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TITRE
L’INFLUENCE DES SITUATIONS DE COMMUNICATION
SUR L’USAGE DES TERMES DE DÉSIGNATION DES
COUPLES. GÉNÉRATION DES ANNÉES 40 DE LA
RÉGION DE SÉTIF.
Membres du jury :
Président : Bachir BENSALAH Professeur Université de Biskra.
Rapporteur : Samir ABDELHAMID Professeur Université de Batna.
Examinateur : Gaouaou MANAA Professeur Université de Batna.
2009- 2010
RÉPUBLIQUE ALGÉRIENNE DÉMOCRATIQUE ET POPULAIRE
MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE
SCIENTIFIQUE
UNIVERSITÉ EL HADJ LAKHDAR – BATNA
TITRE
L’INFLUENCE DES SITUATIONS DE COMMUNICATION
SUR L’USAGE DES TERMES DE DÉSIGNATION DES
COUPLES. GÉNÉRATION DES ANNÉES 40 DE LA
RÉGION DE SÉTIF.
Membres du jury :
Président : Bachir BENSALAH Professeur Université de Biskra.
Rapporteur : Samir ABDELHAMID Professeur Université de Batna.
Examinateur : Gaouaou MANAA Professeur Université de Batna.
2009- 2010
REMERCIEMENTS.
utilité.
ses conseils.
ce travail.
soutien.
Mon oncle ALI et sa famille ainsi que les membres des familles :
TABHIRT et BENZINLARAB.
Lynda.
TABLE DES MATIÈRES.
REMERCIEMENTS.
DÉDICACES.
TABLE DES MATIÈRES. 1
INTRODUCTION. 6
CHAPITRE I.
1. AUTOUR DE LA VARIATION. 11
1.1. Variation, variante, variable et variété : définitions. 11
1.2. Les types de variations. 13
La variation diachronique. 13
La variation diatopique. 14
La variation diastratique. 14
La variation diaphasique. 14
1.3. Les sources de variations linguistiques. 15
L’origine géographique. 16
L’appartenance socioculturelle. 16
L’âge. 16
La situation de communication. 16
Le sexe. 16
2. LE CHAMP COMMUNICATIONNEL. 17
2.1. La situation de communication. 17
2.1.1. La situation. 18
2.1.2. La communication. 19
2.2. Théories de la communication : 20
a. Le modèle de Shannon et Weaver (1949). 20
1
b. Le modèle d’Harold. D .Lasswel. 22
c. Le modèle de Jakobson. 23
2.3. Les fonctions du langage. 25
2.4. La pragmatique de la communication. 27
2.4.1. La pragmatique. 27
Les actes du langage. 28
CHAPITRE II.
1. LA NORME. 31
1.1. Définitions. 31
1.2. Les types de norme. 32
La norme sociale. 32
La norme linguistique. 33
Les normes descriptives. 34
Les normes prescriptives. 34
1.3. Appartenance socioculturelle et choix des mots. 37
2. LANGAGE ET SOCIÉTÉ. 38
2.1. Communauté linguistique ou communauté de communication ? 39
2.2. Langage et sexe : choix des mots. 42
CHAPITRE III.
1. LA DÉSIGNATION. 47
1.1. Quelques approches de la désignation. 47
La dénomination. 47
La désignation. 48
2
1.2. Désignation et représentations de la personne. 48
1.2.1. Les représentations. 49
a. La représentation sociale. 49
Les fonctions d’une représentation sociale. 49
b. La représentation linguistique. 50
2. LE SYSTÈME DE DÉSIGNATION DE LA PERSONNE. 51
2.1. Les noms de personne. 51
a. Le nom propre. 51
* La dimension socioculturelle du nom propre de personne. 56
b. Les appellatifs. 57
* Les surnoms, les pseudonymes, les noms de profession, les termes
de parenté, les termes de respect, les termes indéfinis 58
* Dévalorisation ou valorisation ? 59
CHAPITRE IV.
3
À la maison.
Dehors.
Face aux enfants ; aux membres de la famille ; aux amis ; aux étrangers.
a. L’absence du nom propre. 75
b. Les termes génériques et les indéfinis. 76
c. La désignation des parents. 78
CONCLUSION GÉNÉRALE. 81
BIBLIOGRAPHIE. 84
ANNEXE 88
4
Vue les différents éléments extralinguistiques pouvant entrer dans la production
du langage, ainsi que son changement, les études sociolinguistiques deviennent
de plus en plus intéressantes.
En effet, cette discipline a permis de mettre en rapport la langue et la société, de prendre
en considération tout ce qui entoure la production du langage (émetteur, récepteur,
espace, moment...)
Ajoutons à cela, l’explication des raisons des variations linguistiques1,
des représentations des choses, de la dénomination et des désignations… de voir pour
quelles raisons telle ou telle personne n’emploie pas les mêmes mots pour s’adresser à
la même personne ou parler d’elle.
- Qu’y a-t-il de plus simple dans notre monde, que de communiquer en parlant ?
Ou, d’appeler celui/celle à qui on s’adresse, de le/la désigner avec son nom et/ou son
prénom?
Même si les mots nous échappent quelques fois, nous trouverons souvent avec
quoi les substituer pour parler de nos proches.
Notons à l’occasion que peu de travaux sociolinguistiques ont été réalisés
concernant la désignation de la personne. À expliquer par l’absence de ce phénomène
dans la plupart des langues. Des études sur la désignation de l’Autre, la dénomination2,
la relation entre signifiant et référent et les noms propres prennent plus d’intérêt.
1
Cf. Travaux de William Labov
2
Cf. aux études de Kleiber sur la désignation.
6
- l’homme parlera de sa femme en employant les expressions telles que : [lʔˤaчla],
Le langage change, c’est une réalité qu’on ne peut éviter. Les individus
choisissent leurs mots pour communiquer et, dans différentes situations de
communication un autre mot s’introduit pour désigner le même référent.
7
- Pourquoi ne pas s’appeler tout simplement par le prénom ?
- En quoi le nom propre de la personne constitue-t-il un tabou dans certaines
communautés ?
- Les couples, se rendent-ils compte de ce choix ? Le font-ils consciemment?
Précisons, que nous désignons par « les époux des années quarante », ceux qui
sont nés dans cette période.
8
Enfin, et pour une étude plus pratique et rationaliste, le quatrième chapitre
s’ajoute aux trois autres.
Un chapitre dans lequel nous aborderons le système de désignation chez les couples
sétifiens des années quarante, la méthodologie de collecte de l’information, le choix du
corpus, la population étudiée et l’analyse des termes de désignation en fonction de
situations de communication courantes.
La collecte d’informations par le biais d’un entretien, n’était pas aisée, dans un
premier temps. Des enregistrements ont été impérativement refusés ; ce qui a entrainé
une complexité dans la prise de notes des interventions et l’absence des bandes
archivées.
9
Les variations et la communication.
Toute langue n’est jamais parlée de la même façon par les interlocuteurs.
En effet, les réalisations varient d’un individu à l’autre et, ce changement s’effectue
sous l’influence de divers facteurs (principalement extralinguistiques).
Les langues varient, évoluent, s’enrichissent et parfois même s’appauvrissent :
des mots apparaissent tandis que d’autres deviennent de moins en moins employés.
Des raisons multiples sont à l’origine de tout cela et, dans notre cas, nous nous
centrons sur la situation de communication. Commençons alors, par le premier point
concernant la variation, sa définition et ses sources.
1. AUTOUR DE LA VARIATION.
Nous avons constaté que débuter notre travail par le thème de la variation était
fondamental car, parler des changements effectués dans l’usage du langage, dans des
conditions quelconques, emmènent droit à notre thème.
1
William Labov fut le premier à étudier les variations linguistiques de l’anglais parlé à New York.
2
Cf. C.Baylon, Sociolinguistique, p88.
11
Les chercheurs se sont intéressés plus aux différences phonétiques et
phonologiques. Ces dernières sont les plus repérables et observables. Mais, il existe
aussi d’autres différences d’ordre syntaxique et lexical.
Le cas de notre étude, du lexique des couples pour se désigner : on enregistre des
variations dans l’usage des désignations, des différences même et parfois des
contradictions.
À ce titre, nous dirons sans anticipation, que la variation au niveau lexical est
très répandue chez ces conjoints d’une génération à une autre.
La variation : terme qui, prend des sens divers. Il est souvent confondu avec
d’autres termes : variable, variante…
On explique encore la variante par le fait que deux unités linguistiques dans le
même environnement phonétique ou morphologique, peuvent se substituer sans
provoquer une différence dans le sens du mot.
Une variable : les linguistes entendent par variable, un élément qui peut prendre
différentes valeurs (Ex : Le Syntagme nominal qui peut être, je, Pierre…)3
1
J.Dubois, Dictionnaire de linguistique, p 504.
2
Dictionnaire Le Robert De Poche.
3
Ibid, Dictionnaire de linguistique, p 503.
12
Ce qui résulte de ces définitions est que : la variation est une évolution dans la
même langue, la même région. C'est-à-dire que les interlocuteurs ne produisent pas la
même langue. Ex : Le Chaoui n’est pas parlé de la même façon, dans la même aire
linguistique. Donc les réalisations individuelles de la langue sont différentes.
Les sociolinguistes distinguent quatre (04) grands types de variation, selon leur
nature.
La variation diachronique :
Elle est liée au temps. À un moment donné de notre vie, la langue n’a jamais été
la même. Elle évolue et peut même changer parfois. Quand on compare aujourd’hui, le
parler d’un adolescent à celui de ses parents et ses grands parents, des différences
lexicales sont évidentes.
Exemple : pour le mot ami, on dit : mon pote, ami, camarade, copain. Et les mots
peuvent ne pas exister dans le répertoire de l’ancienne génération.
13
La variation diatopique :
Elle est liée à la géographie, au lieu géographique. On enregistre d’un pays à
l’autre, d’une région ou d’un village à l’autre, une multiplicité d’usage de la langue.
L’exemple peut être donné de celui de la langue arabe, qui prend diverses formes en
Algérie, en Tunisie, ou même au sein des régions (Batna, Sétif, Alger…)
Cette diversité se manifeste dans tous les niveaux de la langue : phonique,
morphologique, syntaxique et lexical. C’est à ce point précis, que se situe l’étude des
dialectes et régiolectes.
La variation diastratique :
Il s’agit des variations liées aux classes sociales. Le parler des riches et des
pauvres n’est pas tout le temps identique. Les classes sociales emploient des termes
pour marquer leur appartenance à telle ou telle catégorie sociale. On parlera alors ici de
sociolecte.
L’usage de la langue selon les professions exercées et le niveau d’étude est un autre
exemple à prendre en considération.
La variation diaphasique :
C’est une variation selon l’usage de la langue. Elle est situationnelle : une même
personne, parle différemment selon la situation de communication. Elle doit maîtriser
certaines situations de parole, elle s’autocensure.
Les exemples sont multiples, et nous prendrons ici : face à son patient, un
médecin n’emploie pas des termes de spécialité pour annoncer une maladie, comme
face à ses collègues-médecins (un cancer au lieu de néo…) de même s’il se trouve face
à ses enfants, à sa femme ou dans un cours à l’université.
Ce n’est pas le lieu où se trouve la personne seulement est révélateur de son
choix des mots, mais aussi toutes les composantes d’une situation de communication
(émetteur, récepteur, appartenance socioculturelle…)
14
Les linguistes parlerons plutôt de registres de langue (soutenu, familier, standard…)
1
M.L.Moreau, Sociolinguistique, Concepts de base, p 285.
2
J.L. Calvet, Sociolinguistique, p (75, 76)
15
l’origine géographique, l’appartenance socioculturelle, l’âge, la situation de
communication et le sexe.
L’origine géographique :
Elle est liée à l’appartenance spatiale des interlocuteurs.
Les habitants des régions du centre de l’Algérie ont des différences de prononciation du
même phonème par rapport aux habitants de la capitale Alger.
Exemple : le phonème arabe [q] est réalisé par les Sétifiens [g] et par les Algérois [q].
(La langue a souvent été le cliché de celui qui parle.)
L’appartenance socioculturelle :
Il s’agit des principes des interlocuteurs. Appartenir à une telle ou telle
communauté socioculturelle permet ou interdit l’emploi de quelques mots, par exemple.
En français, c’est l’exemple du parler populaire, dans l’emploi de la subordination etc.
L’âge :
C’est une cause principale qui est à l’origine de la variation diachronique.
D’une génération à l’autre coexistent plusieurs différences dans l’emploi du langage.
Nous donnerons à titre d’exemple le verlan (parler à l’envers) employé par les jeunes.
La situation de communication :
Le type de discours varie selon les diverses circonstances de l’acte de
communication (lieu, moment, atmosphère…), sans oublier le statut et la position des
interlocuteurs correspondants. Évidemment, un discours administratif diffère du
discours courant (usuel), ou s’adresser à des élèves au collège ou à des étudiants de
l’université est aussi un facteur diversifiant.
Le sexe :
Un élément qui ne manque pas d’importance que ceux cités auparavant.
Des études ont été faites dans ce sens, pour voir si les femmes utilisent la langue comme
les hommes. Elles ont aboutit au résultat que la femme, par sa nature et ses
16
comportements, a tendance à normaliser et refuse les formes stigmatisées considérées
comme vulgaires. (Cas de la langue française).
Nous allons détailler les deux derniers points dans ce qui suit. Nous nous
mettons toujours dans un contexte précis pour se parler. C’est pour cela que ces facteurs
ne peuvent se séparer du phénomène de la communication.
Pour celle-ci, nous avons consacré un espace important où nous aborderons son
sen, ses composants et la relation entre la variation et les paramètres d’une situation de
communication.
2. LE CHAMP COMMUNICATIONNEL.
Chaque individu se trouve tout le temps dans le besoin de communiquer avec
d’autres personnes. Cela afin de satisfaire ses différents besoins dans la société (vendre,
acheter, discuter, téléphoner…).
Divers moyens sont mis à sa disposition : la langue, les gestes, les mimiques…
on parle alors de communication verbale et non verbale. En plus des inventions
résultant du développement technologique (internet, télévisions, téléphone, fax etc.),
dont la base resterait toujours le langage.
1
Cf. Christian Baylon Sociolinguistique.
17
Les sociolinguistes voient en cette situation le trait le plus pertinent pour
l’interprétation du discours.
- Qu’entendons-nous par situation de communication ? Quelles sont ses
composants ?
Dans ce qui suit, nous essayerons d’apporter quelques éléments de réponses à
ces interrogations.
Nous constatons alors que, les deux définitions mettent en rapport la personne et
son environnement. Celui-ci est pris dans le sens de tous les éléments qui entourent
l’interlocuteur et qui ne sont pas dans la langue (le temps, l’espace…).
Toute personne se place dans des repères de temps et d’espace : elle est toujours
dans un endroit précis et à un moment donné. Elle change de situation d’un moment à
l’autre. Elle y adapte ainsi ses mots et son langage naturellement et parfois d’une façon
consciente.
La situation est alors le cadre dans lequel se réalisent les échanges (ici
linguistiques) entre les individus.
1
J.Dubois, Dictionnaire de linguistique, p 434.
2
Dictionnaire Le Robert De Poche.
18
2.1.2. DÉFINITION DE LA COMMUNICATION :
Selon le dictionnaire de linguistique, la communication est l’échange verbal
entre sujet parlant, (…) et un interlocuteur (…). C’est l’échange de signes, de messages
entre un émetteur et un récepteur, à un moment et un lieu précis.
À partir de ce qui est cité auparavant, on est arrivé à presque définir la situation
de communication en associant « situation » et « communication ».
« Le contexte » :
La plupart des dictionnaires le prend comme l’ensemble des éléments
linguistiques ou extralinguistiques qui entoure l’acte de production du message. En
linguistique on parle de contexte verbal (linguistique) ; il représente ce qui entoure un
élément X (environnement verbal).
Pour Miller, c’est l’ensemble des conditions auxquelles un individu est soumis à
un moment donné.
« la situation de communication » :
Plusieurs spécialistes de la langue lui donnent une signification personnelle
suivant leurs données. Mais elles se rapprochent 2:
1
Pour plus de détail, Cf. Sociolinguistique de Baylon. P55.
2
P.Charaudeau, D.Maingueneau, Dictionnaire de L’analyse du discours, p (533 – 536)
19
O. Ducrot (1984) voit en elle le passage de la phrase au sens de l’énoncé. Tandis
que pour Orecchioni (1990), elle est semblable à ce qu’il appelle le contexte
situationnel, composé de participants, le site et le but. P. Charaudeau la considère
toujours comme extralinguistique et ajoute d’autres composantes telles que : l’identité
des partenaires et de la place qu’ils occupent dans l’échange, la finalité (la visée), le
propos (le thème) et les circonstances dans lesquelles il se réalise…
20
Il est centré sur la théorie du traitement de l’information mais, considéré par la
plupart des chercheurs de l’information comme simpliste. Il ne peut s’appliquer à toutes
les situations de communication et d’énonciation. Le modèle présente alors certaines
limites :
Il ignore la pluralité des récepteurs et celle des messages qui sont prononcés en
même temps.
Le récepteur est considéré comme passif, alors que presque toutes les recherches
en science de l’information l’infirment.
On ne peut tout de même nier, les apports de ce modèle. Il a mis en lumière les
différents facteurs qui perturbent la transmission de l’information (le bruit). De plus, ses
résultats ont permis un ralliement pour plusieurs disciplines (mathématiques,
psychologie, sociologie etc.).
De ce fait, les représentants de l’école de PALO ALTO 1, pensent que cette
théorie doit être laissée aux ingénieurs de la télécommunication. C’est à eux et par eux
que revient l’étude de la communication ; car, la moindre situation de communication
représente pour eux, un système très complexe.
Il ne peut donc être réduit en deux « variables », qui travaillent de façon linéaire.
Bruit
Émetteur Signal X Récepteur
Codage Décodage
Source Destinataire
1
Un groupe d’hommes ayant travaillés autour de la théorie de la communication et de la relation entre les
individus.
21
b- Le modèle d’Harold. D .Lasswel.1
Lasswel voit en la communication un processus d’influence et de persuasion.
Il ne s’agit plus d’une simple transmission du message, mais d’un ensemble d’étapes de
communication. Ce modèle offre la possibilité de concevoir une pluralité d’émetteurs et
de récepteurs (contrairement au modèle de Shannon).
De plus, il s’intéresse aux finalités et enjeux de la communication : la visée des
interlocuteurs à travers leurs messages.
* Qui ? Dit quoi ? Par quel canal ? À qui ? Et avec quel effet ?
* Qui ? Se rapporte à l’émetteur et à l’étude de son milieu social (la motivation de la
communication).
* Dit quoi ? C’est le contenu du message lui-même et son analyse.
* Par quel canal ? Représente l’ensemble des techniques utilisées pour diffuser
l’information à un instant donné dans une société donnée.
* À qui ? vise le (s) récepteur (s) ainsi que leur étude selon les variables et la diversité
de ces derniers.
Ex. Chaque algérien modifie son discours et ses mots, suivant la personne à qui
il s’adresse. Le cas le plus simple est celui de l’enfant qui appelle sa maman « mama »
devant son père et ses frères et « Mma » devant ses amis (par précaution de se faire
humilié).
Ex. La réaction des amis du même enfant, en employant le mot « Mama » fait
partie de ce point.
1
J.Lohisse, La communication : de la transmission à la relation, éd. De Boeck, 2006, p.46-47.
22
Bien que ce modèle soit plus explicite que le premier, il n’échappe tout de même
pas aux critiques : en plus du récepteur qui reste passif, Laswell néglige le message de
rétroaction ainsi que les notions de psychologie. Il conçoit la communication comme
une relation d’autorité et de persuasion.
c- Le modèle de Jakobson.
Évoquer les modèles de communication passe nécessairement par le grand
linguiste Roman Jakobson.
Tout en s’appuyant sur le modèle de Shannon, il développe un point de vue
moins technique et plus humain. Celui-ci est centré non pas sur la transmission d’un
message, mais sur le message lui-même. C’est une approche purement linguistique qui
reprend quelques éléments de De Saussure.
CONTEXTE
DESTINATEUR MESSAGE DESTINATAIRE
CONTACT
CODE
1
J. Dubois, Dictionnaire de Linguistique, p 96.
2
P. Charaudeau, Dictionnaire d’analyse du discours, p.213-214.
23
Le destinataire : représente la personne ou l’instance à qui l’émetteur envoie
son message. C’est l’instance qui reçoit l’information. Il est aussi appelé :
le récepteur, l’énonciataire, interlocuteur.
Selon les approches, communicative ou sémiotique, le récepteur est conçu
comme une pluralité. Orecchioni1 a proposé en 1997 de distinguer, sous cette
dénomination générale de récepteur, différents types d’allocutaires.
Ce schéma est le plus fréquemment adopté dans les analyses des situations de
communication.
1
Ibid, p483.
24
Il a introduit la notion de « contexte » ou le référent ainsi que les six fonctions
du langage (émotive, conative, référentielle, poétique, métalinguistique et phatique.)
Son aspect trop général et la particularité donnée à la communication verbale, ont été les
points sur lesquels des spécialistes l’avaient critiqué.
1
J. Dubois, Dictionnaire de linguistique, p 205.
25
Nous exposons ici, les fonctions du langage élaborées selon le schéma de
communication de Jakobson. Chaque élément de ce dernier, remplit une fonction
particulière.
26
Selon leur domaine d’investigation, les chercheurs en linguistique ou autres
proposent des fonctions supplémentaires et complémentaires à celles de Jakobson.
Nous citons par l’occasion, la fonction transactionnelle (centrée sur la
transmission de l’information), la fonction interactionnelle (centrée sur l’établissement
et le maintien des relations sociales (Cf. Brown et Yule 1983 :1)1
2.4.1. LA PRAGMATIQUE.
Elle est définie comme l’étude de l’usage du langage, par opposition à l’étude
du système linguistique. Contrairement à la linguistique, la pragmatique se propose
d’étudier tout ce qui implique, dans les énoncés, la situation de communication.
Cette discipline s’est développée à partir des recherches de J.L. Austin sur les
actes du langage. Une analyse des interactions ne peut se limiter uniquement à
l’information linguistique, non contextuelle.
Selon Grice, la communication linguistique est un processus coopératif qui obéit
à un certain nombre de maximes. C’est sur la violation de ces maximes que s’appuie
l’émetteur pour récupérer l’intention du locuteur (lorsqu’elle est implicite).
1
P. Charaudeau, Dictionnaire d’analyse du discours, p 266.
27
Nous dirons alors que la pragmatique de communication est une nouvelle
tendance d’étude de l’usage de la langue. Elle est penchée beaucoup plus sur les
intentions de la communication lors de son exécution.
Exemple : « Il fait froid ici. » ; l’intention est que le récepteur se lève et ferme la
fenêtre.
1
P. Watzlawick et al. 1972, p.49.
28
Concluons alors par dire, que la variation linguistique est liée à la situation de
communication. Aussi, que tout acte de communication implique le respect d’un certain
nombre de règles par les interlocuteurs. Cela dans le but d’assurer une bonne
compréhension de l’énoncé. Une question que nous allons traitée dans le deuxième
chapitre.
29
Langage, normes et sociétés.
Les réalisateurs d’un énoncé doivent d’une façon consciente ou non,
respecter un certain nombre de règles, afin de transmettre leur message. Selon le
contexte, le niveau socioculturel et les habitudes du récepteur et de l’émetteur, le
message n’est pas produit de la même manière.
- Qu’entendons-nous par normes ? Par règles ? Dans quelle mesure les éléments
extralinguistiques dictent-ils les mots qu’on doit employés ?
Les points suivants permettront d’avoir quelques réponses et éclaircissements.
1. LA NORME.
1.1. DÉFINITIONS :
Tout discours et toute désignation obéit à une règle ou plus.
Celles-ci représentent certaines normes et conditions d’emploi de la langue.
C’est pour cette raison que l’emploi de la désignation dépend étroitement de telle ou
telle situation et normes. En effet, « Aucune désignation ne peut être considérée
isolément. Elle appartient toujours à un système correspondant à une situation donnée,
et qui a des règles précises. »1
Des mots sont permis, d’autres interdits dans tel ou tel endroit…
- Que représentent alors ces règles ? Quelle est leur nature ? Comment émergent-elles ?
1
J. Cobbi, Pratiques et représentation sociales des Japonais, p73.
31
La norme est un concept d’utilisation récente dans le domaine de la langue.
En effet, il a été emprunté à la statistique selon Baylon 1. Il a été approché le plus,
par les sociolinguistes français, avec certaines distinctions enrichissantes.
Dans le langage quotidien, la norme est synonyme de règle et de lois strictes à
respecter. Pourtant, ces deux termes doivent être distingués : La norme est le rapport
que les sociétés entretiennent avec les langues et leurs usages.
Or, la règle linguistique, renvoie à des phénomènes internes du fonctionnement
de la langue ; il s’agit des règles d’ordre phonétique, syntaxique et morphologique.
1
C. Baylon, Sociolinguistique, 5ème partie : langue et politique, chap. 16, p.161.
2
Parsons Talcott, cité in : Sociolinguistique, p.161.
32
groupe »1. Il s’agit des réflexes acquis au sein de la famille, à l’école. Alors, ils
changent d’une région à une autre, d’une communauté à l’autre.
Comme il est déjà cité dans le point précédent, l’usage de la langue fait partie de
ces normes sociales : il est attaché étroitement à ces dernières. Il existe plusieurs façons
d’utiliser les mots d’une même langue, donc plusieurs normes linguistiques à respecter.
En effet, parler et choisir ses mots ne se fait pas gratuitement : nous sommes
appelés tout le temps à peser nos mots, à en choisir d’autres pour telle ou telle situation.
Elle correspond à l’institution sociale que constitue la langue.
C’est une norme à prendre en considération, car celui qui la transgresse, subit souvent
un déclassement social, sera blâmé et en quelque sorte marginalisé.
Il y a alors une relation profonde entre la norme sociale et linguistique : c’est les
facteurs de la première qui véhiculent l’usage de la deuxième.
On ne peut parler d’une seule langue dans une société. Pour chaque
communauté, il y a une langue spécifique (du point de vue sociolinguistique).
Des différences existent au sein d’un même pays, d’une même communauté
linguistique. Elles apparaissent dans les façons de parler une même langue
(d’ordre phonétique, syntaxique, etc.)
Cette diversité dans les façons de parler, peut être généralement saisie selon
deux attitudes ou classements : descriptive et prescriptive. Néanmoins, d’autres types
s’imposent, dans le domaine de la sociolinguistique, de l’ethnologie, de l’enseignement
et de la communication.
1
Ibid. Sociolinguistique, p.161.
33
Les normes descriptives :
Elles sont aussi connues sous d’autres appellations (règles objectives,
constitutives, etc.).
Elles correspondent aux habitudes langagières partagées par les membres d’une
communauté. Et elles ne peuvent être considérées comme telles sauf si elles s’écartent
de tout jugement de valeur. Ce sont des normes de réalisation (des usages) d’une langue
commune.
Il s’agit par exemple, des normes régissant le parler des paysans et celui des
politiciens qui restent différents.1 (Un mot employé par les paysans peut ne pas être clair
pour un politicien, même s’il désigne un seul référent.)
Des réalisations en français par exemple, telles que « i rentre dans sa voiture »
vs « il rentre dans sa voiture » sont régulières du système du français.
Du point de vue descriptif, la première est considérée comme correcte et juste.
Il existe des variations linguistiques dans les niveaux déjà cités. Mais les normes
ne servent pas tout le temps à les expliquer toutes. Il reste tout de même divers
phénomènes non approchés actuellement par les chercheurs (certaines nuances dans les
parlers régionaux etc.)
1
A. Martinet, cité dans Dictionnaire de l’analyse du discours, p.403.
34
Les normes prescriptives se manifestent encore dans le domaine de
l’enseignement, de l’institution. Tout écart par rapport à cette norme constitue une
déviance.
De même, plusieurs méthodes de choix et de sélection sont suivies1 :
dans certains cas, les normes prescriptives sont celles les plus souvent employées par un
groupe. Et chaque groupe (village, société rurale) considère ses formes propres comme
meilleures que celles des groupes avoisinants.
C’est par cette cause qu’on peut expliquer la pression qui existe entre les
individus (l’exemple des Berbérophones et des Arabophones en Algérie).
Dans d’autres cas, les communautés font recours à la tradition. Elles voient en la
langue des grands parents et des vieux, le modèle à suivre. Elle est bien soignée et
pesée. En plus, donner une meilleure image de la variété du groupe, se base sur le parler
des vieux que celui des jeunes.
Enfin, il existe quelques groupes qui font référence au parler des classes sociales
supérieures et dominantes dans la société. Autrement dit, c’est la langue des
intellectuels, des écrivains, des artistes et des professionnels qui est prise comme
modèle. Sont tenues pour légitimes les formes qu’eux-mêmes utilisent.
Pour conclure ce point, nous dirons que pour les sociolinguistes, la norme
prescriptive pourrait s’appliquer à des parties de la langue et ne peut l’être pour les
autres. Puisqu’il existe des parties qui sont sans variation et d’autres avec variation.
Dans les premières, l’énoncé « je le te donne » ne relève d’aucune norme du
français, il est hors système, il est agrammatical.2
Dans les secondes, le prescriptif est applicable. C’est ainsi que « je suis tombé » est plus
réputé que le deuxième.
1
M.L. Moreau, Sociolinguistique, p.220-222.
2
Ibid. Dictionnaire de l’analyse du discours, p.403.
35
Or, cette règle ne peut pas être généralisée pour toutes les variations. On peut dire
indifféremment : «c’est les devoirs qu’a faits Antoine », « c’est les devoirs qu’Antoine a
faits. ».
36
1.3. APPARTENANCE SOCIOCULTURELLE ET CHOIX DES MOTS :
Puisque l’usage de la langue obéit aux normes sociales citées auparavant,
les gens doivent sélectionner et choisir leurs propos. Le choix des mots est une affaire
sérieuse et sensible : il entre dans toutes les relations humaines et, a des conséquences
positives ou au contraire négatives.
De plus, il est considéré comme un critère d’identification de l’appartenance
géographique et même socioculturelle de la personne :
On reconnaît souvent l’origine des interlocuteurs par leur accent ou par les mots
qu’ils emploient. En Algérie, à titre d’exemple, pour désigner le plat traditionnel
« le couscous », les algériens utilisent plusieurs termes suivant leur région :
[t’3am, barboucha, seksou, keseksou etc.].
Ajoutons que les gens sélectionnent leurs mots d’une manière consciente et/ou
inconsciente : sous l’influence des éléments socioculturels, ils emploient tel ou tel mot.
C’est généralement l’habitude langagière qui dicte ce choix.
37
Enfin, toutes ces désignations et représentations signalent une certaine forme de
refus ou d’acception des choses et, parfois marquent un écart envers les personnes
désignées : il s’agit de dire à travers les mots « je ne suis pas comme cette personne. ».
2. LANGAGE ET SOCIÉTÉ.
Souvent confondu avec celui de langue, le langage constitue depuis longtemps
un lieu d’intérêt de la linguistique et bien d’autres disciplines (psycholinguistique,
sociolinguistique, informatique etc.
Il diffère de la langue par le fait qu’il soit la capacité à un individu de
communiquer au moyen d’un système de signes vocaux (ou langue) (J. DUBOIS).
C’est la réalisation même de la langue ; autrement dit, il est son actualisation.
Il est vu par quelques uns comme synonyme de parole. C’est une institution
sociale, socioculturelle partagée par un groupe d’individus. Celle-ci se modifie dans le
temps et dans l’espace.
1
Pour plus de détails, cf. A. Martinet, Eléments de linguistique générale.
38
Outres ces deux fonctions principales, le langage s’acquitte de bien d’autres
fonctions secondaires : il constitue un puissant instrument de socialisation et de
renforcement d’un groupe ou d’une communauté.
1
J. Dubois, Dictionnaire de linguistique, p93.
2
Des comportements linguistiques différents, tels que les réalisations individuelles de la même langue qui
apparaissent dans le lexique, la syntaxe ou la phonétique.
39
sociolinguistique (définie par Gumperz non pas par une langue mais, par la pratique du
même ensemble de variétés).
1
C. Baylon, Sociolinguistique
2
B. Wynants, L’orthographe, une norme sociale, p34.
3
M.L. Moreau, Sociolinguistique, concepts de base, p (88-93)
40
Aussi, elle se demande si le facteur social ou linguistique qui prédomine.
Elle arrive alors à trouver que le social est prédominant car, les interlocuteurs ne
réagissent pas isolément aux langues, mais en membres appartenant à des groupes
sociaux.
Enfin, nous indiquons qu’il n’est pas aisé de trouver un sens précis et fixe de la
communauté linguistique. Actuellement, et en analyse du discours, par exemple,
on parle de communauté de communication ou langagière (speech community)
(D. Hymes), la communauté discursive …
Dans le cadre de notre recherche, nous tiendrons compte de toutes les nuances
exposées dans la définition de la communauté linguistique.
41
2.2. LANGAGE ET SEXE : CHOIX DES MOTS :
L’homme et la femme, une dualité existant depuis bien longtemps.
Tantôt complémentaire tantôt opposée et fait débat dans certains domaines de la vie :
politique, social, éducatif etc. Nous visons par cela, la différenciation entre les deux
sexes dans l’accès au pouvoir politique1, à l’école…
Toutes ces questions ont fait l’objet d’étude de nombreux sociolinguistes. Nous
allons nous arrêter sur les études qui ont plus marqué notre domaine.
Les premières distinctions ont été observées au niveau de la langue normalisée
ou non normalisée. Les enquêtes ont abouti au résultat que les femmes ont tendance à
utiliser une langue qui respecte les normes.
L’exemple en anglais de l’alternance de [in] et [iŋ] dans la finale des mots come
hopping ou skipping.2
Autres niveaux de diversification de l’emploi de la langue, les résume Baylon 3 dans son
livre. Les locutrices normalisent et cela apparaît sur le plan :
a- grammatical :
Les femmes sont plutôt conservatrices à l’égard des innovations.
1
M.L. Moreau, Sociolinguistique, p 258.
2
Ibid, p259.
3
Cf. Baylon, Sociolinguistique.
42
D’autres, sensibles aux changements dus à la mode. Elles respectent les normes
et les règles de grammaires mieux que les locuteurs masculins.
Quelques unes sont plus sensibles aux modèles de prestige que les hommes et,
emploient moins de formes linguistiques stigmatisées.
b- phonétique :
Si nous prenons l’exemple de locutrices féminines françaises, elles articulent
plus rapidement que les locuteurs masculins.
c- phonologique :
L’exemple est que chez les locuteurs maghrébins, il existe une différence et/ou
des oppositions vocaliques entre a antérieur et a postérieur, le e final instable, etc.
d- Syntaxique :
À ce niveau, la différence réside dans l’emploi de certaines tournures et
expressions telles que la subordination. Cette dernière est plutôt utilisée par les hommes
que par les femmes.
e- lexical :
Le choix du vocabulaire chez les femmes est plus élevé que chez les hommes:
elles se sentent comme modèles aux élèves et aux enfants selon Labov.
1
Ibidem. Sociolinguistique, Concepts de base, p 261.
43
Les deux chercheurs expliquent que les hommes ont une possibilité de
s’exprimer et de se montrer à travers leur statut social, leur profession, leurs revenus.
Cependant, les femmes, privées de ce pouvoir économique, ne peuvent se montrer que
par l’emploi des structures linguistiques normées.
Des recherches ont critiqué cette explication pour la raison qu’elle se basait sur
les femmes qui ne possédaient pas de professions rémunérées. En effet, d’autres études
ont observé le contraire : des femmes possédant des professions qui, dans leur entourage
professionnel, emploient des structures normées.
D’autres par contre, s’appuient sur deux aspects afin d’expliquer le phénomène :
l’un est implicite : sentiment de prestige aux yeux des locuteurs, non déclaré.
l’autre explicite : associé à des particularités de féminité, caractère de sophistication
et de raffinement.
Pour conclure ce point sur le rapport entre les variations linguistiques et le sexe
des interlocuteurs, nous dirons que :
Le facteur de sexe, ne pourrait suffire d’être seul à l’origine de ce phénomène.
Il est tout le temps combiné et lié à de multiples circonstances.
Évidemment, les interlocuteurs (qu’ils soient de sexe féminin ou masculin), se trouvent
toujours dans une situation ou des situations diverses, de production du langage
(dans un endroit, à un moment et face à une personne, tous différents).
Celles-ci les obligent parfois de choisir telle ou telle forme de langage.
44
Conclusion.
De tout ce chapitre, il en sort des résultats très importants, nous les résumons
dans ce qui suit :
il est nécessaire de distinguer entre la norme des linguistes et les normes d’usage de
la langue: on ne peut dire, en sociolinguistique, qu’il existe une seule et unique
façon de parler :
Car, chaque situation de communication demande d’une manière ou d’une autre un
usage spécifique de la langue ;
les normes d’usage sont des régulateurs des comportements des individus envers la
langue ;
le choix des mots, du lexique est lié à des facteurs divers tels que : le sexe,
l’appartenance socioculturelle etc.
les normes naissent d’une convention extraordinaire entre les membres d’un groupe
social ; elles s’intègrent dans leurs pratiques rituelles, et deviennent partie prenante
de leur vie.
Dans ce qui suit, nous entrons en plein fouet de notre recherche : nous arrivons
aux désignations et aux représentations de la personne, dans un groupe donné.
Des définitions, des explications et des précisions concernant les concepts de
base, la diversité des noms de désignation de la personne…dont le nom propre en est
un. Celui-ci constitue en quelque sorte un tabou dans le système de désignation de la
personne, dans certaines communautés.
45
Désignation et représentations de la personne.
Dans une communauté linguistique, des personnes communiquent et entrent en
contact, quotidiennement, au moyen du langage.
Tout objet1 de cet univers porte un nom ; celui-ci dépend de la nature de l’objet
en question. Il peut désigner une chose, un animal, une qualité ou une personne.
Notre centre d’intérêt sera les noms de la personne : les noms qu’on peut
attribuer à un individu. Nous soulèverons le problème de la désignation et de la
dénomination et apporterons des précisions sur les différents modes de représentation
propre à la personne.
1. LA DÉSIGNATION
1.1. QUELQUES APPROCHES DE LA DÉSIGNATION :
La désignation est un terme polysémique ; il embrasse de nombreux sens et
significations selon son contexte d’emploi. Il est souvent pris, dans les dictionnaires,
comme synonyme de dénomination et appellation. Cette ambigüité nous informe sur la
complexité de sa définition.
La dénomination relève d’une habitude associative (reconnue par tous les habitants
d’une société ou d’une communauté). Il s’agit d’établir une association entre un objet et
un signe X. Cette association est devenue naturelle et conventionnelle (si les mots sont
exacts) entre les interlocuteurs. Elle est codée, durable et mémorisée.
1
Objet dans son sens le plus large.
2
P. Charaudeau, Dictionnaire de l’Analyse du Discours, p 163.
47
Par durable : des noms qui désigneront toujours et à n’importe quel moment le
même objet, qualité etc.
Par mémorisée : si un code est commun et partagé, il est automatiquement
mémorisé, puisqu’il est toujours le même et est souvent utilisé.
Nous pouvons prendre comme exemple, n’importe quel nom d’objet…connu par tous
(pomme de terre, fenêtre, gentillesse etc.)
La désignation, elle, est définie par Kleiber par son aspect occasionnel.
C’est une association entre une séquence et un objet de la réalité.
L’exemple est celui de la séquence « légume avec lequel on fait des frites » est une
désignation contrairement à pomme de terre. Le deuxième est le plus fréquemment
employé ; tandis que le premier ne l’est pas.
48
1.2.1. Les représentations.
a. La représentation sociale.
Terme emprunté aux sciences humaines. Il désigne une forme courante de
connaissances, socialement partagée, ayant une visée pratique et encourageant à la
construction d’une réalité commune à un ensemble social et culturel.
Les exemples sont divers : la représentation de la mort dans les sociétés
occidentales (éloignement des cimetières…)1 , la représentation de la femme, du garçon
etc.
1
Exemple donné par M.L.Moreau.
49
Donc, la représentation entre dans la construction du développement individuel
et collectif, dans la définition des identités personnelles et sociales, l’expression des
groupes et les transformations sociales.
b. La représentation linguistique.
Comme son nom l’indique, la représentation linguistique correspond à tous les
moyens langagiers de représentation du monde. Son unité principale est le mot ou les
mots.
Elle est en relation avec la représentation sociale : sous l’influence des
idéologies des groupes sociaux, les individus classent les mots selon leur sens et leurs
significations dans leur vie. Ce qui donne que des mots sont censurés tandis que
d’autres sont permis.
D’un autre côté, l’expression des représentations sociales ne se fait pas
seulement par le moyen des actions et des comportements. Elle est aussi interprétée
sous formes d’expressions linguistiques (de mots).
Parler des représentations nous emmène à chercher les mots et les expressions
employés pour désigner une personne (leur nature etc.). Ce sera le thème du point
suivant.
50
2. LE SYSTÈME DE DÉSIGNATION DE LA PERSONNE.
On a tant parlé de mots polysémiques (plusieurs sens), des mots qui prennent
plusieurs significations selon les contextes d’emploi.
Actuellement, les interrogations se font sur plusieurs termes qui peuvent être
employés pour désigner et indiquer le même objet, personne, qualité etc.
La réponse est délicate. Il est vrai que parler de soi-même semble le plus difficile
que de parler de quelqu’un. Mais quels mots employer pour le dénommer,
le représenter ?
Cette question nous informe déjà sur la complexité du système de désignation de
la personne. Même si cela nous paraît évident, attribuer un nom à quelqu’un est aussi
compliqué que l’on pense.
Chacune de ces formes aura un espace d’approche et d’analyse dans ce qui suit.
a. Le nom propre.
Il est répandu d’appeler une personne par son prénom. C’est d’ailleurs la
première des choses que fait un parent dès la naissance de son fils ou sa fille.
Il lui attribue un nom, qui fait partie de la catégorie des noms propres.
51
Aussi, lors de la présentation de quelqu’un qui nous est inconnu, c’est son nom
qui est recherché et donné en premier.
Alors, en quoi les noms propres de la personne, posent-ils problème dans tout
cela ? Pour quelles raisons les couples algériens les emploient rarement ?
Définir le nom propre n’est pas possible sans un passage par quelques thèses
théoriques, permettant chacune à sa place, de dire ce qu’est un nom propre.
Nous n’avons pris que trois, par ordre d’intérêt.
1
M. Wilmet, Nom propre et ambiguïté, p.113.
52
Thèse de Mill1 (ou la thèse des noms propres vides).
Une théorie qui voit que le nom propre n’est qu’une étiquette dotée d’une
dénotation. Il est dépourvu de tout sens intrinsèque (essentiel). Ce nom ne nous indique
rien : c'est-à-dire que la relation entre lui et le référent qu’il désigne est vide :
1
John Stuart Mill est un logicien et philosophe anglais.
2
Mathématicien et philosophe anglais.
53
« De Saussure » est un nom propre qui nous informe sur cette personnalité,
à savoir, « un homme », « le fondateur de la linguistique », « un Suisse », « le père de la
linguistique » etc.
C'est-à-dire qu’un nom propre tel que « Saussure », n’est qu’une connotation
d’un individu bien précis, à savoir « le grand linguiste » ou « le fondateur de la
linguistique ».
Pour plus de précision, nous dirons que « les descriptions définies »,
ne désignent un objet particulier que dans la mesure où cet objet possède des usages
singularisant différents des autres objets.
Tel est l’exemple de description définie :
« Le roi de la France » ou « Le président de l’Algérie ».
Celles-ci, en effet, ne désignent qu’un seul et unique individu. Il n’y a qu’un seul
et unique roi ou président d’un état, lors de la désignation de la personne.
Parler de Bouteflika, fait penser au président actuel de l’Algérie.
N’oublions pas de dire que, Russel met en relation le nom propre et les
« descriptions définies », pour leur aspect analogique.
Cette théorie était aussi critiquée par de nombreux théoriciens tels que Kripke 1.
Le nom propre selon lui, renvoie à une personne précise dans tout monde réel ou
imaginaire, sans que son historique ou ses caractères entrent dans sa désignation
(Napoléon est toujours Napoléon, qu’il soit battu à telle ou telle bataille, qu’il soit
marié ou non).
L’essentiel est dans le nom propre et non pas dans la personne elle-même.
Même Roland Barthes défile sous cette branche. Il affirme que le nom propre
« constitue un signe, un signe volumineux […] toujours gros d’une épaisseur touffue de
sens. »
1
Saul Kripke (1940) est un philosophe et logicien américain.
54
Thèse de Georges Kleiber (1981).
Après avoir vu les deux approches dans le domaine de la philosophie et la
logique, nous arrivons à la linguistique (autrement dit : la langue elle-même).
Même si l’étude du nom propre a tardé par rapport aux deux autres disciplines,
elle commence à faire son apparition et s’impose en tant que thème principal.
Afin de synthétiser le point des théories du nom propre, nous dirons que les trois
théories apportent des éléments importants dans la définition du nom propre.
Elles sont en réalité plus complémentaires, que contradictoires. Chacune d’elles touche
un point important, comme c’est précisé ci-dessous :
En langue, le nom propre est un signe doté d’un signifiant et d’un signifié vide,
donc disponible. Saussure, par exemple, est capable de nommer quelqu’un,
mais ne demande pas un signifié mais un signifiant. (Δ/Sa).
Le passage de la langue en discours demande une dénomination, qui assemble
par exemple, le signifiant ou la séquence sonore Saussure avec un référent R et
1
Sarah Leroy, De l’identification à la catégorisation : l’antonomase du nom propre en français. P.72-73.
2
Cf. Marc Wilmet, « Nom propre et ambiguïté », p. 113.
55
transforme un x virtuellement appelable Saussure, en x effectivement appelé
Saussure. (Δ/Sa) →R.
En discours, et ce qui nous intéresse le plus, dans notre recherche, le nom propre
attribue à tel ou tel « objet du monde », un contenu de sèmes tournant autour du
noyau, association par ailleurs instable et inégalement distribuée entre les
membres de la communauté.
Exemple : Saussure est le x appelé Saussure, plus « fondateur de la linguistique
et/ou père de la linguistique ». (∑/Sa) ↔ R
Il est vrai que le prénom de la personne est le plus souvent utilisé pour appeler
ou désigner quelqu’un. Mais il pose parfois problème, quand il s’agit de certaines
régions et/ou de certaines générations.
Le nom propre alors ou son emploi, laisse souvent des réactions plus au moins
négatives, bien que certains le prennent comme un élément de valorisation de
l’interlocuteur.
1
F. Ozanne-Rivierre, L’expression de la personne, p.218.
56
Ce nom représente :
un manque de respect ; si l’individu désigné est plus grand que celui qui
interpelle.
Ex. un enfant qui appelle son oncle, son père, sa mère etc. par leurs noms.
b. Les appellatifs.
Toute personne porte un nom. Qu’il soit un prénom ou un nom de famille,
il renvoie toujours à elle et la désigne.
Cependant, et suite aux dimensions socioculturelles citées, il laisse sa place à ce
qu’on appelle « les appellatifs ».
Ces derniers sont d’une grande diffusion dans notre milieu algérien. Leur emploi
est relié souvent à des idéologies diverses.
Les appellatifs ou les appellations, sont des noms ou des expressions qui
renvoient à une personne. Ils apparaissent sous plusieurs formes et sont choisis en
fonction de l’âge, de la fonction et du niveau de familiarité et/ou du lien de parenté.
57
* Les surnoms : avec ses deux variantes : diminutifs tel que : Moh au lieu de Mohamed,
ou sobriquets : Le petit Chaperon rouge pour le port du chaperon) ;
Enfin, on peut identifier quelqu’un par les expressions telles que : « welde
flène » ou « bènte flène » (le fils ou la fille de), « djari » (mon voisin) etc. Leur emploi
varie selon les intentions de la communication.
58
Comme le nom propre, un appellatif peut avoir un impact négatif ou positif sur
les relations interpersonnelles d’un groupe. Nous allons démontrer ses deux aspects
valorisant et dévalorisant.
* Dévalorisation ou valorisation ?
L’étude des appellations a permis aux sociologues, aux sociolinguistes et bien
d’autres chercheurs, d’aboutir à un certains nombre de valeurs se dégageant de l’emploi
de ces termes.
Nous citons encore les appellatifs utilisés par les moyens de diffusion de
l’information, dans la presse écrite (journaux magazines, revues…) ou audiovisuelle :
Les barbares, les musulmans, les femmes immigrées sont des exemples
de désignation de l’autre qui parle une langue étrangère à la sienne.
L’altérité dans le langage des hommes donne naissance à ces appellatifs
(charabia pour désigner en France la langue arabe).
59
Nous voulons terminer par cet exemple du mot « frère », qui pourrait avoir deux
à trois significations selon l’emploi :
60
Conclusion du chapitre.
61
Le système de désignation chez les couples.
Afin de rendre notre étude plus pratique et signifiante, nous proposons ici,
une analyse sur le terrain, des termes de désignation des couples sétifiens.
Notre objet d’étude sera alors les mots désignant ces couples ainsi que son
système dans les différentes situations de communication courantes.
63
La collecte n’était pas aisée dans les premiers temps ; les gens pensaient à une
transgression de leur vie privée.
Après insistance et explications, le travail est là mais, ils ont présenté un refus
pour les enregistrements. Donc, nous nous sommes contentés à la prise de notes tout en
réalisant les entretiens.
Rappelons ce que c’est un entretien dans une enquête ainsi que ses objectifs.
* L’entretien : est un fait de discours qui consiste à collecter des informations auprès
d’un groupe de personnes. C’est une recherche qualitative rendant compte d’une
situation sociale particulière.
On enregistre trois types d’entretien :
non directif, dans lequel l’enquêteur est le moins actif possible et laisse un
maximum de liberté aux personnes interrogées. Il est nécessaire qu’il reste
neutre et évite d’ouvrir des parenthèses inutiles.
semi-directif, le chercheur dicte uniquement les différents thèmes devant être
abordés, sans pour autant pratiquer un questionnaire précis.
directif, l’animateur dirige l’entretien face à ses interviewés. Il prépare et
structure souvent son travail, mais peut tout de même échapper à certaines
attitudes naturelles et spontanées.
64
Notre enquête s’est déroulée en trois phases importantes :
3. LA POPULATION ÉTUDIÉE.
a. Présentation.
La présente analyse a été effectuée sur une population constituée de couples de
la région sétifienne et, qui ont en commun le facteur de l’âge et du milieu socioculturel
(la même génération). Ils appartiennent précisément à la génération des années 40
(nés entre 1940 et 1949).
Une génération riche par son lexique, influencée par divers facteurs socioculturels, et
dont les termes de désignation divergent d’une situation à l’autre.
65
Cette population est constituée de 33 couples [33 hommes (4veufs), 33 femmes
(7 veuves)]. C’est d’ailleurs, le nombre disponible dans la période de notre recherche.
Il est le plus équitable et hétérogène parmi 90 couples au total.
Le schéma qui suit représente ces personnes, leur nombre et leur genre.
90 COUPLES INTERROGÉS
33 COUPLES ÉQUITABLES
33 MARIS 33 ÉPOUSES
04 VEUFS 07 VEUVES
Puisqu’ils appartiennent à la génération des années 40, ces conjoints ont vécu
la période coloniale et pour la plupart, fréquenter l’école française.
66
Certains se sont arrêtés au certificat d’étude et d’autres ne l’ont pas atteint.
Ils découlent d’une classe sociale moyenne, dont la majorité est retraitée.
Simples, modestes et très accueillants, telles sont leurs particularités.
Notons qu’ils ont bénéficié de deux types d’éducation et de culture:
l’une algérienne (de leurs parents) et l’autre française (du colonialisme). Il s’agit d’une
génération biculturelle.
La femme, elle, même si elle était destinée aux activités intérieures de la maison
(la tâche de s’occuper de ses enfants, d’obéir à son époux et de veiller à l’entretien de sa
maison…), sa valeur était plus élevée que celle d’aujourd’hui.1
Jeune, elle n’avait pas le droit de décider de son avenir (les parents la marier trop
jeune à l’homme qu’eux-mêmes avaient choisi).
Quant aux veuves, elles avaient la possibilité de travailler à l’extérieur afin de
nourrir leurs enfants et faire face aux conditions de vie extrêmement dures de l’époque
coloniale.
Pour leur aspect réservé, une épouse ne devrait pas sortir sans lamlaya (tenue
traditionnelle sétifienne couvrant tout le corps, y compris le visage).
Les étrangers (voisins, marchands etc.) ne disposaient pas d’une autorisation
pour voir la femme de quelqu’un (d’un ami par exemple).
Exemple : autrefois, dans El hara2 [ħaRa], un homme ne pouvait pas entrer sauf après
1
Un point sur lequel on a trop insisté lors des entretiens.
2
El Hara, mot arabe signifiant un ensemble de maisons situés dan le même bâtiments et partageant la
même cour.
67
Autant d’habitudes et de mœurs, qui influent déjà sur le langage sétifien :
tant que les deux personnes étaient vues comme telles, leur nom ne devrait pas se
prononcer, il représentait un tabou dans cette société.
Des explications et des commentaires plus détaillés feront l’objet de notre étude
ci- après.
4. LE CORPUS.
a. Présentation.
Comme il est déjà annoncé auparavant, le corpus étudié se compose
principalement, d’un ensemble de mots et d’expressions employés par ces couples,
pour se désigner.
Quelques expressions étaient déjà connues tandis que d’autres, découvertes au
cours des entretiens et des recherches.
Elles sont en langue arabe dialectale ; la langue principalement parlée à Sétif.
Une transcription phonétique est indispensable et une traduction en langue française est
mise entre parenthèses, pour faciliter la compréhension.
* la désignation directe.
Une personne (x) interpelle une autre (y).
68
* la désignation indirecte.
Une personne x parle de y à z .
* la désignation réfléchie.
Une personne qui parle d’elle-même.
Une personne (x) une personne (x) [elle-même]
De tous les modes cités, nous traiterons en particulier les deux premiers.
69
EXPRESSIONS ET TERMES DE DÉSIGNATION.
100
80
60
40 HOMMES
20 FEMMES
FEMMES
0
HOMMES
L’explication des conjoints était que cela était lié à la nature des femmes,
elles sont plus directes qu’eux. De plus, c’est à l’homme que se présentent le plus de
situations de communication (au travail, à domicile, dans la rue, dans les cafétérias etc.).
De plus, le statut même de la femme et de l’homme, cité dans le point (c),
explique cela : l’honneur de l’homme et la valorisation de la femme.
Donc, ce fait explique bien comment le facteur « sexe » influe-t-il sur le choix et
l’aspect quantitatif des désignations. Une constatation importante affirme la variation du
lexique selon cet élément.
70
Il convient dans ce stade, de commencer à approcher notre corpus avec encore
plus de précisions et d’illustrations.
5- ANALYSE ET COMMENTAIRES.
Sans prétendre couvrir de manière exhaustive la totalité des situations
susceptibles de se présenter, nous percevons déjà la complexité du système, et le
nombre important d’appellations appropriées qu’il faut savoir mobiliser à bon escient.
Pour cela, nous avons choisi les plus vécues, et pouvant démontrer ce système de
désignation chez les couples sétifiens.
71
« El Mayssa, arrouahi ! » (El Mayssa est le prénom d’une femme) viens ! » ;
« …ani djaya El Kheir… » (j’arrive El Kheir).
* avec la présence des enfants : c’est les termes indéfinis (yaw, yamra, asmaa
* si les conjoints sont en désaccord et seuls : aucun des deux n’employait un terme
pour s’adresser, ce ne sont que des gestes ou des mots d’interpellation confus, vagues, et
parfois non significatifs.
72
Exemple : « aa, asmaa wine rah serwali ? » (Hé ! écoute, où est mon pantalon ?)
Ou faisant semblant de murmurer ce dont ils avaient à dire.
Si une occasion se présente pour citer l’un ou l’autre, les deux individus sont
munis d’un choix important des mots à employer. Or, il faut respecter la norme sociale
instaurée par les habitudes et les rites des habitants de la région.
Une norme aussi bien culturelle que sociale ; il s’agit notamment des
représentations de l’homme et de la femme dans leur communauté2, ainsi que leur
éducation et leurs valeurs religieuses, humaines etc.
* avec la famille :
Parmi les traditions typiques des Sétifiens, le fait de vivre en famille, grande
famille (grands parents, frères, sœurs, oncles etc.).
1
Contrairement à notre époque où tout le monde est au courant de ce qui se passe entre époux.
2
Cf. point abordé dans statut de l’homme et de la femme chez les Sétifiens des années 40.
73
Cette ambiance permet une communication spontanée, des conversations continues et
une pratique de langage régulière.
* face à des étrangers, c’est les mots : l’mra (la femme), [lʔˤaчla] (la famille), el dar
(la maison), bent flène (la fille de…), [mulεtada:R], oum lawled (mère des enfants).
À travers cette exposition, nous dirons que les conjoints changent de termes de
désignation inconsciemment et spontanément. C’est devenu une habitude dont ils ne
pouvaient échapper.
Leur nombre varient d’un contexte à l’autre : face à des personnes étrangères, il est plus
élevé.
74
D’une part :
* aux valeurs humaines : chacun des époux, à cette époque partageait avec son
compagnon une relation fondée sur le respect de l’autre, et ceci est clair dans l’emploi
du prénom dans l’intimité ;
sur l’amour partagé, pour eux « l’amour n’est pas amour, s’il change quand il y a des
changements. »1. Dans les pires des conditions, ils restent unis et forts.
De l’autre part :
* aux circonstances de production du langage (au lieu, au destinataire, à son âge,
son statut social, à la nature de la relation entre les interlocuteurs)
Analysons ce dernier point selon les deux éléments suivants : l’absence du nom
propre et l’emploi des termes génériques et indéfinis, pour la désignation.
1
Citation de Shakespeare.
75
De même pour le choix des mots de désignation, les deux époux optent pour tel ou tel
terme, suivant le récepteur :
Plus il y a intimité et relation familiale, plus son emploi est là. Or, si on s’écarte
de ses proches, un éloignement total de cet usage est enregistré.
100
50
0
ENFANTS FAMILLE AMIS INTIMES ETRANGERS
1
La plupart des femmes et des hommes ne fréquentaient pas l’école.
76
* Les termes génériques.
Nous entendons par génériques, tous les mots en commun à un groupe
d’individus ; des mots relevant du genre (hommes, femmes) comme : l’mra, [Raჳεl],
d’un groupe d’individus (famille) [lʔˤaчla] et même le lieu d’habitat dar (la maison).
Ils se répartissent selon le lieu de communication : une utilisation forte et
importante à l’extérieur et absente au domicile des personnes.
Selon le récepteur, ils sont en grande partie présents face aux personnes
extérieures à la famille. Plus on se dirige vers la maison, plus les désignations sont
précises et claires.
Une relation qui se dessine du particulier au général : préciser le référent à ses enfants
(mouk, bouyek), le « k » pointe le référent sur le destinataire, en est un exemple.
Dehors, existent des gens éloignés du domicile personnel de l’émetteur; éloignés
aussi du point de vue de leur relation avec celui-ci.
Quand on parle de l’extérieur, on parle de tout un monde vaste et non précis.
Les expressions telles que «bent flène », « oum lawled » font référence aux liens
de parenté avec les enfants et le père. Cette désignation était majoritairement fréquente.
* Les indéfinis.
Il est qualifié d’indéfini, tout mot ne renvoyant à aucun référent particulier.
Les exemples en grammaire sont nombreux : les adjectifs et des pronoms indéfinis
(on, certains, quelques etc.)
Une interrogation ainsi se manifeste : comment ces mots se chargent-ils d’une
ou de significations dans leur contexte ?
Dans notre cas, l’indéfini correspond à tous les mots employés par les couples
pour se désigner ; ceux dont personne ne saura la signification sans se mettre dans un
contexte ou une situation de communication.
77
Il est question des expressions : [huwa] (lui), [hiЈa] (elle) qui renvoient certes à
l’épouse ou au mari. Elles s’emploient à l’extérieur de la maison et face aux individus
étrangers à la famille.
Leur emploi est lié beaucoup plus à l’intention de communication et à la nature
de la relation (état du couple lors de la prononciation de ces termes).
Exemples : avec une intention de dévaloriser dans une conversation l’un des époux ou
de l’ignorer, apparaissent ces expressions.
78
Exemples :
* pour s’adresser à leurs parents à la maison, ils emploient « Mma » (maman),
« bouye » (mon père).
* pour les citer ou les appeler devant des amis ou d’autres personnes de la famille,
Nous dirons donc que le statut, le genre et l’âge du récepteur restent des facteurs
essentiels dans le choix des appellatifs.
Conclusion.
Pour conclure, nous dirons que nous avons essayé de démontrer une petite partie
de la diversité lexicale, dans une seule région de l’Algérie. Cela dit, des variations
existent partout, au sein de toute masse ou même entre deux personnes de la même
famille ; il faut encore plus de travaux pour toucher à tous les phénomènes d’usage de la
langue.
Chaque élément de la situation de communication, a d’une façon ou d’une autre
un impact sur l’emploi des désignations des époux et des épouses.
79
En guise de conclusion de cette modeste recherche, il s’avère que même si l’acte
de communication semble simple et banal, il demande tout de même une très bonne
maîtrise, non seulement du code linguistique, mais aussi une connaissance
indispensable des normes d’usage : sociales, culturelles…
Celles-ci, régulent, orientent et modifient nos comportements envers les autres.
Elles naissent d’une convention entre les membres d’une communauté plutôt
sociolinguistique.
Tout au long de cette étude, nous avons constaté une complexité sérieuse dans
le système de désignation de la personne, en Algérie et, à Sétif en particulier :
la diversité des mots et des expressions la démontre clairement.
Nous dirons que la variation dans l’emploi des termes est un phénomène
passionnant, surtout, en ce qui concerne ceux qui se manifestent dans notre quotidien.
Les représentations linguistiques de la personne sont aussi des révélateurs de l’identité
des interlocuteurs.
Les désignations se présentent sous de multiples formes, relevant des relations
interpersonnelles des interlocuteurs (liens de parenté, surnoms…).
Leur emploi cause l’absence du nom propre de la personne, qui apporte parfois des
sentiments de rejet envers le locuteur.
Nous avons démontré que les particularités du récepteur (l’âge, la culture…) et,
le lieu où il se trouve, participent avec les éléments cités ci-dessus à l’emploi des
désignations.
81
En plus, les lieux d’émission des messages impliquent une variation dans le choix des
termes de désignation : ils sont génériques à l’extérieur de la maison et bien précis
dedans. Les liens intimes et familiaux aussi, modifient les emplois.
En ce qui concerne les résultats de cette recherche, ils se présentent comme suit :
Enfin, l’emploi des appellatifs ne se laisse pas sans conséquences sur les
rapports entre les individus : des sentiments divers émergent de cela (respect, rejet,
dévalorisation, valorisation, intimité, familiarité…).
82
1. BAUTIER, Élisabeth, Pratiques langagières, pratiques sociales, L’Harmattan,
Paris, 1995.
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3. BAYLON, Christian, Sociolinguistique, 2ème édition NATHAN, 1996.
4. BENVENISTE, Émile, Problèmes de linguistique générale, éd. GALLIMARD,
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6. CALVET, Jean-Louis & DUMONT, Jeanne & BARBERIS, Marie, L’enquête
sociolinguistique, L’Harmattan, 1999.
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10. DOSTIE, Gaétane, Pragmaticalisation et marqueurs discursifs : Analyse
sémantique et traitement lexicolographique, éd. Duculot, 2004.
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13. GUEMPERZ, John.J, Une approche interprétative, Paris, L’Harmattan, 1989.
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ARTICLES.
85
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6. OZANNE-RIVIEERE Françoise, L’expression de la personne : quelques exemples
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de « désignateur rigide », In : Langue française, Vol. 57 N°1. Grammaire et
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8. WILMET Marc, Nom propre et ambiguïté, In : Langue française, Vol. 92. N°1,
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SITOGRAPHIE.
DICTIONNAIRES.
1. CHARAUDEAU, Patrick & MAINGUENAU Dominique, Dictionnaire de l’analyse
du discours, éd. du Seuil, février 2002.
2. DUBOIS, Jean et (al), Dictionnaire de linguistique, Ed. Larousse, Paris, 2002.
3. Dictionnaire : Le Robert De Poche, 1995.
4. Dictionnaire : Le petit Larousse Illustré, 2007.
86
Dans le cadre de mon mémoire de recherche, je réalise ces entretiens avec vous.
Mes objectifs se résument dans les points suivants :
88
Chez des proches : ……………………………………………………………….......
Devant des étrangers : ………………………………………………………………
b. quels sont les mots que vous utilisiez pour parler de votre femme à quelqu’un ?
* à la maison :
aux enfants : …………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………...
aux membres de la famille : ………………………………………………………...
………………………………………………………………………………………...
Aux amis (ies) ou des personnes étrangères à la famille : .......................................
………………………………………………………………………………………...
* Dehors :
Chez le docteur : …………………………………………………………………….
à un membre de sa famille : ………………………………………………………...
à un membre de votre famille : …………………………………………………….
Aux enfants : ………………………………………………………………………...
A vos amis (ies) : …………………………………………………………………….
………………………………………………………………………………………...
S’il s’agit d’une situation où vous vouliez la (le) dévaloriser ? ……….......................
Si au contraire vous vouliez la (le) valoriser ? ……………………………………….
7. À votre avis, pourquoi vous utilisiez ces mots ? (consciemment ou
inconsciemment) ? Pourquoi changiez-vous de mots de désignation ?
………………………………………………………………………………………...
7. Quelles sont les conséquences de l’utilisation de ces mots, dans les relations
interpersonnelles ?
8. Si quelqu’un prononce le nom de votre femme (ou mari) devant toi, quelle auriez
été votre réaction ?
9. Actuellement, employez-vous toujours ces mêmes termes de désignation ?
Pourquoi ?
89