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Introduction 

: En septembre 2015, L’affaire Martin Shkreli, ancien PDG du laboratoire Turing


(gestionnaire d’un fond d’investissement spéculatif) a suscité une vague d'indignation. Pour
avoir augmenté le prix du médicament Daraprim traitant la toxoplasmose et le sida de
5000% après en avoir racheté les droits, il est surnommé « l’homme le plus détesté des
Etats-Unis ». Le médicament passe de 13,50 dollars à 750 dollars et illustre la cassure d’un
système du à la financiarisation croissante du domaine du médicament.
Plus riche et puissante que jamais grâce à ses réseaux d’influence, l’industrie
pharmaceutique peut à elle seule décider des politiques de santé des gouvernements. Le
paysage de l’industrie pharmaceutique transformé depuis 10 ans, presque tout est
maintenant aux mains d’une poignée d’entreprises que l’on appelle « Big Pharma » dont les
deux américaines Pfizer et Johnson&Johnson, les deux suisses Roche et Novartis et la
française Sanofi. Immorale mais complètement légale, cette affaire devient l’incarnation des
dérives de l’industrie pharmaceutique et de son cynisme par les abus qui menacent les
citoyens.
Nous nous demanderons donc quels sont les dangers pour les citoyens de la toute-puissance
de l’industrie pharmaceutique dans les pays développés ?
Nous verrons d’abord les dangers de la recherche du profit sur la santé des populations et
nous intéresserons ensuite à la montée des prix qui rend les médicaments de moins en
moins accessibles.

Partie 1 : La recherche de profit de l’industrie pharmaceutique représente un danger pour la santé
des populations.

La prise d’importance des industries pharmaceutiques leur permet une influence


grandissante sur les gouvernements, et donc par ruissellement sur les citoyens. Il ne semble
cependant peut-être pas idéal de confier le bien-être médical d’une population à une
entreprise dont le but principal est de faire du profit. La première raison est que certaines
entreprises peuvent être tentées de cacher des effets secondaires de leurs produits pour
accélérer leur mise sur le marché et en augmenter les ventes.
De multiples scandales ont déjà vu le jour au sujet de cette industrie d’information sur les
médicaments qui met en danger les consommateurs. On peut prendre l’exemple de la vague
d’addiction aux opioïdes (médicament OxyContin) qui a touché les Etats-Unis dans les
années 2010 et dont on perçoit encore les conséquences aujourd’hui. La molécule utilisée
dans cet antidouleur s’apparente à celle de drogues très addictives comme l’héroïne, mais
les laboratoires producteurs ont sciemment caché les risques d’addiction aux
consommateurs. De plus, certains médecins étaient payés par les entreprises pour favoriser
la prescription de ce médicament en particulier. L’addiction aux opioïdes a causé la mort par
crise cardiaque de près de 300 000 personnes en vingt ans aux Etats-Unis, dont 72 000 pour
la seule année 2017.
La France a également été victime de scandales impliquant l’asymétrie d’information entre
les entreprises pharmaceutiques et les gouvernements. On peut parler du médicament
Dépakine traitant l’épilepsie commercialisé dans les années 70 par le laboratoire Sanofi et
présentant un grave danger pour l’enfant à naître si pris pendant la grossesse. On estime
que des retards de développement concerneraient 30 à 40% des enfants victimes de la
Dépakine et que 10% présenteraient des malformations physiques graves. Or, si le lien entre
ce médicament a été prouvé récemment, à la fin des années 2010, il s’avère que le
laboratoire détenait déjà l’information en 2003 dans l’un de ses rapports d’essai clinique et
l’a sciemment occulté. Ils refusent aujourd’hui de reconnaître leur responsabilité et
d’indemniser les victimes.
Autre problème dû à la prise d’importance de l’industrie pharmaceutique : la pharmacisation
croissante de la vie quotidienne dans les pays développés. Tous les pays riches sont de gros
consommateurs de médicaments, à l’instar des Etats-Unis qui connaissent un fléchissement
général de leur courbe d’espérance de vie et dépensent une part croissante de leur PIB dans
le domaine de la santé (20%). Les entreprises s’achètent les services de leaders d’opinions
ou de médecins éminents pour qu’ils donnent des conférences dans les congrès importants
de la médecine et ainsi promouvoir l’utilisation d’un nouveau médicament produit dans leur
laboratoire auprès des autres médecins. Auprès du grand public, cela crée une
médicalisation des étapes obligées de la vie : ainsi, la ménopause est présentée comme une
« maladie » affectant irrémédiablement la féminité et certains traits comme la timidité sont
présentés comme des troubles à éradiquer par la prise de médicament. On appelle ces
médicaments des « lifestyle drugs », produits qualité de vie qui ne soignent pas de
pathologies mais entretiennent la santé en plaçant le consommateur sous perfusion
continue et mène même à des addictions.
Or, lorsque l’on comprend que les autorités de régulation du médicament en Europe autant
qu’aux Etats-Unis ne sont pas celles qui réalisent les tests des nouveaux médicaments mais
qu’ils se basent sur les travaux et essais cliniques des entreprises pour autoriser la mise en
circulation d’un médicament, on saisit un paradoxe. De plus, la FDA, aux Etats-Unis n'a pas
autorité pour exiger le retrait d'un médicament du marché ; elle ne peut qu'inviter
l’entreprise concernée à retirer volontairement le produit incriminé du marché. Le problème
touche aussi l’Europe puisqu’on estime que seulement 20% des financements de l’Agence
européenne du médicament qui prend les décisions (ce n’est plus aux états de légaliser et
diffuser un médicament) viendraient de l’Europe. Les 80% restants viennent de l’industrie
pharmaceutique qui demande l’autorisation pour leur médicament et en payent le droit. Ce
n'est donc pas forcément sûr que le médicament ait une véritable valeur ajoutée.

Partie 2 : Les prix imposés par l’industrie pharmaceutique rendent les médicaments de moins
accessibles aux patients

Le second problème qui se pose à la prise de puissance des industries pharmaceutiques sur
les états est qu’elle peut empêcher l’accès à des ressources indispensables à la vie au
meilleur prix aux citoyens les plus démunis. On peut par exemple citer la différence flagrante
du prix des médicaments et des ressources médicales entre la France et les Etats-Unis due à
une absence de tarification universelle outre-Atlantique, qui fait varier le prix d’un
établissement à un autre selon l’offre et la demande. Le manque d’accessibilité des
médicaments à toutes les catégories de population s’explique aussi par l’absence d’une
sécurité sociale les remboursant outre-Atlantique. De plus, la plupart des établissements
médicaux américains appartiennent à des entreprises privées qui décident des prix en
fonction des lois du marché, sans restriction importante de la part du gouvernement.
Mais si aucun bon traitement ne peut se faire sans l’aide de l’industrie pharmaceutique pour
faciliter la production et les essais cliniques, les prix actuels sont absolument indéfendables
puisque les entreprises se dégagent une part de profit toujours plus importante. Le principal
souci de l’industrie pharmaceutique est aujourd’hui la rentabilité. Les entreprises financent
la recherche pour à terme trouver un « blockbuster », un médicament censé rapporter plus
de 1 milliards de dollars par an, preuve que ce n’est plus guérir une maladie qui motive.
On peut prendre l’exemple du Sovaldi, un médicament du laboratoire Gilead contre
l’hépatite C, le premier médicament permettant l’éradication totale du virus et donc de la
maladie. Mais Gilead n’a pas participé aux recherches pour découvrir le médicament, il a
racheté le laboratoire afin de s’approprier le brevet. Le Sovaldi été vendu à partir de 2014 à
un prix exorbitant : alors que son coût de production représentait moins de 100 dollars par
an et par personne, il coûtait près de 84 000 dollars. Les Big Pharma se concentrent sur les
maladies les plus graves qui n’affectent pas tant de gens, mais où il est question de vie ou de
mort, et où ils peuvent facturer comme il le veulent puisqu’il s’agit d’un bien essentiel. Les
ventes de Gilead se sont élevées à 32,5 milliards de dollars dont 55% de pur profit.
Autre exemple, celui du médicament Avastin soignant le cancer le colon, et commercialisé
par le laboratoire Roche, mais dont la molécule a également été prouvée efficace pour
soigner la DMLA. Le médicament n’étant pas très cher en tant qu’Avastin, les médecins
l’utilisaient également pour cela. Mais le laboratoire s’en étant rendu compte, il décide de
créer un médicament spécialisé pour la DMLA, basé sur la même molécule mais dosé dans
des seringues spécialisés pour un usage oculaire, appelé Lucentis. Seule différence, le
Lucentis coûte 33 fois plus cher que l’Avastin : 35 euros contre 1167 euros. Le laboratoire a
réalisé une véritable cartographie des médecins utilisant l’Avastin pour la DMLA au lieu du
Lucentis et leur diffusait de fausses allégeances sur les dangers potentiels de l’Avastin dans le
traitement de la DMLA alors qu’il s’agissait de la même molécule, mais simplement pour
booster les profits. L’entreprise a finalement été condamnée à 445 millions d’amende pour
abus.

Conclusion : L’industrie pharmaceutique, dont les géants Big Pharma, sont indispensables à
la création d’un nouveau médicament car ils assument les frais de production et de
recherche, qui reviendrait très cher dans le budget d’un état. Ils sont cependant
responsables de beaucoup d’abus. La loi de l’offre et de la demande non régulée entraîne
par exemple une flambée incontrôlable des prix des médicaments qui affecte grandement
les citoyens incapables d’y accéder, aux Etats-Unis notamment. Mais cela pourrait aussi
menacer la pérennité du système de la sécurité sociale, qui avec une consommation
croissante de médicament doit assumer des coûts de plus en plus importants chaque année.
De plus, les asymétries d’information entre les entreprises, les autorités de régulation, les
médecins et les citoyens deviennent un problème de santé publique lorsqu’elles sont
responsables d’effets secondaires graves sur la vie des patients, voire même de décès. Mais
le rôle décroissant que représentent les états dans la recherche affaiblit aussi l’autorité du
secteur public qui n’a plus les moyens de définir les politiques de santé, de contrôler ou
d’orienter les pratiques, elles ne remplissent plus qu’un rôle de mise en œuvre.

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