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262. LBS SITUATIONS D’ANGOISSE DE LIENPANT ET LEUR RERLET doux fois sa jeune sccur venue habiter chez elle, et ensuite, le portrait dune vieille ferame et celui desamiére, Voici comment Katin Michae- [235] lis décrit ces deux derniers tableaux : «Et maintenant, Ruth ne peut plus s'arréter. Le tableau suivant représente une vieille femme qui porte la marque des années et des déceptions. Sa peau est ridée, ‘ses cheveux sont blancs, ses yeux doux et fatigués sont troubles. Elle regarde devant elle avec la résignation désespérée du grand age, et ses yeux semblent dire : « Ne vous inquiétez plus pour moi. Mon temps est si pres de sa fin !» « Ce n’est pas Pimpression que nous donne la derniére ceuvre de Ruth, le portrait de sa mére, une Irlandaise du Canada. Cette dame fa de longues années & vivre avant de devoir boire & la coupe du renonceraent. Mince, impérieuse, son attitude est celle du défi; elle est debout, un ehille couleur de lune drapé sur les épaules : elle a la force et la splendeur d’une femme des temps anciens qui pouvait & tout moment, les mains nues, engager le combat contre les enfants, ‘du désert, Quel menton ! Quelle puissance dans le regard hautain ! « Lrespace vide avait été rempli. » Le désir de réparer, de transformer en bien le préjudice psycho- logique causé 2 Ia mére, et celui de se reconstituer, sous-tendaient manifestement le besoin contraignant de peindre ces tableaux. Le portrait de la vieille femme au seuil de la mort semble étse Pexpres- sion du désit primaire, sadique, de détruire. Le désic d’écraser sa mite, de Ia voir vieillie, usée, brisée, fonde le besoin de la représenter ‘en pleine possession de sa force et de sa beauté. La fille peut alléger son angoisse, tenter de reconstituer sa mere et de la réparer grace ‘au portrait. Dans les analyses d’enfants, quand Vexpression de tendances réactionnelles succéde B la représentation des désirs des- tructeurs, nous voyons toujours utiliser le dessin et la peinture comme moyens de reconstitution. Le cas de Ruth Kjar montre quel’angoisse fondamentale de la petite fille est d'une importance décisive dans le développement du moi chez les femmes, et qu’elle est un des stimulants qui favorise 'épanouissement ‘de leur personnalité, Mais, d’autre part, cette angoisse peut étre la cause de maladies graves et de nombreuses inibitions. Comme dans la peur de cas- tration cher le petit garcon, effet de Pangoisse sur le développe- ment du moi dépend du maintien d’un certain optimum et d'une interférence satisfaisante entre les divers facteurs. XI LIMPORTANCE DE LA FORMATION DU SYMBOLE DANS LE DEVELOPPEMENT DU MOI 1930 La thise présentée dans cet article se fonde sur Vdée qu'il existe un stade précoce du développement psychique ob le sadisme agit sur toutes les sources du plaisir libidinal (z). Si je me rapporte & mon espérience, Je sadisme atteint son point cukninant au cours de la phase qui débute avec le désir sadique-oral de dévorer le sein de la méxe (ou Ia mere elle-méme) et qui s'achtve a Pavénement du premier stade anal. Pendant cette période, le but principal du sujet est de s'approprier les contenus du corps de la mére et de détruire celle-ci avec toutes les armes dont le stdisme dispose, Cette phase constitue en méme temps une introduction au conflit aedi- pion. Les tendances génitales commencert alors & exercer leur ction, mais elles ne sont pas encore évidentes, cat les tendances prégénitales Vemportent. Ma thése tout entiére s'appuie sur le fait que Te confit adipien debuts & une période oi le sadisme prédomine. A V'intérienr dn corps de la mire, Venfant s'attend & trouver : (0) Ie pénis du pre, (b) des excréments, et (c) des enfants, tous oes Adments étant assimilés & des substances comestibles. Sclon les plus anciens fantasmes (ou « théories sexuelles ») de enfant eoncer- nant le coit des parcnts, le pénis du pre (ou son corps tout entier) st incorporé par Ia méze au cours de Vacte sexuel. Les attaques sadiques de Penfant ont ainsi pour objet le pére autant que la mére ; ddans ses fantasmes, it mord ses parents, les d&chiro, les broie ou Jes découpe en morceaux. Ces attaques éveillent son angoisse car ilLetaint la punition de ses parents alliés contre lui ; cette angoisse, intérioriaée & Ja suite de Vintrojection sadique-orale des objets, vise donc déja-le surmoi précoce. J'ai constaté que ces situations d’an- 0) Ct; mon article sur « Les Stades précoces du Cenflit GEdipien », [236] 2361 [es7) 264 IMPORTANCE DE LA FORMATION DU SYMBOLE geoisse des premitres phases du développement peychique sont Jes ‘plus profondes et les plus accablantes. Mon expérience m’a appris aque les attaques fantasmatiques contre le corps de Ia mére attribuent un réle considérable au sadisme uréthral et anal qui s'ajoute trés tt au sailisme oral et musculaire. Les exeréments sont transformés dans Jes fantasmes en armes dangereuses : uriner équivaut & découper, poignarder, briler, noyer, tandis que les matiéres fécales sont assi- milées & des armes et a des projectiles. A une période ultérieure de Ia phase décrite ci-dessus, ces aptessions violentes sont remplacées par des attaques secrétes oit le sadisme déploie ses méthodes les plus raffinées, et les excréments sont assimilés & des substances em- poisonnées. : Liexets de sadisme fait naitre Pangotsse et met en action les pre~ miers moyens de défense du moi. Freud écrit (1) : « I est possible ‘que, avant que le moi et le ga né se soient nettement différenciés ‘et avant que le surmoi ne se soit développé, l'appareil psychique utilise des moyens de défense différents de ceux qu’il emploie aprés avoir atteint ces niveaux organisation. » D’aprés ce que l'analyse m’a permis de constater, la promiére défense établie par le moi se référe & deux sources de danger : le sadisme du sujet Iui-méme, et Pobjet attaqué. Cette défense, en accord avec le niveau du sadisme, est de nature violente et différe fondamentalement du mécanisme ultéricur du refoulement. Par rapport au sedisme du sujet lui-méme, cette défense implique expulsion, alors qu'elle implique la destrue- tion par rapport & Pobjet. Le sadisme devicnt une source de danger parce quill permet une libération de I'angoisse, mais aussi parce que ie sujet se sent attaqué lui-méme par Jes armes dont il s'est servi pour détruire l'objet, Celui-ci devient wie source de danger parce (que le sujet craint de sa part des attaques semblables en représailles, selon Ie talion. C'est ainsi que le moi, encore insuffisamment déve- loppé, doit faire face a une tAche qui, 2 ce stade, est tout & fait au- dessus de ses forces — la tache de dominer Pangoisee fa plus intense soit. ‘Ferenczi soutient que Pidentification, précurseur du symbolisine, prend son origine dans les efforts du petit enfant pour redécouvrir dans chaque objet ses propres organes et leur fonctions. Pour Jones, le principe de plaisir rend possible Péquation de deux choses tout a fait différentes, envertu d'une similitude donnée par le plaisir ou Vintérét. Il y a quelques années, danstm article fondé sur ces notions, je parvenais a la conclusion suivante : le symbolisme constitue. lt base de toute sublimation et de tout talent, puisque c'estau moyen de assimilation symbolique que les choses, les activités et les intéréts deviennent les thémes des fantasmes libidinaux. (0) Inhiiton Somoidme et Anaoise, Paris, P-ULF., 1965. { DANS LE DEVELOPPEMENT DU MOI 265 Je puis enrichir a présent ce que j’si dit alors (1) en affirmant qu’a coté de Pintését libidinal, cest Pangoisse née pendant la phase décrite plus haut qui met en marche le mécanisme de lidentification. Comme enfant soubaite détruire les orgaces (pénis, vagin, sein) qui représentent les objets, il se met & eraindre ccux-ci. Cette an goisse le pousse & assimiler ces organes a autres choses ; & cause dune telle Equivalence ces choses deviennent & leur tour objets dangoisse, et Venfant est ainsi contraint a établir sans cesse des Equations nouvelles qui constituent Ie fondement de son intérét pour les objets nouveaux et du symbolisme ui-méme, + Le symbolise n'est done pas seulement Is base de tout fantasme et de toute sublimation ; c'est sur lui que «édifie la relation du sujet au monde extérieur et & la réalité en général. J'ai indiqué que Je sadisme & son point culminant et la tendance épistémophilique apparue en méme temps que lui ont pour objet Ie corps de la mére €t ses contenus imaginaites. Les fantasmes sadiques qui concernent Fintérieur du corps maternel constituent la relation premiére et fondamentale avec le monde extérieur et Ia ralité, Dans la mesure ot le sujet traverse cette phase avec succts, il sera capable d’acquérir plus tard image d’un monde extérieur corrspondant & la réalité, ‘Nous voyons donc que la réalité premiére d’unenfantestentigrement fantasmatique ; il est entouré objets d’angoisse et & cet gard, les exeréments, les organes, les objets, les choses animées et inanimeées sont pour commencer équivaleuts les uns aux autres. A mesure que le moi se développe, une relation authentique & la réalité s'établit progressivement & partir de cette réalité irréelle, Le développement du moi et la relation la réalité dépendent donc de aptitude du moi, pendant une époque tres précoce, & supporter le poids des premitres situations d’angoisse. De plus, et comme & Paccoutumée, un certain, équilibre optimum est nécessaire entre les divers facteurs. Hl faut ‘une quantité suffisante d'angoisse pour fournie une base & une abondante formation de symboles et de fastasmes ; unc bonne aptitude du moi & supporter Pangoisse est indispensable pour que celle-ci soit élaborée d'une maniére satisfaisante, pour que cette phase fondamentale ait une issue favorable et pour que le moi ait un développement normal, Ces conclusions sont issues de mon expérience analytique géné- tale, mais elles sont confirmées d’unc maniéxe trés frappante par le a5 d'un enfant présentant une inhibition exceptionnelle du déve- Joppement du moi, Ce'cas, dont je présenterai maintenant certains détails est celui ‘lun petit gargon de quatre ans qui, en ce qui concerne la pauvreté (0) # L*Analyse des jounes Enfants», bas7) 266 LLIMPORTANCE DE LA FORMATION DU SYMBOLE du vocabulaire et des acquisitions intellectuelles, était au niveau d'un enfant de quinze & dix-huit mois. Son adaptation 3 Ia réalité ‘et ses rapports affectifs avec son entourage étaient presque inexis- tants. Cet enfant, qui s'appelait Dick, presque totalement dépourvu affect, était indifférent a la présence ou A Vabsence de sa mere ou de sa nurse. Depuis sa plus tendre enfance, il n’avait que rarement manifesté de Pangoisse, et cela dans une mesure anormalement faible. A Vexception d'un intérét particulier auquel je reviendrat plus loin, il ne sintéressait & rion, ne jouait pas et n’avait aucun con- tact avec les personnes de son entourage. La plupart du temps, il se contentait démettre des sons dépourvus de signification et des bruits qu'il répétait sans cesse. Quand il parlait, il utilisait en général son maigre vocabulaire d'une manitre incorrecte. Il n'était pas seulement incapable de se faire comprendre : il n’en avait pas le désir. Bien plus, sa mére percevait parfois chez lui une attitude parfaitement négative s'exprimant dans le fait que souvent, il faisait juste le contraire de ce qu’on attendait de lui. Si elle réussis- sait par exemple & lui faire répéter certains mots, il les prononcait souvent en les déformant complétement, bien qu’a d'autres moments il fot capable de les prononcer & la perfection. D’autres fois, il disait ces mots correctement, mais continusit alors & les répéter sans cesse, d'une manigre mécanique qui finissait par lasser et exaspérer tout Te monde. Dans un cas comme dans d'autre, ce comportement différe de celui d'un enfant névrosé. Lorsque celui-ci exprime son opposition sous forme de révolte et lorsqu'il obit (méme s'il mani- feste alors un excds dangoisse), il le fait avee nne certaine compré- hension et en se référant, fét-ce dans une faible mesure, 4 une personne ou 2 un objet particulier. Mais opposition et Pobéissance de Dick manguaient & la fois d'affect et decompréhension, Deméme, quand i se faisait mal, il montrait une grande insensibilité & la douleur et n'éprouvait pas du tout le désir, pourtant universel chez les petits enfants, de se faire consoler et cajoler. Sa maladresse physique était elle aussi remarquable. Il ne savait pas tenir un couteau ou des ciseaux, mais, il faut le noter, il se servait tout 3 fait normalement de Ia cuiller avec laquelle il mangeait. ‘Liimpression que sa premitre visite me Inissa était celle-ci sa conduite était absolument différente de celle que nous observons chez les enfants névrosés. Il evait laissé partir sa nurse sans mani- fester In moindre émotion et m’avait suivi dans Ta pitce avec une indifférence totale. II se mit ensuite A courir gf et 18, sans but et sans intention véritable ; il me contourna plusieurs fois comrne si favais été un meuble et ne montra aucun intérét pour les objets qui se trouvaient dans la pidce. Ses mouvements, alors qu’il courait ainsi. semblaient dénourvus de coordination. L’expression de ses DANS LE DIVELOPPEMENT DU MOT 267 yeux et de sa figure était fixe, lointaine et indifférente. Comparons une fois de plus cette attitude & celle d’enfants atteints de névrose grave, Je me rappelle descnfants quiawcours de leur premitrevisite, sans avoir de véritable crise d’angoisee, se retiraicnt dans un coin, timides et gauches, ou restaient assis, immobiles, devant la petite table couverte de jouets, ou prenaient un objet aprés autre pour le reposer aussit6t sans jouer avec. Une grande angoisse latente ect évidente dans tous ces comportements. Le coin de la pitce ou la petite table sont des refuges ob les enfants me fuient, Mais le ‘comportement de Dick était sans objet et sans signification, et aucun affect, aucune angoisse ne s'y associaient. Voici quelques détails sur son histoire antérieure. Nourrisson, il avait traversé une période particulitrement peu satisfaisante et troublée : sx mére avait essayé en vain, pendant plusieurs semaines, de le nourrir au sein, ct il avait éé prés de mourir de faim, On eut alors recours & l'alimentation artificielle. Finalement, on lui trouva uune nourrice — if avait sept semaines & ce moment-la — mais il ne s’en porta pas bien mieux. Il soufirit de troubles digestif, d'un prolapsus anal, et plus tard, d’hémorroides. Bien qu’il fat parfai- tement bien soigné, il ne recut jamais de véritables témoignages amour, car ds sa naissance, sa mére cut son égard une attitude empreinte d’une angoisse extréme (1) ; il est possible que son déve~ foppement ev ait été affecté. De plus, ni son pire ni sa nurse ne luimanifestant beaucoupd’af- fection, Dick avait grandi dans un milieu assez pauvre en amour. Quand il eut deux ans, ileut une nouvelle nurse, adroite et affec~ ‘tueuse, et un peu plus tard, il fit un long séjour chez sa grand-mére, qui était trés tendre avec tui. Ces changements eurent une action notable sur son développement. Tl avait appris A marcher & T'ige normal, mais des difficultés surgirent au moment de Papprentissage ‘du contrdle sphinctérien. Sour Vinfluence de In nouvelle murse, il acquit beaucoup plus facilement des habitudes de propreté. Cela fut fait & Page de trois ans ; il témoigna méme & cette occasion d’un certain degré d'ambition et de compréhension. A quatre ans, il eut une nouvelle occasion de se montrer sensible aux reproches. Sa nurse avait découvert qu'il se masturbait et lui avait dit que était © vilain » et qu'il ne fallait pas le faire. Cette interdiction fit ‘manifestement naftre en lui quelques craintes et un sentiment de culpabilité. Pendant sa quatritme année pourtant, Dick fit en général de grands efforts d’adaptation, surtout dans sa relation au monde extérieur, et particuligrement dans ’spprentiseage machinal [e4o] 2) Up peu avant qui eat un an, Penfant Ii part anormal; un tl sentiment beat vot isu om atta Fegan de son far -mormatz one bere 268 LIIMPORTANCE DE LA FORMATION DU SYMBOLE un grand nombre de mots nouveaux. Dés son age le plus tendre, Valimentation de cet enfant avait été un probleme extrémement difficile. Quand if fut confié & une nourrice, il ne montra aucun désir de téter, et cette répugnance persista, Ensuite, il refusa de prendre le biberon. Quand vint pour tui le moment de prendre de Ia nourriture plus solide, il refusa de la micher et rejeta obstiné- ment tout ce qui n’avait pas la consistance de la bouillie ; meme ce qu'il ne rejetait pas, il fallait presque le forcer & le manger, Griice Ala nouvelle nurse, Pattitude de Dick devant la nourriture s’améliora un peu, mais malgré cette amélioration, les difficultés principales persistérent (1). Bien que Ja gentillesse de la nurse eit modifié [2q1] certains aspects de son développement, les problémes fondamentaux sestaient intacts. Avec elle comme avec tout le monde, Dick n’avait ‘pas réussi A établir un contactaffectif, Ni la tendresse desa nurse ni celle de sa grand-méte n’étaient parvenues & établir la relation objet manquante. : L’analyse de Dick me permit de constater que Y'exceptionnelte inhibition de son développement avait pour origine la faillite des ‘toutes premiéres étapes de sa vie, que jai évoquée au début de cet article. Le moi de Dick présentait une incapacité totale et apparem- ment constitutionnelle & supporter Vangoisse. Le génital avait commencé tr&s tdt & jouer son réle ; il s'ensuivit une identifi- cation prématurée et exagérée avec Vobjet attaqué, et une défense également. prématurée contre le sadisine. Le moi avait cessé d’la~ borer une vie fantasmatique et de tenter d’établir quelque relation ala réalité. Aprés un faible début, la formation symbolique s'était, artétée, Les tentatives de la petite enfance survivaient dans un intérét unique qui, isolé et coupé de la réalité, ne put servir de base & autres sublimations. L’enfant restait indifférent devant la plupart des objets et des jouets qui Ventouraient ; il ne saisissait méme pas leur sens ou leur fonction, Mais il sintéresaait aux trains et aux stations, ainsi qu’aux poignées des portes, aux portes et & ouverture comme a la fermeture de celles-ci, ‘Liintérét de Dick pour ces objets et ces actions avait une source ‘commune : il concernait en réalité la pénétration du pénis dans le ‘corps de Ia mere. Les portes et les serrures représentaient les entrées ct les sorties da corps maternel, tandis que les poignées des portes signifiaient le pénis de son pre et le sien propre. C'est done la peur de ce qu'il aurait & subir (surtout de Ia part du pénis de son pére) aprés avoir pénétré danse corps desa méte, quiavaitarrété a forma- tion symbolique. En outre, ses défenses contre ses proptes ten~ 2) Pajouteral que dana Vanalyse de Dick, c'est ceympttme qui Fee) Ga Sata aus dan Penalyee de Dich, ext ceoymptdme qui jue DANS LE DEVELOPPEMENT DU Mot 269 dances destructrices apparurent comme lobstacle majeur de son développement. Il était absolument incapable d’un acte d’agression, et Ia base de cette incapacité s'était clairement manifestée, au cours de sa petite enfance, dans son refus de micher la nourriture. A ‘quatre ang, il ne savait pas tenir un couteau, des ciseaux ou quelque autre outil, et il était extrémement maladroit dans tous ses mouve- ments, La défense devant les tendances sadiques dirigées contre le corps maternel et ses contenus — tendances liées aux fantasmes de coit — avait abouti a la suspension de Pactivité fantasmatique et 2 Yarrét de la formation symbolique. Le développement ultérieur de Dick avait mal tourné parce que l'enfant n’avait pu exprimer dans des fantasmes sa relation sadique au corps maternel, La difficulté particuliére que jfeus & surmonter dans cette analyse ne tenait pas a l'incapacité de Dick & parler couramment. La techni- que du jeu, qui suit les représentations symboliques de Penfant et ouvre Paccés de son angoisse et de son sentiment de cculpabilité, ‘nous permet de nous passer, dans une large mesure, des associations verbales. Mais cette technique ne se limite pas & Vanalyse du jeu d'un enfant. Nous pouvons titer notre matériel (comme noussommes obligés de le faire dans le cas des enfants aticints d’une inhibition 4 Végard du jeu) du symbolisme mis & jour par certains détails de la conduite générale (1). Or, chez Dick, ce symbolisme ne s*était pas développé ; cela était da en partie & l'absence de toute relation affective aux choses qui Ventouraient, et qui le laissaicnt presque totalement indifférent. Il n’avait pratiquement aucune relation Particuligre avec tel ou tel objet, alors que nous en trouvons méme ‘chez les enfants qui souffrent d’inbibitions graves. Comme il n’avait pas de relation affective ou symbolique avec les choses, il ne leur conférait, méme s’il lui arrivait de s'en servir, aucune coloration fantasmatique ; il était donc impossible de les considérer comme ayant le caractére d’une représentation symbolique, L’indifférence ott Ie laissait son entourage et a difficulté d’entrer en contact avec sa pensée n’étaient que l’effet de son manque de. relation symbolique avec les choses, comme me le prouvaient certains traits de sa ‘conduite, qui le distinguaient des autres enfants. L’analyse eut donc, ‘ds le début, a franchir cet obstacle fondamental pour établir un ‘contact avec l'enfant. La premitre fois que Dick vint chez moi, je Pai déja dit, il ne manifesta aucune émotion lorsque sa nurse mé le confia, Quand je lui 'inontrai les joucts que j’avais préparés, il les regarda sans le (4) Cedi pe s'apptique qua ta phase prélininaire et & certaias moments tres Seid ete at one cme or ay ae Tone ‘eprientationcommentent ae anifetery Te moi sedevsloppe ot sine te) aloe a tava sabes ae vores 8 faq2] fe) [243] 270 LIIMPORTANCE DE LA FORMATION DU SYMBOL moindre intérét. Je pris un grand train que je placai a cdté d'un train plus petit et je les désignat sous Te nom de « train papa » et de «train Dick». IJ prit Ii-dessus Ie train que jfavais appelé « Dick », le fit rouler jusqu’a la fenétre et dit « Gare ». Je lui expliquai que «la gare, c'est maman ; Dick entre dans maman ». Il Hicha le train, courut se mettre entre Ia porte intérieure et la porte extérieure de la pitce, sfenferma en disant ¢ noir » et ressortit aussitét en courant. ‘Trépéta plusieurs fois cemanége. Je lui expliquai qu’ cil fait noir dans maman ; Dick est dans le noir de maman ». Entre temps, il avait repris le train, mais trés vite, il courut de nouveau se mettre entre Tes deux portes. Pendant que je lui disais qu'il entrait dans le noir de maman, il répéta deux fois, le ton interrogateur : « nurse ? » Je Iui répondis : « Nurse va bientot venie. » Il répéta cette phrase et la retint ; plus tard il utilisa ces mots de nouveau, les pronongant tout A fait correctement. La deuxiéme fois qu'il vint, il se conduisit de la méme manitre, mais cette fois, il sortit de la pice en courant et passa dans P'antichambre, qui était fort sombre. Il y transporta le train « Dick » et voulut absolument I'y laisser. Il répétait sans cesse «Nurse va venir ?» Pendant la troisiéme séance, il se comporta de la méme maniére, mais non content de courir se mettre dans T'anti- chambrect entre les deux portes, il se mit aussi derritre la commode, LA, il eut um aceés d’angoisse, et pour la premiére fois, il m'appela auprés de lui. Sa crainte apparaissait maintenant & Pévidence dans sa maniére de demander sans cesse sa nurse ; lorsque la séance fut, terminée, il Paccueillit avec un plaisir inaccoutumé. En méme temps que Fangoisse, un sentiment de dépendance était done apparu, abord & mon égard, puis a I’égard de la nurse ; au méme moment, il commenga de s'intéresser ces mots apaisants, «Nurse va venir bient6t»y, que contrairement & son habitude, ilavait répétés et retenus, Pendant cette troisiéme séance, il avait aussi, pour la premiere fois, regardé les jouets avec un intérét oit transparaissait une tendance agressive. Il montra du doigt une petite voiture chargée de charbon et dit « couper ». Je lui donnai une paire de ciseaux ; il essaya de ¢gratter les petits morceaux de bois peints en noir qui représentaient Techarbon, mais il ne savait pas tenir les ciseaux. Sur un coup d’ceil qu'il me langa,_j’arrachai les bouts de bois fixés & Ia voiture ; 1a- dessus, il jeta la voiture abimée et son contenu dans le tiroir, et dit « parti ». Ceci signifiait, lui dis-je, que Dick enlevait les feces de Tintérieur de sa maman. Tl courut ‘alors se mettre entre les deux et gratta un moment celles-ci avec ses ongles, montrant ainsi qu'il identifiait ce petit vestibule & la voiture et aut corps maternel qu'il attaquait, Trés vite, il revint en courant de sa cachette, trouva le placard et s'y glissa. Au début de la s¢ance suivante, il se mit 2 pleurer, chose insolite, lorsque sa nurse le quitta, mais il se DANS Le DEVELOFFEMENT DU Mor 27 calma bientot. Cette fois, il évita Pespace compris entre les d ports, le placard et le coin, pour s'intétessor aux jouets et les exas iner de plus prés avec unc curiosité naissante. Alors quril les regar- dait ainsi, il tomba sur la voiturette abimée pendant la séance préod dente et sur son contenu, Iles écarta rapidesnent et les recouvritavec autres jouets. Quand j'eus expliqué que la voiture endommagée représentait ca mére, ill la retrouva, ramassa également les petits bouts decharbon, etemporta tout cela entreles deux portes. Lorsque son analyse ent progressé, il apparut qu’en jetant ainsi ccs objets hors de la piéce,il exprimait "expulsion, et del'objet endommagé, et de son propre sadisme (ou des moyens utilisés par celui-ei) qui se trouvait ainsi projeté dans le monde extérieur. Dick découvrit aussi que le lavabo syrabolisait le corps materne, etl manifesta une peur extraordinaire de se mouiller avec de Peau. Plein dangoisee, il essuya sa main et la micnne qu'il avait également mise dans ean j aussitdt aprés il montra lx méme angoisse en urinant. Urine et feces représentaient pour Ini des substances nocives et dangereuses (1). I apparut a ’évidence que dans les fantasmes de Dick, les féces, urine et le pénis représcntaient des objets dont il se servait pour attaquer le corps materuel, et qui étaient done, pour lui aussi, une source de danger. Ces fantasmes rendaient compte, pour une part, de la peur que lui inspiraient les contenus du corps maternel, et on particulier le pénis paternel qu’l imaginait & Pintérieur du ventee de sa mire, Nous en vinmes & obsetver en pleine lumiére ce pénis fantasmatique ot ledésir Pagression croissant qu'il faisait nattze sous de multiples tormes, celui de le manger et de le détruire dominant Jes autres, Une fois, par exemple, Dick porta une petite poupée & sa bouche et dit en gringant des dents « Thé papa », voulant dire « Manger papa » (2). II demanda ensuite a boire un peu deau. Lintrojection du pénis paternel évcillait, apparut-il, une double crainte : celle du pénis comme dun surmoi primiti€ et malfaisant, et celle de la mére le punissant de Pavoir dépouillée. Il avait peur, autrement dit, de objet externe comme de Pobjet intériorisé. A o& ‘moment-l8, je pus clairement obsetver un fait quej’ai déja mentionné (0) Crest aysst explication dune erainte solevee Ioeegul avait cing mis env Bent echoes once wel pits ach me ta i a il mat wine aT it as Sak Brel mance mae aa ce ne gen peyton tae at A eee Tons to Ge ang sie el ie ppintenant presaue. anal 4 ovat «Bary cng aes ition de fa lettre T, on [ea] fal (eas) a7 L'IMPORTANCE DE LA FORMATION DU SYMBOLE ct qui était un facteur déterminant du développement de cet enfant: Ia phase génitale, chez lui, était entrée trop tot en activité, Ceci se ‘manifestait dans le fait que les représentations comme celles dont je viens de parler étaient suivies non d'angoisse seulement, mais de remords, de pitié et du sentiment quil fallaitrestituer ce qu'il avait ‘décobé. It plagait ainsi la petite poupée sur mes genoux ou dans ma main, remettait tous les jouets dans le tiroir, et ainsi de suite. La ‘mise en marche précoce des réactions nées au niveau génital pro- venait d’un développement prématuré du moi, mais ne faisait que freiner son développement ultérieur, L’identification précoce avec Pobjet ne pouvait pas encore étre mise en rapport avec la réalité. Par exemple, une fois of Dick vit sur mes genoux les copeaux d'un ‘crayon que javais taill il dit «Pauvre Madame Klein ». Mais dans ‘une occasion semblable, il avait dit de la méme manitre « Pauvre rideau ». A e6té de son incapacité & supporter Pangoisse, cette ‘empathie prématurée avait été le facteur décisif de son rejet de toute tendance destructrice, Dick se retrancha de la réalité et mit sa vie fantasmatique & Varrét en se réfugiant dans le fantasme du corps maternel vide et noir. Il avait réussi de cette maniére & retirer son attention des divers objets du monde extérieur qui représen- taient les contenus du corps maternel — le pénis du pére, les foes, Tes enfants, Il devait se débarrasser de son propre pénis, organe de son sadisme, et de ses propres exeréments (ou il devait les nier) parce qu’ils étaient dangereux et agressifs. Ime fut possible, dans Panalyse de Dick, d'accéder & son incons- cienten établissantun contact avec les rudiments de vie fantasmatique cet de formation symbolique dont il faisait preuve. Il s’ensuivit une réduction de son angoisse fatente, de telle sorte qu'une certaine quantité @angoisse put devenir manifeste. Cela voulsit dite que VAaboration de cette angoisse commengait & travers l’établissement dune relation symbolique aux choses et aux objets, et cette relation permettait alors ees tendances épistémophiliques et agressives @entrer en action. Chaque progrés de Vanalyse était suivi par la Ibération de nouvelles quantités d’angoisse et poussait Venfant & s'éloigner,dans une certaine mesure, des choses avec lesquelles il avait déja établi une relation affective et qui étaient donc devenues des objets d’angoisse. A mesure qu'il s’en éloignait, il se tournait vers de nouveaux objets, et ses tendances agressives et épistémophiliques Srorientaient & leur tour vers ces nouvelles relations affectives. Crest ainsi, par exemple, que Dick evita complétement le placard pendant quelque temps, mais examina soigneusement le lavabo et le radiateur électrique qu'll étudia dans leurs moindres détails, ‘manifestant i nouveau, devant ces objets, ses tendances destructrices. Tireporta ensuite son intérét sur des choses nouvelles, ousur d'autres DANS LE DEVELOPPEMENT DY Mor 273 : ‘qui lui étaient deja familizres et qu'il avait abandonnées auparavant. I stoceupa de nouveau du placard, mais son intérét s'accompagnait cette fois d'une activité et d'une curiosité bien plus grandes, et de plus fortes tendances agressives de toute sorte. Il frappait le placard avec une cuiller, le grattait et y fcisait des entailles avec un couteau, Vaspergeait d'eau, Il examinait avec entrain les gonds de Ja porte, la maniéze dont celle-ci s'ouvrait ¢t se fermait, la serruse, tc. il grimpait dans le placard et me demandait comment s'appe. i Jaient les diverses pidces qui te constituaient. Par conséquent, & mesure que ses intéréts se développaient, son vocabulaire s'enti= chissait, car il commengait alors a s'intéresser non seulement aux choses elles-mémes, mais aussi &leur nom. Ilse rappelait maintenant ¢t utilisait correctement les mots_qu’il avai: dg entendus aupa- avant et auxquels il n’avait pas fait attention, L/aceroissement de ses intéréts et I'établissement avec moi d’un transfert de plus en plus fort allaient de pair avec apparition de la relation d’objet, jusque-la absente, Pendant ces quelques mois, son attitude & Végard de sa mére et de sa nurse était devenue affectueuse et normale, Il désirait maintenant leur présence, voulait qu’elles sfoccupassent de lui et s'inguiétait quand elles le quittaient, Sa. re= lation avee son pére trahissait, par des indications de plus en plus nombreuses, une attitude cedipienne normale ; il laissait également apparaitroune relation deplus en plussolide avec les objetsen général, Le désir de se faire comprendre, absent auparavant, se fit trds ine tense, Dick cherchait & s'expliquer a Paide de son vocabulaire encore pauvre, mais sans cesse croissant, ex quill sefforcait-Iuie méme d'enrichir. En outre, on pouvait voir a de nombreux indices qu'il commengait a établir une relation avec la réalité. ILy a six mois que son analyse est commencée ; le développe- ment de Penfant, qui pendant cette période a fait des progrés. sur tous les points fondamentaux, permet de faire un pronostic favou able. Beaucoup des problémes particuliers qui se sont posés dans ‘01 eas ont été résolus. Ila été possible d’entrer en contact avec lui en plutilisant que trés peu de mots, et d’éveiller angoisse chez cet enfant totalement dépourvu d'intéréts et Watfect ; ila été possible “ensuite de dénouer progressivement et de régulariser Pangoisse libérée. Je voudrais souligner ceci : dans le cas de Dick, j'ai modifié sna technique habituelle. En général, je n’interpréte pas le matériel |. avant qu'il n’ait été exprimé dans plusieurs représentations diffé~ +Tentes, Dans cc cas cependant, oit Paptitude & représenter ce matériel faisait presque entidrement défaut, je me trouvai forcée d’interpréter ‘en me fondant sur mes connaissances généraks, les représentations _ lant assez vagues dans e comportement de Dick. Aprés avoir aceédé de cette maniére & son inconscient, je parvino & faire nattre son an- [246] 274 —_-VIIMPORTANCE DE 1 FORMATION DU SYMBOLE goisse et dautres affects. Les représentations devinrent alors plus riches, Panalyse eut bient®t une assise plus solide, et je pus de cette -manidre passer progressivement 4 Ia technique que jrutilise en géné- ral lorsque j'analyse de jeunes enfants. : f ‘Yai deja expliqné comment je parvins & rendre Vangoisse mani- feste en atténuant sa forme latente. Quand elle se manifesta, je pus la ,| ‘9p suepd axgnuuaid y seade,p anb aup ap p1pBexa sed 360.0 1p “puepua ounal 5933 np 2/ ud puree ey nb onbipes quoworen 01 fqo,p Auejua] op vopeue are}? Wy 39HP Ua “osry o20 3 ane} IMoy R sgaNDE auOS suouruou snow onb 39 ‘usjuaz op uonssodsyp Bj y anbipes UoIs ~sardxa,p syuaumnsuy soxne s9j shor : ueams 9} 389 snisso003d 99 9p seynsgr 9p 30 neaud op saouanndxo, wwowsmead pune q! 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