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Auto-thérapie : sept conseils pour devenir

votre propre psy


Publié le 20 janvier 2022 à
15h30

Devenir son propre psy ©Ponomariova_Maria / iStock

Soigner son mal-être, dompter ses


névroses ou apaiser ses angoisses sans
passer par l'aide d'un spécialiste ? Voilà le
pari d’Anne-Hélène Clair, docteure en
neurosciences, et Vincent Trybou,
psychothérapeute, dans leur livre «
Devenez votre propre psy ». On fait le
point sur leurs conseils avec les sept
commandements de l'auto-thérapie.
Patrick Williams

L'auto-thérapie, c’est possible ? Oui ! Car notre cerveau présente une


grande plasticité : il peut être rééduqué à l'envie par des petits
exercices quotidiens. Bien souvent, quand nous sommes victimes
d'une crise d'angoisse, d'un mouvement de panique, d'un accès de
colère, c'est parce que notre matière grise réagit de façon
automatique et démesurée à certaines situations. Entraînons nos
neurones à se discipliner et elles ne se cabreront plus devant
l'obstacle. Évidemment, cette théorie fera rugir un certain nombre de
psychiatres et de psychanalystes pour qui il semblera impossible de
devenir son propre Freud. Comment un cerveau saisi par l'angoisse
pourrait-il se calmer par sa seule action ? Ce serait comme un feu de
forêt qui prétendrait s'éteindre lui-même à coups de flammes. Pour
ces détracteurs, seul le fait de passer par un psy et par le biais du
transfert pourra créer le « retour sur expérience » nécessaire à la
thérapie. Mais laissons-là ces questions qui intéressent surtout les
professionnels – et qui recoupent le vieux débat opposant
psychanalystes freudiens et thérapeutes comportementalistes – et
penchons-nous plutôt sur la « boîte à outils » proposée par les deux
auteurs de « Devenez votre propre psy » (Allary Editions). Elle
déborde de petits trucs et de conseils pleins de bon sens, qui peuvent
apaiser nos vagues à l'âme. Pour nous y retrouver, nous avons
interrogé Vincent Trybou. Il nous livre les sept commandements de
l'auto-thérapie. Au boulot !

NOTRE CERVEAU EST ÉDUCABLE


« Les anxiétés, les peurs, les vagues à l'âme correspondent à un
fonctionnement cérébral spécifique. Si vous avez une mauvaise
gestion de vos émotions, c'est peut-être parce que vous avez mis en
place, depuis longtemps, à votre insu, un comportement qui n'était
pas adapté. Mais il est possible de rééduquer vos neurones, de
modifier leur réseau, leur cheminement. Ainsi à force de répéter des
exercices quotidiens – pleine conscience, acceptation émotionnelle,
restructuration cognitive, etc. – on peut se défaire de ses mauvaises
habitudes, renverser les circuits cérébraux qui sous-tendent nos
automatismes. C'est ce qu'on appelle la plasticité cérébrale. Soit la
capacité de changer le fonctionnement du cerveau, la façon dont les
neurones communiquent entre elles. »

PRATIQUEZ L'ACCEPTATION ÉMOTIONNELLE

« Habituellement, quand on ressent une émotion désagréable –


anxiété, colère, rancune, etc. – on cherche à s'en débarrasser tout de
suite, on veut l'oublier, la nier, on compense avec la nourriture ou
l'alcool. Ou alors au contraire, on cherche à la contrôler en ressassant,
en en parlant sans relâche à des proches. Pourtant l'attitude idéale
n'est ni dans le déni ni dans la focalisation à l'extrême, mais plutôt
dans le fait d'accepter le plus tranquillement possible ces émotions
désagréables comme un phénomène normal, universel et assez
banal. En pratiquant ce lâcher-prise, on laisse ces émotions mourir
naturellement, à leur rythme. Elles vont ainsi disparaître rapidement,
car le cerveau n'a pas assez de ressources pour les maintenir
longtemps. En revanche si vous les niez ou si vous vous focalisez sur
elles, elles vont s'amplifier dans un cercle vicieux. À la base de
l'acceptation émotionnelle, une idée simple : plus le cerveau s'habitue
à faire face à la menace, moins il va réagir violemment. Alors que si
vous êtes dans la fuite, ou dans la recherche d'un contrôle maximal, il
va continuer à la percevoir comme un danger et se concentrer encore
plus dessus. »

APPRENEZ À GÉRER VOTRE IMPULSIVITÉ


« L'impulsivité est partout. Certaines personnes se jettent sur leur
téléphone portable pour apaiser l'anxiété, se précipitent sur la
nourriture pour calmer la tristesse, envoient un e-mail agressif pour
apaiser la colère... Face à ces crises d'impatience, on peut pratiquer
une technique très simple, la technique du décalage. Il s'agit de
repousser son comportement impulsif de dix ou 20 minutes, de faire
une pause et d'attendre de voir si les émotions perdurent ou si elles
ont disparu. Ainsi des personnes souffrant d'achats frénétiques sur
Internet mettront l'objet convoité dans le panier, mais ne le paieront
pas tout de suite. Elles patienteront un jour ou deux pour vérifier si le
désir d'achat est toujours là. Cela permet à l'impulsivité de
redescendre. J'ajouterais que les conseils que nous préconisons
peuvent paraître évidents, nous pouvons avoir l'air d'enfoncer des
portes ouvertes, mais la vérité, c'est que dans bien des cas, la majorité
d'entre nous oublient de procéder ainsi ! »

L'IMPORTANCE DE LA PLEINE CONSCIENCE

« La pleine conscience a mille intérêts. Cette pratique venue du


bouddhisme est un formidable outil de gestion du stress. Comme on
sait, il s'agit de rester concentrer sur sa respiration et de laisser
couler les pensées qui surviennent plutôt que de dialoguer avec elles
et donc de les renforcer. Bien sûr, un million de pensées et d'émotions
vont traverser votre esprit en dix minutes et vont vous déconnecter
autant de fois de votre respiration. Ce n'est pas grave. Il faut
simplement se reconnecter à votre nez et à l'air qui circule. À force,
vous allez rééduquer votre cerveau et le sortir de ses automatismes
d'action immédiats. Vous mettez en place une nouvelle tuyauterie, un
nouveau câblage des neurones. Comme une manière de déconnecter
le cerveau des émotions négatives, de l'empêcher d'entrer en
dialogue avec celles-ci. Cette méthode a montré son efficacité face à
de nombreux troubles psychologiques, dans la gestion du stress et de
la douleur. Mais cela prend du temps et de la pratique. Une période
d'au moins huit semaines est nécessaire avant de voir des résultats. »
ET SI ON TENTAIT LA RESTRUCTURATION COGNITIVE ?

« Ce terme un peu barbare désigne le fait de déconstruire ses pensées


immédiates et de les reconstruire de façon plus réaliste. Face à un
sentiment d'angoisse, de stress, on va ainsi mettre à plat la situation
dans laquelle on est, l'émotion qu'on éprouve, le comportement que
cela induit. Et se poser tout un tas de questions. Mon entourage serait-
il d'accord pour dire que ma pensée actuelle est juste ? Ma réaction
est-elle adaptée ? Si une amie me demandait conseil parce qu'elle vit
le même problème, qu'est-ce que je lui conseillerais ? Ainsi on discute
la pertinence des arguments présentés par le préfontal (la zone du
raisonnement) afin qu'il cesse d'opérer un effet domino sur
l'amygdale (qui est, dans le cerveau, le centre de la peur et de
l'anxiété). En d'autres termes, on effectue une prise de recul
intellectuelle pour se réorienter vers une pensée dépouillée de
préjugés. Un exercice que pratiquaient déjà les philosophes grecs ! »

LA TECHNIQUE DE PRISE DE DÉCISION

« De nombreuses personnes souffrent d'une difficulté à prendre des


décisions. Cela vient souvent du fait que les indécis n'ont pas bien
défini ce qu'ils veulent. Face à une décision importante – par exemple
un achat d'un certain prix, une location de vacances, etc. – ils mettent
sur un pied d'égalité le prioritaire et le secondaire, mélangent des
éléments factuels et imaginaires. Il peut être utile de dresser un
tableau avec les différentes options qui s'offrent à vous, de la plus
essentielle à la plus accessoire. On établit ainsi une hiérarchie des
variables qui permet la prise de décision. Par ailleurs, quand on
tombe sur des choses similaires que l'on n'arrive pas à départager, ce
n'est pas un souci : c'est précisément le signe qu'elles sont assez
équivalentes. Si des choses similaires étaient réellement différentes
au point que l'une soit géniale et l'autre une catastrophe, vous l'auriez
su dès le début. »
OUI, ON PEUT ÊTRE SON PROPRE PSY !

« Rappelons qu'en matière de thérapies comportementales et


cognitives, il existe depuis longtemps des manuels d'auto-thérapie.
Par ailleurs, rappelons tout de même que si vous avez des vraies
pathologies insistantes, qui vous posent problème – déprimes,
dépressions, phobies, angoisses persistantes – il faut bien sûr aller
consulter un thérapeute. Mais si vos soucis ne sont pas trop
handicapants, si ce sont des problèmes psychologiques "ordinaires",
cette boîte à outil peut vous aider. Dans le cas contraire, nous
encourageons nos lecteurs à se faire accompagner par un
professionnel de santé. »

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