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Le mensonge n’est pas un mal nécessaire.

Je pourrais vous mentir et vous dire qu’aujourd’hui,


debout devant ce vertueux jury, je ne suis absolument pas
pétrifiée par ma timidité [tremble]. Je pourrais aussi prétexter
que je suis malade [tousse] et que je suis dans l’incapacité de
vous réciter mon discours ; pourtant, je n’ai pas de fièvre. Ne
vous méprenez pas.

On a donné une place fondamentale à la dissimulation


dans notre société et on l’a transformée en un mal
nécessaire. On cache constamment la vérité pour flatter et ne
pas affecter autrui et l’on se dit que si la vérité ne sort jamais,
alors c’est un mal pour un bien, mais un mal non nécessaire,
un mal qui une fois découvert a des répercussions sévères.

Après tout, Nietzche nous disait que les hommes ne fuient


pas tellement le fait d’être trompés que le fait de subir un
dommage par la tromperie. Parce que croire en quelque
chose qui était faux, c’est réaliser que l’on a été un peu trop
idiot ou complètement nigaud, que l’on a été pris pour un
naïf, dont la crédulité a attiré la duplicité. Au final, tel est pris
qui croyait prendre car la faute cachée fait plus de mal que (la
faute avouée à moitié pardonnée). Mieux vaut un aveu
honnête que jouer avec autrui comme s’il s’agissait d’une
banale marionnette.

Plus encore, vivre dans la tromperie revient à perdre


toute emprise sur le monde réel. On nous berce dans l’illusion
dès le plus jeune âge et ON OSE nous convaincre qu’il est
parfois nécessaire de mentir. Et ce qui commence avec un
petit bobard se pervertit en un mal pathologique. La

Beril KARAKOYUN
tentation est trop forte pour y résister ; on se rend compte
qu’en mentant, tout est bien plus beau ; qu’en mentant, on
évite de s’attirer les foudres qu’on se prendrait en étant
simplement franc ET qu’en mentant, on se tire d’affaire plus
facilement. Ainsi, on décide d’avoir recours à la fourberie,
encore et toujours, jusqu’à former un tissu de mensonges
dont on en perdra le fil, qui finira par être décousu comme
François Fillon en a fait les frais. L’illusion n’est que
désillusion, comment démêler le vrai du faux quand on passe
toute une vie à mentir aux autres ? Abuser du mensonge,
c’est se destiner à confondre réalité et fabulation, à faire
l’amalgame entre ce qui est et ce qui n’est pas. La
conséquence est fatale : à trop crier au loup, on risque de ne
plus être cru et de finir manger tout cru.

Au risque de ne plus pouvoir persuader qui que ce soit


de la véracité de ses propos, le menteur peut aussi vivre dans
le déni et s’embobiner lui-même, inventer une vie qu’il ne
mène pas par peur du réel. Glisser doucement mais sûrement
hors de la réalité pour rejoindre un monde qu’il a créé de
toutes pièces, où il est héros de toutes ses affabulations. Le
mythomane est pris au piège dans ses propres rêveries dont il
en fait part à toute personne qu’il côtoie, condamné à ne
pouvoir dire la vérité.

J’ai peur du mensonge parce qu’il est mal sournois, il est


mal non-dit et il est mal inutile. Mais je vous l’accorde c’est
tellement plus facile de cacher la vérité plutôt que d’affronter
les conséquences de ses propres actions ! Tout ça pour que
cela pèse sur une conscience alourdie par le poids de sa
malveillance à laquelle on ne peut faire confiance.
Le mensonge n’est pas un mal nécessaire.

Si le parjure est un crime aux États-Unis, ce n’est pas


pour rien. Si l’affaire du Watergate a fait un tel scandale, ce
n’est pas pour rien. Si le Penelope gate a outré les électeurs
français, ce n’est encore une fois,pas pour rien. L’heure de
vérité sonnera toujours car le temps file rapidement et quand
elle sonnera, elle dénoncera les mensonges qu’on nous a
racontés et les menteurs ne seront pas épargnés. Le faux
serment est passible de prison, où le mensonge contraint les
prisonniers, tel un terrifiant geôlier. Qu’en est-il de ces
politiques, qui nous mentent constamment ? De ces médias,
qui nous bombardent de fake news ? Devrais-je parler de la
situation en Russie, où Vladimir Poutine ose mentir sans
vergogne à son peuple ? Et Jonathan Daval, dont l’apparence
si docile a camouflé sa perfidie ?

En définitive, je pense qu’il faut arrêter de tromper parce


que les vérités qu’on aime le moins à apprendre sont celles
qu’on a le plus d’intérêt à savoir, car le temps met la vérité à
jour, qui peut pâlir, mais jamais périr. Que le seul moyen de
garder un secret, c’est de l’emporter dans sa tombe et passer
toute une vie en ayant 1000 mensonges sur la conscience,
c’est impossible. L’avez-vous ressenti, ce sentiment de
soulagement quand la vérité est enfin exposée ? Le bien
qu’elle procure quand elle est divulguée ? Le mensonge est
tellement mauvais qu’il corrompt la conscience, qu’il détruit
des vies, qu’il en emprisonne d’autres dans une contre-
vérité absurde. L’ère du faux Hitler a accumulé mensonge sur
mensonge et propagande antisémite. Le problème est qu’il a
été cru et que finalement, la vérité est la première victime de

Beril KARAKOYUN
la guerre, que les guerres trouvent leur socle sur une vérité
cachée et une liberté d’expression limitée.

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