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Le Passé

d'après Léonid Andréïev


mise en scène
Julien Gosselin

Dossier
d’accompagnement
Le Passé

d'aprés Léonid Andréïev 2 - 19 décembre 2021


Odéon 6e
adaptation et mise en scène durée 4h30
2h15 / entracte / 1h45
Julien Gosselin
spectacle deconseillé aux
compagnie Si vous pouviez lécher mon coeur moins de 15 ans

créé le 10 septembre 2021 au Théâtre


avec régie générale (création) 
national de Strasbourg
Guillaume Bachelé Léo Thévenon
production
Joseph Drouet régie générale (tournée)  Si vous pouvez lécher mon couer
Denis Eyriey Simon Haratyk, Guillaume
Carine Goron Lepert coproduction Odéon-Théâtre de
Victoria Quesnel régie plateau  l’Europe, Festival d’Automne à Paris,
Achille Reggiani David Ferré Théâtre national de Strasbourg, Le
Maxence Vandevelde régie lumière  Phénix – scène nationale Valenciennes
Zélie Champeau pôle européen de création, Théâtre du
traduction  régie son  Nord – centre dramatique national Lille
André Markowicz Hugo Hamman, Jules Lotscher Tourcoing région Hauts-de-France,
dramaturgie  régie vidéo  Célestins – Théâtre de Lyon, Théâtre
Eddy d’Aranjo Céline Baril, David national populaire de Villeurbanne,
scénographie  Dubost, Baudouin Rencurel L’empreinte –scène nationale Brive-
Tulle, Château Rouge – scène
Lisetta Buccellato régie costumes 
conventionnée à Annemasse, Maison
musique  Florence Tavernier
de la culture d’Amiens, Comédie
Guillaume Bachelé stagiaires techniques 
de Genève, Festival de Wiesbaden,
Maxence Vandevelde Pierrick Guillou La Passerelle – scène nationale de
lumière  Audrey Meunier  Saint-Brieuc, Scène nationale d’Albi,
Nicolas Joubert Romaeuropa
vidéo  administration, production,diffusion 
Jérémie Bernaert, Pierre Martin Eugénie Tesson avec l’aide du ministère de la Culture
son organisation de tournée, actions avec la participation artistique du
Julien Feryn  culturelles  Jeune théâtre national
costumes  Élise Yacoub avec le soutien de Montévidéo –
Caroline Tavernier administration  centre d’art, du T2G – Théâtre de
Valérie Simonneau Olivier Poujol Gennevilliers
accessoires  direction technique 
Guillaume Lepert Nicolas Ahssaine Si vous pouviez lécher mon cœur est
soutenu par le ministère de la Culture
masques 
– Direction régionale des affaires
Lisetta Buccellato construction du décor et toile peinte 
culturelles Hauts-de-France, la région
Salomé Vandendriessche Ateliers Devineau
Hauts-de-France et la ville de Calais.
assistant à la mise en scène  La compagnie bénéficie du soutien de
Antoine Hespel et l'équipe technique de l’Institut français pour ses tournées à
l'Odéon-Théâtre de l'Europe l’étranger
avec le Festival d’Automne à Paris
Sommaire
Introduction

Entretien avec Julien Gosselin, 


« le théâtre doit entretenir un rapport à l’inconnu »

Abécédaire

- Autoanéantissement
- Cinéma/théâtre
- Spectateurs
- Trop
- Vérité
- Vocation

Repères biographiques
Léonid Andreïev
Julien Gosselin

Odéon-Théâtre de l’Europe
Le Passé
Introduction
Le théâtre ne se conjugue-t-il qu’au présent ? Julien distance de lui-même, voici que Gosselin le tourne vers
Gosselin lui préfère le futur antérieur. Ce n’est pas par le passé. Il y a découvert un auteur pour qui le théâtre
hasard qu’avec la compagnie Si vous pouviez lécher est le lieu réservé non aux vivants mais aux revenants, où
mon cœur, il s’est fait connaître par une adaptation notre propre vie fait silence pour “voir les morts vivre à
des Particules élémentaires, de Michel Houellebecq, nouveau” : Léonid Andréïev. “Ses phrases”, dit Gosselin,
suivie de travaux sur l’écriture romanesque de Roberto “vous creusent un trou dans le cœur”. Ses textes, son
Bolaño et Don DeLillo, présentés à l’Odéon en 2014, théâtre, interrogent un désir obsédant, celui de vivre
2016 et 2018. Un peu à la manière de Treplev dans La en excédant les limites de l’existence. Entre la mort
Mouette de Tchekhov, il porte en lui une utopie de Tchekhov et le premier conflit mondial, la célébrité
particulière : celle d’une scène qui viendrait nous parler d’Andréïev fut immense. Vint 1914, puis 1917, et il fut
du fond de l’avenir, longtemps après la disparition de oublié. Sa voix n’était pas de celles qui s’accordent
l’humanité. Moins pour nous interpeller que pour nous avec quelque régime que ce soit. Pour la faire entendre,
faire sentir combien notre époque est d’emblée traversée Gosselin s’est attaché à transformer son propre langage
par ce qui adviendra. La modernité porte déjà le souvenir artistique : accueillir le passé, c’est aussi laisser revenir
de son propre deuil… Ce regard qui tient notre temps à son théâtre, jouer avec la nostalgie des signes d’autrefois.

Fraternité, conte fantastique © Jean-Louis Fernandez

© Simon Gosselin

Odéon-Théâtre de l’Europe
Le Passé
« Le théâtre doit entretenir un rapport à l’inconnu »
Entretien avec Julien Gosselin

Après Michel Houellebecq en 2014, Roberto d’établir un parallèle entre la monstration d’un texte
Bolaño en 2016 et Don DeLillo en 2018, vous théâtral du passé et la fin de l’humanité. Comme si
revenez au Théâtre de l’Odéon avec un montage on pouvait placer sur le même plan le fait de regarder
de textes d’un auteur russe du début du XXe cent ans après des personnages, des costumes et
siècle, Léonid Andreïev. Pour la première fois, vous des habitudes de mouvoir sur un plateau, et le fait de
vous tournez vers un auteur du passé et vers un regarder notre humanité contemporaine depuis le point
auteur dramatique : à quoi cette double rupture de vue de quelqu’un qui vivra dans cent ans. Quand on a
correspond-elle ? monté Michel Houellebecq, la narration était au passé :
« Voilà, il y avait à ce moment-là, à la fin du XXe siècle,
En montant des auteurs immédiatement contemporains, des êtres humains qui vivaient de cette manière-là. » Et
j’ai eu la sensation de créer des spectacles en rupture pendant quatre heures on regardait ces êtres humains
avec ce que je pouvais voir habituellement au théâtre. Il se mouvoir, aimer, échouer. Au fond, dans Le Passé, je
me semblait que planait une sorte d’impensé ou de non- reproduis exactement la même chose mais avec une
dit : pour le public, le théâtre était non pas l’endroit du forme théâtrale ancienne.
présent, mais du passé. Par exemple, lors des tournées, Le choix de la forme dramatique est lié au même
les salles sont fréquemment remplies de très jeunes questionnement. Je me suis rendu compte que je
gens, lycéens ou étudiants. Ces jeunes gens forment montais des romans non pas parce qu’ils constituaient
le public le plus réactionnaire, parce que quand ils le parangon de la forme littéraire contemporaine,
viennent au théâtre, ils s’attendent à trouver un rideau mais parce qu’ils étaient écrits au passé. Même si les
rouge, une rampe de bougies et de beaux costumes. personnages pouvaient agir au présent devant nous, les
Ils sont même souvent déçus de s’apercevoir que le histoires étaient racontées comme si les gens qui les
théâtre, ce n’est pas ça. Cela m’a conduit à m’interroger habitaient avaient déjà disparu. Cela annulait en quelque
sur notre rapport collectif au théâtre : on a évidemment sorte la qualité de présent au plateau. Dans Le Passé,
envie de formes contemporaines, on sait que le théâtre je monte un texte dramatique sans narration, pleinement
est un art qui peut être à la pointe de la recherche en au présent, mais dont on sait que les personnages ont
art contemporain, mais il s’y trouve quelque chose qui disparus. C’est presque l’inverse, mais au fond cela agit
ramène de manière constante au passé. selon le même principe.
Le grand point de départ du spectacle vient d’une
réflexion sur la mise en scène des classiques. On En quoi est-ce différent de travailler un texte
dit souvent de Shakespeare qu’il est l’auteur le plus romanesque et un texte dramatique ?
contemporain qui soit. En réaction à cela, je me suis
raconté que ce qui m’attirait chez les classiques, c’était Quand je monte un roman, je finis souvent par vouloir
une forme d’inconnu et non pas de connu. Au fond, je ne le faire entendre au niveau du langage, et la question
suis pas sûr qu’on monte Tchekhov pour montrer que les du jeu des comédiens passe au second plan. Chez
gens de la fin du XIXe et du début du XXe siècle étaient Houellebecq, les dialogues sont écrits à peu près de
les mêmes que nous, mais parce qu’on sent que, d’une la même manière que la narration ; chez DeLillo, la
certaine façon, ils sont différents de nous. Ils parlent narration et le dialogue forment une sorte de masse
des langues que nous ne parlons plus ; ils s’habillent, générale qui participent d’une réflexion sur le langage.
chantent, dansent, et agissent selon des valeurs morales Chez Andreïev, la grosse différence, c’est que tout
qui, de manière parfois minimale, sont différentes des passe par l’incarnation. D’un point de vue littéraire, très
nôtres. peu de dialogues ont un intérêt en tant que tels. Ce qui
Le théâtre classique est peut-être autant là pour a un intérêt, c’est ce qui se cache sous le dialogue, le
rendre sensible une proximité qu’un décalage entre le rapport psychologique qu’il va permettre à l’acteur de
spectateur contemporain et le temps de l’écriture du jouer. Pour la première fois, le cœur du spectacle a été
texte. Dans Le Passé, c’est ce décalage que j’ai voulu l’incarnation, et j’ai vraiment collaboré avec les acteurs
explorer. Non pas monter un texte classique pour en sur la recherche de rôles, de personnages. Alors que
faire résonner les aspects contemporains, mais pour j’étais assez réticent auparavant, ça a été une grande
montrer que c’est une littérature qui, d’une certaine découverte. Je me suis rendu compte du plaisir que
manière, est morte. prenaient de manière générale les metteurs en scène à
Par ailleurs, j’avais la sensation qu’il était possible monter du théâtre.

Odéon-Théâtre de l’Europe
Le Passé
Le texte qui constitue la trame du spectacle, Cette femme fait des choses bizarres qui la mettent
Ekaterina Ivanovna, se caractérise par une constamment en dehors de la société dans laquelle
certaine démesure, une forme d’excès — ce texte elle vit. On est dans une extrême étrangeté, un monde
qui parle de la folie est lui-même un peu fou. absolument irrationnel. J’ai toujours eu tendance
Qu’est-ce qui vous a intéressé dans cette pièce, et à monter des écrivains qui sont dans un rapport
chez Andreïev en général ? contrarié à la question de l’existence de Dieu. Andreïev
s’intéresse très peu aux questions mystiques, mais il
Deux grandes qualités en particulier m’ont attiré. D’abord, va bien au-delà d’une représentation banale du réel.
c’est un texte extrêmement radical et effectivement Il va chercher dans des zones inconnues. L’un des
complètement malade — au sens strict ! Il est gênant, défauts qu’on a tous au théâtre, moi le premier, c’est
problématique, difficile à représenter, et en même qu’on a tendance à montrer des choses qui sont
temps peuplé de personnages qui sont extrêmement bien moins folles que ce qui se passe dans le monde
intéressants à incarner pour les acteurs. La deuxième réel, pour créer une situation où les gens puissent
grande qualité — et ça c’est une chose qui est présente se sentir concernés. On amenuise tout, on rend les
à l’intérieur de quasiment toute son œuvre et que j’aime rapports cohérents, alors qu’en fait on se rend bien
beaucoup —, c’est que Léonid Andreïev est un auteur compte qu’une discussion dans la vie, si on devait la
dont les objets ne sont ni parfaits ni polis, au sens d’une retranscrire, n’aurait rien de cohérent. Les rapports entre
pierre polie. Ce sont des objets rugueux, qui laissent la les êtres humains passent par des gestes, des silences,
place à des moments un peu ratés. On sent bien que, des façons de se mouvoir qui sont complètement en
d’une certaine manière, les œuvres en elles-mêmes dehors de toute cohérence. Je crois que la réussite de
échouent. Et ça, ça me bouleverse. Je suis de moins en ce texte et de ce personnage tient dans le fait qu’ils sont
moins intéressé, y compris en tant que spectateur, par presque aussi fous que le monde réel.
les objets théâtraux qui agissent comme des machines
absolument lisses, et de plus en plus par ceux qui laissent Ékaterina Ivanovna est aussi une femme
transparaître des trous à l’intérieur des spectacles, du incomprise dans un monde d’hommes. On la
geste du metteur en scène et du geste de l’auteur. J’ai perçoit à travers le regard des hommes, et
envie qu’on puisse sentir à la fois le geste de l’auteur, sa l’incompréhension qu’ils éprouvent devient
maladresse, les trous à l’intérieur de son écriture et puis la nôtre. Quelle marge de manœuvre peut-on
les lignes de force. Qu’on sente un espace entre le temps dégager dans un tel schéma ? Est-ce que c’est un
de la représentation et le temps de l’écriture. (Au fond, personnage féministe ?
l’intrigue m’intéresse assez peu. Ça ne m’intéresse pas du
tout de raconter des histoires, mais vraiment pas du tout.) C’était la grande question quand on travaillait avec
Je crois véritablement en l’idée que l’objet théâtral doit les acteurs et les actrices. Historiquement, je pense
être absolument problématique et doté d’une capacité de que ça serait faux de l’affirmer ; en revanche, c’est
ratage très puissante. Je crois aussi très profondément à véritablement un texte sur le patriarcat. C’est un texte
l’idée que, quand on est un artiste, plus on avance dans qui montre à quel point une société dirigée par des
son travail, plus on doit s’approcher non pas de la réussite hommes, qui par ailleurs est violente — ça commence
mais de l’échec. Je pense que c’est la seule manière quand même par une tentative d’assassinat ! — est
viable d’avancer. J’ai trouvé chez Andreïev un auteur qui une société qui contraint et rend incompréhensible
a ces deux forces-là : une forme de radicalité littéraire et l’existence propre d’une femme. Évidemment, il y a des
théorique, et en même temps quelqu’un qui ose tellement résonances avec notre époque (et de toute façon on
tout qu’il ose la possibilité de se planter. D’ailleurs, c’est le lit à l’aune de ce qu’on vit en ce moment). Ékaterina
sûrement ce qui fait qu’Andreïev est peu monté. Ivanova est un personnage détruit de façon radicale et
intime, et qui tente de survivre à l’intérieur d’un monde
Le personnage principal, qui donne son titre à la violent, masculin et paternaliste. Mais ce n’est pas un
pièce, est lui-même extrêmement radical et peu personnage idéologique, raisonnable ou rationnel ;
lisible… au contraire, elle use de radicalité et de folie pour
manœuvrer à l’intérieur de ce monde-là. Quand elle
Dans les didascalies, l’auteur dit plusieurs fois : « Ékaterina entre dans une sorte de transe à la fin, ça raconte à la
Ivanova a fait un mouvement incompréhensible, on pourrait fois sa folie et sa maladie, et sa prise de liberté à travers
croire à un oiseau ou à un oiseau mort, mais on ne sait un geste complètement subversif et radical. Montrer la
pas ce que c’est. » Si on le suit de manière stricte, le revanche de ce personnage, sa colère, sa crise à travers
personnage devient très difficile à appréhender. un geste physique, presque artistique, c’est un geste
subversif.

Odéon-Théâtre de l’Europe
Le Passé
Le théâtre est le lieu de la subversion, certainement pas Dans Le Passé, il y a un énorme travail de
de l’idéologie. montage de la forme théâtrale. Vous mélangez le
théâtre réaliste bourgeois, le vaudeville, le théâtre
Dans la continuité de vos spectacles précédents, symboliste, la pantomime, jusqu’à démanteler
ce qu’il se passe au plateau est généralement le dispositif théâtral lui-même. Est-ce que vous
voilé et retranscrit à l’image au-dessus. Est-ce pourriez revenir sur cette manière de tester
que vous pourriez revenir sur votre utilisation les limites du théâtre, de le pousser dans ses
de la vidéo pour mettre en crise la position du retranchements ?
spectateur ?
J’ai de plus en plus envie que mes spectacles agissent
Quand on fait du théâtre, on fait du théâtre avec ce comme des laboratoires formels. Dans mes spectacles,
qu’on est profondément, et il se trouve que, en tant que la forme n’est pas au service du fond. Je multiplie les
metteur en scène, j’ai un rapport extrêmement contrarié tentatives formelles, les formes de théâtralité, pour
— à un niveau presque physiologique — à la question questionner la représentation. Ce spectacle-là est né
de la représentation et du présent. Dans sa dimension du désir d’éloigner la forme de celui qui la regarde. Par
la plus nue, le théâtre est un art qui m’intéresse et qui exemple, l’épisode masqué, qui est assez insaisissable
peut me toucher. Le spectacle comporte par exemple par rapport à ce qui précède, provoque un trouble
un monologue sans vidéo du tout, à la lisière entre dans le public, et c’était le but. (Cet épisode masqué
l’incarnation et la littérature. Mais j’ai un problème renvoie par ailleurs à toute une vague du théâtre
avec la représentation théâtrale en tant qu’elle met en allemand. Au niveau esthétique, ce spectacle est à la
jeu des personnages dans un espace. Dès qu’il s’agit fois un rejet et un hommage au théâtre européen de la
de jeu incarné, j’ai besoin d’être à la fois très proche fin du XXe siècle. Même s’il met en jeu des éléments
des personnages, et de briser le pur présent de la hérités du XIXe siècle ou d’avant, c’est un salut aux
représentation. On retombe sur la question du récit au maîtres que sont Frank Castorf et Krystian Lupa, et à
passé : quand il voit une situation filmée au théâtre, un certain théâtre d’Europe de l’Est.) Mettre en place
inconsciemment, le spectateur n’a pas tendance à se une fluidité m’intéresse de moins en moins ; j’ai besoin
dire que ça renforce la dimension de présent (même si que les spectacles soient formellement constitués de
c’est ce qu’on entend tout le temps). Il a plutôt tendance problèmes. À chaque fois que j’en construis un, je le
à sentir que le présent s’annule au moment où le film pense comme un objet absolument contradictoire. Et
existe, ne serait-ce que parce que chacun, en soi, sait encore une fois Andreïev écrit comme ça, d’où cette
qu’il y a quelques centièmes de secondes de décalage rencontre extrêmement forte. Il écrit un théâtre réaliste
entre le réel et sa perception sur l’écran, le temps que bourgeois à la lisière entre des formes à la Tchekhov ou
l’image passe à travers les câbles. Au fond, le fait de à la Gorki, et des formes qui relèvent plutôt du théâtre
briser le pur présent crée une forme de disparition, une symboliste, ce qui est à ce moment-là très novateur.
forme de mort. Si j’étais écrivain, j’écrirais des romans Il amène également des éléments qui appartiennent à
au passé, et non pas du théâtre. Pour restituer mon un mouvement important en Russie à ce moment-là,
rapport au langage, il me faut passer par une forme le cosmisme. Je savais que, si je voulais atteindre sa
d’oubli ou de passé. Quelque part, quand on lit un livre hauteur, il me fallait être au niveau de sa recherche : non
chez soi, on sait que l’objet qu’on a entre les mains est pas aplanir l’œuvre ou la rendre entendable, mais, au
mort ; ce qui va le faire revivre n’est absolument pas contraire, chercher un endroit « bordélique », qui va un
évident. J’ai besoin que mes spectacles se voient à peu dans tous les sens, qui part constamment ailleurs,
la manière de ce qu’un lecteur peut voir dans un livre. qui est tout le temps surprenant. C’est comme ça que la
Qu’on y trouve en même temps la présence de signes et forme s’est constituée.
la disparition du geste de production de ces signes. La
vidéo est le médium nécessaire pour créer une tension Mais si vous faites de la représentation théâtrale
entre le présent et le passé. un problème, qu’en est-il de l’expérience du
spectateur ? Et comment faites-vous le lien avec
le théâtre comme lieu de subversion politique ?

Jacques Rancière disait que le problème de l’époque


contemporaine est que les combats politiques portés au
théâtre aujourd’hui sont en grande majorité déjà compris
et partagés par le public.

Odéon-Théâtre de l’Europe
Le Passé
Depuis plusieurs années, elle se pose moins à un niveau pas la mission mais le véritable intérêt du théâtre. Le
idéologique (comment mettre en crise politiquement spectacle est construit autour d’une série de nœuds
la position de ceux qui nous regardent) qu’à un niveau contradictoires : morale/subversion, distance/présence,
formel. C’est à l’intérieur de la forme qu’on peut intérieur/extérieur, vidéo/théâtre, passé/présent, et
trouver la ligne de crise, tout autant et peut-être même surtout vie/mort, ce qui en fin de compte permet de
davantage que dans le fond. Mais je n’ai pas de réponse célébrer le théâtre dans ce qu’il a de vivant à travers
définitive à cette question — et c’est ce que dit Rancière l’évocation de sa fin. Est-ce représentatif de l’ensemble
d’ailleurs, que le théâtre hésite entre la fonction de de votre geste artistique ?
porte-voix politique et la mise en crise de cette fonction Oui, et on touche là à la limite de l’analyse théâtrale.
par la forme. En même temps, je ne pense pas du tout Ça paraît paradoxal, mais j’aimerais ne jamais avoir à
faire un travail de négation du public, ou de produire une montrer ce que je fais. C’est toujours très difficile, parce
violence à l’encontre des spectateurs. J’essaie juste de que les spectacles sont analysés selon l’idée que le
créer des objets qui puissent déconcerter, interroger, metteur en scène a eu des intentions à partir desquelles
susciter chez le spectateur des pensées, de la réflexion, il a créé une forme. Alors qu’en fait, d’un point de
et ouvrir une forme d’imaginaire. J’essaie de faire des vue psychanalytique, les spectacles sont des objets
choses qui m’intéresseraient si j’étais dans le public — beaucoup plus insondables. Ce qui fait qu’on produit un
c’est un peu banal de dire ça, mais c’est le seul endroit objet qui agit à des endroits qui échappent à la réflexion
où j’essaie de me mettre à la place du public. Mes et à l’intelligibilité. Ça nous dépasse. J’essaye de ne
plus grandes émotions de spectateur, les véritables pas gommer les paradoxes qui sont à l’intérieur de mes
émotions que j’ai eues au théâtre et rien qu’au théâtre, spectacles, car je ne veux pas qu’ils soient des objets
sont nées grâce à des objets qui soit me déplaisaient au cohérents, ni même politiquement cohérents, mais qu’ils
premier abord, soit que j’avais du mal à appréhender. Dit soient fidèles à la nature paradoxale de l’être humain
autrement — et étrangement je rejoins là des positions qui les produit. Le Passé est né de l’idée que, tout en
de metteurs en scène bien plus « classiques » que moi montrant le théâtre comme un art mort, on en annule
—, je crois que le théâtre doit entretenir un rapport à immédiatement l’effet et on en fait un art vivant. C’est le
l’inconnu. Il y a dans tous mes spectacles des zones paradoxe absolu de ce spectacle-là.
absolument connues (notamment le film, qui ramène un
imaginaire commun), mais ces formes-là doivent être
utilisées pour accéder à des zones problématiques Propos recueillis par Raphaëlle Tchamitchian,
et surtout inconnues pour le spectateur. Là est non le 19 octobre 2021.

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Le Passé
Abécédaire
Autoanéantissement

Koromyslov – […] Katérina Ivanovna a trop de, enfin – Je veux prouver qu’il n’est en ce monde ni vérité, ni
comment s’exprimer pour le dire juste ? – de féminin, beauté, ni bonheur fondé sur la vérité, ni liberté, ni
de féminité, ce truc à elles, quoi. Comprends-là, de quoi égalité – il n’y en a pas et il n’y en aura jamais. […]
est-ce qu’elle a besoin ? Bon, disons, je marche, moi, un Je veux montrer l’inconsistance de ces fictions sur
homme, vers le royaume des Cieux, et, bon, c’est ce que lesquelles l’homme s’est appuyé jusqu’à aujourd’hui :
je dis à tout le monde, et tout le monde le voit, ça : voici Dieu, la morale, l’au-delà, l’immortalité de l’âme,
un homme qui marche vers le royaume des Cieux. Mais le bonheur humain, etc. Je veux être l’apôtre de
une femme ? – le diable le sait vers où elle marche ! Soit l’autoanéantissement. (…) Je veux, dans mon livre, agir
elle se débauche, soit c’est une prière qu’elle envoie, sur la raison, les sentiments, les nerfs de l’homme, sur
avec sa débauche, ou bien c’est un reproche qu’elle fait, toute sa nature animale.
à je ne sais qui… une Madeleine éternelle pour laquelle
la débauche c’est, soit le début, soit la fin, mais ce Léonid Andreïev (1891) cité dans la préface de
sans quoi elle ne peut pas du tout, parce que c’est son Le gouffre et autres récits, traduit du russe par Sophie
Golgotha à elle, son horreur et son rêve, son paradis et Benech, Editions José Corti, 1998, p. 7
son enfer.

Léonid Andreïev, Ekaterina Ivanovna, traduit du russe


par André Markowicz, Editions José Corti, 1999, Acte 3,
p. 99-100.

© Simon Gosselin

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Le Passé
Cinéma et théâtre

[…] Je filme beaucoup dans mes pièces. Il y a un écran art intrinsèquement impur, le théâtre peut accueillir le
et on filme en live. Mais je n’ai pas du tout l’impression cinéma, la musique, la pensée. Je suis parfois ébahi du
de faire du cinéma. En fait l’énorme différence c’est nombre de possibilités que j’ai. Justement parce que
la question du présent. Les comédiens sont filmés c’est un art qui n’est pas du tout littéral. Un art où on
maintenant. Le fait que ça ne soit pas déjà fini fait que peut constamment avoir une zone réflexive, intellectuelle,
ce n’est pas du cinéma. D’ailleurs, là, je suis en train de et en même temps une zone physique.
monter quelque chose qui s’apparente à un film et j’ai une
énorme frustration. C’est très difficile pour moi de voir […] Houellebecq dit un truc intéressant sur l’art de la
ces images. Je vois quelque chose de fini, de terminé. poésie et du roman : il dit que dans la poésie on écrit ce
Le temps du tournage, le temps du présent, est fini. En qui vient, et dans le roman, on construit. Bon c’est banal
même temps, quand je fais du théâtre, j’ai le sentiment mais c’est vrai. Et j’ai l’impression que le théâtre est un
complètement inverse. C’est-à-dire que l’idée du théâtre art qui commence par la poésie, c’est-à-dire quelque
comme un art du présent, comme un art « vivant », me fait chose de flou qu’on ne peut pas comprendre, et qui
beaucoup de mal. Ce que je recherche, c’est d’être entre continue comme du roman, avec une construction où il
les deux. C’est pour ça que je filme les spectacles et que faut être très rigoureux, où il faut travailler. Et si tout va
je ne fais pas vraiment du théâtre, disons, traditionnel. Ni bien, parfois, à la fin ça redevient de la poésie.
du cinéma. […]
Entretien croisé de Julien Gosselin et Frédéric Wiseman,
[Le théâtre] c’est le seul art où on peut travailler par propos recueillis par Pierre Charpilloz, Sofilm, n°88,
juxtaposition des médiums. Ça ne choquera personne novembre-décembre 2021, p. 99, 101, 102
si on a une heure et demie de fiction pure, puis quelque
chose d’extrêmement théorique, qui a à voir avec l’art
contemporain, comme une pure image. Comme c’est un

© Simon Gosselin

Odéon-Théâtre de l’Europe
Le Passé
Spectateurs

LE METTEUR EN SCÈNE. — […] J’attends le directeur et Sa Clarté.

LE PEINTRE (s’inclinant avec respect). — Aha, et Sa Clarté ! Alors, c’est autre chose, et je me tais. Je me tais, mon
cher ami ! Et je suis parfaitement assuré que Sa Clarté, comme personne d’autre, saura apprécier mon travail. On m'a
dit : nous ne voulons pas de spectateurs vivants dans le théâtre, nous avons peur du bruit et de la grossièreté que porte
toujours la foule. C'est bien cela qui m'a été transmis ?

LE METTEUR EN SCÈNE. — Oui, c'est ça.

LE PEINTRE. — Dessinez-nous des spectateurs, mais de façon à ce qu'ils soient absolument comme vivants, pour que
nos chers acteurs qui, malheureusement, aiment par trop la foule, ne remarquent pas la supercherie. C'était bien ça,
mon cher ami ?

LE METTEUR EN SCÈNE. — Oui, c'était ça.

LE PEINTRE. — Caprice génial! Lubie géniale ! Le théâtre est plein — et il n'y a personne. Il n'y a personne — et le
théâtre est plein ! Et quoi, mon cher ami : n'ai-je pas réussi ?

LE METTEUR EN SCÈNE. — Vous avez réussi.

LE PEINTRE. — Parce qu'ils sont tellement vivants — vous comprenez, tellement vivants que Dieu lui-même pourrait s'y
tromper et les prendre pour sa création. Et si, réellement, il se trompait ? Non, imaginez, mon cher ami : soudain, il se
trompe, et il les convoque au jugement dernier et, pour la première fois — stupéfait, il s'arrête devant cette question :
qui sont-ils ? des pécheurs ou des justes ? Ils sont faits de bois — qui sont-ils : des pécheurs ou des justes ?

LE METTEUR EN SCÈNE. — Ça, c'est de la philosophie.

LE PEINTRE. — Oui, oui, vous avez raison. À bas la philosophie et vive l’art pour l’art! Je n’ai rien à faire du jugement
dernier, tout ce qui m’importe est le jugement de Sa Clarté et de M. le directeur. Je l’avoue, j’ai un peu peur de votre
directeur, c’est un monsieur un peu étrange. Et vous, vous n’avez pas peur de lui ?

LE METTEUR EN SCÈNE. — Non.

LE PEINTRE. — Mais il paie comme un prince. N’est-ce pas ?

LE METTEUR EN SCÈNE. — Lui aussi, on le paie comme un prince.

Léonid Andreïev, Requiem (1915-1916), traduit du russe par André Markowicz, extrait de la conduite du Passé

Odéon-Théâtre de l’Europe
Le Passé
Trop

Et puis il y a, justement, une pièce comme Ekatérina Ivanovna (mise en scène par Julien Gosselin), qui trace un portrait de femme
à la fois bouleversant et, oui, repoussant, en présentant le destin d’une femme, mère de jeunes enfants, que son mari, député à
l’Assemblée, soupçonne de le trahir, et la pièce commence par un coup de feu : le mari la rate. […]
J’ai traduit une dizaine de pièces d’Andréïev... Chacune est d’une violence extrême, aucune n’est comparable à l’autre. Andréïev est
non seulement un des écrivains les plus, je dirais, fanatiques, de la littérature russe, cherchant toujours le plus noir, le plus terrible,
ne connaissant aucune bienséance des relations humaines, mais il est aussi un des grands découvreurs de formes : […] ce qui
le caractérise peut-être le mieux, c’est qu’il est «trop». Trop naturaliste parfois, trop spiritualiste ailleurs (ou en même temps), trop
anarchiste, trop symboliste, trop désespéré, trop exalté, trop que sais-je. Trop.

Questions à André Markowicz, Les Éditions Mesures : http://mesures-editions.fr

© Simon Gosselin

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Le Passé
Vérité Vocation

Et soudain il [Léonid Andreïev] tressaillit tout entier L’idée que le théâtre fournirait des armes critiques
comme brûlé par un feu intérieur. destinées à favoriser une prise de conscience politique
- Il faut écrire une nouvelle sur un homme qui, toute sa s’est évanouie. Les metteurs en scène savent n’avoir
vie, au prix de folles souffrances, a cherché la vérité, pas besoin de transformer un public qui pense et sent
et voici qu’elle lui apparaît ; alors il ferme les yeux, se comme eux. Le théâtre cherche alors sa vocation quelque
bouche les oreilles et dit : « Je ne veux pas de toi, même part entre l’assemblée et le cortège de tête, entre une
si tu es belle parce que ma vie, mes souffrances m’ont intensité scénique qui créerait des ruptures avec le
enflammé l’âme de haine pour toi. » Qu’en pensez-vous ? monde dominant et un lieu rassembleur où l’on revivifie
Ce sujet ne me plut pas. Il soupira en disant : le sens du collectif. Nous vivons une tension entre un
- Oui, il faut commencer par dire où est la vérité : dans théâtre entendu comme un cri prolongé et un théâtre
l’homme ou en dehors de lui ? A votre avis, elle est dans considéré comme assemblée du peuple.
l’homme ?
Et il rit :
- Alors, c’est très mauvais, très médiocre.
Jacques Rancière, « Entre esthétique et politique, les
Maxime Gorki, Trois Russes, L.N. Tolstoï – A. Tchekov frontières deviennent poreuses », propos recueillis par
et Léonid Andreiev, traduit du russe par Dumesnil de Nicolas Truong, Le Monde, 5 juillet 2018.
Gramont, Gallimard, 1935, p. 177

© Simon Gosselin

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Le Passé
Repères
Léonid Andreïev (1871-1919)

Léonid Andreïev est né 1871, dans une ville de province, quarantaine de pièces de théâtre, chacune, là encore,
Oriol. Très tôt orphelin de père, il a connu une enfance créant une forme nouvelle et portant par la même
et une jeunesse de misère et de privations. Tout jeune énergie. Ses pièces, souvent traduites en allemand et en
adolescent, histoire de s’éprouver, il s’allonge sur les anglais dès leur publication, ont été jouées dans les plus
rails, au passage d’un train et cette folie n’est pas une grands théâtres de Russie, tant à Moscou qu’à Saint-
folie, mais bien l’image de toute sa vie, et de toute son Petersbourg, par les plus grands metteurs en scène
oeuvre : une recherche absolue des limites, au prix de leur temps, comme Stanislavski et Meyerhold, qui
même de sa vie (il est passé par plusieurs tentatives révolutionnent la scène en les montant.
de suicide et il est mort, en 1919, d’une insuffisance En 1905, il avait appelé de ses vœux un profond
cardiaque liée à cette aventure enfantine.) changement de régime, puis, au fil des années, s’était
Ses premières publications sont remarquées, au tout graduellement éloigné des cercles bolchéviks. Il rejette
début des années 1900, par Maxime Gorki, avec radicalement le coup d’Etat d’Octobre 1917, et meurt en
qui il se lie d’une amitié profonde et orageuse (ils se exil. Il avait publié lui-même une édition de ses œuvres
brouilleront en 1907). Chacune de ses nombreuses en 1912 (ses dernières œuvres restant, du coup, non
nouvelles est une découverte, chacune ou presque rassemblées). Une grande partie de ses pièces reste,
suscite des polémiques, des scandales, mais le Rire aujourd’hui encore, introuvable en Russie même.
rouge ou La vie de Vassili Fiveiski par la violence et
l’énergie à la limite du fantastique de leur description André Markowicz
remportent un immense succès. À la centaine de
nouvelles qu’il écrira au cours de sa vie répondent une

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Julien Gosselin

Julien Gosselin s’est formé à l’École supérieure d’art d’après Don DeLillo, qui lui inspire aussi Vallende Man
dramatique de Lille, dirigée par Stuart Seide. Avec six (L’Homme qui tombe), créé à l’International Theater
camarades, il forme Si vous pouviez lécher mon cœur en Amsterdam (Pays-Bas), puis Le Marteau et la Faucille
2009, et met en scène Gênes 01 de Fausto Paravidino (Printemps des Comédiens – Montpellier). En 2021,
(Théâtre du Nord, 2010), Tristesse animal noir d’Anja Julien Gosselin monte avec le groupe 45 du Théâtre
Hilling (Théâtre de Vanves, 2010) puis Les Particules national de Strasbourg une adaptation du Dékalog
élémentaires d’après Michel Houellebecq (Festival de Krzysztof Kieslowski, et met en scène Le Passé,
d’Avignon, 2013). Viennent ensuite Je ne vous ai jamais à partir de textes de l’auteur russe Léonid Andréïev.
aimés de Pascal Bouaziz (Théâtre national de Bruxelles, Julien Gosselin et Si vous pouviez lécher mon cœur
2014), Le Père de Stéphanie Chaillou (Théâtre national sont artistes associés au Phénix – scène nationale de
de Toulouse, 2015) et 2666, adapté du roman fleuve Valenciennes pôle européen de création, au Théâtre
de Roberto Bolaño (Festival d’Avignon, 2016). Après national de Strasbourg et au Théâtre Nanterre-
1993, d’Aurélien Bellanger (Festival de Marseille, avec Amandiers.
la promotion 43 du Théâtre national de Strasbourg), À partir de 2022, Julien Gosselin sera artiste associé à
il revient à Avignon pour Joueurs, Mao II, Les Noms, la Volksbühne de Berlin.

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