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Les Trinités Selon Le Coran Et en Islam
Les Trinités Selon Le Coran Et en Islam
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coranique, est vigoureusement dénoncé par le Coran qui le décrit comme une perversion
inacceptable du monothéisme tel qu’il le définit : Dieu est Un, indivisible, immuable. Cinq
versets-clefs sont alors régulièrement cités en tant que preuve du polythéisme à peine
voilé du christianisme. Nous en donnons donc présentement les segments essentiels
selon la traduction standard :
– « Allah dit : « Ne prenez pas deux divinités. Il n’est qu’un Dieu unique…»[4]
– « Ce sont certes des mécréants, ceux qui disent : « En vérité, Allah c’est le
Messie, fils de Marie… »[5]
– « Ce sont certes des mécréants, ceux qui disent : « En vérité, Allah est le
troisième des trois. » Alors qu’il n’y a de divinité qu’Une Divinité Unique…»[6]
– « …Ô Jésus, fils de Marie, est-ce toi qui as dit aux gens : « Prenez-moi, ainsi que
ma mère, pour deux divinités en dehors d’Allah ? … »[7]
Toutefois, la subjectivité de ces positions islamiques est aussi une arme à double
tranchant, car il est alors aisé du point de vue chrétien, et avec les mêmes intentions que
celle de l’Islam, de rendre la politesse à nos théologiens en les accusant, preuve en
main, d’incompétence puisque leurs attaques ciblant la Trinité reposent sur des
définitions erronées de celle-ci. De même, et cela est lourd de conséquence, il devient
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alors possible d’affirmer que le Coran est en la matière fort mal informé ; comment donc
soutenir alors sa perfection textuelle divine ! L’ignorance est mère de toutes les haines,
dit-on, et, entre mauvaise et bonne foi, comment parvenir à apaiser véridiquement et
intelligemment les relations interreligieuses ? Entre critiques et acceptations coraniques,
comment donc situer la voie de raison et de foi que le Coran propose ?
Nous l’avons mentionné, l’Islam a versé au dossier cinq versets en les interprétant de
manière univoque dans le sens d’une condamnation coranique de la Trinité chrétienne
dans son ensemble. Or, l’approche historico-critique et l’analyse littérale permettent de
comprendre ces versets avec plus de justesse. C’est ainsi que l’on peut y distinguer, non
pas la critique globale de la Trinité, mais la condamnation des principales mouvances
hérétiques d’Arabie : les trinités. Nous allons donc réexaminer et analyser chacun de
ces versets sources. Dans un premier temps, deux versets doivent être exclus du champ
de la discussion, car, contrairement à ce que l’Exégèse soutient, il sont sans aucun
rapport avec les trinités et/ou la Trinité, mais tous deux en lien avec le polythéisme :
I– Critiques du polythéisme
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transcendance divine : « Qu’Il soit transcendé ! Il Se suffit à Lui-même » le fait que
Dieu aurait pu s’attribuer des divinités de nature filiale : « Dieu s’est adjoint progéniture
», croyance anthropomorphique de Quraysh et trait commun à bien des polythéismes.
Notons que le terme walad est communément traduit par « enfant » ou fils au singulier
puisque l’Exégèse veut voir ici une charge contre le “Fils de Dieu”. Mais,
contextuellement, il représente logiquement un pluriel, or, en arabe, walad vaut autant
pour le masculin que le féminin et le singulier que le pluriel d’où notre choix de
l’équivalent grammatical français « progéniture ».[12] Au final, lorsque l’Exégèse fait des
chrétiens les locuteurs de S10.V68 alors qu’il s’agit de polythéistes arabes, le
déplacement de sens est manifeste.[13]
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formulation « deux divinités/ilâhayn ». Au final, et quoi qu’il en soit, ce verset est de
toute évidence sans aucun rapport avec la critique de la Trinité, ni même celle d’une
trinité hérétique.
Après avoir démontré que les deux premiers versets référents de l’Exégèse ne
concernent ni la Trinité ni les trinités, envisageons à présent les trois derniers versets qui,
eux, sont réellement en rapport avec le sujet.
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exclusivement divine de Jésus tout en croyant en Dieu revient à Lui associer une autre
divinité et être ainsi « vraiment dénégateurs », ce n’est donc que la forme spécifique de
polythéisme dont est taxé le monophysisme qui, en notre verset, est dénoncée et
condamnée.
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ce qui n’est pas pour moi vrai ! Si je l’avais dit, tu l’aurais su ! Tu connais bien ce
qui est en moi, alors que je ne sais point ce qui est en Toi ; Tu es, certes,
parfaitement connaisseur des choses cachées ! », S5.V116.[22] Ce verset s’inscrit
dans un assez long paragraphe relatif à une mise au point quant au parcours et à la
mission de Jésus. De manière explicite, le segment « prenez-moi ainsi que ma mère en
tant que deux divinités en sus de Dieu » évoque un autre trithéisme que
précédemment et composé cette fois-ci de la triade : Dieu ; Jésus ; Marie. Il nous semble
à présent devoir distinguer la triade mentionnée en notre verset des croyances des
collyridiens.[23] En effet, ces derniers sont connus pour avoir voué un culte presque
exclusif à Marie, alors qu’il est ici question d’une triade familiale où les trois “Personnes”
sont mises au même niveau et où, surtout, Marie se substitue à l’Esprit-Saint. Si le
collyridisme fut implanté en Arabie, il est à noter que bien des polythéismes arabes
concevaient des triades de divinités filialement liées. Ainsi, peut-on lire en S6.V100 [24]:
« … ils Lui ont inventé des fils et des filles, sans aucun savoir…» et en S53.V19-
20 « Auriez-vous donc vu al-Lât et al–‘Uzzâ ainsi que Manât cette autre troisième ».
[25] Ces versets évoquent deux triades familiales différentes, la première : Dieu ; al-Lât ;
al–‘Uzzâ, la deuxième dont Manât est alors le troisième terme. Il s’agit là de divinités
filles : « Auriez-vous le garçon et Lui la fille ! », S53.V21,[26] ce qui suppose dans la
logique anthropomorphique du polythéisme que ces divinités-filles aient une mère, le
Coran en creux le signale : « …aurait-Il des enfants alors qu’Il n’a pas de Compagne
et qu’Il est le Créateur de toute chose !… », S6.V101.[27] Il n’y a donc aucune difficulté
à supposer qu’en ces conditions le concept chrétien de Marie Mère de Dieu, le culte
marital collyridien présent en Arabie et les triades familiales du polythéisme arabe aient
abouti par syncrétisme à la conception de la triade que le Coran ici dénonce : Dieu ;
Jésus ; Marie. Historiquement, nous manquons d’éléments pour identifier nominalement
cette croyance et les tribus plus ou moins christianisées où elle avait cours. Aussi, en
fonction des données que nous avons avancées, parlerons-nous de trithéisme pseudo-
collyridien. Nous aurons à nouveau pu constater que le Coran ne dénonçait pas en ce
verset, comme en les précédents, la Trinité, mais une forme de trinité qu’il jugeait
hérétique par rapport au dogme monothéiste coranique, mais aussi chrétien.
• Conclusion
L’analyse littérale des cinq principaux versets mis en cause par l’Islam quant à une
supposée critique coranique de la Trinité aura mis en lumière la précision coranique et
l’imprécision de la surinterprétation islamique dont elle est victime ; en somme, et encore
une fois, l’illustration d’un constat majeur : la différence entre le Coran et l’Islam. En
résumé, deux versets sont en réalité en lien avec la critique coranique du polythéisme :
S10.V68 et S16.V51. Les trois autres versets, et c’est là un fait essentiel, ne concernent
pas une critique de la Trinité, mais d’autres formes de trinités soutenues par des sectes
chrétiennes jugées par le christianisme post-chalcédonien comme hérétiques, ce que le
Coran confirme donc. Le Coran ne fait point là acte de théologie comparée, mais
dénonce très concrètement des concepts de trinités qui avaient cours au sein de tribus
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arabes christianisées, plus que chrétienne, et qui étaient alors en controverse avec
Muhammad et sa prédication strictement monothéiste. Ainsi, S5.V72 établit la critique du
monophysisme, S5.V73 celle du trithéisme, S5.V116 celle d’un trithéisme pseudo-
collyridien.
Quoi qu’il en soit, nous retiendrons que le Coran est innocent de ce dont l’accusent
l’Islam et ses détracteurs et que les contradictions dont on taxe le texte coranique sont
uniquement dues à l’exégèse islamique. Au contraire, c’est avec une grande cohérence
que le Coran ne condamne pas la Trinité, mais des trinités hérétiques selon la chrétienté
elle-même, ceci pour mieux caractériser sa position quant à la Trinité et donc au monde
chrétien. Loin de consommer la rupture entre la chrétienté et l’Islam, voulue du reste par
ces deux religions, le Coran, comme nous le verrons en l’article consacré à la Trinité,
cherche au contraire à plaider pour un terrain d’entende commun afin que les croyants
puissent tous, au nom de leur foi en Dieu, se respecter mutuellement et harmoniser leur
vivre-ensemble.
Dr al Ajamî
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[1] À savoir : les conditions de la mort de Jésus, sa résurrection, son Ascension vers Dieu
corps et esprit, la Rédemption des péchés par le sacrifice de Jésus et la Pentecôte, c’est-
à-dire la redescente de l’Esprit de Dieu sur les apôtres.
[3] S10.V68.
[4] S16.V51.
[5] S5.V72.
[6] S5.V73.
[7] S5.V116.
[11] S10.V68 :
َقاُلوا اَّتَخ َذ اُهَّلل َو َلًد ا ُس ْبَح اَنُه ُه َو اْلَغ ِنُّي َلُه َم ا ِفي الَّس َم اَو اِت َوَم ا ِفي اَأْلْر ِض ِإْن ِع ْنَد ُك ْم ِم ْن ُس ْلَط اٍن ِبَه َذ ا َأَتُقوُلوَن َع َلى اِهَّلل َم ا اَل
َتْع َلُموَن
[13] L’on pourrait néanmoins objecter qu’en S2.V116 il est employé la même formulation :
« Ils disent : Dieu s’est adjoint progéniture » alors qu’au v113 de ce passage il est
clairement traité des chrétiens dans leur ensemble. Certes, mais il faut observer qu’aux
vs113 et 118 il est aussi fait mention de « ceux qui point ne savent », lesquels sont les
locuteurs au v116. Or, cette expression qualifie des gens qui ne sont ni juifs ni chrétiens,
mais sont des incultes du point de vue de ces derniers, donc des Gentils, c’est-à-dire les
polythéistes arabes, tout comme en notre v68.
[15] S16.V53-54 :
َوَم ا ِبُك ْم ِم ْن ِنْع َم ٍة َفِم َن اِهَّلل ُثَّم ِإَذ ا َمَّس ُك ُم الُّض ُّر َفِإَلْيِه َتْج َأُر وَن (ُ )53ثَّم ِإَذ ا َكَش َف الُّض َّر َع ْنُك ْم ِإَذ ا َفِر يٌق ِم ْنُك ْم ِبَر ِّبِه ْم ُيْش ِر ُك وَن
[16] C’est à partir du mot ilâh/déité, divinité que l’on obtient le verbe alaha : accorder
protection à. En effet, chaque clan arabe hébergeait une divinité à qui elle vouait un culte
en échange de sa protection. De là, le verbe alaha signifia adorer, c’est-à-dire rendre un
culte à une divinité et désignait les pratiques coutumières envers une divinité, lesquelles
instauraient un rapport de mutuelle assistance : l’adorateur servait la divinité qui en retour
avait une dette à son égard et le rétribuait.
[17] S5.V72 :
َلَقْد َكَفَر اَّلِذ يَن َقاُلوا ِإَّن اَهَّلل ُه َو اْلَمِس يُح اْبُن َمْر َيَم َو َقاَل اْلَمِس يُح َيا َبِني ِإْس َر اِئيَل اْع ُبُد وا اَهَّلل َر ِّبي َوَر َّبُك ْم ِإَّنُه َم ْن ُيْش ِر ْك ِباِهَّلل َفَقْد َح َّر َم
َأ ْأ
اُهَّلل َع َلْيِه اْلَج َّنَة َوَم َواُه الَّناُر َوَم ا ِللَّظ اِلِم يَن ِم ْن ْنَص اٍر
[19] S5.V69 :
ِإَّن اَّلِذ يَن َآَم ُنوا َو اَّلِذ يَن َه اُد وا َو الَّص اِبُئوَن َو الَّنَص اَر ى َم ْن َآَم َن ِباِهَّلل َو اْلَيْو ِم اَآْلِخ ِر َوَع ِم َل َص اِلًح ا َفاَل َخ ْو ٌف َع َلْيِه ْم َو اَل ُه ْم َيْح َز ُنوَن
[21] S5.V73 :
َلَقْد َكَفَر اَّلِذ يَن َقاُلوا ِإَّن اَهَّلل َثاِلُث َثاَل َثٍة َوَم ا ِم ْن ِإَلٍه ِإاَّل ِإَلٌه َو اِح ٌد َو ِإْن َلْم َيْنَتُهوا َع َّم ا َيُقوُلوَن َلَيَمَّس َّن اَّلِذ يَن َكَفُر وا ِم ْنُه ْم َع َذ اٌب َأِليٌم
[22] S5.V116 :
َو ِإْذ َقاَل اُهَّلل َيا ِع يَس ى اْبَن َمْر َيَم َأَأْنَت ُقْلَت ِللَّناِس اَّتِخ ُذ وِني َو ُأِّم َي ِإَلَهْيِن ِم ْن ُد وِن اِهَّلل َقاَل ُس ْبَح اَنَك َم ا َيُك وُن ِلي َأْن َأُقوَل َم ا َلْيَس ِلي
ْل َك َك َأ َأ َل َل ُك ُقْل
ِبَح ٍّق ِإْن ْنُت ُتُه َفَقْد َع ِلْم َتُه َتْع ُم َم ا ِفي َنْف ِس ي َو اَل ْع ُم َم ا ِفي َنْف ِس ِإَّن ْنَت َع اَّل ُم ا ُغ ُيوِب
[23] Secte marianiste du IVe siècle originaire de Thrace, toujours présente en Arabie au
VIIe siècle.
»َ أَفَر َأْيُتُم الاَّل َت َو اْلُع َّز ى (َ )19وَم َناَة الَّثاِلَثَة اُأْلْخ َر ى « [25] S53.V19-20 :
» …َأَّنى َيُك وُن َلُه َو َلٌد َو َلْم َتُك ْن َلُه َص اِح َبٌة َو َخ َلَق ُكَّل َش ْي ء … «[27] S6.V101 :
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