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CHAPITRE 3

SEQUENCES D’ENVIRONNEMENTS
ET STRATIGRAPHIE SEQUENTIELLE
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Les successions sédimentaires qui correspondent aux séquences résultent


de l'action d'un système de dépôt développé dans un espace sédimentaire.
L'interprétation de ce système de dépôt repose sur la reconstitution d'un modèle
sédimentaire.
On se propose ainsi en définissant les faciès, ou les associations de faciès
qui sont en général plus caractéristiques des milieux de dépôt, d'esquisser un
modèle sédimentaire qui servira de cadre pour caractériser les principales
séquences de dépôt du Crétacé supérieur atlasique et interpréter les conditions
de leur mise en place, notamment l'influence de l'eustatisme. Cette approche
aboutit enfin à proposer une organisation scalaire des cycles sédimentaires à
travers les exemples des séries atlasiques.
On développera ainsi dans ce chapitre les points suivants :
- Le cadre sédimentologique.
- Les séquences de dépôt atlasiques et leur relation avec les cycles
eustatiques.
- Les discontinuités régionales.
- Une synthèse sur l'eustatisme au cours du Crétacé supérieur dans
les séries atlasiques.
- L'organisation scalaire des cycles sédimentaires du Crétacé
supérieur.
- Le détritisme argileux, les paramètres d'environnement et leur
relation avec l'eustatisme.
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I - LE CADRE SEDIMENTOLOGIQUE

Dans ce paragraphe on développera :


- L'étude des environnements de dépôt à travers la définition des
faciès distingués dans les séries du Crétacé supérieur atlasique. L'architecture
des sédiments est replacée dans le référentiel de dépôt que constitue le modèle
sédimentaire atlasique, caractérisé par une disposition en blocs basculés et
bassins encadrés par des zones hautes.
- Les notions relatives à la stratigraphie séquentielle et aux cycles
sédimentaires qui serviront de support à la corrélation des séquences de dépôt
atlasiques avec les cycles eustatiques reconnus à l'échelle globale.

A - CARACTERISATION DES ENVIRONNEMENTS DE DEPOT

La définition des environnements de dépôt est nécessaire à l'interprétation


des séquences d'environnement et à celle des cortèges sédimentaires liés à
l'eustatisme. L'analyse des cycles eustatiques suppose au préalable la
caractérisation des principaux faciès et de leur environnement de dépôt.
On commencera par donner un bref aperçu des critères de définition des
environnements avant d'aborder l'étude du modèle de dépôt.

1. Les critères d'identification des milieux de dépôt


Les critères d'identification des milieux de dépôt sont d'ordre biologique,
lithologique et pétrologique.

a) Les critères biologiques


Dans les sédiments carbonatés ces critères sont déterminants ; ce sont :
* La présence d'organismes : Les constituants de la faune et de la
microfaune sont caractéristiques individuellement ou par leurs associations
d'environnements déterminés. Toutefois leur état de préservation est
fondamental pour affirmer leur appartenance à une biocénose et mettre en
évidence un éventuel transport hors du milieu de vie.
* Les rapports de fréquence de groupes d'organismes : De nombreuses
biocénoses sont caractérisées par quelques taxons dont les fréquences de
répartition sont interreliées.
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Par exemple de nombreux auteurs ont utilisé le rapport de pourcentages


des foraminifères benthiques aux foraminifères pélagiques comme indice
d'océanité.
Les pourcentages de foraminifères planctoniques supérieurs à 70 %
caractérisent le bas du talus continental et les plaines abyssales. Ce pourcentage
tombe à moins de 50 % au niveau de la plate-forme externe.
Cependant le rapport des pourcentages peut varier localement sous l'effet
de multiples facteurs : remontées d'eaux profondes, influence des courants,
variations de température, etc… De même le rapport foraminifères
benthiques/ostracodes croît avec la profondeur (Fig. 3.1a).
La distribution en fréquence des foraminifères porcelanés par rapport aux
foraminifères hyalins et aux foraminifères agglutinés est également fonction des
milieux de dépôt (Fig. 3.1b).
* La richesse et la diversité spécifique : La richesse spécifique correspond
au nombre d'espèces présentes dans un échantillon ou un gisement.
La diversité spécifique prend en compte, en plus, l'abondance relative des
espèces, les unes par rapport aux autres, quantifiées par divers indices utilisés
en biologie.
La richesse et la diversité spécifique augmentent depuis la zone intertidale
jusqu'à la zone infratidale. Un maximum est atteint dans les zones de barrière
récifale puis il y a décroissance des valeurs de ces facteurs vers le bassin marin
distal. Une relation de proportionnalité existe entre la diversité spécifique et la
température comme le suggèrent les études sur les foraminifères planctoniques
actuels (JENKINS et SHACKLETON, 1979).
Ainsi les organismes constituent des biocénoses ou populations d'une
parcelle limitée du milieu biologique, formée sous l'influence de facteurs
biotiques et abiotiques du milieu, qui ont permis l'élaboration de relations
réciproques déterminées, une structure et des corrélations quantitatives entre
les membres de cette population (in HECKER, 1960).
On nomme biotope une parcelle limitée du milieu de vie caractérisée par
des particularités physiques et chimiques déterminées qui conditionnent les
possibilités de l'existence sur cette parcelle d'une biocénose déterminée.
En relation avec les variations des facteurs du milieu qui caractérisent le
biotope, la biocénose peut être subdivisée en associations qui occupent les
différentes parties du biotope et qui sont caractérisées par différentes
corrélations quantitatives entre des espèces.
D'après MERKLINE (1950) les espèces peuvent être soit prédominantes
(lorsque le nombre d'individus de l'espèce dépasse 50 % de tous les autres) soit
caractéristiques (le nombre d'individus de l'espèce dépassant 25 %) soit
accompagnantes (plus de 10 %), soit fortuites (moins de 10 %).
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Les principaux milieux organiques du domaine marin sont caractérisés par


la répartition des organismes benthiques et planctoniques. Celle-ci permet
d'aboutir à une zonation en étages bionomiques ou étages de peuplements du
domaine marin fondée sur la distinction d'espaces verticaux du domaine marin
où les conditions écologiques sont en moyenne constantes et permettent
l'établissement de peuplements végétaux et animaux homogènes (PERES, 1961,
1967 et MASSE, 1988). C'est ainsi que dans la province nérithique qui correspond
au plateau continental, 4 étages de peuplement sont reconnus (PERES, 1961) :
- L'étage supratidal : immergé lors des marées exceptionnelles.
- L'étage médiolittoral : correspondant à la zone de balancement des
marées.
- L'étage infralittoral : il est constamment immergé. Sa limite inférieure
est la profondeur maximale compatible avec la vie des algues photophiles et des
phanérogames.
- L'étage circalittoral : allant jusqu'à la limite du plateau continental et
caractérisé par la présence d'algues sciaphiles. Cet étage n'est pas déterminé
uniquement par la profondeur car en fait elle varie de 6 m jusqu'à 120 m suivant
la clarté des eaux. Celle-ci est sous le contrôle de la turbidité qui peut être
importante sur les côtes des vasières littorales (PLAZIAT, 1984).

b) Les critères lithologiques et stratonomiques (Fig. 3.2)

* La nature du sédiment
Fonds indurés, sableux ou vaseux, calcaires, marnes, silts, évaporites,
phosphates, glauconie, etc… Elle permet de situer le type d'environnement
sédimentaire et les facteurs généraux, essentiellement physico-chimiques qui le
contrôlent et qui sont propres à chaque type de sédiment.

* La disposition des couches et leur géométrie


• La stratonomie varie en fonction des environnements : bancs massifs
dans la zone infralittorale ; alternances de bancs minces dans la zone
circalittorale ; absence de stratifications dans les zones de récifs vrais, etc…
• La géométrie continue, lenticulaire ou chenalisée des bancs est
également significative des types d'environnements.
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* La présence de structures sédimentaires


Les rides de courant, les figures de dessiccation, les laminites, les niveaux
slumpés sont autant d'indicateurs de milieux.

* Le type des séquences


A l'échelle élémentaire, au 1er ordre, et parfois au 2ème ordre, les
séquences peuvent être caractéristiques des environnements : exemples :
séquences carbonatées intertidales, de cordon littoral de talus d'accrétion, de
baie en voie de confinement etc… (DELFAUD, 1976 - PURSER, 1983 - WALKER, 1985)
(Fig. 3.3).

c) Les critères pétrographiques (Fig. 3.2 d'après GALL (1976).

* La nature des constituants


La présence d'oolites, de phosphates, de quartz détritique, de bioclastes,
renseigne sur la bathymétrie, la proximité du littoral et l'énergie de dépôt.

* La nature et la proportion de la phase de liaison


L'existence d'un ciment carbonaté ou d'une matrice boueuse permettent
d'apprécier le taux d'envasement du milieu de dépôt (classification de Dunham)
et d'en déduire le niveau d'énergie hydrodynamique.

* Les textures diagénétiques


La cristallinité et la disposition des ciments, ainsi que leur chronologie
amènent d'utiles renseignements sur les environnements de dépôt par
l'interprétation de la diagenèse précoce (LONGMAN, 1980 - BOURQUE, 1989).

2. Le modèle des milieux de dépôt du Crétacé supérieur du domaine


atlasique oriental
La série du Crétacé supérieur dans le domaine atlasique est constituée
essentiellement de Formations marno-calcaires, aussi l'étude des milieux de
dépôt sera t-elle axée sur les modèles de sédimentation des bassins carbonatés.
On définira les principaux environnements de dépôt et les faciès qui les
caractérisent à partir des critères énoncés précédemment et des données des
modèles de bassins carbonatés actuels et anciens.
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L'analyse quantitative des assemblages d'organismes et de leurs relations


avec les gisements est abordée dans le chapitre 4.
Par ailleurs le cadre morpho-structural du bassin et son incidence sur la
paléogéographie sont décrits dans le chapitre suivant.
Pour esquisser un modèle global de dépôt il est nécessaire de prendre en
compte non seulement la bathymétrie relative mais également d'autres facteurs
qui interviennent dans la répartition des organismes et des sédiments. Ce sont
la morphologie de la plate-forme et son éloignement par rapport à la ligne
côtière, le chimisme et le degré d'ouverture du milieu marin, enfin la subsidence
qu'il faut préciser.
C'est ainsi qu'on peut reconnaître différents domaines dans un modèle
général de dépôt orienté SW-NE, partant des Zibans, jusqu'à la bande nord des
Aurès (Fig. 3.4) :
* La plate-forme proximale : Elle correspond à la zone d'extension
de la plaine côtière immergée et présente une profondeur et subsidence faible.
Elle est recouverte par la zone médiolittorale pour sa plus grande partie ainsi
que par la zone infralittorale pour la partie externe. Elle s'étend sur le domaine
des Zibans, la marge sud aurésienne et celle des Monts des Oulad Naïl. C'est
dans la plate-forme proximale que la sédimentation carbonatée est la plus
développée.
* La plate-forme moyenne : C'est l'aire sur laquelle s'étend la zone
infralittorale dans sa totalité au cours des phases de haut niveau marin et de bas
niveau marin, et la zone circalittorale lors des intervalles transgressifs.
La subsidence est moyenne à forte.
La plate-forme médiane correspond à la partie occidentale des Aurès au
"bassin aurèsien" dans lequel se déposent des sédiments typiquement marno-
calcaires.
* La plate-forme distale : Elle est couverte par la zone circalittorale
pendant les phases transgressives et de haut niveau marin et pour partie par la
zone infralittorale au cours des périodes de bas niveau marin.
La subsidence moyenne à forte tend à dépasser celle de la plate-forme
moyenne. La plate-forme distale recouvre la partie orientale des Aurès et elle est
caractérisée par une sédimentation essentiellement marneuse.
* Le bassin : C'est le domaine relativement plus profond qui est
couvert par la zone bathyale et lors des phases de bas niveau marin par la zone
circalittorale.
Il s'étend depuis la région de Tebessa à celle des Monts du Mellegue qui se
prolonge par le sillon du Kef en Tunisie. C'est encore le siège d'une
sédimentation marneuse ou marno-calcaire où les faciès disaérobiques et
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anoxiques représentent une large proportion. L'absence d'un talus fortement


incliné entraîne le non développement de turbidites.
A l'Ouest de la zone des Zibans et des Aurès la région des Monts des
Oulad Naïl est caractérisée par une morphostructure du bassin particulière au
cours du Crétacé. On peut y distinguer un domaine de plate-forme confinée qui
correspond à la zone centrale du bassin, laquelle se situait au Sud de la marge
nord pré-atlasique. Cette dernière s'est comportée en zone haute ayant exercé
un effet barrière au Cénomanien et au Turonien. C'est un élément important de
la paléogéographie de cette région ayant contribué lors des phases de bas
niveau marin, au développement d'une sédimentation évaporitique dans le
bassin des Monts des Oulad Naïl dont la subsidence et les sédiments, pour une
part, sont comparables à ceux de la plate-forme moyenne des Aurès.
Au Sud du bassin atlasique s'étend la plate-forme saharienne qui
correspond à une mer épicontinentale de faible profondeur. Elle constitue un
domaine encore plus confiné que le bassin des Oulad Naïl où la sédimentation
évaporitique se développe au cours des phases de bas niveau et de haut niveau
marin (pro parte). La subsidence est variable selon les secteurs. Sur la bordure
sud-atlasique elle est en général plus faible que dans les bassins des Oulad Naïl
et des Aurès. Par contre elle dépasse celle de la plate-forme des Zibans.

a) La plate-forme proximale
On décrira successivement les principaux faciès de la zone médiolittorale,
puis ceux de la zone infralittorale.

* La zone méridionale
* F1 : Dans le Cénomanien de la partie sud du Dj. Bou Rhezal
(Coudiat el leham) apparaissent des dépôts évaporitiques. Ce sont des marnes à
gypse admettant quelques bancs de gypse d'épaisseur inférieure à un mètre,
ainsi que des cargneules et des brèches de dissolution. Ce cortège de faciès
évoque des lagunes ou des étangs parsemant un vaste tidal flat, dans lesquels
s'effectuait une sédimentation évaporitique à caractère discontinu latéralement.
* F2, F3, F4 : Au Cénomanien ces faciès sont observables
notamment dans la série du Dj. Bou Rhezal ainsi que sur toute la bordure sud
des Zibans et des Monts des Oulad Naïl (Dj. Mimouna). Ce sont :
- les calcaires à laminations horizontales et stromatolitiques, parfois
admettant des niveaux à polygones de dessiccations (F2) ;
- les calcaires oolitiques chenalisants (F3) : dépôts typiques des chenaux
tidaux ;
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- les brèches calcaires de dissolution (F4) : c'est un faciès de transition aux


dépôts évaporitiques qui comprend des calcaires fins ou à laminations ayant
subi un effondrement consécutif à la dissolution d'évaporites sous-jacentes.
* F5, F6, F7, F8 : Au Turonien s'observent des dépôts tidaux ou
péritidaux :
- les calcaires à fenestrae ou "birds eyes" (F5) abondants dans la série du
Dj. Bou Rhezal ; ils indiquent la zone intertidale ;
- les calcaires grainstones pelletoïdaux (F6) : ils sont caractérisés par des
laminations granoclassées liées à l'action des courants tidaux (Pl. ) ;
- les dolomies microcristallines rouges (F7) : ces dolomies comportent
souvent des laminations et évoquent des dolomies de type "sabkha" ;
- les calcaires à cavités évoquant des "stromatactis" (F8) ont été observés
dans la série du Dj. Bou Rhezal.
En résumé, l'ensemble de ces faciès de la zone médiolittorale suggère
l'existence dans la bordure sud-atlasique d'un vaste tidal flat de basse énergie, et
donc relativement protégé.

* La zone infralittorale
Les dépôts du Cénomanien et du Turonien de la plate-forme proximale se
rattachent pour partie à la zone infralittorale, en milieu marin à tendance
restreint.
* F9 : les calcaires à miliolidés : ce faciès est caractérisé par des
accumulations monogénériques de miliolidés ou ophtalmidiidés ou d'autres
foraminifères porcelanés. Ils suggèrent un environnement restreint
correspondant à des lagons littoraux tels ceux de la côte des pirates du Golfe
Persique (MURRAY, 1965-1970). Ce faciès est bien représenté dans les séquences IB
et ID du Cénomanien. Dans les séquences IIB et IIC, le faciès à miliolidés
s'enrichit en pénéroplidés (surtout dans la plate-forme confinée). Ces
foraminifères épiphytaux indiquent également des salinités supérieures à la
normale (40 à 70 ppm) et la présence d'herbiers sous-marins.
On observe parfois une micritisation des miliolidés engendrant un faciès
pelletoïdal à pelletoïdes de forme ovale (Pl. ).
* F10 : les calcaires oolitiques : ce sont des wackestones et
packstones à oolites en partie micritiques, accompagnées par des bioclasts
constitués de fragments de valves de lamellibranches (surtout des ostreïdés).
Ce faciès correspond à des produits de remblayage de lagons, type
"bahamites", ou encore et plus fréquemment des calcaires packstones-
grainstones oolitiques à stratifications obliques interprétés en tant que cordons
infralittoraux.
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L'ensemble de ces faciès oolitiques du fait de l'oligospécificité des


organismes et de l'absence d'échinodermes, organismes sténohalins, indiquent
un milieu restreint.
* F11 : les calcaires packstones à pelletoïdes : les pelletoïdes sont
bien classés et de forme subsphérique, comportant des débris de
lamellibranches, et résultent de la micritisation des faciès oolitiques
précédemment décrits (séq. IIB). Il s'agit probablement du produit de
remaniement des dépôts des cordons ayant subi dans la zone infralittorale une
intense micritisation par des algues microfilamenteuses.
* F12 : les marnes à ostreïdés : elles sont visibles dans quelques
niveaux des séquences du Cénomanien. Il s'agit de petits ostreïdés, surtout de
petites exogyres, présentant une taille nettement inférieure à celle des formes
connues dans le milieu marin normal de la partie centrale des Aurès. Ces
ostreïdés sont représentés par Amphidonte, Flabellatum et Rhynchostreon mermeti
qui sont caractérisées par une réduction de l'épaisseur de la coquille et des
côtes, ainsi que de leur taille (W. BOUROUIBA, 1991). Ces caractères suggèrent une
salinité du milieu s'écartant de la normale, probablement une sursalure.
* F13 : les calcaires à rudistes : ce sont des bancs de faible
épaisseur de l'ordre de 50 cm à 1 m à Préradiolites et Eoradiolites au
Cénomanien et Durania et Vaccinités au Turonien. Les rudistes sont en position
de vie et peuvent atteindre des tailles considérables dans le cas des Durania,
dont des individus hauts de 20 cm ont été observés dans la région d'Afsil.
Le remplissage par de la sparite de l'intérieur des valves de Durania
suggère un milieu relativement agité dépourvu de turbidité. Par contre les Pré-
radiolités et Eoradiolités s'accommodent de milieux boueux. Les récifs à
rudistes se développent nettement vers la marge externe de la plate-forme
proximale.

b) La plate-forme moyenne
Elle correspond à la bande centrale des Aurès.
* F14 : les calcaires à pelletoïdes: ce sont des packstones à
pelletoïdes de petite taille souvent à peine plus gros que des pellets et mal
classés. Ils sont accompagnés par des fragments d'algues codiacées (Marinella sp.
?) et de petits foraminifères benthiques manifestant une tendance au nanisme.
Les miliolidés sont fréquents. Les pelletoïdes résultent probablement de la
micritisation des fragments d'algues et des foraminifères, en milieu
moyennement agité, à la limite supérieure de la zone infralittorale, en
conditions marines restreintes étant donné la nature des foraminifères. Ce faciès
est abondant au Turonien moyen à supérieur.
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* F15 : les calcaires oolitiques : ce sont des packstones et


grainstones oolitiques formant des bancs, le plus souvent sans structure. Les
débris d'algues lithothamniées et mélobésiées sont fréquents. Des débris
d'algues codiacées, de bryozoaires et d'annélides sont également visibles. Il
s'agit d'un dépôt de remblayage de la zone infralittorale supérieure. La relative
diversité des organismes suggère un environnement marin ouvert.
Ce faciès est développé dans la séquence IIB du Turonien.
* F16 : les calcaires à foraminifères benthiques : ce sont des
wackestones et packstones à foraminifères benthiques surtout imperforés, très
variés au Cénomanien supérieur (séquence ID). Il s'agit de lituolidés (Dicyclina),
d'Alveolinidae, Pseudorhapydioninidae et d'Orbitolinidae (Pseudo-lituonelle)
qui indiquent une salinité normale du milieu marin (HAMAOUI et FOURCADE,
1973) (SAINT-MARC, 1988) et occupent des milieux variés corres-pondant à des
bancs de sables carbonatés et des zones interécifales en eaux relativement claires
de la zone tropicale (CUSHMANN, 1930 b - GALLOWEY, 1933 - BANDY, 1960a). Ces
foraminifères sont parfois accompagnés par des hexa-coralliaires solitaires, des
bryozoaires ramifiés, de grands lamellibranches (chondrodontes ?) et des algues
lithothamniées.
* F17 : les calcaires et marnes à Thomasinella : ce foraminifère
Hormosinidae constitue des accumulations monogénériques, parfois associées à
de petits gastéropodes, formant des plaquettes calcaires centimétriques. Les
bancs à Thomasinelles dépassent rarement 10 cm d'épaisseur. Par ailleurs ce
foraminifère apparaît également dans les marnes mais en proportion
relativement plus faible.
Dans les bancs calcaires, Thomasinella est très abondante et peut être
associée en plus des gastéropodes, à des débris de valves de petites exogyres.
Les fragments de test d'échinodermes sont plus rares.
On trouve souvent de la pyrite qui peut donner des oxydes de fer et des
traces de glauconite et phosphates. Des quartz détritiques fins s'observent
également, et peuvent être incorporés dans le test des Thomasinelles.
Dans les marnes, Thomasinella est associée surtout à des lituolidés
(Ammobaculités, Haplophragmoïdes, Charentia) des Verneuilinidae
(Gaudryina et des Nezzazatinidés (Biplanata)). De rares foraminifères
planctoniques peuvent apparaître (Hedbergelle), ainsi que des ostracodes.
Le milieu de vie de Thomasinella correspond à la zone infralittorale
(SAINT-MARC, 1988). La présence d'une microfaune associée, constituée de grands
foraminifères (Biplanata) renforce également cette interprétation. Les autres
lituolidés suggèrent même une zone relativement proche de la zone
médiolittorale puisqu'ils sont connus déjà dans cet étage (MURRAY, 1971 e). La
présence de gastéropodes préservés entiers et de débris de valves d'exogyres
suggère également un environnement infralittoral. Le milieu marin était ouvert
369

comme en témoigne la présence de débris d'échinodermes et de rares


foraminifères planctoniques. L'influence d'un détritisme silicoclastique est
perceptible étant donné l'existence de quartz dans l'agglutinat des tests de
Thomasinella.
Ainsi le faciès à Thomasinella peut être replacé dans un environnement
infralittoral ouvert attestant de l'absence de barrières oolitiques ou récifales. Il
semble que le milieu, influencé par un fin détritisme, était peu favorable au
développement d'une sédimentation carbonatée importante. Par ailleurs il
semble que ce foraminifère pouvait occuper plusieurs sites paléogéographiques,
puisqu'il est connu dans des dépôts de la zone circalittorale en Tunisie
(GARGOURI, 1986).

* F18 : les calcaires à débris de lamellibranches : au Cénomanien, ce


faciès apparaît dans la séquence IB et dans la séquence IC. Il est constitué
surtout de débris de valves d'ostreïdés (petites exogyres). C'est un dépôt qui est
intercalé dans les séquences entre les marnes à exogyres. On peut d'autre part
observer tous les intermédiaires entre ce faciès et les calcaires à accumulations
d'ostreïdés et lamellibranches qui peuvent succéder aux marnes à exogyres.
L'abrasion des débris de valves est peu poussée, ce qui permet d'exclure
l'influence de la zone des vagues. L'abrasion biologique a joué probablement un
rôle important puisque les fragments de valves sont souvent anguleux. La
présence de débris de tests échinides suggère un environnement marin ouvert.
Le milieu de dépôt correspond à celui des accumulations d'exogyres, donc
infralittoral, mais dans des bancs bioclastiques probablement plus internes.
Au Turonien, les calcaires à débris de lamellibranches montrent des
fragments surtout de petits lamellibranches (Nuculidae, Veneridae) qui sont
fréquents dans la zone infralittorale et au passage de la zone infralittorale à la
zone circalittorale. Les débris de lamellibranches sont associés à de petits
gastéropodes fréquents et des annélides formant de petites colonies. La
présence des annélides suggère une tendance à la lithification des fonds
sédimentaires. L'énergie de dépôt est plus élevée que dans le précédent faciès.
L'influence de courants de houle dus à des tempêtes est fort possible dans la
genèse de ces accumulations bioclastiques qui se situaient vers la marge de la
plate-forme médiane et qui étaient ainsi exposées aux courants du large.
* F19 : les calcaires lumachelliques à Ostrea : ce sont des bancs
calcaires constitués d'accumulations de valves disjointes, d'exogyres. C'est le
faciès à exogyres infralittoral ayant subi l'action de courants intermittents
(courants tidaux ?) qui ont exercé un démantèlement partiel des coquilles et leur
épandage sur le fond marin. Ces bancs ont une extension latérale limitée et
tendent à se biseauter ce qui confirme qu'il s'agit de dépôt qui ont subi un
transport relatif par l'action des courants lors de phases de diminution
bathymétrique.
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* F20 : les calcaires à grosses Ostrea et lamellibranches: c'est un


faciès qui apparaît au sommet de la séquence IA et à la base de la séquence IB,
ainsi qu'au sommet de IIA, et dans la séquence IIIA et IIIB. Les Ostrea sont des
Lopha principalement dont les valves sont préservées entières ou peu disjointes.
Elles sont associées à des bivalves et parfois à des Neithea.
Dans les termes de base de la séquence IB, ces calcaires sont caractérisés
par une bioturbation intense due à des lamellibranches fouisseurs ou des
gastéropodes qui entraîne une fragmentation importante des valves d'ostreïdés
et leur remaniement vers les niveaux sous-jacents du banc généralement à faciès
mudstone. Les lamellibranches fouisseurs sont des Trigonia et autres bivalves.
La surface supérieure du banc apparaît d'ailleurs excavée par le fouissage des
organismes.
C'est un faciès qui apparaît dans les séquences également intercalé entre
les marnes à exogyres, mais qui est caractérisé par une diversité réduite de la
faune. Il s'agit d'un dépôt de la zone infralittorale en milieu marin normal.
* F21 : les marnes à exogyres : c'est le faciès le plus commun du
Cénomanien inférieur et moyen. Les exogyres sont surtout E. africana, à laquelle
est associée E. olisiponensis dans le domaine de transition à la plate-forme
distale. E. olisiponensis et A. flabellata sont très abondantes dans ces zones, où
elles sont parfois caractérisées par une grande taille (sous faciès 1).
Le milieu de vie des exogyres correspond aux fonds calcaires en voie de
lithification le plus souvent. C'est la raison pour laquelle on les trouve vers le
sommet de ces bancs ainsi que dans les marnes surincombantes où elles sont
autochtones ou redéposées lors des phases d'influx terrigène. On peut les
trouver également dans les marnes à nodules calcaires dans lesquelles elles
apparaissent fixées sur les nodules (avec des pectinidés) ce qui suggère que la
formation de ceux-ci est précoce.
On trouve en association avec les exogyres des pectens et plus rarement
des bivalves.
La diversité des organismes et faible, ce qui suggère un environnement
limitant, soit du fait de l'influence d'un influx terrigène, soit à cause d'une
disponibilité insuffisante en substances nutritives ou encore une salinité de l'eau
inférieure à la normale.
Toutefois les exogyres peuvent être de taille relativement plus importante,
c'est le sous-faciès 1, l'espèce E. Olisiponensis étant alors abondante.
On observe dans ce cas une diversité plus élevée, notamment avec des
Neithea plus fréquentes, et l'apparition d'echinides (Heterodiadema) ce qui
suggère alors une salinité normale du milieu, étant donné le caractère
sténohalin des échinodermes. Au Cénomanien inférieur ce faciès à grosses
exogyres comporte également en association, des ammonites du genre
Mantelliceras qui confirment le caractère marin ouvert du milieu.
371

* F22 : les marnes à échinides : c'est un faciès très fréquent dans les
séquences du Turonien et dans la séquence IIIA du Coniacien.
Ce sont principalement des échinides du genre Hemiaster qui sont
représentés en association avec des pectens, des inocérames, de gros
gastéropodes et des ammonites et foraminifères pélagiques peu fréquents. Les
données actuelles de la paléoécologie des échinides (Zaabib TURKI, 1987 -
NERAUDEAU, 1991) permettent de distinguer deux types dominants chez ces
Hemiaster :
- les formes surbaissées et subéquipétales (H. Latigrunda, H.
Khenchelensis) qui sont connues au Cénomanien et Turonien dans la zone
infralittorale ;
- les formes subglobuleuses et inéquipétales (H. Proclivis, H. Fournelli,
H. Devauxi) qui sont répandues surtout dans les sédiments vaseux de la zone
circalittorale.
Les échinides caractérisent un milieu sténohalin strict. Les échinides
apparaissent rarement dans les bancs calcaires où ils sont resédimentés, en
association avec des plicatules.
* F23 : les calcaires à échinodermes et bryozoaires : c'est le faciès le
plus répandu au Maastrichtien. C'est un calcaire formant de puissantes
accumulations, à texture packstone à grainstone, constitué de débris de tests
échinides et de bryozoaires ramifiés en proportion sensiblement égale, formant
au total 80 % des organismes.
Ils sont accompagnés par des débris de lamellibranches, le plus souvent
d'inocérames, d'algues vertes et lithothamniées et quelques foraminifères. Ce
sont des laffiteïnes ou des milioles.
La phase de liaison est formée pour sa plus grande part par la calcite
syntaxiale développée autour des grains d'échinodermes.
Ainsi c'est un faciès de la zone infralittorale en milieu marin ouvert, mais
de faible profondeur. Celle-ci est suggérée par la faible proportion ou l'absence
de phase de liaison boueuse et l'usure des grains reflétant un milieu
moyennement agité, probablement sous l'influence de la zone d'action des
vagues.
Ces dépôts constituaient de vastes bancs bioclastiques à l'avant de cordons
oolitiques, ce dernier faciès leur succédant verticalement dans les séquences et
se développant vers la marge sud de la plate-forme.
* F24 : les calcaires à rudistes : ce sont des niveaux de faible
épaisseur à vaccinités qui se développent dans les termes les plus internes de la
séquence IIC dans la marge sud de la plate-forme médiane et qui sont
identiques au point de vue du milieu avec ceux rencontrés dans la plate-forme
372

proximale. Dans la marge nord de la plate-forme médiane (région de Batna) par


contre, ce sont des biohermes de type Knoll-reefs qui se développent au sommet
de la séquence IIC (au Dj. Ich Ali par exemple). Epais de quelques mètres (5 m
maximum) ils constituent des récifs étalés sur plusieurs centaines de mètres
horizontalement.
Leur plus grande partie est de texture boueuse. Vers le sommet ils
comportent des accumulations de rudistes Vaccinités, passant vers les flancs à
des coraux et algues. Il n'a pas été observé d'accumulations biodétritiques sur
les flancs tels qu'on les connaît dans les bioconstructions du Crétacé (WILSON,
1975 ). Ceci suggère que ces édifices n'ont pas atteint la zone d'action des vagues
lors de leur croissance verticale, et donc qu'ils se sont formés dans des milieux
sous une relative forte tranche d'eau.
Dans la séquence IIA, ce sont des récifs de petites dimension qui se
développent (Monts de Bellezma, Dj. Metlili, Dj. Ahmar Khaddou). Les
Radiolitidés apparaissent dans des lentilles de quelques mètres de longueur en
colonies en grande partie démantelées et recouvertes par des couches à grands
lamellibranches qui drapent ces petits récifs. Le niveau d'énergie est
relativement élevé. Dans le cas du Dj. Ahmar Khaddou des accumulations de
Madreporaires accompagnent les rudistes.

c) La plate-forme distale
C'est essentiellement la bande nord des Aurès et les Monts de Batna.
* F25 : les marnes à foraminifères benthiques et pélagiques : ces
marnes apparaissent dans le Turonien (IIC) et dans la séquence IC du
Cénomanien.
Elles renferment surtout des foraminifères benthiques dominés par des
Nodosaridés et des Agglutinés, et une faible proportion de foraminifères
pélagiques. Par ailleurs elles renferment des ostracodes caractéristiques de la
plate-forme externe (Spinoleberis, Ovocytheridae).
* F26 : les calcaires à Astartes : ils apparaissent dans la séquence
IIA du Turonien avec des états de démantèlement différents :
- des accumulations de valves préservées entières mais généralement
disjointes. Ils se localisent dans des bancs affectés par des renflement circulaires
de 20 cm de diamètre, à leur partie supérieure, d'origine indéterminée. Ils sont
associés avec des ammonites (Dj. Chebeïbita).
- Des lumachelles constituées de coquilles démantelées qui s'intercalent
tantôt dans les marnes, tantôt dans les calcaires noirs à faciès pélagique de la
base de la séquence. Ils se présentent dans ce dernier cas sous formes
d'accumulations discontinues, lenticulaires. Ces dépôts lumachelliques ont subi
un transport évident vers des zones plus externes que leur milieu d'origine.
373

Les accumulations de coquilles préservées dans un faible état de


démantèlement, à en juger par l'association des Astartes avec des ammonites,
suggère un milieu circalittoral pour le dépôt de ce faciès.
* F26 : les calcaires à Ophiuridés : c'est un des premiers termes à
apparaître dans l'ensemble des calcaires noirs qui forme la partie inférieure de
la séquence IIA. Il est constitué par l'accumulation de plaques d'ophiures très
abondantes qui peuvent apparaître dans un calcaire à phase de liaison de
micrite, en association avec des pithonelles peu fréquentes. On les rencontre
également formant des lits, recristallisés, par accroissement de calcite syntaxiale.
Il subsiste quelques enclaves de micrite à pithonelles et s'observent des
lamellibranches pélagiques. Le premier faciès correspond à la biocénose
préservée in situ et correspond à un dépôt de la zone circalittorale, où vivent les
échinodermes pélagiques. Le faciès suivant résulte d'un transport des ophiures
par des courants marins.

d) Domaine transitionnel plate-forme distale/bassin


C'est la partie distale NE du bassin des Aurès et au Turonien inférieur,
même la marge NW des Monts des Oulad Naïl.
* F28 : les calcaires à filaments : ce faciès est constitué par
l'accumulation de tests de lamellibranches pélagiques. Dans les séquences il
succède immédiatement au faciès à ophiuridés décrit précédemment.
Les tests de lamellibranches pélagiques sont disposés en feuillets où ils
sont associés avec quelques débris fins d'échinodermes et intercalés dans une
micrite sombre riche en matière organique. Ces feuillets constitués par
l'accumulation de lamellibranches pélagiques alternent avec des feuillets de
micrite à rares pithonelles et hétérohélicidés. L'épaisseur individuelle des
feuillets et de l'ordre de 0,5 mm. Il s'ajoute à cette structure des lits formés de
cristaux de sparite à disposition en amygdales dont l'origine n'a pas été établie
avec certitude. Il semble qu'elle dérive d'une recristallisation à partir de petites
concrétions constituées de microsparite qui s'observent épisodiquement entre
les lits de filaments, lesquels subissent un tassement différentiel à leur niveau.
Le foisonnement des filaments dans les calcaires à faciès pélagiques
correspond à des épisodes de prolifération larvaire de ces bivalves en période
de disaerobie prononcée, pendant lesquelles ils envahissent les milieux riches en
nutriments (SAVRDA et al., 1991 - SAGEMAN et al., 1991 - ROBASZYNSKI et al., 1993). Ces
auteurs notent leur synchronisme d'apparition avec les foraminifères
planctoniques traduisant une océanité croissante.
* F29 : les calcaires à pithonelles : ce terme lorsqu'il renferme des
pithonelles en abondance apparaît sous un faciès laminé et feuilleté.
374

Il existe 2 types de Laminae :


- des lamines claires : d'aspect irrégulier comportant des pithonelles en
arrangement compact dans lesquelles sont dispersées des loupes de micrite
d'aspect allongé formant une structure œillée évoquant un "micro-
flaserbedding". Cette structure a été décrite par EINSELE et WIEDMANN (1982) dans
les Black Shales du Turonien des bassins côtiers marocains.
- Des lamines sombres : composées de micrite riche en matière
organiques renfermant des pithonelles disséminées. La teneur en carbone
organique de ces roches peut atteindre 3 %.
Ce faciès évoque celui décrit sous le nom de Bahloul en Tunisie (BUROLLET,
1970) et qui est décrit en détail dans les travaux récents de ROBASZINSKI et al. (1990
- 1993).

Cependant la composition des feuillets n'est pas tout à fait identique, les
lamines claires étant composées dans le "Bahloul Vrai" essentiellement de
foraminifères planctoniques globuleux, de calcisphères et de filaments.
Le modèle proposé pour la formation de ce faciès (in ROBASZINSKI et al., 1993)
le plus probable est celui d'upwellings" saisonniers (in WETZEL, 1991 - in SUMMER
MAYES 1a, 1980) dans le cadre de l'épisode transgressif du passage
Cénomanien/Turonien.
Les upwellings se produisent en bordure de la plate-forme, entraînant des
remontées d'eaux océaniques riches en substances nutritives (essentiellement
des nitrites et phosphates) qui favorisent le développement du plancton végétal
et animal. La biomasse augmente ainsi et donne naissance à une quantité
importante de matière organique qui s'accumule sur le fond où l'oxygène
dissout ne suffit plus à sa dégradation, provoquant une phase d'anoxie. Le
plancton prolifère en surface par étapes et va engendrer les lamines claires. Les
phases d'upwellings entraînent des regains de productivité du plancton se
traduisant par la croissance de la quantité de matière organique qui à son tour
fait réapparaître des conditions anoxiques sur le fond. Celui-ci passe
successivement de périodes dysaérobiques permettant de brèves phases de vie
benthique (existence de bioturbations) à des périodes d'anoxie.
On observera que dans le cas du faciès que nous avons décrit, les
foraminifères planctoniques sont absents (région de Chebeïbita dans les Monts
des Oulad Naïl). Dans d'autres coupes (Rass el Merss) ils apparaissent en
association avec les pithonelles mais ils sont relativement peu fréquents. Ceci
est peut être un indice de profondeur moindre du milieu.
Par ailleurs les laminations sont très irrégulières ce qui évoque l'influence
soit de petits glissements synsédimentaires, soit de courants de fond qui
drainent par phases les bio-accumulations et engendrent la structure onduleuse
de ces lamines.
375

* F30 : les marnes à foraminifères planctoniques : en fait ces niveaux


d'accumulation de foraminifères planctoniques, correspondent le plus souvent à
des horizons de condensation de microfaunes accompagnant les phases
transgressives, et qui se développent préférentiellement lors du maximum
transgressif correspondant au passage de l'intervalle transgressif vers le prisme
de haut niveau (séquence IIA - séquence IA - séquence IB surtout). Elles sont
superposées à des niveaux d'accumulation d'ammonites.
Au passage Albien/Vraconien (base de la séquence IA) se sont surtout des
foraminifères globuleux (Hedbergelles) qui apparaissent. Les foraminifères
carénés sont majoritaires dans les autres séquences.
Ainsi, ces marnes devaient se déposer dans un milieu où les foraminifères
planctoniques n'étaient pas fréquents. Leur accumulation en grand nombre
s'effectuait lors des phases de ralentissement de la sédimentation,
correspondant aux horizons de condensation des intervalles transgressifs ; ce
qui suggère un milieu de plate-forme distale profonde (les plate-formes externes
comportent 30 % à 40 % de foraminifères planctoniques). Par contre dans les
phases d'anoxie du bassin ( séquences IA - IB - IIA), là où la série montre des
intervalles riches en matière organique, on constate que les foraminifères
planctoniques sont plus abondants (> 50 %) et sont répartis verticalement sur
toute l'étendue de l'intervalle anoxique. Ainsi ces phases anoxiques reflètent les
périodes d'approfondissement caractéristiques du domaine transitionnel, plate-
forme/bassin, qu'on peut faire correspondre à un équivalent de "talus
continental".
En réalité il s'agit des zones liées à l'approfondissement brusque provoqué
par les accidents limitant les blocs basculés et dans lesquelles la subsidence plus
importante peut permettre aux fonds d'atteindre une profondeur de quelques
centaines de mètres (200 à 300 m) qui correspond à un milieu bathyal.

B - SEQUENCES DE DEPOT, CORTEGES SEDIMENTAIRES ET CYCLES


EUSTATIQUES

Dans ce paragraphe on effectuera une revue des principaux concepts


relatifs à la définition des séquences et des différents types de discontinuités.
Ceux-ci sont à la base de la définition et de l'identification des cycles
sédimentaires, essentiellement liés à l'eustatisme. On rappellera ainsi les
fondements de la stratigraphie séquentielle en insistant surtout sur les données
relatives à la sédimentation carbonatée. Enfin on récapitulera les données
relatives à la classification hiérarchique des cycles sédimentaires et les
principales interprétations concernant leur genèse.
376

1. Les facteurs de contrôle de la bathymétrie et des séquences


sédimentaires
En stratigraphie classique la paléogéographie et la profondeur des
environnements de dépôts sont supposées déterminées par les phénomènes de
transgression et de régression.
Il est apparu cependant que ces termes peuvent prêter à confusion : par
exemple une élévation du niveau de la mer ne provoque pas obligatoirement
une migration du rivage vers le continent donc une "transgression" au sens où
on la percevrait. Elle peut s'accompagner au contraire d'une avancée du rivage
vers la mer si l'influx sédimentaire est élevé. Donc les termes de transgression et
régression ne se réfèrent qu'aux variations relatives du niveau marin et
n'impliquent pas de déplacements concomitants des lignes de rivage et
systèmes côtiers.
Les changements relatifs du niveau de la mer peuvent être définis
comme variations de la profondeur de l'eau dans une aire donnée du bassin
sédimentaire. Ce changement est contrôlé par le jeu de la subsidence, la vitesse
d'accumulation du sédiment et la variation du niveau marin proprement dite.
L'ensemble de ces paramètres sont résumés par la figure 3.5a d'après EINSELE G.
(1992). Une chute du niveau marin n'intervient que si la vitesse d'abaissement du
niveau marin est supérieure à celle de la subsidence (Fig. 3.5a, courbe 1). Si la
subsidence est plus élevée (courbe 3) le niveau marin relatif monte
continuellement, mais avec des changements dans la vitesse de remontée.
L'espace sédimentaire disponible entre le niveau de la mer et le
substratum marin est réduit par l'accumulation de sédiments, laquelle contrôle
finalement la profondeur de l'eau dans le bassin.
On peut distinguer sur la courbe de variation du niveau de la mer un
point d'inflexion qui correspond au taux le plus élevé d'élévation du niveau de
la mer. Ce point indique le moment du plus rapide recouvrement en
aggradation dans le bassin sédimentaire.
Un apport constant de sédiment au bassin peut compenser l'effet de la
subsidence et déterminer des approfondissements ou des diminutions de
profondeur (Fig. 3.5b, courbe 2) ou au contraire se répercuter par un excès de
sédiment pour l'espace disponible (courbe 1) entraînant un transfert du
sédiment vers le bassin, voire une érosion des sédiments déposés
précédemment.
Dans le cas où l'apport sédimentaire est variable au cours du temps, on
obtient un cas de figure plus complexe où des périodes d'accumulation rapide
de sédiment sont interrompues par des périodes de lacune ou d'érosion
(Fig. 3.5c).
377
378

En fait d'autres facteurs viennent s'ajouter à ce modèle telle l'action


d'érosion du niveau de base d'action des vagues qui entraîne un transfert des
sédiments en excès vers les zones profondes du bassin (Fig. 3.5d-j).

2. Conceptions des séquences et stratigraphie séquentielle

a) Les types de discontinuités

* Les discontinuités de régression ou de transgression


Ce sont des surfaces le long desquelles il y a une manifestation d'érosion
aérienne (et sous-marine dans certaines aires) ou d'exposition subaérienne avec
une lacune de sédimentation marquée (POSAMENTIER et al., 1988).
WALKER (1984a) observe que durant les transgressions marines d'une
surface subaérienne, les manifestations d'une exposition subaérienne sont
normalement remaniées par l'érosion des vagues sur la côte. Il s'ensuit une
surface transgressive d'érosion ou surface de ravinement.
Durant les phases de chute du niveau marin, les surfaces d'érosion se
développent à l'air libre derrière la côte et sous l'eau à l'avant de la côte, du fait
de l'action des vagues. La surface sous-marine est appelée surface régressive
d'érosion.
Ces surfaces transgressives et régressives d'érosion peuvent être
distinguées par leur morphologie et les faciès qui les encadrent.

* Les surfaces d'inondation marine


Une surface d'inondation marine traduit un changement abrupt de la
profondeur de part et d'autre des couches qu'elle sépare.
Ces surfaces constituent les limites naturelles des paraséquences. Celles-ci
sont regroupées en ensembles de paraséquences qui constituent des
empilements organisés selon des modèles distincts. Ces successions de
paraséquences sont peu décrites dans les études de stratigraphie séquentielle.

* Les surfaces de transgression maximum


Lors de la remontée du niveau marin, la sédimentation terrigène s'infléchit
car une grande partie des sédiments grossiers reste confinée à la plaine
alluviale.
379

A la stabilisation du niveau marin, les sédiments peuvent de nouveau


s'avancer vers la mer en downlap, sur la surface de dépôt correspondant à la
sédimentation ralentie qui s'était établie précédemment.
Cette surface est appelée surface de maximum transgressif et elle sépare
les sédiments qui s'étaient déposés durant la phase de transgression de ceux de
l'étape suivante qui marque une régression.
Cette surface correspond à un horizon condensé d'accumulation de faunes
et souvent souligné par des niveaux de glauconie ou de phosphates.

b) Le problème des limites des séquences


Il existe une controverse sur les limites à adopter pour les séquences qui
ont donné lieu à 2 conceptions :
- VAIL et al. ont retenu les discordances liées à la chute du niveau
marin (discontinuités régressives) pour définir les séquences de dépôt en
arguant que entre 2 discontinuités il y a une sédimentation essentiellement
continue et que celles-ci représentent les coupures majeures.
- GALLOWAY (1989) a introduit la notion de séquence stratigraphique
génétique fondée sur les surfaces de transgression maximum. Ces séquences
sont constituées par des unités de dépôt identiques aux paraséquences telles
que définies par le groupe d'Exxon, mais elles sont limitées par les surfaces de
submersion maximum qui se traduisent par une avancée en "downlap" de
dépôts qui les recouvrent. Les constats retenus dans cette conception sont les
suivants :
• Dans de nombreux bassins le remplissage sédimentaire est
relativement rapide lors des périodes de haut niveau et de bas niveau marin,
alors que la sédimentation est ralentie ou tend à s'annuler pendant les phases
transgressives. Il s'ensuit que les unités majeures de dépôt qui correspondent à
une sédimentation continue sous des conditions marines homogènes, sont
séparées par des surfaces de downlap et non par les surfaces de discontinuités
telles que définies par le groupe d'Exxon.
• Les limites séquentielles admises par le groupe d'Exxon
correspondent à des surfaces sédimentaires dont l'expression est tenue car
l'érosion subaérienne n'affecte que des aires limitées. Dans une grande partie du
bassin ces surfaces peuvent être difficiles à reconnaître. Au contraire les limites
en relation avec les surfaces de downlap sur les profils sismiques sont le plus
souvent évidentes.
• De plus les surfaces de downlap sont accompagnées
fréquemment par des témoins d'érosion sous-marine ou de sédimentation
380

ralentie tels que les nodules de manganèse, de glauconite et phosphates, ainsi


que des fonds durcis (hard grounds).
Concernant le premier point relevé dans le schéma de GALLOWAY, on peut
observer que si l'intervalle transgressif des séquences paraît souvent condensé il
n'en est pas moins proche du point de vue des faciès et de l'environnement
sédimentaire des dépôts du prisme de haut niveau inférieur et que par
conséquent il paraît en continuité de sédimentation avec lui.
Le problème de l'extension des surfaces de discontinuités liées aux chutes
du niveau marin est par contre réel :
- d'une part parce que lors des phases de transgression il y a un
remaniement et une érosion des faciès émersifs liés à la discontinuité régressive.
Ce fait est admis par certains géologues du groupe d'Exxon (in WALKER, 1984a).
- D'autre part parce que ces témoins d'une phase d'émersion sont
relativement subtils et difficiles à mettre en évidence dans certains parties du
bassin.
- Enfin parce que les phase d'émersion ne se marquent pas dans la
sédimentation lorsque la subsidence est importante. Ceci étant valable non
seulement au sein même du bassin, les parties distales de celui-ci pouvant être
caractérisées par une subsidence notablement plus importante, mais également
pour des bassins entiers dont le régime de subsidence est supérieur à celui des
amplitudes de variation négative du niveau marin. D'autres part les phases
d'émersion n'existent pas non plus en période de haut niveau marin.
A ce propos on peut remarquer que les surfaces liées aux phases
d'inondation marine ou de transgression, particulièrement celles qui
correspondent aux phases d'élévation rapide ou durable du niveau marin,
présentent l'avantage d'être toujours exprimées par la sédimentation, quel que
soit l'intensité de la subsidence (voir point d'inflexion, fig. 3.5).
De plus si les phases d'émersion ou de tendance à l'émersion s'inscrivent
dans une évolution normale progradante due à la phase de diminution de
profondeur dans le prisme de haut niveau et celui de bas niveau qui lui
succède, les indices d'émersion ou de diminution brusque de profondeur
apparaîtront peu contrastés par rapport au cortège de faciès régressifs dans
lesquels il seront compris. La sédimentation semblera continue, alors qu'une
phase transgressive vient contrecarrer une évolution préalablement régressive
et détermine ainsi le développement de faciès liés à l'augmentation de
profondeur qui trancheront par rapport aux faciès qui les précédaient.
Ainsi le problème de la définition des limites des séquences a été abordé
avec différentes approches notamment celles du groupe d'Exxon et de
GALLOWAY qui privilégient chacune un aspect particulier de l'évolution
séquentielle.
381

Dans le cas de la séquence stratigraphique génétique proposée par


GALLOWAY les limites séquentielles sont assimilées aux surfaces de
recouvrement de base des prismes de haut niveau marin qui présentent
l'avantage d'une large extension à l'échelle du bassin mais qui ne correspondent
pas à une phase de rupture réelle dans les paramètres eustatiques et
sédimentologiques. Les séquences de dépôt au sens de VAIL et al. sont délimitées
par 2 types de discontinuités :
- Les discontinuités de type 1 : elles sont dues à l'exondation totale de la
plaine côtière et se traduisent par une érosion subaérienne due notamment à la
rejuvénation des cours d'eau.
- Les discontinuités de type 2 : correspondent à l'exondation partielle de
la plate-forme, sans érosion subaérienne et avec seulement un déplacement des
faciès littoraux vers le bassin. Elles se développent lorsque le taux de chute
eustatique est inférieur aux taux de subsidence du bassin. Si la subsidence
augmente vers le centre du bassin une discontinuité de type 1 peut passer à une
discontinuité de type 2.
Ainsi c'est essentiellement sur les marges continentales que seront bien
exprimées les discordances de type 1, spécialement dans le cas des mers
épicontinentales et les bassins de plate-forme peu subsidents. C'est surtout ce
type de marges qui ont fait l'objet des explorations sismiques du groupe
d'Exxon, ce qui explique la bonne adéquation de la stratigraphie séquentielle
mise en œuvre avec le type des séries étudiées.
En ce qui concerne les discontinuité de type 2, si on ne dispose pas des
études de subsurface, seules en mesure de reconstituer valablement la
géométrie des couches sédimentaires, elles peuvent ne pas se traduire nettement
dans les séries à l'affleurement, en raison de leur expression sédimentaire peu
accusée. Par ailleurs elles peuvent être confondues avec des discontinuités
traduisant des tendances émersives liées à des cycles eustatiques d'ordre élevé.
EINSELE (1992) note à ce sujet que le taux maximum de chute du niveau
marin est beaucoup plus élevé pour les oscillations du niveau de la mer de
fréquence élevée que pour celles de fréquence plus basse. En conséquence les
variations eustatiques de haute fréquence (échelle des cycles de 3ème et 4ème
ordre ?) ont un potentiel plus grand pour provoquer des érosions et donc des
limites de séquences. De plus des mécanismes auto-cycliques (augmentation de
la vitesse de sédimentation dans une aire de dépôt peu profonde) sont
susceptibles de provoquer des émersions qui n'ont aucun rapport avec
l'eustatisme. Ceci est valable même en période de remontée eustatique à long
terme s'il lui sont superposées des oscillations de courte durée. Les phases
d'érosion sont toutefois restreintes au domaine marin peu profond.
382

Ainsi les études de terrain qui permettent de mettre facilement en


évidence ces phases d'érosion liées aux cycles de courte durée, sont moins
favorables aux analyses des variations du niveau de la mer, notamment les
phases de chute du niveau marin à plus long terme qui sont mieux perceptibles
par les études de subsurface, en particulier les études sismiques.

c) Les cortèges sédimentaires


Un apport considérable de la stratigraphie séquentielle développée par les
géologues du groupe d'Exxon est celui relatif à la définition des systèmes de
dépôt ou cortèges sédimentaires liés aux différentes phases de remontée ou de
chute du niveau marin. Un cortège sédimentaire est défini comme un système
ou une suite de dépôts sédimentaires liés et contemporains. L'identification et la
corrélation de ces cortèges sédimentaires est effectuée sur la base des
discontinuités qui les limitent. Celles-ci sont dues essentiellement à des
fluctuations du niveau marin.
On peut reconnaître ainsi quatre types de cortèges sédimentaires
correspondant aux principales phases d'évolution du niveau marin (Fig. 3.6a).

* Le cortège de bas niveau marin


Il se développe au-dessus d'une discontinuité de 1er ordre et comprend
des dépôts dans le bassin et le talus et un prisme de bas niveau proprement dit
qui se localise au-delà de la plate-forme côtière (Fig. 3.6b) d'après REY (1992). Il
comprend également les remplissages des vallées incisées sur la plate-forme
côtière. La sédimentation est en général de haute énergie constituée de calcaires
bioclastiques et calcaires oolitiques. Les paraséquences sont d'abord
progradantes et deviennent à tendance aggradante vers le haut.

* Le cortège de bordure de plate-forme


C'est un prisme de dépôt succédant à une discontinuité d'ordre 2, donc
lorsque la mer ne se retire pas complètement dans la plaine côtière. Il se dépose
d'abord sur la partie distale de la plaine côtière avec une tendance progradante
vers le bassin puis enregistre une aggradation vers la partie interne de la plate-
forme. Celle-ci est facilitée par l'absence d'influx terrigène qui s'y oppose dans le
cas de sédimentation détritique. Au point de vue géométrique, ce prisme
diminue d'épaisseur à la fois vers la plaine côtière et vers le bassin. Dans la
partie interne de la plate-forme les dépôts carbonatés bioclastiques sont
prédominants et passent vers la marge de la plaine côtière à des dépôts de plus
haute énergie. Vers le bassin se déposent des marnes à intercalations calcaires.
383
384

* Le cortège transgressif
Il correspond aux dépôts lors de la phase transgressive du cycle qui
entraînent une remontée du niveau marin sur la majeure partie de la plate-
forme. Ces dépôts sont constitués de paraséquences rétrogradantes grano et
stratodécroissantes. Dans sa partie distale le taux de sédimentation est faible du
fait du piégeage des sédiments de plus en plus haut sur la plaine côtière. La
base de ce cortège est soulignée par une surface de ravinement qui correspond à
une des premières phases d'inondation, dite surface basale transgressive. Le
cortège transgressif est caractérisé par un approfondissement progressif de l'aire
de dépôt et reconstitue un nouvel espace sédimentaire sur la plate-forme côtière
précédemment partiellement ou totalement immergée.
La sédimentation est en général constituée d'alternances de marnes et de
calcaires bioturbés comportant des associations de fossiles variés.
Ces fossiles sont souvent corrodés et usés du fait du pouvoir d'abrasion
important des courants lors des premières phases d'inondation. Les
remaniements sont également fréquents avec des fossiles entraînés à partir du
large vers la zone littorale ou resédimentations de fossiles à partir des prismes
précédemment déposés et ayant subi une érosion.
Le cortège transgressif s'achève par un horizon de condensation,
matérialisé par une accumulation des faunes (souvent des ammonites) ou des
couches glauconieuses et/ou phosphatées qui correspond à la surface
d'inondation maximale ou maximum transgressif.

* Le cortège de haut niveau marin


Au-dessus de la surface d'inondation maximale viennent les dépôts du
haut niveau marin. L'espace disponible étant suffisant sur la plate-forme côtière
et le taux de sédimentation élevé, en raison notamment de la reprise de l'influx
terrigène suite à la stabilisation de la remontée eustatique du niveau marin, les
paraséquences de dépôt deviennent progradantes vers le large. La surface de
base de progradation du cycle eustatique correspond ainsi au début de la
sédimentation du prisme de haut niveau.
Ce cortège peut être divisé en 3 prismes de dépôts :
* le haut niveau inférieur ou PHN1 : les paraséquences de dépôt
progradantes sont souvent de géométrie sigmoïdale. L'espace sédimentaire
étant encore important, les paraséquences sont relativement épaisses. Les
marnes constituent une part prépondérante des sédiments, renfermant des
fossiles plus dispersés que dans l'intervalle précédent, étant donné
l'augmentation du taux de sédimentation.
385

* Le haut niveau supérieur ou PHN2 : l'espace sédimentaire ayant


diminué sur la plate-forme suite au comblement progressif, les paraséquences
sont moins développées, la tendance vers une diminution de profondeur des
séquences est accentuée avec une évolution en granocroissance et strato-
croissance. Les sédiments carbonatés sont à tendance prédominante.
La base du haut niveau supérieur est soulignée par une des dernières
surfaces majeures d'inondation marine qui se traduit par une surface durcie.
Cette phase transgressive est facilitée par la morphologie reconstituée de la
plate-forme côtière après le dépôt du PHN1, aboutissant à l'individualisation
d'une vaste plate-forme horizontale. Les organismes fossiles contenus dans les
dépôts sont relativement rares.
* Le haut niveau subaérien ou PHNA : ce sont les sédiments
supratidaux ou continentaux qui constituent les équivalents latéraux du prisme
de haut niveau supérieur. Ils sont identiques du point de vue de leur
composition aux sédiments de bas niveau marin.

d) Les modèles carbonatés


Dans les bassins dominés par une sédimentation carbonatée, l'apport de
sédiments terrigènes est relativement faible. La production de sédiments
carbonatés dans la plate-forme est volumétriquement beaucoup plus importante
que celle du bassin qui résulte des organismes pélagiques.
La dynamique sédimentaire des systèmes carbonatés diffère notablement
de celle des systèmes silico-clastiques, surtout lors des phases de baisse du
niveau marin. Les dépôts de prisme de bas niveau et de bordure de plate-forme
constituent en effet des remplissages importants dans la plate-forme
continentale et se développent en rétrogradation vers le continent du fait de
l'absence de progradations côtières liées aux sédiments silico-clastiques. En
même temps que cette disposition transgressive, les prismes de bas niveau et de
bordure de plate-forme progradent vers le bassin. Toutefois la sédimentation de
bas niveau marin est caractérisée par une réduction de la production de
carbonates benthiques du fait de l'émersion d'une partie de la plate-forme. Les
dépôts carbonatés de faible profondeur dans la plate-forme continentale sont
d'abord d'énergie élevée, notamment des grainstones puis passent à des dépôts
wackestones et mudstones au fur et à mesure que le niveau marin remonte
(VAIL et al., 1991).

Les talus inclinés des plate-formes carbonatées favorisent une instabilité


des dépôts et des glissement synsédimentaires. C'est ainsi que se forment des
nappes étendues constituées de "débris flow". Ceux-ci sont constitués de grains
carbonatés en provenance de la plate-forme ou de fragments de calcaire récifal.
Dans le cas où une cimentation précoce est intervenue dans les dépôts de plate-
forme antérieurement aux glissements sur le talus, les dépôts résultant sont des
"mass flow" qui ont l'apparence de mégabrèches.
386

Dans le bassin des calcaires et marnes pélagiques relativement épais


s'accumulent du fait que le niveau de la surface de compensation du carbonate
de calcium (CCD) est abaissé durant les phases de bas niveau marin.
Au cours de l'intervalle transgressif et de la première partie du haut
niveau marin, les dépôts carbonatés rétrogradants constituent des
accumulations épaisses dans la plate-forme continentale du fait d'une
abondante production carbonatée et de la reconstitution d'une vaste plate-forme
marine dont une partie était antérieurement exondée. Des récifs se développent
vers la marge de la plate-forme. Par contre dans le bassin, du fait de l'arrêt des
apports terrigènes durant la transgression, les dépôts sont réduits
considérablement en épaisseur, et sont représentés par des calcaires pélagiques
admettant quelques intercalations de niveaux marneux. Sous la surface de
compensation du carbonate de calcium les dépôts sont constitués par des "black
shales". C'est la phase de "bassin affamé" (starved bassin) qui représente un
stade de ralentissement considérable de la sédimentation dans le bassin.
Le prisme de haut niveau marin comprend des dépôts qui comblent
progressivement la plate-forme. Parfois le comblement de la plate-forme ne se
réalise que dans sa partie interne, autorisant une sédimentation de marnes dans
la partie externe. Dans le bassin les dépôts sont peu importants dans le prisme
de haut niveau inférieur et s'épaississent progressivement dans le prisme de
haut niveau supérieur. Les cônes sous-marins profonds sont constitués de
débris carbonatés.

3. Les phénomènes cycliques en stratigraphie


Les phénomènes cycliques concernent différents domaines en
stratigraphie tel que l'évolution tectonique et orogénique, le volcanisme et le
magmatisme, les évolutions climatiques, biologiques et géochimiques, les
événements océaniques, etc… Les principales tendances évolutives et les cycles
ainsi décrits sont contrôlés par divers facteurs parmi lesquels :
- l'influence de la tectonique des plaques ;
- les tendances climatiques à long terme ;
- d'autres tendances dans la sédimentation.
EINSELE (1992) a récapitulé les principaux phénomènes cycliques qui
interviennent dans la sédimentation. Il distingue :
- les mégacycles liés à la tectonique des plaques ou mégacycles à long
terme ;
- les cycles de différents ordres de durée inférieure, qui sont des
cycles à court et moyen terme.
387

a) Les mégacycles à long terme (d'après EINSELE, 1992)


La tectonique des plaques entraîne la fragmentation de masses
continentales et l'ouverture d'océans puis à d'autres époques la convergence des
plaques continentales formées, la fermeture des océans qui les séparaient et
l'aggradation de nouveau vers des masses continentales.
L'intervalle de temps entre 2 périodes de fragmentation continentale qui
encadrent un processus d'aggradation continentale correspond à un cycle de
1er ordre. De tels cycles ont été reconnus à toutes les époques de l'histoire
géologique et ont une durée comprise entre 250 et 350 MA, ce sont notamment
le cycle paléozoïque et le cycle mésozoïque-cénozoïque. Dans les cycles les plus
jeunes des conséquences diverses résultent de cette évolution tectonique
(SHERIDAN, 1988 - EINSELE, 1992) :

- Durant les phases d'aggradation continentale et de faible taux


d'ouverture océanique, les rifts océaniques ont une activité ralentie et la
profondeur moyenne des océans augmente. Il en résulte une baisse du niveau
marin des océans.
- Au contraire au cours des phases d'expansion océanique rapide il y
a un développement de l'activité des rifts océaniques et du magmatisme associé.
Celui-ci a pour conséquence une diminution de l'espace océanique et donc une
remontée du niveau marin des océans.
Ainsi au cours du Crétacé moyen l'expansion océanique était rapide et
accompagnée par une activité magmatique océanique élevée. Il en est résulté
une élévation du niveau marin, maximum au cours des temps phanerozoïques,
qui devait se situer entre 200 et 250 m au-dessus du niveau marin actuel. Après
cette phase de haut niveau marin est intervenue, au Crétacé terminal et
Cénozoïque, une baisse lente du niveau marin provoquée par un ralentissement
de l'expansion océanique. Durant la phase de haut niveau marin du Crétacé
moyen l'influx terrigène global dans l'océan mondial était réduit, ce qui a
également favorisé le développement d'une sédimentation à dominante marno-
calcaire sur les marges continentales.
Une conséquence particulièrement importante également d'une expansion
océanique rapide et d'un volcanisme accru est l'augmentation de la quantité de
CO2 dans l'atmosphère, facteur essentiel de l'établissement d'un "état de serre"
favorable à un réchauffement climatique. Conjointement la surface des océans
étant augmentée par le relèvement du niveau marin, davantage d'énergie
solaire est captée à leur niveau contribuant à la réduction des gradients de
température entre les pôles et l'équateur, à l'établissement d'un climat plus
humide et à la réduction de la circulation thermohaline océanique. Celle-ci
détermine une plus faible oxygénation des eaux et favorise le développement
d'événements anoxiques qui entraînent le dépôt des blacks shales.
388

L'élargissement des zones couvertes par la végétation aux zones de haute


latitude permet également un apport accru de matière organique aux sédiments
(STEIN et al., 1989).

Lors des phases de ralentissement de l'expansion océanique, il se produit


des conséquences inverses de celles entraînées par une élévation du niveau
marin. Sur le plan climatique il en résulte les phases glaciaires majeures,
connues notamment à la fin du paléozoïque et au quaternaire.
Une synthèse de l'ensemble de ces phénomènes et des causes qui leur sont
associées est donnée dans la figure 3.7 (d'après EINSELE, 1992 et SHERIDAN, 1988).
En ce qui concerne l'influence des mégacycles liés à la tectonique des
plaques sur l'évolution biologique, elle n'a pas été établie, car l'essentiel des
facteurs à l'origine de cette évolution sont intrinsèques au monde vivant, ce sont
notamment l'évolution ponctuée des espèces, le phénomène des extinctions en
masse ainsi que des événements d'ordre divers (KAUFFMANN et WALLISER, 1990).
A ce sujet EINSELE (1992) penche pour une absence de corrélations entre les
cycles à long terme et l'évolution biologique, bien qu'il ne nie pas l'influence
possible de facteurs physiques dans celle-ci. On peut remarquer que, au moins
dans un cas, celui du renouvellement des grands groupes d'organismes
constructeurs au cours du Phanérozoïque, il n'est pas impossible que des
relations existent entre événements biologiques et l'influence climatique de
certaines phases des cycles à long terme (Fig. 3.8a). HECKEL (1974) a présenté un
diagramme qui montre l'existence de groupes variés d'organismes constructeurs
au cours du Phanérozoïque, répartis selon six phases d'évolution. Certains
groupes disparaissent aux limites du Paléozoïque inférieur, moyen et supérieur,
ainsi qu'au début et à la fin du Mésozoïque ; ce sont notamment les bryozoaires,
les tétracoralliaires et les rudistes. Les autres groupes tels que les éponges, les
algues vertes et les hydrozoaires disparaissent momentanément, ou se réduisent
en importance, pour réapparaître, ou se développer de nouveau beaucoup plus
tard. D'autres groupes semblent prendre leur relais et occuper leur place dans
l'espace écologique qui leur était réservé, ce sont par exemple les
hexacoralliaires et les algues rouges.
La cause de ces renouvellements des grands groupes d'organismes
constructeurs est, au moins pour certains d'entre eux, à rapprocher des phases
glaciaires qui interviennent lors des périodes de transition qui séparent ces
différentes époques. Les rudistes vers la fin du Crétacé ont connu une réduction
drastique de leur importance du fait probablement d'un refroidissement
climatique qui intervient dès le Sénonien. Les phases glaciaires ont pu
provoquer la disparition de certains groupes, non seulement du fait de leur
sensibilité particulière aux variations de température (cas des coralliaires), mais
également du fait des chutes du niveau marin qui ont du les accompagner et
entraîner d'importantes régressions sur les plate-formes continentales
défavorables aux bioconstructions (tendances émersives et reprise de l'influx
389
390
391

terrigène). On observe également que d'autres groupes parmi les invertébrés ont
connu une hausse significative des pourcentages d'extinction à la fin de
l'Ordovicien, et à la fin du Permien, tels les brachiopodes, les échinodermes, les
ammonoïdés et les bivalves (d'après NEWEIL in POMEROL et BABIN, 1977)
(Fig. 3.8b).
Ainsi ces évolutions biologiques paraissent en partie être en relation avec
les conséquences climatiques induites par les cycles à long terme et à moyen
terme également, puisque ces derniers, à l'échelle des sous systèmes, exercent
des effets climatiques similaires à ceux des cycles de 1er ordre.

b) Les cycles à moyen terme


Ce sont les cycles de 2ème ordre qui sont superimposés aux cycles de 1er
ordre (Fig. 3.9).
D'après VAIL et al. (1991) les bassins sédimentaires connaissent au cours de
leur durée de vie, équivalente à celle des mégacycles à long terme, des étapes
dominées par des phénomènes de distension puis de compression, qui
entraînent des variations progressives de leur taux de subsidence. Celles-ci
conduisent à des élévations ou des baisses du niveau de la mer et produisent
des cycles majeurs d'évolution transgressive puis régressive. Ces cycles
contrôlés tectoniquement, qui durent des dizaines de millions d'années seraient
les cycles de 2ème ordre. On note que SHERIDAN (1988) avait distingué des cycles
de "1er ordre" dont la durée comprise entre 60 et 80 MA correspond en fait à
celle des cycles de 2ème ordre au sens de SLOSS (1963) et PLINT et al. (198 )
(Fig. 3.10a).
Ces cycles seraient contrôlés par des phases d'expansion océanique rapide
et des phases d'expansion océanique lente, conduisant à des périodes de haut
niveau et de bas niveau marin (Fig. 3.7b-c). Cette conception est également celle
qui avait été admise par HALLAM (1963) et SOARES et al. (1978) qui ont effectué des
corrélations de ces cycles entre plusieurs continents.
ont défini dans leur charte des cycles de 1er ordre d'une
HAQ et al. (1988)
durée de 100 MA en moyenne (SAUK et ZUNI) qui correspondent en fait aux
séquences de dépôt définies en Amérique au Nord par SLOSS (Fig. 3.10a).
Ils distinguent par ailleurs des cycles de 2ème ordre de durée de quelques
millions d'années. Ce découpage en cycle repose en fait essentiellement sur les
chutes du niveau marin qualifiées "d'importantes" (supérieures à 50 m) et est
basé principalement sur la courbe d'aggradation côtière, en ne retenant pas
comme critère essentiel le caractère transgressif-régressif.
C'est ainsi qu'ils distinguent au Crétacé supérieur 3ème cycles de 2ème
ordre :
392
393
394

- UZA2 : Albien supérieur à Turonien supérieur ;


- UZA3 : Turonien supérieur à Campanien inférieur ;
- UZA4 : Campanien inférieur à Maastrichtien supérieur.
En fait ce découpage qui repose sur l'amplitude des chutes du niveau
marin est relativement incertain sachant la difficulté d'estimer l'importance de
celles-ci (CHRISTIE - BLICK et al., 1990).
VAIL et al. (1991) proposent un découpage en cycles de 2ème ordre en
adéquation avec les courbes de subsidence générales. Ils reconnaissent
notamment un cycle de 2ème ordre transgressif-régressif qui correspond
globalement au Crétacé supérieur. On tentera dans les conclusions de ce
chapitre d'effectuer une critique de ces différentes conceptions concernant la
classification des cycles sédimentaires.

c) Les mégacycles à court terme


Ils comprennent les cycles de 3ème ordre, de 4ème ordre et de 5ème ordre.

* Les cycles de 3ème ordre


Ces cycles dont une représentation est donnée dans la courbe d'Exxon
(HAQ et al., 1988) (Fig. 3.10b) ont une durée comprise entre 1 et 10 MA, et le plus
souvent cette durée ne dépasse pas 3 MA.
Ces cycles qui sont connus à toutes les époques du Phanérozoïque seraient
corrélables à l'échelle du globe, d'après VAIL et al. (1977 a ; b) et HAQ et al. (1988).
Cependant la durée de ces cycles est dans de nombreux cas inférieure à la limite
de résolution biostratigraphique et il n'est pas possible de déterminer avec
précision l'âge des limites de ces cycles pour pouvoir confirmer ou infirmer leur
synchronisme. Par ailleurs les facteurs de contrôle de ces cycles sont
controversés et leur origine demeure problématique. WALKER (1984 a) donne un
résumé des principales interprétations de ces cycles. HAQ et al. (1988) et VAIL et al.
(1977) attribuent le contrôle des cycles de 3ème ordre aux variations du volume
de l'eau des océans sous la dépendance de glaciations périodiques.
Cependant d'après WALKER la croissance et la décroissance du volume des
nappes glaciaires ne nécessite que des durées de l'ordre de 10 000 ans et il est
difficile d'admettre que ces phénomènes se produisent à l'échelle du million
d'années.
D'autres auteurs ont proposé des explications d'ordre tectonique dans le
contrôle des cycles de 3ème ordre :
- KAUFFMAN (1984) établit une correspondance des transgressions et
régressions des cycles de 3ème ordre avec les variations de rythme de
l'expansion océanique.
395

- LOETINGH (1988) a émis l'hypothèse que les changements


épisodiques dans le champ de contraintes des plaques lithosphériques
pourraient avoir une influence importante dans la genèse de ces cycles de 3ème
ordre.
Ces changements se traduiraient par des soulèvements ou des
affaissements des plaques à l'échelle du million d'années, qui provoqueraient les
transgressions et régressions dans les bassins sédimentaires.
- CATHLES et HALLAM (1991) rapportent aux changements de
contraintes horizontales dans les plaques, l'apparition de variations de densité
en leur sein, qui créeraient des compensations isostatiques de quelques mètres.
Toutefois la cause de ces fréquents changements de contraintes reste
inexpliquée dans cette théorie.
- MORNER (1981 - 1987) a avancé l'idée d'un eustatisme lié à des
irrégularités dans le champ gravitationnel de la Terre qui provoqueraient des
déformations de la surface des océans et leur migration périodique. Il y aurait
en conséquence des variations du niveau de la mer qui seraient diachrones sur
les bordures continentales. DEVOY (1987 b) a infirmé cette hypothèse en arguant
que les changements du champ gravitationnel reflètent probablement des
phénomènes de convection dans le manteau qui sont extrêmement lents. De
plus, CHRISTIE - BLICK et al. (1990) ont mis l'accent sur le fait que les changements
du géoïde affectent non seulement les océans mais également, à l'échelle des
temps géologiques, la terre solide. L'eustatisme géoïdal affecte ainsi en même
temps les océans et leur substratum et ne serait donc pas en mesure de produire
des changements dans les niveaux marins relatifs.
- SABADINI et al. (1990) ont émis l'idée que les variations dans la force
centrifuge causées par la dérive à long terme de l'axe de rotation de la Terre
produit des fluctuations du niveau marin qui sont asynchrones entre les
2 hémisphères. Ces variations du niveau marin correspondraient aux cycles de
3ème ordre. La dérive des pôles résulte de variations peu comprises dans la
structures et la viscosité du manteau.
Ainsi la résolution du problème de l'origine des mécanismes responsables
des cycles de 3ème ordre, est dépendante, non seulement de l'amélioration de
nos connaissances concernant les corrélations de ces cycles à l'échelle de
différents continents, mais aussi de l'élaboration de modèles géophysiques de la
Terre plus précis.

* Les cycles de 4ème ordre


Ces cycles sont bien connus dans de nombreuses régions du monde. Les
cycles de 4ème ordre ont une durée comprise entre 200 KA et 500 KA, alors que
les cycles de 5ème ordre ont une durée plus courte variant entre 10 KA et
200 KA.
396

Ces cycles sont expliqués par des changements périodiques du climat de la


Terre sous l'effet de perturbations astronomiques mises en évidence par
MILANKOVITCH (1941). Cette théorie explique les phases de glaciations du
Quaternaire par une fluctuation dans la distribution saisonnière des radiations
solaires qui arrivent sur la terre. Cette fluctuation est produite par 3 rythmes
orbitaux de la Terre :
- l'excentricité de l'orbite terrestre (95 KA),
- les variations dans l'obliquité de l'axe de rotation de la terre (41 KA),
- enfin la précession des équinoxes (21 KA).
Les cycles de 4ème ordre seraient produits par l'excentricité de l'orbite
terrestre, alors que les cycles de 5ème ordre résulteraient des 2 autres rythmes
orbitaux de la Terre.
Les mécanismes à l'origine de ce contrôle sont les variations du niveau
marin sous l'effet de la croissance ou de la décroissance des nappes glaciaires
polaires induites par la diminution ou l'augmentation de la durée de la saison
estivale.
L'extrapolation de ces cycles de MILANKOVITCH aux périodes géologiques
antérieures au Quaternaire pose toutefois des problèmes liés à leur stabilité au
cours des temps géologiques mise en doute par certains auteurs. Quand bien
même on retient l'hypothèse la plus probable de leur permanence dans l'histoire
de la Terre, il est certain que de nombreuses variables du modèle de
MILANKOVITCH ont du varier, notamment la répartition des continents et des
océans, la configuration des nappes glaciaires, etc…
Plus important est le problème de l'existence de glaciations à certaines
époques de la Terre, notamment depuis le Trias jusqu'au début du Tertiaire,
époque dont nous n'avons aucune preuve directe de manifestations glaciaires.
Toutefois l'enregistrement par les séries sédimentaires de variations régulières
du niveau de la mer ayant la périodicité des cycles de MILANKOVITCH est
prouvée dans de nombreuses parties du monde (FISCHER, 1986 ; KEMPER, 1987).
Le contrôle climatique de ces cycles étant probable, il n'est cependant pas
nécessaire d'admettre la permanence de nappes glaciaires continentales pour
produire les variations du niveau marin. D'autres mécanismes peuvent avoir
joué un rôle tels que des variations dans le volume des eaux souterraines
stockées dans les continents qui seraient en mesure de produire des variations
eustatiques de l'ordre de 10 m à 20 m sur des périodes de 10 KA à 100 KA (HAY
et LESLIES, 1990).
397

En ce qui concerne les cycles de 4ème ordre ils sont interprétés dans le
cadre de la stratigraphie séquentielle (POSAMENTIER et al., 1988) en tant que
paraséquences produites par des phases de montée eustatique suivies par des
phases de ralentissement sans qu'il y ait chute relative du niveau marin.
Une nouvelle conception (MITCHUM et VAN WAGONER (1991) et PLINT (1991))
de ces cycles de 4ème ordre admet leur mise en place par les mêmes processus
de montée relative puis de chute du niveau marin que ceux des cycles d'ordre
inférieur (notamment les cycles de 3ème ordre) et donc remet en question la
notion de paraséquence concernant les cycles de 4ème ordre. Il reste à savoir si
ces séquences, si elles sont reconnues en tant que telles dans d'autres régions de
la Terre, sont effectivement synchrones comme le nécessiterait leur contrôle
eustatique.

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