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DOI : 10.4000/books.editionsmsh.2275
Éditeur : Éditions de la Maison des sciences de l’homme, Ministère de la Culture
Année d'édition : 1986
Date de mise en ligne : 1 août 2014
Collection : Ethnologie de la France
ISBN électronique : 9782735119226
http://books.openedition.org
Édition imprimée
ISBN : 9782735101603
Nombre de pages : 194
Référence électronique
DESBOIS, Evelyne ; JEANNEAU, Yves ; et MATTÉI, Bruno. La foi des charbonniers : Les
mineurs dans la Bataille du charbon 1945-1947. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Éditions
de la Maison des sciences de l’homme, 1986 (généré le 20 avril 2019). Disponible sur
Internet : <http://books.openedition.org/editionsmsh/2275>. ISBN : 9782735119226.
DOI : 10.4000/books.editionsmsh.2275.
I. L'homme-charbon
Introduction
Après la guerre... la bataille (1945-1947)
Bruno Mattéi
Le contexte politique et économique de la bataille du charbon
Le PCF et la CGT en première ligne
Les dispositifs idéologiques et institutionnels
Conclusion
Bibliographie
Filmographie
Liste des illustrations
Comment entrer dans le champ de
la bataille
Les acteurs
24 La bataille du charbon n’était pas si éloignée dans le temps que nous
ne puissions retrouver et interroger quelques-uns de ses acteurs
principaux : hommes politiques, syndicalistes, cadres des Houillères,
médecins des caisses de secours minières. Les questions que nous
leur avons posées portèrent sur leur situation antérieure à 1945, sur
leur rôle et leur fonction pendant la bataille du charbon et
aujourd’hui, sur leur interprétation de la période. Nous les avons
confrontés aux textes qu’ils avaient produits à l’époque ou aux
comptes rendus d’événements dont ils avaient été les acteurs. Ce qui
nous a permis d’imaginer plus précisément l’atmosphère dans
laquelle se déroulaient débats et affrontements, et de mieux cerner
en fin de compte ce qui fondait leurs attitudes, opinions, ou
sentiments le plus souvent maquillés lors des manifestations
officielles. C’est ainsi que nous avons rencontré :
NOTES
1. ADPC (Archives départementales du Pas-de-Calais) M.778, congrès du syndicat des
mineurs CGT, rapport moral d’activité du 23-24 mai 1946.
Après la guerre... la bataille (1945-
1947)
Bruno Mattéi
Les revendications
22 Pendant près d’un an, elle est au centre du malaise et des conflits
dans le bassin minier. Dans leur livre La libération du Nord-Pas-de-
Calais, Étienne Dejonghe et Daniel Laurent montrent bien toute la
complexité du problème. Selon des arrêts définis en septembre 1944,
toute personne employée dans les exploitations des Houillères
pouvait remettre au syndicat une requête concernant des « délits de
collaboration ». Les syndicats transmettaient alors les plaintes à une
« commission professionnelle d’enquête et d’épuration » qui opérait
les vérifications nécessaires. Celle-ci soumettait ensuite ses
propositions à une commission inter-professionnelle, qui à son tour
transmettait les dossiers retenus au commissaire régional de la
République, lequel décidait des sanctions ! Parmi les dossiers, peu
furent retenus par la commission. Les griefs étaient en général jugés
insuffisants. Les mineurs trouvaient le plus souvent dans ces
requêtes l’occasion d’exprimer la colère accumulée contre une
hiérarchie qui les avait fait « trimer » sous l’occupant, plus que des
faits précis de collaboration : « ce sont des griefs qui expliquent la
sourde colère des mineurs, écrit le préfet du Pas-de-Calais, les
réactions inarticulées que l’on ne peut comprendre dans une salle de
commission, mais que l’on saisit dans la tristesse des sièges
d’exploitation » 9 . Au total la plupart des porions 10 , des
ingénieurs et des directeurs furent mutés ou recasés, et non
« épurés », selon le vœu des mineurs :
Sur huit cents dossiers examinés, deux licenciements, dix-huit suspensions, onze
déplacements et onze rétrogradations : on aurait voulu ensanglanter le bassin
qu’on n’aurait pas agi autrement. Les mineurs eurent le sentiment d’être dupés.
Leur colère montait à mesure qu’étaient connues les réintégrations.
Insensiblement le climat d’autrefois se reconstituait et on s’exprimait à l’égard
des Houillères comme jadis à l’égard des compagnies (E. Dejonghe, D. Laurent La
libération du Nord-Pas-de-Calais 1974).
23 Une colère d’autant plus vive que le PCF et la CGT avaient adopté des
positions dures à la Libération. L’épuration était liée à
l’expropriation, aux nouvelles structures qui devaient se mettre en
place, voire à la liquidation d’une classe dirigeante accusée de
trahison. Mais le retour de Thorez en France — négocié entre de
Gaulle et Staline — et l’entrée de deux communistes dans le
gouvernement de Gaulle ont modifié l’appréciation du Parti. En
juillet 1945, M. Thorez déclare aux mineurs du Nord : « On ne va pas
épurer pendant 107 ans. » Léon Delfosse reconnaît d’ailleurs que
« l’épuration dans les mines est une opération faussée. On a
condamné quelques porions de ci de là. Mais la grosse masse des
ingénieurs et des directeurs est passée en travers du filet »
(interview Léon Delfosse). Cette épuration « manquée » va laisser des
cicatrices et des rancœurs dans l’esprit des mineurs.
Le ravitaillement
Le salaire à la tâche
L’accalmie
48 Après la conférence « historique » de Waziers, les militants
communistes s’étaient engagés « à tout mettre en œuvre pour
gagner à tout prix la bataille de la reconstruction de la production et
en tout premier lieu la bataille du charbon ». La propagande du Parti
se montre aussitôt d’un optimisme à toute épreuve : le 29 juillet, A.
Pierrard écrit dans Liberté : « Efficacité de Waziers : les mineurs ont
compris les conseils de M. Thorez, les chiffres de cette semaine sont
éloquents, la production augmente... L’absentéisme qui était de
19,14 % dans la première semaine de juillet passe à 16 % en moyenne.
Le rendement individuel de 811 à 859 kg. »
49 Mais la situation est loin d’être stabilisée : en septembre nouvelle
alerte, la plus grave de la période : une grève part de Lens, se répand
dans plusieurs fosses du bassin, de Bruay à Valenciennes :
Les mineurs sont susceptibles, ils se froissent lorsque leur syndicat prend des
mesures sans les consulter. C’est ainsi qu’ils reprochent par exemple au syndicat
d’avoir décidé de la question de la retenue des deux heures de travail en faveur
des prisonniers sans leur accord... Un fait est certain : ils n’acceptent pas la
propagande communiste à produire pour la France 19 .
50 La grève de septembre 1945 est intéressante à retracer car elle met
en évidence les moyens utilisés par le PCF et la CGT pour briser un
mouvement qui dure et s’étend, quelques semaines après « le rappel
à l’ordre » de Waziers. Le 12 septembre au matin des mineurs de
Lens cessent le travail « sur la question de la hausse du prix des
marchandises et l’amélioration du ravitaillement ». Le PCF et la CGT
y discernent tout de suite « un complot », puisque « depuis six
semaines la production montait sans cesse et que de toute la France
des sentiments élogieux et reconnaissants nous parvenaient » 20 .
Dès lors qu’il y a « complot », il y a comploteur. Des mineurs sont
désignés comme responsables de la grève : on cite leurs noms, on
met en cause leur passé pendant la guerre ; leur volonté de nuire à la
cause de la production les désigne à la vindicte des mineurs
« responsables ». Un maire communiste va jusqu’à demander au
préfet de révoquer un délégué-mineur :
Nous, soussigné Maurice Delbarre, président du comité local de libération et
maire de Loos-en-Gohelle, ai l’honneur de porter à la connaissance de M. le
Préfet que J.-B. Marquette, délégué suppléant à la fosse 15 des mines de Lens, a
pris une part active à la conduite de la grève des puits 12 et 15 des mines de Lens.
Ce délégué suppléant n’ayant pas compris son devoir de Français pour la
renaissance de notre patrie, en conséquence je vous demande la révocation de J.-
B. Marquette de ses fonctions de délégué-mineur adjoint.
51 Un autre mineur mis en cause fait paraître une lettre ouverte au
citoyen Lecœur et dénonce la délation dont il a été l’objet : « Je ne
suis pas meneur. Peut-être avez-vous été induit en erreur, toujours
est-il que vous m’avez jeté en pâture à l’opinion publique et à la
population de la région Nord » 21 . Quant à l’ouvrier Guy Thévenot,
ancien membre de la CGT, il fait paraître dans Nord-matin un article :
« La vérité sur la grève des mineurs » :
Je tiens à dire que la grève qui a éclaté aux mines de Lens a eu pour objet un
mécontentement général au sujet de la hausse des prix et du ravitaillement,
contrairement à ce que Liberté, l’Humanité et d’autres annonçaient. Ceux-ci
signalaient en effet que la grève avait été déclenchée par un homme exclu de son
organisation syndicale : ce qui est absolument faux. Voilà une drôle de façon de
dire la vérité et de prétendre à l’unité ouvrière. Il est plus facile de jeter la
responsabilité de cette grève sur un ouvrier que de dévoiler ceux qui sont
vraiment responsables du mécontentement des mineurs.
52 La grève se poursuit, alors que le 17 septembre un vaste
rassemblement est prévu à Lens par le gouvernement et la CGT : c’est
le jour choisi pour annoncer aux mineurs la campagne des « 100 000
tonnes ». Face à cette grève inopportune, le PCF et la CGT
fonctionnent comme une citadelle assiégée : il n’y a pas de bonnes
revendications, mais de « mauvais patriotes » ou des individus qui
ont une volonté politique de nuire. A Lens des délégués syndicaux et
des mineurs ulcérés évincent le maire A. Lecœur, et choisissent le
socialiste Sion, ex-député et ancien maire, pour porter leurs
revendications à Paris. Des responsables de la CGT, y compris les plus
populaires comme Nestor Calonne, sont « hués ». Ces réunions
houleuses aboutiront finalement à la reprise du travail le 20
septembre.
1936 : discipline
Monnaie d’échange
Le statut du mineur
Bataille de dupes ?
NOTES
2. Le plan Monnet, plan national de modernisation et d’équipement, portait sur 6 secteurs
de base : les Houillères, Électricité de France, la sidérurgie, les transports, les machines
agricoles, et le ciment. En 1938, la production nationale de houille était de 48 millions de
tonnes ; en 44 de 30 millions. Le Nord produisait 18 millions en 44, au lieu de 28,2 millions
de tonnes en 1938.
3. Signification que le PCF tente de minimiser pour ne pas faire peur : « La nationalisation,
ce n’est pas du communisme, ni du socialisme, mais une mesure démocratique tout
simplement... On ne veut pas apporter de l’eau au moulin des ennemis du peuple en disant :
socialiser ça veut dire partager l’avoir des petits paysans » (M. Thorez, le 13 mars 45, devant
les mineurs de Lens).
4. Exposé du ministre de la Production industrielle aux commissaires de la République
réunis à Paris le 24 juin 1945, publié en brochure, La crise charbonnière.
5. Cf. aussi André Pierrard : « Il me semble évident que le Parti voulait aller au
gouvernement, ce qui était normal, et qu’il se comportait en parti responsable du
gouvernement » (interview A. Pierrard, A. Lecœur, R. Pannequin, 1981).
6. Le « délégué-mineur », qu’il ne faut pas confondre avec le délégué syndical, existe depuis
une loi de 1890. Il a essentiellement une fonction de protection : il visite les chantiers au
fond pour s’assurer de la sécurité. Il a de ce fait un rôle important.
7. La CFTC est minoritaire : environ 20 % des voix aux élections. En décembre 1944, CGT et
CFTC s’étaient entendues pour présenter des listes uniques aux élections des comités
d’entreprises. Cette entente ne dura pas...
8. ADPC, M 778.
9. ADPC, M 778.
10. Les porions sont « les contremaîtres » dans les fosses.
11. ADPC 1 Z 455, rapport de police.
12. « Il ne s’agit que de grèves partielles, localisées, et de courte durée, désapprouvées dans
tous les cas par le syndicat des mineurs. On constate d’autre part que ces grèves n’ont pas
affecté dans la plupart des cas les ouvriers du fond et qu’il s’agit de revendications des
ouvriers du jour touchant un supplément mensuel de matières grasses de 1,250 kg et
réclamant les mêmes avantages que ceux des ouvriers du fond, soit 2 kg de matières
grasses. » ADPC M 778, rapport de police.
13. Du nom de l’ingénieur qui a pensé et expérimenté ce système lié à une nouvelle
organisation du travail (voir le chapitre 4).
14. « Maca » est le diminutif de « macaroni » : surnom dont les mineurs français gratifiaient
les Italiens qui étaient selon eux les plus acharnés à la production.
15. Discours prononcé à la salle des fêtes d’Auby le 26 février 1946.
16. ADPC M 778. Cf aussi ce rapport sur les grèves : « A mon avis il faut voir à l’origine de ces
mouvements de grève dans les mines qui se sont renouvelés fréquemment dans mon
secteur depuis la Libération le manque d’ascendant et d’autorité des dirigeants
communistes du syndicat et de la CGT sur la classe ouvrière ». Rapport de la police de
Béthune.
17. C’est ainsi que Thorez est présenté dans la brochure qui reproduit le discours de
Waziers.
18. « Je ne suis pas d’accord sur certains propos tenus par M. Thorez : un certain nombre de
grèves qui ont eu lieu là-dessus étaient justes. M. Thorez les a condamnées sans
distinction » (interview de Léon Delfosse, 1981).
19. Rapport des Renseignements généraux. ADPC M 778, septembre 1945.
20. ADPC M 778.
21. ADPC M 778.
22. « Le gouvernement et les organisations syndicales réalisent l’action sacrée pour gagner
la bataille de la production », titre la brochure publiée à l’occasion du meeting de Lens.
23. Selon le rapport de police. ADPC M 778.
24. ADPC M 403, 8 septembre 1945.
25. ADPC M 778.
26. Le SNIM créé en 1945 est le syndicat CGT des ingénieurs.
27. Discours de Henri Martel le 26 août 1946 à Douai.
28. Voir Bruno Mattéi « La normalisation des accidents du travail : l’invention du risque
professionnel » in Les Temps modernes janvier 1976.
29. « Ouvrier, dis-toi bien que l’ingénieur désire autant que toi voir augmenter la
production du puits. Mesure la responsabilité qui est la sienne. Songe qu’il a fait des études
approfondies... Ingénieurs, ne considérez pas les ouvriers comme des dénigreurs
systématiques. Pensez un instant à ce que peut être l’expérience d’un vieux délégué mineur
qui bourlingue depuis des années dans le même puits, quelle peut être l’expérience d’un bon
ouvrier qui connaît bien le quartier où il travail » (Mineurs n° 2 février 1947).
30. En septembre 1944, après les grèves insurrectionnelles de la Libération, un rapport de
police explique : « En marge de la reprise du travail, les ouvriers posent des revendications
consistant à nommer les chefs porions ou porions à leur initiative ». ADPC 1 Z 455.
31. Ministère de la Production industrielle. Trois discours prononcés par Auguste Lecœur
en 1946. Ces textes se trouvent à la Bibliothèque nationale.
32. Plusieurs affiches sur les concours de productivité et la lutte contre l’absentéisme dans
les années postérieures à la bataille du charbon figurent au Centre historique minier de
Lewarde.
33. La grève de 1947 s’inscrit dans un contexte de grèves générales en France dirigée : par la
CGT et le PCF. La grève de 1948 s’étendit à l’ensemble de la corporation minière, et quatre
mineurs trouvèrent la mort dans la Loire.
Les murs de l’histoire. L’imagerie
de la bataille du charbon
Yves Jeanneau
Au travail !
5 L’absentéisme, ce vieil ennemi du patronat minier, n’a pas désarmé
face aux appels ministériels à la bataille du charbon. Au contraire !
Le lundi, tout particulièrement, la descente au puits est plus dure,
moins fréquentée. Un mineur sur cinq reste à la maison. Mauvais
jour pour la production. Un jour d’absence, c’est une tonne de
charbon en moins. Ces 20 % d’absents du lundi représentent une
perte annuelle de 1 300 000 tonnes. 20 % : un taux d’absentéisme qui
ne peut être négligé par les gestionnaires et comptables de la bataille
de la production. L’analyse des causes de ce phénomène se révèle
délicate : il est couvert par la loi du silence. On ne se vante pas, dans
les corons, de ne pas aller travailler. « Fainéant ! » est encore
aujourd’hui une insulte infamante. Lorsque la bataille du charbon
sera lancée, la propagande s’attaquera régulièrement à ce fléau et
cherchera à en faire l’un des ennemis connus, bien que sournois, de
l’effort de guerre.
Guerre au creux du lundi ! Une bonne semaine commence par un bon lundi. A l’heure où
la bataille du charbon bat son plein, ne pas venir le lundi est une désertion. Le
lundi comme les autres jours, tu mettras toutes tes forces au service du pays qui
compte sur toi pour gagner la bataille du charbon... et la France connaîtra de
beaux lundis et des jours heureux.
6 Cet extrait d’une brochure des Houillères de 1946, largement
distribuée parmi le personnel, révèle l’importance accordée au
phénomène. Lorsqu’il devient clair que les mineurs ne se lèvent pas
en masse pour retrousser leurs manches, que les 100 000 tonnes ne
seront atteintes que péniblement, la lutte contre l’absentéisme
devient primordiale : le symbole du combat engagé pour la
renaissance du pays et de l’engagement actif de la classe ouvrière
dans ce combat.
7 L’absent personnifie l’Ennemi. Déserteur, traître et fainéant, il
s’oppose comme un négatif au personnage mythique qu’est le
Mineur, ce héros du Travail et de la Sociale. Les publicistes des
Houillères et du Parti communiste vont donc concentrer leurs efforts
sur la valorisation des qualités de ce combattant d’élite, le donner en
exemple et en modèle en prenant bien soin toutefois de ne pas le
personnaliser, de ne jamais le représenter sous la forme d’un
individu particulier, identifiable. Il n’est que l’image anonyme
émanant de l’effort collectif de la corporation, parangon de
l’ouvrier-mineur. Soldat (patriote et discipliné) et citoyen
(producteur et moralement responsable du relèvement de la France),
il excelle à remplir ses devoirs, faisant confiance à l’avenir et à la
reconnaissance nationale pour la satisfaction de ses revendications
catégorielles...
8 Cela ne peut, bien évidemment, que produire une image empesée,
grandiloquente et tricolore, calquée sur l’imagerie guerrière et
nationaliste. L’intérêt général de la nation est un produit difficile à
vendre, surtout à ceux qui doivent, et c’est ici le cas de le dire, payer
de leur personne en « allant au charbon »... Il est donc facile
d’imaginer que cette propagande n’a pas rencontré une écoute
particulièrement favorable chez les mineurs, et qu’elle est restée
lointaine, étrangère au monde de la mine. Les thèmes moraux,
nationaux et généraux des affiches ne répondaient pas aux attentes
concrètes et immédiates concernant l’épuration, le ravitaillement ou
l’organisation du travail : ils se permettaient au contraire de
demander des efforts supplémentaires. Une minorité seulement s’est
mise à la mode stakhanoviste, mais le propre d’une propagande
n’est-elle pas avant tout de créer un climat et de faire prendre les
images données pour la réalité ?
9 La propagande productiviste se double, tout au long de la bataille, de
l’attribution sélective de récompenses et primes en nature : cochons,
vélos, etc. Nous pouvons distinguer deux phases distinctes dans
l’agencement et la mise en œuvre de ces éléments complémentaires :
1. 1945 : primauté à la campagne idéologique, avec des récompenses essentiellement
honorifiques (fanions, vins d’honneur...) ;
2. 1946 : développement des stimulants matériels individuels, tendance qui trouve son
expression achevée dans le statut du mineur qui institutionnalise le salaire au
rendement individuel.
10 Que cachent donc ces images et ces slogans, ces médailles, ces
tableaux d’honneur ou d’infamie ? Cette propagande s’adressait-elle
bien aux mineurs eux-mêmes ou, par-dessus eux, ne visait-elle pas
plutôt la classe politique pour lui faire admettre l’image responsable
de parti de gouvernement que revendiquait le PCF ?
11 Mais revenons à la Libération et à la situation dans les mines.
17 mai 1945
22 juillet 1945
18 Le secrétaire général du Parti communiste, Maurice Thorez, vient
mettre tout son poids et son prestige dans la balance pour lever le
premier obstacle rencontré : l’opposition des militants du Pas-de-
Calais à la ligne productiviste choisie par la Direction nationale.
« Produire, faire du charbon, c’est la forme la plus élevée de votre
devoir de classe, de votre devoir de Français », s’écrie-t-il en
condamnant les mouvements de grève. L’appareil, remis au pas, va
dès lors s’atteler à cette tâche difficile : remettre les mineurs au
travail. Sous l’égide du Gouvernement provisoire, qui comprend des
ministres communistes, c’est une sorte d’union sacrée qui se réalise
pour faire pression sur la corporation minière. Le discours de
Waziers sera la référence obligée de cette opération et le fondement
de l’imagerie mobilisée pour obtenir l’augmentation de la
production.
38 Les belles idées et les belles phrases ne suffisent pas à faire marcher
les troupes : il faut fournir aux mineurs, gens disciplinés et réalistes,
des objectifs clairs et mesurables. Pour que l’effort soit soutenu, il
faut en marquer la progression, et récompenser celle-ci. Faire sentir
que la bataille menée est conduite scientifiquement,
méthodiquement, par une volonté ferme et déterminée, et que le
travail de chacun est pris en compte.
39 Le slogan 100 000 tonnes de charbon par jour : c’est ce que la France attend
de toi est sans doute le coup de force de cette entreprise. Le chiffre,
dans sa rondeur, fait à lui seul image. Tout le monde sait, dès lors, où
il s’agit d’aller. L’ennemi est perceptible, cernable : c’est le temps. La
bataille prend la forme de la compétition, de la course contre à
montre par équipes. Le succès se mesure à l’aune du record à battre.
40 A propos de cette époque, ce qui ressurgit aujourd’hui de la mémoire
ouvrière, c’est d’abord et de manière systématique ce chiffre brut.
« La bataille du charbon ? Ah ! oui. C’était les 100 000 tonnes ! »
s’écrie un vieux mineur de Noyelles. Et la mémoire, le plus souvent,
s’arrête là. Il ne reste que cette image figée d’un temps héroïque où il
fallait dépasser les normes, malgré les mauvaises conditions de
travail et de ravitaillement, et où, glorieusement, les mineurs ont
refait la preuve par 100 000 de leur courage et de leur sens des
responsabilités. Le plus souvent, il est vrai, cela s’accompagne du
sentiment diffus de s’être fait « avoir », d’avoir cru à des promesses
qui se sont avérées n’être que des miroirs aux alouettes.
41 Les documents d’archives, heureusement, sont clairs. Ils nous
permettent de resituer l’élaboration de ce slogan dans le
déroulement de la campagne de propagande ouvrière. Elle prend
place en effet dans la deuxième phase prévue du plan élaboré en
août 45 : « exploitation des premiers résultats positifs obtenus et
émulation autour d’un tonnage à atteindre ».
42 Notons au passage que les 100 000 tonnes, si elles forment un chiffre
sonnant, ne représentent pas un tonnage impressionnant : il est
inférieur au tonnage quotidien extrait avant guerre. Cette deuxième
phase de la bataille se caractérise donc d’abord par une
symbolisation du but à atteindre, mais également par l’accent mis
sur les modifications de structure apportées aux Charbonnages — la
nationalisation — et sur les récompenses offertes.
43 La nationalisation, en septembre 45, n’est encore, pour les mineurs,
qu’un mot creux. Le transfert d’autorité n’a pas, à leurs yeux, été
réalisé et ils voient toujours dans les Grands Bureaux des têtes qui
dirigeaient les compagnies. La loi du 17 mai 1946 instituant les
Charbonnages de France sera, aux dires de Léon Delfosse, l’acte de
naissance réel de la nationalisation (voir l’éditorial du n° 1 de la
revue Mineurs). Entre septembre 45 et mai 46 s’étale donc une
période de négociations entre les différentes forces en présence, qui
aboutit à une redistribution des cartes.
44 L’appel aux grands sentiments et la motivation idéologique en effet
ne suffisent pas. La résistance de la corporation aux mots d’ordre
productivistes justifie une réorganisation rapide des Charbonnages.
Un changement sensible est nécessaire pour qu’une nouvelle image
de marque remplace la mauvaise image héritée des compagnies.
45 Direction des Houillères et syndicat vont donc conjuguer leurs
efforts propagandistes en ce mois de septembre 1945, pour que les
mineurs sentent bien que leurs peines ne sont pas vaines et seront
récompensées et qu’ils peuvent retrouver leur titre de « premiers
ouvriers de France », pas seulement en paroles, mais en actes grâce
au statut en préparation. L’appel ultérieur de dirigeants syndicaux
reconnus, comme Lecœur, au gouvernement sera le sommet de cette
entreprise : ils feront effectivement adopter le statut du mineur puis
la loi du 17 mai 46, instituant les Charbonnages de France.
46 Début septembre 45, les murs du bassin sont couverts de l’affiche :
Pour reconstruire la France il faut du charbon. On y ajoute une affiche
plus directe : La France a besoin de charbon, la France a besoin de toi.
Tricolores, ces affiches sont représentatives de la volonté politique
d’union nationale et de l’appel au sens patriotique des mineurs. Le
charbon, mis en avant sur une sorte d’écu, est le garant du
développement de l’arrière-plan : usines dans la brume indécise de
l’attente, système économique — transports, énergie, production
industrielle — présenté comme une série d’enchaînements. Face à ce
grand Tout systématique, la responsabilité individuelle (toi !) du
mineur est engagée.
47 Responsabilité morale et politique : conscience nationale et
conscience de classe mêlées ne doivent plus faire qu’un. La
propagande reste donc au niveau des généralités, représentant des
systèmes (économiques) ou des abstractions (l’intérêt national).
48 Pudeur ou maintien de l’anonymat : l’absence de représentation du
corps du mineur, sa réduction à une paire de mains robustes et
viriles, contribuent à asseoir l’idée du combattant anonyme et
pourtant déterminant, du soldat courageux mais humble, héroïque
mais discret. L’ouvrier modèle, amoureux du travail bien fait et
confiant dans la justice sociale que garantit la nationalisation.
Journaux et radios reprennent quotidiennement et plusieurs fois par
jour l’ensemble des slogans évoqués. Des brochures d’information
sur la nationalisation sont distribuées à tout le personnel à la paye
du 10 septembre.
49 Cette accentuation du travail de propagande est la préparation du
sommet de cette phase de la campagne de persuasion : la réunion
publique du 17 septembre, Place du Cantin à Lens. Les documents
internes des Houillères préparatoires à ce meeting l’intitulent
d’ailleurs : « réunion de propagande » ; le but est clairement défini.
Plusieurs réunions de militants CGT des Houillères ont lieu pour
mettre au point les modalités pratiques, après que, le 31 août,
Duhameaux, Sylvain, Vinit et Long pour les Houillères, Frachon,
Martel, Delfosse et Foulon pour la CGT, se furent mis d’accord sur
l’essentiel.
Le thème de la réunion est le suivant : M. Lacoste au nom du gouvernement, M.
Frachon au nom de la CGT, demanderont aux mineurs d’intensifier leur effort et
d’atteindre le chiffre de 100 000 tonnes pour la fin de l’année. M. Martel
répondra au nom des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais (doc. int. HBNPC :
L’état de la campagne de propagande des Houillères nationales au 8 septembre 45).
11. Affiche 1946 (archives HBNPC, cliché Agave)
L’union sacrée
50 L’État, le Parti et le syndicat manifestent lors de cette réunion
« historique » leur volonté commune de réaliser une « union sacrée »
pour gagner cette nouvelle bataille patriotique. Le chiffre des
100 000 tonnes devient le leitmotiv de la campagne. L’exploitation de
la réunion est prévue et organisée par les HBNPC et leurs partenaires
syndicaux, comme en témoigne le texte ronéotypé déjà cité L’état de
la campagne de propagande des Houillères nationales au 8 septembre 45 :
51 Outre l’affichage massif de l’affiche dite « des 100 000 tonnes », ce
plan prévoit :
des brochures contenant les extraits des discours prononcés ;
des comptes rendus et rappels de presse ;
la retransmission radio de la réunion ;
un reportage cinématographique par France-Libre Actualités ;
des « graphiques de fosses » ou panneaux destinés à montrer d’une façon frappante
l’augmentation de la production pour chaque fosse et l’ensemble du bassin ;
des récompenses : elles pourront être en nature ou en espèces et un règlement des
gratifications sera étudié par la commission permanente mixte. La répartition des
denrées pourra se faire par le truchement des comités de siège.
des fanions : on a envisagé de créer des fanions à remettre de façon solennelle à la
meilleure fosse de chaque groupe et au meilleur groupe du bassin.
Dernier épisode
67 La loi du 17 mai 1946 sur la nationalisation des Houillères ouvre la
dernière séquence de la bataille du charbon. Un nouvel appel à la
prodution est lancé : pour les ... 120 000 tonnes !
Le 15 août, on a demandé aux mineurs de travailler cette année-là. Nous sommes
descendus nous-mêmes à la mine. J’ai été faire du charbon dans mon ancien chantier avec
mon frère, pour donner l’exemple. Évidemment, je reconnais qu’on en a fait plus qu’il ne
fallait, ce qui m’a amené à cette période-là à toute une polémique m’accusant d’être
maca, ce qui est pire que le stakhanovisme. Je ne peux pas dire que les mineurs n’ont pas
travaillé, ce qui serait, à mon avis, désobligeant pour eux et contraire à la vérité ; il y en a
qui travaillaient, mais tout le monde n’était pas héros du travail (interview Léon Delfosse,
1981).
68 Cette reconnaissance d’une lutte, d’une opposition de fond aux mots
d’ordre productivistes, permet de se demander pourquoi les
dirigeants syndicaux se sont lancés dans cette politique, au risque de
perdre une bonne part du crédit qu’ils avaient acquis et chèrement
payé pendant l’occupation et la Résistance. En particulier, pourquoi
ont-ils engagé et fait fonctionner la politique des stimulants
matériels, à partir de 1945 ?
En fait, nous avons peut-être été les complices d’une opération qui n’était pas la nôtre. Ce
n’est pas nous qui avons eu l’initiative de cette affaire. Il s’est agi d’une politique
d’incitation (vélo, cochon, etc.) dont l’inventeur est Sylvain, un ingénieur qui était à la
Direction générale et qui a terminé comme directeur des mines du Dauphiné. Nous ne
l’avons pas condamné, évidemment. Je dirai même que nous en avons été partisans car
cela allait dans le sens de cette « bataille » du charbon, de cette incitation à la production
(ibid.).
69 Cette révélation tardive de Delfosse montre que les dirigeants
communistes ont emboîté le pas de cette campagne d’émulation,
sans en faire la moindre analyse critique, comme si les effets
secondaires n’avaient que peu d’importance et que seul comptait le
résultat, c’est-à-dire la réussite quantitative de l’opération. Ils ne
pouvaient ignorer l’opposition latente, passive ou moqueuse d’une
majorité de mineurs ; ils ont pourtant maintenu le cap et diffusé
cette propagande impopulaire, à contre-courant. Sous-estimation de
la fermeté de cette opposition ou sur-estimation de la force de
l’appareil syndical et politique, toujours est-il que la discipline fait
son office et que la « ligne » imposée par le groupe Thorez au sein de
la direction nationale du PCF s’est imposée. Cette opération s’est
faite « en force », en jetant dans la balance tout le crédit du parti des
Fusillés, de la Résistance et de l’Internationale, tout le prestige de ses
principaux dirigeants régionaux et nationaux, un investissement
uniquement justifié par le désir de participation active au
gouvernement. Il est vrai que le PCF est alors le premier parti
politique français et que son influence dans le Nord-Pas-de-Calais est
considérable. Si les mineurs rechignent, ils n’osent pas affronter
ouvertement les organisations qui les représentent et ils vont finir
par marcher, suffisamment pour atteindre l’objectif fixé et pour que
les communiqués victorieux fassent le tour des ondes et des
journaux.
70 La propagande n’a convaincu que les crédules ; elle a par contre
réduit au silence les voix dissidentes, en monopolisant les murs, les
écrans et les micros, en rabâchant ses slogans, en occupant le temps
et l’espace vacant entre mines et corons. Elle a su créer une
ambiance, un décor visuel et sonore efficace qui, par sa répétition
même, a fini par prendre vie, par être admis comme un reflet du
réel. En y croyant, les mineurs ont sans doute perdu une bonne part
de leur défiance et les désillusions qui ont suivi les ont laissés sans
réaction. Cette entreprise, finalement cynique, de mise au travail
obligatoire aura ainsi provoqué un affaiblissement d’une corporation
qui était portée au pinacle ouvrier et national, mais qui y a laissé son
identité et sa révolte.
NOTES
34. Note manuscrite anonyme apposée au bas d’une affiche de 1952 : « Mineurs du Groupe
de Valenciennes, combattez l’absentéisme ». Archives du Centre historique minier de
Lewarde.
35. Constant Malva, 1903-1969, ouvrier mineur belge, a écrit plusieurs ouvrages de
témoignage sur la mine et le Borinage, dans lesquels il remet en cause « l’amour du travail »
et la mythologie du mineur héros. Son livre le plus important, Ma nuit au jour le jour, écrit en
1937 a été réédité par François Maspéro en 1978.
36. Revue de littérature prolétarienne du Nord de la France.
Portrait du mineur en héros
Bruno Mattéi
Les enjeux
2 La conquête d’un nouvel Eldorado. Une aventure moderne pour une
génération de capitaines d’industrie. Ainsi re rêvent ces terres de
Picardie, qui du Boulonais au Valenciennois, recèlent l’or noir. On est
à la fin du XVIIIe siècle. Il faut imaginer la naissance des compagnies
minières comme un fantastique et brutal bouleversement de l’espèce
et des mentalités. L’historien Marcel Gillet a retracé cette sorte
d’épopée industrielle dans son livre Les Charbonnages du Nord de la
France au XIXe siècle 37 .
16. Gravure — en couleur — illustrant la descente au fond dans la « tonne » (La vie du
mineur, P. Delabasse, Paris, Librairie nouvelle d’éducation et de récréation, 1906)
17. L’apprentissage du jardinage, élément de l’éducation des futurs mineurs. Une des
manières de l’attacher à la fosse et au coron (archives HBNPC)
Un syndicalisme ventriloque
15 Les mineurs n’ont pas parlé d’eux dans des termes différents de ceux
de leurs maîtres. Si le syndicat dénonce les finalités patronales
(profit et exploitation), il reprend par contre comme un prêt-à-
porter cette identité mythologique. Michel Rondet, premier grand
leader du syndicalisme minier, originaire de la Loire, exprime bien
cette dualité : « Le mineur n’est pas un ouvrier ordinaire, c’est en un
mot un soldat qui combat constamment pour remplir les coffres-
forts de nos capitalistes. » D’un côté cette idée de soldat avec son
cortège de représentations qui vient directement de Simonin ; de
l’autre l’ébauche d’une analyse socio-économique empruntée au
socialisme et au syndicalisme naissant.
16 Dans les premiers congrès ouvriers on voit les mineurs tenir un
discours à la fois calculateur et résigné sur eux-mêmes, ce qui est
peut-être une façon de signifier qu’ils sont prisonniers du cortège
d’images qui les entoure. En 1879, au congrès ouvrier de Marseille, le
premier grand congrès syndical libre après la répression de la
Commune, plusieurs mineurs sont présents. Forissier, venu de la
Loire explique à la tribune : « Les mineurs continueront à rester les
martyrs du travail, du danger et du dévouement, mais ils veulent
comme les autres corporations marcher au progrès et à
l’émancipation. » Ce qui revient à peu près à dire : on est prêts à être
courageux, des héros, mais on veut des contreparties... Et dans la
littérature syndicale de l’époque les mineurs reprennent totalement
à leur compte le discours du mythe. Voici quelques extraits du
premier journal écrit et édité par les mineurs en 1891, Le Travail du
mineur :
Chanson écrite par un mineur :
Ah le mineur est admirable,
Son rôle est beau, plein de grandeur,
C’est un héros que rien n’accable,
Connaît-il seulement la peur ?
Poèmes :
Esclave couché sous la terre,
Mort vivant creusant son tombeau
Le mineur solitaire pioche à côté de son flambeau,
Tout à coup ébranlant la mine,
Le grisou sombre épouvantai !,
Vient par derrière et l’assassine victime du travail.
Ne ris pas enfant de l’ouvrier mineur
Car le mineur, vois-tu, souvent meurt sur la brèche
Comme un vaillant soldat pour donner la chaleur.
Le chant du mineur sur un air qui s’appelle le grisou :
La cage descend dans la mine.
Bas les hommes au fond du puits,
Pas une voix ne récrimine.
Dans le trou béant de la nuit,
Les braves vont à la bataille.
Ils sont de taille pour le contrat des galériens.
Bientôt les sombres galeries
S’empliront de voix de mineurs
Cherchant le pain de l’industrie,
Ainsi que pour eux et les leurs
Dans la tâche ardente, sublime
Le vrai courage des héros
Que l’on ne voit pas dans l’abîme,
Peinant sans trêve ni repos.
Tout autour d’eux, c’est la menace
Du grisou, des éboulements
Et quand la mort affreuse passe
Dans ses farouches éléments,
Mais peu importe, c’est pénible,
C’est noble et c’est grand, plein de beauté
Car il faut bien du combustible
Pour la marche de l’humanité.
Le martyr du prolétariat, le mineur
C’est le paria de la terre,
Il ne sait qu’enfanter dans les pleurs,
Il doit être un souffre-douleur de la terre.
17 Le syndicalisme des mineurs a repris de façon complètement a-
critique cette identité prolétarienne fondée sur l’amour du travail, la
sédentarisation subie et le risque professionnel. Le syndicalisme
avait bien dans ses objectifs de s’attaquer à l’exploitation, mais il a
passé sous silence ce qui rendait possible cette exploitation : à savoir
cette identité prolétarienne, ancrée sur des valeurs aussi peu
libératrices que la seule valorisation par le travail et la mort au
travail.
18 Un impensé lourd de conséquences va parcourir la corporation
minière : cette identité fabriquée, imposée et jamais remise en
question. Dans quelle mesure était-il possible de lutter contre
l’exploitation et donc de s’émanciper, si n’étaient pas remises en
cause les valeurs sur lesquelles était fondée cette exploitation ?
Était-ce historiquement possible ? Pourquoi cette absence d’esprit
critique si troublante ? Au point qu’on distingue des
correspondances ambiguës entre les discours ouvriers et les discours
patronaux.
19 Au début du XXe siècle, deux mineurs de la région de Denain avaient
entrepris de créer, en modèle réduit, ce qu’ils appellèrent « une
mine mécanique ». Dans un numéro du mois de décembre 1978 le
journal du Parti communiste dans le Nord, Liberté, rapporte cette
histoire dans sa rubrique « Entre nous gens du Nord » : « Ces deux
mineurs exhibaient dans les foires une mine mécanique dans
laquelle ils représentaient le travail du mineur, et ils indiquaient en
gros caractères sur leurs affiches : Vous y verrez entre autres
diverses catastrophes. »
20 Ainsi des mineurs passaient dans les corons, les villes et les villages
au moment des foires pour donner des spectacles de catastrophes, de
même que Simonin faisait, lui, des conférences sur les catastrophes.
Au profit des veuves et des orphelins... Comment se fait-il qu’au lieu
de provoquer un sentiment de révolte et de refus, les catastrophes
devenaient, même chez les mineurs, des objets de spectacles et
d’exhibition ? Comme si l’idée de la mort au travail était une
composante à la fois spectaculaire et normale de la vie du mineur.
N’est-ce pas là en définitive que se marque l’ancrage et la profondeur
du mythe ?
Le mineur, avant-garde du prolétariat
(l’universalité du mineur)
21 Le mineur comme avant-garde du prolétariat est le deuxième thème
constitutif de la mythologie. L’historienne Michelle Perrot écrit à ce
propos : « La grève-type sera longtemps celle des mineurs, comme
ces derniers, parés des prestiges terrifiants de l’enfer noir, sont au
e
XIX siècle le symbole même du prolétariat. » Et elle ajoute : « La mine
et les mineurs sont le thème de prédilection de l’iconographie
ouvrière de l’Illustration ; ils fournissent environ les 3/4 des gravures
entre 1870 et 1914 » (Michelle Perrot 1973).
22 A cause de leurs révoltes, de leurs turbulences, les mineurs vont
entrer dans toutes les stratégies politiques : des républicains, puis
des socialistes, enfin des communistes après 1920. A l’aube de la IIIe
République, en 1880, la classe politique républicaine et radicale
prend le pouvoir et les mineurs lui posent très vite problème. La
grève des mineurs du Nord à Anzin en 1884 dure 56 jours et suscite
de lourdes inquiétudes.
23 Georges Stell, un journaliste républicain et ami du syndicaliste
Rondet, se penche sur la condition des mineurs et rédige dès 1882 un
livre qui s’intitule : Les cahiers de doléances des mineurs français. Il
écrit :
20. Mineur travaillant à « col tordu » (archives HBNPC)
Les intérêts des mineurs français représentent ceux de tous les ouvriers dans
notre pays. L’industrie de la houille est la mère de toutes les autres. C’est là que
le travail est le plus pénible, c’est là que le danger est perpétuel et la misère
menaçante. A tous ces titres les mineurs ont le droit de parler au nom du
prolétariat.
24 Ce n’est pas par hasard si G. Stell prend le parti des mineurs. Ceux-ci
vont servir les républicains pour attaquer les dirigeants des
compagnies minières qui sont en majorité monarchistes,
orléanistes : légitimistes ou bonapartistes. Mais la sollicitude des
républicains pour les mineurs va aussi contribuer à enrichir la
mythologie. Un thème fait recette : le misérabilisme. On va tout dire,
tout décrire sur les conditions de travail des mineurs. On va montrer
leur misère, comme un acte d’accusation. Georges Stell s’emploie
avec une plume avertie à ce genre de descriptions : « Accablé de
chaleur, mouillé par l’eau, complètement nu, il halète, il souffre. Il
n’existe pas de labeur plus dur, plus écrasant, plus répugnant ; et
cependant les ouvriers qui en sont chargés tiennent à y rester ». Il
raconte longuement l’histoire du mineur qui revient de la fosse.
L’homme remonte péniblement. Il suit le méandre des galeries par des chemins
accidentés, toujours dans la nuit, les pieds dans l’eau ; il monte, redescend,
oblique à droite et à gauche, guidé par le feu terne des lampes et les coups de
sifflet du porion, longe les couloirs étroits, empestés, encombrés, se gare des
wagonnets lancés à toute vitesse sur les rails. En cheminant, il s’applaudit d’avoir
cette fois encore échappé au coup de grisou, à l’éboulis, à l’incendie des boisages,
à l’inondation, au feu des coups de mine. Il arrive au jour, éreinté, noir, les
vêtements mouillés par sa sueur, les yeux brûlants, l’estomac irrité, la tête
pesante ; il a souvent 2, 3 ou 4 kilomètres de marche avant de tomber inerte sur
un siège, dans sa misérable demeure : heureux s’il a une veste de rechange et s’il
y trouve une famille qui le reçoive avec des sourires. Il a peiné pendant 12
heures ; il va dormir pendant 8 à 10 heures et retombera le lendemain dans cet
enfer que Dante n’a pas osé rêver.
25 Du côté des socialistes, c’est sensiblement différent : les guesdites qui
sont un peu les précurseurs du Parti communiste, s’intéressent de
près aux mineurs et introduisent l’idée de corporation d’avant-
garde. La corporation minière commence à se syndicaliser au niveau
régional puis national dans les années 1882-1883. Une fédération
nationale des mineurs existe et en 1891, voici ce que l’on dit lors
d’un congrès tenu à Commentry :
La question sociale doit être réduite à sa plus simple expression. Au lieu de
perdre son temps à convertir au communisme tous ceux qui de près ou de loin
touchent au prolétariat et ont avec lui des intérêts identiques, on devra
s’attacher à une seule corporation pour trois raisons :
— parce que plus que tout autre ouvrier le mineur est à même de comprendre les
nécessités d’une transformation sociale.
— parce qu’il est la plus complète survivance du serf féodal et de l’esclave
antique s’il n’en est une aggravation.
— parce qu’il tient dans ses mains la source de l’industrie moderne et par suite de
la société entière.
Donc, on travaillera tout spécialement le mineur. On fera de la corporation minière
la corporation d’élite. On en syndiquera étroitement les membres d’une façon
nationale d’abord, puis internationale, pour aboutir à la grève générale des
mineurs où git le salut de la classe ouvrière tout entière.
26 Cette notion d’avant-garde apparaît à maintes reprises dans la
bouche des dirigeants mineurs. « Quand l’heure de la lutte ouvrière
arrivera, les mineurs seront comme toujours à l’avant-garde du
prolétariat », explique un syndicaliste lors du congrès national des
mineurs de 1912. Une chanson populaire des années 1880 exprimait
déjà que « c’est par le charbon que se fera la révolution ».
27 La troisième étape politique, c’est le Parti communiste qui l’écrit,
après la Seconde Guerre mondiale, pour la cause de la bataille du
charbon et de la « renaissance française ». Le PC n’invente rien : il
systématise et gère avec les moyens de la propagande et du pouvoir
la mythologie du monde minier qui date du XIXe siècle.
Voix discordantes
28 Est-ce que tous les mineurs se sont reconnus dans cette mythologie ?
N’y a-t-il pas eu de contre-discours ? Des isolés n’ont-ils pas exprimé
autre chose que la parole officielle ? Si on ne trouve pas trace de
réactions collectives, quelques voix discordantes, à peine audibles en
vérité, se sont fait entendre depuis la fin de la guerre et même un
peu avant. Le plus connu de ces contestataires de la mythologie
minière est sans doute le Belge Constant Malva. Ce mineur de fond,
écrivain prolétarien de l’école d’Henri Poulaille, a laissé une œuvre
assez fournie sur la mine. Dans son livre le plus important, Ma nuit au
jour le jour, écrit en 1937, réédité en 1977, Malva s’en prend au mythe
du mineur.
Je ne pense pas que nous soyons les héros que la presse de toute couleur se plaît à
vanter après les grandes catastrophes. Nous ne sommes que des pauvres hommes
qui contrairement à ce qu’on raconte ont un métier qu’ils haïssent... Nous
n’allons pas à la fosse par devoir, mais par nécessité, parce qu’il faut gagner sa
vie. Ce n’est pas vrai que le mineur aime son métier. Ils ont du mal à s’en défaire,
mais de là à l’aimer ! Ils ne l’ont d’ailleurs pas choisi, il leur fut imposé par
certaines circonstances. Oui, les mineurs maudissent leur métier.
29 D’autres textes, écrits par des journalistes, sont révélateurs de ce que
pouvaient penser les mineurs. Par exemple des articles qui ont été
rédigés après la catastrophe de Courrières (Pas-de-Calais) en 1906,
qui fit 1 100 morts. Un journaliste du Petit Journal illustré essaye de
faire parler les mineurs et écrit un article qui s’appelle : « La vie du
mineur » :
Après la catastrophe, dans les premiers instants de l’épouvante, des mineurs ont
dit à quelques-uns de nos confrères que s’ils exerçaient ce métier périlleux,
c’était faute de pouvoir en choisir un autre, mais qu’ils étaient houilleurs malgré
eux, à leur corps défendant. Et les personnes qui ne sont point familiarisées avec
les mœurs des pays miniers, les ont crus sur parole et en ont conclu que
l’attachement du mineur à la mine était une légende.
Rien n’est plus réel cependant et je gagerais bien que, parmi ceux qui sont sortis
vivants de la fournaise, il en est plus d’un qui en donnera la preuve en
retournant bénévolement au fond. Il faudrait n’avoir jamais vécu dans un centre
minier pour croire le contraire. Si d’autres industries existaient dans la région,
disait un de nos confrères, les mineurs abandonneraient la mine pour y courir en
foule... Eh bien ! mais n’existent-elles pas ces industries ?... Et les hauts-
fourneaux ?... Et les verreries ?... Mais qu’y gagneraient-ils les mineurs ? Le
métier de puddleur est plus dur encore que le leur et celui du verrier — du
verrier qui vit absolument dans le feu — n’est pas plus enviable. Aussi les
mineurs n’envient-ils pas, quoi qu’on dise, le sort des autres travailleurs. Leur
métier est pénible, dangereux, soumis aux risques des éboulements et des coups
de grisou, mais ils aiment leur métier et, comme je le rappelais récemment ici-
même, en citant des exemples, ils en ont la fierté.
21. Dessin de Grandjouan (L’assiette au beurre, n° spécial du 24 mars 1906, consacré à
la catastrophe de Courrières)
NOTES
37. L’ouvrage de Marcel Gillet a été publié en 1973 aux éditions Mouton.
38. Ce document se trouve aux Archives du Centre historique minier de Lewarde (Nord).
II. Strates. Production, poumons,
corons
Des ingénieurs perdus
Le procès de l’exercice du métier d’ingénieur dans les mines sous
l’occupation 39
Evelyne Desbois
La récidive
23 Ces pressions faites aux mineurs vont subir un coup d’arrêt. La
réunification de la CGT en 1935 renforce la position des syndicalistes
face aux directions et leur permet d’envisager des actions pour
supprimer ces deux mesures. La victoire du Front populaire, les
grèves de juin 36 dans les mines, cassent cette période en deux —
avant et après 36 — tant pour les ouvriers que pour la maîtrise et les
ingénieurs. C’en est fini du système Bedaux, du moins le croit-on.
A la reprise en 36, je me souviens qu’à Anzin, dans les rues, les gens portaient des
écriteaux sur lesquels était écrit « Bedaux est mort ». En fait Bedaux n’était pas mort. Le
système a seulement été mis un peu au sommeil (M.B., ingénieur).
24 Quand le personnel est trop réticent, ce système est appliqué pour
l’évaluation du salaire collectif. Les grandes espérances nées au
printemps 36 vont s’éteindre au fil des mois. Non seulement les
compagnies minières continuent à exiger le même niveau de
rendement mais elles trouvent un allié inattendu, la CGT, qui,
notamment dans son journal La Tribune, rappelle à l’ordre les
ouvriers et les met en garde contre tout comportement aventuriste
comme certaines formes de refus de travail, qui mettrait en danger
l’expérience du Front populaire.
Les mineurs ne doivent donner sous aucun prétexte au patron l’occasion de dire
que la baisse de rendement est due au relâchement des mesures disciplinaires de
tous ordres. Nous leur disons qu’une production accrue, là où cela est possible,
doit être consentie (La Tribune, 31 octobre 1936).
25 Il est cependant un domaine où les choses ne vont plus être
réellement comme avant. C’est celui des rapports hiérarchiques.
Forts de la victoire du Front populaire, soutenus par les luttes
menées sur tout le territoire, les ouvriers ont occupé les fosses en
juin 36, conscients de leur nouvelle force et persuadés de la
légitimité de leurs revendications. Les piquets de grève ont bloqué
les ingénieurs dans leurs bureaux pendant plusieurs jours. Le
pouvoir et la crainte avaient échangé leurs camps. La reprise du
travail, le plus souvent effectuée à contrecœur et sur l’injonction des
responsables régionaux de la CGT, ne pouvait effacer le souvenir de
ces inversions de rôle ; les instances syndicales ne contrôlant certes
pas tous les gestes et les paroles des ouvriers, ceux-ci affichent de
nouvelles attitudes. Les agents de maîtrise, les ingénieurs avaient été
vus à la faveur de cette brutale éclaircie dans les rapports sociaux,
comme des individus qu’on pouvait attaquer, insulter, voire
molester, des personnes à portée de voix et à portée de main, qui
n’inspireraient plus comme par le passé cette crainte respectueuse
sur laquelle reposait l’exercice du pouvoir dans les compagnies.
A la reprise, le climat social était un peu différent. Certains agents de maîtrise ont eu un
peu de mal à s’adapter aux nouvelles conceptions psychologiques du personnel. Quand,
par exemple, des agents de maîtrise qui avaient l’habitude d’être obéis au doigt et à l’œil
sans aucune discussion, rencontraient un jeune mineur de quinze, seize ans, assis, après
le briquet, dans la voie, ils lui disaient : « Qu’est-ce que vous faites là ? », il leur répondait
en levant le poing : « Je fais le Front populaire ! » Les agents de maîtrise ne savaient pas
quoi faire. Ils se disaient que s’ils ne le punissaient pas, ils risquaient d’avoir des histoires,
et que s’ils le punissaient, ils risquaient aussi d’en avoir (M.B., ingénieur).
26 Cette liberté de ton, ces attitudes sans complexes feront long feu.
Après la chute du gouvernement Blum, la rupture du Front
populaire, la hiérarchie va reconquérir au cours des années 37, 38,
39, l’ensemble de ses prérogatives, sans chercher à établir un
nouveau type de relations avec le personnel. Pour réaffirmer un
pouvoir qui n’allait plus de soi, elle exercera des représailles à
rencontre de ceux qui avaient pu croire à la modification des
rapports de force.
27 Les jeunes ingénieurs tout juste sortis de l’école des Mines sont les
témoins impuissants de ces comportements qui les engagent malgré
eux. L’un d’eux nous rapporte en exemple le veto opposé par la
direction à la promotion qu’il avait demandée pour un jeune
ouvrier :
Je me suis fait engueuler au téléphone par le directeur qui m’a traité de maladroit. Il m’a
dit qu’il ne fallait pas donner un avancement à un ouvrier dont le père porion
(contremaître) avait des positions (sous-entendu politiques et syndicales) (M.D.,
ingénieur).
28 La marge de manœuvre de ces jeunes ingénieurs reste faible. Même
s’ils sont conscients de la nécessité de changer les relations au sein
de l’entreprise, ils sont isolés face au pouvoir absolu détenu par les
directeurs de fosse et les ingénieurs en chef du fond.
L’occupation
29 Le personnel des mines est évacué le 22 mai 1940. Quand il revient
sur place aux alentours du 15 juin 1940, le Nord et le Pas-de-Calais
sont placés sous l’autorité du commandement militaire de Bruxelles
et directement administrés par l’Oberfeldkommandantur 670 de Lille, la
vie du bassin minier est complètement désorganisée. « Quand nous
sommes rentrés, il n’y avait plus d’administration, plus de mairies,
plus rien du tout » (M.M., abatteur). Les délégués mineurs (délégués
à la sécurité) communistes ont été révoqués, conséquences de
l’interdiction du Parti communiste et de ses organisations en
septembre 1939, après la signature du pacte germano-soviétique.
30 Les directions des compagnies restent en place, sous le contrôle des
autorités allemandes. Non seulement l’exigence de rendement est
maintenue, mais les ouvriers doivent y répondre alors qu’ils sont
complètement démunis. Ils vont mener la grande grève de
l’occupation, la grève de 100 000 mineurs, du 27 mai au 10 juin 1941.
Cette grève, préparée et dirigée par Auguste Lecœur (qui sera coopté
en mai 1942 à la Direction nationale du Parti communiste clandestin,
auprès de Duclos, Frachon et Tillon), sera revendiquée
ultérieurement par le PCF pour prouver à ses détracteurs que les
communistes n’ont pas attendu l’entrée des troupes allemandes en
Union soviétique (22 juin 1941) pour mener des actions contre
l’occupant. Dans son livre, Les années sans suite, Roger Pannequin,
instituteur, militant communiste et résistant, analyse les ressorts de
cette grève :
Le 27 mai 1941, au poste du matin de la fosse Dahomey de Montigny-en-Gohelle,
les jeunes militants communistes (...) déclenchèrent la grève (...). Si les
revendications avancées furent toutes d’ordre économique — de la viande, du
savon, du beurre, réduction du temps de travail au fond — les ouvriers
comprirent très vite qu’ils faisaient grève contre les Allemands. En ce sens, leur
mouvement était patriotique. Les mineurs savaient que leurs difficultés de
ravitaillement dans cette région où l’agriculture était riche, étaient dues à la
présence des Allemands. La production charbonnière était exportée en
Allemagne. Les patrons des compagnies minières festoyaient avec les officiers
allemands (...). C’est ainsi que, dans les faits, la grève fut anti-allemande. Les
mineurs obtinrent l’amélioration de leur ravitaillement, des conditions
d’hygiène et de sécurité. On créa un système spécial d’approvisionnement et un
régime plus favorable de rationnement (...). Mais les compagnies minières
avaient donné aux policiers français les noms et les adresses de ceux qu’elles
considéraient comme des meneurs. 325 mineurs furent arrêtés, 231 déportés, 94
internés, 9 fusillés comme otages en septembre 1941 et avril 1942 (Roger
Pannequin 1976 : 103-105).
31 Ce récit, ou une de ces variantes, vient toujours à l’appui, dans les
discours politiques et syndicaux, des accusations portées contre les
directions des compagnies : l’exemplarité de la lutte contre
l’abomination de la collaboration qui est ici complète, c’est-à-dire
économique et policière. L’ampleur de la répression et son bilan
dramatique saturent l’image de cette période et masquent ce que fut
l’ordinaire du travail dans les mines sous l’occupation. La
monographie réalisée par O. Kourchid sur les mines de Lens entre
1940 et 1944, décrit les conditions de travail et de production
auxquelles étaient confrontés les mineurs (Olivier Kourchid 1985).
32 Aujourd’hui encore, près de quarante ans après les procès, les
mineurs interrogés maintiennent cette double accusation de
collaboration économique et policière ; ils y ajoutent celle de la
contrainte exercée à leur encontre pour augmenter la production et
gardent un arrière-goût tenace laissé par l’attitude du personnel
d’encadrement, ingénieurs et agents de maîtrise. « Ils n’avaient que
des insultes à la bouche » (M.M., abatteur).
33 Il ne s’agit pas ici de juger les événements de cette période, mais de
rapporter les témoignages de quelques ingénieurs sur la situation
dans les fosses où ils travaillaient ainsi que les récits de leurs propres
expériences, car c’est un domaine « où on ne peut parler que pour
soi-même », comme le dit un ingénieur.
34 Deux types d’analyses pouvaient être faites :
35 1 — Le charbon est destiné à l’Allemagne, donc il faut en produire
juste assez pour ne pas attirer la répression.
Sous l’occupation, il y avait des ingénieurs qui ne s’étaient pas suffisamment interrogés
sur eux-mêmes, sur le rôle qu’ils jouaient. Ils avaient poussé au charbon sous prétexte que
les usines ne tournaient pas, que les Français mouraient de froid. Ils poussaient au
charbon sans s’interroger sur ce que cela signifiait. Ces gens-là avaient suivi les
instructions données par les directions (M.F., ingénieur).
36 2 — Le charbon est destiné à la France, donc il faut produire.
En toute sincérité, je ne pense pas qu’il y ait eu un seul gramme de charbon que nous
faisions pour l’occupant qui soit allé en Allemagne. Ce charbon était surtout utilisé pour
les besoins de chauffage des gens. Quand on se souvient de l’hiver 42 et d’endroits comme
Paris où les gens souffraient du froid, on n’avait pas mauvaise conscience en faisant du
charbon bien qu’étant occupés, mais à condition aussi de ne pas se faire complice de la
répression que les Allemands pouvaient mettre en route quand il y avait des grèves (M.B.,
ingénieur).
37 Les ingénieurs interviewés, quelle que soit leur analyse, suivent une
seule et même ligne de conduite qu’on peut résumer ainsi : en faire
juste assez.
38 Pour répondre aux exigences des autorités allemandes, les directions
des compagnies ont pu recourir aux méthodes d’évaluation du
travail qui avaient fait leurs preuves auparavant : les
chronométrages avec leurs effets sur les salaires en ces temps de
pénurie. Tout dépendait alors de l’attitude de l’ingénieur chargé de
ces mesures :
J’ai été amené à dire à un ouvrier que je chronométrais, et qui était tellement attiré par
une augmentation de son gain qu’il travaillait comme une brute : « Ce n’est pas le
moment de travailler tant que ça, attends la Libération » (M.R., ingénieur).
39 L’« écrémage », autre procédé pour augmenter la production,
consistait à n’exploiter que les plus belles veines du gisement ; à
l’inverse, le camouflage était possible comme nous le rapporte
l’ingénieur M.D. :
Nous avions une belle veine, une des trois veines qui avaient fait la gloire de Bruay à
l’époque. Ce qui s’est passé, c’est que nous avons caché aux Allemands ce que nous avons
extrait de cette veine. Tacitement, tout le monde était d’accord pour en faire le minimum.
Ce qui fait qu’on s’est retrouvé à la Libération avec quand même un beau gisement.
40 Le renouvellement du matériel d’extraction obsolète était tout aussi
déterminant, mais les compagnies dépendaient du bon vouloir de
l’administration allemande. A ce sujet, le récit de M.D. nous
renseigne sur les rapports que pouvaient entretenir les ingénieurs
avec les contrôleurs allemands qui procédaient régulièrement à des
visites d’inspection :
C’était un ingénieur de la Ruhr, je le voyais venir d’un mauvais œil car il était en
uniforme et moi en civil (...) mais je dois dire qu’au bout d’une heure, après avoir discuté
technique, on se retrouvait entre techniciens (...). Il était correct, il voulait qu’on fasse du
charbon. Je lui répondais que nous n’avions rien, que nous n’avions pas de courroies. Il me
répondait : « C’est la guerre ». Au fond, il y avait dans l’administration allemande des
professionnels qui comprenaient la situation.
41 Selon cet ingénieur, le responsable allemand du bassin était un « bon
mineur ». Une remarque au passage : quand les ingénieurs parlent
des mineurs (les abatteurs, les rouleurs, etc.), ils emploient le terme
ouvrier et réservent le terme mineur pour qualifier leurs collègues
ingénieurs.
42 Ce professionnel comprenant donc fort bien les effets de la pénurie
de matériel sur la production, s’efforçait d’y remédier en attribuant,
quand c’était possible, du matériel performant aux compagnies :
Il avait fait envoyer des machines mécaniques pour attaquer les veines, ce qui risquait
d’augmenter la production. On ne pouvait pas refuser, mais on s’arrangeait pour que tout
n’aille pas pour le mieux. Ainsi, il y avait souvent des tuyaux à air comprimé qui
crevaient... (M.D., ingénieur).
43 Ces récits de pratiques même parcellaires et en aucune façon
représentatives des attitudes de l’ensemble des ingénieurs du bassin,
rendent cependant bien compte de l’ambiguïté de la situation des
ingénieurs pendant cette période et de l’éventail des procédés
auxquels ils pouvaient recourir pour la gérer. Nous n’avons vu
qu’une face des comportements, celle du « en faire juste assez » ; la
face « en faire plus » peut être facilement déduite de la première en
renversant le sens des actions : pousser l’ouvrier au rendement,
écrémer, entretenir et surveiller le matériel.
44 Ces ingénieurs étaient quelque peu informés — malgré le
cloisonnement existant entre les fosses — des excès commis par
certains de leurs collègues, comme les actes de délation par exemple.
S’ils condamnaient ces pratiques, ils expliquent aujourd’hui que leur
attitude de neutralité dans l’entreprise était guidée par la prudence,
une prudence rendue nécessaire par le milieu environnant peu sûr.
Il y avait beaucoup de choses qui ne se disaient pas. On ne savait pas exactement à qui on
avait affaire. Le monde des mineurs est un monde composite ; en grande majorité il est
hostile à l’occupant, mais dans une fosse où il y a mille ouvriers, il n’y a besoin d’avoir
qu’une vingtaine de sympathisants des Allemands pour qu’on puisse subir des mesures de
rétorsion. Cette prudence, le personnel ouvrier la pratiquait aussi vis-à-vis des ingénieurs
et des cadres (M.B., ingénieur).
45 A côté d’actes comme la remise de listes de grévistes et de
« meneurs » aux autorités allemandes et à la police, ce type de
comportement volontairement « neutre » (non propre aux
ingénieurs des mines) ne semblerait pas devoir faire l’objet d’une
poursuite en justice. Or, à la Libération, tous les directeurs de
compagnie ont été suspendus pour faits de collaboration et la
plupart des ingénieurs qui avaient de hautes fonctions dans les
compagnies sont passés devant les commissions d’épuration.
46 Ce n’étaient donc pas seulement les actes criminels qui furent jugés,
mais aussi la pratique normale du métier d’ingénieur dans une
situation anormale.
Il faut reconnaître quand même, que lorsqu’on fait un métier, on est facilement polarisé
là-dessus. On fait un peu facilement abstraction de toutes les circonstances extérieures,
même si celles-ci sont beaucoup plus importantes que le métier lui-même (...) et certains
agents de maîtrise et certains ingénieurs ont conservé pendant la guerre un
comportement semblable à celui qu’ils avaient avant, c’est-à-dire une recherche de
résultats. Pour eux, il n’y avait pas deux façons de travailler (M.B., ingénieur).
47 Il n’y avait sans doute pas non plus deux façons de travailler pour ce
jeune ingénieur tout juste sorti de l’école des Mines (en 43) pour
effectuer le STO dans les mines du Nord, qui était choqué par
l’existence de cette complicité effective dans certaines fosses, visant
à réduire la production : « J’avais l’impression qu’il y avait un certain
laisser-aller » (M.F., ingénieur).
48 Ce que les mineurs n’ont pas supporté sous l’occupation, ce n’était
pas les actes de collaboration économique mais la condition qui leur
était faite. Les ingénieurs ne tenaient pas compte de la situation dans
laquelle ils se trouvaient (sous-alimentation, pénurie de produits de
première nécessité) et exigeaient d’eux les mêmes rendements
qu’auparavant. Une anecdote rapportée par l’ingénieur M.D. illustre
bien la rancœur accumulée par les mineurs et le type de
comportement dont ils vont demander réparation à la Libération. A
la fosse de Bruay, l’ingénieur mis en accusation par les ouvriers était
un résistant, mais « il était détesté car il était très dur vis-à-vis du
personnel ».
Le dénouement
49 Les moments de changement de pouvoir paraissent toujours
dangereux aux yeux des responsables politiques parce qu’ils sont
difficilement maîtrisables. Que peut-il se passer entre le départ des
armées allemandes et l’installation d’une nouvelle administration
française ? Des troubles, voire l’insurrection. Pour préparer cette
période incertaine et assurer le passage d’un état politique et social
au suivant, le général de Gaulle nomme des commissaires de la
République pour chaque région. Leur mission : éviter les exactions,
l’anarchie et restaurer l’ordre social. C’est pendant les quelques
heures, les quelques jours de battement, que les comptes se règlent.
M.F. Clozon, commissaire de la République pour la région Nord-Pas-
de-Calais, dès son arrivée, met en place un dispositif institutionnel
pour prendre de vitesse cette auto-régulation sociale et,
provisoirement, il prend une décision radicale : emprisonner le plus
grand nombre possible de suspects pour les protéger.
Qu’est-ce que j’ai trouvé à Lille à mon arrivée ? C’est une situation de violence. La
mine à ce moment-là est en situation de violence ; on assassinait encore des
ingénieurs au fond de la mine, (...) j’ai mis beaucoup de gens dans les camps
d’internement, la meilleure façon d’éviter les troubles (Revue du Nord sept. 1975 :
627-629).
50 Par les arrêtés du 10 et du 15 septembre 1944, les préfets et le
commissaire régional de la République mettent au point les
procédures d’épuration et créent les commissions d’enquête et
d’épuration des exploitations houillères. Ces commissions examinent
les plaintes et les accusations individuelles que leur transmettent les
syndicats. Les dossiers passent ensuite devant une commission
interprofessionnelle pour aboutir sur le bureau du commissaire
régional de la République.
51 La notion même de collaboration prête à confusion. Trois
conceptions de l’épuration s’affrontent :
celle du représentant du nouveau gouvernement, M.F. Clozon : « Quel était mon
objectif quand je suis arrivé à Lille ? Cela a été de saisir ceux qu’on a appelé les traîtres,
les collaborateurs des Allemands, au sens militaire du mot » (Revue du Nord, sept. 1975 :
629).
celle du responsable régional des syndicats illégaux des mineurs du Nord-Pas-de-Calais
(entre 1942 et la Libération), M. Léon Delfosse, devenu secrétaire du syndicat des
mineurs CGT du Pas-de-Calais et chargé des questions d’épuration : « C’était
évidemment de frapper à la tête des compagnies minières, c’est-à-dire les véritables
collaborateurs ».
celle des ouvriers des compagnies minières : faire payer pour ce qu’ils avaient subi
pendant l’occupation : les amendes, les insultes, les menaces de déportation, etc.
Chacun avait quelqu’un à épurer. Il s’était passé tellement de choses, les rapports avaient
tellement été faussés qu’il y avait très peu de gens dans le commandement pendant la
guerre qui n’étaient pas suspects. Chacun avait son adversaire (interview de M.
Delfosse).
52 La composition des commissions d’épuration éclaire sur la
conception qui va prévaloir.
La composition de la commission de Béthune était plus que douteuse. Elle était désignée
par le gouvernement. Avec un autre, j’étais le représentant de la CGT. Il y avait un
représentant de la CFTC. Son esprit chrétien introduisait le doute et la pitié. Quand on
jugeait des ingénieurs, il y avait aussi des ingénieurs dans la commission. C’était une
condition qui avait été introduite pour ne pas permettre de juger les grosses têtes (M.
Delfosse).
53 Dans chaque puits le personnel dresse des listes d’épuration et ceux
qui portent des accusations vont témoigner devant les commissions
d’épuration. Dans leur livre La libération du Nord et du Pas-de-Calais,
Étienne Dejonghe et Daniel Laurent décrivent le fonctionnement de
ces commissions et le sort fait aux plaintes des ouvriers :
54 Mal à l’aise, peu habitués à s’exprimer longuement, ils ne savaient
que livrer la trace qu’avaient laissée les faits sur leurs esprits et non
les faits eux-mêmes. Plus la discussion avançait, plus il apparaissait
que c’était l’attitude de l’ingénieur ou de l’agent de maîtrise, en
particulier sa brutalité, son manque d’égards qui étaient en réalité
mis en cause. C’était en toute bonne foi qu’ils confondaient délit de
travail et délit politique. Ce genre de reproches ne pouvaient être
retenus. Les personnes incriminées bénéficièrent d’un non-lieu et
retrouvèrent immédiatement leur place aux Houillères (E. Dejonghe,
D. Laurent 1974 : 238).
55 Le bilan de la commission interprofessionnelle d’épuration des
entreprises dressé à la fin de l’année 1945 et présenté par D. Laurent
dans sa communication sur « l’épuration dans le Nord et le Pas-de-
Calais » montre clairement que la conception gouvernementale a
prévalu. Sur les mille dossiers constitués, six cents décisions et
seulement quarante-deux sanctions : dix-huit suspensions, onze
déplacements, onze rétrogradations, deux licenciements. L’épuration
réclamée par la CGT n’a pas été réalisée. « L’épuration dans les mines
est une opération faussée. On a condamné quelques porions de-ci,
de-là, mais la grosse masse des ingénieurs et des directeurs est
passée à travers le filet » (Revue du Nord sept. 1975 : 367).
56 Mais reprenons au début de cette période avant que les dossiers ne
soient traités par les commissions d’épuration. Dans les mines, le
travail continue ; les Allemands sont partis et une chose au moins a
changé, même si le ravitaillement pose encore des problèmes : les
ouvriers n’ont plus peur. Maintenant, c’est au tour des
contremaîtres, des ingénieurs et des directeurs d’avoir peur. Peur
des représailles, peur des dénonciations.
Le jour de la Libération, je me suis trouvé comme tout jeune ingénieur au puits avec un
certain nombre de mineurs au fond (...) J’ai vu arriver l’ingénieur divisionnaire, il est
resté quelques minutes, puis il a dit : « Il faut que j’aille rassurer ma femme ». Il y avait
une atmosphère de peur effrayante. Sur place, il n’y a pas eu tellement de règlements de
comptes, à part un ingénieur qui a été invité à rester chez lui, et qui, en quelques jours a
blanchi. C’était un très grand mineur. Il y a eu toute une série d’équivoques à son sujet ; il
a été éliminé de son bureau pendant quinze jours. Fin septembre, il a dû revenir en rasant
les murs (M.F., ingénieur).
57 M. Léon Delfosse, responsable du syndicat des mineurs CGT, avait
rencontré, le 4 septembre 1944, l’ensemble des directeurs des
compagnies minières au bureau de Lens, lors d’une réunion
provoquée par le préfet du Pas-de-Calais. « Ils étaient à genoux.
C’était même un peu honteux de leur part de ne plus avoir le courage
de relever la tête. Cela montrait bien qu’ils avaient sur le dos
d’énormes responsabilités ».
58 Les directions sont devenues inexistantes, les ingénieurs et la
maîtrise, inquiets, sur leur garde, ne savent plus d’où ils tiennent
leur autorité. C’est au fond de la mine que la Libération prend tout
son sens pour les ouvriers.
Du jour au lendemain, tout a disparu. Il n’y avait plus d’amendes, plus de mises à pied. On
avait l’entière responsabilité de son travail sur le chantier. Dans les tailles, on ne voyait
l’ingénieur qu’une fois tous les quinze jours (M.M., délégué mineur CGT).
59 La Libération pour les mineurs, ce n’est pas seulement être libéré de
l’occupant, mais aussi de leurs chefs qui, indifférents aux régimes
politiques successifs, exercent de manière identique leurs fonctions
de commandement. Cette période de liberté relative sur le lieu de
travail ne dure pas. Les mineurs voient réapparaître les ingénieurs et
les porions dont ils pensaient être délivrés.
Presque tous les ingénieurs sont montés en grade, pour eux c’étaient de bons antécédents,
ils avaient bien servi la compagnie. Pourtant, ils avaient des crimes sur la conscience
(MM., délégué mineur CGT).
60 La parenthèse se referme mais non sans incidents. Ici et là des grèves
éclatent pour des questions d’épuration et de ravitaillement,
soutenues par les militants socialistes.
61 Si les traces des événements passés ne s’effacent pas dans la
mémoire des mineurs, les ingénieurs « passés au travers des mailles
du filet » garderont à leur tour des cicatrices de l’épuration. Qu’ils
aient échappé par hasard au passage devant la commission comme
cet ingénieur interviewé qui, blessé par le tir d’une patrouille
allemande, était hospitalisé et donc hors d’atteinte pendant six mois,
ou qu’ils aient bénéficié d’un non-lieu, ils savent que leurs
subordonnés les considèrent tous comme coupables et ils sont
conscients de ne pouvoir justifier leurs comportements auprès de
sujets maniant des critères qu’ils estiment irrationnels.
C’était beaucoup plus psychologique qu’objectif. On a reproché à un camarade qui m’avait
succédé dans la fosse, d’avoir mis des amendes pendant la guerre. Or, si on fait le relevé
des amendes qu’il avait distribuées, le nombre était inférieur à celui que j’avais réalisé
l’année précédente, mais il avait la réputation d’être plus vache que mois (M.B.,
ingénieur).
62 Les rapports entre les ingénieurs et les mineurs vont être marqués
pendant plusieurs années par l’amertume et la rancœur, au point
que nombre d’ingénieurs chercheront à quitter le bassin.
Les accusations
4 Après une longue période de privation, les mineurs furent sensibles
à la possibilité que leur offrait le salaire au rendement d’obtenir ces
« grosses quinzaines » qui leur permettraient de mieux vivre ; ils
travaillèrent en conséquence au point que selon M. Delfosse certains
doublèrent, voire triplèrent le salaire de base. Ces comportements
pouvaient être interprétés et présentés comme les signes d’une
adhésion aux mots d’ordre du Parti communiste, ce qui explique les
fortes réactions politiques provoquées par la bataille du charbon,
ainsi que sa dramatisation : les mineurs, chair à production. Non pas
que les accusations lancées par les socialistes et les syndicalistes
chrétiens de sacrifier les mineurs sur l’autel de la production fussent
totalement injustifiées, puisqu’aujourd’hui encore, les responsables
communistes considèrent avec perplexité les effets de cette bataille.
Mais l’attention toute particulière portée aux conditions de vie des
mineurs et à leur santé, tout à fait légitime en soi, pouvait dans le
contexte politique de l’époque servir des préoccupations peut-être
moins généreuses. Ainsi Léon Delfosse, tout en admettant qu’il ait
été demandé aux mineurs de faire des « efforts dans des conditions
difficiles et défavorables », juge en revanche peu loyale l’attitude
adoptée sur le plan local par les socialistes. Ceux-ci, pense-t-il,
« n’ont jamais vraiment joué le jeu », alors même qu’au plan
national, socialistes et communistes s’accordaient sur la politique
économique à mener et que le ministre socialiste Lacoste mettait
tout en œuvre pour la rendre effective.
5 Cet écart au plan local des socialistes par rapport à la ligne de leur
parti n’était peut-être pas à mettre au compte de calculs politiciens,
ce dont les communistes les soupçonnent encore aujourd’hui ; il
pouvait provenir tout aussi bien chez certains d’un vieux fonds
anarchiste plutôt vif dans ce milieu quelques décades auparavant,
puis brisé par la Grande Guerre et enfin complètement dissous dans
l’éphémère climat euphorique de 1936, où les actions collectives —
occupations d’usines, nouveaux comportements culturels, nouvelles
pratiques de loisir — avaient « un goût de bonheur » 43 .
6 En 1945, ce courant de pensée n’est plus porteur ; d’autres idéologies
prennent sa place avec d’autres formes d’organisation et d’action.
L’anarcho-syndicalisme apparaît déjà en France comme une forme
archaïque des mouvements sociaux, bientôt vouée au musée.
Seulement les hommes de 45, communistes ou socialistes, ont gardé
en mémoire les grandes figures des luttes ouvrières d’avant la
Première Guerre mondiale. Un lien sentimental les lie encore à ce
passé, même s’ils en refusent l’héritage politique. En témoignent ces
paroles de M. Pierrard, alors rédacteur en chef du journal
communiste Liberté, à propos d’un de ses vieux amis, militant
communiste : « C’était le type de mineur communiste avec des
tendances anarchistes magnifiques ».
7 L’existence d’un tel mariage de mots, qui serait anachronique et
improbable chez les militants d’aujourd’hui, signale en écho le
caractère composite des objectifs politiques poursuivis par les
responsables communistes : développer la production et favoriser
l’émancipation ouvrière. Avec le recul des années, quand Léon
Delfosse, directeur général adjoint des Houillères à l’époque, fait le
bilan des réformes mises en œuvre par le PCF et la CGT, il peut
légitimement s’estimer satisfait des actions menées pour
démocratiser la vie des Houillères : création du comité central
d’entreprise et des comités de puits, où pour la première fois les
mineurs, par l’intermédiaire de leurs représentants syndicaux,
participaient à la gestion de l’entreprise.
8 Les attaques ne portèrent donc pas sur cet aspect-là de la politique
des Houillères, pas davantage que sur l’action sociale et culturelle.
Restait pour cible la priorité donnée à la production ; moins le
principe lui-même — car, qui pouvait oser s’élever publiquement
contre l’idée d’indépendance nationale ? — que ses modalités de
réalisation.
26. André Pierrard, 1981
lors de la rencontre-interview (Pierrard-Lecœur-Pannequin) organisée par les auteurs
(cliché Agave)
9 Les responsables communistes n’ont pas oublié les critiques dont ils
furent l’objet, et citent même de mémoire les discours les mettant en
cause. Léon Delfosse a retenu un passage du journal L’Espoir, organe
de la fédération socialiste du Pas-de-Calais, qui disait : « Les
communistes appellent à produire, bientôt ils vont faire dormir les
mineurs au fond de la mine ».
10 Auguste Lecœur, maire de Lens, sous-secrétaire d’État à la
Production charbonnière, membre du bureau politique du PCF s’en
prend, lui aussi, à L’Espoir :
Le socialisme nous tapait dans les reins. Presque toutes les grèves étaient déclenchées par
les socialistes. Vous n’avez qu’à jeter un coup d’œil sur les collections de L’Espoir qui
disaient : « Il faut écouter le camarade Lecœur, écouter le camarade ouvrier, prenez votre
paillasse, descendez au fond, vous remonterez dans huit jours ».
11 Les syndicalistes chrétiens livrent bataille sur le même thème, et
Auguste Lecœur dut porter plainte contre J. Sauty qui rapportait au
congrès de la CFTC de mai 46 des propos le faisant apparaître comme
« le boucher des mines » : « Même s’il faut que cent mineurs meurent
à la tâche, l’essentiel est que la bataille du charbon soit gagnée » (E.
Dejonghe 1975 : 653).
30. Waziers, 1978. Mineurs marocains : les derniers silicosés ? (cliché Agave)
Conclure à un non-lieu ?
29 Une fois finie l’audition des principaux protagonistes de cette
période, force est de constater que ni la direction des Houillères ou
les responsables politiques qui ont voulu une hausse de la
production, ni les ingénieurs qui ont appliqué cette politique ou les
mineurs qui l’ont subie, ni les médecins qui ont suivi ces derniers,
tous pris dans un contexte où l’urgence présidait à toutes les
décisions techniques et politiques, n’ont pu envisager les effets de
cette priorité donnée à la production. Incapacité à prévoir partagée
par les responsables et les victimes potentielles : boutefeux,
abatteurs et porions déployant leurs efforts en fonction des
avantages immédiats qu’ils en retiraient (augmentation du revenu,
avancement) ; les autres les poussant au travail en toute bonne
conscience, assurés d’œuvrer pour le bien de tous, pour l’avenir de la
France, pour celui des partis politiques de gauche et de la classe
ouvrière. Dans cette affaire, les accusés ne peuvent qu’être reconnus
innocents, mais au double sens du terme : non coupables parce qu’ils
ignoraient ce qui allait advenir de cette situation complexe et qu’ils
n’agissaient pas au mépris de toute considération d’ordre
humanitaire, mais crédules dans leur adhésion sans partage aux
mots d’ordre et confiants dans l’avenir et dans le progrès social, de
cette innocence-là coupables.
30 Les mineurs connaissent bien maintenant la maladie et ses causes —
les poussières et le travail au rendement — perçues comme
inhérentes au métier. Les techniques modernes de prévention ne
peuvent éliminer tous les risques dus aux poussières et l’obsession
du rendement, « faire sa journée », porte préjudice au respect des
règles de sécurité. Quant au dépistage systématique effectué par la
médecine des Houillères pour déceler l’apparition de la maladie et
estimer les taux de silicose, il se déroule dans des conditions telles
que les mineurs ne peuvent espérer obtenir la réparation équitable
qu’ils attendaient : le prix de leur « infernal droit à la silicose » (Ph.
Lucas 1985 : 43). Reste la dérision. « C’est sérieux le dépistage, c’est
tellement sérieux qu’il n’y a qu’un médecin des Houillères qui peut
lire une radio de silicose » (mineur de 30 ans). Et chacun de conter la
dernière histoire arrivée à un collègue : « c’est G., le délégué CGT, il
passe au car radio : cage thoracique normale. Deux mois après, à la
médecine du travail, on lui trouve de la silicose. Alors, qu’est-ce
qu’ils ont vu au car radio ? Y avait pas de pellicule dans leur truc ? »
Et son copain livre l’épilogue : « Ils prennent la radio et dessus c’est
imprimé pauvre clown ! »
NOTES
41. A. Lecœur Étude sur les accidents du travail dans les mines de houille et de lignite 1947. Cette
étude se trouve au Centre historique minier de Lewarde.
42. ADPC M778, 16 octobre 1946.
43. Varda Lerin, Yves Durandeau Un goût de bonheur. L’essor culturel en 1936, 16 mm, noir et
blanc, 45 mn, Maison de la Culture de la Seine-Saint-Denis, 1976.
Le logement et son mineur
Yves Jeanneau
Un fil à la patte
1 Madame Élisabeth Etienne habite à Noyelles-sous-Lens depuis 1941.
Femme de mineur, d’origine belge, elle a toujours gardé une certaine
distance par rapport à la vie des cités. Elle a eu du mal à s’y faire, du
mal à se faire accepter, et elle garde la dent dure pour ces femmes
qui poussaient leurs maris à rester à la fosse de peur de perdre les
avantages en nature complémentaires du salaire du mineur.
2 Son mari, Voltaire Étienne, était pâtissier avant guerre. Il avait été
galibot quelque temps avant d’apprendre le métier de pâtissier, et
son père, mineur, l’avait fait sortir de la mine. La nécessité, en 40,
l’avait amené à se réembaucher à la mine. La nécessité, et aussi une
attirance certaine.
3 Leur cas est typique. Intelligents et lucides sur les risques encourus,
ils sont néanmoins restés. Voltaire est devenu délégué mineur. Leurs
enfants sont partis vivre et travailler ailleurs qu’aux mines et ils en
sont fiers. Aujourd’hui à la retraite, Voltaire est adjoint au maire de
Noyelles, militant du PCF et silicose à 80 %.
4 Le logement gratuit qui leur était proposé en 1941 était le seul abri
possible pour eux et leur petite fille. Maubeuge, où ils vivaient avant
guerre, avait été rasée. C’était aussi le seul travail possible pour
échapper au STO.
5 On ne peut bien entendu pas réduire l’analyse de leur fixation à la
simple attraction du logement gratuit. C’est un tissu serré et
élastique de liens affectifs, mythologiques, matériels, qui arrime le
mineur à la fosse. Le chevalement borne son horizon, attire son
regard, obsède ses pensées, et les rues ne mènent qu’à lui. Mais il est
clair que la cité joue, dans ce dispositif subtil, un rôle central. Elle
sépare la corporation du reste de la société, elle la constitue en
quelque sorte par son exclusion et sa localisation particulière. Elle
permet la reproduction par mimétisme des comportements sociaux,
culturels, affectifs, sexuels, économiques, etc. progressivement
« sélectionnés » — favorisés ou interdits par les compagnies —
comme traits caractéristiques de cette « race » particulière de
travailleurs que sont censés être les mineurs.
6 Les cités minières sont le réservoir de main-d’œuvre prédestinée que
les idéologues des compagnies ont voulu constituer. Elles composent
un paysage clos et répétitif, étendu et labyrinthique, autour du
Minotaure souterrain.
32. Maison minière, type 1867-1900 : encore en enfilade, mais les maisons sont
maintenant séparées (archives HBNPC)
16 L’exploitation minière nécessite une main-d’œuvre abondante ; le
logement offert, de qualité supérieure à ce qui était alors offert aux
ouvriers sur le marché locatif urbain (des taudis), permet d’attirer et
de fixer cette main-d’œuvre, puis de la façonner et de s’assurer un
contrôle sur le devenir des fils et des filles de mineurs. L’un des
laudateurs patentés de cette politique, Charles Gauwin, reconnaissait
en 1909, dans une thèse Les institutions patronales des compagnies
houillères du Pas-de-Calais :
Le but premier (de la construction des cités) fut sans doute intéressé : attirer les
ouvriers dont on avait besoin. Mais une fois ce but atteint, des principes plus
nobles, désintéressés et humanitaires, guidèrent les compagnies dans les
sacrifices pécuniaires considérables qu’elles consentirent de plein gré pour le
bien-être et la sécurité de leur personnel.
17 Le coron en enfilade ne satisfait pas entièrement le patronat des
mines. Il faut éviter la promiscuité, les contacts trop faciles sur le pas
des portes, c’est-à-dire dans la rue. On va donc progressivement
casser l’enfilade, reculer la maison, la séparer de la rue par une cour
ou un jardinet, la séparer des maisons mitoyennes par des haies ou
des barrières : créer une intimité, un lieu clos, clairement délimité,
dans lequel la vie familiale soit contrôlable et transparente.
18 A la fin du XIXe siècle, la cité-jardin est la forme élaborée de la cité
ouvrière. Maisonnettes et jardins sont distribués dans un réseau de
voieries moins rectilignes et chaque pavillon abrite deux maisons
mitoyennes. Une hiérarchisation des quartiers est établie, selon
l’emplacement, la qualité du bâti, etc., qui permet de créer ou de
renforcer les divisions, les jalousies, les envies, en favorisant telle ou
telle demande de promotion.
33. Cité-jardin Darcy, Société des mines de Dourges : sur le modèle du cottage britannique
(archives Charbonnages de France)
La situation en 1944
Construction
35. Gravure en couleur, dominante rose de G. Dascher (La vie du mineur, P. Delabasse,
Paris, Librairie nouvelle d’éducation et de récréation, 1906)
78 Il serait aisé de charger les Houillères de tous les maux, de toutes les
responsabilités ; elles offrent le profil parfait du pouvoir omnipotent.
Elles ont assuré, en prenant le relais des compagnies, la
rentabilisation du gisement houiller : elles ont exploité la force de
travail des hommes, la soumission des familles. Elles ont tissé entre
les hommes et l’espoir une toile étanche. Elles ne se sont intéressées
aux conditions de vie des mineurs que dans la mesure où elles en
attendaient un bénéfice. Ce sont là portes ouvertes...
79 Mais comment comprendre que, face à cette volonté d’hégémonie
manifeste, la corporation se soit laissée enfermer dans la vie
quotidienne imposée par le patronat ? Comment expliquer
l’attachement à la maison (gratuite) sans retrouver l’ancienne idée
de fixation ? Les barons de la mine auraient-ils semé une graine
idéologique telle que, cent ans après, ses fleurs s’épanouissent et se
reproduisent d’elles-mêmes ?
80 L’avocat de la corporation dira que, trompée et condamnée à mort,
celle-ci s’accroche aux vestiges de sa splendeur, qu’elle n’est pas
dupe mais sans avenir, le dos au mur, et qu’elle n’a plus que celui-ci à
défendre. La maison est un élément sécurisant. Quand tout s’effrite,
s’écroule et s’oublie alentour, on ne remet pas en question la seule
chose solide et concrète que l’on tienne entre ses mains. Et il aura
raison.
81 Les mineurs expriment à ce propos les mêmes contradictions qui
caractérisent leur rapport au travail : on ne peut se détacher de ce
décor, tout en espérant que les enfants feront leur vie ailleurs, là où
c’est moins dur. On évoque « l’âge d’or » des cités, qui étaient si
vivantes avec leurs bals, l’entraide et la tasse « ed’café »... On refuse
d’envisager d’aller vivre ailleurs : l’habitude, la peur de l’inconnu, la
perte des avantages acquis. On accable les patrons-propriétaires de
récriminations, on peste, on râle contre les Grands Bureaux qui ne
font rien ou qui font mal ce qu’ils font ; on se plaint d’être victimes
des malveillances et des tracasseries mesquines de l’appareil lourd et
tatillon des Houillères. Mais on se contente de grogner dans son
jardin. On ne veut pas vraiment manger la poule aux œufs d’or. M. de
Labrouhe ne se trompe pas en déclarant :
Il est réconfortant de constater que les occupants, qu’on connaît bien, préfèrent quand
même avoir affaire aux Houillères plutôt qu’à des non-Houillères. Autant elles sont
critiquées, autant on leur fait confiance.
82 Car dans les faits, les « luttes » sont rares et toujours ponctuelles,
limitées à des situations anormales : durée des travaux, malfaçons...
La grogne disparaît devant l’annonce de la salle de bains et des WC
intérieurs qu’offre la rénovation. L’exemple de la cité 4-II de
Sallaumines, présenté dans Peau neuve pour le Pays Noir, est à cet
égard représentatif : une pétition exigeant une rénovation différente
de celle envisagée par les Houillères recueille 90 % de signatures
dans la cité ; mais plus de 90 % de ces mêmes habitants signent le
papier que leur présentent les agents des Houillères, quelques jours
plus tard, pour avoir l’autorisation de commencer les démolitions et
les travaux chez eux... Monsieur de Labrouhe ne rencontre guère
d’adversaires à sa taille dans ses tournées. Et la rénovation a trouvé
son rythme de croisière de 3 000 logements par an.
83 Mais l’œil et l’oreille de l’étranger attentif ne peuvent manquer de
saisir le malaise qui filtre des conversations, des silences et des
regrets, qui flotte dans les regards et suinte des murs de briques, qui
se mêle aux fumées et aux poussières, un malaise que tout le monde
connaît mais que personne ne veut nommer, car chacun y a sa part
de responsabilité. La rénovation se fait, bon an mal an, pour qu’un
avenir ici redevienne possible.
NOTES
44. Syndicat des ingénieurs des Houillères du Nord.
45. Union nationale des ingénieurs, techniciens et cadres (Groupe de réflexion proche de la
CGT).
Conclusion
15 Cette affiche des Houillères ornait les murs des corons en 1946 ; elle
était censée culpabiliser un mineur sur quatre.
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