recherches empiriques, réalisées sur le terrain de la
pratique éducative, prennent, selon le cas, la forme d'observa-
tions plus ou moins systématiques, d'analyses cliniques de la
situation pédagogique ou d'une expérimentation proprement
dite, répondant à des exigences qui seront précisées dans les
prochains chapitres.
Ajoutons, d'une part, que toutes les recherches empiriques
font une place plus ou moins importante à l'investigation
documentaire et, d'autre part, que ces recherches se situent à
différents niveaux par rapport aux nécessités de l'administra-
tion de la preuve.

B - Les niveaux de l'administration de la preuve2

Les différentes recherches empiriques se distinguent tout


d'abord par la plus ou moins grande possibilité qu'elles offrent
de modifier la situation pédagogique ou les variables indépen-
dantes (ou variables-causes) dont on veut évaluer l'influence
sur les variables dépendantes (ou variables-effets). Dans le cas
d'une observation ou de l'établissement d'une monographie,
les variables indépendantes (méthodes pédagogiques, person-
nalité des élèves, etc.) peuvent faire l'objet de mesures précises,
sans toutefois donner prise à une quelconque intervention de
la part du chercheur. Lorsqu'il s'agit d'expérience invoquée, les
variables indépendantes (âge, sexe, statut socio-économique des
élèves, etc.) ne peuvent être modifiées par le chercheur, mais la
constitution de groupes différents selon l'âge, le sexe ou le

1. La recherche empirique désigne ici, non pas la simple accumulation de faits,


mais la démarche qui, par opposition à la confrontation d'opinions, repose sur
l'élaboration de faits recueillis ou construits par le chercheur lui-même.
2. Les notions r a p i d e m e n t présentées ici seront reprises et développées dans la
seconde partie du AI-àntiel.
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s t a t u t socio-économique, p e r m e t d ' é v a l u e r avec précision l'in-


fluence de ces variables sur tel ou tel c o m p o r t e m e n t scolaire.
Avec l'expérience provoquée, le chercheur se t r o u v e en mesure
de modifier certaines variables i n d é p e n d a n t e s (organisation de
l'espace pédagogique, utilisation d ' u n e t e c h n i q u e m o d e r n e , etc.)
en fonction des exigences de l ' a d m i n i s t r a t i o n de la preuve.
Le contrôle de l'influence des variables i n d é p e n d a n t e s sur
les variables d é p e n d a n t e s s'effectue avec une r i g u e u r d ' a u t a n t
plus grande que les divers facteurs en j e u sont m i e u x maîtrisés
ou neutralisés. Comme on le v e r r a dans la seconde p a r t i e d u
Manuel, cette r i g u e u r croît l o r s q u ' o n passe du p l a n préexpéri-
m e n t a l a u plan e x p é r i m e n t a l simple, puis au plan e x p é r i m e n t a l
factoriel.
Quel que soit le n i v e a u ou la n a t u r e de la recherche envi-
sagée, les r a p p o r t s e n t r e celle-ci et la p r a t i q u e p e u v e n t être
conçus selon des modèles ou des stratégies différents.

C - Modèles et stratégies de la recherche [1, 5]1

On oppose s o u v e n t le modèle académique ou universitaire


au modèle de gestion ou de « m a n a g e m e n t ».
D a n s le p r e m i e r cas, on pense que la simple diffusion des
r é s u l t a t s de la recherche accomplie dans un cadre u n i v e r s i t a i r e
ou sous la responsabilité de spécialistes qualifiés, suffirait à
produire des c h a n g e m e n t s dans les c o m p o r t e m e n t s des éduca-
teurs. Avec le modèle de gestion, l ' a c t i v i t é de recherche propre-
m e n t dite est é t r o i t e m e n t liée a u x p r é o c c u p a t i o n s relatives a u
d é v e l o p p e m e n t , à la t r a n s f o r m a t i o n progressive d u milieu
éducatif. L a recherche dite opérationnelle, qui consiste à appli-
quer une d é m a r c h e scientifique à l ' é t u d e ou à la résolution des
problèmes concrets qui se p o s e n t a u x é d u c a t e u r s (modalités de
la r é p a r t i t i o n des élèves, sources des difficultés en lecture, etc.),
r e p r é s e n t e r a i t une troisième voie p a r r a p p o r t a u x d e u x modèles
précédents. On p o u r r a i t r a p p r o c h e r la n o t i o n de recherche-action
ou de recherche-intervention de celle de recherche opérationnelle.
A u x trois modèles qui v i e n n e n t d ' ê t r e esquissés, sont plus
ou moins d i r e c t e m e n t associées trois stratégies du développe-

1. Les termes utilisés pour désigner les différents modèles et stratégies de


recherche sont tirés de documents diffusés p a r le Conseil de l ' E u r o p e [1, 2].
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m e n t des s y s t è m e s éducatifs. L a stratégie de l'expérience pilote,


liée a u p r e m i e r m o d è l e , c o n s i s t e à r a s s e m b l e r , p u i s à t e n t e r d e
g é n é r a l i s e r , p a r d é c i s i o n d e l ' a d m i n i s t r a t i o n c e n t r a l e , les résul-
tats obtenus dans quelques classes ou établissements expéri-
m e n t a u x . L a stratégie des essais généralisés, solidaire d u second
m o d è l e , a é t é m i s e e n œ u v r e d a n s les g r a n d e s r é f o r m e s a c c o m -
plies en Suède au cours des dernières années. Elle consiste à
étendre progressivement, après contrôle des résultats et infor-
mation des intéressés, les changements introduits localement
d a n s le f o n c t i o n n e m e n t d u s y s t è m e é d u c a t i f . A u m o d è l e de la
recherche opérationnelle paraît devoir répondre une stratégie
qui viserait à f a i r e p a r t i c i p e r les e n s e i g n a n t s aux expériences
pédagogiques et à instituer, au sein et autour de l'école, un
milieu scientifique, f a v o r a b l e à de telles expériences.
Ces différents m o d è l e s et s t r a t é g i e s se c o m b i n e n t selon des
dosages variables dans les divers domaines de la recherche
pédagogique. Ils c o n t r i b u e n t e n o u t r e à p r é c i s e r ce q u e p o u r -
raient être les compétences du chercheur en sciences de
l'éducation.

II | L E S D O M A I N E S D E LA R E C H E R C H E P É D A G O G I Q U E
ET LE P R O F I L D U C H E R C H E U R

Les différents inventaires, répertoires et recueils bibliogra-


phiques qui seront présentés dans le chapitre III, consacré
en partie à la recherche documentaire, révèlent la diversité
des travaux qu'on range habituellement dans la catégorie
« Sciences de l ' é d u c a t i o n » ou dans la sous-catégorie « Psycho-
p é d a g o g i e ».
Si l ' o n s'en t i e n t , p a r e x e m p l e , a u d o m a i n e de la f o r m a t i o n
d e s a d u l t e s , les r e c h e r c h e s v a r i e n t , e n t r e a u t r e s , selon l'orien-
tation scientifique ou méthodologique et selon les publics
étudiés.

En ce q u i c o n c e r n e l ' o r i e n t a t i o n s c i e n t i f i q u e , o n p e u t dis-
tinguer des recherches historiques (les o r i g i n e s d e l ' é d u c a t i o n
populaire), des recherches sociologiques et ethnologiques (condi-
tions de la m o b i l i t é sociale, processus d ' a p p r e n t i s s a g e culturel),
des recherches économiques (coût de la formation), des recher-
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ches psychologiques (mécanismes de l'acquisition d ' u n contenu)


et des r e c h e r c h e s d i d a c t i q u e s ( t e c h n i q u e s d ' e n s e i g n e m e n t de la
langue française à des étrangers).
Ces différentes recherches s'appliquent à divers publics :
ouvriers ou cadres de l'agriculture et de l'industrie, enseignants
et formateurs d'adultes, travailleurs migrants, jeunes adultes,
personnes âgées, etc.
Face à cette hétérogénéité des approches et des publics, peut-
on concevoir des caractéristiques ou des compétences c o m m u n e s
a u x différents chercheurs en sciences de l'éducation ?

Si l ' o n a d m e t sans p e i n e q u e la d i v e r s i t é des s i t u a t i o n s de


recherche appelle u n e grande diversité des profils, on doit aussi
reconnaître la nécessité de souligner quelques exigences fonda-
m e n t a l e s d o n t le p o i d s v a r i e s e l o n la s p é c i a l i t é d u c h e r c h e u r e t
q u i p e u v e n t se r a m e n e r à t r o i s o r d r e s d e c o m p é t e n c e s :

— l a m a î t r i s e , s u r le p l a n t h é o r i q u e , m é t h o d o l o g i q u e e t t e c h -
nique, de l'une des sciences h u m a i n e s (psychologie, socio-
logie, etc.) ;
— la possibilité de dialoguer avec les s p é c i a l i s t e s des autres
sciences humaines, avec les spécialistes des disciplines
« a c a d é m i q u e s », a v e c l e s a d m i n i s t r a t e u r s e t a v e c l e s e n s e i -
gnants et éducateurs ;
— une compétence pratique dans un secteur de l'action
éducative.

Le développement de ces trois ordres de compétences


suppose l'organisation d'une véritable formation à la recherche
en sciences de l'éducation. U n e telle f o r m a t i o n viserait, e n t r e
autres, à faciliter l'acquisition et la mise en œ u v r e des principes
de la démarche expérimentale, notamment dans l'étude d'un
p r o b l è m e de psychopédagogie.

III | L'APPROCHE EXPÉRIMENTALE


D ' U N PROBLÈME DE PSYCHOPÉDAGOGIE

L a n o t i o n d e p s y c h o p é d a g o g i e a é t é p r é c i s é e d a n s le p r e m i e r
chapitre.
L'approche expérimentale d'un problème de psychopéda-
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gogie repose, c o m m e en psychologie, sur u n e conception scienti-


fique de la discipline et suit u n e d é m a r c h e qui consiste à aller
d ' u n fait p l u t ô t b r u t à u n fait p l u t ô t élaboré en p a s s a n t p a r la
formulation d'hypothèses ou de questions aussi précises que
possible.
« La m é t h o d e expérimentale, écrivait Claude Bernard, ne fait pas autre
c h o s e q u e p o r t e r u n j u g e m e n t s u r les f a i t s q u i n o u s e n t o u r e n t à l ' a i d e d ' u n
c r i t é r i u m q u i n ' e s t l u i - m ê m e q u ' u n a u t r e f a i t d i s p o s é de f a ç o n à c o n t r ô l e r
le j u g e m e n t e t à d o n n e r l ' e x p é r i e n c e . »

Commentant cette définition, P. Fraisse précise que « la


c o m p a r a i s o n d u fait d'observation et d ' u n autre fait constitue,
à proprement p a r l e r , l ' e x p é r i e n c e » [3].

A - Ce qu'est la psychologie scientifique

A v a n t d e p r é c i s e r ce q u ' e s t o u ce q u e p o u r r a i t ê t r e la p s y c h o -
l o g i e s c i e n t i f i q u e , d i s o n s ce q u ' e l l e n ' e s t p a s .
Elle ne se réduit pas à la simple collecte de faits bruts,
que ce soit par une procédure psychométrique ou par une
d é m a r c h e c l i n i q u e . E l l e n e se r a m è n e p a s n o n p l u s à l a s i m p l e
i n t e r p r é t a t i o n de ces faits o u à u n e p r o c é d u r e q u i se b o r n e à
j u x t a p o s e r la c o n s t a t a t i o n de certains faits et leur interprétation.
Elle refuse enfin d'obéir à une logique des a t t r i b u t s , selon
laquelle les caractéristiques individuelles ou collectives sont
tenues p o u r des propriétés immuables, attachées à l'individu ou
au groupe qu'il s'agirait moins d'éduquer ou de transformer que
de classer ou de répartir.
La procédure de j u x t a p o s i t i o n e t le r e c o u r s à une logique
des a t t r i b u t s r e n d e n t possible l'intervention de facteurs idéolo-
giques dans l'interprétation des comportements. P a r exemple,
les difficultés scolaires d e l'élève s o n t i m p u t é e s au jeu d'apti-
tudes ou de traits de caractère supposés stables (fatalisme
de l'hérédité) ou à l'influence de facteurs socio-économiques
et culturels, supposés également non modifiables (fatalisme
du milieu).
La psychologie scientifique s'appuie sur une logique des
relations, qui consiste à replacer toute observation dans un
réseau de d é t e r m i n a t i o n s qui l'éclairent et la dépassent. Telle
réaction individuelle (R) est mise en r a p p o r t avec des facteurs
q u i t i e n n e n t à la p e r s o n n a l i t é d u sujet (P) ou à la s i t u a t i o n d a n s
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l a q u e l l e il se t r o u v e p l a c é (S). B r e f , t o u t c o m p o r t e m e n t o b s e r -
v a b l e est fonction de la personnalité et de la situation :

R = f ( P , S)
S --> P --> R

Mais l'imputation d'un comportement (échec scolaire) à


des facteurs qui relèvent de P (âge, santé, niveau, formation
antérieure) ou de S (organisation scolaire, méthodes pédago-
giques, milieu familial) n'est possible q u ' a u t e r m e (provisoire)
d ' u n e d é m a r c h e qui consiste à aller des p r e m i e r s faits observés
(constatation de l'échec dans une discipline) à de nouveaux
faits (caractère limité ou général de l'échec, facteurs de per-
sonnalité ou de situation), en passant par la formulation de
q u e s t i o n s (Q) ou d ' h y p o t h è s e s (H).
F I - > Q ou H - > F2

E n v é r i t é , le f a i t e s t le p o i n t d e d é p a r t e t le p o i n t d ' a r r i v é e
d'un processus inachevé

••• - 1- Qn - 1 o u - - + F n - + Q n ou +1 •••

C'est au n i v e a u de la f o r m u l a t i o n des questions et des h y p o -


t h è s e s q u ' i n t e r v i e n n e n t , c o m m e o n le v e r r a d a n s le c h a p i t r e I V ,
l'imagination ou l'originalité du chercheur, son expérience
personnelle ou professionnelle, sa culture théorique et son
information méthodologique et technique.
C'est p a r u n fait, et n o n p a r une i n t e r p r é t a t i o n subjective
o u arbitraire qu'il c o n v i e n t de r é p o n d r e à la q u e s t i o n posée o u
de contrôler l'hypothèse. Bref, la p s y c h o l o g i e scientifique est
soucieuse de vérification, d ' a d m i n i s t r a t i o n de la p r e u v e . Cette
préoccupation, qui concerne la séquence Q ou H -> F de la
d é m a r c h e , fera l ' o b j e t des c h a p i t r e s de la d e u x i è m e partie.
L'application du modèle R = f(P, S) i m p l i q u e l'adoption
d'une attitude déterministe.

B - Quelques formes de déterminisme en psychopédagogie

Adopter une attitude déterministe ou tenir pour essentiel


le p r i n c i p e de causalité, c'est considérer q u e des causes iden-
tiques — ensemble complet des conditions qui p e u v e n t influen-
cer u n p h é n o m è n e — p r o d u i s e n t t o u j o u r s des effets i d e n t i q u e s .
Selon le modèle proposé par la psychologie scientifique,
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R — f ( P , S), les causes p e u v e n t relever, soit de la s i t u a t i o n o u


de l'environnement, c'est-à-dire des caractéristiques objectives
d u milieu avec lequel l'individu est en contact, soit de la person-
n a l i t é , c'est-à-dire de t o u t ce q u e l ' i n d i v i d u a p p o r t e s u r le p l a n
biologique ou psychologique. Dans la mesure où tout fait
psychologique est aussi un fait éducatif, la personnalité se
c o n s t r u i t à t r a v e r s les m u l t i p l e s e x p é r i e n c e s familiales, scolaires,
professionnelles ou autres qui structurent l'existence indivi-
duelle.

Il est r a r e de p o u v o i r r a m e n e r les c o m p o r t e m e n t s observés


à un déterminisme simple, univoque [7]. L e p l u s s o u v e n t les
conduites procèdent du jeu de déterminismes complexes qu'on
illustrera au moyen d'exemples empruntés à la psychopéda-
gogie des adultes.

1 / D é t e r m i n i s m e simple, classique

On l'observe dans les situations relativement exception-


nelles qui ponctuent parfois le cours de l'existence.
Un événement ou un phénomène important comme la
pénurie d'aliments, le danger, le chômage ou l'obsolescence
professionnelle (phénomènes qui résultent eux-mêmes du jeu
de plusieurs facteurs), contraignent l'individu à changer, à
m o d i f i e r s o n s t y l e d e v i e o u à se f o r m e r . E n ce q u i c o n c e r n e les
f a c t e u r s d e p e r s o n n a l i t é , la m a l a d i e p h y s i q u e o u m e n t a l e (liée
elle-même à divers facteurs), immobilise l'individu ou l'enferme
dans un système rigide de normes.

2 / Surdétermination

O n parle de s u r d é t e r m i n a t i o n lorsque plusieurs facteurs, X ,


Y , Z, d o n t c h a c u n p e u t p r o d u i r e la r é a c t i o n R , a g i s s e n t s i m u l -
tanément. Par exemple, la résistance du travailleur migrant
face a u x sollicitations relatives à l'engagement dans une forma-
tion d'adultes procède du jeu simultané de plusieurs facteurs
q u i i n t e r v i e n n e n t d a n s le m ê m e sens : condition d'O.S., anal-
phabétisme, manque d'expérience professionnelle, hostilité du
milieu d'accueil à l'égard des étrangers, etc. Un seul de ces
facteurs suffirait à p r o v o q u e r le c o m p o r t e m e n t de retrait du
travailleur migrant.
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3 / Sous-détermination

Dans le cas de sous-détermination, la production de la


r é a c t i o n R n é c e s s i t e l ' a c t i o n s i m u l t a n é e des f a c t e u r s X , Y et Z,
chacun des facteurs ne pouvant produire seul cette réaction.
Ainsi, l'engagement dans un stage de recyclage nécessite,
à la fois, l ' e x i s t e n c e de m o y e n s de f o r m a t i o n , la possibilité de
suivre la formation pendant le t e m p s de travail (facteurs S)
et une m o t i v a t i o n suffisante (facteur P). L a prise de conscience
des f o n d e m e n t s des r a p p o r t s s o c i a u x nécessite, à la fois, de la
part de l'ouvrier, l'expérience des conditions économiques et
sociales d u travail, la p a r t i c i p a t i o n aux actions syndicales et
une information générale sur la signification des m o u v e m e n t s
revendicatifs, passés et actuels.

4 / Déterminisme indirect

Il arrive que l'influence d'un certain f a c t e u r s u r les r é a c -


tions individuelles s'opère par la médiation d'autres facteurs.
On sait, par exemple, que la durée des formations initiales
affecte les comportements des adultes dans le domaine des
formations ultérieures. En d'autres termes, les i n d i v i d u s qui
n'ont reçu qu'une formation initiale courte s'engagent moins
f r é q u e m m e n t dans u n stage de recyclage ou de promotion que
ceux dont la formation initiale a été plus longue. Cette liaison
doit être interprétée à la lumière de certaines conséquences
imputables aux formations courtes : perte de l'habitude
d'apprendre, échec d'une première tentative de recyclage,
p r é d o m i n a n c e des a s p e c t s p r a t i q u e s s u r les a s p e c t s c o n c e p t u e l s
d a n s les a c t i v i t é s p r o f e s s i o n n e l l e s , etc.

5 / Interaction

On parle d'interaction entre deux facteurs F I et F2 lorsque


l'influence d u f a c t e u r F I s u r u n e r é a c t i o n i n d i v i d u e l l e R se

trouve modifiée par l'intervention du facteur F2.


Reprenons l'exemple des rapports entre la durée de la
formation initiale FI et l'engagement dans une formation
ultérieure (R). Une expérience valorisante, la prise de cons-
cience de l'utilité de l'éducation permanente o u les n é c e s s i t é s
de l'action syndicale c o n s t i t u e n t a u t a n t de facteurs (F2) propres
à conduire certains individus à s'engager dans une formation
ultérieure alors que leur f o r m a t i o n initiale a été courte.
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6 / Rétroaction

L e c o m p o r t e m e n t R r é a g i t s u r le f a c t e u r F q u i l ' a d é t e r m i n é .
Ainsi, l'abandon d'une formation d'adultes (R) peut être
i m p u t é à la p e r t u r b a t i o n d u c l i m a t familial (F). Mais l ' a b a n d o n
p e u t susciter à son t o u r des s e n t i m e n t s de frustration qui
c o n t r i b u e n t à d é t é r i o r e r ce c l i m a t .

7 / C o r r é l a t i o n et r e l a t i o n c a u s a l e

Il est f r é q u e n t d ' é t a b l i r h â t i v e m e n t u n r a p p o r t de causalité


entre deux phénomènes qui varient d'une manière concomi-
t a n t e . O n o b s e r v e , p a r e x e m p l e , q u e les m a î t r e s q u i s ' e n g a g e n t
dans des stages de recyclage participent, par ailleurs, à des
activités d'innovation pédagogique. Doit-on en conclure que
le p r e m i e r c o m p o r t e m e n t d é t e r m i n e le s e c o n d , o u vice v e r s a ?
N e p o u r r a i t - o n p a s p e n s e r q u e l ' u n e t l ' a u t r e se t r o u v e n t s o u s l a
d é p e n d a n c e d ' u n m ê m e facteur : n a t u r e ou durée de la forma-
tion pédagogique, appartenance à un mouvement d'éducation
nouvelle, etc. ? O n c o n ç o i t dès lors la nécessité de n e p a s tirer
d'une simple liaison statistique des éléments d'interprétation
qui n'en découlent pas logiquement.
Cette question sera reprise dans la seconde et la troisième
parties où seront évoquées, entre autres, différentes démarches
et techniques propres à analyser quelques-unes des formes d u
déterminisme en psychopédagogie.
Les résultats d'une telle analyse contribuent à faire pro-
g r e s s e r la c o m p r é h e n s i o n des c o m p o r t e m e n t s liés à u n e a c t i o n
de formation. Ils p e u v e n t é g a l e m e n t suggérer certaines orien-
tations en matière de pratique pédagogique.

IV [ R E C H E R C H E P S Y C H O P É D A G O G I Q U E
ET PRATIQUE ÉDUCATIVE

La pratique pédagogique la plus intuitive, la plus empi-


rique, se réfère, au moins implicitement, à certaines représen-
tations, à certaines opinions, plus ou moins fondées, concer-
n a n t les possibilités d e l'écolier o u d e l'élève a d u l t e , les c a u s e s
de l ' i n a d a p t a t i o n scolaire ou la p o r t é e des notes et des e x a m e n s .
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Ces r e p r é s e n t a t i o n s et ces o p i n i o n s t r o u v e n t p a r f o i s u n e j u s t i -
fication dans la constatation de certains faits relatifs, par
e x e m p l e , à la stabilité des différences i n t e r i n d i v i d u e l l e s o u a u x
r é t i c e n c e s m a n i f e s t é e s p a r les élèves, face à c e r t a i n s c o n t e n u s o u
à certaines méthodes. L'interprétation hâtive de ces consta-
t a t i o n s fait intervenir, c o m m e on l'a déjà souligné, des é l é m e n t s
qui r e l è v e n t a u m o i n s a u t a n t de l'idéologie q u e de la connais-
sance scientifique : adhésion à une conception innéiste et
fixiste des a p t i t u d e s , c r o y a n c e à l'égalité des chances a u sein de
l'école et a u x v e r t u s c o m p e n s a t r i c e s de l ' é d u c a t i o n p e r m a n e n t e .
L a r e c h e r c h e p é d a g o g i q u e a, e n t r e a u t r e s , p o u r f o n c t i o n d e
r e m e t t r e en q u e s t i o n ces i n t e r p r é t a t i o n s h â t i v e s et de c o n s i d é r e r
tout fait d'observation non comme un fait en soi a u q u e l on
pourrait associer directement une pratique, mais comme le
point de départ d'une démarche qui doit conduire à dégager ou
à construire de n o u v e a u x faits, propres à rendre c o m p t e , d ' u n e
m a n i è r e plus complète, des c o m p o s a n t e s et des m é c a n i s m e s de
l'action éducative.

R e p r e n o n s le s c h é m a r e l a t i f à l a d é m a r c h e c o n s i s t a n t à aller
d ' u n fait à u n autre fait en p a s s a n t par une question ou p a r u n e
hypothèse :

Une pratique peut être dérivée d'un point quelconque


( P n - 1 ' P „ , P n + i) d e l a c h a î n e p r i n c i p a l e .
S'il fallait établir u n e d i s t i n c t i o n e n t r e la r e c h e r c h e f o n d a -

m e n t a l e ( o u o r i e n t é e v e r s les c o n c l u s i o n s ) e t la r e c h e r c h e a p p l i -
q u é e (ou orientée vers les décisions), on p o u r r a i t dire q u e , d a n s
le p r e m i e r c a s , l ' a c t i v i t é d u c h e r c h e u r s e d é v e l o p p e s u r t o u t le
long de la chaîne principale, tandis que, dans le s e c o n d cas,
le c h e r c h e u r a c c o r d e u n e é g a l e i m p o r t a n c e à l a c h a î n e p r i n c i p a l e
et aux dérivations.

Il c o n v i e n d r a i t , à ce p r o p o s , d e c o m p l é t e r le s c h é m a p r é c é -
dent en soulignant l'influence possible et souhaitable de la
pratique sur la formulation de nouvelles questions ou de
nouvelles hypothèses :
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L'institution d'un libre jeu d'influences réciproques entre


la r e c h e r c h e et la p r a t i q u e s u p p o s e , e n t r e a u t r e s , l ' o r g a n i s a t i o n
d ' u n v é r i t a b l e m i l i e u s c i e n t i f i q u e a u sein d u q u e l les e n s e i g n a n t s
et les é d u c a t e u r s , f o r m é s à la r e c h e r c h e p a r la r e c h e r c h e , p o u r -
raient, au moyen de confrontations et de discussions, s'appro-
p r i e r e f f i c a c e m e n t les r é s u l t a t s des t r a v a u x accomplis par les
spécialistes et faire progresser, à leur tour, l'étude d ' u n t h è m e
grâce à la pertinence et à l'originalité des questions posées a u
chercheur qualifié.
C'est d a n s u n tel milieu scientifique que pourrait, c o m m e o n
l ' a s o u l i g n é d a n s le p r e m i e r c h a p i t r e , se c o n s t r u i r e u n c o r p s d e
connaissances intermédiaires (ou appliquées, ou technologiques)
s a n s l e s q u e l l e s il p a r a î t d i f f i c i l e d e c o n c e v o i r l ' a m é l i o r a t i o n d e s
r a p p o r t s entre la théorie et la pratique.
Ajoutons que c'est à travers la construction de ce corps
de connaissances que les sciences de l'éducation pourraient
conquérir u n s t a t u t et spécifier leurs fonctions.
M a i s , p o u r r e v e n i r a u d e r n i e r s c h é m a , il v a s a n s d i r e q u e l e s
différentes pratiques dérivées de la chaîne principale ne sau-
raient être tenues pour équivalentes. A u fur et à mesure que
l ' o n p r o g r e s s e le l o n g d e c e t t e c h a î n e , les c o n n a i s s a n c e s s c i e n t i -
fiques t e n d e n t à s u p p l a n t e r les r e p r é s e n t a t i o n s , les o p i n i o n s et
les é l é m e n t s i d é o l o g i q u e s qui s'y rattachent.
C o n s i d é r o n s , p a r e x e m p l e , u n f a i t de r e t a r d scolaire o u les
résultats d'une enquête, conduite auprès d'adolescents, sur la
durée de la scolarité obligatoire. L'interprétation directe d u fait
brut Fn-l peut susciter une pratique de s é l e c t i o n d a n s le cas
du r e t a r d scolaire, ou justifier la r é d u c t i o n de la durée de la
s c o l a r i t é o b l i g a t o i r e . M a i s , si l ' o n s ' i n t e r r o g e (Q o u H n - l ) s u r
les c a u s e s d u r e t a r d o u s u r les r a i s o n s de l ' a v e r s i o n des adoles-

cents pour l'école, on est amené à découvrir de nouveaux


faits (F n) : difficultés d'ordre familial pour l'élève retardé,
inadaptation des méthodes et des contenus aux besoins des
adolescents, etc.
B r e f , l a p r o g r e s s i o n le l o n g de l a c h a î n e c o n d u i t à c o n c e v o i r
d e s s o l u t i o n s à l a fois m i e u x f o n d é e s s u r le p l a n s c i e n t i f i q u e e t
p l u s v a l a b l e s s u r le p l a n social, à p a s s e r des p r a t i q u e s d e sélec-
tion ou d'élimination à des pratiques de transformation des
milieux éducatifs.

O n c o n ç o i t s a n s p e i n e q u e ces d e r n i è r e s p r a t i q u e s se h e u r t e n t
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à des obstacles qui ne sont p a s s e u l e m e n t d ' o r d r e scientifique.


On comprend du même coup que l'orientation des recherches
pédagogiques puisse se t r o u v e r affectée p a r la persistance de
ces obstacles.
De toute façon, le chercheur en sciences de l'éducation,
même s'il se veut « théoricien » ou « fondamentaliste », n e
s a u r a i t se d é s i n t é r e s s e r de l ' e x p l o i t a t i o n q u i p o u r r a i t ê t r e faite
d e s r é s u l t a t s d e ses t r a v a u x .

Il ne saurait non plus se désintéresser des finalités géné-


rales et des objectifs particuliers qui sont assignés au système
éducatif.

BIBLIOGRAPHIE

[1] Conseil d e l ' E u r o p e . R e c h e r c h e e t d é v e l o p p e m e n t e n m a t i è r e d ' é d u c a -


t i o n , B u l l e t i n d ' i n f o r m a t i o n d u Centre de D o c u m e n t a t i o n p o u r l ' é d u c a t i o n
en E u r o p e , 1974, n° 2, p p . 33-60.
Il s'agit d u compte r e n d u d ' u n colloque, t e n u à Paris en novem-
b r e 1973, e t r a s s e m b l a n t les d i r e c t e u r s d ' i n s t i t u t s d e r e c h e r c h e e n m a t i è r e
d ' é d u c a t i o n . Les r a p p o r t s qui y sont présentés sont consacrés essen-
tiellement a u x fonctions d u c h e r c h e u r en pédagogie : conseiller des
responsables de la politique é d u c a t i v e ou a g e n t d ' i n n o v a t i o n . Les
relations e n t r e la recherche et la politique f o n t l ' o b j e t d ' é c h a n g e s
de v u e s .

[2] Conseil de l ' E u r o p e . L a f o r m a t i o n e t les p e r s p e c t i v e s d e c a r r i è r e d e s


c h e r c h e u r s d a n s le d o m a i n e p é d a g o g i q u e , B u l l e t i n d ' i n f o r m a t i o n d u
Centre de D o c u m e n t a t i o n p o u r l ' é d u c a t i o n en E u r o p e , 1974, n° 2, p p . 91-100.
Cet a r t i c l e p r é s e n t e les c o n c l u s i o n s e t les r e c o m m a n d a t i o n s f o r m u l é e s
p a r u n g r o u p e d ' e x p e r t s à p r o p o s de la d é f i n i t i o n d e la r e c h e r c h e p é d a -
g o g i q u e , de l a f o r m a t i o n e t d u p e r f e c t i o n n e m e n t d e s c h e r c h e u r s , e t d e la
p l a c e de l a r e c h e r c h e d a n s la f o r m a t i o n d e s e n s e i g n a n t s .

[3] FRAISSE, P . , M a n u e l p r a t i q u e de p s y c h o l o g i e e x p é r i m e n t a l e , P a r i s , P U F ,
éd. d e 1956, x i - p 312 p.

[4] GUYOT, Y., Pu JADE-RENAUD, CI. et ZIMMERMANN, D., La recherche en


éducation, Paris, Ed. ESF, 1974, 163 p.
Cet ouvrage rassemble un certain nombre de précisions et de prises
de position concernant notamment la distinction entre éducation et
pédagogie, la conception et la définition de la recherche et de l'inno-
vation, les relations entre la recherche fondamentale et la recherche
appliquée, et les facteurs qui font obstacle au développement de la
recherche pédagogique. Il comporte, en outre, un tableau de l'organi-
sation de la recherche pédagogique en France, et s'achève sur la pré-
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sentation de points de vue exprimés par des spécialistes des sciences


de l'éducation.

[5] De LANDSHEERE, G., Introduction à la recherche en éducation, Paris,


Colin-Bourrelier, 1970, 3e éd., 312 p.
La première partie de cet ouvrage est consacrée à la définition et
aux objectifs de la recherche pédagogique, aux phases de la recherche
et à la taxonomie de la recherche. Il propose, à cet égard, plusieurs
critères de classification. Retenons, d'une part, la distinction entre
recherche fondamentale (connaissances), recherche appliquée (techno-
logie) et recherche de développement technique (production) et, d'autre
part, l'opposition entre les recherches orientées vers les conclusions et
les recherches orientées vers les décisions.

[6] LEGRAND, L., Enquête 1973. Politique de recherche en matière d'éduca-


tion en Europe, Bulletin d'information du Centre de Documentation pour
l'éducation en Europe, 1974, n° 2, pp. 61-74.
A partir de l'analyse de 16 rapports nationaux, l'auteur présente
les cadres institutionnels de la recherche pédagogique, l'organisation de
cette recherche, la politique d'éducation et de recherche dans les états
centralisés et décentralisés, et les problèmes du financement. Le thème
des rapports entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée
donne lieu à quelques éclaircissements et commentaires.
[7] LE Ny, J.-F., Psychologie et matérialisme dialectique, Paris, Ed. Le
Pavillon, 1970, 105 p.
L ' a u t e u r présente les grands principes de la psychologie scientifique
et analyse la notion de déterminisme.
DEUXIÈME PARTIE

LES ÉTAPES DE LA R E C H E R C H E

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