You are on page 1of 32

____3______________

Urbanisme, gestion et gouvernance

Sebta : du projet de la cité linaire


à une gestion urbaine au politique

Nous avons vu dans le chapitre premier relatif à l’architecture comment le


patrimoine est instrumentalisé, politiquement, dans l’histoire et la mémoire pour faire valoir
une fausse identité sociale à l’échelle des enclaves de Sebta et Melïla. Ce chapitre, présente
les caractéristiques d’un urbanisme, d’une gestion urbaine et d’une gouvernance sociale et
territoriale qui se déroule dans un contexte de tensions entre pays, cultures, modèles
d’urbanisme et types de société. Lesquels évoluent dans une dualité absolue des
problématiques de l’urbain, des modalités de démocratie et de politique locale et
d’aménagement conçue dans une « fausse autonomie » urbaine au politique qui, loin d’être
rationnelle en termes de gestion et de gouvernance urbaines, assoie les bases d’une
affirmation socio-économique et politique d’un groupe social dominant sur tous les autres
groupes ethniques dominés qui constituent la société urbaine.

Ceci pose des problèmes de citoyenneté, de conception légitime d’aménagement,


d’accès au logement, de représentation sociétale, de types de logiques d’acteurs intervenants
et d’intégration dans les processus de démocratie locale. Comment se conçoivent alors les
projets d’aménagement des territoires urbains enclavés, sous occupation, comme Sebta ?
Quelles actions publiques pour l’aménagement, l’adaptation sociale et le nivèlement
territorial ? S’agit-il, de transformation, de redéfinition ou de ruptures socio-territoriales des
espaces urbains de vie ? Comment l’influence des acteurs et instances politiques configurent
et reconfigurent les enjeux de gouvernance territoriale sur le plan de la planification mais
aussi sur le plan socioculturel et sur la destinée des enclaves urbaines. Finalement, il est
question de pousser les analyses pour vérifier si la dualité en termes d’urbanisme, de gestion
urbaine et de gouvernance locale qui caractérise l’enclave de Sebta est d’origine politique
uniquement ou elle relève d’une problématique plus encrée dans le rapport des Ibériques aux
Marocains et donc relève d’une guerre sainte de croisade non déclarée mais pratiquée, d’un
choc civilisationnel et culturel ou tout simplement d’un colonialisme qui se fait valoir à
travers l’urbanisme, la gestion et la gouvernance urbaine ?

85
Nous allons essayer de répondre à ces questionnements à travers des sources
hispaniques et des statistiques officielles élaborées par l’administration espagnole. Quatre
entrées, à savoir la théorisation de l’approche urbanistique espagnole à Sebta, l’aménagement
de la ville nouvelle « Ensanche », la gestion financière municipale et le débat public frontalier
actuel sur la question de Sebta, vont nous permettre de dresser un bilan précis sur l’usage de
l’urbanisme, la durabilité ou non de la gestion urbaine et financière et le futur proche de cet
enclave.

1-La cité linéaire, un projet trop ambitieux pour une ville frontalière et une société duale

Le projet de la cité linéaire1 de Sebta-Tétouan est un essai de reproduction de


l’application du modèle de Soria à l’échelle d’un faubourg de Madrid en 1894 (Collins, 1959).
La ville devait être longue de 80 km et large de 450 m. Bordée de bandes boisées de 100 m de
large, son axe médian était occupé par une ligne de tramway, et une route de 40 m de large,
divisée en sept bandes, classant les circulations et coupée par des rues transversales. Le
tramway ferroviaire devant traverser le centre de l'itinéraire sans arrêts fixes, offrant la
possibilité d'étendre la ville le long d'un axe qui servait niveleur pour le prix du terrain et où
seule la proximité de la route pouvait faire varier les avantages. Le prix des lots ou des
parcelles diminuerait à mesure qu'ils s'éloignaient des voies. Par conséquent, sa proposition
était linéaire car, au sein d’elle, ces distances étaient limitées par la rue qui fermait le
périmètre. Le projet a été postulé comme la meilleure solution pour renforcer l'agriculture,
l'élevage et l'industrie. Le modèle de la ville linéaire de Soria est venu à point nommé pour

1 La cité linéaire est une expression créée en 1882 par l’Espagnol A. Soria y Mata, pour désigner un modèle
linéaire d’urbanisme progressiste, qu’il continue d’élaborer dans de nombreux articles puis, à partir de 1896,
dans la revue Ciudad linéal, et qui fit, ultérieurement, l’objet de multiples interprétations par le courant
progressiste, en particulier par les désurbanistes soviétiques et par le Corbusier. Philosophe, militant social,
spécialiste des transports, Soria critique à la fois la société inégalitaire et la ville (malaise, désordonnée, impropre
à la circulation) de son époque. Le modèle par lequel il propose de pallier ces défauts, après expropriation et
répartition équitable du sol, répond avant tout aux exigences de la circulation « La forme d’une ville est ou doit
être une forme dérivée des nécessités de la locomotion » et de l’hygiène « rôle de « pouvoir » joué par la
verdure » : il permet de « ruraliser la ville et d’urbaniser la campagne », selon une formule qui anticipe celle de
E.Howard (cité industrielle, 1898). Ainsi, la cité linéaire de Soria se présente comme « une rue indéfiniment
extensible » de 500 m de large, dont l’axe longitudinal regroupe les voies de transports (chemin de fer, tramway,
route), les réseaux de circulation d’eau, de gaz, d’électricité, de téléphone, les services municipaux de base, des
parcs et des pièces d’eau. De par et d’autre de cette épine dorsale, des îlots orthogonaux associent un habitat
individuel (maisons standardisées occupant seulement un cinquième de leur jardin, identiques pour toutes les
classes) aux édifices publics, commerciaux, industriels et aux espaces de loisirs. Le schéma de Soria est publié
en 1930 dans le livre d’El Lissitzsky, la Russie de 1930. Pour les désurbanistes soviétiques, ce modèle apparaît
comme l’instrument spatial théorique, susceptible de contribuer à promouvoir les objectifs sociaux, politiques et
industriels de la Révolution, et à transformer la société.

86
palier aux problèmes de Madrid, minutieusement, analysés par Soria, qui d’après lui, ni la
réforme interne ni l'expansion de la population ne sont des réponses adéquates. Sa nouvelle
proposition véhiculée dans divers articles du journal madrilène "El Progreso" (1882). Soria,
d'initiative privée, conçoit un modèle de ville pour toutes les classes sociales comme une
alternative à la ville traditionnelle qu'il parvient à mettre en pratique, dans un premier quartier,
près de Madrid. Pourtant, Soria réalisa seulement 5.2 km de son projet2 . La société espagnole
est une société partagée entre républicains progressistes et nationalistes Franquistes
conservateurs. De ce fait, il est très difficile d’opérer selon les principes de gauche et la
philosophie de Soria qui consistent en un aménagement pouvant accueillir toutes les classes
sociales. Ceci de façon à ce que les riches peuvent acquérir les grands lots donnant sur la rue
principale, les fortunes modestes pouvant être placées dans les rues transversales et les moins
favorisées dans les parcelles les plus éloignées de l'axe principal. L’idéal, c’est que la ville
linéaire arrive à créer «pour chaque famille, une maison ; dans chaque maison un verger et un
jardin ». Il ne s’agit pas de créer des résidences secondaires, des maisons de campagne et des
maisons pour les travailleurs et administrateurs, appartenant tous à une véritable ville, située à
proximité d'une grande capitale (Madrid), habitée par toutes les classes sociales.

Sur un autre registre, si l’apparition de nouveaux principes de l’urbanisme est


apparue à la fin du XIXème siècle comme une science autonome pour faire face aux inévitables
problèmes qui se sont posés du fait du logement d'une population urbaine croissante issue de
la révolution industrielle (Sica,1981 ; Choay, 1983), il est important de souligner que pour
l’Espagne, il existait un autre modèle d’urbanisme différent de celui de Soria. On peut dire
même concurrentiel. C’est celui de l’Ingénieur Cerdá qu’on peut considérer comme le père
incontestable de l’urbanisme comme étant une science d’application. Ses principes interprétés
dans la théorie générale de l’urbanisme dont il fait l’application sur l’Ensanche de Barcelone
(Gabriel, 1998), constituent une nouvelle ère d’un urbanisme moderne et applicable depuis
1859. Ainsi deux modèles d’urbanisme s’opposaient. D’un côté Soria et ses adeptes,
projettent les alternatives pour l’amélioration des conditions de vie et d’usage de l’urbanisme
dans de la ville traditionnelle ; d’un autre, Cerdá, propose de couper le cordon ombilical avec
la ville traditionnelle et s’orienter vers de nouveaux modèles de villes « Ensanche ». Pour
Soria, il est clairement attiré par les nouvelles découvertes scientifiques qui imaginent un

est à souligner néanmoins, que le projet de Soria a connu une large diffus ion grâce, en particulier, à l’action
2 Il

de deux collaborateurs de la revue La ciudad Lineal, H.Gonzales del Castillo qui a élaboré le projet linéaire de
grande envergure pour Bruxelles (1919) et surtout G. Benoît-Lévy, le militant du mouvement des cités -jardins
françaises.

87
horizon de bien-être tourné vers l'avenir. Il pensait, comme Owen, Fourier, Cabet, Proudhon
et, plus tard, Le Corbusier, que la science et la technologie pouvaient résoudre les problèmes
de la société et qu'elles pouvaient promouvoir l'urbanisme progressiste. Pour Cerdá, les
propositions urbanistiques sont celles d’une pensée de l’urbanisme des réseaux
d’infrastructures pour une société développée (Magrinya, 1996). Pour lui, l’aspect fonctionnel
l’emporte sur les autres aspects. Le Projet « d'Eixample » de Barcelone et ses différentes
redéfinitions, constituent une analyse privilégiée de l'évolution de la pensée de l'urbanisme
des Réseaux chez Cerdá. Son œuvre devient pertinente et d’actualité, surtout pour la
redéfinition actuelle des formes urbaines à partir du concept voie-inter-voies, qui peut
permettre de repenser le fonctionnement des îlots, le rapport entre la forme urbaine et les
vitesses de transport qui s'y développent et l'étude de la structuration du système de voirie met
en évidence la nécessité de réhabiliter la notion de "voie urbaine" et de mieux articuler la
vitalité dans les nouveaux pôles urbains.

Sans entrée dans un débat conceptuel sur l’application du modèle de la ville linéaire
dans l’urbanisme soviétique, latino-américain ou même européen pour la simple raison que ce
n’est pas notre sujet central dans cette étude. Cependant, il est à souligner qu’avec la
mondialisation, l’apparition d’une nouvelle géographie de la centralité, de la périurbanisation
périphérique, le modèle de la cité linéaire va être transféré d’abord, vers de nouveaux modèles
de villes satellites (Asprilla, 2011 ; Capal, 2009 ; Taylor, 2004 ; Sassen, 2001 ; Saskia, 1995).
Les réseaux et les villes mondiales européennes, américaines, asiatiques ou latino-américaines
(Londres, Paris, New York, Tokyo, Bogotá, Buenos Aires et Sao Paulo, Medellín, Cali et
autres) ont satellisé de manière trans-territoriale et concurrentielle, d’autres villes moins
importantes. Ville principale et ville satellite se sont trouvées rapidement insérées dans des
modèles polynucléaires et des réseaux régionaux et locaux très complexes. La ville satellite a
fini par se projeter sur la ville principale car elle n’a rarement coupé avec la dépendance vis-à-
vis de la ville principale, provoquant l'un des problèmes les plus importants qu'elles sont
censées éviter : c’est l'accès problématique à la ville principale. Il s’est avéré que le
polycentrisme développé à travers les villes satellites, n'est pas toujours la solution définitive
pour stopper l'expansion de la ville qu'elle s'apprête à contrôler. Ce qui a donné naissance à de
grandes périphéries ingérables autour des villes principales. Aujourd’hui, il y a un retour vers
le modèle de la cité linéaire comme alternative à la ville satellite et au polycentrisme, en tant
qu’instrument en mesure d’agir sur la planification territoriale et comme moteur de

88
l'économie et de l'inclusion sociale (Buchelli, 2011). Peut- on dire autant du projet de la cité
linéaire Sebta-Tétouan ?

Pour la cité linéaire de Sebta-Tétouan, Arturo Soria d’abord ensuite, Hilarion


González Del Castillo, ont proposé au gouvernement espagnol la réalisation d'une ville
linéaire qui relierait Ceuta à Tétouan sur une distance de 50 km dès 1920. La ligne du chemin
de fer Sebta-Tétouan aurait constitué la pièce maîtresse de la cité linaire, autour de la quelle
des voiries et un système de voies de communication articules parcelles de 400, 800,1200 et
5200 m² ainsi que des zones d’activités portuaires, agricoles, de commerces et services pour
endiguer « la colonisation interne »3 et promouvoir la campagne ainsi que les structures
urbaines traditionnelles4 . Pour Del Castillo, la cité linéaire Sebta-Tétouan est pressentie pour
remplir les conditions appropriées de mise en relation de deux villes-port, deux capitales de
protectorat et deux espaces de vie et de production. Nous ne sommes pas dans le cas de figure
d’une capitale et d’un faubourg à l’image de Madrid. Son tracé s'étendrait le long de la voie
ferrée garantissant l'hébergement de la population redistribuée, le droit d’expropriation
foncière des terres non ou mal cultivées de part et d’autre de la voie ferrée et de la route. Ceci
en respectant et tenant en compte les aspects de production agricole, industrielle, portuaire et
urbaine toute en garantissant l’approvisionnement des villes et la fixation des populations
rurale.

Lorsque Del Castillo confirma au Général Sanjurjo en 1928, sous un environnement


d’enthousiasme dû à l’achèvement de la pacification militaire de la zone nord du protectorat
espagnol : « une utopie possible, la ville linéaire de Sebta-Tétouan », a mal calculé sa logique
de combiner urbanisation et colonisation. A vrai dire, le projet fut gelé depuis 1919.
L’environnement de la fin des années 20 n’est pas celui de 1919.

3 Le qualificatif "colonisation interne" est apparue, en Espagne, avec la loi du 30 août 1907 relative à l’exode
rural, son objectif consiste à développer une migration opposée qualifiée de colonisation interne pour
promouvoir la campagne et rééquilibrer la population au sein de la péninsule.
4 Pour plus de détail sur le projet, devait suivre les bords de l’Oued Martil et celui de l'Isleta de Santa Catalina,

sur l'isthme où se trouve Sebta la vielle entre les contreforts de Jbel Moussa et de la Méditerranée. Le tracé de la
route modifie le schéma de la ville linéaire, à l’instar des agglomérations touristiques comme Nice à titre
indicatif, et déplace ainsi l’avenue principale qui devrait traverser le centre, le plaçant sur le rivage. IL s’agit
d’une grande route de 40 mètres de large englobant plusieurs rangées d’arbres. Le projet initial avait indiqué
l’équipement en double tramway électrique qui résoudrait non seulement le transport de personnes , mais aussi le
trafic de marchandises. Parallèlement à l’axe principal et à la ligne du tramway, des différents itinéraires, vers
l’intérieur, seraient aménagés.

89
Fig. 33 Modèle de la Cité linéaire de Soria comme système d’urbanisation

Sources : Del Castillo, 1930

La crise économique mondiale de 1929 puis l’ombre de la guerre civile espagnole


1936-1939 et ses répercussions sur l’urbanisme, l’architecture et la gestion urbaine de Sebta
ne favorisèrent pas l’élaboration d’un tel projet entre Sebta et Tétouan. D’une part, Sebta fut
sous un régime militaire ; alors que Tétouan est destiné à symboliser la culture espagnole d’un
protectorat soucieux de son image de marque à l’échelle de la capitale politique du protectorat
dans toute la zone nord. Cernée entre un statut international de Tanger et une zone de
protectorat français au Centre, l’Espagne avait besoin de s’affirmer et de rivaliser sur le plan
d’urbanisme avec Rabat, Casablanca d’un côté et Tanger de l’autre.

Si le chemin de fer a été réalisable est opérable, les autres conditions ne pouvaient
être remplies. La complexité des statuts juridiques des terres et des statuts fonciers ruraux des
tributs Andjra, les effets de la protection consulaire depuis 1880 (Conférence de Madrid) et
son renforcement en 1909 (Conférence d’Algésiras), ont rendu difficile pour ne pas dire
impossible toute opération d’acquisition pour concevoir le tracé de la cité linéaire ou pour
pouvoir opérer des morcellements et délimiter les différents zones d’habitat, d’activités et
d’usage public. Sur le plan géostratégique aussi, il existait un certain décalage dans la
politique coloniale. Les autorités militaires, notamment l’intelligenceia (l’intelligence) et les
ingénieurs furent plus clairvoyants que les planificateurs. Ils savaient, pertinemment, que

90
Sebta restera toujours une ville contestée, une plateforme frontalière d’outre-mer et une zone
d’écoulement des produits de la contrebande issus de l’industrie espagnole. Ce sont les
raisons pour lesquelles, la planification de la cité linéaire est restée noire sur blanc sur le
papier. Lorsque Soria a accompli la cité linéaire à Madrid, il a dû prendre l’initiative
d’acquérir les terrains nécessaires par achats. Del Castillo, par contre, visa la commodité de la
participation de l’Etat dans un projet déclaré d’utilité publique mais qui sera géré par une
entreprise privée5 . Le but c’es de pouvoir bénéficier des mesures incitatives (exonération
temporaire de certaines taxes, concession des services publics, acquisitions foncières, les plus-
values générées par l'opération, etc.). Bref, un modèle de ville-rocade, d’endiguement
migratoire et de peuplement rapproché entre sebtaoui et tétouani. A ce niveau aussi, le projet
fut incompatible avec la réalité d’une population de tradition urbaine issue largement d’une
origine andalouse. La côte tétuanaise ainsi que la « Restinga » qui sont supposées abriter un
projet de promotion agricole et de fixation des populations rurales, ne sont ni à vocation rurale
ni agricole. Ce sont des zones d’émigration, de tradition de pêche dont les populations
s’adonnent à la contrebande et plus tard au tourisme. En plus il s’agit de deux villes de
polarisation aux extrémités. Les lignes du chemin de fer qui furent réalisées entre Sebta et
Tétouan ou entre Larache et Ksar El Kébir servaient plus à transporter les flux de voyageurs,
de contrebandiers et de marchandises sur une zone frontalière. Aucune des cités linéaires
pressenties pour dans les plaines de Loukkos, Zaio, Zebra et Moulouya ou encore dans la baie
d’Al Hoceima, ne fut élaborée. Etant donné que la colonisation espagnole procède, depuis le
XVème siècle par la politique de l’histoire et de la mémoire : il reste la mémoire de la ville
linéaire Sebta-Tétouan.

2-L’Ensanche de Sebta : un urbanisme de facture mal adapté à une ville frontalière

L’enthousiasme de « l’achèvement de la pacification » vers la fin des années 20 a


constitué un environnement politique psychologiquement plus vaste que la réalité
sociopolitique elle-même. Certains généraux comme Sanjurjo s’imaginent pouvoir construire

5 Il faut préciser que le projet Del Castillo a changé de conception entre la première version 1911-1913 et celle
proposé vers la fin des années 20. Ceci aux niveaux sociaux, techniques et économiques. Entre 1910 et 1920, Del
Castillo s’ouvre sur les théorisations urbaines anglaises, allemandes et américains pour débattre et vérifier la
thèse de la linéarité avec les principes de la cité jardin dans le but de diluer progressivement et profondément les
principes de Soria dans celle de Garden City. Cette dernière est une ville de dimension limitée, construite dans
un cadre rural et qui vise à offrir une alternative aux grandes villes et aux banlieues industrielles des pays
européens. Le mouvement en faveur des cités -jardins est né avec la publication à Londres, par un employé de
bureau socialiste et utopiste, Ebenezer Howard, du livre « To-morrow, a peaceful path reform, en 1898. En 1902,
ce livre sera réédité sous le titre Garden-cities of to-morrow et traduit en franèais. Entre-temps, en 1899, Howard
fonda la « Garden-city association ». Il entreprit en 1903, la création d’une première cité-jardin, Letchorth, à 70
Km au nord de Londres, avec l’aide de deux urbanistes reconnus, Barry Parker et Raymond Unwin.

91
le Maghreb sous colonisation, d’autre comme le général Franco commence à préparer la
révolution à travers une politique africaine qui s’est soldée par un coup d’Etat et une guerre
civile, les ingénieurs militaires transcrivent la gloire de l’armé en instrumentalisant
l’architecture dans une politique de la mémoire à Tétouan, à Sebta, à Melïla, à Larache et dans
bien d’autres villes marocaines.

La mise en place de la ville nouvelle (Ensanche) et la réforme intérieure de Sebta


ont été conçu dans cet environnement. Cependant, il est à souligner que l’œuvre de l’ensanche
de Sebta fut beaucoup influencé par celui de Tétouan plus imposant car elle symbolise le
pouvoir militaire et culturel de tout le protectorat espagnol dans le nord de l’Afrique. Bien que
les relevées topographiques de l’enclave ont débuté très tôt en 1884 6 , avec le croquis de Sebta
et de son espace rural des Andjra (1 :20 000) par le commandant de l’Etat-major Francisco
Galbis Abella et le capitan Eduardo Alvarez Ardanuy (Ortega, le projet de son ensanche ne va
débuter qu’en 1930 parallèlement à celui de Tétouan. En effet, il débute avec le concours
urbanistique de trois propositions mettant en concurrence l’urbanisme espagnol7 et l’influence
des réseaux internationaux de l’urbanisme 8 (Gonzalez et Guerrero, 2019).

2-1-La proposition de la première génération d’architectes espagnols

Deux propositions méritent attention, la première est portée par l’architecte César Cort, la
deuxième par les architectes Pedro Muguruza et José Hervas y Manuel Latorre. Bien qu’il
appartienne à la première génération, la proposition de César Cort est influencée par la culture
urbaine américaine sur la cohésion sociale et les théories de la Cité-jardin anglaise (Gonzales
et Gerrero, 2019). Une sorte de recherche aux environs de la théorie de la nucléologie qui
rejette les propositions de séparation physique d’un tissu urbain. Pour se faire, il a proposé un
réseau routier de contournement des obstacles physiques entre les composantes territoriales de
Sebta et une structure de voirie extrêmement hiérarchique variant entre 5 et 45 m. Il a proposé

6 Rappelons que Sebta va connaître beaucoup de relevés topographiques depuis la guerre de Tétouan de 1860.
L’objectif était de préparer le terrain pour les nombreuses négociations de délimitation changeante du territoire
de Sebta selon la pression politique du moment.
7Il s’agit de la première génération d'architectes ayant assimilé l'urbanisme en Espagne comme une nouvelle

discipline académique et professionnelle. Bref les adeptes d’Arturo Soria et Ildefonso Cerdá. Au-delà de
l’idéologique doctrinale pratiquée dans les enclaves, cette génération a essayé de doter la nouvelle discipline
technique d'un langage, d’un contenu spécifique et instrumental et d’un soutien juridique adéquat.
8 C’est le fait de la deuxième génération qui a pris le relais de l’école de Soria et Cerdá pour l’enrichir des

expériences et de nouveaux courants d’idées et d’instruments , de techniciens et des progrès de l'architecture


contemporaine.

92
également un dimensionnement vertical des bâtiments en fonction de la largeur et de la
fonctionnalité de chaque rue (Gonzales, 2018). Malgré le système des parcs-jardins proposés,
les assainissements, les réseaux de distribution des équipements publics, les groupements
d’écoles, les dispositions en patios, les périphéries et l’ordonnancement, la proposition de
Cort fut rejetée à cause de la réforme incomplète proposée pour l’intérieur de Sebta. Cette
proposition est jugée déficitaire en termes de perspectives urbaines car elle est trop prudente
quant à la démolition des bâtiments existants et qui sont de faible valeur immobilière.
Rappelons-le, depuis la présence coloniale à Sebta, un seul projet valable, c’est celui de raser
tout ce qui relève de l’identité antérieure de l’enclave.

Fig. 34 Différents scénarios élaborés pour la ville nouvelle de Sebta 1930 -1932

Sources : Synthèse de cartes et de croquis reproduits par l’auteur d’après : Archives Général de Sebta, César
Cort, 1930, Gaspar Blein, 1932, Pedro Muguruza, 1932, Revue « Africa », février, 1932, Cristina Garcia M., et
Salvador Guerrero G., 2019.

Le va-et-vient opéré par Cort, entre le plan architectural de Madrid où il a réalisé des
extensions en 1929 en collaboration avec certains urbanistes allemands pour la construction
93
de grands blocs américains et le projet de l’ensanche de Sebta ne fut pas compatible, car il
s’agit de deux contextes différents territorialement, socialement et politiquement.

La proposition de Muguruza et de Latorre quant à elle, a été trop influencée par la


philosophie et la fonctionnalité de l’ensanche de Tétouan où les deux architectes furent
impliqués9 . De ce fait, le langage architectural utilisé dans les bâtiments proposés laissa
s’échapper beaucoup de représentations architecturales chargées d'arcades semi-circulaires, de
portiques empruntés à l’art musulman aussi floral que décoratif et les tourelles hispano-
musulmans. Les deux architectes issues de l’école architecturale de Madrid ont laissé
s’exprimer un langage éclectique suffisamment représenté dans l’architecture pour être élargi
à l’urbanisme. Ce projet fut considéré comme étant conservateur et à caractère colonial
contrastant vivement avec les propositions modernisées et rationalistes des autres concurrents.
Sur le plan fonctionnel, les propositions de Muguruza et de Latorre furent très limitées. Une
réforme intérieure axée sur le redéploiement de l’axe routier existant allant d’Almadraba à la
plaine de la Dame et d’un front de mer déjà construit. Non plus, l’ouverture d’une nouvelle
porte dans la muraille pour relier la vieille Sebta avec l’ensanche, n’est pas souhaitée
officiellement. Finalement, cette proposition fut elle-aussi rejetée car elle est jugée
conservatrice et n’apporte aucune singularité vis-à-vis de ce qui se passe, en même temps,
dans toutes les villes marocaines sous protectorat espagnol.

2-2-La proposition de la deuxième génération d’architectes espagnols

La deuxième proposition de l’élaboration de l’ensanche de Sebta fut portée par


l’architecte Gaspar Blein10 qui représente une nouvelle génération qui s’instaure à la tête de
l’urbanise professionnel espagnol. En 1932, il a révisé la proposition de César Cort pour
corriger sa propre proposition, déjà présentée pour l’extension de Sebta en 1927, et qui n’a
pas aboutie. Le renouveau de la proposition de Blein consiste en une vision élargie à l’échelle
régionale et caractérisée par un professionnalisme progressif issu des travaux sur l’urbain.

9 La Torre est un architecte affilié à l’urbanisme de la période franquiste (1939-1956) à l’instar de Chao, Arrate,
Salsido, De Sierra, il a réalisé l’édifice de la bibliothèque générale, le Club israélien et toute la partie
résidentielle-ouest de l’ensanche de Tétouan. Muguruza fut avec Benito, les principaux protagonistes de l’habitat
à faible valeur immobilière de l’ensanche de Tétouan (1943).
10 Gaspar Blein Zarazaga est l’un des disciples de l’architecte Santiago Sanguinetti (1875-1929), il a exercé en

qualité d’architecte municipal de Sebta depuis 1927. C’est aussi l’un des membres du Groupe d'artistes et
techniciens espagnols pour le progrès et l'architecture contemporaine (GATEPAC) qui a réalisé des travaux à
Tanger.

94
A vrai dire, la proposition de Blein versa directement dans la logique des dirigeants
militaires de Sebta. A savoir, bouder tout ce qui a attrait de près ou de loin aux origines de la
ville. Justement Blein, à l’opposé de Cot, ne se préoccupa guère du centre historique, il misa
gros sur la ville fonctionnelle. C’est-à-dire doter Sebta d’une nouvelle centralité urbaine
dédiée aux activités économiques modernes, bureautiques, touristiques et résidentielles
organisées en CBD autour de 20 bâtiments gratte-ciel structurant une marre de blocs
horizontaux de 4 étages. Le modèle ici est emprunté sur Tanger dont le statut politique est
international. Les dirigeants de Sebta ont toujours perçu Tanger comme étant un modèle
concurrentiel pour Sebta sur le plan d’urbanisme comme sur la zone économique franche.

Blein conçoit la place du Maroc, qu’il substitue au noyau traditionnel, pour jouer le
rôle de nœud névralgique de la structuration de la ville à travers la route principale diagonale
qui relie cette place à l’ensanche du côté du port. Ainsi la connexion est assurée avec
l’extérieur à travers la route de Sebta-Tétouan-Tanger et avec l’intérieur via le pont qui
auparavant a été proposé par Muguruza et Latorre pour consolider l’agglomération. La même
place organise la mobilité multimodale port-rail-bus. Les zones militaires, résidentielles et
industrielles ont été éloignées du centre et rattachées soit au port, soit localisées à l’extérieur
vers le nord, notamment pour les casernes militaires. De ce fait la proposition acquiert un
caractère fonctionnel d’une ville accessible par un système de transport, un zonage aéré et des
blocs résidentiels ouverts de largeur supérieure et à double travée grâce à la suppression des
patios. Le tout encadré par des espaces verts et de loisirs côtiers et portuaires.

Finalement, Blein très rapproché de l’administration militaire de Sebta savait


pertinemment sur quelle corde jouer. Au-delà des nouveaux principes de l’urbanisme, de
l’hygiène et de l’économique, le politique l’importe. En fait, le modèle de Blein n’a rien
d’innovant, il a fait la synthèse des projets concurrents avec un remaniement judicieux de
sorte à bouder le tissu traditionnel, à le substituer par une place dénommée du Maroc mais, de
fait et d’usage Espagnole, il a assuré la modernité par un CBD pour deux objectifs : rendre le
nouveau lieu névralgique pour la classe dirigeante espagnole (activité, résidence, loisirs),
éclipser toutes les autres centralités héritées. Il a rapproché les zones résidentielles collectives
aux lieux d’activités portuaires et industrielles, il a assuré aussi le rôle défensif de
l’agglomération en déplaçant les casernes militaires vers la frontière maroco-espagnole et les
quartiers populaires où les marocains sont cantonnées (Jadú et Principe).

95
Fig. 35 Scénario retenu pour l’ensache de Sebta, 1932

Sources : Archives Général de Sebta, Gaspar Blein, 1932

En plus, il a inversé l’ordre architectural des bâtiments en supprimant les patios pour
couper totalement et intrinsèquement avec l’urbanisme et l’architecture arabo-andalouse.
Ainsi, loin de l’idée d’un urbanisme de nucléologie qui lutte contre la séparation physique de
l’agglomération, la proposition acceptée de Blein occulte tout le tissu traditionnel et instaure
un apartheid socio- territorial entre ville de lumière (Ensanche) et ville de l’ombre (médina et
quartiers périphériques Jadú et Principe). Les parcs de jardins et espaces verts se dressent
comme de véritables frontières entre deux types d’espaces et deux types de sociétés.

La comparaison entre l’ensanche de Sebta et de Tétouan d’une part et celui de


Larache d’autre part, est pleine d’enseignement quant à la politique de l’urbanisme menée par
l’Espagne dans les villes de sa zone de protectorat et dans les enclaves. Bien que l’urbanisme
et l’architecture sont partout chargés de nationalisme et de républicain espagnols, le
positionnement des autorités coloniales fut plus modéré dans les villes du protectorat de la
zone nord pour plusieurs raisons.

D’une part, l’avènement du protectorat espagnol au début du 20 ème siècle, va


engendrer un nouveau modèle de société, un aménagement du territoire, une architecture et

96
produira une modernité qui viendra se composer à l’architecture autochtone à travers quelques
équipements publics faisant références à l’architecture locale traditionnelle 11 ou à travers le
logement et l’urbanisme de promotion officielle dont l’assiette foncière est bien assainie. En
dépit de toute thèse anticolonialiste ou pro colonialiste, en dépit aussi des heurs et
malheurs12 il est à constater, malheureusement, dans plusieurs études un certain alignement (à
tort d’ailleurs) du modèle français sur le modèle espagnol.

Fig. 36 Morphologie comparée de l’ensanche de Sebta et celui de Tétouan

Sources : G. Blein, 1932, J.M. De Molina, 1996

11 Le creuset andalou est bien le ciment civilisationnel symbolisant l’intervention architecturale espagnole dans le
nord du Maroc. Il ne faut surtout pas diluer cette spécificité régionale en la greffant à la période « orientaliste »
en architecture et en peinture qu’à connu le reste du Maghreb.
12 Il s’agit dans un premier temps d’actes militaires très conséquents, voir à ce sujet, Sánchez Montoya,

Francisco. Los campos de concentración y centros penitenciarios en Ceuta y protectorado occidental español en
Marruecos 1936-1939. Instituto de Estudios Ceuties : 117. Dans un deuxième temps, il s’agit plus
particulièrement des deux opérations de destruction physique de deux parties de la médina de Tétouan : la
première allant de Bab M’barek à la place du Feddane, la deuxième, celle de l’ancien mellah, M’salla Kdima,
Sidi Abbass et une partie de Rbat Asfal. Voir a ce sujet M. Abdellaoui, 1986 : « la médina de Tétouan et son
évolution récente : étude de géographie urbaine », université de Lille : 30.

97
Il est vrai que l’approche patrimoniale n’est pas assez développée sur le plan de la
recherche sur l’extrême nord marocain. En effet, la plupart des études et thèses soutenues sur
cet espace procèdent d’une analyse issue de l’école française 13 . A titre indicatif, toutes les
médinas du nord marocain ne sont pas totalement « taudifiées » ni systématiquement
densifiées par l’exode rural. Non plus, toutes les médinas ne furent pas boudées par le modèle
colonial dans le nord du Maroc, exception faite des enclaves Sebta et Melïla.

D’autre part, le protectorat espagnol fut intimement mêlé à la population qu’elle soit
indigène ou « petits blancs » (Ben Attou, 1998). Il n’a pas touché, non plus, aux structures
territoriales, ni sociales tribales14 . Le fait que la colonisation espagnole n’est pas venue au
Maroc avec une référence de supériorité osmanienne, a laissé l’œuvre de l’architecture et de
l’urbanisme se réaliser à une « échelle humaine », sur du foncier solide avec un ciment
andalou qu’on retrouve aisément à toutes les échelles spatiales et dans la pratique de la ville,
la culture et au niveau du tempérament des individus.

Le choix du site de l’ensanche de Tétouan (1917-1956) répondait à deux impératives :


la topographie et la disponibilité d’une réserve foncière constituée, entre autres, de l’ancien
mellah juif dans le sud de la médina (Abdellaoui M., 1986 : 23)15 . Le plan d’urbanisme de la
ville espagnole fut conçu de manière à constituer une jonction de rues et artères prolongeant
les rues de la médina. C’est totalement l’inverse de ce qui s’est passé à Sebta et Melïla. En ce
sens que le boulevard Mohamed V constitue une continuation de la rue Terrafine de la
médina. La place Hassan II, traversée par la grande artère, est conçue comme un espace de
transition entre les deux espaces urbains. Le service du génie est responsable de l’installation
des troupes dans des constructions existantes militaires ou civiles transformées. Les casernes
et les installations militaires furent partie intégrante du nouveau paysage urbain. En fait,
plusieurs moments importants marquent le déroulement des projets de transformation de la

13 Pour plus d’information, lire à ce sujet Rachik (A.), 2005 : Etudes et recherches urbaines sur le Maroc 1980-
2004 », rapport établit pour le compte du Centre Jacques Berque dans le cadre de son programme de recherche »
Lire et comprendre le Maghreb », Rabat, 60p.
14 Cf. Ben Attou (M.), 2003 : «Le protectorat espagnol et le nord marocain : organisation administrative et

stratégie socio-économique, le cas du Bas Loukkos », Revue Dirassat n° 11, Agadir, pp.41-107.
15 La constitution de cette réserve s’est opérée en deux temps : en 1860-1862 et après 1913, voir a ce sujet

(Abdellaoui, 1986 : 23-25). Il faut bien se mettre à l’évidence que le patrimoine foncier juif dans les villes du
nord marocain est important. Il remonte au 19ème siècle où les juifs bénéficiaient d’un statut spécial de «
commerçants exclusifs du Sultan » dans le cadre de l’ouverture économique du Maroc sur le commerce
extérieur. Cependant, ce patrimoine foncier est difficilement quantifiable vu la discrétion des négociants juifs.
Pour plus de détail, Cf. à Brignon J. et les autres, 1982 : 311. Voir aussi sur les rapports de l’oligarchie juive
avec le Makhzen, Zafrani. Haïm, 1987 : 148-149

98
ville de Tétouan. La reconstruction de la ville sur elle-même par la récupération des anciens
mellahs et espaces-jardins (jnans) limitrophes de la médina. Le franchissement des limites et
les conditions de création des équipements civils et militaires dans la zone périurbaine
(Kasbah, le centre psychiatrique, l’hôpital militaire, des unités industrielles, le chemin de fer
Sebta-Tétouan, l’hôpital civil et le stade de Saniat Rmel) qui vont déterminer plus tard,
l’orientation de la ville de Tétouan et l’apparition de plusieurs quartiers depuis 1940. Les
ingénieurs du Génie développent tout un savoir-faire sur la façon de répartir les équipements
autour des principales places de la ville. Ils doivent être implantés selon des règles. La
position de l’église est la plus difficile à déterminer. Enfin, l’aménagement du territoire de la
ville utilisant la topographie pour mettre en valeur un projet architectural et urbain est aussi
une technique qui fut utilisée à Tétouan.

Les contraintes liées à la situation particulière de Tétouan (ville citadine de souche et


capitale du Protectorat) et aux demandes des populations autochtones obligent les techniciens
à proposer un compromis entre le plan d’un centre de colonisation et un plan d’alignement des
voies et places anciennes (Place El Feddane)16 . L’objectif final est de former une seule ville
comprenant la médina et le centre espagnol. Cependant, étant donné, le cas particulier de la
colonisation espagnole (faibles moyens d’intervention, guerre civile espagnole, société
divisée, pays d’émigration, fortes mobilisations pour la pacification, déchirement politique de
la guerre civile, etc.), une forte demande sur le logement social fut formulée par la classe de
base espagnole constituée de pêcheurs, d’agriculteurs-éleveurs et de petits soldats. Dans le but
de consolider un modèle d’urbanisation remontante à partir de la périphérie de la ville capitale
du territoire Jabla et du protectorat capable d’endiguer l’exode rural et de répondre à la
demande sur le logement dans des normes sécuritaires acceptables, les autorités coloniales
commencèrent dès 1940 à créer le quartier Malaga à l’ouest autour de l’hôpital militaire, le
quartier Slaoui au sud autour du chemin de fer et des unités industrielles à l’Est, le quartier
Moulay Hassan autour de l’hôpital de Saniat Rmel (Abdellaoui, 1986 : 27). Il est intéressant
de souligner ici, la production architecturale coloniale de l’entre deux guerres en matière
d’alignement de création du logement social. Cette période demeure intéressante, mais très
mal connue dans le processus de production du logement social espagnol.

16 A citer dans ce contexte, le cas bien illustrant de l’implication des investissements privés dans les premiers
projets de logement à Tétouan en faveur de propriétaires juifs marocains depuis les années 30, ainsi que les
projets réalisés par les architectes municipaux Castro Férnandez Shaw et José Miguel De la Quadra -Salcedo en
1940 autour de la Place Feddane en faveur du personnel municipal de Tétouan.

99
La comparaison avec l’ensanche de Larache est aussi intéressante. La place publique
centrale de Larache a joué un rôle fédérateur entre deux entités : l’une arabo-islamique, l’autre
ibérique. C’est-à-dire entre une culture islamique et une culture européenne fortement
traversée par un bien-être andalou quasi universel. La structure spatiale piétonnière de la
médina partant, en étoile et en forme octogonale (ensanche), de la place de la libération est un
exemple édifiant.

Les rues sont plus larges. Les parcelles sont plus grandes permettant la construction
d’immeubles de trois à quatre niveaux. Un fait singulier aussi qui influe sur la production
architecturale coloniale à Larache, c’est que cette citée est l’une des villes du Nord marocain
où la concentration de l’effectif européen fut la plus forte (13577 habitants en 1955). Le
développement de son espace urbanisé se fit, à l’époque coloniale, avec une grande rapidité
comparée à celui des autres villes du Nord.

En agissant à Larache selon le principe de « l’ensache » articulé sur un réseau routier


radial nord-Sud, sud-ouest et vers le port, les autorités coloniales, dès le 1927, ont verrouillé
leur mode de planification urbaine sur un étalement urbain devant répondre à une situation
foncière correcte et à une demande espagnole civile et militaire sur le logement.
Progressivement, elles ont pu relever le défi. A partir de 1930, les autorités coloniales
instaurent un programme d’habitat social de promotion officielle.

Les réserves foncières Raïssoni ont bien constitué l’assiette principale pour la
production d’un logement social qui a fait généralement objet d’enregistrement cadastral sous
deux formes : la première, est individuelle aussi bien pour les autochtones que pour les
« petits blancs espagnols» (pêcheurs, fonctionnaires, main-d’œuvre agro-industrielle, soldats,
etc.). La deuxième, est collective, au non de l’Etat espagnol pour promouvoir les fameuses
«Casabarata »17 des quartiers El Bario Nuevo, Nador, Kelleto et Mhasshas, ont bien rempli

17 Sortede trame sanitaire de 40 à 50 m² disposée autour d’un patio central et attribuée gratuitement avec un loyer
symbolique ne dépassant pas 2% de la valeur locative réelle. En faite, il s’agit de l’adaptation des trames
sanitaires (8x8) entreprises par Ecochard dans la zone de protectorat français notamment les villes -bassins
d’emploi comme Casablanca à titre indicatif. A Larache, on n’ira pas jusqu’à parler de vrais unités d e voisinage
comme celles des carrières centrales ou du quartier Habouss (9000Hab./ 1800 unités) mais le principe de la
casabarata s’est inspiré de manière réduite de ce modèle pour abriter la main d’œuvre du complexe industriel du
Loukkos.

100
leur rôle de cités d’urgence destinées à contrecarrer l’avancée des bidonvilles de Jnan
Messari, Jnan Bdaoua, Lalla Mennana (Ben Attou, 2015).

Fig. 37 Vue aérienne de la place d’Espagne harmonisant le tissu


de la médina avec l’ensanche (1920-1950)

Source : M., Ben Attou, 1992

Cependant, il est primordial de s’inscrire dans le contexte particulièrement historique et


politique de Larache pour comprendre l’action coloniale en matière du logement et de

101
diffusion de l’urbanisation. En effet, une période importante aussi bien pour la mémoire et
pour l’identité territoriale de la ville, c’est la période d’occupation espagnole de Larache :
1610-1689 (García Figueras., 1973).

Cette période est responsable du triomphe du modèle néo-mauresque à Larache. Les


autorités coloniales de 1910 vont suivre dans la même logique du 17 ème siècle quant à une
philosophie coloniale conditionnée : être intimement mêlée au rang social et au genre de vie
des populations autochtones (M. Benn Attou, 2007 : 51) selon une approche qui consiste à :
« unir sans confondre et distinguer sans séparer ». Ce type de hiérarchie sociale calquée sur la
morphologie spatiale n’est pas un fait nouveau. Dans la médina de Larache, la Kasbah est une
morphologie spatiale qui correspond à une classe aristocratique musulmane avant d’être le
quartier général des forces d’occupation entre 1610 et 1689. Procédant ainsi, l’autorité
coloniale, tout en utilisant l’architecture néo-mauresque réussit un mode de production spatial
duel non pas avec le tissu traditionnel mais au sein de la nouvelle structure urbaine. Ainsi, la
colonie espagnole intégrée (la noblesse) manifeste avec insistance son statut social à travers
un besoin identitaire autonome vis-à-vis du système qui l’a produit (la péninsule) et vis-à-vis
du nouveau contexte d’accueil. En effet, à la demande de leurs clients, les architectes
métropolitains construisent des façades somptueuses (Cas de l’Avenue Mohamed V).

Le but fut d’extérioriser l’habitat. Celui-ci, parce qu’il compose avec le tissu de la
médina en continuité, s’inscrit dans une sorte de modernité incrustée dans le vernaculaire.
Entre ce nouvel espace central et l’espace populaire et prolétaire, une structure de casernes se
dresse comme point de départ en « ensanche »18 des principales artères de la ville coloniale.
Ce mode de production spatiale est architecturale a fait de l’espace public (place d’Espagne),
un espace préférentiel qui constitue l’élément central autour duquel se structure « en forme de
corrida » toute l’agglomération avec ses composantes sociales unies certes mais non
confondues. Dans ce système de production de la ville, l’élite espagnole occupe la première
loge, mais la corrida, pensée ici en termes de bien de commerce, de service et d’équipements
de base en forme de cercle autour de la place publique, en tant que mode de vie aussi et
d’usage d’abord, de gestion ensuite, a besoin, dans une ville prolétaire, de l’ensemble des
habitants (riches et pauvres).

18 Sur la notion de l’ensanche, voir Bravo Nieto A., 2006.

102
3-Une gestion urbaine au politique : Sebta est une enclave qui revient chère

Sebta s’affiche comme une ville européenne de modernité. Cependant, il s’agit


d’une modernité de fausse rationalité. Une ville vitrine destinée à se produire
économiquement sans attaches ni sociales ni territoriales. D’abord, Sebta n’est pas passée, à
l’instar des villes européennes, par l’âge classique et l’époque issue de la révolution
industrielle pour pouvoir atteindre la troisième modernité (Ascher, 2010). Il s’agit d’un
urbanisme vertical axé sur la politique mémorielle, l’histoire inversée, un urbanisme de
doctrine et une gestion irrationnelle. On ne peut en aucun cas qualifier cet urbanisme comme
étant souple, négocié, capable d’intégrer l’échelle sociale, la complexité frontalière et
migratoire, l’individualisme politique des acteurs dans la mémoire est tatouée et le
comportement est purement affairiste. Alors que pendant ces dernières décennies on assiste à
de profondes évolutions dans les modes de vie et l’organisation spatiale de la population qui
interpelle à des innovations en termes de production du logement et de l’environnement
construit (société civile, projet urbain, participation, réseaux sociaux) et dans l’élaboration des
formes urbaines (créations architecturales représentatives de la réalité sociale et culturelle,
mixité des fonctions, réinvention des espaces publics), Sebta, au-delà de ses capacités de
production de zone franche, au-delà aussi son budget municipal dépassant les 293 millions
d’Euros, elle vit encore sous le rythme de la ségrégations socio-spatiale, sur la contrebande, la
rente migratoire et la permanence de la verticalité des enjeux politiques, sociaux et
territoriaux. A Sebta, l’autonomie urbaine et démocratie territoriale n’ont qu’une valeur
matérielle et une symbolique : le pouvoir politique à outrance.

Le paysage politique de Sebta entre 2007 et 2019 permet de rendre compte d’une
situation instable caractérisant la gouvernance de cette ville. Bien que la droite reste
majoritaire pendant toute cette période. Ceci est attribué davantage à la situation militaire
particulière des enclaves dont la tendance est inspirée souvent des principes coloniaux de
l’extrême droite espagnole. Cependant, le déroulement des élections municipales montre bien
le dessous de la table. En effet, avec un taux d’abstention de 39.7 %, le parti populaire (PP)
remporte aisément les élections de 2007 avec 19 sièges et une majorité de 65 %. Le parti de
l’union démocratique de Ceuta (UDCE) n’obtient que 4 sièges pour 2 sièges en faveur du
parti socialiste espagnol (PSOE). En 2011, le taux d’abstention s’élève à 46 %. Le PP sort
majoritaire (65 %) mais avec un siège seulement. Il fait recourt au PSOE qui n’a pourtant pas

103
réussi à avoir aucun siège. Le PP revient en force dans les élections municipales de 2015 en
remportant 13 sièges sans pouvoir acquérir la majorité (45 %). Le taux d’abstention atteint
son maximum en 2015 avec un taux de 50.16%. Le PP va s’allier avec le parti Caballas crée
en 2011 par dissolution du Parti UDCE et coalition avec le parti socialiste de la population de
Sebta, pour entre-carrer le PSOE qui a remporté 4 sièges (14.4 %). En 2019, le taux
d’abstention reste autour de 43 % et c’est un nouveau parti de l’extrême droite, Vox, créé à
peine en 2013 qui va gouverner avec un siège seulement (35 %). Le PSOE et le PP vont dans
l’assemblée municipale avec des proportions respectives de 31 % et 29 %. Cet amalgame
politique est qualifié par la gauche espagnole comme étant une gouvernance de carriéristes et
d’incompétence responsables d’une gestion désastreuse pendant ces deux dernières décennies.

Au-delà les dérapages architecturaux, urbanistiques et socio-territoriaux, Sebta


présente des déficiences économiques. Les dépenses budgétaires de la ville autonome
dépassent les 293 millions d’Euros en 2019. Soit plus important que celles d’une ville comme
Cordoue, qui représente quatre fois la population de Sebta et 64 fois sa superficie. Une partie
importante de ces dépenses, soit près de 30 % va directement pour couvrir les dépenses du
personnel toutes formes confondues. A titre de comparaison, le budget du personnel de Sebta
représente 45 % du budget total d’une autre ville comme Pamplona qui se limite à 188
millions d’euros. Sebta, bien qu’elle constitue la troisième plus petite ville à l’échelle du
système urbain espagnol, elle occupe une position très élevée dans la classification budgétaire
des entités locales.

Cette situation s’explique dans le détail, par le budget alloué au personnel


gouvernemental et des gestionnaires de la ville. Il atteint 2.4 millions d’Euros en 2019 dont
1.3 millions vont directement aux éventuels nominés et collaborateurs des responsables
politiques. La budgétisation reste bien en deçà des actions d’aménagement et de planification
de la ville dont la superficie ne dépasse guère 20 Km². Une sorte de complaisance est
remarquée lorsqu’on compare les dépenses du personnel et les actions sur le terrain. La
complaisance économique et le prix à payer pour une autre complaisance cette fois
administrative et de gouvernance. Le Plan de Blein c’est « quarte rues » par rapport à d’autres
villes autonomes plus extensives, plus peuplées mais moins budgétisées. C’est le cas de
Murcie et d’Almeria à titre indicatif. Ce qui revient à dire que seulement treize capitales
provinciales d’Espagne, dépassent Sebta en termes de budget. Ce dernier rivalise Valladolid,
Granada, double Cadiz, triple Tolède et quintup le Cáceres.

104
La figure 38 montre bien les performances budgétaires de Sebta qui jouit à la fois
d’une production industrielle, touristique, de pêche et de négoce. L’évolution de son PIB pour
la dernière décennie montre des tendances plus équilibrées que celles de l’Espagne en termes
de courbe et d’infléchissement. Le PIB gravite autour de 19 et 20 millions d’Euros pour 23 à
25 millions d’Euros pour l’Espagne.
Fig. 38 Indicateurs économiques de Sebta relatifs aux dépenses et aux impôts, 2018 -2019

Sources : Ministère de Développement, Registre de 2018, INE, 2018, T2 ; Source - Budget de la ville autonome
de Ceuta

Cependant, il faut noter que le décalage entre le PIB national et celui de Sebta s’élève
d’une année à l’autre en faveur du PIB national. En effet, en 2004, le décalage fut de 13 %, en
2017, il est de 22 %. Ceci signifie bien qu’on est face à une société hétérogène, à un
développement différentiel et à une division de travail inégale entre riches et pauvres
s’accentuant avec le temps. La comparaison du PIB avec le budget municipal de Sebta fait
ressortir, sans doute, un état de sous déclaration des revenus notamment pour ceux qui
disposent de fortunes exclusives.

105
Pour Sebta comme pour Melïla, la rente financière disponible moyenne par déclarant
en 2019 est inférieure ou égale à celle de Madrid, la capitale politique de l’Espagne qui
représente quatre fois le poids démographique et trente fois la superficie de Sebta. Les taxes
indirectes et les impôts indirects, notamment sur les importations, constituent les éléments de
base de l’économie de Sebta. Aussi faut-il préciser que les dépenses de Sebta par hectare se
situent légèrement au-dessus de celles de Melïla et constituent presque les deux tiers de celle
d’une ville comme Barcelone. Plus encore, Sebta et Melïla constituent de véritable « cavernes
d’Ali Baba ». Elles se permettent de produire des dépenses par habitant de 3336 Euros et 3103
Euros respectivement pour Sebta et Melïla. Soit les dépenses les plus élevées à l’échelle de
toutes les provinces espagnoles. C'est-à-dire, près de deux fois les dépenses par habitant de
Barcelone ; 2.3 fois celles de Madrid. Plus de ressources, moins de territoires et de
populations équivalent plus de profits, plus de pouvoir politique et moins de négociations
sociales ou territoriales et moins de concertation même avec les autorités nationales
espagnoles. Autrement dit, l’autonomie urbaine de Sebta et Melïla n’est dans le fait, qu’une
façade hybride dont le pouvoir politique dépasse de loin le pouvoir législatif attribué à une
communauté autonome disposant d’une seule province. Son pouvoir de fait dépasse celui d’un
conseil municipal. Derrière la façade politique, se concentre donc, un pouvoir de police et de
militarisation d’une société centrale-acteur-producteur sur une autre société-usager mais
périphérique. Ce qui explique une certaine main levée des instances hiérarchiques supérieures
qui exercent sur les autres villes autonomes, complémentarité, assistance et contrôle
rigoureux. Pourquoi pas sur Sebta et Melïla ? Ceci remet en cause la légitimité d’une telle
gestion qui peut être joue, politiquement les cartes de l’immigration et de la frontiérisation
comme un outil de pression pour garder la main sur les ressources financières, contrôler la
contrebande et bénéficier des vertus financiers du frontex européen.

Sinon, comment expliquer l’inadéquation entre la rubrique dépense et la rubrique


revenue (fig. 38). Cette dernière se compose d’impôts indirects (essentiellement taxes
municipales), des transferts courants (fonds publics) et d’un passif financier (prêt). Les impôts
indirects ont produit 129 millions d’Euros pour l’année 2018. La composante quasi exclusive
des impôts indirects, c’est l’apport des importations (près de 70 %), consolidés par les
redevances des Tabacs (27.4 %) et des opérations intérieures (26 %). Ce sont là les
caractéristiques financières d’une ville offshore. Sebta étant une ville de rente financière, les
apports des combustibles et des constructions, installations et différents travaux ne dépassent

106
guère une contribution de 7 %. Cependant, il est à remarquer surtout ces deux dernières
années que les revenus ont tendance à la baisse surtout pour ce qui concerne l’apport des
activités commerciales. Certains partis politiques comme le mouvement pour la dignité et la
citoyenneté (MDyC) créé en 2014 à partir de la dissolution du parti Caballas, dénonce une
régression des revenus de l’ordre de 26 millions d’Euros, soit un recul de 12 % au niveau du
revenu global de la ville pour 2019, qui sera comblé par un prêt de 30 millions d’Euros.

La politique de lutte menée par le gouvernement marocain contre la contrebande en


vue de protéger l’économie nationale n’est sans doute pas à la marge de ce recul. De toute
façon l’opposition dénonce les sous-utilisassions des revenus dans l’amélioration des
conditions de vie et de logement à Sebta. Pour elle, la gestion politique est déficitaire
socialement, territorialement, au niveau des aménagements urbains et au niveau de l’équilibre
financier revenues-dépenses. Ceci est justifiable du moment où la ville, la plus élevée au
niveau des dépenses par habitant, constitue une poche de chômage élevé (30 %) et de
vulnérabilité sociale. Le nombre de chômeurs recensés en 2018 est de l’ordre de 11 900
individus. Soit un quart de la population en âge d’activité (20-59 ans) toute situation
confondue. Un tel chômage est considéré comme étant inapproprié vue les ressources
économiques générées par la ville.

A vrai dire, la courbe du chômage enregistre une moyenne de 26.4 % sur la période
2008-2018, passant ainsi de 15.6 % en 2008 à 37 % en 2012, puis 23 % en 2015 pour monter
de nouveau à 30 % en 2018. Ceci pour un taux d’activité moyen sur la même période de 57.3
% avec un taux d’emploi de 49.7 % (INE, 2018). En plus de l’instabilité du taux de chômage,
l’approche de la structure de l’emploi permet de dégager d’autres anomalies. En ce sens, 33 %
des employés relèvent de l’administration publique, soit un nombre de 9564 fonctionnaires. A
cela s’ajoute quelque 28600 salariés en 2018 dont 40 % relève du secteur public pour 60 %
pour le secteur privé (Ministère des Finances, 2018).

Il est anormal qu’une ville plate-forme de mondialisation financière sur les circuits du
commerce international portuaire au niveau du Détroit de Gibraltar, favorise timidement le
secteur et l’activité privés. La comparaison entre les indicateurs économiques et sociaux d’une
part, la considération de la courbe d’évolution du chômage au cours de la dernière décennie
d’autre part, témoigne de l’existence de poches de vulnérabilité, de pauvreté et de l’exclusion
sociale au sein de la société.

107
Fig. 39 Indicateurs sociaux de Sebta relatifs à l’année 2018

Sources : INE, 2018, T2

En 2017, Sebta enregistre un rapport de pauvreté-exclusion de 35.8 % pour 29.4 %


pour Melïla (AROPE, 2017). L’espérance de vie entre les deux enclaves se démarque aussi de
près de 11 points en faveur de Melïla qui enregistre 90.37 ans contre 79.38 ans pour Sebta.
Les deux sont respectivement loin derrière l’espérance de vie enregistrée pour la même année
à Madrid (84.55 ans). Encore une fois, il est évident que ni le budget municipal, ni les
dispenses de personnel administratif et temporaire par habitant n’expliquent une telle situation
sociale de vulnérabilité sociale à Sebta. Ce sont les fonctionnaires notamment espagnols qui
disposent d’un bon travail et d’une situation stable leur conférant le privilège de regarder
indifféremment les problèmes d’une population de souche marginalisée, surexploitée et en
chômage. A Sebta, il existe une corrélation entre décrocher un poste administratif et accéder à
une carte de positionnement politique. Tout l’intérêt est de se placer à la tête des unités
administratives. En ce sens, il convient de dire que le gonflement du staff administratif par un
personnel codifié « rubrique autre personnel» prouve bien que cette rubrique est un élément

108
résiduel dans la plupart des entités locales. Il représente à Sebta une proportion significative
de 19 % sur le budget total des dépenses du personnel. Ainsi, le développement de la ville, sa
dynamique, sa gestion au quotidien ne sont pas le fait d’un processus économique et social de
dynamique urbaine, mais le résultat d’une orientation et de gouvernance politique préétablie
et axée sur la discrimination sociale, le profit économique et le pouvoir absolu d’une minorité
qui gouverne verticalement sur une majorité usagère. Ce qui explique la montée politique de
la droite ses deux dernières décennies. Il est clair qu’il existe un rapport entre un service
public hypertrophié mais déficient sur le plan de gestion et la structure de l’administration qui
est déduite de ses budgets. Sebta donne ainsi l’image d’une ville riche mais, moderne et
cosmopolite dans la réalité, elle est incohérente socialement et territorialement. Les citoyens
n’ont pas tous les chances équitables face à l’accès au travail, au développement et à une vie
décente, comme en est le cas dans d’autres villes insulaires. L'accès au logement devient de
plus en plus difficile chaque jour, non seulement parce que de nouveaux logements ne sont
pas construits, mais surtout parce que la ville ne contrôle pas efficacement la planification
pour réaliser des logements protégés ou intervenir dans le prix du terrain et ainsi proposer des
alternatives de logement aux familles à revenus limités. Equilibrer la société n’est pas une
urgence dans l’agenda public du pouvoir local.

L’analyse de la situation d’accès au logement (fig.39), montre bien qu’on est face à
deux types de sociétés à Sebta, deux types d’économie. Ce parallélisme s’explique bien
évidement par la gestion déficitaire de la ville où l’intérêt des acteurs politiques prend le
dessus sur l’intérêt général de la société. En effet, si on prend en considération la période
2010-2017, on constate que la valeur immobilière totale des transactions par m² de Sebta est
légèrement élevée par rapport à celle de l’Espagne pendant toute cette période. Or, lorsqu’on
focalise en détail sur l’accès à l’immobilier individuel neuf, on se rend compte que pour la
période 2010-2018, la tendance va à l’encontre de la courbe des transitions immobilières
totales. En effet, depuis 2010 et jusqu’en 2018, l’accès libre au logement neuf enregistre une
courbe en régression générale. Si on met à part le goulot d’étranglement 2012-2014, on voit
que la boulimie des transactions immobilières totales 2015-2018 ne correspond pas à l’accès
libre aux logements neufs, puisque la courbe infléchie sérieusement pendant 2015-2018 pour
atteindre les niveaux les plus bas depuis 2010. Ceci signifie bien que Sebta se vend au niveau
des transactions mais sur un marché qui ne prend pas en considération la demande
résidentielle citoyenne. L’abus administratif, la non-considération de la Loi 9/2017 relative
aux contrats d'inspection des bâtiments réglementés, le contournement de la Loi 7/2013 sur la

109
réhabilitation, la régénération et la rénovation urbaines, la complaisance et le non-respect de
la réglementation des appels d’offres des projets, débite la gestion urbaine de toute crédibilité.
Les enchères politiques et électorales placées au-dessus de l’intérêt général de la ville, la
suppressions et/ou le contournement des projets de base, la main mise publique sur le secteur
privé, le paradigme des salaires élevés avec une faible pression fiscale, la pénurie d'options de
logement, politique d’urbanisme et de travaux publics déficitaires et une planification
transcende qui se comporte face aux besoins citoyens vitaux comme une simple procédure
administrative, sont autant de dysfonctionnements subits. Bref, Sebta dans l’impression d’une
ville sans norme locale ni cadre de référence étatique. L’enjeu géopolitique frontalier, l’intérêt
de la rente financière de l’enclave valent la chandelle. La ville s’inscrit dans un ordre
économique mondial, mais oublie d’introduire localement des critères de développement
durable et la rationalisation des ressources avec des mesures de contrôle pour rendre les
dépenses efficaces, le territoire plus homogène et une structure urbaine plus inclusive.

Dans l’état actuel des choses, le leadership politique, les ressources économiques et
humaines ne semblent pas être allouées intelligemment et stratégiquement. Pendant des
décennies, le gouvernement a essayé d’injecter d’importantes ressources financières pour
développer des politiques de régénération et de mise en valeur de la ville afin de dégager plus
de prévalues géostratégiques et économiques. Cependant, ses actions se sont limitées à des
réformes superficielles sans répercussions durables. Il en résulte que la ville offre,
aujourd’hui, une image contradictoire aussi bien sur le plan territorial que socio-économique.

4-L’enclave de Sebta face à l’enjeu géopolitique frontalier

Le choix de fermer la frontière de Bab Sebta et celle Melïla face à la contrebande ne


fut pas un choix facile. Le Maroc est affronté à deux scénarios. Le premier consiste à tolérer
la contrebande et laisser s’écouler ses produits (Produits alimentaires, articles manufacturés,
Tabac, matériel électroniques, pièces de rechange…) et perdre en retour des emplois pour un
Maroc émergent, capteurs d’investissements et donc subir de plein fouet le retour négatif sur
l’économie marocaine en termes de production et d’importation. La deuxième, c’est la
fermeture, du côté marocain, des passages par lesquels transitent les produits de la
contrebande. Dans un scénario comme dans un autre, l’impact est très ressenti du moment où
la valeur annuelle de la contrebande à partir des deux enclaves est estimée à quelque 10

110
milliards de DH19 . En plus l’impact sera de lourdes conséquences aussi bien pour les firmes,
le lobbying de la contrebande et les entreprises espagnoles comme sur le réseau commercial,
dans toutes les villes et campagnes marocaines ayant développé des réseaux commerciaux, de
financement de la contrebande et les réseaux d’intermédiaires jusqu’aux colporteurs. Tétouan,
Tanger, Ksar El Kébir et par extension une large zone d’écoulement.

4-1-Pour le Maroc, il s’agit d’une stratégie de construction de système économique territoriale

Bien évidement, les temps ont changé, le Maroc a préparé d’abord une structure de
production industrielle et logistique dans le nord du Maroc. Il a, ensuite, modernisé ses
entreprises dans le cadre d’une économie émergente basée sur la performance, La
mobilisation financière interne et l’attraction des IDE. La mise en place et la rentabilisation
des plateformes logistiques de Tanger Med (I,II,III) comme celle de Nador West Med (Beni
Nsar) et Al Hoceima Manarat Al Moutouassit , ainsi que l’augmentation du trafic dans les
aéroports d’Ibn Batouta (Tanger), de Béni Ensar (Nador) et Charif Al-Idrissi (Al Hoceima),
ont permis de contribuer à la création d’emplois et à la consolidation des activités d’import-
export et même de transbordement. Bref tous les paramètres en mesure de soutenir une
économie régionale capable de se substituer à l’activité de la contrebande. C’es la raison pour
laquelle, il a choisi de fermer progressivement20 la frontière à la contrebande en parfaite
connaissance du revers de la médaille qu’il est tenu de gérer progressivement.

Bien évidemment, la décision de la fermeture s’insère dans un processus de


restructuration de l’économie et de la société marocaine depuis l’avènement du roi Mohamed
VI et la politique du redéploiement territorial dont le nord du Maroc constitue une pièce
maîtresse du système socio-économique et géostratégique. Malgré l’incident important, voire

19 6 à 8 milliards de DH selon le Directeur Général de l'administration des douanes de Bab Sebta


20 Le Maroc sait pertinemment que l’impact de la lutte contre la contrebande sera bénéfique sur l’économie
nationale à moyen et long-terme et non dans l’immédiat. C’est pourquoi il a commencé d’abord à recenser et à
autoriser la population vulnérable. Avec la fermeture complète, il envisage de commencer par mettre en place
un programme de soutien aux femmes porteuses , puis de faire participer la société civile dans l’effort de
solutionner l’impact social négatif sur les familles vulnérables notamment celles des 4.000 femmes colporteuses
au bas de l’échelle de la contrebande. L’installation des entreprises (PME) dans la région ainsi que le
développement des projets AGR par l’INDH sont aussi des solutions envisageables. Il est nécessaire également
de mener une réflexion sérieuse pour disposer d’un plan de substitution car les enjeux relatifs à la fermeture de la
frontière face à la contrebande, ne sont pas uniquement le fait de femmes colporteuses c’est la destinée d’une
ville commerciale de 77.057 habitants (Fnideq) sans parler de Mdiq touristique (56.130 habitants), des
restaurateurs, des magasins, des chauffeurs de taxis qui, du jour au lendemain, se sont trouvés dans une impasse.

111
insoluble, de la question de décès des deux femmes colporteuses, Ce n’est pas, comme il est
communément véhiculé, la raison principale de la décision de la fermeture. D’ailleurs, l’étude
lancée, en 2018, par l’Agence régionale d’exécution des projets (AREP) de la région de
Tanger-Tétouan Al Hoceima sur la contrebande à partir de Bab Sebta, n’avait pas pour finalité
d’étudier la réorganisation du système de circuits de la contrebande. Le but ne fut pas
d’injecter près de deux millions de DH dans une étude pour apporter atteinte à l’économie
nationale mais d’en connaître le fonctionnement, les leadeurships, l’apport financier pour une
substitution éventuelle avant de rendre étanche toute opération de contrebande.

Un autre facteur de dépassement aussi important que l’impact financier, fiscal,


économique et sécuritaire aussi, derrière la décision de la fermeture de la frontière, c’est
l’impact sanitaire. Certain lobbying de la contrebande des deux côtés de la frontière, s’est
spécialisé dans le trafic des produits alimentaires dont les dates de péremption et même
l’étiquetage et la traçabilité sont falsifiés à une grande échelle. En faisant jouer sur le
rabattement des prix à l’achat, le lobbying arrive à écouler la marchandise périmée ou tirés
des rayons des grandes surfaces européennes avec une marge très réduite de validité. En
bradant les prix à 20 ou 30 %, il arrive à trouver toujours une clientèle. Ceci sans parler des
chaines de froid rompues pour les produits laitiers, le traitement industriel de préservation de
certains produits alimentaires ou laitiers traités par la graisse indiquée animale dans la
traçabilité des étiquetages et écouler pour une population musulmane sans préciser qu’il s’agit
en faite de la graisse du porc qui revient moins chère dans le processus de traitement et de
conservation que l’huile de table.

4-2-Pour les Espagnols, Il s’agit d’une manœuvre de pression politique

Cette décision a été mal réceptionnée par les autorités locales des enclaves. Pour elles,
le Maroc a choisi d’étouffer les enclaves (El Confidencial du 2 décembre 2019). Au début, la
réaction prenait un caractère de recul officiel, accompagné de surenchère politique indiscrète.
Les autorités locales espagnoles s’attendaient à des mobilisations de masse du côté marocain
qui allaient obliger la douane marocaine à rouvrir les passages 21 à la frontière (Media 21,
2019). Progressivement, les autorités de Sebta ripostent par le refus d’accès aux tétouanais,
qui en vertu des accords, peuvent entrer à Sebta sans visa Schengen. Ils ont révisé
excessivement à la hausse, les prix des transports maritimes Algésiras-Sebta lors de la

21 Rappelons qu’il s’agit d’un volume de 20.000 de passages par jour en période de pointe.

112
campagne Marhaba notamment pour les vacanciers migratoires marocains 22 . Elles dénoncent
la décision de la fermeture comme étant unilatérale. De même, elles confirment une baisse de
80 % des ventes qui touche le corps de l’entrepreneuriat de Sebta et le système du transport
frontalier. Les maires des deux esclaves entament une série de rencontres pour pouvoir définir
des mesures adéquates pour faire face à la situation. En plein concertation politique entre les
enclaves et Madrid, les responsables locaux affichent déjà des mesures pour répondre avec
force à la fermeture qu’ils considèrent comme une pression de la part du Maroc sur l’enclave
et sur ses citoyens. Ils ne le déclarent pas, mais il est évident qu’ils conçoivent la fermeture
comme étant un acte délibéré de pression, qu’ils ne cessent de le contourner dans le sens
d’une revendication territoriale sous prétexte de la lutte contre la contrebande. C’est pourquoi,
ils essayent d'établir « un axe stratégique où chaque ville présente ses lignes d'action pour
développer une ligne stratégique commune aux deux enclaves (…), g arantir que la durabilité
et l'avenir de Ceuta et Melilla ne dépendent pas de décisions qui peuvent être prises de l'autre
côté de la frontière, nous devons donc parier sur un avenir plus solide et stable (…). Nous
utiliserons des mesures ambitieuses dans tous les domaines où elles peuvent être affectées et
certains d'entre nous ne pensent pas que nous devons consulter le gouvernement de la Nation,
mais qu'elles pourraient être appliquées directement depuis la ville » (Porte parole du
gouvernement de Sebta, 2020).

Pour le gouvernement local de Sebta, il s’agit d’une situation critique qui nécessite des
mesures drastiques englobant non seulement, la question frontalière mais aussi le dossier de la
pêche, le régime des voyageurs et le regroupement des mineurs. Le parti au pouvoir à Sebta
pour le mandat 2019-2023, à savoir Vox n’hésita pas à exploiter le confinement lié à COVID
19 et la fermeture légitime des frontières marocaines à l’instar de nombreux pays européens y
compris l’Espagne pour crier haut et fort que le Maroc a bloqué Sebta et Melila terre, mer et
air. Il va jusqu’à menacer de retirer les avantages accordés par le système sanitaire public
espagnol aux Marocains se trouvant dans une situation irrégulière sur le sol espagnol. Ceci, à
un moment où le système sanitaire en question, commence à s’effondrer avec l’expansion de
la pandémie.

22 Précisonsque la question des transports maritimes est sérieuse. C’est une carte importante aux mains des
Espagnols en raison de leurs ports d’embarquement et de la flotte dont ils disposent. Il convient de la prendre en
considération dans les négociations bilatérales.

113
La réaction à l’impulsion contre la décision marocaine de fermer les frontières de Bab
Sebta et de Melïla contre le trafic de la contrebande, déclencha un débat politique au sein des
enclaves elles-mêmes. Les mesures que la coalition gouvernementale locale de Sebta et
Melîla (Sommet du 9 février 2011) envisage de prendre avec la bénédiction où non des
autorités nationales espagnoles, suscitent les critiques des partis comme le CpM de Melïla qui
voient dans les mesures d’expansion et de consolidation du quota de primes de sécurité
sociale ou encore la réalisation d'un traitement spécifique dans l'Union européenne basé sur le
caractère d'une ville frontalière, une offense envers les habitants de Melilla, notamment, ceux
laisser pour compte ( corniche nord de Melïla). Il considère également que « l’incident » de la
fermeture des frontières est entrain d’être exploitée politiquement pour des avantages
économiques du lobbying politique. C’est pourquoi, il dénonce aussi la mesure concernant
l'intention de constituer une table pour une éventuelle intégration dans l'union douanière
Sebta-Melïla. Pour ce parti, de telles mesures ne peuvent amener ni durabilité économique ni
stabilité sociale. Il est clair que l’exécutif local de Sebta et Melïla, manque d’actions de
concertation préalable à l’ensemble des mesures préconisées. Ce même exécutif mène deux
discours opposés : d’une part, il affirme sa volonté de réagir séance tenant contre l’offensive
marocaine, avec énergie validation nationale accordée ou non ; d’autre part, il affiche de se
soumettre aux forces économiques, sociales et politiques pour rechercher le plus grand
consensus possible.

A vrai dire, la réaction tonifiée de l’exécutif local des enclaves, s’inscrit dans un autre
ordre géopolitique encore non affiché : pour l’Espagne, il s’agit de manœuvres géopolitiques
d’un Maroc devenu politiquement géostratégique, un concurrent économique qui projette un
plan pour récupérer Sebta et Melïla dont il a toujours affirmé leur marocanité. C’est pourquoi le
Maroc n’a jamais voulu ouvrir une douane commerciale pour qu'il puisse légalement exporter
à partir de Sebta car une telle initiative aurait été symboliquement interprétée comme
reconnaissance de droit accordée aux espagnols sur Sebta. Ainsi, la fermeture du colportage
frontalier n’est que le début (Herrera, 2020). Le Maroc est en mesure d’offrir de la croissance
économique23 ; alors que Sebta et Melïla, restent des lieux de création de richesses pour un
occupant qui les a confinées dans un rôle de districts militaires et comme des lieux d’inégalités

23 Soulignons aussi que le Maroc est en train de devenir aussi, une force milit aire dans le nord africain.
L’acquisition, ces dernières années, du matériel militaire confirme le nouveau positionnement stratégique d’un
Maroc est pro-européen (France, Grande-Bretagne), il est aussi pro-américain en termes d’investissement, de
stratégie militaire autour du contrôle du Détroit de Gibraltar et en termes de lutte contre le terrorisme
international, plus particulièrement en Afrique où il est en train de devenir une puissance financière et un
partenaire/concurrent économique incontournable.

114
sociales enveloppés dans un statut d’autonomie stérile. Pour l’exécutif local de Sebta et de
Melïla, il s’agit donc du début de la fin d’un processus de la récupération territoriale et de ses
droits historiques. La mobilisation importante que le Maroc a su réaliser autour de la question
du Sahara marocain à l’échelle de l’Afrique, les partenaires puissants qu’il a pu allier par la
diplomatie marocaine au sein du Conseil de l’ONU24 active le processus d’intégration territoriale
marocaine. Pour cet exécutif, Sebta et Melïla est une question du temps seulement.

24 Le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, l’espagnol Josep
Borrell, a déclaré récemment, qu'il craignait que les États -Unis donnent son approbation à un Sahara marocain au
Conseil de l'ONU.

115
116

You might also like